La lettre juridique n°835 du 10 septembre 2020 : Propriété intellectuelle

[Jurisprudence] Quand le monopole d'usage pluriséculaire des notaires fait échec au nouvel emblème des agents immobiliers

Réf. : TJ Paris, référé, 10 juillet 2020, n° 20/52941 (N° Lexbase : A52663RH)

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par Fabienne Fajgenbaum et Thibault Lachacinski, Avocats à la cour, Cabinet Nataf Fajgenbaum et Associés

le 10 Septembre 2020


Mots-clés :  référé • droit des marques • risque de confusion • profession réglementée • qualité d'officier public et ministériel • marque collective • monopole pluriséculaire d'usage • ordre public • ordre public ; intervention volontaire du Ministère public • mesures de publication • exécution provisoire

Par une ordonnance du 10 juillet 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a fait interdiction à la FNAIM d'exploiter un emblème « VESTA » présentant de trop fortes ressemblances avec le sceau et le panonceau sur lesquels les notaires bénéficient d'un monopole d'usage pluriséculaire. Chose rare, le Ministère public était intervenu volontairement à la procédure pour soutenir les demandes du Conseil supérieur du notariat (CSN) : la signalétique litigieuse étant de nature à tromper le public sur l'appartenance à une profession réglementée, des considérations d'ordre public étaient en cause.


Malgré la période de confinement [1], le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a pu rendre le 10 juillet 2020   une ordonnance faisant interdiction à la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM ; défenderesse aux côtés de deux de ses prestataires en communication) et à ses membres d'exploiter la signalétique « VESTA » qu'elle avait mise en place en tant que signe de ralliement des professionnels de l'immobilier titulaires d'une carte professionnelle ; en cause, les trop fortes similitudes avec le sceau et le panonceau sur lesquels les notaires bénéficient d'un monopole d'usage pluriséculaire. Chose rare, le Ministère public est intervenu volontairement à la procédure pour soutenir les demandes du Conseil supérieur du notariat.

Le présent litige met aux prise deux organismes représentatifs dont les adhérents se trouvent en concurrence, pour certaines de leurs activités immobilières tout du moins.

Le Conseil supérieur du notariat est un établissement d'utilité publique créé par l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 (N° Lexbase : L7944BBT) [2] et défini par le décret du 19 décembre 1945. Il défend les intérêts des notaires de France, lesquels exercent une activité d'officiers publics ministériels en vertu d'une délégation de puissance publique. En cette qualité, il appartient aux notaires de détenir un sceau portant le type de la Liberté - semblable au Grand Sceau de l'État - lequel permet de rapporter la preuve de l'authenticité des actes établis et est la marque de l'autorité publique dont ils sont revêtus. De même, la présence d'un office notarial doit obligatoirement être signalée par un panonceau, symbole visible de la présence d'un officier public [3].

Créée en 1946, la FNAIM se revendique comme la première organisation syndicale des professionnels de l’immobilier de France et d’Europe, dont elle a donc statutairement vocation à défendre les intérêts.

En 2019, galvanisée par la loi « ELAN » [4] ayant consacré et réglementé les titres d'agents immobiliers, syndics de copropriété et administrateurs de biens en les réservant aux seuls titulaires d'une carte professionnelle, la FNAIM s'est mis en tête de créer un signe de ralliement des professionnels de l'immobilier [5] titulaires de ladite carte. Il s'agissait de crédibiliser une filière en quête de reconnaissance, en permettant de valoriser les professionnels présentant les garanties financières, de compétence et de moralité exigées par la loi.

Encore fallait-il organiser la protection de cet emblème commun. Ce fut chose faite avec le dépôt de huit marques françaises semi-figuratives [6], d'un modèle communautaire pour désigner une applique murale et d'une marque figurative de l’Union européenne, portant sur un écusson représentant « VESTA », la déesse romaine du foyer, vêtue d'un drapé, coiffée d'une couronne et portant dans la main droite une lance et dans la gauche une chandelle.

La démarche initiée par la FNAIM a semble-t-il très rapidement suscité l'engouement des professionnels de l'immobilier puisque, six mois après son lancement, la signalétique « VESTA » avait déjà été adoptée par près de 3 000 d'entre eux.

C'était toutefois sans compter le Conseil supérieur du notariat, qui engageait une action en référé à l'encontre de la FNAIM. La plus haute autorité de l'organisation professionnelle des notaires de France estimait en effet que l'écusson de la FNAIM se rapprochait dangereusement de ses propres symboles, dont la figure a été définie et fixée par l’État par un arrêté du 18 septembre 1848 [7] relatif au sceau de l’État et aux sceaux, timbres et cachets des cours, tribunaux, justices de paix et notaires [8].

