Le Quotidien du 22 avril 2025 : Fiscalité internationale

[Questions à...] Déclaration des comptes bancaires, comptes d’assurance-vie et d’actifs numériques à l’étranger - Questions à Thomas Gallice, Avocat

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le 17 Avril 2025

Mots-clés : compte bancaire • assurance-vie • actifs numériques • contribuable • résident

Détenir un compte bancaire, un compte d’assurance-vie ou un compte d’actifs numériques à l’étranger implique des obligations fiscales strictes pour les résidents fiscaux français. Lexbase a interrogé Thomas Gallice afin de faire le point sur les règles de déclaration, les risques en cas d’oubli et les bons réflexes à adopter pour éviter les sanctions.


 

Lexbase : Quelles sont les obligations fiscales de déclaration de comptes bancaires à l'étranger ?

Thomas Gallice : Toute personne domiciliée fiscalement en France, qu’il s’agisse d’une personne physique, d’une association ou d’une société dépourvue de forme commerciale, est tenue de déclarer, chaque année, les comptes bancaires qu’elle détient, utilise ou clôt à l’étranger. Cette obligation déclarative régie par l’article 1649 A du Code général des impôts N° Lexbase : L8953MCL vise aussi bien les comptes à usage personnel que professionnel, et qu’ils soient détenus à titre individuel, en indivision, ou par procuration.

Un compte est considéré comme utilisé dès lors qu’une opération de crédit ou de débit y est effectuée, même par une personne n’en étant pas formellement titulaire. Cette obligation s’applique à tous les établissements – banques, notaires, plateformes en ligne – qui reçoivent habituellement en dépôt des fonds ou des valeurs.

Il existe cependant une exception pour les comptes à l’étranger dédiés à des « des paiements d'achats ou des encaissements afférents à des ventes de biens », à condition qu’ils soient adossés à un compte en France et que le total des encaissements n’excède pas 10 000 euros par an. Cela vise notamment les portefeuilles de paiement de type PayPal.

Lexbase : Quelles sont les sanctions en cas de non-déclaration des comptes bancaires à l'étranger ?

Thomas Gallice : Elles sont multiples et, surtout, cumulatives.

Tout d’abord, en cas d’omission ou d’inexactitude dans la déclaration, une amende forfaitaire de 1 500 euros par compte et par année est prévue. Elle est portée à 10 000 euros si le compte est situé dans un État ou territoire non coopératif au sens de la coopération fiscale internationale. Cette amende est soumise à la prescription de quatre années de l’article L. 188 du Livre des procédures fiscales N° Lexbase : L3941ALK, donc plafonnée à 6 000 euros par compte.

Ensuite, si des avoirs ont été omis volontairement et que cela donne lieu à un redressement, une majoration de 80 % des droits est appliquée. Et lorsque les avoirs ne sont pas fiscalisés, ils sont présumés constituer un revenu imposable, sauf preuve contraire, ce qui entraîne une taxation d’office avec une majoration de 40 % et des intérêts de retard.

Enfin, il ne faut pas oublier que l’administration bénéficie, en cas de défaut de déclaration, d’un délai de reprise étendu à dix ans ce qui fait partie des plus gros délais de reprise et qui démontre l’importance de cette déclaration aux yeux du fisc.

Enfin, lorsqu’un compte non déclaré est identifié, l’administration peut exiger la communication de l’origine et de l’historique des avoirs sur dix années, sous peine d’une taxation à 60 % comme s’il s’agissait d’une donation déguisée.

Il n’est donc pas forcément simple de s’y retrouver pour un particulier et de savoir concrètement ce qu’il risque.

Lexbase : Comment les autorités fiscales contrôlent-elles la déclaration des comptes bancaires à l'étranger ? (coopération)

Thomas Gallice : Depuis l’entrée en vigueur des mécanismes d’échange automatique d’informations, les administrations fiscales disposent d’un outil redoutablement efficace. La France reçoit chaque année, de la part de plus de cent juridictions partenaires, les informations sur les comptes bancaires détenus à l’étranger par ses résidents fiscaux.

Au-delà de cette coopération internationale, l’administration peut, sur le fondement de l’article L. 23 C du Livre des procédures fiscales N° Lexbase : L6018M8E, adresser une demande d’informations à un contribuable n’ayant jamais déclaré de compte à l’étranger. Il dispose alors de 60 jours pour répondre, faute de quoi les avoirs sont réputés d’origine occulte et taxés à 60 %.

