Réf. : Cass. com., 5 février 2025, n° 23-16.749, F-B N° Lexbase : A60566TH
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N1749B38
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par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences HDR, Université de Strasbourg
le 05 Mars 2025
Mots-clés : crédit-bail • contrat de maintenance • contrats interdépendants • résiliation • caducité
Il résulte de l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que lorsqu’un contrat de crédit-bail et un contrat de maintenance sont interdépendants, la résiliation du second entraîne, à la date à laquelle elle produit ses effets, la caducité du premier.
L'opération de crédit-bail, dite aussi « leasing », est assimilée par l’article L. 313-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier N° Lexbase : L9234DYN à une opération de crédit. Il s’agit d’une technique de financement d’origine anglo-saxonne introduite en France dans les années soixante. Plus concrètement, c’est l'opération par laquelle un établissement de crédit ou une société de financement, le crédit-bailleur, acquiert auprès d'un fournisseur, à la demande d'un client, le crédit-preneur, la propriété d'un bien qui est donné à bail à ce client pendant une certaine période à l'issue de laquelle il disposera d'une option lui conférant la faculté, soit de restituer le bien au crédit-bailleur, soit de l'acheter moyennant le paiement d'un prix résiduel, soit de reprendre la location durant une certaine période.
Le régime juridique du crédit-bail, qui figure aux articles L. 313-7 N° Lexbase : L7976HBZ et suivants du Code monétaire et financier, donne parfois lieu à des précisons de la part de la Cour de cassation.
On se souvient notamment que, par un arrêt remarqué rendu en Chambre mixte le 13 avril 2018 (Cass., ch. mixte, 13 avril 2018, n° 16-21.345, P+B+R+I N° Lexbase : A8036XKT, D. Houtcieff, Lexbase Droit privé, 2018 N° Lexbase : N4221BXM) elle est venue indiquer que la résolution du contrat de vente doit entraîner la caducité, à la date d’effet de la résolution, du contrat de crédit-bail. Ce revirement de jurisprudence a alors eu des conséquences pratiques. En effet, depuis lors, dans un tel cas de figure, le crédit-bailleur se voit tenu de restituer au crédit-preneur les loyers perçus en exécution du contrat de crédit-bail. De même, ce crédit-bailleur ne peut plus se prévaloir des clauses prévues en cas de résiliation du contrat.
Une nouvelle précision nous est donnée par la décision sélectionnée.
En l’espèce, le 26 juin 2014, la société E., avait conclu avec la société L. un contrat de crédit-bail portant sur du matériel d’éclairage destiné à réaliser des économies d’énergie, fournis et installés par la société H. Le même jour, la société E. avait conclu avec la société H. un contrat intitulé « contrat d'éclairage économique. Garanties maintenance et service » d’une durée de dix ans.
Cependant, la société H. avait été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 26 avril et 21 novembre 2017. Par une ordonnance du 21 mars 2019, le juge-commissaire avait constaté la résiliation du contrat conclu avec la société E. à la date du 21 novembre 2017.
Le 14 juin 2019, soutenant que les contrats de crédit-bail et de maintenance étaient interdépendants, la société E. avait assigné la société L. et le liquidateur de la société H. pour voir constater la caducité du contrat de crédit-bail et obtenir le remboursement de loyers.
La cour d’appel de Lyon ayant, par une décision du 9 mars 2023 (CA Lyon, 9 mars 2023, n° 20/06317 N° Lexbase : A58509H7), rejeté sa demande, la société E. avait formé un pourvoi en cassation.
Cette dernière se prononce en se fondant sur l’article 1134 du Code civil N° Lexbase : L1234ABC, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, aux termes duquel lorsqu’un contrat de crédit-bail et un contrat de maintenance sont interdépendants, la résiliation du second entraîne, à la date à laquelle elle produit ses effets, la caducité du premier.
Or, pour rejeter les demandes de la société E., l’arrêt de la cour d’appel avait retenu qu’à supposer même que la société H. s’était engagée à assurer la maintenance du matériel loué, la société E. n’apportait aucun élément de nature à caractériser le défaut de fonctionnement des équipements loués et ne prétendait pas avoir été privée de leur usage ni avoir dû les faire remplacer par une entreprise tierce, et en avait déduit que l'interdépendance contractuelle ne concernait que le bon de commande du matériel et le contrat de crédit-bail.
Dès lors, en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le contrat de crédit-bail, destiné à financer du matériel « d’économiseur d'énergie » n’avait pas été souscrit en considération de la conclusion du contrat de maintenance et service, en exécution duquel la société H. devait notamment entretenir et garantir du matériel permettant de réaliser des économies d’énergies qu’elle garantissait à hauteur de 27 731 euros par an, et si, dès lors, la résiliation du second ne devait pas entraîner, à sa date, la caducité du premier, le crédit-preneur cessant, dans ce cas, d'être tenu au paiement des loyers et les clauses prévues en cas de résiliation du contrat se trouvant inapplicables, la cour d'appel n’avait pas donné de base légale à sa décision. La cassation de l’arrêt du 9 mars 2023 est alors prononcée.
Cette solution est convaincante, en présence de contrats interdépendants, la disparition de l’un doit avoir une incidence sur l’autre. Il est donc nécessaire, pour les juges, de rechercher sur les conventions présentent cette caractéristique.
On notera que dans cette hypothèse, comme dans celle ayant donné lieu à l’arrêt de Chambre mixte du 13 avril 2028 (v. supra), l’incidence sur le contrat de crédit-bail se traduit par la caducité de celui-ci. Dès lors, dans ce cas, les loyers perçus en exécution du contrat de crédit-bail, postérieurs à la résiliation du contrat de maintenance, devront être rendus au crédit-preneur.
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