La lettre juridique n°835 du 10 septembre 2020

La lettre juridique - Édition n°835

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Jurisprudence] L’impossible indemnisation du salarié expatrié par la CFE des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur : une couverture moins favorable en cas d’accidents du travail ?

Réf. : Cass. civ. 2, 16 juillet 2020, n° 18-24.942, FS-P+B+I (N° Lexbase : A35573R8)

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par Cécile Cottin-Dusart, avocat associé, département mobilité internationale, Vaughan Avocats

Le 10 Septembre 2020

 


Mots clef : expatrié • accident du travail • maladie professionnelle • faute inexcusable • CFE

Il résulte de l’article L. 762-1, alinéa 1er, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6645LNG), qui déroge au principe de l’application territoriale de la législation française de Sécurité sociale, que la couverture des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles qu’il ouvre au travailleur expatrié qui y adhère, est limitée aux seules prestations prévues au titre de la législation professionnelle, à l’exclusion de l’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur. En conséquence, la Caisse des Français de l’étranger (CFE) ne peut être tenue de faire l’avance des prestations et indemnités allouées à la victime au titre de la faute inexcusable de la société.


Le salarié expatrié, affilié à la Caisse des Français de l’Etranger (CFE), ne peut pas être indemnisé par la CFE au titre de la faute inexcusable de son employeur en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

L’affaire. Un salarié a été embauché du 11 septembre 1978 au 31 mars 2012 en qualité de prospecteur mécanicien. Il a déclaré le 18 décembre 2009 une maladie consécutive à une exposition à l’amiante alors qu’il était expatrié et affilié à ce titre à la CFE auprès de laquelle il avait souscrit une assurance volontaire accidents du travail et maladies professionnelles (1er mai 2008 au 30 novembre 2011).  La CPAM a néanmoins instruit le dossier et reconnu le caractère professionnel de la maladie le 26 mars 2010. La CFE a fixé le taux d’incapacité résultant de la maladie professionnelle et lui a attribué une indemnité en capital. Le salarié a saisi une juridiction de Sécurité sociale pour voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur et pouvoir bénéficier d’une majoration de la rente et du capital perçus.

Le conseil de prud’hommes a reconnu l’existence de la faute inexcusable de l’employeur, a dit que la majoration de la rente serait versée par la CPAM, n’a pas mis hors de cause la CFE et a ordonné une expertise médicale pour la détermination des préjudices. LA CPAM et la CFE ont interjeté appel.

La cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 26 septembre 2018, n° 16/04042 N° Lexbase : A8210X79), relevait que lors de la première constatation médicale de la maladie, le salarié était affilié à la CFE qui a reconnu le caractère professionnel de la maladie. Elle mettait logiquement hors de cause la CPAM mais jugeait que l’assurance volontaire accidents du travail et maladies professionnelles donnait droit à l’ensemble des dispositions du livre IV et en conséquence que le salarié était en droit d’obtenir de la CFE l’indemnisation de son préjudice en cas de faute inexcusable de son employeur. La cour d’appel, reconnaissant l’existence de la faute inexcusable, condamnait donc la CFE à indemniser les différents préjudices en résultant et rappelait que celle-ci disposait d’un recours subrogatoire contre l’employeur.

Le pourvoi. La CFE contestait la décision en faisant valoir que « le régime de la faute inexcusable de l’employeur n’est pas applicable au salarié expatrié qui souscrit à l’assurance volontaire accidents du travail et maladies professionnelles auprès de la CFE ».

La cassation. Au visa des articles L. 762-1, alinéa 1er et L. 762-8 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4543ADM), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en affirmant que la couverture des risques d’accidents du travail et maladies professionnelles ouverte par l’assurance volontaire est limitée aux seules prestations prévues au titre de la législation professionnelle, à l’exclusion de l’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur. En conséquence, la CFE ne peut être tenue de faire l’avance des prestations et indemnisés allouées au titre de la faute inexcusable.

La Cour de cassation n’avait pas eu l’occasion de confirmer expressément l’exclusion de la prise en charge de la faute inexcusable au titre de la législation sur les accidents du travail pour les salariés expatriés. C’est désormais chose faite, sans équivoque. La Chambre civile s’aligne ainsi avec la jurisprudence de la Chambre sociale qui avait, il y a neuf ans, ouvert la voie de la responsabilité contractuelle de droit commun dans un tel cas (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-22.875, FS-P+B+R N° Lexbase : A1882H4H).

Cette solution qui s’explique tant sur le plan juridique que pratique (I) vient rappeler que la couverture sociale du salarié expatrié, malgré l’affiliation volontaire à la CFE, n’est probablement pas aussi favorable que celle du salarié travaillant sur le sol français même si l’obligation de sécurité de l’employeur ne nous semble pas entachée (II).

I. L’inapplicabilité de la législation sur les accidents du travail aux salariés expatriés : la conséquence de l’absence d’une assurance obligatoire

A. Une application stricte du principe de territorialité : la législation française n’est pas applicable

Dans cet arrêt la Cour de cassation affirme que la couverture volontaire contre les accidents du travail et maladies professionnelles ouverte aux salariés expatriés est limitée aux seules prestations prévues au titre de la législation professionnelle et exclut l’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur.

Depuis longtemps, l’administration considère que le régime de la faute inexcusable est inapplicable aux salariés expatriés (Lettre du ministre des Affaires sociales, 6 février 1992 au directeur de la CFE, Bureau AT 92-27 R).

Dans le présent arrêt du 16 juillet 2020, la deuxième chambre civile vient confirmer l’exclusion de la prise en charge de la faute inexcusable au titre de la législation sur les accidents du travail pour les salariés expatriés au visa, notamment, de l’article L. 762-1, alinéa 1er du Code de la Sécurité sociale. Cet article prévoit la faculté, pour les salariés expatriés, de s’assurer volontairement contre les risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles auprès de la CFE. Cette assurance étant ouverte aux salariés qui exercent leur activité à l’étranger et qui ne sont pas ou plus soumis à la législation française de Sécurité sociale, la solution est cohérente. Le salarié expatrié n’étant pas soumis à législation française de Sécurité sociale, on comprend aisément qu’il ne saurait en bénéficier, au-delà des strictes prestations de la couverture volontaire qu’il a souscrite.

Faire bénéficier au salarié expatrié de l’ensemble des dispositions sur les accidents du travail et maladies professionnelles (visées par le livre IV du Code de la Sécurité sociale) reviendrait à lui appliquer l’ensemble de la législation française sur les accidents du travail et maladies professionnelles, alors que le principe de territorialité l’exclut.

On peut néanmoins imaginer que malgré le principe de territorialité, l’existence d’une assurance obligatoire contre les accidents du travail aurait abouti à une solution différente. En effet, dans ce cas la protection contre le risque accidents du travail deviendrait d’ordre public comme l’est la protection contre le risque chômage en cas de mobilité en dehors de l’Union européenne. Mais l’article L. 762-8 du code de la sécurité sociale prévoit une affiliation sur option et restreint la couverture.

B. Une application stricte de l’article L. 762-8 du Code de la Sécurité sociale : une assurance accidents du travail et maladies professionnelles de la CFE sur option

Devant la cour d’appel de Rennes, la CFE arguait du fait que s’agissant d’un organisme de Sécurité sociale volontaire, les cotisations sont mises à la charge du salarié et ne peuvent donc donner droit à une indemnisation au titre de la faute inexcusable de l’employeur. Cet argument ne pouvait prospérer à notre sens dans la mesure où même si en l’espèce les cotisations avaient éventuellement été mises à la charge du salarié, elles peuvent dans d’autres cas être mises, également sur option, à la charge de l’employeur. Par ailleurs, et surtout, cette position pouvait se comprendre avant 2013 à cause de son inapplicabilité pratique qui aurait abouti à faire peser sur la CFE la charge financière en cas de faute inexcusable de l’employeur sans pouvoir se retourner contre lui.

En effet, avant 2013, l'article L. 452-2, alinéa 6, du Code de la Sécurité sociale prévoyait que la caisse qui versait au salarié victime une indemnité complémentaire en récupérait le montant auprès de l’employeur par l'imposition d'une cotisation complémentaire. Dans la mesure où l’affiliation à la CFE est volontaire et peut n’être supportée que par le salarié (sans cotisations patronales) la CFE n’aurait pas pu, dans de nombreux cas, se retourner contre l’employeur, ce dernier n’étant débiteur d’aucune cotisation, ou pouvant décider (sauf convention collective) de ne plus l’être.

C’est probablement la raison pour laquelle la quatrième chambre sociale de la cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier, 18 avril 2007, n° RG 06/06994) concluait en 2007 au fait que la faute inexcusable de l’employeur ne pouvait être prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail, en raison de l’inexistence d’une assurance obligatoire d’accident du travail pour les salariés expatriés.

Depuis le décret du 8 janvier 2014 applicable au titre des majorations de rente et d'indemnités en capital ayant pris effet à compter du 1er avril 2013, la majoration de rente ou de capital versée à la victime par la caisse est récupérée sous la forme d’un capital auprès de l’employeur (ce qui a récemment été confirmé par la jurisprudence : Cass. civ. 2, 9 mai 2019, n° 18-14.515, F-P+B+I N° Lexbase : A0750ZBE ; Cass. civ. 2, 15 mars 2018, n° 17-10.877, F-P+B N° Lexbase : A2102XHC ; Cass. civ. 2, 28 mai 2020, n° 19-10.714, F-D N° Lexbase : A54093MB). Aujourd’hui, le fait que l’affiliation soit volontaire, sans qu’il y ait nécessairement de cotisations patronales, n’est plus, en soi, un obstacle à l’action récursoire de la caisse.

La cour d’appel de Rennes dont l’arrêt est cassé par le présent arrêt, considérait d’ailleurs que l’assurance, bien que volontaire, permettait d’étendre la couverture accidents du travail et maladies professionnelles à l’ensemble des dispositions du livre IV et ainsi permettre l’indemnisation de la faute inexcusable par la CFE qui dispose d’une action récursoire contre l’employeur.

Mais cette position allait au-delà de la lettre de l’article L. 762-8, alinéa 2 du Code de la Sécurité sociale. Celui-ci n’indique pas « l’assurance volontaire […] donne droit à l’ensemble des dispositions prévues par le livre IV » qui aurait permis d’appliquer l’ensemble du livre IV et notamment le titre V relatif à l’indemnisation de la faute inexcusable de l’employeur. L’article se contente de faire référence au « prestations » : « L'assurance volontaire accidents du travail et maladies professionnelles donne droit à l'ensemble des prestations prévues par le livre IV ». Les prestations sont visées par le Titre III uniquement qui ne mentionne pas les conséquences de la faute inexcusable.

La solution de la Cour de cassation résulte donc d’une application stricte des textes : l’ « indemnisation » de la faute inexcusable par la caisse n’est pas une « prestation » au sens du livre IV du code de la sécurité sociale.   L’affiliation à la CFE se faisant sur option, elle ne donne pas droit à l’application de la législation des accidents du travail et maladies professionnelles.

Le salarié expatrié, est-il pour autant, privé d’indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable de son employeur ? La position de la deuxième chambre civile vient confirmer la nécessité pour le salarié victime de solliciter la réparation de son préjudice au titre de la faute inexcusable de son employeur sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ce qui vient probablement rendre moins favorable la couverture du salarié expatrié, même affilié à la CFE.

II. Le nécessaire recours à la responsabilité contractuelle de droit commun en cas de faute inexcusable : une protection du salarié expatrié moins favorable ?

A. En cas de faute inexcusable de son employeur : la nécessaire saisine de la juridiction prud’hommale, que le salarié expatrié soit ou non affilié à la CFE

La position de la cour d’appel de Rennes infirmée par la chambre civile permettait au salarié expatrié, s’il avait été affilié à la CFE, de bénéficier de la protection de la législation AT/MP prévoyant une majoration de la rente et l’indemnisation de ses préjudices en cas de faute inexcusable de l’employeur.

La position contraire de la deuxième chambre civile fait perdre au salarié expatrié le bénéfice de ce régime favorable permettant une automaticité de la réparation mais ne vient néanmoins pas réduire à néant la possibilité de bénéficier d’une indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable.

En effet, selon une jurisprudence constante, le salarié dont l’affection n’est pas prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ou les maladies professionnelles, peut engager une action contre son employeur sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle (Cass. soc., 28 octobre 1997, n° 95-40.509 N° Lexbase : A3114ABX).

Dans une série d’arrêts du 28 février 2002 (Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-10.051, publié, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0806AYI), la Cour de cassation a posé le principe selon lequel l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles (en l’espèce d’ailleurs liées à l’amiante comme dans la présente affaire).

On notera néanmoins que l’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ne vient pas remettre en cause l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur, même lorsque le salarié est expatrié. On notera que l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur qui envoie un salarié à l’étranger lui impose notamment d’évaluer les risques politiques, criminels et sanitaires, d’informer son salarié des conditions de travail et de sa protection sociale (Cass. soc., 25 janvier 2012, n° 11-11.374, FS-P+B N° Lexbase : A4366IBC). Une fois sur place, il doit continuer à tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité de son salarié.

Une indemnisation reste donc possible en application de l’article L. 4121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8043LGY) selon lequel l’employeur doit prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. ». La responsabilité de l’employeur peut être engagée sur le fondement de son obligation de sécurité (sous réserve que le droit français soit applicable à la relation de travail).

C’est d’ailleurs ce qu’a jugé la Chambre sociale de la Cour de cassation en 2011 en reconnaissant la possibilité pour le salarié expatrié d’obtenir réparation du préjudice subi sur le fondement de la responsabilité contractuelle et de l’obligation de sécurité de l’employeur, lorsque l’affection n’est pas prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ou les maladies professionnelles (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-22.875, FS-P+B+R N° Lexbase : A1882H4H).

B. En cas de faute inexcusable de son employeur, le salarié expatrié moins protégé que le salarié travaillant sur le sol français ?

Le salarié qui travaille sur le sol français et qui est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peut bénéficier d’une indemnisation automatique par la caisse de Sécurité sociale en application des article L. 452-2 (N° Lexbase : L7113IUY) et L. 452-3 (N° Lexbase : L5302ADQ) du Code de la Sécurité sociale, en cas de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité alors que celui-ci aurait dû avoir conscience du danger et qu’il n’a pas pris les dispositions nécessaires. Cette réparation est automatique mais en contrepartie est forfaitaire et limitée aux chefs de préjudices listés par le code : préjudice causé par les souffrances physiques et morales, préjudices esthétiques et d'agrément et préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Toutefois, compte tenu des réserves du Conseil constitutionnel en la matière (Cons. const., décision n° 2010-8 QPC, du 18 juin 2010 N° Lexbase : A9572EZK), les juridictions de Sécurité sociale devraient avoir tendance à réparer l’ensemble des dommages subis même si la réparation intégrale n’est pas affirmée.