Ce délai est particulièrement court au regard de la quantité d’informations à fournir et peut réellement vous mettre en difficulté. Je pense à une affaire récente dans laquelle une cliente s’est retrouvée dans une situation très délicate.

L’administration lui a notifié qu’elle avait connaissance d’un compte bancaire à l’étranger, et lui demandait sous 60 jours les relevés bancaires sur dix années… Sauf que ce compte était au nom de sa mère qui était très âgée, et qui lui avait simplement donné procuration. Elle n’avait donc que très peu d’informations sur ce compte et a été particulièrement surprise par cette demande.

La cliente a ainsi dû correspondre avec un établissement bancaire étranger dans l’urgence et le tout sans maîtriser la langue locale pour un compte qui n’était pas réellement le sien et dont elle n’avait aucune connaissance de l’historique… Pour la petite histoire, l’établissement était portugais et répondait avec lenteur et uniquement en portugais, rendant la situation extrêmement difficile à gérer dans les délais restreints fixés par l’article L. 23C.

Lexbase : Les contrats d'assurance-vie / comptes de cryptomonnaie souscrits à l'étranger sont-ils soumis aux mêmes obligations ? 

Thomas Gallice : Oui, et c’est d’ailleurs un point essentiel. Les contrats d’assurance-vie souscrits auprès d’un organisme étranger doivent être déclarés, y compris lorsqu’ils sont modifiés ou rachetés partiellement. Cela vaut aussi pour les contrats de capitalisation et les placements de même nature.

Cette obligation concerne tant la souscription que tout avenant ou remboursement survenu au cours de l’année précédente. C’est une obligation déclarative assez méconnue mais qui est sanctionnée par les mêmes pénalités et amendes que celles des comptes de dépôt à l’étranger plus classiques.

De la même manière, les comptes d’actifs numériques (cryptomonnaies, stablecoins, etc.) ouverts, utilisés ou clos auprès de plateformes étrangères doivent faire l’objet d’une déclaration spécifique. Là encore, il suffit d’une opération pour que l’obligation déclarative soit déclenchée. Le contribuable est présumé titulaire dès lors qu’il a la qualité de bénéficiaire économique ou d’ayant droit économique.

La difficulté avec ce type de compte c’est souvent d’obtenir les informations à déclarer car toutes les plateformes ne sont pas harmonisées !

Lexbase : Quels conseils donneriez-vous à un contribuable qui n’a pas encore déclaré ses comptes bancaires ou ses assurances-vie à l'étranger ?

Thomas Gallice : D’abord, de ne pas paniquer. Il est encore temps de régulariser, et cette démarche est relativement simple dans les cas standards. La déclaration peut se faire en ligne au moment de la campagne déclarative, et une fois faite une première fois, elle est automatiquement reprise les années suivantes en cochant simplement une case.

À l’ère des néo-banques et des plateformes de cryptomonnaies, il est fréquent qu’un contribuable oublie qu’il détient un compte à l’étranger. Le danger, c’est l’inertie : ne rien faire, c’est prendre le risque de subir les lourdes sanctions évoquées avec des délais particulièrement contraints ! Je recommande donc vivement de procéder à la régularisation, en toute transparence, d’autant plus que l’administration est assez compréhensive lorsqu’il s’agit d’un simple oubli lié à ces nouveaux comptes en ligne.

D’une manière plus générale, mieux vaut déclarer un compte que de devoir, dans l’urgence, retrouver des relevés étrangers sur dix ans, dans une langue qu’on ne parle pas, et pour un compte que l’on ne pensait même pas devoir déclarer. Cela arrive plus souvent qu’on ne le croit…

Pour les situations plus complexes – héritage de comptes non déclarés, montants importants, titulaires multiples – il est préférable de consulter un avocat afin de construire une stratégie adaptée, à la fois techniquement rigoureuse et pragmatique, ce que nous faisons régulièrement au cabinet.

En résumé : ne rien faire c’est s’exposer. Déclarer, c’est se protéger.

*Propos recueillis par Marie-Claire Sgarra, Rédactrice en chef de Lexbase Fiscal

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