Le Quotidien du 22 juillet 2024 : Responsabilité

[Brèves] Indemnisation du préjudice d’angoisse de mort imminente en cas de survie de la personne

Réf. : Cass. civ. 2, 11 juillet 2024, n° 23-10.068, FS-B N° Lexbase : A44125P4

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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D

le 19 Juillet 2024

Le préjudice d'angoisse de mort imminente en cas de survie se rattache au poste des souffrances endurées, qui indemnise toutes les souffrances physiques et psychiques, quelles que soient leur nature et leur intensité, ainsi que les troubles associés qu'endure la victime à compter du fait dommageable et jusqu'à la consolidation de son état de santé ; cependant, son indemnisation par un poste de préjudice autonome ne peut donner lieu à cassation que si ce préjudice a été indemnisé deux fois, en violation du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

Faits et procédure. Le 24 septembre 2007, une aide-soignante dans un hôpital a été agressée par un patient qui lui a porté quatorze coups de couteau. Celui-ci a été déclaré pénalement irresponsable. La victime a assigné l’assureur de son agresseur à fin d'indemnisation. La cour d’appel accueille sa demande et condamne notamment l’assureur au titre du préjudice d'angoisse et de sensation de mort imminente (CA Rennes, 19 octobre 2022, n° 19/03024 N° Lexbase : A68108QB). Un pourvoi en cassation est formé au motif « que l'indemnisation du préjudice d'angoisse de mort imminente consistant pour la victime décédée à être demeurée, entre la survenance du dommage et sa mort, suffisamment consciente pour avoir envisagé sa propre fin, est subordonnée au décès de la victime directe ». 

Solution. La Cour de cassation rejette le pourvoi par une décision pédagogique et claire.

Elle rappelle qu’à compter de la survenance du fait dommageable, la victime d'une atteinte corporelle ou d'une menace d'atteinte corporelle suffisamment grave pour qu'elle envisage légitimement l'imminence de sa propre mort, subit un préjudice spécifique.

Dans le cas où la victime a survécu, ce préjudice se réalise dès qu'elle a conscience de la gravité de sa situation et tant qu'elle n'est pas en mesure d'envisager raisonnablement qu'elle pourrait survivre. Ce préjudice d'angoisse de mort imminente en cas de survie se rattache au poste des souffrances endurées, qui indemnise toutes les souffrances physiques et psychiques, quelles que soient leur nature et leur intensité, ainsi que les troubles associés qu'endure la victime à compter du fait dommageable et jusqu'à la consolidation de son état de santé.

Elle précise cependant, et là est l’intérêt de la décision, que son indemnisation par un poste de préjudice autonome ne peut donner lieu à cassation que si ce préjudice a été indemnisé deux fois, en violation du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. Or, en l’espèce, il ressort de l’arrêt d’appel que l'indemnisation des souffrances endurées a pris en compte celles qui étaient liées aux lésions consécutives à la multiplicité des plaies par arme blanche qu'elle a présentées, mais qu'il ne peut être considéré, sans précision sur ce point donnée par l'expert, que le vécu douloureux, moral et psychologique qu'il rapporte, englobe aussi la sensation particulière éprouvée par la victime de sa fin prochaine.

Cette décision est importante car elle vient préciser la jurisprudence sur la réparation du préjudice de mort imminente. La Cour de cassation, par deux arrêts de chambre mixte rendus le 25 mars 2022, a reconnu l’indemnisation autonome du préjudice d’angoisse de mort imminente lorsque la victime est décédée (Cass. mixte, 25 mars 2022, deux arrêts, n° 20-17.072 N° Lexbase : A30357RT et n° 20-15.624 N° Lexbase : A30367RU, publiés au bulletin). Si la victime a survécu, elle peut en principe obtenir une réparation autonome de ce préjudice mais elle obtient réparation dès lors qu’elle a eu conscience de la gravité de sa situation et qu’elle n’était pas en mesure d’envisager raisonnablement qu’elle pourrait survivre.

Ce préjudice est alors, comme le rappelle en l’espèce la Cour de cassation, rattaché au poste des souffrances endurées, qui indemnise toutes les souffrances physiques et psychiques, quelles que soient leur nature et leur intensité, ainsi que les troubles associés qu'endure la victime à compter du fait dommageable et jusqu'à la consolidation de son état de santé.

Toutefois, les juges du fond peuvent indemniser ce préjudice à titre autonome même en cas de survie de la personne, à condition de ne pas violer le principe de réparation intégrale. Le préjudice d’angoisse de mort imminente peut alors être réparé soit en l’incluant dans celui lié aux souffrances endurées, voie qui a la faveur de la Cour de cassation, soit en l’y ajoutant. Les juges du fond doivent donc veiller à motiver précisément leur décision pour exposer à quel titre ce préjudice particulier a été indemnisé et garantir le respect du principe de réparation intégrale.

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