Réf. : Cass. civ. 3, 27 février 2025, n° 23-14.697, FS-B N° Lexbase : A44336Z9
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N1937B37
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par Martine Dagneaux, Conseiller honoraire à la Cour de cassation
le 01 Avril 2025
Mots-clés : syndic • annulation du mandat • honoraires • restitution
En cas d’annulation de la décision d'assemblée générale ayant désigné un syndic, les honoraires perçus par celui-ci doivent être restitués au syndicat des copropriétaires.
Dans cet arrêt destiné à être publié, la Cour de cassation rappelle une nouvelle fois qu’en cas d’annulation de la décision d'assemblée générale ayant désigné le syndic, les honoraires perçus par celui-ci doivent être restitués au syndicat des copropriétaires.
Ce n’est, en effet, pas la première fois que la Cour de cassation se penche sur cette épineuse question de la rémunération du syndic qui a accompli un certain nombre de prestations avant que sa désignation soit annulée.
En l’espèce, l'assemblée générale ayant désigné le syndic avait été annulée. En conséquence la désignation du syndic était elle-même annulée. Une copropriétaire, qui contestait son décompte de charges individuel, comme l'article 45-1 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5548IGL le lui permet, quand bien même les comptes de la copropriété avaient été approuvés, ce que rappelle la Cour de cassation dans sa réponse au premier moyen, soutenait que le syndic ne pouvait de ce fait prétendre à aucune rémunération et qu’il devait rembourser les honoraires perçus. Le jugement du tribunal judiciaire de Paris, statuant en dernier ressort, n’avait pas admis cette thèse, d’où le pourvoi de cette copropriétaire.
L’article 29 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5520IGK (et non de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 comme indiqué par erreur par la Cour de cassation dans son arrêt) prévoit que « Le contrat de mandat de syndic fixe sa durée et précise les dates calendaires de prise d’effet et d’échéance, ainsi que les éléments de détermination de la rémunération du syndic » (…)
Il en résulte que les honoraires du syndic sont nécessairement fixés lors de la désignation de celui-ci, ce que la Cour de cassation rappelle au visa des articles 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 N° Lexbase : L7536AIX et 66, alinéa 2, du décret n° 72-678 relatifs aux conditions de rémunération des agents immobiliers et syndics N° Lexbase : L8042AIP, et ce qu’elle avait maintes fois retenu (Cass. civ. 3, 12 juin 1991, n° 89-19.170 N° Lexbase : A4639ACS ; Cass. civ. 3, 27 mars 2008, onze arrêts : n° 07-10.191 FS+P+B N° Lexbase : A6069D7W ; n° 07-10.192, FS-D N° Lexbase : A6070D7X ; n° 07-10.193, FS-D N° Lexbase : A6071D7Y ; n° 07-10.194, FS-D N° Lexbase : A6072D7Z ; n° 07-10.195, FS-D N° Lexbase : A6073D73 ; n° 07-10.196, FS-D N° Lexbase : A6074D74 ; n° 07-10.197, FS-D N° Lexbase : A6075D77 ; n° 07-10.200, FS-D N° Lexbase : A6076D78 ; n° 07-10.201, FS-D N° Lexbase : A6076D78 ; n° 07-10.203, FS-D N° Lexbase : A6078D7A ; n° 07-10.204, FS-D N° Lexbase : A6079D7B ; Cass. civ. 3, 27 mars 2008, n° 06-21.728, FS+P+B N° Lexbase : A6038D7R ; Cass. civ. 3, 27 mars 2008 n° 06-21.648, FS-D N° Lexbase : A6037D7Q).
La Cour de cassation n’a cependant pas toujours considéré que lorsque son mandat est annulé, le syndic doit restituer les honoraires qu’il a perçus. En effet, dans un arrêt du 20 janvier 1999 (Cass. civ. 3, 20 janvier 1999, n° 97-14.747 N° Lexbase : A4080CXE) elle avait approuvé une cour d'appel qui avait retenu, alors que le mandat du syndic avait été annulé pour irrégularité de sa désignation initiale, que rien n'empêchait de considérer ses comptes comme admissibles et le paiement de ses honoraires comme reposant sur un juste fondement.
Mais dès 2011, dans une série d’arrêts statuant sur les décisions des cours d'appel saisies sur renvoi après cassation par les arrêts précités du 27 mars 2008, la Cour de cassation a affirmé que dès lors que la rémunération du syndic n’avait pas fait l'objet d'un écrit et qu'aucun des procès-verbaux ne faisait mention d'une décision d'assemblée générale du syndicat des copropriétaires prévoyant la rémunération du syndic préalablement à l'accomplissement de sa mission, ce syndic devait rembourser le montant des honoraires qu’il avait perçus (Cass. civ. 3, 8 juin 2011 n° 09-71.214, FS-D N° Lexbase : A4995HT8 ; n° 09-71.215, FS-D N° Lexbase : A4996HT9 ; n° 09-71.216, FS-D, N° Lexbase : A4997HTA ; n° 09-71.217, FS-D N° Lexbase : A4998HTB ; n° 09-71.218, FS-D N° Lexbase : A4999HTC ; n° 09-71.219 FS-D N° Lexbase : A5000HTD ; n°09-71.220, FS-D N° Lexbase : A5001HTE ; n° 09-71.221, FS-D N° Lexbase : A5002HTG ; n° 09-71.222, FS-D N° Lexbase : A5003HTH ; n° 09-71.223, FS-D N° Lexbase : A5004HTI ; n° 09-71.224, FS-D N° Lexbase : A5005HTK ; n° 09-71.225, FS-D N° Lexbase : A5006HTL ; n° 09-71.226, FS-D N° Lexbase : A5007HTM ; Cass. civ. 3, 19 octobre 2011 n° 10-20.019, 10-21.099, 10-21.505, FS-D N° Lexbase : A8755HYW).
