Le Quotidien du 10 avril 2025 : Construction

[Dépêches] De l'appréciation des conditions de la présomption de réception tacite

Réf. : Cass. civ. 3, 20 mars 2025, n° 23-20.475, F-D N° Lexbase : A70170BI

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N2074B39

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J AVOCATS, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 09 Avril 2025

La réception tacite peut être prononcée même si l’ouvrage est inachevé.
Mais il reste requis la démonstration de la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage.

Il serait, sans doute, temps d’intervenir pour mettre un terme à cette création prétorienne qui est la réception tacite. La multiplicité des contentieux, jusqu’en cassation, est bien la preuve de l’inefficacité du régime mis en place, sans même évoquer l’absence de sécurité juridique consécutive. Devoir aller jusqu’en cassation pour savoir si un ouvrage est réceptionné n’est pas satisfaisant. C’est d’ailleurs pour cette raison que le législateur a souhaité y mettre un terme. L’article 1792-6 du Code civil N° Lexbase : L1926ABX ne prévoit pas la réception tacite. Seules les réceptions expresses et judiciaires sont possibles. La jurisprudence, tant administrative que judiciaire, a toutefois résisté.

Le régime de la réception tacite est trop compliqué. Doit être caractérisée la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage. Si cette volonté est caractérisée, il y a réception tacite mais si, au contraire, est caractérisée la volonté non équivoque de ne pas recevoir l’ouvrage, il n’y a pas de réception tacite possible. L’approche paraît simple mais cela est loin d’être le cas, même depuis l’instauration de la présomption de réception tacite.

Sont ainsi insuffisants, pris isolément, à caractériser une réception tacite, la prise de possession des lieux (Cass. civ. 1, 4 octobre 2000, n° 97-20990, publié au bulletin N° Lexbase : A7732AHT), le paiement du prix (Cass. civ. 3, 30 septembre 1998, n° 96-17014, publié au bulletin N° Lexbase : A5487AC9), la signature d’une déclaration d’achèvement des travaux et d’un certificat de conformité (Cass. civ. 3, 11 mai 2000, n° 98-21.431, inédit au bulletin N° Lexbase : A4667CRB), des difficultés financières (CA Metz, 12 mars 2003), l’achèvement de l’ouvrage (Cass. civ. 3, 25 janvier 2011, n° 10-30.617, F-D N° Lexbase : A8600GQL), la succession d’une entreprise à une autre (Cass. civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-17.129, FS-P+B N° Lexbase : A0851RQL), le paiement du solde dû à l’entreprise (Cass. civ. 3, 22 juin 1994, n° 90-11.774 N° Lexbase : A6284ABD), surtout lorsque des réserves importantes sont émises par le maître d’ouvrage (Cass. civ. 3, 10 juillet 1991, n° 89-21825, publié au bulletin N° Lexbase : A2841ABT).

Mais, a contrario, si le maître d’ouvrage manifeste, au contraire, sa volonté non équivoque de ne pas recevoir les travaux, cela fait obstacle à toute caractérisation de la réception tacite. La solution, posée par un arrêt de ce 13 juillet 2016 (Cass. civ. 3, 13 juillet 2016, n° 15-17.208, FS-P+B+R N° Lexbase : A2071RXY).

Et l’affaire peut encore se compliquer lorsque l’on sait que la réception n’implique pas l’achèvement des travaux. Autrement dit, il est possible de réceptionner un chantier abandonné. La présente décision est l’occasion de le rappeler.

Un maître d’ouvrage confie à une entreprise des travaux de construction de logements. Il confie la construction d’une piscine à une autre entreprise. Des travaux ont été facturés et payés. Se plaignant de malfaçons, le maître d’ouvrage assigne les constructeurs et leurs assureurs.

La cour d’appel de Bourges, dans un arrêt du 8 juin 2023 (CA Bourges, 8 juin 2023, n° 22/00476 N° Lexbase : A68039ZY), rejette les demandes de réception judiciaire et tacite. Le maître d’ouvrage forme un pourvoi qui entraîne la cassation de l’arrêt. Pour écarter l’existence d’une présomption de réception tacite des ouvrages, l’arrêt énonce qu’une telle réception est conditionnée par l’existence d’une volonté non équivoque de la part du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage et que cette preuve n’était pas rapportée.

La Haute juridiction estime que les juges du fond auraient dû rechercher si la prise de possession des ouvrages et le paiement du montant des travaux réalisés ne laissaient pas présumer la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage en l’état.

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