I. Le sceau des notaires, un monopole pluriséculaire d'ordre public

Le Conseil supérieur du notariat ne dispose d'aucun droit enregistré sur le sceau et le panonceau, à défaut pour lui d'avoir procédé à leur dépôt, à titre de marque notamment [9]. Pour autant, le juge des référés rappelle que les notaires bénéficient d'un droit opposable d'usage exclusif dévolu par l’État sur lesdits sceau et panonceau ; il s'agit d'ailleurs d'un monopole pluriséculaire.

La forme actuelle du Grand Sceau de France a été fixée sous la IIème République, l'arrêté précité du 18 septembre 1848 ayant précisé : « à l'avenir, le sceau de l'État portera, d'un côté, pour type, la figure de la Liberté, et pour légende, au nom du peuple français ; de l'autre côté, une couronne de chêne et d'olivier, liée par une gerbe de blé ; au milieu de la couronne, République française, démocratique, une et indivisible, et pour légende, liberté, égalité, fraternité ». C'est alors au graveur des monnaies, Jean-Jacques Barre, qu'il est revenu de donner une forme concrète à ces indications somme toute sommaires, sans d'ailleurs qu'il ne respecte scrupuleusement les termes de l'arrêté [10]. Le Grand Sceau de France représente donc la Liberté sous les traits de Junon assise, coiffée d’une couronne de lauriers radiée à sept pointes, tenant d’un bras le faisceau du licteur, symbole de la Justice, s’appuyant sur un gouvernail frappé d’un coq tenant dans une de ses pattes, un globe terrestre. On le constate ainsi, la forme précise du sceau exploité par la profession des notaires depuis deux siècles ne résulte d'aucun texte mais bien d'un usage ancien et renouvelé.

D'autres signes que les symboles des notaires bénéficient d'un monopole d'exploitation. Il s'agit notamment des armoiries, drapeaux et autres emblèmes des États parties à la Convention de Paris [11] et d'organisation internationales intergouvernementales, dont le drapeau européen [12], le sigle « INTERPOL »[13] ou encore le drapeau italien [14] ; il s'agit également du symbole monétaire de l'euro [15] ; la croix grecque de couleur verte et le caducée de couleur verte, propres aux officines de pharmacie, sont quant à eux réglementés directement au sein du Code de la santé publique [16] ; citons également le symbole Olympique et les termes « Jeux Olympiques » protégés par les dispositions de l'article L.141-5 du Code du sport (N° Lexbase : L1330LKH) [17] ou l'emblème de la croix rouge protégée par la Convention de Genève [18].

Plus généralement, sont refusées à l'enregistrement les marques contraires à l'ordre public ou dont l'usage est légalement interdit [19] ou de nature à tromper le public [20]. Ainsi, dans une espèce similaire à celle qui nous occupe, la marque « CAF CALCUL ALLOCATION FACILE » a été annulée par les juges du fond en raison d'un risque de confusion avec une mission de service public, à l'origine d'une atteinte à l'ordre public « qui interdit que de telles missions soient détournées par des opérateurs privés » [21] ; la Cour de cassation a par ailleurs dit pour droit que l'adoption et l'usage, à titre de marque, du titre appartenant à une profession réglementée par l'autorité publique - les notaires en l'espèce - sans en être titulaire, est contraire à l'ordre public [22]. Récemment, l'INPI a refusé de procéder à l'enregistrement d'un signe comportant la représentation d'un doigt d'honneur au motif que « ce signe est contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs dans la mesure où son enregistrement permettrait de faire un usage commercial de la représentation d'un geste insultant et obscène » [23].

II. Une tromperie sur l'appartenance à une profession réglementée à l'origine d'un trouble manifestement illicite

Le Conseil supérieur du notariat estimait que le signe de ralliement développé par la FNAIM serait de nature à engendrer un risque de confusion avec les sceaux et marques des notaires. Il fondait son action tant sur le droit des marques que sur les pratiques commerciales trompeuses.

