Réf. : CCJA, 2e ch., 29 juin 2023, n° 141/2023 N° Lexbase : A79862D7
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par Tidiane Baldé, Docteur en droit privé Université Aix-Marseille
le 29 Février 2024
CCJA, 2e ch., 29 juin 2023, n° 141/2023 N° Lexbase : A79862D7
►Solution : Dans le présent arrêt, la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA précise que le gel du financement de travaux confiés à une d’entreprise par une organisation internationale et leur suspension entre 2008 et 2012 en raison de la prise du pouvoir par l’Armée guinéenne, constitue un cas de force majeure. Elle serait ainsi une cause d’exonération de responsabilité ayant pour conséquence, entre autres, de suspendre les effets du contrat liant les parties.
L’espace OHADA traverse une série de coup d’État militaire sans précédent depuis 2020. Ces évènements ont nécessairement des impacts en matière contractuelle et la CCJA nous les livre dans l’arrêt rapporté. En l’espèce un GIE avait ouvert des comptes dans une banque pour recevoir les paiements d’un marché financé par l’Union européenne (UE). En fournissant une garantie de bonne exécution à l’UE, la banque avait obtenu du GIE plusieurs sûretés notamment des cautionnements. Mais, à cause de la prise du pouvoir par l’Armée, le financement a été suspendu. Malgré cette situation, la banque assignait le GIE en paiement d’agios et frais échus durant la période de suspension du financement. La Cour d’appel, à la différence du tribunal, refusait d’accéder à cette demande. La banque faisait dès lors grief à l’arrêt d’appel d’avoir violé l’article 13 de l’Acte uniforme portant organisation des suretés N° Lexbase : A0084YTB en ce qu’il n’a pas fait supporter par les cautions personnelles et solidaires les frais et agios. Saisie de l’affaire, la CCJA estime que la prise du pouvoir par l’Armée, ayant eu pour conséquences le gel du financement, constitue un cas de force majeure, une cause d’exonération de responsabilité, ayant pour conséquence, entre autres, de suspendre les effets du contrat liant les parties. Donc, tout prélèvement de frais de tenue de compte et agios opéré pendant cette période étant dépourvu de fondement, les cautions ne peuvent être appelées à réaliser leurs garanties au bénéfice de la banque.
En matière contractuelle, le coup d’État peut justifier une force majeure s’il a pour effet de suspendre l’exécution du contrat. Mais la suspension n’advient que si l’impossibilité d’exécuter le contrat est temporaire. Dans la période de suspension, le débiteur ne peut pas être poursuivi pour inexécution du contrat et toutes les clauses liées à l’inexécution ne peuvent être invoquées.
Toutefois, si le coup d’État n’a pas eu pour effet de rendre l’exécution du contrat impossible, le débiteur est tenu de poursuivre son exécution. Il convient par ailleurs de relever qu'en l’espèce, il était établi que le débiteur n'avait pas failli à ses obligations, en raison de la totale réalisation des travaux de réhabilitation des infrastructures sanitaires tels que spécifiés dans le contrat de marché.Par ailleurs, en matière procédurale, la CCJA s’est déjà prononcée sur la corrélation qui doit exister entre le coup d’État et l’impossibilité pour le débiteur de réagir. En effet, selon la haute cour, la simple invocation de l’embargo imposé par la CEDEAO au Mali à la suite des évènements liés au coup d’État intervenu dans ce pays ne saurait justifier un retard du recours en cassation. Par conséquent, il appartient au demandeur de démontrer les diligences entreprises et les difficultés avérées rencontrées pour faire parvenir son recours dans les délais imposés (CCJA, 2e ch. 3 novembre 2022, n° 159/2022 N° Lexbase : A9361889 ; CCJA, 3e ch. 24 juin 2021, n° 137/2021N° Lexbase : A75947BU).
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