Le Quotidien du 13 juillet 2023

Le Quotidien

Assurances

[Brèves] Faute dolosive : retour sur la conscience du caractère « inéluctable » du sinistre

Réf. : Cass. civ. 2, 6 juillet 2023, deux arrêts, n° 21-24.833, F-B N° Lexbase : A367998R, et n° 21-24.835, F-D N° Lexbase : A288399N

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 12 Juillet 2023

► La faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, qui ne se confond pas avec la seule conscience du risque d'occasionner le dommage.

Les présents arrêts sont rendus dans le cadre d’un contentieux de masse, né à l’occasion de la souscription, par des particuliers, d’un produit de défiscalisation « Snc GIR Réunion » (réduction d'impôt sur le revenu à l'occasion du dispositif dit « Girardin Industriel », prévu par l'article 199 undecies B du CGI), proposé par la société Gesdom pour l'acquisition et la mise en location des stations autonomes d'éclairage (SAE), alimentées par des panneaux photovoltaïques sur l'Île de La Réunion.

Ces investissements, portant sur des installations de production d’électricité utilisant l’énergie radiative au soleil, sont cependant devenus inéligibles à la défiscalisation à la suite de la loi de finances pour 2011. N’ayant pas reçu de la société d’attestation fiscale leur permettant de bénéficier de la réduction d’impôt escomptées, de nombreux souscripteurs ont alors assigné en indemnisation l’assureur de responsabilité civile de la société.

Par deux arrêts en date du 10 novembre 2021, inédits au bulletin, mais déjà relevés et commentés dans ces colonnes (Cass. civ. 2, 10 novembre 2021, deux arrêts, n° 19-12.659 N° Lexbase : A74137B8 et n° 19-12.660 N° Lexbase : A74847BS, F-D ; v. R. Bigot, A. Cayol, Chronique de droit des assurances, Décembre 2021, Lexbase Droit privé, n° 888, 16 décembre 2021 N° Lexbase : N9770BYI) la Cour de cassation avait censuré les décisions des cours d’appel de Versailles qui avaient débouté les souscripteurs en cause de leurs demandes formées contre l’assureur, après avoir retenu l’exclusion de garantie à raison de la faute dolosive de la société assurée. La Haute juridiction avait notamment reproché aux juges d’appel de ne pas avoir recherché, comme il leur était demandé, si la faute dolosive exclusive d'aléa, découlait d’un manquement délibéré de la société à ses obligations envers l'investisseur et de la conscience qu'elle avait de la réalisation inéluctable du dommage en raison de l’inéligibilité à la défiscalisation des SAE. Par ces arrêts, la Cour suprême avait alors eu l’occasion de relever l’autonomie de la faute dolosive, rappelant que « la faute dolosive, autonome de la faute intentionnelle, justifiant l'exclusion de la garantie de l'assureur dès lors qu'elle fait perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire, suppose un acte délibéré de l'assuré qui ne pouvait ignorer qu'il conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre ».

C’est dans le cadre de ce même contentieux que la Cour de cassation a de nouveau été amenée à se prononcer dans ses deux arrêts rendus 6 juillet 2023. Elle procède à un nouveau rappel de la définition de la faute dolosive, laquelle « s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables ».

Elle attire ainsi, cette fois, l’attention des juges d’appel sur la nécessité de caractériser la conscience qu'avait la société du caractère inéluctable des conséquences dommageables de la commercialisation de son produit auprès de son client, en précisant qu’elle ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage.

Décision CA. En effet, pour rejeter les demandes en indemnisation formées auprès de l’assureur, la cour d’appel de renvoi énonçait qu'il était constant que l'article 36-1 de la loi de finances pour l'année 2011 du 29 décembre 2010 avait exclu du champ d'application de la loi dite « Girardin » les investissements portant « sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil » et observait que les SAE produisent de l'électricité au moyen de panneaux photovoltaïques grâce à cette énergie.

L'arrêt énonçait encore qu'il était certain que tous les professionnels du secteur ne pouvaient que conclure à l'inéligibilité à la défiscalisation des SAE et ne pouvaient faire valoir auprès des investisseurs potentiels un avantage fiscal devenu manifestement exclu. Il ajoutait que la société A aurait dû suspendre la commercialisation des produits concernés et interroger l'administration fiscale plus tôt qu'elle ne l'avait fait.

Il relevait, à cet égard, que cette administration avait été interrogée au mois d'avril 2013 seulement, et avait considéré que c'était sans l'ombre d'une hésitation et sans surprise qu'elle avait pris position en indiquant que l'exclusion définie par l'article 36 précité, concernant toutes les installations générant de l'électricité par la conversion photovoltaïque de l'énergie solaire, ne pouvait qu'appréhender également les SAE. Il a ajouté que l'argument tiré du délai de réponse de cette même administration, pour expliquer que la commercialisation se soit faite sans attendre sa réponse, était inopérant, au regard des enjeux et des risques que la société A faisait courir aux investisseurs en la poursuivant.