Il lui appartenait dès lors d'établir l'existence d'un trouble manifestement illicite. Le caractère manifeste doit s’apprécier au seul regard de l’illicéité du trouble invoqué, tandis que l’illicéité doit s'entendre comme la méconnaissance d'une norme juridique obligatoire, qu'elle soit législative ou réglementaire, de sorte que la violation d’un droit suffit à caractériser l’existence d’un tel trouble. Il n'est toutefois pas nécessaire qu’une règle de droit soit précisément identifiée et l'existence ou la recherche d'un risque de confusion [24] dans l'esprit du public peut caractériser l’illicéité.

En l'espèce, le juge des référés a finalement retenu que les signes en cause présentaient d'évidentes similitudes tenant notamment à la présence d'une femme/déesse couronnée, vêtue d'un drapé et ayant à la main droite un faisceau ou une lance, ainsi qu'à la présence d'un bandeau horizontal portant des inscriptions. La seule mention de la profession exercée par l'agence mettant ce signe en exergue (agent immobilier, administrateur de bien ou syndic de copropriété) était, en tant que telle, insuffisante à écarter le risque de confusion qui en découlait, alors au surplus que le signe « VESTA » avait vocation à être exploité sous forme d'enseigne-drapeau ou d'écusson mural, c'est-à-dire positionné en hauteur et à distance visuelle d'un client potentiel. Un sondage commandé par le Conseil supérieur du notariat avait d'ailleurs confirmé l'existence d'une confusion avérée chez 52 % des personnes interrogées, qui attribuaient le signe « VESTA » aux notaires en notoriété assistée.

Par ailleurs, la communication développée par la FNAIM autour de la signalétique « VESTA » lui a apparemment porté préjudice. Elle avait en effet verbalisé le souhait que l'enseigne commune aux professionnels de l'immobilier puisse « s’imposer d’emblée, comme une évidence, pour donner l’impression d’une ancienneté au moins aussi grande que celle des professions qu’il symbolise. Bref, il fallait faire comme s’il avait toujours existé ». Cette volonté s'était ainsi concrétisée dans le choix d'une figure mythologique et d'une mise en scène rappelant - apparemment trop - le sceau des notaires.

De façon plus générale, le juge des référés rappelle que l'usage d'un signe similaire au sceau des notaires crée « nécessairement » dans l'esprit du public un risque de confusion « quant au statut et à la qualité d'officier public et ministériel de la personne en faisant usage », à l'origine d'un trouble illicite vis-à-vis des notaires eux-mêmes. En d'autres termes, de l'imitation s'infère une tromperie sur l'appartenance à une profession réglementée, en contrariété avec l'ordre public. Les conditions du référé étaient donc manifestement réunies.

III. La signalétique « VESTA » ou la stratégie de la marque individuelle en question

La signalétique « VESTA » a été présentée par la FNAIM comme un « symbole de reconnaissance des professionnels de l'immobilier », titulaires d'une carte professionnelle. L'enseigne était destinée à distinguer et identifier les agents immobiliers, syndics de copropriétés et administrateurs de biens titulaires de la carte professionnelle et offrant, en cette qualité, les garanties financières, de compétence et de moralité exigées par la loi. Une charte d'utilisation « VESTA » devait également être acceptée par les non adhérents de la FNAIM.

Or, il est intéressant de constater que la marque de l'Union européenne n° 018183354 [25], tout comme les demandes de marques françaises déposées par la FNAIM portaient toutes sur une marque individuelle. Les ambitions affichées par la Fédération, de réunir autour d'un emblème commun les professions immobilières réglementées titulaires d'une carte professionnelle, permettent toutefois de considérer que la voie de la marque collective aurait été mieux indiquée, voire une marque de certification définie à l'article 83 du Règlement (UE) n° 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne (N° Lexbase : L0640LGS) comme une « marque de l'Union européenne ainsi désignée lors du dépôt et propre à distinguer les produits ou services pour lesquels la matière, le mode de fabrication des produits ou de prestation des services, la qualité, la précision ou d'autres caractéristiques, à l'exception de la provenance géographique, sont certifiés par le titulaire de la marque par rapport aux produits ou services qui ne bénéficient pas d'une telle certification ».

Il est vrai que la marque collective, qu'elle soit de certification ou non, requiert l'existence d'un règlement d'usage ; son enregistrement suit donc une procédure beaucoup plus lourde que celle de la marque individuelle. De toute évidence, la FNAIM avait donc jugé plus simple de « transformer » une marque individuelle classique en marque collective [26] en y associant une charte d'utilisation, afin de faire de ce symbole un « gage de sécurité pour le consommateur qui sait ainsi exactement à qui il s’adresse ».