En étant contraint d’aller sur le terrain de la responsabilité contractuelle en saisissant la juridiction prud’homale sur le fondement de l’obligation de sécurité de son employeur, le salarié expatrié perd le bénéfice de l’indemnisation automatique. Par ailleurs, il peut être confronté à l’insolvabilité de son employeur et celui-ci pourrait s’exonérer de sa responsabilité (ou à tout le moins en invoquer le partage) en cas de faute du salarié victime (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 10-22.875, FS-P+B+R N° Lexbase : A1882H4H). Le régime de la faute inexcusable dont ne bénéficie pas le salarié expatrié selon cet arrêt du 16 juillet 2020 aurait pourtant été plus favorable puisque la faute de la victime ne peut pas exonérer l’employeur de sa responsabilité mais seulement réduire la majoration de la rente versée et il doit s’agir d’une faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience (Ass. plén., 24 juin 2005, n° 03-30.038 N° Lexbase : A8502DIQ).

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Avocats/Déontologie

[Jurisprudence] La robe d’avocat à l’épreuve de son temps

Réf. : CA Douai, 9 juillet 2020, n° 19/05808 (N° Lexbase : A94213RD)

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N4369BYH

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par François-Xavier Berger, Avocat au barreau de l’Aveyron, Ancien Bâtonnier

Le 09 Septembre 2020

Mots-clefs : Jurisprudence • Commentaire • Avocat • Robe • Foulard 

Résumé :  Est légale la délibération du conseil de l’Ordre du barreau des avocats de Lille interdisant tout port de signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique et notamment le port du foulard lors des missions de l’avocat de représentation ou d’assistance d’un justiciable devant une juridiction


 

Il y a quelques mois, mon confrère Éric Morain et moi-même rappelions combien les avocats étaient attachés à leur robe, ce « vêtement sacré » [1]. L’arrêt rendu en audience solennelle, le 9 juillet 2020, par la cour d’appel de Douai ne manquera pas de les intéresser en ce qu’il concerne directement cet attribut si particulier de leurs fonctions [2].

À l’origine de cette affaire se trouve une délibération du conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Lille du 24 juin 2019, ajoutant à l’article 9-3 du règlement intérieur un alinéa, relatif aux rapports avec les institutions, et ainsi rédigé :

« L’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant
ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique,
communautaire ou politique ».

Le 27 août 2019, une élève-avocate ainsi qu’un avocat formaient chacun un recours préalable contre la délibération ayant adopté cette modification. Le 9 septembre 2019, le conseil de l’Ordre rejetait, d’une part le recours de l’élève-avocate, au motif qu’elle n’était pas avocate, et d’autre part celui de l’avocat comme étant infondé. Les deux intéressés saisissaient la cour d’appel de Douai d’une demande d’annulation de cette modification du règlement intérieur en invoquant son caractère discriminatoire et illégal. Ces deux recours étaient joints à l’occasion d’une instance au cours de laquelle le Défenseur des droits intervenait volontairement pour les soutenir. Le procureur général, partie à la procédure, demandait à la cour de rejeter, au fond, les recours et de confirmer la légalité de la délibération du conseil de l’Ordre.

Dans sa décision, la cour d’appel de Douai a confirmé l’irrecevabilité de la contestation élevée par l’élève-avocate, a accueilli l’intervention du Défenseur des droits et a rejeté le recours formé par l’avocat.

Cet arrêt qui a été, ou sera, vraisemblablement frappé de pourvoi pose plusieurs questions.

Certaines sont d’Ordre purement procédural et nous les laisserons de côté. Le conseil de l’Ordre avait-il compétence pour édicter cette disposition ? L’élève-avocate avait-elle qualité à agir ? Le Défenseur des droits était-il recevable à intervenir en cette matière ? 

D’autres touchent à des principes de fond qui méritent ici nos observations. En effet suivant la solution qui y sera apportée, l’apparence d’un avocat se présentant devant un juge pourrait s’en trouvée durablement modifiée. Un avocat peut-il porter, avec sa robe, des décorations (I) ou un signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique (II) ?

I - Un avocat peut-il porter, avec sa robe, des décorations ?

En rejetant les contestations dont elle était saisie la cour valide donc l’interdiction du port des décorations, en audience, par un avocat (A). Cette solution peut apparaître critiquable notamment au regard de la jurisprudence existante (B).

A. Une réponse négative

La cour va, d’abord, reprendre les thèses en présence. L’auteur du recours invoquait un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 24 octobre 2018 ayant statué sur cette difficulté [3]. Le conseil de l’Ordre s’appuyait quant à lui sur la nécessité d’assurer l’unité de la profession et l’égalité entre confrères, symbolisées par le costume.

S’agissant des textes la cour va rappeler que l’article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) précise que « les avocats sont des auxiliaires de justice ». Elle va ajouter qu’en « assurant la défense des justiciables, ils concourent au service public de la justice ». Elle va écarter les dispositions du Code de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire et de l’Ordre national du Mérite en refusant d’assimiler la robe d’avocat à un costume officiel ou à un uniforme militaire pour lesquels existe une obligation du port.

Elle va écarter tout critique à l’égard de la décision du conseil de l’Ordre car « l’obligation de revêtir un costume uniforme, concourt à assurer l’égalité des avocats et à travers celle-ci l’égalité des justiciables, qui est un élément constitutif au droit au procès équitable ».

Enfin elle retient que « l’objectif recherché est bien légitime et l’exigence proportionnée, cette interdiction ne valant que lors des missions de représentation ou d’assistance d’un justiciable devant une juridiction ».

Cette motivation peut apparaître critiquable en l’état de l’arrêt qui était invoqué par l’auteur du recours et qui portait très exactement sur la même problématique.

B. Une réponse critiquable

Dans cette décision précitée, du 24 octobre 2018 [4], et qui n’est finalement pas très ancienne, la Cour de cassation avait donné raison à la cour d’appel de Toulouse d’avoir annulé une disposition du règlement intérieur du barreau de de cette même ville interdisant le port de décorations sur la robe d'audience de l'avocat.

La cour d'appel s'était fondée, en premier lieu, sur les dispositions règlementant le port des décorations pour en déduire « le droit pour le décoré de porter les insignes que confère l'attribution d'une décoration française ». La cour de Douai affirme ici que ces mêmes dispositions n’obligent pas un avocat, titulaire d’une décoration, à la porter sur sa robe. Le juriste n’est guère plus avancé dans ce débat opposant la faculté d’exercice d’un droit à l’absence d’obligation de l’exercer…

En second lieu, les juges de Toulouse avaient retenu « que lorsqu'un avocat porte sur sa robe professionnelle les insignes des distinctions qu'il a reçues, aucune rupture d'égalité entre les avocats n'est constituée, non plus qu'aucune violation des principes essentiels de la profession ». Sur ce point la cour d’appel de Douai va à l’encontre de cette motivation pourtant approuvée par la Cour de cassation. Il s’ensuit qu’une censure ne saurait être exclue.

S’agissant enfin du grief tiré d'une rupture d'égalité entre les justiciables, la Cour de cassation avait jugé ce moyen irrecevable car non invoqué devant les juges du fond. L’arrêt commenté le retenant expressément un pourvoi devrait conduire la Cour de cassation à devoir l’analyser.

À cet égard, et sauf à manquer d’une certaine cohérence dans le raisonnement, l’on voit mal comment pourrait subsister une rupture d’égalité entre les justiciables si dans le même temps l’on écarte, à l’instar de la Cour de cassation, cette même rupture d’égalité entre les avocats. Voici deux notions d’autant plus liées que les avocats ne sont que les représentants de leurs clients. Dans leur motivation les juges de Douai ont eux-mêmes reconnu que l’égalité des justiciables s’exerçait « à travers » celle des avocats.

En outre , retenir une rupture d’égalité entre des justiciables au motif que l’un des avocats porterait, en audience, une décoration ne manquerait pas de susciter d’autres interrogations.

Sauf à devoir opérer un tri hasardeux dans les mérites des uns et des autres, ne faudrait-il alors pas interdire également la mention d’un titre actuel ou passé de Bâtonnier ? L’égalité doit-elle être parfaite au risque de conduire à des solutions excessives ?

Ajoutons qu’il existe des procédures dans lesquelles un seul avocat intervient. Il en va des procédures pénales sans partie civile ou des procédures civiles sans représentation obligatoire. Dans ces hypothèses l’interdiction du port des décorations ne reposerait alors sur aucune motivation sérieuse.

Il n’est donc nullement certain que la solution dégagée par l’arrêt commenté soit confirmée dans l’hypothèse d’un pourvoi.    

Le débat sur les autres signes susceptibles d’être arborés par un avocat reste tout aussi complexe.

II - Un avocat peut-il porter, avec sa robe, un signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique ?

Alors même que le sujet était ô combien délicat la réponse, à nouveau négative, des juges de Douai laisse perplexe par son côté lapidaire (A). À leur décharge force est de relever que leur marge de manœuvre était extrêmement limitée d’où une solution contrainte (B).

A. Une réponse lapidaire

La question était relativement large dans son énoncé puisque étendue à des signes religieux, philosophiques, communautaires ou politiques. La cour ne va véritablement répondre que sur la seule question du « foulard ». La presse, elle-même, ne s’est faite l’écho que de cette unique controverse [5].

Après avoir rappelé les textes fondant la liberté de pensée, de conscience, de religion ou d’expression la cour d’appel va se limiter à juger que la restriction apportée est légitime et proportionnée puisque « ne valant que lors des seules missions de l’avocat de représentation ou d’assistance d’un justiciable devant une juridiction. »

Pour aboutir à cette solution les juges de Douai vont considérer que « chaque avocat dans l’exercice de ses fonctions de défense et de représentation se doit d’effacer ce qui lui est personnel au profit de la défense de son client et du droit ».

Ils ajoutent que l’interdiction querellée ne pouvait « empêcher une femme portant le foulard de prêter serment et de devenir avocate, mais seulement restreindre la possibilité de garder le foulard quand cette avocate intervient devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable, la liberté qui lui est reconnue de manifester sa religion devant céder, lorsqu’elle intervient comme auxiliaire de justice, concourant au service public de la justice, devant la protection des droits et la liberté du justiciable ».

Cette motivation lapidaire risque fort de fragiliser cette décision en cas de pourvoi.

En premier lieu, elle reste fort limitée, voire muette, sur la question des signes philosophiques, communautaires ou politiques là où ces questions étaient également en débat.

En second lieu, l’on peut regretter l’absence d’analyse de fond des textes en présence compte tenu notamment des moyens de droit qui avaient été développés par le Défenseur des droits. Fait notable, celui-ci soutenait les recours.

Pour autant, il serait injuste de jeter l’anathème sur la cour d’appel de Douai.

Sa marge de manœuvre demeurait, en l’espèce, fort étroite et spécialement s’agissant des signes religieux.    

B. Une réponse contrainte

La difficulté, pour les Ordres d’avocats, n’est pas nouvelle. Elle s’était posée dès 2016 au point que le Bâtonnier Emmanuel Le Mière avait rédigé, pour le compte de la Conférence des Bâtonniers, un rapport particulièrement étayé dans lequel il abordait les obstacles qu’il y avait tant à règlementer localement qu’à laisser les choses en l’état [6].

Se fondant sur ce rapport la Conférence des Bâtonniers avait adopté une résolution appelant « les autorités à réglementer l’usage et la forme du costume d’audience, notamment en prescrivant l’interdiction d’ajouts personnels à la robe à l’exception des décorations françaises pour les audiences solennelles, et en disposant que les avocats se présentent tête nue dans l’exercice public de leurs fonctions d’assistance et de représentation » [7] .

Las ! Devant le caractère délicat de cette interpellation, le Conseil national des barreaux préféra ne rien faire, son président de l’époque ayant même envisagé un temps de saisir, pour avis, le Défenseur des droits. Or, on sait que celui-ci a finalement pris parti en faveur des auteurs du recours et, par conséquent, contre toute limitation vestimentaire ou de présentation qui pourrait être imposée à un avocat [8].

La difficulté essentielle réside dans la nature même de l’avocat. Deux études remarquables peuvent être ici citées. La première, adoptée par le Conseil d’État le 19 décembre 2013, à la demande de ce même Défenseur des droits [9]. La seconde, émanant d’universitaires de la Mission droit et justice, portant sur l’application du principe de laïcité à la justice et publiée en 2019 [10].

En droit, l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 (N° Lexbase : L7403HHN) énonce que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

L’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 (N° Lexbase : L0978HDL) concernant la séparation des Églises et de l'État dispose : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Il s’agit du principe de neutralité de la puissance publique. Si la loi de 1905 n’est pas visée dans l’arrêt commenté la question du principe de neutralité était dans le débat. Ainsi le procureur général soutenait que la délibération du conseil de l’Ordre permettait de concilier le « respect de l’indépendance de l’avocat, auxiliaire de justice, avec le principe de neutralité dû, lors de l’audience en cette qualité ».

À l’opposé, tant le Défenseur des droits que les auteurs du recours indiquaient que le principe de neutralité ne pouvait être étendu à l’avocat. On sait, notamment à travers la jurisprudence administrative, que la neutralité de la puissance publique s’étend à celle des agents du service public. La question est donc de savoir s’il est possible d’assimiler, ou non, un avocat à un agent du service public. L’article 3 de la loi précitée du 31 décembre 1971 se limite à le qualifier « d’auxiliaire de justice » étant rappelé que selon l’article 1er de cette même loi « la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante ».

À l’inverse et compte tenu de ses missions il n’apparaît pas raisonnable de classer l’avocat dans la catégorie des simples usagers du service public. L’on sait cependant que l’usager peut voir sa liberté restreinte dans certains cas mais à condition qu’il existe un texte spécifique. La loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 (N° Lexbase : L1864DPQ) encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics s’est, de fait, appliquée à l’ensemble des élèves de ces établissements. Dans son rapport précité, la Mission droit et justice avait été contrainte d’en conclure que l’avocat était « un acteur sui generis du service public de la justice ».  Il est d’ailleurs intéressant de relever que durant la crise sanitaire le juge des référés du Conseil d’État, statuant sur les mesures de protection requises par les avocats, avait été amené à préciser que les avocats « en leur qualité d’auxiliaires de justice, concourent au service public de la justice » [11]. Ce sont d’ailleurs ces mêmes termes qui sont repris par les juges de Douai dans leur décision pour qualifier le rôle et la fonction de l’avocat. En réalité, l’avocat est même plus que cela et il est particulièrement regrettable que la nature de ses fonctions n’ait pas été examinée en profondeur que ce soit dans l’arrêt commenté ou même dans les études précitées.