L'arrêt relevait encore que si le client contestait tout risque délibéré pris par la société A, dès lors qu'elle avait consulté un cabinet d'avocat spécialisé en matière fiscale, cette consultation était intervenue tardivement, plus de huit mois après l'entrée en vigueur de la loi précitée, et après la souscription par de son investissement. Il considérait que la société A avait sollicité cette consultation parce qu'elle connaissait la nouvelle exclusion figurant à l'article 36-1 précité, et en avait déduit qu'elle avait pleinement conscience du risque évident qu'elle faisait courir aux investisseurs au moment où le contrat a été souscrit.

L’arrêt avait retenu, enfin, que le manquement délibéré de cette société à son obligation de prudence avait abouti à la réalisation inéluctable du dommage qui avait fait disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque, et en avait déduit qu'en vendant, en mai 2011, un tel produit de défiscalisation dont l'avantage fiscal n'était plus garanti, elle avait commis une faute dolosive exclusive de tout aléa, de telle sorte que les assureurs étaient fondés à opposer à l’intéressé une exclusion de garantie.

Pourvoi. L’intéressé a formé un pourvoi en vue d’obtenir la garantie de l’assureur, faisant valoir que la connaissance de l'existence du risque de réalisation d'un dommage ne peut être assimilée à celle de la certitude de sa survenance, et qu’il s'ensuit qu'un manquement, même délibéré, à l'obligation de prudence de l'assuré, qui rend seulement possible la réalisation d'un dommage, ne peut être assimilé à un manquement qui conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre.

Cassation. L’argument est accueilli par la Cour régulatrice qui censure la décision, reprochant aux conseillers d’appel de s’être déterminés ainsi, par des motifs impropres à caractériser la conscience qu'avait la société du caractère inéluctable des conséquences dommageables de la commercialisation de son produit auprès de l’intéressé, qui ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage.

Il est intéressant de relever que la cour d’appel de Versailles, dans un arrêt rendu le 6 juin 2023, statuant sur renvoi après cassation par l’arrêt précité du 10 novembre 2021 (pourvoi n° 19-12.660), a finalement retenu l’absence de faute dolosive de la société : « compte-tenu de l'incertitude entourant l'éligibilité des SAE au dispositif, si la société Gesdom a manqué à son obligation de prudence et de sécurité juridique de l'opération et aurait dû s'assurer que le montage proposé à M. [C] lui permettrait de bénéficier de la réduction d'impôt envisagée, elle n'a cependant pas manqué délibérément à ses obligations envers l'investisseur et n'avait pas conscience de la réalisation inéluctable du dommage en raison de l'inéligibilité à la défiscalisation des SAE. Elle n'a par conséquent commis ni faute intentionnelle ni faute dolosive excluant la garantie de l'assureur ».

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Avocats/Champ de compétence

[Brèves] L’avocat mandataire en transaction immobilière et la subtile fixation de l’honoraire de résultat

Réf. : Cass. civ. 2, 6 juillet 2023, n° 21-21.768, F-B N° Lexbase : A367498L

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par Marie Le Guerroué

Le 07 Septembre 2023

► N’est pas valable la convention qui fixe les honoraires de l’avocat en fonction de la réussite de la vente immobilière.

Faits et procédure. Une société avait demandé à une société d’avocats de l'assister à l'occasion de la vente d'un bien immobilier lui appartenant. Par une lettre du 4 juin 2014, qui a été approuvée et signée par la société cliente, l'avocat avait précisé les modalités de sa rémunération. Contestant les honoraires réclamés par l'avocat, la société cliente a saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris. L'avocat a formé un recours contre la décision du Bâtonnier qui avait annulé la convention d'honoraires et fixé ses honoraires par application des critères énoncés à l'article 10 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ. Statuant après le renvoi par le premier président de l'affaire en formation collégiale, la cour d'appel avait déclaré la convention valable, avait sursis à statuer sur la demande en fixation de l'honoraire et avait ordonné la production d'une pièce. Lors de l'audience à laquelle l'affaire avait été renvoyée, le premier président de la cour d'appel a fixé l'honoraire dû à l'avocat.

En cause d’appel. Pour déclarer valable la convention d'honoraires conclue entre les parties, l'arrêt relève, d'abord, que la lettre de l'avocat du 4 juin 2014 était rédigée ainsi qu'il suit :

« Je vous rappelle que dans le cadre de mon intervention, de mon assistance, des conseils que je serai amené à vous donner, et uniquement en cas de succès, c'est-à-dire en cas de cession de votre bien immobilier [...], il me sera versé un honoraire global et forfaitaire de 100 000 euros HT, soit 120 000 euros TTC. Il est bien évident que si ce bien n'était en aucun cas vendu, ni à un tiers, ni à la ville conformément aux discussions que nous avons actuellement, aucun honoraire ne me sera dû quel que soit le travail effectué dans votre intérêt ».

Il énonce, ensuite, que la mission de l'avocat était de vendre un bien immobilier et que ses honoraires ne sont pas calculés en fonction du montant de la vente, ce qui constituerait un pacte de quota litis, mais qu'ils sont fixés forfaitairement, à la condition unique que la vente soit conclue. Il ajoute que les avocats sont autorisés à exercer l'activité de mandataire en transactions immobilières par l'article 2 de la loi dite « Hoguet » de 1970 N° Lexbase : L7536AIX et le règlement intérieur du barreau de Paris. L'arrêt en déduit que la convention est valable, dès lors que, comme pour tout contrat d'agent immobilier, elle ne fixe pas les honoraires en proportion du travail effectué ou du prix de vente, mais uniquement de la réussite de la vente.