Il est à noter que la cour d'appel de Paris [27] a approuvé le Directeur général de l'INPI d'avoir refusé d'enregistrer le signe « LABEL VERT » à titre de marque au motif que cette expression serait « trompeuse pour les produits visés, laissant croire que ces produits bénéficiaient d'un label et/ou possédaient des caractéristiques spécifiques garanties par un organisme certificateur de ce label » ; le signe déposé en tant que simple marque et non en tant que marque de certification a donc été jugé trompeur. S'agissant des demandes de marques françaises de la FNAIM, un raisonnement similaire aurait vraisemblablement pu être suivi par le Directeur général de l'INPI pour refuser leur enregistrement.

À cela s'ajoute que, en toutes hypothèses, la Cour de justice [28] a dit pour droit que l'apposition d'une marque individuelle de l'Union européenne, par le titulaire ou avec son consentement, sur des produits en tant que label de qualité n'est pas un usage en tant que marque relevant de la notion d'« usage sérieux » au sens de la réglementation communautaire. En d'autres termes, les marques de la FNAIM pourraient rapidement encourir la sanction de la déchéance pour défaut d'usage réel et sérieux à titre de marques individuelles.

Mentionnons également les dispositions de l'article L. 121-4, 2° du Code de la consommation (N° Lexbase : L1405LWX), réputant trompeuses les pratiques commerciales qui ont pour objet d'afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l'autorisation nécessaire. Cet argument avait d'ailleurs été invoqué par le Conseil supérieur du notariat, pour s'opposer à l'usage de l'enseigne « VESTA ».

IV. L'intervention du Ministère public, acteur pourtant discret du droit des marques

Si elles ne sont pas inexistantes, les incursions du Ministère public en matière de propriété intellectuelle restent relativement rares. Ainsi, le Ministère public peut agir d'office en nullité d'un brevet d'invention [29] et engager, toujours d'office, une action en nullité d'un dessin ou modèle, quelles que soient les causes de nullité [30].

Aucune disposition similaire n'existe en revanche en droit des marques, où il est d'ailleurs loisible de constater un recul récent des pouvoirs du Ministère public. Si, pendant longtemps, le Ministère public devait nécessairement être entendu [31] dans le cadre des recours contre les décisions du Directeur de l'INPI [32], l'article R. 411-23 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L8661LTX), issu de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 (N° Lexbase : L5296LTC), prévoit désormais simplement que le Ministère public « peut prendre communication des affaires dans lesquelles il estime devoir intervenir » [33].

Est-ce à dire que le Ministère public n'aurait pas son mot à dire en matière de droit des marques ? Certainement pas, ainsi que l'a rappelé la cour d'appel de Paris a l'occasion d'un arrêt du 27 novembre 2015 [34] relatif à des marques et nom de domaine « FRANCE.COM » déposés frauduleusement par une société américaine : « lorsque la cause de la nullité est tirée des articles L. 711-1 à L. 711-3 (signe susceptible de constituer une marque, distinctivité et licéité), il s'agit d'une nullité absolue ouverte à tout intéressé (y compris le ministère public) ».

Si l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3736ADQ), qui prévoyait expressément cette possibilité d'action du Ministère public, a finalement été abrogé par l'ordonnance n° 2019-1169 précitée, ses pouvoirs nous paraissent inchangés. En effet, l'action en nullité fondée sur un motif absolu, qui peut être engagée par toute personne intéressée, lui reste évidemment ouverte. La légitimité de l'action du Ministère public est d'autant moins contestable s'agissant de marques « contraires à l'ordre public ou dont l'usage est légalement interdit » [35]

En pratique toutefois, l'étude de la jurisprudence française laisse apparaître un hiatus entre le pouvoir d'action dont jouit le Ministère public et l'usage concret qu'il décide d'en faire. L'ordonnance objet du présent commentaire se révèle tout à fait exceptionnelle à cet égard.

Cela tient évidemment aux spécificités de l'affaire, puisque les sceau et panonceau des notaires ne sont rien d'autre qu'une déclinaison du Grand Sceau de l'État français. De fait, le risque de confusion engendré par l'écusson « VESTA » de la FNAIM avec les signes officiels des notaires génère nécessairement un risque similaire portant atteinte à l'intérêt de l'État. Sans surprise, les conclusions du Ministère public demandaient donc au juge des référés de faire droit aux demandes du Conseil supérieur du notariat, avec lequel il avait intérêt lié.