L’on oublie trop souvent qu’il est des domaines dans lesquels le recours à un avocat est obligatoire et, notamment, pour les procédures à forts enjeux. Il s’agit, en matière civile, de toutes les procédures avec représentation obligatoire qu’elles soient de première instance ou d’appel [12]. Il en va de même en matière pénale. Le mineur délinquant doit obligatoirement être assisté par un avocat [13]. Le prévenu ayant accepté une procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité ne peut accepter la peine proposée qu’en présence d’un avocat [14]. Enfin l’accusé comparant devant la cour d’assises doit également être défendu par un avocat [15]. Dans ces matières pénales, l’avocat peut intervenir sur une désignation d’office de son Bâtonnier ou du juge. Autoriser l’avocat, ainsi désigné, à se présenter avec un signe religieux pourrait ici s’avérer totalement inconciliable avec la propre liberté de conscience de la personne dont il a la charge d’assurer la défense. En définitive, les fonctions et la nature même de l’avocat tendent ici à le rapprocher d’un quasi-agent du service public mais sans jamais l’atteindre totalement. Sa nécessaire indépendance, intégrée à son serment, en constitue l’un des obstacles [16]. L’on mesure donc combien il est délicat d’apporter une réponse aussi tranchée que celle avancée en l’espèce par le Défenseur des droits.

***

Dans l’attente d’une solution juridictionnelle rappelons que le président conservera toujours la police de l’audience [17]. Face à la complexité d’une telle situation la profession devrait écouter ce que la Conférence des Bâtonniers lui suggérait en 2016, c’est-à-dire réglementer, non point la robe en elle-même, mais plus généralement ce que l’article 3 de la loi du 31 décembre 1971 nomme « le costume de la profession ». Celui-ci fut rétabli, en ces termes, par l'article 6 de l'arrêté des consuls du 2 Nivôse an XI (23 décembre 1802) [18] : « Aux audiences de tous les tribunaux, les gens de loi et les avoués porteront la toge de laine fermée par devant, à manches larges ; toque noire ; cravate pareille à celle des juges ; cheveux longs ou ronds ». Il suffirait par conséquent de réécrire ce texte - inchangé en plus de deux siècles - d’une part, en supprimant la toque tombée en désuétude et, d’autre part, en y ajoutant l’interdiction de tout signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique. Cette dernière formulation est celle qui était en litige. Elle est moins restrictive que celle proposée par la Conférence des Bâtonniers dont le caractère trop général interdirait, à tort, à des avocats de masquer une partie de leur tête pour des raisons médicales.


[1] E. Morain et F.-X. Berger, Que la force cède à la robe !, Lexbase avocats, février 2020 (N° Lexbase : N1923BYU).

[2] CA Douai, 9 juillet 2020, n° 19/05808 (arrêt commenté).

[3] Cass. civ. 1, 24 octobre 2018, n° 17-26.166, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5932YH8).

[4] Cass. civ. 1, 24 octobre 2018, préc..

[5] P. Robert-Diard, A Lille, les avocats interdits de décorations et de signes religieux, Le Monde, 10 juillet 2020 [En ligne] ; Lakhdar Belaïd, Lille : pas de foulard avec la robe d’avocat, La Voix du Nord, 13 juillet 2020 [En ligne].

[6] E. Le Mière, Port de signes distinctifs d’appartenance religieuse à l’audience : réponse ordinale à la pratique de l’avocat, Conférence des Bâtonniers, 18 novembre 2016.

[7] Conférence des Bâtonniers, Port de la robe et signe d’appartenance religieuse ou
politique
, 18 novembre 2016. 

[8] A. Portmann, Réglementation du costume d’audience : le casse-tête autour des signes religieux, Dalloz-actualité, 7 décembre 2016.

[9] CE, 19 décembre 2013, Étude demandée par le Défenseur des droits le 20 septembre 2013, Défenseur des droits, [En ligne].    

[10] E. Forey, Y. Laidier, C. Bugnon, C. Dieter Classen, A. Coutant, et autres, L’application du principe de laïcité à la justice, Rapport de recherche, Mission de recherche Droit et justice, 2019, p. 188 et s..

[11] CE référé, 20 avril 2020, n° 439983 (N° Lexbase : A91553KB) cons. 18.

[12] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, art. 4, 5 et 5-1. Rappelons également que le champ de la représentation obligatoire a été étendu par le récent décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.

[13] Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, art. 3-1, 4, 4-1, 7-2, 8-1, 10, 10-2 et 14-2.

[14] C. proc. pén., art. 495-8 (N° Lexbase : L6810LW7), 495-9 (N° Lexbase : L0517LTC) et 495-11 (N° Lexbase : L0518LTD).

[15] C. proc. pén., art. 274 (N° Lexbase : L3663AZP) et 317 (N° Lexbase : L3715AZM) (sauf l’hypothèse rarissime en pratique de l’article 275 « A titre exceptionnel, le président peut autoriser l'accusé à prendre pour conseil un de ses parents ou amis »).

[16] Aux termes de l’article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 , les avocats prêtent serment en ces termes : « Je jure, comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. »

[17] En matière civile, v. l’article 438 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1126INZ). En matière pénale, article 309 (cour d’assises) (N° Lexbase : L3587DGX) et 401 (tribunal correctionnel) (N° Lexbase : L6502H7X) du Code de procédure pénale.

[18] Une erreur souvent commise, y compris dans l’arrêt commenté, est de faire référence à l’an II au lieu de l’an XI. 

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Construction

[Brèves] Publication au JO des arrêtés d’application de la loi « ELAN » sur les études de sol obligatoires

Réf. : Arrêté du 22 juillet 2020 définissant le contenu des études géotechniques à réaliser dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols (N° Lexbase : L8898LXT) ; arrêté du 22 juillet 2020 définissant lesdites zones (N° Lexbase : L9250LXU) ; arrêté du 22 juillet 2020 relatif aux techniques particulières de construction dans lesdites zones (N° Lexbase : L9855LXB)

Lecture: 4 min

N4485BYR

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 10 Septembre 2020

► Le vendeur d’un terrain a, dans certains cas, depuis la loi « ELAN », l’obligation de fournir une étude de sol à l’acquéreur ; trois arrêtés du 22 juillet 2020, publiés respectivement les 6, 9 et 15 août 2020 viennent préciser les cas dans lesquels cette étude est obligatoire ainsi que la nature de cette étude (arrêté du 22 juillet 2020 définissant le contenu des études géotechniques à réaliser dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols, JORF n° 0192 du 6 août 2020 ; arrêté du 22 juillet 2020 définissant les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols argileux, JORF n° 0195 du 9 août 2020 ; arrêté du 22 juillet 2020 relatif aux techniques particulières de construction dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols, JORF n° 0200 du 15 août 2020).

L’article 68 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite loi « ELAN » (N° Lexbase : L8700LM8), a instauré une nouvelle mesure destinée à protéger les accédants à la propriété des risques, qui conduisent parfois à des désordres graves, liés aux phénomènes de dessication des sols, autrement dénommés retraits/gonflements. Il s’agit d’imposer la réalisation d’une étude géotechnique préalable avant toute vente d’un terrain constructible en vue d’informer l’acquéreur sur la nature des sols.

L’obligation imposée au vendeur est, toutefois, conditionnée.

Elle ne s’étend, tout d’abord, pas à toutes les zones géographiques. Seules les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols sont concernées. Une carte a été annexée à l’arrêté publié le 9 août 2020, le texte n° 2.

Elle ne concerne que les ventes de terrain non bâti constructible. Autrement dit, la cible est clairement la construction de maison individuelle. D’ailleurs, le maître d’ouvrage a, lui aussi, l’obligation de transmettre cette étude aux constructeurs lesquels devront s’y conformer. Les contrats de louage d’ouvrage doivent préciser que les constructeurs ont bien reçu un exemplaire de l’étude géotechnique et que les travaux intègrent les mesures rendues nécessaires par cette étude. Elle est donc contractualisée et susceptible, en cas de non-respect, d’engager la responsabilité des constructeurs.

Nombreux sont ceux qui s’interrogeaient sur le contenu de ces études. Nombreux sont ceux qui y voyaient des études de type G1 ou G2 AVP pour reprendre la nomenclature de la NF 94-500. L’article 1er de l’arrêté publié le 6 août 2020 (texte n° 50), précise qu’il s’agit d’une étude préalable qui doit permettre une première identification des risques géotechniques d’un site. Elle doit fournir un modèle géologique préliminaire et les principales caractéristiques géotechniques du site, ainsi que les principes généraux de construction pour se prémunir du risque de mouvement de terrain. Cette étude préalable comporte une enquête documentaire sur le cadre géotechnique du site et l’existence d’avoisinants avec visite du site et des alentours. Il est, en tout état de cause, ajouté qu’une étude géotechnique préalable de type G1 réalisée conformément aux exigences de la NF P 94-500 vaut présomption de conformité.

Enfin, faute d’étude, il est tout de même imposé aux constructeurs des techniques dites « particulières de construction » qui sont détaillées dans l’arrêté paru le 15 août 2020, texte n° 57. Ces dispositions sont les suivantes :

  • mise en place de fondations renforcées ;
  • mesures pour éviter les variations de teneur en eau du terrain à proximité de l’ouvrage dues aux apports d’eaux pluviales et de ruissellement ;
  • mesures prises pour éviter les variations de teneur en eau du terrain à proximité de l’ouvrage causées par l’action de la végétation.

Plus d’excuses, donc, pour ne pas mettre en œuvre ces dispositions obligatoires depuis… le 1er janvier 2020 !

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Contrats et obligations

[Jurisprudence] Rétractation + exécution = contrat !

Réf. : Cass. civ. 1, 1er juillet 2020, n° 19-12.855, F-P+B (N° Lexbase : A57023QA)

Lecture: 11 min

N4454BYM

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par Guillaume Maire, Maître de conférences à l’Université de Lorraine, Faculté de droit de Metz, Institut François Gény (EA 7310)

Le 10 Septembre 2020

 

 

Résumé. Il résulte de l’article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 [1], que la partie qui, faisant usage de la faculté contractuellement stipulée, a exercé son droit de rétractation, peut y renoncer en poursuivant l’exécution du contrat et en effectuant des actes d’exécution incompatibles avec cette faculté de rétractation. L’acquéreur, qui a reçu la livraison de la pompe à chaleur commandée et accepté sans réserve les travaux d’isolation des combles prévus au contrat, renonce en conséquence à la faculté de rétractation antérieurement exercée.

Un droit à l’indécision. Dans certaines hypothèses, la loi ou le contrat accorde à l’une des parties le droit d’être indécis. Celui-ci se matérialise par un « délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement » [2]. Ce mécanisme soulève la question du degré d’indécision acceptable. Le contractant qui a régulièrement exercé son droit de rétractation peut-il valablement revenir sur sa décision ? Telle est la question à laquelle l’arrêt rendu par la Cour de cassation, le 1er juillet 2020 [3], apporte un élément de réponse.

L’arrêt. En l’espèce, à l’occasion d’une foire exposition, un propriétaire conclut, avec une société spécialisée, un contrat portant sur l’installation d’un système de chauffage avec pompe à chaleur et la réalisation d’une isolation des combles. Regrettant son emplette, pour un prix s’élevant tout de même à 16 970 euros, l’acquéreur adressa, le jour même, à la société, le bon d’annulation qui figurait au bas des conditions générales de vente. En dépit de cette rétractation, le contrat a été partiellement exécuté dans les semaines qui ont suivi : une visite technique a été réalisée, les travaux d’isolation des combles ont été accomplis par le prestataire et réceptionnés sans réserve par le client et la pompe à chaleur a été livrée, mais n’a pu être installée, faute pour l’acquéreur d’avoir réalisé la dalle de béton nécessaire à son installation. Se prévalant finalement de sa rétractation, l’acquéreur a assigné la société en restitution de l’acompte versé et en indemnisation. Le vendeur ne contestait pas, à juste titre, l’existence du droit de rétractation de l’acquéreur. Si la vente conclue dans une foire exposition, en ce qu’elle est assimilable à une vente en magasin, n’ouvre pas un droit légal de rétractation au bénéfice de l’acquéreur [4], le contrat peut, ainsi qu’il en était le cas en l’espèce, prévoir un tel droit de rétractation [5]. Le vendeur estimait, néanmoins, que l’acquéreur avait renoncé à sa rétractation en poursuivant l’exécution du contrat.

La cour d’appel de Riom (CA Riom, 21 novembre 2018, n° 17/01848 N° Lexbase : A2938YMR) rejeta la demande en paiement de la société en retenant que le contrat avait été anéanti par l’exercice régulier, par l’acquéreur, de son droit de rétractation. Son raisonnement est censuré par la Cour de cassation, au visa de l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aux motifs qu’« en application de ce texte, la partie qui, faisant usage de la faculté contractuellement stipulée, a exercé son droit de rétractation, peut y renoncer en poursuivant l’exécution du contrat et en effectuant des actes d’exécution incompatibles avec cette faculté de rétractation » [6]. Partant, la première chambre civile de la Cour de cassation admet la possibilité pour le titulaire d’un droit de rétractation de renoncer à ses effets (I), ce qui apparaît contradictoire avec la position antérieurement adoptée par la troisième chambre civile (II).

I. Une renonciation aux effets de la rétractation

Sanction de la mauvaise foi de l’acheteur. On ne peut s’empêcher de voir dans la solution rendue par la Cour de cassation une sanction de la mauvaise foi de l’acheteur qui, après s’être rétracté, a laissé le professionnel installer le matériel, puis s’est prévalu de sa rétractation lorsqu’il s’est agi de payer le solde du prix. C’est d’ailleurs l’argument repris dans la deuxième branche du moyen, sans doute inspiré de la jurisprudence de la Cour de cassation qui admet désormais, à propos du droit de rétractation de l’assuré, que l’exercice de ce droit peut dégénérer en abus [7]. Il ne s’agissait, cependant, pas en l’espèce d’exercer, de manière abusive, le droit de rétractation, mais d’invoquer, tel que le soutenait le demandeur au pourvoi, cette faculté de rétractation de manière abusive. Or se prévaloir de cette faculté ne constitue pas un droit susceptible de dégénérer en abus. Le moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Il n’empêche que la solution aboutit à sanctionner le comportement de l’acheteur qui se contredit au détriment d’autrui [8]. Il est incontestable que le contractant qui exerce sa faculté de rétractation, puis qui exécute le contrat, notamment en réceptionnant les travaux réalisés en exécution de ce contrat, adopte un comportement incohérent. N’étant pas invitée à se prononcer sur le terrain du devoir de cohérence, la Cour de cassation ne s’y aventure pas et lui préfère un raisonnement en termes de renonciation.

