Le Quotidien du 22 juillet 2024 : Sociétés

[Brèves] Démembrement : quels droits pour l’usufruitier de parts sociales ?

Réf. : Cass. civ. 3, 11 juillet 2024, n° 23-10.013, FS-B N° Lexbase : A44045PS

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par Perrine Cathalo

le 19 Juillet 2024

► Si les statuts peuvent réserver le droit de vote aux associés sur les questions autres que celles relatives à l'affectation des bénéfices, ils ne peuvent, en revanche, priver l'usufruitier de parts sociales du droit de contester une délibération collective susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.

Faits et procédure. À la fin de l'année 2017, une SCI avait pour associés, titulaires de parts en pleine propriété ou en nue-propriété, plusieurs personnes physiques et plusieurs personnes morales. L'usufruit des parts sociales démembrées était détenu par cinq personnes physiques et la SCI Castain.

Lors d'une assemblée générale du 6 décembre 2017, les associés de la SCI ont décidé de distribuer 2 000 000 euros de dividendes à ses deux gérants, les SCI Sylphaline B et Castain.

Lors d'une assemblée générale du 23 janvier 2018, ils ont décidé de l'augmentation du capital de la société, qui s'est traduite par la création de 72 800 parts sociales lors de l'assemblée générale mixte du 21 mars 2018.

Invoquant des abus de majorité et défauts de pouvoirs, une des usufruitières a assigné la SCI, ses associés et les autres usufruitiers de parts sociales, en annulation de l'assemblée générale du 23 janvier 2018, de la première résolution de l'assemblée générale du 21 mars 2018, de la deuxième résolution de l'assemblée générale du 6 décembre 2017, ainsi que de toutes les délibérations et consultations écrites postérieures, en ce qu'elles ont été adoptées avec les majorités issues de l'augmentation de capital contestée.

Quatre autres usufruitiers se sont associés à ses demandes. Deux d’entre eux ont également demandé l'annulation de la deuxième résolution de l'assemblée générale des associés du 20 mars 2019, portant sur la modification des statuts relatifs aux modalités des décisions collectives, à l'année sociale, à l'affectation et à la répartition des résultats.

Par arrêt en date du 20 octobre 2022, la cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 20 octobre 2022, n° 22/02022 N° Lexbase : A64038SX) a déclaré les usufruitiers irrecevables à solliciter l'annulation de l'assemblée générale du 23 janvier 2018 décidant de l'augmentation de capital de la SCI, de la première résolution de l'assemblée générale du 21 mars 2018 portant le nombre de parts sociales à 93 000 du fait de cette augmentation et de toutes les décisions et/ou consultations écrites postérieures votées avec les majorités nouvelles issues de l'augmentation de capital, pour défaut d’intérêt à agir.

Les usufruitiers ont formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. La Haute juridiction censure l’arrêt de la cour d’appel au visa des articles 578 du Code civil N° Lexbase : L3159ABM, 31 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1169H43 et 6, § 1, de la CESDH N° Lexbase : L6799BHB.

En particulier, la troisième chambre civile énonce que si les statuts peuvent réserver le droit de vote aux associés sur les questions autres que celles relatives à l'affectation des bénéfices (v. Cass. com., 31 mars 2004, n° 03-16.694, FS-P+B N° Lexbase : A7593DBT ; Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-15.172, FS-P+B N° Lexbase : A2399R3A), ils ne peuvent, en revanche, priver l'usufruitier de parts sociales du droit de contester une délibération collective susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.

La Cour précise qu’il en est ainsi alors même que l'article 19 VIII des statuts énonçait que les usufruitiers étaient irrecevables à contester toute décision collective quelle que soit sa forme, à la seule exception des décisions collectives portant sur l'affectation des résultats, dans la mesure où il s’agit d’une clause statutaire de nature à priver l'usufruitier de son droit de contester des délibérations susceptibles de porter une atteinte directe à son droit de jouissance.

Observations. Cette décision n’est pas sans rappeler l’avis rendu le 1er décembre 2021 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, suivi de l'arrêt de la troisième chambre civile (Cass. com., 1er décembre 2021, n° 20-15.164, FS-D N° Lexbase : A63597GM ; Cass. civ. 3, 16 février 2022, n°  20-15.164, FS-B N° Lexbase : A33527NH), qui pose le principe selon lequel l’usufruitier de parts sociales doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance quand bien même il ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire.

Désormais, l’usufruitier semble également pouvoir exercer une autre prérogative habituellement attachée à la qualité d’associé : celle de contester les délibérations susceptibles de porter une atteinte directe à son droit de vote.

Pour en savoir plus : v. B. Saintourens, L’usufruitier de droits sociaux n’a pas la qualité d’associé : position de principe et conséquences pratiques, Lexbase Affaires, mars 2022, n° 707 N° Lexbase : N0577BZE.

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