Réponse de la Cour. La Cour de cassation rend sa décision au visa de l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990, du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC applicable au litige, l'article 2 de la loi n° 70-9, du 2 janvier 1970 et l'article 95 du décret n° 72-678, du 20 juillet 1972 N° Lexbase : L8042AIP. Elle rappelle qu’il se déduit du premier de ces textes que, toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite (voir, déjà, Cass. civ. 2, 22 mai 2014, n° 13-20.035, FS-P+B N° Lexbase : A4958MML). Et que, est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. Les dispositions de ce texte s'appliquent à tous les honoraires de l'avocat sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques. Elle ajoute également qu’il résulte des deux derniers textes précités que lorsque les avocats exercent l'activité de mandataire en transactions immobilières, ils ne sont pas soumis aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970.
Pour les juges du droit, en statuant comme elle l’a fait, alors, d'une part, que les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 ne sont pas applicables aux avocats dans leur activité de mandataire en transactions immobilières, d'autre part, qu'elle avait constaté que la convention prévoyait que l'honoraire n'était dû qu'en cas de succès de l'opération immobilière et n'avait ainsi été fixé qu'en fonction du résultat, la juridiction du premier président a violé les textes susvisés.
Cassation. La Cour casse et annule, par conséquent, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2021, entre les parties, par la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les mandats spéciaux, Les conditions du mandat en transactions immobilières de l'avocatin La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E36883RZ.

 

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Baux commerciaux

[Brèves] Covid-19 : champ d’application de l’interdiction de mettre en œuvre des mesures conservatoires contre les locataires

Réf. : Cass. civ. 3, 6 juillet 2023, n° 22-22.052, FS-B N° Lexbase : A367598M

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par Vincent Téchené

Le 12 Juillet 2023

► Les mesures de police administrative relatives à la sortie des personnes de leur domicile et à leur circulation, prises en application de dispositions autres que celles visées par l'article 14 de la loi n° 2020-1379, du 14 novembre 2020, quand bien même elles affecteraient l'activité économique des locataires, n'interdisent pas la mise en œuvre de mesures conservatoires par les bailleurs.

Faits et procédure. Le 23 avril 2021, la bailleresse de locaux commerciaux a procédé à une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de sa locataire en garantie du paiement d'une créance correspondant aux loyers des deux premiers trimestres de l'année 2021 ainsi qu'à des charges et accessoires.

Se prévalant des dispositions de l’article 14 de la loi n° 2020-1379, du 14 novembre 2020 N° Lexbase : L6696LYN qui en raison du Covid-19 a interdit la mise en oeuvre de toute action, sanction ou voie d'exécution forcée pour retard ou non-paiement des loyers et charges locatives, la locataire a assigné la bailleresse en annulation ou mainlevée de la saisie et paiement de dommages et intérêts.

Or, elle faisait valoir qu’à partir du mois d'avril 2021, les dispositions qui étaient déjà applicables dans dix-neuf départements reconfinés depuis le 19 mars 2021 ont été étendues à tout le territoire, pour une durée de quatre semaines, à savoir un couvre-feu de 19 heures à 6 heures, et surtout l'interdiction des déplacements interrégionaux à partir du 5 avril 2021, sauf pour motif impérieux. Pour la locataire, les déplacements étant restreints, cela a nécessairement eu pour effet une baisse de fréquentation de l'hôtel, alors que les règles de distanciation et le nécessaire respect des gestes barrières rendaient compliquée la gestion de l'établissement.

La cour d’appel (CA Paris, 1-10, 23 juin 2022, n° 21/21032 N° Lexbase : A72428DL) ayant rejeté les demandes de la locataire, cette dernière a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle retient que l'article 14 de la loi n° 2020-1379, du 14 novembre 2020 N° Lexbase : L6696LYN a interdit aux bailleurs de pratiquer des mesures conservatoires à l'encontre de locataires, satisfaisant à plusieurs critères d'éligibilité et exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1er de la loi n° 2020-856, du 9 juillet 2020, organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire N° Lexbase : L6437LXP ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du Code de la santé publique N° Lexbase : L5961LWP, soit la fermeture provisoire et la réglementation de l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, des catégories d'établissements recevant du public concernées.

Ainsi, selon la Cour, les mesures de police administrative relatives à la sortie des personnes de leur domicile et à leur circulation, prises en application de dispositions autres que celles susvisées, quand bien même elles affecteraient l'activité économique des locataires, n'interdisent pas la mise en œuvre de mesures conservatoires par les bailleurs.

Pour aller plus loin :

  • v. J. Prigent, Bail commercial et mesures relatives aux loyers et charges de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, Lexbase Affaires, novembre 2020, n° 655 N° Lexbase : N5296BYS ;
  • v. ÉTUDE : L'obligation du locataire de payer le loyer du bail commercial, L'exigibilité du loyer du bail commercial en période de crise sanitaire (Covid-19), in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E504834Q.