Renonciation tacite. Les Hauts magistrats identifient une renonciation aux effets de la rétractation. Il s’agit d’une renonciation tacite qui se caractérise par la poursuite de l’exécution du contrat et l’accomplissement d’actes d’exécution incompatibles avec le droit abdiqué. Ce critère retenu, en l’espèce, par la Cour de cassation pour caractériser la renonciation tacite doit être approuvé. Il est, en effet, admis qu’à défaut d’être expresse, la volonté de renoncer à un droit doit être non équivoque. Ce critère suppose, d’une part, l’accomplissement d’un acte positif - la volonté abdicative ne saurait résulter du silence du bénéficiaire du droit - et, d’autre part, une contradiction entre ce droit et l’acte positif [9]. La Cour de cassation ne s’y trompe pas lorsqu’elle exige, pour caractériser la renonciation aux effets de la rétractation, la poursuite du contrat (acte positif) et l’accomplissement d’actes d’exécution incompatibles avec la faculté de rétractation (actes contradictoires) [10]. Tel est incontestablement le cas de l’acheteur qui reçoit la livraison de la pompe à chaleur commandée et qui accepte sans réserve les travaux d’isolation des combles prévus au contrat en dépit de l’exercice antérieur de sa faculté de rétractation.

Si la caractérisation de la renonciation tacite ne soulève pas de difficulté, il n’en va pas de même de son admission. En déduisant du principe de la force obligatoire que « la partie qui, faisant usage de la faculté contractuellement stipulée, a exercé son droit de rétractation, peut y renoncer », la Cour de cassation admet clairement la possibilité pour le bénéficiaire d’un droit de rétractation de renoncer à ses effets. Or, l’admission d’une telle indécision ne relève pas de l’évidence.

II. Une renonciation aux effets de la rétractation ?

Problème. La difficulté, relative à la possibilité de renoncer à la faculté de rétractation antérieurement exercée, provient de l’effet de la rétractation. Celui-ci réside dans l’anéantissement du contrat ; la Cour de cassation ayant jugé, à plusieurs reprises, que « l’exercice par [son bénéficiaire] de son droit de rétractation avait entraîné l’anéantissement du contrat » [11]. Comment la volonté unilatérale de l’acheteur peut-elle rétablir un contrat anéanti ? La solution retenue en l’espèce interroge eu égard à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation.

La cassation de l’arrêt rendu par la cour d’appel a sans doute étonné les juges d’appel qui, en retenant, pour rejeter la demande en paiement du vendeur, que le contrat a été anéanti par l’exercice régulier par l’acquéreur de son droit de rétractation, reprenaient finalement une solution dégagée par la Cour de cassation quelques années auparavant. Dans un arrêt remarqué en date du 13 février 2008, celle-ci a, en effet, jugé, à propos d’un droit de rétractation légal - le droit de rétractation dont bénéficie l’acquéreur non professionnel d’un immeuble à usage d’habitation -, que le bénéficiaire de ce droit ne disposait pas d’un « double droit de repentir » et ne pouvait pas revenir sur sa rétractation. En l’espèce, l’acquéreur signataire d’une promesse de vente avait exercé son droit de rétractation (premier repenti efficace), mais s’en était aussitôt repenti avant l’expiration du délai. La Cour de cassation a estimé que la rétractation de sa rétractation était inefficace en retenant que « l’exercice de son droit de rétractation avait entraîné l’anéantissement du contrat » [12]. Dès lors, une manifestation de volonté en faveur du maintien du contrat était insuffisante pour « faire revivre le contrat anéanti » [13].

Cette solution, réitérée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation [14], est plutôt bien accueillie par la doctrine qui y voit une confirmation de la nature juridique du droit de rétractation mettant fin à une controverse classique. Selon les uns, l’existence du droit de rétractation empêche la conclusion du contrat qui n’est formé qu’à l’expiration du délai prévu, alors que, selon les autres, l’exercice du droit de rétractation entraîne la résolution d’un contrat formé dès l’échange des consentements. En précisant que le contrat a été anéanti par l’exercice du droit de rétractation, la Cour de cassation se prononce donc en faveur de la deuxième acception relevant d’une « logique de résolution du contrat » [15].

Solution. Faut-il déceler dans l’arrêt commenté un revirement de jurisprudence ou une divergence au sein des chambres civiles de la Cour de cassation [16] ? Ces deux positions ne nous paraissent pas totalement inconciliables, notamment eu égard aux faits. Une volonté unilatérale, qu’elle soit expresse ou tacite, demeure effectivement insuffisante à faire revivre un contrat anéanti par l’exercice régulier de la faculté de rétractation. Un nouvel accord de volontés serait, en revanche, de nature à justifier le maintien du contrat. Celui-ci ayant été anéanti par l’exercice régulier de la faculté conventionnelle de rétractation, le seul moyen de le rétablir est d’en conclure un nouveau. Or, dans l’arrêt de 2020, il nous paraît possible d’identifier davantage qu’un acte unilatéral de renonciation à la rétractation. En exécutant ses prestations, le vendeur a proposé à l’acheteur de maintenir le contrat et l’acquéreur a accepté cette offre en poursuivant également l’exécution du contrat. En réceptionnant sans réserve les travaux d’isolation et la pompe à chaleur contractuellement prévus, l’acquéreur a exprimé sa volonté, à la fois, de renoncer à sa rétractation et d’accepter l’offre du vendeur de conclure un nouveau contrat dont l’objet est le maintien de l’ancien.

L’élaboration d’une théorie générale de la rétractation, que certains appellent de leurs vœux [17], permettrait, à n’en pas douter, de clarifier les conditions dans lesquelles le bénéficiaire d’un droit de rétractation serait autorisé, ou non, à renoncer à sa faculté de rétractation antérieurement exercée.

 

[1] Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (N° Lexbase : L4857KYK).

[2] C. civ., art. 1122 (N° Lexbase : L0832KZT).

[3] Cass. civ. 1, 1er juillet 2020, n° 19-12.855, F-P+B (N° Lexbase : A57023QA).

[4] Cass. civ. 1, 10 juillet 1995, n° 93-16.958 (N° Lexbase : A7889ABS), CCC 1995, n° 194, note G. Raymond ; Defrénois 1995, 1415, note J.-L. Aubert.

[5] Rapp., à propos du droit de rétractation en cas d’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, Cass. civ. 3, 5 décembre 2019, n° 18-24.152, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9842Z4B), RTD civ., 2020, p. 94, obs. H. Barbier ; D., 2020, p. 353, obs. M. Mekki ; AJ contrat, 2020, p. 102, obs. M. Lagelée-Heymann ; AJDI, 2020, p. 534, obs. F. Cohet ; JCP N, 2020, 1052, note D. Boulanger ; ibid., 1087, obs. S. Fagot ; Const.-Urb. 2020, comm. 26, note Ch. Sizaire : « les parties peuvent conférer contractuellement à un acquéreur professionnel la faculté de rétractation prévue par l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation ».

[6] Cass. civ. 1, 1er juillet 2020, n° 19-12.855, F-P+B (N° Lexbase : A57023QA).

[7] Cass. civ. 2, 19 mai 2016, n° 15-12.767, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6221RP4), D., 2016, p. 1797, note L. Perdrix ; RTD civ., 2016, p. 605, note H. Barbier ; JCP G, 2016, 811, note L. Mayeux ; ibid., 916, note D. Noguéro : « ne saurait être maintenue la jurisprudence initiée par les arrêts du 7 mars 2006 [Cass. civ. 2, 7 mars 2006, n° 05-10.366, FS-P+B N° Lexbase : A5091DNU et Cass. civ. 2, 7 mars 2006, n° 05-12.338, FS-P+B+R+I, et N° Lexbase : A4391DNX], qui, n’opérant pas de distinction fondée sur la bonne ou mauvaise foi du preneur d’assurance, ne permet pas de sanctionner un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s’impose aux contractants ».

[8] Sur cette interdiction de se contredire, v. not. M. Béhar-Touchais (dir.), L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, « Études juridiques », Economica, 2001 - D. Houtcieff, Le principe de cohérence en matière contractuelle, H. Muir Watt (préf.), 2 t., PUAM, 2001.

[9] P. Godé, Volonté et manifestation tacite, J. Patarin (préf.), PUF, 1977, spéc. n° 134 - F. Dreifuss-Netter, Les manifestations de volonté abdicatives, P. Tercier (préf.), « Bibl. dr. privé », t. 185, LGDJ, 1985, spéc. n° 126.

[10] V. déjà en ce sens : Cass. civ. 2, 25 février 2010, n° 09-11.352, FS-P+B (N° Lexbase : A4486ESX), RDC, 2010, p. 838, note Y.-M. Laithier ; D., 2011, p. 472, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson : cassation de l’arrêt rendu par une cour d’appel qui a refusé d’identifier une renonciation à une faculté de rétractation « alors qu’elle constatait, qu’après avoir exercé sa faculté de renoncer aux contrats, [le contractant] avait effectué des actes d’exécution, incompatibles avec cette faculté ».

[11] Cass. civ. 3, 4 décembre 2013, n° 12-27.293 (N° Lexbase : A5512KQ9), RTD civ., 2014, p. 111, note H. Barbier - Cass. civ. 3, 13 mars 2012, n° 11-12.232, F-P+B (N° Lexbase : A8790IEB), AJDI, 2012, p. 137, obs. F. Cohet-Cordey ; D., 2013, p. 391, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; ibid., p. 952, obs. H. Aubry - Cass. civ. 3, 13 février 2008, n° 06-20.334, FS-P+B (N° Lexbase : A9216D44), RTD civ., 2008, p. 293, note B. Fages ; D., 2008, p. 1530, note Y. Dagorne-Labbe ; ibid., p 1224, chron. A.-C. Monge et F. Nési ; JCP E, 2008, p. 25, note Ph. Stoffel-Munk.

[12] Cass. civ. 3, 13 février 2008, n° 06-20.334, préc.

[13] B. Fages, note sous Cass. civ. 3, 13 février 2008, n° 06-20.334, préc., RTD civ., 2008, p. 293.

[14] Cass. civ. 3, 13 mars 2012, n° 11-12.232, préc.

[15] O. Deshayes, Th. Genicon et Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, 2ème éd., LexisNexis, p. 162. Et les auteurs de relever - et de regretter - que la réforme du droit des contrats, en définissant le mécanisme de rétractation à l’article 1122 du Code civil, au sein d’une section relative à la conclusion du contrat plutôt que lors des développements relatifs à son extinction, risque d’être avancée par les tenants de la « logique de rétention du consentement ».

[16] V. déjà dans le même sens que l’arrêt commenté : Cass. civ. 2, 25 février 2010, n° 09-11.352, préc. : « le souscripteur d’un contrat d’assurance sur la vie, qui a exercé son droit de renonciation au contrat […], peut y renoncer en poursuivant l’exécution du contrat ».

[17] V. not. H. Barbier, Ébauche d’un régime général du droit de rétractation, RTD civ., 2016, p. 605.

newsid:474454

Couple - Mariage

[Brèves] Participation d’un concubin au financement de travaux sur un immeuble appartenant à sa concubine : quand l’intérêt personnel exclut le remboursement des dépenses…

Réf. : Cass. civ. 1, 2 septembre 2020, n° 19-10.477, F-P+B (N° Lexbase : A95553SP)

Lecture: 3 min

N4487BYT

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 10 Septembre 2020

► Aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d'eux doit, en l'absence de convention contraire, supporter les dépenses de la vie courante qu'il a engagées ;

Dès lors qu’il se déduit de l’analyse de la volonté commune des parties que l’ex-concubin avait participé au financement des travaux de l’immeuble de sa compagne au titre de sa contribution aux dépenses de la vie courante et non en qualité de tiers possesseur des travaux au sens de l'article 555 du Code civil (N° Lexbase : L3134ABP), il en résulte que les dépenses ainsi exposées devaient rester à sa charge.

En l’espèce, des concubins avaient souscrit deux emprunts pour financer les travaux d'une maison d'habitation édifiée sur le fonds dont la concubine était propriétaire. Après leur séparation, l’ex-concubin s'était prévalu d'une créance sur le fondement de l'article 555 du Code civil.

Il n’obtiendra pas gain de cause. La Cour de cassation approuve, d’abord, les juges d’appel de Toulouse ayant énoncé, à bon droit, qu'aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d'eux doit, en l'absence de convention contraire, supporter les dépenses de la vie courante qu'il a engagées. Il s’agit là d’une solution classique, régulièrement rappelée (cf., récemment, Cass. civ. 1, 19 décembre 2018, n° 18-12.311, F-P+B N° Lexbase : A6706YRS ; et Cass. civ. 1, 8 juillet 2020, n° 19-12.250, F-D N° Lexbase : A10943RX).

La Haute juridiction s’en remet, ensuite, à l’analyse de la cour, qui avait constaté, d'une part, que l'immeuble litigieux avait constitué le logement de la famille, d'autre part, que les ex-concubins, dont les revenus représentaient respectivement 45 et 55 pour cent des revenus du couple, avaient chacun participé au financement des travaux et au remboursement des emprunts y afférents. Elle observait que le demandeur, qui n'avait pas eu à dépenser d'autres sommes pour se loger ou loger sa famille, y avait ainsi investi une somme de l'ordre de 62 000 euros entre 1997 et 2002, soit environ 1 000 euros par mois.

Selon la Cour suprême, de ces énonciations et constatations, faisant ressortir la volonté commune des parties, la cour d’appel avait pu déduire que le demandeur avait participé au financement des travaux de l’immeuble de sa compagne au titre de sa contribution aux dépenses de la vie courante et non en qualité de tiers possesseur des travaux au sens de l'article 555 du Code civil (ainsi qu’il le soutenait), de sorte que les dépenses qu'il avait ainsi exposées devaient rester à sa charge.