En définitive, il aurait été loisible au Ministère public de laisser au Conseil le soin d'entreprendre seul les démarches pour mettre un terme aux agissements de la FNAIM. Pour autant, il a fait le choix d'intervenir volontairement à la procédure. Sa décision nous semble devoir être saluée, à plus forte raison dès lors que l'ordonnance objet du présent commentaire a retenu que l'usage d'un signe identique ou fortement identique au symbole régalien qu'est le Grand Sceau de France est « nécessairement » contraire à l'ordre public.

***

L'ordonnance qui a été rendue le 10 juillet 2020 est intéressante à de nombreux égards, en ce compris les mesures qui ont été ordonnées par le juge des référés. Au-delà de la classique interdiction sous astreinte d'exploiter la signalétique « VESTA », la FNAIM s'est en effet vu ordonner de prendre toute « mesure utile afin de faire cesser par toute personne ayant acheté une enseigne, un panonceau ou une plaque signalétique "VESTA" […] toute apposition, utilisation, reproduction et représentation sous quelque forme que ce soit et sur tout support du signe "VESTA" » : la mise en œuvre de cette mesure peut déjà apparaître délicate puisqu'il appartient à la FNAIM de s'assurer que des tiers respectent eux aussi les mesures d'interdiction.

Mais ce n'est pas tout puisque la diffusion d'un communiqué sur la page d'accueil du site internet de la FNAIM a été ordonnée, toujours sous astreinte. À notre connaissance, cette mesure est à proprement parler exceptionnelle en matière de référé [36], alors que le fond du litige n'est pas même tranché. D'ailleurs, à l'occasion d'une précédente ordonnance du 10 mars 2016, le juge des référés parisien avait rejeté une demande similaire de publication judiciaire, la jugeant justement « inadaptée à la nature et au cadre procédural du litige en raison de ses conséquences irrémédiables » [37].

L'on se souviendra d'ailleurs que, avant l'entrée en vigueur de la réforme de la procédure civile mise en œuvre par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 (N° Lexbase : L8421LT3) et alors que les décisions de première instance n'étaient pas exécutoires de plein droit [38], les juridictions du fond refusaient bien souvent d'assortir les condamnations au titre des publications de l'exécution provisoire ; ainsi, en cas d'infirmation par la cour d'appel, le défendeur n'aurait subi aucun préjudice du fait desdites publications.

La FNAIM a finalement saisi le premier Président de la cour d'appel de Paris d'une demande aux fins de levée de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé, laquelle lui a été refusée [39]. S'agissant plus particulièrement des mesures de publication judiciaire, l'ordonnance a retenu que « la FNAIM ne saurait […] se prévaloir des conséquences d'une publicité dont elle est elle-même à l'origine et dont elle participe indépendamment de la mesure de publication judiciaire incriminée » alors au surplus que cette publication « ne présente aucun caractère irrémédiable dans la mesure où elle n'exclut pas que la décision d'information éventuelle de l'ordonnance soit portée dans les mêmes conditions et avec le même effet à la connaissance du public ». En conséquence de quoi, la publication judiciaire a effectivement été mise en ligne sur le site de la FNAIM.

L'ordonnance rendue par le juge des référés parisien apparaît donc exceptionnelle, jusque dans les mesures qu'elle a été amenée à prononcer. L'appel qui a été interjeté par la FNAIM selon la procédure du jour fixe méritera évidemment toute notre attention.

NB. Les auteurs tiennent à remercier Constance Baralon pour la qualité de ses recherches.


[1] L'assignation a été délivrée le 16 mars 2020.

[2] Article 6.

[3] Article 10.1 du Règlement national inter-cours.

[4] Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (N° Lexbase : L8700LM8).

[5] Agents immobiliers, syndics de copropriété et administrateurs de biens.

[6] Pour désigner des produits et services en classes 16, 35, 36, 41 et 45 ; leur enregistrement n'était pas finalisé au jour de l'ordonnance.

[7] Article 2 : « Les sceaux, timbres et cachets des cours, tribunaux, justices de paix et notaires, porteront, pour type, la figure de la Liberté, telle, qu'elle formera un des côtés du sceau de l'État ; pour exergue, République française, et pour légende, le titre des autorités ou officiers publics par lesquels ils seront employés ».

[8] Et par décret du 25 septembre 1870.

