Réf. : Cass. civ. 2, avis, 11 juillet 2024, n° 24-70-001, P+B N° Lexbase : A44075PW
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par Charles Simon, avocat au Barreau de Paris, administrateur de l’Association des avocats et praticiens des procédures et de l’exécution (AAPPE) et de Droit & Procédure
le 17 Juillet 2024
► Un avis d’importance en matière d’exécution, rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation définit les pouvoirs du juge de l’exécution quand un jugement a été rendu sur la base d’un contrat entre un professionnel et un consommateur sans que l’existence de clauses potentiellement abusives n’ait été vérifiée ;
La Cour confirme que le juge de l’exécution, devant qui la question est soulevée pour la première fois, doit procéder au contrôle des clauses abusives ; s’il retient leur existence, le jugement est privé d’effet en tant qu’il applique ces clauses ; le juge de l’exécution doit alors faire les comptes entre les parties.
Dans le détail, la demande d’avis du juge de l’exécution de Paris était la suivante (TJ Paris, JEX Paris, 11 janvier 2024, n° 20/81791 N° Lexbase : A32602D4) :
« Le juge de l’exécution :
peut-il, dans le dispositif de son jugement, déclarer réputée non écrite comme abusive la clause d’un contrat de consommation ayant donné lieu à la décision de justice fondant les poursuites ?
Dans l’affirmative :
lorsque cette clause a pour objet la déchéance du terme peut-il annuler cette décision ou la dire privée de fondement juridique, notamment lorsque l’exigibilité de la créance était la condition de sa délivrance ? dans ce cas, peut-il statuer au fond sur une demande en paiement ?peut-il modifier cette décision de justice, en décidant qu’elle est en tout ou partie insusceptible d’exécution forcée ? dans ce cas, peut-il statuer au fond sur une demande en paiement ? »
La réponse de la Cour de cassation est la suivante :
L’avis n’explicite pas le moment auquel le juge de l’exécution doit se placer pour faire le compte entre les parties lorsqu’il répute non écrite une clause, typiquement la clause de déchéance du terme d’un prêt. Lors de l’audience publique devant la Cour de cassation, l’avocat général a indiqué que ce serait au jour de la mesure d’exécution, par exemple le commandement valant saisie en matière de saisie immobilière. C’est peut-être ce que la Cour de cassation a voulu laisser entendre lorsqu’elle écrit que « le juge de l'exécution est tenu de calculer à nouveau le montant de la créance selon les dispositions propres aux mesures d'exécution forcée dont il est saisi ».
En tout état de cause, cet avis confirme la prééminence du droit de la consommation, en particulier du contrôle des clauses abusives. Ce droit fait ici échec à l’autorité de la chose jugée attachée au jugement de condamnation et force une extension du périmètre d’intervention du juge de l’exécution. En effet, l’avis réitère que le juge de l’exécution ne peut ni annuler ni modifier le « titre exécutoire », en réalité le jugement, aux termes de l’article R. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L8665LYL, car le juge de l’exécution contrôle les actes notariés revêtus de la formule exécutoire depuis quinze ans (Cass. civ. 2, 18 juin 2009, n° 08-10.843, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2954EIA). Mais, en pratique, c’est bien à une modification partielle du jugement à laquelle l’intervention du juge de l’exécution aboutira dans le cadre du contrôle des clauses abusives. Ainsi, s’il retient l’existence de clauses abusives, il pourra priver d’effet une partie du jugement et faire les comptes entre les parties, c’est-à-dire modifier la créance fixée dans le jugement fondant la mesure d’exécution contestée devant lui.
Cet avis devrait avoir des répercussions importantes en matière bancaire. Il est de nature à fragiliser les mesures d’exécution engagées sur la base d’un jugement condamnant au remboursement d’un prêt. Les clauses de déchéance du terme pourraient en particulier être remises en cause, faisant renaître les échéances non échues au moment de la déchéance du terme ou de la mesure d’exécution si l’on suit l’avis de l’avocat général.
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