On relèvera que la demande au titre de l’article 555 du Code civil était loin d’être dénuée de sens, la Cour de cassation ayant admis le principe d’un remboursement au concubin des sommes empruntées pour construire sur le terrain de sa compagne, sur le fondement de cet article (Cass. civ. 3, 29 avril 2009, n° 08-11.431, FS-P+B N° Lexbase : A6487EGD). Tout est question d’espèce semble-t-il ; et c’est donc l’argument de l’économie des dépenses de logement qui a ici prévalu.

newsid:474487

Covid-19

[Brèves] Possibilité pour le préfet de rendre le port du masque obligatoire sur l’ensemble d’une commune comportant plusieurs zones à risque de contamination

Réf. : CE référé, 6 septembre 2020, n°s 443750 (N° Lexbase : A95803SM) et 443751 (N° Lexbase : A95813SN)

Lecture: 3 min

N4451BYI

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par Yann Le Foll

Le 09 Septembre 2020

►Le port du masque peut être rendu obligatoire sur l’ensemble d’une commune, si celle-ci comporte plusieurs zones à risque de contamination (CE référé, 6 septembre 2020, n°s 443750 N° Lexbase : A95803SM et 443751 N° Lexbase : A95813SN).

Faits. Le 28 août 2020, la préfète du Bas-Rhin a rendu obligatoire le port du masque sur la voie publique et dans l’ensemble des lieux ouverts au public dans les treize communes du département comptant plus de 10 000 habitants. Le 31 août 2020, le préfet du Rhône a pris un arrêté similaire pour les villes de Lyon et Villeurbanne.

Ces deux arrêtés ont été contestés, respectivement, devant les juges des référés des tribunaux administratifs de Strasbourg et de Lyon. Dans les deux cas, les juges avaient ordonné aux préfets de modifier leurs arrêtés pour limiter l’obligation de porter le masque aux lieux et horaires caractérisés par une forte densité de population (TA Strasbourg, 2 septembre 2020, n° 2005349 N° Lexbase : A66823SB ; TA Lyon, 4 septembre 2020, n° 2006185 N° Lexbase : A86913SP).

Saisi en appel, le juge des référés du Conseil d’État confirme, tout d’abord, que la circulation du virus covid-19 s’accélère dans les deux départements et que, en l’état actuel des connaissances, porter systématiquement un masque en plein air est justifié en présence d’une forte densité de personnes ou lorsque que le respect de la distance physique ne peut être garanti.

Zones dans lesquelles le port du masque peut être imposé. Le port du masque peut être imposé dans un périmètre cohérent englobant les zones dans lesquels le risque de contamination est le plus fort. Le juge des référés souligne également que la simplicité et la lisibilité d’une obligation, comme celle de porter le masque, sont nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les habitants. Il est donc justifié que le port du masque soit imposé dans des périmètres suffisamment larges pour englober de façon cohérente les zones à risque, afin que les personnes qui s’y rendent connaissent facilement la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d’une même sortie (sur le contrôle du juge sur l’amplitude géographique des mesures de police, voir CE, 14 août 2012, n° 361700 N° Lexbase : A9792IR4). Pour la même raison, les horaires de l’obligation peuvent être définis de façon uniforme pour toute une commune voire pour l’ensemble d’un département.

Port du masque non obligatoire. S’agissant de l’Alsace, le juge des référés estime que, dans certaines communes moins densément peuplées et dont le centre-ville est facile à délimiter, le port du masque ne peut être imposé sur l’ensemble du territoire. S’agissant du Rhône, le juge des référés valide l’obligation de porter un masque sur l’ensemble du territoire de Lyon et Villeurbanne. Le préfet doit, en revanche, prévoir une dispense pour les activités physiques ou sportives.

newsid:474451

Covid-19

[Brèves] Publication par le ministère du Travail d’un questions/réponses précisant le protocole sanitaire du 31 août 2020

Réf. : Min. Travail, questions-réponses, 7 septembre 2020

Lecture: 3 min

N4464BYY

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par Charlotte Moronval

Le 09 Septembre 2020

► Publié le 7 septembre 2020 sur le site du ministère du Travail, le « questions/réponses » vise à accompagner et guider les entreprises et les salariés dans la mise du œuvre du protocole national à travers cinq sujets.

Le masque. Ce document rappelle notamment que l'employeur doit fournir des masques (et autres matériels de protection) à ses salariés et les informer des règles en vigueur en matière de port du masque, notamment via la diffusion et l'affichage d'une note de service qui vaut adjonction au règlement intérieur. Le document rappelle en outre que le refus d'un salarié de porter un masque dont le port a été rendu obligatoire peut justifier une sanction disciplinaire.

Le protocole. Le protocole a vocation à s’appliquer à compter du 1er septembre. Dès cette date, l’employeur prend une note de service pour décliner dans l’entreprise les obligations relatives au port du masque. Puis l’employeur doit engager un travail de réflexion et une analyse rigoureuse des risques préalables, en association avec les représentants du personnel et en liaison avec le service de santé au travail, pour adapter les moyens de prévention en place dans l’entreprise conformément à l’ensemble des recommandations du protocole. Ce travail de réflexion doit être initié dès le 1er septembre.

Le référent covid-19. Le référent covid veille au respect des gestes barrière et du protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise. Il est l’interlocuteur privilégié des salariés et travaille en collaboration avec le CSE, les services de santé au travail et les ressources humaines. Sous réserve de la possibilité effective de l’intéressé d’assurer ce rôle, aucune condition n’est imposée pour devenir référent covid. Dans les entreprises de petite taille, le référent covid peut être le dirigeant.

Les personnes touchées et celles à risque. Le protocole ne prévoit pas d'exonérer les personnes guéries du covid-19 du port du masque et des autres mesures barrières, ni les salariés travaillant à plusieurs dans un bureau qui permet le respect des règles de distanciation physique. En l’absence d’informations précises sur l’existence et la durée d’une immunité pour les personnes déjà contaminées, et des risques de contamination par ces personnes, l’obligation de respecter les gestes barrières et de porter un masque est valable pour l’ensemble de la population.

Le télétravail. Le télétravail demeure un mode d’organisation recommandé en ce qu’il participe à la démarche de prévention du risque d’infection au covid-19 et permet de limiter l’affluence dans les transports en commun. A noter qu’aucune disposition, sauf recommandation express des autorités à raison du contexte sanitaire ou situation de vulnérabilité attestée médicalement, ne peut imposer à l'employeur de donner suite à une demande de télétravail. Toutefois, si le poste est éligible au télétravail, l'employeur doit motiver son refus.

newsid:474464

Divorce

[Brèves] Divorce par consentement mutuel : précision ministérielle sur l’application du droit de partage en cas de vente du domicile conjugal avant le divorce

Réf. : QE n° 10159 de M. Vincent Descoeur, JOANQ 3 juillet 2018, réponse publ. 1er septembre 2020 p. 5757, 15ème législature (N° Lexbase : L1484LYM)

Lecture: 4 min

N4480BYL

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 10 Septembre 2020

Dans une réponse publiée au JOAN du 1er septembre 2020, le ministre de l’action et des comptes publics a été amené à se prononcer sur la mise en œuvre de la réforme du divorce par consentement mutuel issue de la loi du 18 novembre 2016 « de modernisation de la justice du 21e siècle », entrée en vigueur au 1er janvier 2017 et plus particulièrement sur l’application du droit de partage en cas de vente du domicile conjugal avant le divorce.

Il est en effet fréquent que des époux, mariés sous le régime de la communauté, vendent leur domicile conjugal préalablement à un divorce et se partagent devant notaire le produit de la vente, mais sans que ce partage ait fait l’objet d’un acte de liquidation du régime matrimonial. Les professionnels qui conseillent les couples dans le cadre d’un divorce amiable s’interrogent pour savoir si les sommes issues de la vente préalable du domicile conjugal doivent apparaître à l’actif de l’acte liquidatif du régime matrimonial et être imposées au droit de partage, étant précisé qu’avant l’entrée en vigueur de cette réforme, les sommes issues de la vente de la maison n’étaient pas soumises au droit de partage. L’administration fiscale n’ayant pas pris de position claire sur cette question, il subsiste une incertitude sur la nécessité d’acquitter ou non ces droits.

C’est dans ce contexte que M. le député Vincent Descoeur a demandé une précision de la position ministérielle sur cette question.

Ainsi que l’a rappelé le ministre, l’article 835 du Code civil (N° Lexbase : L9974HNQ) dispose, s’agissant d’un partage amiable, que si tous les indivisaires sont présents et capables, le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties. Ainsi, le partage se forme par le seul échange de consentement et il peut être fait verbalement, sauf lorsque l’indivision porte sur des biens soumis à la publicité foncière, auquel cas, l’acte de partage doit être passé par acte notarié.

Sur le plan fiscal, le 7° du 1 de l’article 635 du Code général des impôts (CGI) (N° Lexbase : L6237LUK) prévoit que doivent être enregistrés dans le délai d’un mois à compter de leur date, les actes constatant un partage de biens à quelque titre que ce soit. L’article 746 du même code (N° Lexbase : L9120IQT) dispose que les partages de biens meubles ou immeubles sont soumis à un droit d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière de 2,50 %, communément dénommés « droit de partage ».

Selon le ministre, l’exigibilité du droit de partage est donc subordonnée à l’existence d’un acte constatant le partage. En revanche, en l’absence d’acte, un partage verbal n’est pas soumis au droit de partage. Par suite, le partage verbal entre époux du produit de la vente d’un immeuble commun qui intervient avant un divorce par consentement mutuel tel qu’issu de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle n’est pas soumis au droit de partage. En revanche, si les époux constatent ensuite le partage dans un acte, quel qu’il soit et donc y compris le cas échéant la convention de divorce, avant, pendant ou après la procédure de divorce ou qu’ils font mention du partage verbal dans un acte postérieur à ce partage, l’acte constatant le partage doit alors être soumis à la formalité de l’enregistrement et devra donner lieu au paiement du droit de partage dans les conditions prévues aux articles 746 et suivants du CGI.

Il est également précisé que le produit de la vente doit, même en l’absence de partage, être inclus dans l’état liquidatif du régime matrimonial annexé à la convention, ce dernier devant comprendre l’ensemble des biens communs ou indivis du couple.

Pour un commentaire de cette réponse ministérielle, cf. les observations de Jérôme Casey in Sommaires de droit du divorce (janvier - août 2020), note 15, paru dans cette même revue, Lexbase, Droit privé, n° 835, septembre 2020 {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 60231075, "corpus": "reviews"}, "_target": "_blank", "_class": "color-reviews", "_title": "[Panorama] Sommaires de droit du divorce (janvier - ao\u00fbt 2020)", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: N4475BYE"}}).

newsid:474480

Procédures fiscales

[Brèves] Demande de décharge de rappels d'ISF : compétence sous réserve de la juridiction judiciaire

Réf. : T. confl., 6 juillet 2020, n° 4192 (N° Lexbase : A42943RH)

Lecture: 3 min

N4443BY9

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par Marie-Claire Sgarra

Le 09 Septembre 2020

La juridiction judiciaire, compétente en matière de droits d'enregistrement, est également compétente pour connaître des contestations relatives à l'impôt de solidarité sur la fortune et la juridiction administrative, compétente en matière d'impôt sur le revenu, est également compétente pour connaître de toutes les contestations relatives à la détermination du droit à restitution ;

Il s'ensuit que la juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur une demande de décharge de rappels d'ISF. Toutefois, s'il est soulevé devant elle une contestation relative au montant de la créance de restitution imputable sur cet impôt, il lui incombe, en cas de difficulté sérieuse, de saisir, à titre préjudiciel, la juridiction administrative afin qu'il soit statué sur cette contestation.

Les faits : en l’espèce, le requérant estimant avoir acquis un droit à restitution né du plafonnement des impositions au titre de ses revenus de l’année 2010 a utilisé cette créance pour le paiement de l’ISF au titre des années 2012 et 2013. L'administration fiscale a rectifié le montant total des revenus à prendre en compte au titre du plafonnement. Par deux avis d'imposition du 30 avril 2016, elle a mis à sa charge des rappels d'ISF. La réclamation contentieuse est rejetée. Le requérant saisit le TGI de Paris d’une demande de décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités et intérêts y afférents.

Le juge de la mise en état a décliné la compétence de l'ordre judiciaire en retenant qu'il résultait des articles L. 199 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L0438LTE) et 1649-0 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L4850IQP) que le législateur avait conféré à la juridiction administrative la compétence pour connaître des litiges afférents aux demandes ou créances de restitution.

Saisi de la même contestation, le président du tribunal administratif de Paris a décliné la compétence de la juridiction administrative en estimant que, l'impôt de solidarité sur la fortune étant au nombre des droits d'enregistrement dont le contentieux ressortit à la juridiction judiciaire, la demande tendant à la décharge des rappels de cet impôt au titre des années 2012 et 2013 devait être portée devant le juge judiciaire.

Principe :

  • les contestations relatives aux impôts directs et aux taxes sur le chiffre d’affaires ou taxes assimilées sont portées devant la juridiction administrative ; la juridiction judiciaire est compétente en matière de droits d’enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droit de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées ;
  • l’ISF est assis et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès, qui sont au nombre des droits d'enregistrement (CGI, arts. 885 D N° Lexbase : L8775HLL et 1723 ter 00 A N° Lexbase : L5742IR4).

Solution : au regard de ces dispositions, la juridiction judiciaire est compétente pour connaître des contestations relatives à l’ISF. La juridiction administrative, compétente en matière d’IR est également compétente pour connaître de toutes les contestations relatives à la détermination du droit à restitution.

 

 

 

newsid:474443

Propriété intellectuelle

[Jurisprudence] Quand le monopole d'usage pluriséculaire des notaires fait échec au nouvel emblème des agents immobiliers

Réf. : TJ Paris, référé, 10 juillet 2020, n° 20/52941 (N° Lexbase : A52663RH)

Lecture: 19 min

N4440BY4

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par Fabienne Fajgenbaum et Thibault Lachacinski, Avocats à la cour, Cabinet Nataf Fajgenbaum et Associés

Le 10 Septembre 2020


Mots-clés :  référé • droit des marques • risque de confusion • profession réglementée • qualité d'officier public et ministériel • marque collective • monopole pluriséculaire d'usage • ordre public • ordre public ; intervention volontaire du Ministère public • mesures de publication • exécution provisoire

Par une ordonnance du 10 juillet 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a fait interdiction à la FNAIM d'exploiter un emblème « VESTA » présentant de trop fortes ressemblances avec le sceau et le panonceau sur lesquels les notaires bénéficient d'un monopole d'usage pluriséculaire. Chose rare, le Ministère public était intervenu volontairement à la procédure pour soutenir les demandes du Conseil supérieur du notariat (CSN) : la signalétique litigieuse étant de nature à tromper le public sur l'appartenance à une profession réglementée, des considérations d'ordre public étaient en cause.


