Le Quotidien du 5 décembre 2024 : Sociétés

[Brèves] Expertise de l’article 1843-4 : refus de communication des pièces et trouble manifestement illicite

Réf. : Cass. com., 27 novembre 2024, n° 23-17.536, F-B N° Lexbase : A25796KQ

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par Perrine Cathalo

le 04 Décembre 2024

Il résulte de la combinaison de l'article 873 du Code de procédure civile et de l'article 1843-4 du Code civil que, dans l'hypothèse où les statuts ou toute convention liant les parties ne fixent pas de règles de valorisation des droits sociaux, mais en prévoient seulement les modalités, une partie peut se voir enjoindre, en référé, de communiquer toute pièce que l'expert chargé de déterminer la valeur de ces droits indique comme étant nécessaire à l'exécution de sa mission.

Faits et procédure. Le capital d’une SAS était, à la suite d'une cession d'actions intervenue en mars 2015, détenu par M. M, à concurrence de 57 %, et par M. C à concurrence de 43 %.

L'article 14 des statuts de la société prévoit que tout actionnaire, qui cesse définitivement d'exercer ses fonctions salariés et/ou de mandataire social au sein de la société, perd l'exercice de ses droits attachés à sa qualité d'actionnaire, et que, pour la détermination du prix des actions achetées à la suite d'une telle cessation d'activité, il est fait application du règlement interne, lequel stipule que « la société définit le prix d'achat des actions par décision collective des associés. En cas de désaccord de l'actionnaire sortant, ce dernier dispose d'un délai de trois mois pour trouver un acquéreur. Dans ce cas, la société dispose de trois mois pour acquérir les actions aux mêmes conditions que celles proposées par l'actionnaire sortant. Sinon l'acquéreur proposé par l'actionnaire sortant est considéré comme accepté. »

Le 30 septembre 2015, l’actionnaire minoritaire a démissionné de ses fonctions de directeur général. Une assemblée générale de la SAS du 27 novembre 2015 a fixé le prix de ses actions à la somme de 73 253,94 euros.

Ayant refusé ce prix, l’associé retrayant a assigné, sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil N° Lexbase : L1737LRR, la SAS et son associé en désignation d'un expert afin de déterminer la valeur de ses actions. Une ordonnance du 15 avril 2016, devenue irrévocable, a accueilli cette demande.

Par une ordonnance du 7 juin 2018, un second expert a été désigné en remplacement du premier. Par un arrêt du 20 février 2019, une cour d'appel a annulé cette ordonnance. Cet arrêt a été cassé, sans renvoi, par un arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2021.

Pour les besoins de l'accomplissement de sa mission, l’expert a demandé aux parties la communication des comptes sociaux de la SAS des exercices 2014 à 2021 et les rapports de gestion relatifs à ces exercices.

Face au refus opposé par la société et son associé, l’ancien dirigeant les a assignés en référé pour obtenir, sur le fondement de l'article 873 du Code de procédure civile N° Lexbase : L0013HP8, la production de ces documents et le paiement d'une provision à hauteur d'une certaine somme, correspondant au prix de cession qui lui avait été proposé en 2015.

Par une décision du 21 avril 2023, la cour d’appel (CA Paris, 1-11, 21 avril 2023, n° 23/01537 N° Lexbase : A25796KQ) a ordonné à la SAS et son associé de communiquer les pièces sollicitées aux motifs que leur obstruction à la mise en œuvre de l’expertise constitue une entrave à l’exécution de décisions de justice constitutive d’un trouble manifestement illicite.

La SAS et son associé, qui soutiennent au contraire que les pièces dont la communication est sollicitée sont indifférentes à l’exécution de la mission de l’expert de sorte que leur refus de les communiquer ne constitue pas un trouble manifestement illicite, ont formé un pourvoi devant la Cour de cassation.  

Décision. La Haute juridiction se montre insensible à leurs arguments et rejette le moyen.

Pour ce faire, elle énonce qu’il résulte de la combinaison de l'article 873 du Code de procédure civile et de l'article 1843-4 du Code civil que, dans l'hypothèse où les statuts ou toute convention liant les parties ne fixent pas de règles de valorisation des droits sociaux, mais en prévoient seulement les modalités, une partie peut se voir enjoindre, en référé, de communiquer toute pièce que l'expert chargé de déterminer la valeur de ces droits indique comme étant nécessaire à l'exécution de sa mission.

Or, la Cour constate – comme la cour d’appel avant elle – que l’opposition de la SAS et de son associé à communiquer les comptes au titre des exercices 2014 à 2021 et des rapports de gestions y afférents aboutit à une situation de blocage en ne permettant pas la réalisation de la mission d’évaluation ordonnée depuis sept ans, alors que celle-ci est pourtant nécessaire à l'exercice des droits de l’associé retrayant dès lors que le règlement interne, qu'il n'a pas signé, ne contient aucune modalité de calcul et que la valeur de rachat de ses droits sociaux n'était ni déterminée ni déterminable. Par ailleurs, la Chambre commerciale ajoute que l'avis de l'expert ne liait pas le juge du fond qui avait la faculté de constater que l'évaluation de l'expert était sans objet ou dénuée de portée.

Dès lors, la Cour conclut que c’est à bon droit que la cour d’appel a accueilli la demande de communication de pièces litigieuse.

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