La Cour de cassation a, par ailleurs, précisé que l’irrégularité de la perception d’honoraires se prescrivait par trente ans en application de l’article 2262 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° du 17 juin 2008 et que le syndic ne pouvait prétendre à une compensation au titre des prestations dont avait bénéficié le syndicat (Cass. civ. 3, 11 décembre 2012 n° 10-27.909, 10-28.711, F-D N° Lexbase : A1071IZP).
Il a même été décidé que l'assemblée générale ne peut se reconnaître a posteriori débitrice du montant des rémunérations qu'elle a effectivement versées en exécution d’un contrat de syndic annulé, car puisque le syndic professionnel ne peut demander ni recevoir, directement ou indirectement, d'autres rémunérations, à l'occasion des opérations de gestion immobilière, que celles dont les conditions sont précisées dans sa désignation ou dans un mandat écrit préalable, l'assemblée générale ne peut prendre une décision contraire à une disposition d’ordre public régissant la copropriété (Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-23.898, FS+P+B N° Lexbase : A9437N3W).
Et même si le syndicat connaît le caractère indu du paiement des honoraires au syndic en raison des l’irrégularité des décisions par lesquelles il a été désigné, ultérieurement annulées, il peut exercer une action en répétition de l’indu (Cass. civ. 3, 28 mars 2019 n° 17-26.128, F-D N° Lexbase : A7342Y73).
Cependant, dans une formulation subtile, la Cour de cassation a jugé que bien que l'assemblée générale, convoquée par un syndic dont le mandat était nul, faute d’ouverture d’un compte bancaire séparé au nom du syndicat, ait été annulée, la cour d'appel qui avait relevé qu’il n'en demeurait pas moins que le syndic avait accompli des actes de gestion permettant au syndicat des copropriétaires de payer les factures et de faire les appels de fonds, n’avait pas jugé que le syndic pouvait percevoir une rémunération au titre de son mandat annulé et en avait souverainement déduit que les copropriétaires, qui sollicitaient l’indemnisation du préjudice subi du fait de cette annulation, devaient être déboutés faute de justifier de ce préjudice (Cass. civ. 3, 13 septembre 2018 n°17-19.450, F-D N° Lexbase : A7725X4U).
La solution retenue par l'arrêt commenté est donc dans la continuité de la jurisprudence récente.
Pour autant le syndic dont le mandat est annulé est-il privé de toute indemnisation ?
Le syndic pourrait, pour obtenir une indemnisation, invoquer le principe de restitutions réciproques des prestations lors de l’annulation d’un contrat synallagmatique, comme l’a admis la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 16 janvier 2013 n° 11-28.022, F-D N° Lexbase : A4786I3N). En effet, saisie d’une demande de restitution des honoraires du syndic dont le mandat avait été annulé, cette chambre avait retenu que « la nullité d'un mandat exécuté entraîne des restitutions réciproques et que la partie qui a bénéficié d'une prestation en nature qu'elle ne peut restituer, doit s'acquitter d'une indemnité équivalente ».
Dans la présente espèce, le syndic peut-il encore faire cette demande alors qu’il ne l’a pas présentée dans l’instance en restitution de ses honoraires ? La troisième chambre civile de la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi contre un arrêt ayant déclaré irrecevable la demande d’un syndic en fixation de ses honoraires sur le fondement des articles 1986 et 1999 du Code civil et, subsidiairement, de la gestion d'affaires ou de l'enrichissement sans cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts précités du 8 juin 2011 (Cass. civ. 3, 24 octobre 2019 n° 18-20.373, F-D N° Lexbase : A6478ZSQ), a, dans un arrêt purement procédural sur l’autorité de chose jugée et la concentration des demandes, estimé le syndic n'était pas tenu de présenter dès l'instance initiale une demande reconventionnelle en paiement des sommes qui lui seraient dues si la restitution des honoraires était ordonnée et que le syndic n’invoquait pas un nouveau moyen à l’appui d’une demande mais formait une nouvelle demande. Cependant, sur renvoi, la cour d'appel de Lyon, qui n’était saisie que de demandes au titre de la gestion d’affaires et de l’enrichissement sans cause, et pas de demande de restitutions réciproques, a, dans un arrêt du 15 septembre 2020 (CA Lyon, 15 septembre 2020, n° 19/08925 N° Lexbase : A72053TZ), débouté le syndic de sa demande.
Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation n’était pas saisie d’une telle demande du syndic d’indemnisation pour les prestations fournies et ne s’est donc pas prononcée sur la possibilité d’une telle indemnisation.
À retenir. Le syndic dont le mandat est annulé doit s’attendre à devoir rembourser le syndicat des copropriétaires des honoraires qu’il a perçus, mais le principe de restitutions réciproques lors de l’annulation d’un contrat synallagmatique pourrait lui permettre d’obtenir une indemnisation pour les prestations que le syndicat des copropriétaires ne peut lui restituer.
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