Malgré la période de confinement [1], le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a pu rendre le 10 juillet 2020   une ordonnance faisant interdiction à la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM ; défenderesse aux côtés de deux de ses prestataires en communication) et à ses membres d'exploiter la signalétique « VESTA » qu'elle avait mise en place en tant que signe de ralliement des professionnels de l'immobilier titulaires d'une carte professionnelle ; en cause, les trop fortes similitudes avec le sceau et le panonceau sur lesquels les notaires bénéficient d'un monopole d'usage pluriséculaire. Chose rare, le Ministère public est intervenu volontairement à la procédure pour soutenir les demandes du Conseil supérieur du notariat.

Le présent litige met aux prise deux organismes représentatifs dont les adhérents se trouvent en concurrence, pour certaines de leurs activités immobilières tout du moins.

Le Conseil supérieur du notariat est un établissement d'utilité publique créé par l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 (N° Lexbase : L7944BBT) [2] et défini par le décret du 19 décembre 1945. Il défend les intérêts des notaires de France, lesquels exercent une activité d'officiers publics ministériels en vertu d'une délégation de puissance publique. En cette qualité, il appartient aux notaires de détenir un sceau portant le type de la Liberté - semblable au Grand Sceau de l'État - lequel permet de rapporter la preuve de l'authenticité des actes établis et est la marque de l'autorité publique dont ils sont revêtus. De même, la présence d'un office notarial doit obligatoirement être signalée par un panonceau, symbole visible de la présence d'un officier public [3].

Créée en 1946, la FNAIM se revendique comme la première organisation syndicale des professionnels de l’immobilier de France et d’Europe, dont elle a donc statutairement vocation à défendre les intérêts.

En 2019, galvanisée par la loi « ELAN » [4] ayant consacré et réglementé les titres d'agents immobiliers, syndics de copropriété et administrateurs de biens en les réservant aux seuls titulaires d'une carte professionnelle, la FNAIM s'est mis en tête de créer un signe de ralliement des professionnels de l'immobilier [5] titulaires de ladite carte. Il s'agissait de crédibiliser une filière en quête de reconnaissance, en permettant de valoriser les professionnels présentant les garanties financières, de compétence et de moralité exigées par la loi.

Encore fallait-il organiser la protection de cet emblème commun. Ce fut chose faite avec le dépôt de huit marques françaises semi-figuratives [6], d'un modèle communautaire pour désigner une applique murale et d'une marque figurative de l’Union européenne, portant sur un écusson représentant « VESTA », la déesse romaine du foyer, vêtue d'un drapé, coiffée d'une couronne et portant dans la main droite une lance et dans la gauche une chandelle.

La démarche initiée par la FNAIM a semble-t-il très rapidement suscité l'engouement des professionnels de l'immobilier puisque, six mois après son lancement, la signalétique « VESTA » avait déjà été adoptée par près de 3 000 d'entre eux.

C'était toutefois sans compter le Conseil supérieur du notariat, qui engageait une action en référé à l'encontre de la FNAIM. La plus haute autorité de l'organisation professionnelle des notaires de France estimait en effet que l'écusson de la FNAIM se rapprochait dangereusement de ses propres symboles, dont la figure a été définie et fixée par l’État par un arrêté du 18 septembre 1848 [7] relatif au sceau de l’État et aux sceaux, timbres et cachets des cours, tribunaux, justices de paix et notaires [8].

I. Le sceau des notaires, un monopole pluriséculaire d'ordre public

Le Conseil supérieur du notariat ne dispose d'aucun droit enregistré sur le sceau et le panonceau, à défaut pour lui d'avoir procédé à leur dépôt, à titre de marque notamment [9]. Pour autant, le juge des référés rappelle que les notaires bénéficient d'un droit opposable d'usage exclusif dévolu par l’État sur lesdits sceau et panonceau ; il s'agit d'ailleurs d'un monopole pluriséculaire.

La forme actuelle du Grand Sceau de France a été fixée sous la IIème République, l'arrêté précité du 18 septembre 1848 ayant précisé : « à l'avenir, le sceau de l'État portera, d'un côté, pour type, la figure de la Liberté, et pour légende, au nom du peuple français ; de l'autre côté, une couronne de chêne et d'olivier, liée par une gerbe de blé ; au milieu de la couronne, République française, démocratique, une et indivisible, et pour légende, liberté, égalité, fraternité ». C'est alors au graveur des monnaies, Jean-Jacques Barre, qu'il est revenu de donner une forme concrète à ces indications somme toute sommaires, sans d'ailleurs qu'il ne respecte scrupuleusement les termes de l'arrêté [10]. Le Grand Sceau de France représente donc la Liberté sous les traits de Junon assise, coiffée d’une couronne de lauriers radiée à sept pointes, tenant d’un bras le faisceau du licteur, symbole de la Justice, s’appuyant sur un gouvernail frappé d’un coq tenant dans une de ses pattes, un globe terrestre. On le constate ainsi, la forme précise du sceau exploité par la profession des notaires depuis deux siècles ne résulte d'aucun texte mais bien d'un usage ancien et renouvelé.

D'autres signes que les symboles des notaires bénéficient d'un monopole d'exploitation. Il s'agit notamment des armoiries, drapeaux et autres emblèmes des États parties à la Convention de Paris [11] et d'organisation internationales intergouvernementales, dont le drapeau européen [12], le sigle « INTERPOL »[13] ou encore le drapeau italien [14] ; il s'agit également du symbole monétaire de l'euro [15] ; la croix grecque de couleur verte et le caducée de couleur verte, propres aux officines de pharmacie, sont quant à eux réglementés directement au sein du Code de la santé publique [16] ; citons également le symbole Olympique et les termes « Jeux Olympiques » protégés par les dispositions de l'article L.141-5 du Code du sport (N° Lexbase : L1330LKH) [17] ou l'emblème de la croix rouge protégée par la Convention de Genève [18].

Plus généralement, sont refusées à l'enregistrement les marques contraires à l'ordre public ou dont l'usage est légalement interdit [19] ou de nature à tromper le public [20]. Ainsi, dans une espèce similaire à celle qui nous occupe, la marque « CAF CALCUL ALLOCATION FACILE » a été annulée par les juges du fond en raison d'un risque de confusion avec une mission de service public, à l'origine d'une atteinte à l'ordre public « qui interdit que de telles missions soient détournées par des opérateurs privés » [21] ; la Cour de cassation a par ailleurs dit pour droit que l'adoption et l'usage, à titre de marque, du titre appartenant à une profession réglementée par l'autorité publique - les notaires en l'espèce - sans en être titulaire, est contraire à l'ordre public [22]. Récemment, l'INPI a refusé de procéder à l'enregistrement d'un signe comportant la représentation d'un doigt d'honneur au motif que « ce signe est contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs dans la mesure où son enregistrement permettrait de faire un usage commercial de la représentation d'un geste insultant et obscène » [23].

II. Une tromperie sur l'appartenance à une profession réglementée à l'origine d'un trouble manifestement illicite

Le Conseil supérieur du notariat estimait que le signe de ralliement développé par la FNAIM serait de nature à engendrer un risque de confusion avec les sceaux et marques des notaires. Il fondait son action tant sur le droit des marques que sur les pratiques commerciales trompeuses.

Il lui appartenait dès lors d'établir l'existence d'un trouble manifestement illicite. Le caractère manifeste doit s’apprécier au seul regard de l’illicéité du trouble invoqué, tandis que l’illicéité doit s'entendre comme la méconnaissance d'une norme juridique obligatoire, qu'elle soit législative ou réglementaire, de sorte que la violation d’un droit suffit à caractériser l’existence d’un tel trouble. Il n'est toutefois pas nécessaire qu’une règle de droit soit précisément identifiée et l'existence ou la recherche d'un risque de confusion [24] dans l'esprit du public peut caractériser l’illicéité.

En l'espèce, le juge des référés a finalement retenu que les signes en cause présentaient d'évidentes similitudes tenant notamment à la présence d'une femme/déesse couronnée, vêtue d'un drapé et ayant à la main droite un faisceau ou une lance, ainsi qu'à la présence d'un bandeau horizontal portant des inscriptions. La seule mention de la profession exercée par l'agence mettant ce signe en exergue (agent immobilier, administrateur de bien ou syndic de copropriété) était, en tant que telle, insuffisante à écarter le risque de confusion qui en découlait, alors au surplus que le signe « VESTA » avait vocation à être exploité sous forme d'enseigne-drapeau ou d'écusson mural, c'est-à-dire positionné en hauteur et à distance visuelle d'un client potentiel. Un sondage commandé par le Conseil supérieur du notariat avait d'ailleurs confirmé l'existence d'une confusion avérée chez 52 % des personnes interrogées, qui attribuaient le signe « VESTA » aux notaires en notoriété assistée.

Par ailleurs, la communication développée par la FNAIM autour de la signalétique « VESTA » lui a apparemment porté préjudice. Elle avait en effet verbalisé le souhait que l'enseigne commune aux professionnels de l'immobilier puisse « s’imposer d’emblée, comme une évidence, pour donner l’impression d’une ancienneté au moins aussi grande que celle des professions qu’il symbolise. Bref, il fallait faire comme s’il avait toujours existé ». Cette volonté s'était ainsi concrétisée dans le choix d'une figure mythologique et d'une mise en scène rappelant - apparemment trop - le sceau des notaires.

De façon plus générale, le juge des référés rappelle que l'usage d'un signe similaire au sceau des notaires crée « nécessairement » dans l'esprit du public un risque de confusion « quant au statut et à la qualité d'officier public et ministériel de la personne en faisant usage », à l'origine d'un trouble illicite vis-à-vis des notaires eux-mêmes. En d'autres termes, de l'imitation s'infère une tromperie sur l'appartenance à une profession réglementée, en contrariété avec l'ordre public. Les conditions du référé étaient donc manifestement réunies.

III. La signalétique « VESTA » ou la stratégie de la marque individuelle en question

La signalétique « VESTA » a été présentée par la FNAIM comme un « symbole de reconnaissance des professionnels de l'immobilier », titulaires d'une carte professionnelle. L'enseigne était destinée à distinguer et identifier les agents immobiliers, syndics de copropriétés et administrateurs de biens titulaires de la carte professionnelle et offrant, en cette qualité, les garanties financières, de compétence et de moralité exigées par la loi. Une charte d'utilisation « VESTA » devait également être acceptée par les non adhérents de la FNAIM.

Or, il est intéressant de constater que la marque de l'Union européenne n° 018183354 [25], tout comme les demandes de marques françaises déposées par la FNAIM portaient toutes sur une marque individuelle. Les ambitions affichées par la Fédération, de réunir autour d'un emblème commun les professions immobilières réglementées titulaires d'une carte professionnelle, permettent toutefois de considérer que la voie de la marque collective aurait été mieux indiquée, voire une marque de certification définie à l'article 83 du Règlement (UE) n° 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne (N° Lexbase : L0640LGS) comme une « marque de l'Union européenne ainsi désignée lors du dépôt et propre à distinguer les produits ou services pour lesquels la matière, le mode de fabrication des produits ou de prestation des services, la qualité, la précision ou d'autres caractéristiques, à l'exception de la provenance géographique, sont certifiés par le titulaire de la marque par rapport aux produits ou services qui ne bénéficient pas d'une telle certification ».

Il est vrai que la marque collective, qu'elle soit de certification ou non, requiert l'existence d'un règlement d'usage ; son enregistrement suit donc une procédure beaucoup plus lourde que celle de la marque individuelle. De toute évidence, la FNAIM avait donc jugé plus simple de « transformer » une marque individuelle classique en marque collective [26] en y associant une charte d'utilisation, afin de faire de ce symbole un « gage de sécurité pour le consommateur qui sait ainsi exactement à qui il s’adresse ».

Il est à noter que la cour d'appel de Paris [27] a approuvé le Directeur général de l'INPI d'avoir refusé d'enregistrer le signe « LABEL VERT » à titre de marque au motif que cette expression serait « trompeuse pour les produits visés, laissant croire que ces produits bénéficiaient d'un label et/ou possédaient des caractéristiques spécifiques garanties par un organisme certificateur de ce label » ; le signe déposé en tant que simple marque et non en tant que marque de certification a donc été jugé trompeur. S'agissant des demandes de marques françaises de la FNAIM, un raisonnement similaire aurait vraisemblablement pu être suivi par le Directeur général de l'INPI pour refuser leur enregistrement.

À cela s'ajoute que, en toutes hypothèses, la Cour de justice [28] a dit pour droit que l'apposition d'une marque individuelle de l'Union européenne, par le titulaire ou avec son consentement, sur des produits en tant que label de qualité n'est pas un usage en tant que marque relevant de la notion d'« usage sérieux » au sens de la réglementation communautaire. En d'autres termes, les marques de la FNAIM pourraient rapidement encourir la sanction de la déchéance pour défaut d'usage réel et sérieux à titre de marques individuelles.

Mentionnons également les dispositions de l'article L. 121-4, 2° du Code de la consommation (N° Lexbase : L1405LWX), réputant trompeuses les pratiques commerciales qui ont pour objet d'afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l'autorisation nécessaire. Cet argument avait d'ailleurs été invoqué par le Conseil supérieur du notariat, pour s'opposer à l'usage de l'enseigne « VESTA ».

IV. L'intervention du Ministère public, acteur pourtant discret du droit des marques

Si elles ne sont pas inexistantes, les incursions du Ministère public en matière de propriété intellectuelle restent relativement rares. Ainsi, le Ministère public peut agir d'office en nullité d'un brevet d'invention [29] et engager, toujours d'office, une action en nullité d'un dessin ou modèle, quelles que soient les causes de nullité [30].

Aucune disposition similaire n'existe en revanche en droit des marques, où il est d'ailleurs loisible de constater un recul récent des pouvoirs du Ministère public. Si, pendant longtemps, le Ministère public devait nécessairement être entendu [31] dans le cadre des recours contre les décisions du Directeur de l'INPI [32], l'article R. 411-23 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L8661LTX), issu de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 (N° Lexbase : L5296LTC), prévoit désormais simplement que le Ministère public « peut prendre communication des affaires dans lesquelles il estime devoir intervenir » [33].

Est-ce à dire que le Ministère public n'aurait pas son mot à dire en matière de droit des marques ? Certainement pas, ainsi que l'a rappelé la cour d'appel de Paris a l'occasion d'un arrêt du 27 novembre 2015 [34] relatif à des marques et nom de domaine « FRANCE.COM » déposés frauduleusement par une société américaine : « lorsque la cause de la nullité est tirée des articles L. 711-1 à L. 711-3 (signe susceptible de constituer une marque, distinctivité et licéité), il s'agit d'une nullité absolue ouverte à tout intéressé (y compris le ministère public) ».

