Réf. : CJUE, gde ch., 21 décembre 2023, aff. C-333/21 N° Lexbase : A9323198
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par Vincent Téchené
le 10 Janvier 2024
► Les règles de la Fédération internationale de football association (FIFA) et de l’Union des associations européennes de football (UEFA) soumettant à leur autorisation préalable la création de tout projet de nouvelle compétition de football interclubs, telle que la Superleague, et interdisant aux clubs et aux joueurs de participer à celle-ci, sous peine de sanctions, sont contraires au droit de l’Union européenne. En effet, les pouvoirs de la FIFA et de l’UEFA ne sont encadrés par aucun critère assurant leur caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné.
De même, les règles qui attribuent à la FIFA et à l’UEFA un contrôle exclusif sur l’exploitation commerciale des droits liés à ces compétitions sont de nature à restreindre la concurrence, compte tenu de l’importance de ces dernières pour les médias, les consommateurs et les téléspectateurs dans l’Union.
Faits et procédure. La FIFA et l’UEFA ont adopté des règles qui leur confèrent le pouvoir d’autoriser les compétitions de football interclubs en Europe et d’exploiter les différents droits médias correspondants. Douze clubs européens de football (trois clubs espagnols, trois clubs italiens et six clubs anglais) ont souhaité mettre en place, par le biais d’une société espagnole European Superleague Company, un projet de nouvelle compétition de football : la Superleague. La FIFA et l’UEFA se sont opposées à ce projet, menaçant de sanctions les clubs et les joueurs qui décideraient d’y participer.
European Superleague Company a saisi le tribunal de commerce de Madrid d’une action contre la FIFA et l’UEFA, car elle estime que leurs règles sur l’autorisation des compétitions et sur l’exploitation des droits médias violent le droit de l’Union.
Ayant des doutes à ce sujet au regard, notamment, du fait que la FIFA et l’UEFA se trouvent en situation de monopole sur ce marché, le tribunal espagnol a interrogé la Cour de justice.
Décision. La CJUE constate d’abord que l’organisation des compétitions de football interclubs et l’exploitation des droits médias sont, à l’évidence, des activités économiques. Elles doivent donc respecter les règles de concurrence ainsi que les libertés de circulation, même si l’exercice économique du sport est caractérisé par certaines spécificités, comme l’existence d’associations dotées de pouvoirs de réglementation, de contrôle et de sanction.
La Cour constate également que, parallèlement à ces pouvoirs, la FIFA et l’UEFA organisent elles-mêmes des compétitions de football. Ainsi, selon la CJUE, les règles de la Fédération internationale de football association et de l’Union des associations européennes de football soumettant à leur autorisation préalable la création de tout projet de nouvelle compétition de football interclubs, telle que la Superleague, et interdisant aux clubs et aux joueurs de participer à celle-ci, sous peine de sanctions, sont illégales. En effet, les pouvoirs de la FIFA et de l’UEFA ne sont encadrés par aucun critère assurant leur caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné. De même, les règles qui attribuent à la FIFA et à l’UEFA un contrôle exclusif sur l’exploitation commerciale des droits liés à ces compétitions sont de nature à restreindre la concurrence, compte tenu de l’importance de ces dernières pour les médias, les consommateurs et les téléspectateurs dans l’Union.
Ensuite, la Cour juge que, lorsqu’une entreprise en position dominante a le pouvoir de déterminer les conditions dans lesquelles des entreprises potentiellement concurrentes peuvent entrer sur le marché, ce pouvoir doit, compte tenu du risque de conflit d’intérêts qu’il engendre, être assorti de critères propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné. Or, la CJUE constate que les pouvoirs de la FIFA et de l’UEFA ne sont encadrés par aucun critère de cette nature. La FIFA et l’UEFA se trouvent donc en situation d’abus de position dominante. De même, leurs règles d’autorisation, de contrôle et de sanction doivent être qualifiées, compte tenu de leur caractère arbitraire, de restriction non justifiée à la libre prestation de services.
Selon la CJUE, une compétition telle que le projet de Superleague ne doit pas pour autant être nécessairement autorisée. En effet, la Cour étant interrogée, de façon générale, sur les règles de la FIFA et de l’UEFA, elle ne prend pas position, dans son arrêt, sur ce projet spécifique. De façon parallèle, la Cour relève que les règles de la FIFA et de l’UEFA relatives à l’exploitation des droits médias sont de nature à porter préjudice aux clubs européens de football, à l’ensemble des entreprises opérant sur les marchés des médias et, finalement, aux consommateurs et aux téléspectateurs, en les empêchant de profiter de compétitions nouvelles potentiellement innovantes ou intéressantes. Il appartient toutefois au tribunal de commerce de Madrid de vérifier si ces règles peuvent néanmoins bénéficier aux différents acteurs du football, par exemple, en assurant une redistribution solidaire des revenus générés par ces droits.
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