Réf. : Cass. civ. 3, 14 décembre 2023, n° 22-11.505, FS-B N° Lexbase : A550218B
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 18 Janvier 2024
► L'action en nullité de la déclaration de préemption, prévue à l'article L. 412-8, alinéa 4, du Code rural et de la pêche maritime, se prescrit par cinq ans à compter de la date d'expiration du délai imparti au préempteur par la mise en demeure, que lui a adressée le propriétaire vendeur ou l'acquéreur évincé pour réaliser l'acte de vente authentique.
En vertu de l'article L. 143-8 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L1860KGY (applicable dans le cadre du droit de préemption de la SAFER), qui renvoie à l'article L. 412-8 N° Lexbase : L4062AE8 (applicable dans le cadre du droit de préemption du preneur), en cas de préemption, la SAFER bénéficie alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique ; passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier de justice et restée sans effet. L'action en nullité appartient au propriétaire vendeur et à l'acquéreur évincé lors de la préemption.
Quel est alors le point de départ du délai de prescription (quinquennale) de cette action en nullité ?
Réponse 1 : s’agit-il de la date d'expiration du délai de deux mois suivant la déclaration de préemption de la SAFER ?
Réponse 2 : ou bien de la date d'expiration du délai imparti au préempteur par la mise en demeure ?
La question se posait avec d’autant plus d’importance dans l’affaire soumise à la Cour de cassation à l’occasion de l’arrêt rendu le 14 décembre 2023, qu’un délai de plus de dix ans s’était écoulé entre la notification par la SAFER de son intention de préemption (en 2006), et la mise en demeure de réaliser sous quinze jours l’acte de vente authentique, adressée par le vendeur et l’acquéreur évincé (en 2016).
En l’espèce, pour déclarer prescrite l'action en nullité exercée par ces derniers en 2017, la cour d’appel d’Orléans (CA Orléans, 6 décembre 2021, n° 19/00694 N° Lexbase : A29247EZ) avait opté pour la première réponse. Elle avait retenu que, si la loi ne fixe aucun délai au propriétaire vendeur pour exercer son droit de mise en demeure de réaliser l'acte authentique, il était certain que ce droit naît dès l'expiration du délai de deux mois suivant la déclaration de préemption de la SAFER, qui constitue le point de départ du délai quinquennal de prescription.
Mais la Haute juridiction ne l’entend pas ainsi. Elle retient la deuxième réponse.
Elle rappelle d’abord qu’aux termes de l’article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Après avoir énoncé ensuite les dispositions précitées des articles L. 143-8 et L. 412-8, alinéa 4, du Code rural et de la pêche maritime, la Cour de cassation rappelle sa jurisprudence dont il ressort, d'une part, qu'une déclaration de préemption d'une SAFER n'encourt la nullité pour n'avoir pas respecté le délai de deux mois prévu à l'article L. 412-8, alinéa 4, du Code rural et de la pêche maritime que si la SAFER a été préalablement mise en demeure par voie d'huissier de justice de réaliser l'acte authentique (Cass. civ. 3, 15 novembre 2006, n° 05-15.475, FS-P+B N° Lexbase : A3380DSY) et, d'autre part, en matière de promesse de vente, que le fait justifiant l'exercice d'une action en résolution ne peut consister que dans la connaissance, par la partie titulaire de ce droit, du refus de son cocontractant d'exécuter son obligation principale de signer l'acte authentique de vente (Cass. civ. 3, 1er octobre 2020, n° 19-16.561, FS-P+B+I N° Lexbase : A68323WX).
Elle en déduit alors que l'action en nullité de la déclaration de préemption prévue à l'article L. 412-8, alinéa 4, susvisé, se prescrit par cinq ans à compter de la date d'expiration du délai imparti au préempteur par la mise en demeure, que lui a adressée le propriétaire vendeur ou l'acquéreur évincé pour réaliser l'acte de vente authentique.
L’arrêt rendu par la cour d’appel d’Orléans est donc censuré par la Cour régulatrice dès lors que la cour d’appel avait constaté que la SAFER avait été, par acte du 27 mai 2016, mise en demeure de réaliser l'acte de vente authentique dans un délai de quinze jours. L’action exercée en 2017 ne pouvait donc être déclarée prescrite.
On relèvera que la solution rendue à l’occasion du droit de préemption de la SAFER est évidemment applicable dans le cadre du droit de préemption du fermier.
Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : Le droit de préemption de la SAFER, spéc. Réalisation de la vente en cas de préemption de la SAFER, et Délai de réalisation de la vente en cas de préemption du preneur, in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9951E9G et N° Lexbase : E9295E97. |
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