Si l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3736ADQ), qui prévoyait expressément cette possibilité d'action du Ministère public, a finalement été abrogé par l'ordonnance n° 2019-1169 précitée, ses pouvoirs nous paraissent inchangés. En effet, l'action en nullité fondée sur un motif absolu, qui peut être engagée par toute personne intéressée, lui reste évidemment ouverte. La légitimité de l'action du Ministère public est d'autant moins contestable s'agissant de marques « contraires à l'ordre public ou dont l'usage est légalement interdit » [35]

En pratique toutefois, l'étude de la jurisprudence française laisse apparaître un hiatus entre le pouvoir d'action dont jouit le Ministère public et l'usage concret qu'il décide d'en faire. L'ordonnance objet du présent commentaire se révèle tout à fait exceptionnelle à cet égard.

Cela tient évidemment aux spécificités de l'affaire, puisque les sceau et panonceau des notaires ne sont rien d'autre qu'une déclinaison du Grand Sceau de l'État français. De fait, le risque de confusion engendré par l'écusson « VESTA » de la FNAIM avec les signes officiels des notaires génère nécessairement un risque similaire portant atteinte à l'intérêt de l'État. Sans surprise, les conclusions du Ministère public demandaient donc au juge des référés de faire droit aux demandes du Conseil supérieur du notariat, avec lequel il avait intérêt lié.

En définitive, il aurait été loisible au Ministère public de laisser au Conseil le soin d'entreprendre seul les démarches pour mettre un terme aux agissements de la FNAIM. Pour autant, il a fait le choix d'intervenir volontairement à la procédure. Sa décision nous semble devoir être saluée, à plus forte raison dès lors que l'ordonnance objet du présent commentaire a retenu que l'usage d'un signe identique ou fortement identique au symbole régalien qu'est le Grand Sceau de France est « nécessairement » contraire à l'ordre public.

***

L'ordonnance qui a été rendue le 10 juillet 2020 est intéressante à de nombreux égards, en ce compris les mesures qui ont été ordonnées par le juge des référés. Au-delà de la classique interdiction sous astreinte d'exploiter la signalétique « VESTA », la FNAIM s'est en effet vu ordonner de prendre toute « mesure utile afin de faire cesser par toute personne ayant acheté une enseigne, un panonceau ou une plaque signalétique "VESTA" […] toute apposition, utilisation, reproduction et représentation sous quelque forme que ce soit et sur tout support du signe "VESTA" » : la mise en œuvre de cette mesure peut déjà apparaître délicate puisqu'il appartient à la FNAIM de s'assurer que des tiers respectent eux aussi les mesures d'interdiction.

Mais ce n'est pas tout puisque la diffusion d'un communiqué sur la page d'accueil du site internet de la FNAIM a été ordonnée, toujours sous astreinte. À notre connaissance, cette mesure est à proprement parler exceptionnelle en matière de référé [36], alors que le fond du litige n'est pas même tranché. D'ailleurs, à l'occasion d'une précédente ordonnance du 10 mars 2016, le juge des référés parisien avait rejeté une demande similaire de publication judiciaire, la jugeant justement « inadaptée à la nature et au cadre procédural du litige en raison de ses conséquences irrémédiables » [37].

L'on se souviendra d'ailleurs que, avant l'entrée en vigueur de la réforme de la procédure civile mise en œuvre par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 (N° Lexbase : L8421LT3) et alors que les décisions de première instance n'étaient pas exécutoires de plein droit [38], les juridictions du fond refusaient bien souvent d'assortir les condamnations au titre des publications de l'exécution provisoire ; ainsi, en cas d'infirmation par la cour d'appel, le défendeur n'aurait subi aucun préjudice du fait desdites publications.

La FNAIM a finalement saisi le premier Président de la cour d'appel de Paris d'une demande aux fins de levée de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé, laquelle lui a été refusée [39]. S'agissant plus particulièrement des mesures de publication judiciaire, l'ordonnance a retenu que « la FNAIM ne saurait […] se prévaloir des conséquences d'une publicité dont elle est elle-même à l'origine et dont elle participe indépendamment de la mesure de publication judiciaire incriminée » alors au surplus que cette publication « ne présente aucun caractère irrémédiable dans la mesure où elle n'exclut pas que la décision d'information éventuelle de l'ordonnance soit portée dans les mêmes conditions et avec le même effet à la connaissance du public ». En conséquence de quoi, la publication judiciaire a effectivement été mise en ligne sur le site de la FNAIM.

L'ordonnance rendue par le juge des référés parisien apparaît donc exceptionnelle, jusque dans les mesures qu'elle a été amenée à prononcer. L'appel qui a été interjeté par la FNAIM selon la procédure du jour fixe méritera évidemment toute notre attention.

NB. Les auteurs tiennent à remercier Constance Baralon pour la qualité de ses recherches.


[1] L'assignation a été délivrée le 16 mars 2020.

[2] Article 6.

[3] Article 10.1 du Règlement national inter-cours.

[4] Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (N° Lexbase : L8700LM8).

[5] Agents immobiliers, syndics de copropriété et administrateurs de biens.

[6] Pour désigner des produits et services en classes 16, 35, 36, 41 et 45 ; leur enregistrement n'était pas finalisé au jour de l'ordonnance.

[7] Article 2 : « Les sceaux, timbres et cachets des cours, tribunaux, justices de paix et notaires, porteront, pour type, la figure de la Liberté, telle, qu'elle formera un des côtés du sceau de l'État ; pour exergue, République française, et pour légende, le titre des autorités ou officiers publics par lesquels ils seront employés ».

[8] Et par décret du 25 septembre 1870.

[9] Si quelques dépôts ont été réalisés à partir de 2004 à titre de marques françaises, faisant apparaître une allégorie stylisée de la liberté associée à des mentions telles que « NOTAIRES », « NOTAIRES DE France » ou encore « CONSEIL SUPERIEUR DU NOTARIAT » (pour désigner des produits et services des classes 16, 35, 36, 38, 41, 42 et 45), le Conseil a dû considérer que ces signes étaient trop différents de la « VESTA » de la FNAIM, à moins que se soit éventuellement posée une problématique de déchéance pour défaut d'usage sérieux.

[10] Les légendes du recto et du verso ont été inversées et une grappe de raisin a été ajoutée à la gerbe de blé.

[11] Convention de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle, art. 6ter ; CPI, art. L. 711-2, 6° (N° Lexbase : L5843LTL).

[12] Pour un exemple de refus d'enregistrement par l'EUIPO : affaire R-017907326, 26 septembre 2018 ; pour un exemple de refus par l'INPI : affaire fr-wo-1085310, 8 décembre 2011.

[13] CA Rennes, 28 avril 2015, n° 14/07716 (N° Lexbase : A2696NHC).

[14] CA Paris, 9 février 2001, n° 2000/05518.

[15] OHMI, Chambre de recours, 5 octobre 2011, affaire R 1804/2020-2 (Point 28), fondant sa décision sur les dispositions de l'article 7.I i) du Règlement (UE) n° 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne (N° Lexbase : L0640LGS), interdisant l'enregistrement des marques qui comportent des badges, emblèmes ou écussons autres que ceux visés par l'article 6 ter de la convention de Paris et présentant un intérêt public particulier, à moins que leur enregistrement n'ait été autorisé par l'autorité compétente.

[16] CSP, art. R. 4235-53 (N° Lexbase : L9651GTM).

[17] Pour une jurisprudence récente : TJ Paris, 29 mai 2020, n° 18/14115.

[18] Convention de Genève, 12 août 1949 (articles 38, 44 et 53) et la sanction pénale afférente prévue aux articles 433-14 (N° Lexbase : L6601IXR) et 433-15 (N° Lexbase : L6602IXS) du Code pénal.

[19] CPI, art. L. 711-2, 7°.

[20] CPI, art.  L. 711-2, 8°.

[21] TGI Paris, 27 septembre 2013, n° 2010/12590.

[22] Cass. com., 16 décembre 2014, n° 12-29.157, FS-P+B (N° Lexbase : A2855M8A), s'agissant de la marque « NOTAIRES 37 ».

[23] INPI, refus d'enregistrement, fr-wo-1485487, 2 janvier 2020 (MIKEY).

[24] Les marques de la FNAIM étant encore en cours d'enregistrement, les débats ne portaient pas sur leur nullité mais sur l'exploitation et la commercialisation de l'insigne « VESTA » à titre d'enseigne, de drapeau et d'écusson mural.

[25] Contre laquelle une demande d'annulation a été enregistrée.

[26] Elle présentait d'ailleurs elle-même la signalétique « VESTA » comme une marque collective…

[27] CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 14 février 2017, n° 16/04876 (N° Lexbase : A5225TCI) ; pour un arrêt de censure (pour défaut d'appréciation du caractère trompeur) concernant cette fois la marque « LABLE ROSE » : Cass. com., 18 septembre 2019, n° 17-27.974, F-D N° Lexbase : A3145ZP8).

[28] CJUE, 8 juin 2017, aff. C-689/15 (N° Lexbase : A6148WGS).

[29] CPI, art. L.613-26 (N° Lexbase : L3612AD7).

[30] CPI, art. L. 512-4 (N° Lexbase : L3533AD9).

[31] En pratique, l'intervention du Ministère public était somme toute symbolique, ses réquisitions à l'audience adoptant le plus souvent la position du Directeur de l'INPI.

[32] CPI, art. L. 411-4 (N° Lexbase : L9498LUC).

[33] La procédure en matière de recours formé contre les décisions du comité de la protection des obtentions végétales reste en revanche inchangée ; l'article R. 412-19 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3886ADB) dispose en effet que la cour d'appel statue, le Ministère public entendu.

[34] CA Paris, 27 novembre 2015, n° 14/08237.

[35] CPI, art. L. 711-2.

[36] Mais pas unique : TGI Lyon, référé, 17 janvier 2017, n° 20170117.

[37] TGI Paris, référé, 10 mars 2016, n° 16/51807 (N° Lexbase : A1535RUE) ; dans le même sens, TGI Paris, référé, 12 juin 2014, n° 14/51434 (N° Lexbase : A1168M3N).

[39] CA Paris, 7 août 2020, n° 20/10199.

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Responsabilité

[Brèves] Proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile

Réf. : Proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile

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N4367BYE

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par Manon Rouanne

Le 10 Septembre 2020

► Chose promise, chose due ! Faisant suite au rapport d’information intitulé Responsabilité civile : 23 propositions pour faire aboutir une réforme annoncée et rendu le 22 juillet 2020 par la mission d’information sur la responsabilité civile créée par la commission des lois afin de permettre l’aboutissement de la réforme du droit de la responsabilité civile attendue en préparant la discussion parlementaire, les sénateurs en charge de ce rapport ont, comme annoncé, déposé, le 29 juillet 2020, une proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile.

Cette proposition de loi a été impulsée, notamment, par les travaux de la doctrine ayant mené de nombreuses réflexions dans le cadre de projets de réforme du droit des contrats et des obligations et s’est construite sur le fondement du projet de réforme de la responsabilité civile de la Chancellerie présenté le 13 mars 2017 dont elle propose de consacrer de nombreuses dispositions tout en en écartant d’autres susceptibles de faire l’objet d’importants débats.

Dans les grandes lignes et de manière très résumée, la proposition de loi se décompose de la façon suivante :

- l'article 1 de la proposition de loi abroge les dispositions actuelles relatives à la responsabilité contractuelle et délictuelle et consacre, au sein du Titre III, du Livre III du Code civil, un sous-titre II dévolu à la responsabilité civile et qui se découpe en sept chapitres relatifs, respectivement, aux dispositions liminaires, aux conditions de la responsabilité, aux causes d’exonération ou d’exclusion de la responsabilité, aux effets de la responsabilité, aux clauses portant sur la responsabilité, aux dispositions relatives à l’indemnisation des victimes de produits défectueux et à la réparation du préjudice écologique.

  • Le chapitre 1 contient, d’une part, des dispositions consacrant les principes de primauté d’un régime spécial de responsabilité sur un régime général de responsabilité et de non-option entre les régimes de responsabilité contractuelle et de responsabilité délictuelle à l’exception d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat qui peut être réparé, si la victime en fait le choix, sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle. D’autre part, ce chapitre consacre des dispositions reprenant les innovations proposées par le projet de réforme de 2017 lorsqu’une inexécution contractuelle cause un dommage à un tiers. Dans cette hypothèse, le tiers pourra, soit agir sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle mais devra, alors, prouver un fait générateur exigé par les régimes de responsabilité de droit commun (disposition allant à l’encontre de la position de la Cour de cassation : Ass. plén., 13 janvier 2020, n° 17-19.963 N° Lexbase : A85133AK ; V. Mazeaud, Responsabilité des contractants à l’égard des tiers : lever les incertitudes, indemniser sans entrave !, Lexbase, droit privé, mars 2020, n° 815 N° Lexbase : N2413BYZ), soit, à titre subsidiaire, agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle en se prévalant du manquement contractuel mais se verra, alors, opposer toutes les limites et conditions de la responsabilité opposables au cocontractant ;
  • Le chapitre 2 relatif aux conditions de la responsabilité se scinde entre les dispositions communes aux responsabilités contractuelle et délictuelle que sont un préjudice réparable (définition et caractères du préjudice) et un lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur et celles propres à chacun de ces deux ordres. Sont intégrées au sein de ce chapitre, les dispositions relatives aux régimes de responsabilité de droit commun que sont la responsabilité du fait personnel (définition de la faute), la responsabilité du fait des choses, la responsabilité du fait d’autrui et les troubles anormaux du voisinage. S’agissant de la responsabilité du fait d’autrui, la proposition de loi conditionne l’engagement de la responsabilité d’autrui à la preuve d’un fait de nature à engager la responsabilité de l’auteur direct du dommage et précise les conditions de l’engagement de la responsabilité des parents du fait de leur enfant ;
  • Le chapitre 3 fixe les causes de limitation ou d’exonération de la responsabilité que sont la force majeure, la faute de la victime et le fait du tiers. Il est à noter qu’en cas de dommage corporel, seule la faute lourde commise par la victime ayant subi ce dommage sera susceptible de réduire son droit à indemnisation ;
  • Le chapitre 4 dévolu aux effets de la responsabilité civile consacre, tout d’abord, des dispositions déterminant les modalités de la réparation, notamment, en rappelant le principe de la réparation intégrale du préjudice et en reprenant les solutions jurisprudentielles d’évaluation de la réparation au jour du jugement et de droit de la victime de demander un complément d’indemnisation en cas d’aggravation du dommage postérieurement au jugement. Ce chapitre propose, ensuite, des innovations en posant le principe de l’évaluation distincte de chaque chef de préjudice et en créant une obligation pour la victime d’éviter l’aggravation de son préjudice. Enfin, il crée un régime spécial de réparation des préjudices résultant d’un dommage corporel ;
  • Le chapitre 5 comporte des dispositions encadrant la validité des clauses limitatives ou élusives de responsabilité et rappelant le principe et le régime du contrôle judiciaire en matière de clauses pénales ;

- l’article 2 de la proposition de loi crée, pour sa part, un nouvel article L. 311-1-1 au sein du Code du sport qui écarte, en cas de dommages subis par les pratiquants de sports de nature ou d’activités de loisirs, le jeu de la responsabilité du fait des choses des gardiens de sites, laissant, ainsi, aux victimes la possibilité d’agir sur le fondement de la responsabilité du fait personnel ;

- s’agissant du régime spécial d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation, l’article 3 de la proposition ne reprend pas les deux innovations proposées par le projet de réforme de la Chancellerie visant, d’une part, à faire entrer dans le champ de la loi du 5 juillet 1985, les accidents impliquant un chemin de fer ou un tramway circulant sur une voie qui leur est propre et, d’autre part, à améliorer le sort des conducteurs victimes lorsqu’ils ont commis une faute en alignant les conditions de leur droit à réparation sur celles des victimes non conductrices ayant commis une faute. L’article 3 propose uniquement l’abrogation des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 relatives au recours des tiers payeurs contre les personnes tenues à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne et celles définissant les conditions et les modalités de conversion d’une rente allouée en réparation d’un préjudice causé par un accident de la circulation en capital ;

- l'article 4 détermine l’application outre-mer des dispositions de la présente proposition de loi et l’article 5 fixe les conditions de son entrée en vigueur au 1er janvier 2022 et son application aux instances en cours.