 

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Environnement

[Brèves] ICPE : société réalisant une activité soumise à enregistrement comme personne « intéressée » pouvant être mise en demeure de régulariser une installation ou un ouvrage

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 30 juin 2023, n° 452669, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A808197G

Lecture: 2 min

N6274BZE

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par Yann Le Foll

Le 12 Juillet 2023

► Une société réalisant de manière illégale une activité relevant de la législation sur les ICPE peut être mise en demeure de suspendre son activité, même si le propriétaire de la parcelle sur laquelle elle exerce cette activité bénéficie de celle-ci.

Principe. Une société réalisant sur une parcelle une activité de dépôt et de stockage de déchets inertes soumise à enregistrement en application de la rubrique 2760 de la nomenclature des installations classées annexée à l'article R. 511-9 du Code de l'environnement N° Lexbase : L0679H3K, sans avoir enregistré cette activité, peut être regardée comme une personne « intéressée » au sens de l'article L. 171-7 du Code de l'environnement N° Lexbase : L5240LRI.

Rappel. Aux termes de cet article L. 171-7 du Code de l'environnement : « Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application des dispositions du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an ».

Décision. La cour administrative d’appel (CAA Lyon, 18 mars 2021, n° 19LY00550 N° Lexbase : A02414QY) a jugé à bon droit que n’est pas prise en compte la circonstance que le propriétaire de la parcelle, avec qui elle avait signé un contrat pour le stockage et le traitement des déchets inertes en cause, était titulaire d'une autorisation de procéder à des travaux de remblaiement et bénéficierait à ce titre de l'activité exercée par la société sur sa parcelle.

À ce sujet. Lire A. Vermesch, L’assouplissement des règles d’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) ne profite pas au prévenu, Lexbase Pénal, janvier 2021, n° 34 N° Lexbase : N6160BYS.

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Fiscalité locale

[Brèves] L’appréciation du caractère disproportionné de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères

Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 30 juin 2023, n° 448159, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A806197P

Lecture: 4 min

N6222BZH

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par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le 12 Juillet 2023

► Par un arrêt récent rendu le 30 juin 2023, le Conseil d’État était amené à apprécier le caractère licite de délibérations instituant la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

Traditionnellement, la jurisprudence considère que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères est disproportionnée si à la date du fait générateur de l’imposition, et non à celle de la délibération, le juge est saisi par un contribuable pour son propre impôt (CE, 3°-8° ch. réunies, 4 octobre 2021, n° 448651, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A210748K).

De même, lorsque le juge de l’impôt est saisi, au soutien d’une contestation du bien-fondé de l’impôt, d’une exception d’illégalité de l’acte réglementaire sur la base duquel a été prise une décision individuelle d’imposition, il lui appartient de l’écarter lorsque cet acte réglementaire est, par l’effet d’un changement de circonstances, devenu légal à la date du fait générateur de l’imposition.

Rappel des faits et procédure

  • Une société civile professionnelle de placements immobiliers (SCPI) possède des locaux à Montreuil et a été assujettie à des cotisations de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) au titre des années 2016 et 2017.
  • La société a sollicité la décharge de ses cotisations de taxe d’enlèvement sur les ordures ménagères au titre des années 2016 et 2017, soutenant l’illégalité des délibérations de l’établissement public de coopération intercommunale Est-Ensemble ayant fixé les taux de ces taxes. Les taux d’imposition seraient, selon la société, manifestement excessifs au regard du montant des dépenses d’enlèvement et de traitement des ordures ménagères.
  • Selon l’administration fiscale, le taux de la TEOM fixé en 2017 était illégal et devait être substitué par le taux fixé en 2016.
  • En première instance, les juges du fond du tribunal administratif de Montreuil ont fait droit à la demande de la société. Les juges ont notamment estimé que le taux de 8,83 % n’était pas manifestement disproportionné au regard du montant des dépenses d’enlèvement et de traitement des ordures ménagères pour l’année 2016. Toutefois, ils ont jugé que pour l’année 2017, le taux de 8,69 % était manifestement disproportionné au regard des dépenses que la taxe avait vocation à couvrir.
  • En appel, les juges ont rendu un arrêt confirmatif de la décision des juges du fond. En conséquence, la société a formé un pourvoi en cassation.

Question de droit. Les juges du Conseil d’État étaient amenés à trancher la question inédite suivante : L’administration fiscale est-elle fondée à substituer au taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, le taux N-1, au motif que le taux serait manifestement disproportionné par rapport au montant des dépenses d’enlèvement et de traitement des ordures ménagères ?

Solution

Le Conseil d’État a rendu un arrêt de rejet et a jugé que « lorsque la délibération fixant le taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ne peut plus servir de fondement légal à l’imposition au motif que ce taux est manifestement disproportionné par rapport aux dépenses à couvrir l’année en litige, il appartient au juge de l’impôt, saisi d’une demande en ce sens, de rechercher s’il y a lieu de lui substituer le taux résultant de la délibération applicable à l’année précédente. Or, tel n’est pas le cas lorsque le taux de l’année précédente est manifestement disproportionné au regard du montant des dépenses estimé au titre de l’année en litige ».

