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par Vincent Vantighem
le 17 Juin 2024
La procédure existe depuis plus de quinze ans. Mais c’est la première fois qu’elle aboutit à une sanction. Dans un communiqué publié le 13 juin, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a annoncé avoir sanctionné un magistrat après la saisine directe d’un justiciable qui dénonçait le comportement du juge lorsqu’il était chargé d’instruire son dossier entre 2019 et 2022.
Depuis qu’elle existe en 2008, cette procédure n’avait guère fonctionné… Et pour cause, la plupart des saisines des justiciables visaient à critiquer les décisions prises par les juges. Or, il ne s’agit pas ici d’un recours sur le fond mais bien d’une procédure visant à dénoncer le comportement d’un magistrat dans la gestion d’un dossier. Un justiciable l’a bien compris.
Visé par une information judiciaire ouverte en mai 2010 et dans laquelle il était mis en examen, il a saisi le Conseil supérieur de la magistrature pour reprocher au juge d’instruction qui avait repris son affaire en 2019 d’avoir quitté ses fonctions en juin 2022 sans avoir rendu l’ordonnance de règlement. Ceci alors que le réquisitoire définitif avait été signé par le parquet en 2019 et que le juge avait été relancé plusieurs fois à ce sujet…
Des saisines en forte augmentation en 2023
« Pendant les presque trois années où il a exercé en tant que magistrat instructeur, [il] n’a pas réalisé cet acte en dépit de plusieurs alertes de sa hiérarchie et d’engagements oraux et écrits de sa part en ce sens, alors même que son chef de service avait veillé à ce que son cabinet soit moins saisi de nouvelles procédures que ceux de ses collègues », a détaillé le Conseil supérieur de la magistrature.
Finalement, ce magistrat écope d’un blâme avec inscription à son dossier. Une sanction suffisamment grave pour entacher la suite de sa carrière. Lors de l’instruction, le magistrat en question s’est défendu, invoquant notamment le nombre de dossiers qu’il avait à gérer dans son cabinet, des « difficultés personnelles » durant cette période et une vision du dossier différente de celle du parquet qui l’obligeait à consacrer à ce dossier énormément de temps.
Des explications que le Conseil supérieur de la magistrature a entendues sans pour autant être convaincu. Chargé de la discipline des magistrats, l’instance ce contrôle a estimé que le juge d’instruction avait « manqué à son devoir de diligence » et à « son devoir de loyauté » vis-à-vis de certains de ses collègues. Et surtout « à son devoir de délicatesse » vis-à-vis du justiciable qui attendait, depuis bien trop longtemps, de savoir ce que son dossier allait devenir et quel sort la justice lui réserve désormais.
Ces dernières années, les saisines des justiciables devant le Conseil supérieur de la magistrature sont en augmentation. Après avoir enregistré 377 plaintes en 2021 et 352 plaintes en 2022, le Conseil supérieur de la magistrature en a comptabilisé 498 en 2023. Cette procédure est la seule qui permet de saisir le Conseil supérieur de la magistrature disciplinairement du cas d’un magistrat une fois que celui-ci n’est plus saisi de l’affaire, afin d’éviter tout déstabilisation.
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