 

newsid:474367

Transport

[Brèves] Indemnisation due en cas de retard ou d’annulation d’un vol : possibilité, pour le passager, d’exiger le paiement en monnaie nationale autre que l’euro

Réf. : CJUE, 3 septembre 2020, aff. C-356/19 (N° Lexbase : A70333SB)

Lecture: 3 min

N4420BYD

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par Vincent Téchené

Le 10 Septembre 2020

► Un passager dont le vol a été annulé ou a subi un retard important peut exiger le paiement de l’indemnisation prévue par le droit de l’Union dans la monnaie nationale du lieu de sa résidence, de telle sorte que le Règlement sur les droits des passagers aériens (Règlement n° 261/2004 du 11 février 2004 N° Lexbase : L0330DYU) s’oppose à une réglementation ou à une pratique jurisprudentielle d’un État membre prévoyant que la demande formée à cet effet par un tel passager ou par son ayant droit sera rejetée au seul motif que celui-ci l’a exprimée dans cette monnaie nationale.

Faits et procédure. Un vol assuré par une compagnie aérienne polonaise entre un pays tiers et la Pologne a été retardé de plus de trois heures. Un passager pouvant prétendre à une indemnisation d’un montant de 400 euros, au titre du Règlement sur les droits des passagers aériens, a cédé sa créance à une société établie à Varsovie. Cette dernière a assigné la compagnie aérienne pour qu’il lui soit ordonné de lui verser la somme de 1 698,64 zlotys polonais (PLN), soit, en application du taux de change fixé par la Banque centrale de Pologne à la date d’introduction de la demande d’indemnisation, l’équivalent de 400 euros. Le transporteur a conclu au rejet de la demande d’indemnisation au motif notamment que celle-ci avait été exprimée, contrairement aux dispositions du droit national, dans une monnaie erronée, à savoir en PLN et non en euros. La juridiction polonaise a décidé de saisir la CJUE par la voie préjudicielle.

Décision. La CJUE retient que le fait de subordonner le droit à indemnisation pour les préjudices que constituent les désagréments sérieux dans le transport aérien des passagers à la condition que l’indemnisation soit payée au passager lésé en euros, à l’exclusion de toute autre monnaie nationale, reviendrait à restreindre l’exercice de ce droit et méconnaîtrait, dès lors, l’exigence d’interprétation large du Règlement n° 261/2004.

Elle relève, ensuite, que le Règlement s’applique aux passagers, sans faire de distinction entre eux, fondée sur la nationalité ou le lieu de résidence, le critère pertinent étant le lieu où se situe l’aéroport de départ de ces passagers. Les passagers bénéficiant d’un droit à indemnisation doivent donc être considérés comme étant tous dans des situations comparables, dans la mesure où ils se voient tous réparer, de manière standardisée et immédiate, le préjudice indemnisable en vertu du Règlement. Ainsi, le fait d’imposer une condition en vertu de laquelle le montant de l’indemnisation prévue par le Règlement sur les droits des passagers aériens, réclamé par le passager lésé ou son ayant droit, ne pourrait être acquitté qu’en euros, à l’exclusion de la monnaie ayant cours légal dans un État membre n’appartenant pas à la zone euro, est susceptible de conduire à une différence de traitement des passagers lésés ou de leurs ayants droit, sans qu’aucune justification objective puisse être avancée à cette différence de traitement.

La Cour précise, enfin, que le paiement du montant de l’indemnisation due dans la monnaie nationale ayant cours légal au lieu de résidence des passagers concernés présuppose nécessairement une opération de conversion de l’euro vers cette monnaie. À cet égard, le Règlement sur les droits des passagers aériens ne contenant aucune indication, les modalités de l’opération de conversion, y compris la fixation du taux de change applicable pour celle-ci, demeurent du ressort du droit interne des États membres, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité.

newsid:474420

Urbanisme

[Jurisprudence] De l’application automatique des prescriptions d’un PPRN aux autorisations de construire

Réf. : CE 6° et 5° ch.-r., 22 juillet 2020, n° 426139, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A61983RY)

Lecture: 5 min

N4415BY8

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par Jean-Philippe Strebler, Maître de conférences associé à l’Université de Strasbourg, urbaniste qualifié (opqu), directeur du PETR Sélestat-Alsace centrale

Le 09 Septembre 2020

 


Mots clés : Droit de l’urbanisme • permis de construire • risque d’inondation

En combinant plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP) et article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, le refus d’autorisation n’est que la solution « ultime » si le projet, conforme aux prescriptions du PPRNP ne peut pas faire l’objet de prescriptions spéciales permettant d’assurer la sécurité.


 

Cet arrêt du 22 juillet 2020 est l’occasion pour le Conseil d’État de préciser davantage comment les dispositions de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0569KWY) – article d’ordre public qui s’applique même en présence d’un plan local d’urbanisme et qui permet d’imposer des prescriptions voire de refuser un projet de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique – se combinent avec les prescriptions d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP) qui sont précisément destinées à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à ces risques (C. env., art. L. 562-1 N° Lexbase : L7809IUR et suivants).

Le 18 septembre 2017, le maire de Vigneux-sur-Seine (30 000 habitants, située au sud-est de l’aéroport d’Orly) avait accordé à la société Altarea Cogedim un permis de construire pour un important ensemble immobilier de 758 logements (près de 40 000 m² de surface de planche, pour quelque 2 000 habitants), accompagnés de commerces et d’une crèche (60 berceaux), au bord du bras de la Darse, sur une friche industrielle, dans une zone « ciel » d’aléa « moyen » du plan de prévention du risque d’inondation (PPRI) de la vallée de Seine. La préfète de l’Essonne a déféré cette autorisation au tribunal administratif de Versailles qui, par un jugement du 8 octobre 2018 [1] a annulé le permis de construire en relevant, outre l’avis défavorable émis par l’Agence régionale de santé, que l’étude hydraulique jointe au dossier indique qu’en cas de crue centennale, le site serait intégralement inondé sous un mètre d’eau en moyenne, et qu’en cas de crue moins importante, l’îlot central serait inondé ainsi qu’une grande partie des parcelles voisines.

Le tribunal en a déduit qu’au vu de l’importance du projet et de l’installation d’un établissement accueillant de très jeunes enfants, le maire avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, selon lequel « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ».

Or, le Conseil d’État, suivant les conclusions de son rapporteur public O. Fuchs, estime que le tribunal a commis une erreur de droit en s’abstenant de rechercher si les prescriptions du plan de prévention des risques d’inondation de la vallée de la Seine applicables à la zone « ciel » d’aléa « moyen » avaient été respectées, et si, éventuellement complétées par des prescriptions spéciales, elles n’étaient pas de nature à prévenir les risques d’atteinte à la sécurité publique. Dès lors, le jugement du tribunal est annulé et l’affaire est renvoyé au même tribunal pour qu’il mette en œuvre la « méthode » exposée par le Conseil d’État, qui se décompose en plusieurs paliers.

Tout d’abord, en principe, il n’est pas nécessaire de reprendre les prescriptions d’un PPRNP dans les autorisations d’urbanisme puisque ces prescriptions s’imposent directement à elles [2].

Ensuite, invoquer les dispositions « générales » de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme en présence d’un PPRNP suppose de vérifier, préalablement, que le projet respecte les prescriptions du PPRNP.

En outre, compte tenu d’une situation particulière qui apparaîtrait lors de cette vérification (si le PPRNP ne prend pas suffisamment le risque en compte ou si les prescriptions du PPRNP concernant ce risque paraissent insuffisantes ou inadaptées), l’autorisation peut alors, si nécessaire, comporter des prescriptions spéciales qui précisent les conditions spécifiques d’application du PPRNP, pour que le projet, sans modification substantielle, ne porte pas atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique.

Enfin, au vu d’une appréciation concrète de la situation d’ensemble, si, sans apporter de modification substantielle au projet, l’autorisation ne peut pas être accordée avec des prescriptions permettant de respecter les dispositions de l’article R. 111-2, le permis peut être refusé. Le refus d’autorisation ne constitue ainsi qu’une solution ultime si l’autorisation ne peut pas être assortie de prescriptions spéciales permettant d’assurer la conformité du projet avec l’article R. 111-2 [3].

Le défaut de motivation d’une dérogation constitue un vice « régularisable » qui ne justifie pas l’annulation d’une autorisation. Par ailleurs, le tribunal administratif de Versailles avait relevé que l’autorisation dérogeait, comme le permet l’article L. 152-6 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L9958LMR), aux obligations en matière d’aires de stationnement, mais que, contrairement aux exigences légales, cette dérogation n’avait pas été motivée. Le Conseil d’État considère que ce défaut de motivation constitue un vice susceptible d’être régularisé par un permis modificatif en application des articles L. 600-5 (N° Lexbase : L0035LNM) ou L. 600-5-1 (N° Lexbase : L0034LNL) du Code de l’urbanisme et que ce vice régularisable ne justifiait donc pas, à lui seul, le refus du tribunal de ne pas appliquer ces dispositions [4].

 

[1] TA Versailles, 8 octobre 2018, n° 1800713.

[2] CE, 3 décembre 2001, n° 236910 (N° Lexbase : A7503AX8), Rec. 627, JO 24 janvier 2002, Dr. adm., 2002, n° 71, BJDU 2002. 54, concl. [contraires] Fombeur, RFDA, 2002. 199, RFDA 2002. 982, note Chauvin, AJDA, 2002. 177, note H. Jacquot, Constr.-Urb., 2002, n° 71, obs. Benoit-Cattin, Envir. 2002, n° 2, p. 20, obs. Benoît ; CE, 4 mai 2011, n° 321357 (N° Lexbase : A0938HQS), Tables, pp. 1188-1190-1197, AJDA, 2011. 931, RDI, 2011. 411, obs. P. Soler-Couteaux, BJDU, 2011. 202, concl. E. Geffray, note C. Landais, Envir. 2011, comm. 92, note D. Gillig, JCP éd. A, 2011. comm. 2237.

[3] CE, 26 juin 2019, n° 412429 (N° Lexbase : A7035ZGN), Rec., AJDA, 2019. 1364, AJCT, 2019. 527, obs. R. Bonnefont, RDI, 2019. 475, obs. P. Soler-Couteaux, Dr. envir., 2019. 400.

[4] CE, 15 février 2019, n° 401384 (N° Lexbase : A4049YXA), Rec. avec les concl., AJDA, 2019. 367 ; et 752, chron. C. Malverti et C. Beaufils, RDI, 2019. 235, obs. M. Revert, AJCT, 2019. 262, obs. P. Peynet, RFDA, 2019. 543, concl. L. Dutheillet de Lamothe, BJDU 2019. 186, concl. L. Dutheillet de Lamotte.

newsid:474415

Voies d'exécution

[Brèves] Extension du FICOBA : fin de l’anonymat pour les locations des coffres-forts auprès des établissements bancaires

Réf. : Arrêté du 24 avril 2020 portant modification des articles 164 FB et suivants de l'annexe IV du Code général des impôts (N° Lexbase : L8174LWN)

Lecture: 1 min

N4412BY3

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 10 Septembre 2020

► Adopté durant la crise sanitaire du Covid-19 afin de renforcer la lutte contre le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme, l’arrêté ministériel du 24 avril 2020 (publié au Journal officiel du 6 mai 2020 (N° Lexbase : L8174LWN), ayant modifié les articles 164 FB (N° Lexbase : L8279LWK) et suivants de l'annexe IV du Code général des impôts, est entré en vigueur le 1er septembre 2020.

Ce dernier, concerne plus particulièrement l’extension du champ d’application du fichier national des comptes bancaires et assimilés appelé FICOBA, aux coffres-forts.

A compter du 1er septembre 2020, les détenteurs de coffres-forts sont référencés dans le fichier FICOBA, il concerne donc les nouveaux contrats de location conclus à compter de cette date.

Par ailleurs, concernant les contrats de location conclus antérieurement à cette date, les établissements bancaires ont jusqu’au 31 décembre 2024, pour fournir les informations nécessaires au FICOBA.

Rappelons que le fichier FICOBA est un outil très utile et consulté par les huissiers de justice, afin de diligenter des mesures d’exécution. 

Il existe une procédure particulière de saisie de coffre-fort, prévue aux articles R. 224-1 (N° Lexbase : L2345ITZ) et suivants du Code des procédures civiles d’exécution.

Néanmoins, à ce jour, il existe des discussions sur l’accès des huissiers de justice à l’information, concernant le contrat de location d’un coffre-fort conclu par un débiteur. Dès lors, restons attentifs aux retours qui seront issus de la pratique.

Il convient de préciser que le FICOBA ne donnera aucune indication sur le contenu du coffre-fort.

Pour aller plus loin : v. ETUDE : Les saisies spéciales de biens corporels, La saisie des biens placés dans un coffre-fort, in Voies d’exécution, Lexbase (N° Lexbase : E9278E87)

 

newsid:474412

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