En l’espèce, les juges de la Haute Cour considèrent que c’est à bon droit que les juges du fond ont jugé que le taux de 8,69 %, voté au titre de la taxe d’enlèvement pour les ordures ménagères pour l’année 2017, était manifestement disproportionné et a rejeté la demande de l’administration fiscale tendant à y substituer le taux voté pour l’année 2016. 

newsid:486222

Procédure civile

[Chronique] Chronique de procédure civile 2023-1 – Actualité des grandes notions de la procédure civile

Lecture: 27 min

N6213BZ7

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par Étienne Vergès, Professeur à l’Université Grenoble Alpes, Directeur scientifique Lexbase de la revue « Droit privé » et de l’ouvrage de procédure civile

Le 12 Juillet 2023

Mots-clés : prétentions • défenses au fond • preuves illicites

Dans cette chronique qui porte un regard sur l’actualité de la procédure civile du premier semestre 2023, nous vous proposons d’explorer quelques unes des grandes notions, vagues et souvent complexes, qui sont au cœur de la procédure civile. Elles déterminent les droits des parties et les stratégies des plaideurs. Nous envisageons les arrêts rendus depuis le début de l’année 2023, qui contribuent à la définition d’une grande notion ou à son régime juridique. Seront ainsi abordées les notions suivantes :

  • les prétentions ;
  • les défenses au fond ;
  • les preuves illicites ;
  • les droits dont on a la libre disposition.

 

Sommaire

I. Les prétentions

    • « dire et juger », « constater »… : de véritables prétentions ou de simples moyens  ?
      - Cass. civ. 2, 13 avril 2023, n° 21-21.463, F-D
    • La prétention et le fondement juridique : une distinction cruciale pour les conclusions en appel
      - Cass. civ. 2, 2 février 2023, n° 21-18.382, F-B

    II. Les défenses au fond

      • Une partie qui s’oppose à une jonction d’instance n’invoque aucune défense au fond
        - Cass. civ. 2, 2 février 2023, n° 21-15.924, F-B

      III. La preuve illicite

      • Confusions de la Cour de cassation sur la notion de preuve illicite
        - Cass. soc., 8 mars 2023, n° 20-21.848, FS-B
        - Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-17.802, FS-B

      IV. Les droits dont on a la libre disposition

      • Les droits relatifs à l’état civil, qui relèvent de l’ordre public, ne sont pas disponibles
        - Cass. civ. 2, 2 février 2023, n° 21-18.942, F-B

      I. Les prétentions

      • « Dire et juger », « constater » : de véritables prétentions ou de simples moyens ? - Cass. civ. 2, 13 avril 2023, n° 21-21.463, F-D N° Lexbase : A55539PD

      Depuis plusieurs années, une controverse est intervenue sur la portée d’une demande de « dire et juger » dans le dispositif des conclusions.

      En particulier, dans un arrêt du 9 janvier 2020 (Cass. civ. 2, 9 janvier 2020, n° 18-18.778, F-D N° Lexbase : A46463AC), la Cour de cassation avait à statuer sur un arrêt d’appel qui avait déclaré irrecevable le recours au motif que l’appelant avait formulé des demandes de « constater », « dire et juger » et « supprimer ». Pour la Cour de cassation, l’appel ne devait pas être déclaré irrecevable, mais la cour d’appel n’était saisie d’aucune prétention, elle ne pouvait que confirmer le jugement au fond.

      Cette décision semblait restreindre la notion de prétention et exclure ainsi certaines formules utilisées couramment dans la pratique. Elle mettait ainsi en exergue la difficile définition de la notion de prétention avec des conséquences pratiques considérables [1].

      Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 13 avril 2023, l’appelant avait conclu sur le fond et il avait également demandé à la cour d’appel de constater diverses irrégularités. Plus précisément, le dispositif des conclusions de l’appelant contenait deux formules confuses. Il était ainsi demandé à la Cour de :

      • « dire et juger » que les irrégularités « constituaient un élément substantiel et de fond susceptible d’entraîner la nullité de l’assignation » ;
      • « dire et juger en toute hypothèse que les modes de convocation et de représentation en justice en vue d’une sanction patrimoniale ou professionnelle constituent des fins de non-recevoir en application de l’article 122 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1414H47 ».

      Par ces deux formules, le plaideur demandait à la cour de prononcer la nullité de l’assignation et l’irrecevabilité des demandes formées par son adversaire.

      La cour d’appel avait jugé qu’en utilisant la formule « dire et juger », le plaideur n’avait pas formulé une véritable prétention, mais seulement un moyen qui ne saisissait pas la juridiction. En d’autres termes, ces formules ne contenaient aucune demande tendant à voir annuler l’assignation ou déclarer irrecevables les demandes de l’adversaire.

      L’arrêt est cassé. Selon la Cour de cassation, la cour d’appel aurait dû examiner les prétentions qui étaient contenues dans les deux formules maladroites du dispositif. Dans son motif, quelque peu elliptique, la deuxième chambre civile ne définit pas ce qu’elle entend par « prétention ». Elle ne se prononce pas non plus de façon générale sur la valeur des expressions « dire et juger ». Toutefois, la portée de l’arrêt est claire : la Cour de cassation invite les juges du fond à examiner la demande du plaideur au-delà de la formule qu’il utilise. Par exemple, les formules « dire et juger la demande de l’adversaire irrecevable » ou « dire et juger l’assignation nulle » sont autant d’expressions qui contiennent bien des prétentions. Dans cet arrêt, la Cour de cassation s’éloigne d’un formalisme du vocabulaire pour inviter les juges du fond à se concentrer sur le sens exact des formules utilisées par les plaideurs dans le dispositif de leurs conclusions.