[9] Si quelques dépôts ont été réalisés à partir de 2004 à titre de marques françaises, faisant apparaître une allégorie stylisée de la liberté associée à des mentions telles que « NOTAIRES », « NOTAIRES DE France » ou encore « CONSEIL SUPERIEUR DU NOTARIAT » (pour désigner des produits et services des classes 16, 35, 36, 38, 41, 42 et 45), le Conseil a dû considérer que ces signes étaient trop différents de la « VESTA » de la FNAIM, à moins que se soit éventuellement posée une problématique de déchéance pour défaut d'usage sérieux.

[10] Les légendes du recto et du verso ont été inversées et une grappe de raisin a été ajoutée à la gerbe de blé.

[11] Convention de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle, art. 6ter ; CPI, art. L. 711-2, 6° (N° Lexbase : L5843LTL).

[12] Pour un exemple de refus d'enregistrement par l'EUIPO : affaire R-017907326, 26 septembre 2018 ; pour un exemple de refus par l'INPI : affaire fr-wo-1085310, 8 décembre 2011.

[13] CA Rennes, 28 avril 2015, n° 14/07716 (N° Lexbase : A2696NHC).

[14] CA Paris, 9 février 2001, n° 2000/05518.

[15] OHMI, Chambre de recours, 5 octobre 2011, affaire R 1804/2020-2 (Point 28), fondant sa décision sur les dispositions de l'article 7.I i) du Règlement (UE) n° 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne (N° Lexbase : L0640LGS), interdisant l'enregistrement des marques qui comportent des badges, emblèmes ou écussons autres que ceux visés par l'article 6 ter de la convention de Paris et présentant un intérêt public particulier, à moins que leur enregistrement n'ait été autorisé par l'autorité compétente.

[16] CSP, art. R. 4235-53 (N° Lexbase : L9651GTM).

[17] Pour une jurisprudence récente : TJ Paris, 29 mai 2020, n° 18/14115.

[18] Convention de Genève, 12 août 1949 (articles 38, 44 et 53) et la sanction pénale afférente prévue aux articles 433-14 (N° Lexbase : L6601IXR) et 433-15 (N° Lexbase : L6602IXS) du Code pénal.

[19] CPI, art. L. 711-2, 7°.

[20] CPI, art.  L. 711-2, 8°.

[21] TGI Paris, 27 septembre 2013, n° 2010/12590.

[22] Cass. com., 16 décembre 2014, n° 12-29.157, FS-P+B (N° Lexbase : A2855M8A), s'agissant de la marque « NOTAIRES 37 ».

[23] INPI, refus d'enregistrement, fr-wo-1485487, 2 janvier 2020 (MIKEY).

[24] Les marques de la FNAIM étant encore en cours d'enregistrement, les débats ne portaient pas sur leur nullité mais sur l'exploitation et la commercialisation de l'insigne « VESTA » à titre d'enseigne, de drapeau et d'écusson mural.

[25] Contre laquelle une demande d'annulation a été enregistrée.

[26] Elle présentait d'ailleurs elle-même la signalétique « VESTA » comme une marque collective…

[27] CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 14 février 2017, n° 16/04876 (N° Lexbase : A5225TCI) ; pour un arrêt de censure (pour défaut d'appréciation du caractère trompeur) concernant cette fois la marque « LABLE ROSE » : Cass. com., 18 septembre 2019, n° 17-27.974, F-D N° Lexbase : A3145ZP8).

[28] CJUE, 8 juin 2017, aff. C-689/15 (N° Lexbase : A6148WGS).

[29] CPI, art. L.613-26 (N° Lexbase : L3612AD7).

[30] CPI, art. L. 512-4 (N° Lexbase : L3533AD9).

[31] En pratique, l'intervention du Ministère public était somme toute symbolique, ses réquisitions à l'audience adoptant le plus souvent la position du Directeur de l'INPI.

[32] CPI, art. L. 411-4 (N° Lexbase : L9498LUC).

[33] La procédure en matière de recours formé contre les décisions du comité de la protection des obtentions végétales reste en revanche inchangée ; l'article R. 412-19 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3886ADB) dispose en effet que la cour d'appel statue, le Ministère public entendu.

[34] CA Paris, 27 novembre 2015, n° 14/08237.

[35] CPI, art. L. 711-2.

[36] Mais pas unique : TGI Lyon, référé, 17 janvier 2017, n° 20170117.

[37] TGI Paris, référé, 10 mars 2016, n° 16/51807 (N° Lexbase : A1535RUE) ; dans le même sens, TGI Paris, référé, 12 juin 2014, n° 14/51434 (N° Lexbase : A1168M3N).

[39] CA Paris, 7 août 2020, n° 20/10199.

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