Réf. : Cass. com., 6 mars 2024, n° 22-22.939, F-B N° Lexbase : A29632SK
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par Vincent Téchené
le 13 Mars 2024
► Sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances déclarées et, après une décision d'incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l'examen de cette contestation.
Faits et procédure. Une SCI a été mise en redressement judiciaire et un plan a été arrêté le 3 mars 2015. Une banque, qui avait consenti à la SCI une ouverture de crédit, a déclaré une créance qui a été contestée par le débiteur qui en invoquait la prescription.
Le juge-commissaire, ayant constaté l'existence d'une contestation sérieuse tirée de la prescription de la créance, a retenu qu'elle ne relevait pas de son pouvoir juridictionnel, a sursis à statuer sur l'admission de la créance et a rappelé que sa décision ouvrait aux parties un délai d'un mois pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion.
C’est dans ces conditions que le juge compétent, et à sa suite la cour d’appel confirmant ce dernier (CA Aix-en-Provence, 19 mai 2022, n° 19/12563 N° Lexbase : A51517X3), ont fixé la créance de la banque. L’arrêt d’appel relève notamment, après avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance, qu'aucune autre contestation n'était soulevée.
La débitrice a donc formé un pourvoi en cassation contestant la compétence de la cour d’appel pour fixer la créance de la banque au passif quand ses pouvoirs se limitaient à trancher la contestation à l'égard de laquelle le juge-commissaire s'était déclaré incompétent.
Décision. La Cour de cassation donne raison à la débitrice. Elle rappelle ainsi que, sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances déclarées et, après une décision d'incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l'examen de cette contestation.
Ainsi, la cour d’appel, en statuant sur le sort de la créance, alors que ses pouvoirs se limitaient à trancher la contestation relative à la prescription de la créance sur laquelle le juge-commissaire s'était déclaré incompétent, a violé les articles L. 624-2 du Code de commerce N° Lexbase : L3758HBS, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326, du 12 mars 2014, portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives N° Lexbase : L7194IZH, et R. 624-5 du même code N° Lexbase : L0905HZK, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2014-736, du 30 juin 2014 N° Lexbase : L5913I3E.
Observations. La Cour de cassation opère ici un simple rappel (v. déjà, Cass. com., 19 décembre 2018, n° 17-15.883, F-P+B N° Lexbase : A6695YRE). Qu’aurait dû alors faire la cour d’appel ? La Cour de cassation est venue le préciser dans un précédent arrêt : la cour d’appel statuant à la suite du juge compétent, qui constate que ce dernier tranchant une contestation sérieuse a statué sur l’admission ou le rejet de la créance déclarée, juge justement que le tribunal excède ses pouvoirs. Elle doit annuler le jugement et reste saisie, par l'effet dévolutif, de la connaissance des contestations soulevées. Par conséquent, elle doit statuer sur la recevabilité et, le cas échéant, le bien-fondé de ces dernières (Cass. com., 9 juin 2022, n° 20-22.650, F-B N° Lexbase : A791274S, P.-M. Le Corre, Lexbase Affaires, juin 2022, n° 722 N° Lexbase : N1897BZB).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La décision du juge-commissaire en matière de déclaration et de vérification des créances, Les modalités procédurales en cas de contestation sérieuse, in Entreprises en difficulté (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E3556E4H. |
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