      • La prétention et le fondement juridique : une distinction cruciale pour les conclusions en appel - Cass. civ. 2, 2 février 2023, n° 21-18.382, F-B N° Lexbase : A26019BX

      La distinction entre la prétention et le fondement juridique est loin d’être triviale, notamment devant la cour d’appel. En effet, dans la procédure écrite, les parties doivent présenter, dès les premières conclusions, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond (CPC, art. 910-4 N° Lexbase : L9354LTM). En revanche, les parties peuvent, jusqu’à la clôture de l’instruction, invoquer de nouveaux moyens (Cass., avis, 21 janvier 2013, n° 1300005 N° Lexbase : A8268I3M ; Cass. civ. 2, 20 octobre 2022, n° 21-17.375, F-B N° Lexbase : A50918QM). Faire la part entre les moyens et prétentions dans les conclusions s’avère parfois d’une redoutable complexité.

      L’arrêt du 2 février 2023 fait application de ces principes dans une espèce qui soulevait une difficulté pour distinguer les prétentions (qui doivent être concentrées dans les premières conclusions) et les moyens (qui peuvent être produits jusqu’à la clôture de l’instruction). Dans cette espèce, une caution était poursuivie par une banque pour le paiement d’une dette. En appel, la caution avait demandé dans ses premières conclusions que la banque soit déboutée de sa demande. Selon la cour d’appel, cette demande de débouté ne renvoyait à aucune prétention dûment explicitée. Quelques mois plus tard, dans un nouveau jeu de conclusions, la caution souleva pour la première fois la déchéance du droit de créance de la banque en raison du caractère disproportionné de l’engagement.

      La difficulté soulevée par cette espèce consistait à déterminer d’une part, la nature de la demande de débouté et d’autre part, la nature de la demande de déchéance du droit de créance. Selon l’analyse de la cour d’appel, la première ne consistait pas dans une prétention, et la seconde était bien une prétention, mais elle était présentée tardivement.

      L’analyse de la Cour de cassation est toute autre. Elle affirme, en premier lieu, que le dispositif des premières conclusions contenait bien des prétentions tendant au débouté de la banque. Elle ajoute, en second lieu, que cette prétention ne faisait pas obstacle à la présentation d’un moyen nouveau dans des conclusions postérieures. Implicitement, dans l’arrêt de cassation, l’allégation de la déchéance du créancier par la caution est qualifiée de « moyen nouveau » et cette interprétation est confirmée par la présentation qui est faite de l’arrêt dans le bulletin de la deuxième chambre civile (Lettre de la deuxième chambre civile, n° 7, mai 2023). L’organisation de la défense de la caution est donc clairement identifiée. La demande de débouté constitue bien la prétention de la caution, laquelle s’appuie sur le moyen selon lequel la banque doit être déchue de son droit de créance.

      Si elle est claire, cette distinction n’est pas sans risque. En effet, la caution qui invoque la déchéance du droit de créance formule bien une demande et cette demande s’appuie sur un moyen de droit, en l’espèce, l’article L. 332-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L1162K78 (dans sa version en vigueur à la date des faits) qui prévoit que le créancier est déchu de sa créance si l’engagement de la caution est disproportionné au regard de ses moyens financiers. Si le moyen de droit consiste dans la règle énoncée dans le Code de la consommation, on pouvait imaginer que la déchéance du droit de la banque correspondait bien à la prétention émise par la caution.

      Autrement dit, la motivation de l’arrêt d’appel avait tout pour convaincre et l’on pouvait considérer que la prétention de la caution consistait à demander la déchéance du droit de créance de la banque, qui avait pour conséquence naturelle le rejet de sa demande (le débouté). Dans cette interprétation, déchéance du droit et débouté de la banque ne formaient qu’une seule et même prétention.

      Telle n’est pas l’option retenue par la Cour de cassation, qui adopte une conception élargie du moyen, et par voie de conséquence une conception restrictive de la prétention. Cette solution entraîne une plus grande souplesse dans la présentation des arguments des parties, puisque les questions du fondement juridique de la demande sont intégrées dans la catégorie des moyens, lesquels peuvent être présentés dans les écritures tout au long de la mise en état.

      Conséquence pratique indirecte de la solution :

      D’un point de vue pratique, il ne faut pas négliger le fait que cette acception restrictive de la notion de prétention a des conséquences sur l’organisation des conclusions. Ainsi, si l’on s’en tient à l’interprétation de la Cour de cassation, le plaideur qui demande à la juridiction de prononcer la déchéance du droit de créance ne formule aucune prétention. Ce dernier ne devra donc pas omettre de préciser dans le dispositif de ses conclusions qu’il demande à ce que le créancier soit débouté de son action en paiement.

      II. Les défenses au fond

      • Une partie qui s’oppose à une jonction d’instance n’invoque aucune défense au fond - Cass. civ. 2, 2 février 2023, n° 21-15.924, F-B N° Lexbase : A26009BW

      La notion de défense au fond est de celles qui, simples en apparence, s’avèrent parfois délicates à mettre en œuvre dans la pratique. À dire vrai, la définition qu’en donne le Code de procédure civile n’est pas si claire. Il s’agit du moyen qui tend à faire rejeter la prétention de l’adversaire « après examen au fond du droit ». Cette notion d’examen au fond peut être sujette à interprétation.

