Réf. : Cass. com., 18 octobre 2023, n° 20-20.055, FS-B N° Lexbase : A08371NC
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par Vincent Téchené
le 24 Octobre 2023
► En l’absence d'atteinte, ou de risque d'atteinte, à la fonction d'indication d'origine de la marque, l'usage d’une marque par un tiers comme mot-clé dans le système de référencement Adwords, pour faire de la publicité de produits et services identiques à ceux pour lesquels le marque est enregistrée n’est pas illicite ;
En outre, le titulaire de la marque peut interdire l'utilisation d'un signe par un tiers dans le code-source de son site internet, même s'il n'est pas visible aux yeux du public, dès lors qu'il propose comme résultat à la recherche d'un internaute une alternative par rapport aux produits ou services du titulaire de la marque et qu'il ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par le référencement naturel proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers.
Faits et procédure. La société Aquarelle, qui a pour activité la vente de fleurs, plantes et décoration florale, est titulaire de la marque verbale européenne et de la marque verbale française « Aquarelle ».
La société Aquarelle.com était licenciée non exclusive portant sur ces marques pour une exploitation du site internet destiné à la vente de fleurs et de produits de décoration florale.
La SCT, qui exerce également une activité de vente de fleurs, est titulaire d’un nom domaine, sur lequel elle propose aux consommateurs des bouquets de fleurs.
Estimant que la réservation du mot-clé « Aquarelle » sur la plate-forme Google Adwords et le référencement naturel du site créaient un risque de confusion avec les marques « Aquarelle », la société Aquarelle a assigné la société SCT en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire.
Déboutée de ses demandes, la société Aquarelle a formé un pourvoi en cassation.
Décision. Répondant aux moyens développés par la société Aquarelle, la Cour de cassation rejette le pourvoi et apporte des précisions sur deux points essentiels.
La Cour de cassation commence par rappeler la position de la CJUE :
- le titulaire d'une marque ne peut s'opposer à l'usage dans la vie des affaires d'un signe identique à sa marque que lorsque cet usage porte atteinte ou risque de porter atteinte à une des fonctions essentielles de sa marque, en particulier à sa fonction essentielle, qui est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (CJUE, 12 novembre 2002, aff. C-206/01, point 40 N° Lexbase : A0404A74) ;
- le titulaire d'une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d'un mot-clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d'un service de référencement sur internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers (CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 N° Lexbase : A8389ETU) ;
- il incombe à la juridiction nationale d'apprécier, au cas par cas, si les faits du litige dont elle est saisie sont caractérisés par une atteinte, ou un risque d'atteinte, à la fonction d'indication d'origine telle qu'il y a atteinte à la fonction d'indication d'origine de la marque, c'est-à-dire de déterminer si l'annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers (CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08, préc. points 84 et 88).
Dans l’affaire rapportée, la cour d’appel a relevé que si l'annonce litigieuse s'affichant après une recherche avec le mot-clé « Aquarelle » sur le moteur de recherche Google apparaissait en premier résultat, cette annonce était immédiatement suivie de l'annonce du site « Aquarelle.com ». Par ailleurs, il n'est fait aucun usage du signe « aquarelle », ni dans l'annonce elle-même, ni dans le lien, ni dans l'adresse URL et l'annonce en cause utilise des termes courants pour décrire l'activité de livraison de fleurs commandées en ligne et affiche expressément le nom du site exploité par la société SCT. Enfin, selon les juges du fond, ces précisions permettent à l'internaute moyen d'être éclairé sur l'identité de ce site et de savoir que cette annonce correspond au site exploité par la société SCT et non au site « Aquarelle ».
Ainsi, pour la Haute juridiction, la cour d'appel ne s'est pas bornée à relever l'absence d'usage du signe « Aquarelle » dans l'annonce et a fait ressortir l'absence de tout risque de confusion du fait de l'usage du signe « Aquarelle », par la société SCT, comme mot-clé dans le système de référencement Adwords, pour faire de la publicité de produits et services identiques à ceux pour lesquels les marques « Aquarelle » étaient enregistrées. Ainsi, la cour d’appel a-t-elle légalement justifié sa décision.
Sur ce point, la Cour de cassation rappelle que le titulaire de la marque peut interdire l'utilisation d'un signe par un tiers dans le code-source de son site internet, même s'il n'est pas visible aux yeux du public, dès lors qu'il propose comme résultat à la recherche d'un internaute une alternative par rapport aux produits ou services du titulaire de la marque et qu'il ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par le référencement naturel proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers.
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