      On se souvient, par exemple, que la troisième chambre civile a qualifié l’exception de nullité du contrat de défense au fond (Cass. civ. 3, 16 mars 2010, n° 09-13.187, F-P+B N° Lexbase : A8228ETW), distinguant ainsi l’exception de nullité substantielle (le contrat est nul) de l’exception de nullité processuelle (l’acte de procédure est nul). Il a alors fallu que l’assemblée plénière précise que la prétention par laquelle une partie ne se borne pas à invoquer la nullité d’un contrat, mais entend voir tirer les conséquences de cette nullité est une demande reconventionnelle et non une défense au fond (Cass., ass. plén., 22 avril 2011, n° 09-16.008, F-D N° Lexbase : A9570E8X). Cet important arrêt a ainsi permis de distinguer la nullité du contrat formée en demande et en défense.

      L’enjeu de la définition des défenses au fond est important. Le régime de cette action est spécifique. La défense au fond peut être proposée en tout état de cause (CPC, art. 72 N° Lexbase : L1288H4H) et lorsqu’elle est présentée en justice, elle fait obstacle aux exceptions de procédures qui auraient été soulevées postérieurement (CPC, art. 74 N° Lexbase : L1293H4N). De surcroît, la Cour de cassation a précisé que la défense au fond est imprescriptible (Cass. civ. 1, 31 janvier 2018, n° 16-24.092, FS-P+B N° Lexbase : A4786XCA).

      L’arrêt rendu le 2 février 2023 apporte des éclaircissements sur le domaine couvert par les défenses au fond, mais il laisse aussi planer des doutes. Les faits de cette affaire sont particulièrement complexes, en particulier pour identifier la prétention qui avait été émise par le défendeur. Pour comprendre en détail cet arrêt, on peut se rapporter à l’exposé éclairant de Corinne Blery [2]. L’enjeu était de savoir si le défendeur en première instance pouvait soulever une exception d’incompétence après avoir émis d’autres prétentions. Mais ces autres prétentions étaient confuses. Le plaideur demandait ainsi à la cour d’appel de lui « donner acte » de ses « légitimes protestations » à propos d’une expertise qui avait été réalisée alors qu’il n’était pas encore partie à l’instance. Il demandait également au juge de lui « donner acte » qu’il s’en rapportait à l’appréciation du tribunal à propos d’une jonction d’instance, qu’il contestait par ailleurs.

      Les deux prétentions étaient formulées de façon pour le moins ambiguë et elles portaient sur deux questions très différentes, tout en ayant peu de chances d’aboutir. En effet, la protestation à l’égard de l’expertise contradictoire était vouée à l’échec. La Cour de cassation juge depuis 2012 qu’une expertise non contradictoire est opposable aux parties (Cass. ch. Mixte, 28 sept. 2012, n° 11-18.710). Quant à la jonction d’instance, il s’agit d’une décision donnant lieu à une simple mesure d’administration judiciaire.

      Toutefois, quel que soit le sort que le juge pouvait réserver à ces prétentions, encore fallait-il préciser de quel type d’action il s’agissait. Sur ce point, la cour d’appel et la Cour de cassation se sont focalisées sur deux aspects différents des conclusions du plaideur. Pour les juges du second degré, l’appelant protestait contre sa mise en cause dans l’instance en se fondant sur une « éventuelle inopposabilité de l’expertise ». Il s’agissait là d’une reformulation par la cour, de la prétention, qui permettait d’en faire une question de preuve. En effet, il a déjà été jugé qu’un incident de faux est une défense au fond, car il tend à contester une preuve littérale invoquée au soutien d’une prétention (Cass. civ. 1re 24 oct. 2006, n° 05-21.282). Le débat sur l’expertise, mieux orienté, aurait pu recevoir la même qualification. En effet, l’expertise non contradictoire n’a qu’une faible force probante en justice (Cass. ch. Mixte, 28 sept. 2012). Dit autrement, le débat sur l’expertise pouvait s’analyser en un débat sur la force probante de ce moyen de preuve et, en tirant un peu le fil de l’action, en un débat sur le fond du litige.

      Toutefois, la Cour de cassation a suivi une autre voie. Elle affirme que le plaideur « ne demandait pas que l’expertise lui soit déclarée inopposable et s’était borné à défendre à la demande de jonction de l’instance ». Ce dernier n’avait donc fait valoir aucune défense sur le fond du droit. Si l’on regarde en détail les faits de l’espèce, l’auteur du pourvoi ne s’était pas plus opposé à la demande de jonction d’instance qu’à l’expertise non contradictoire. Au contraire, il s’en était rapporté à l’appréciation du tribunal. Mais, pour confus qu’ils soient, les faits de l’espèce permettent à la Cour de cassation de préciser en partie le sort d’une contestation portant sur la jonction d’instance en rejetant la qualification de demande au fond.

      Toutefois, l’arrêt laisse en suspens deux questions importantes :

      Si la demande de jonction et l’opposition à cette demande ne constituent pas des demandes ou des défenses au fond, encore faudrait-il savoir de quel type d’action il s’agit, et la Cour de cassation ne le précise pas.

      Par ailleurs, la Cour ne se prononce pas non plus sur la contestation de l’expertise. Si la contestation de la valeur probante de l’expertise constitue probablement une défense au fond, il n’en va pas ainsi de la contestation de la régularité de l’expertise, qui suit le régime de l’exception de nullité (par exemple. Cass. civ. 3, 20 octobre 2021, n° 20-18.171, F-D N° Lexbase : A00507A4 ; Cass. civ. 2, 8 septembre 2022, n° 21-12.030, F-B N° Lexbase : A24618HM).

      Les controverses autour de la notion d’action ont ainsi de beaux jours devant elles.

      III. La preuve illicite

      Les deux arrêts rendus le 8 mars 2023 ont provoqué une déflagration dont les ondes vont se propager jusqu’à la fin de l’année 2023, puisque l’assemblée plénière a été saisie de la question des preuves illicites par la chambre sociale, et que l’affaire doit être plaidée à l’automne.

      Ces deux arrêts commentés sont en rupture avec la jurisprudence classique de la Cour de cassation, portée notamment par la chambre sociale. Ils remettent en cause le concept, pourtant essentiel, de preuve illicite. Pour bien en mesurer l’enjeu, il faut d’abord examiner les faits de chaque espèce.

      La première espèce était classique. Un employeur avait eu recours à un dispositif de vidéosurveillance pour confirmer des soupçons de vol et d’abus de confiance à l’encontre d’une salariée. La seconde espèce était plus originale. Un chauffeur de bus salarié avait déposé plainte après la constatation de la disparition d’un bloc de tickets. L’employeur avait alors remis à la police les enregistrements du système de vidéoprotection qui équipait le bus. À la suite du visionnage, la police avait constaté que le chauffeur de bus avait lui-même commis des infractions au Code de la route (usage du téléphone portable, de cigarettes). Un procès-verbal avait été établi et remis à l’employeur, qui l’avait utilisé pour licencier le salarié. Dans ces deux affaires se posait la question de la recevabilité en justice des preuves irrégulières produites par l’employeur.

      Par le passé, la chambre sociale a adopté une position claire vis-à-vis des preuves illicites. Elle a ainsi jugé que « l’illicéité d’un moyen de preuve doit entraîner son rejet des débats » (Cass. soc., 4 février 1998, n° 95-43.421, publié au bulletin N° Lexbase : A2546ACB). Toutefois, elle a récemment procédé à un revirement en affirmant que « l’illicéité d’un moyen de preuve […] n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats » (Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 17-19.523, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5510379). C’est cette solution qui s’impose aujourd’hui et qui est reprise dans l’un des arrêts commentés : « il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’Homme et des libertés fondamentales que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats ».

      Ce nouveau courant jurisprudentiel nécessite de s’interroger sur le sens que la Cour de cassation donne à la notion de preuve illicite. Dans la première espèce, la vidéosurveillance avait été mise en œuvre sans respecter les règles protectrices de la loi « informatique et libertés » et du Code de la sécurité intérieure. Pour la Cour de cassation, l’enregistrement constituait donc un moyen de preuve illicite. Dans la seconde espèce, l’illicéité des procès-verbaux provenait du fait que l’employeur les avait obtenus de façon informelle, alors qu’il aurait dû soumettre une demande de communication du dossier pénal au procureur de la République, conformément à l’article R. 156 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0760AC7. Dans ces deux affaires, les preuves ont été qualifiées d’illicites, car elles ont été obtenues en contrariété avec un texte légal ou réglementaire. Dans les arrêts commentés, l’illicéité de la preuve s’apprécie au regard d’une disposition technique, législative, souvent sans rapport direct avec le droit de la preuve. Il s’agit de la loi informatique et liberté, du Code de la sécurité intérieure ou encore d’une disposition réglementaire du Code de procédure pénale.

      Or le droit de la preuve est, de façon plus générale, gouverné par plusieurs principes qui s’affrontent et doivent être conciliés. D’un côté, le droit à la preuve confère, par principe, à la partie qui s’en prévaut, le droit de produire en justice tous les éléments dont elle dispose. D’un autre côté, les droits antinomiques de ses adversaires peuvent faire obstacle à la production de ces preuves en justice : respect de la vie privée, secret des affaires, secret de l’enquête pénale, et dans le contentieux prud’homal, respect de la vie personnelle du salarié. Lorsqu’un élément de preuve porte atteinte à un intérêt dit « antinomique » au droit à la preuve, la question se pose de savoir s’il est nécessaire de l’écarter ou au contraire, si la production de cet élément en justice est justifiée.

      Jusqu’en 2020, les choses étaient assez claires. Le droit à la preuve trouvait son origine dans le droit au procès équitable et ce droit pouvait rencontrer des obstacles sur son chemin, lesquels trouvaient leur fondement dans d’autres principes juridiques (vie privée, secret, etc.). Depuis l’arrêt précité du 25 octobre 2020, les choses se sont compliquées et la chambre sociale mélange de nombreux concepts qui s’entrechoquent et rendent sa ligne jurisprudentielle confuse, pour ne pas dire incohérente.

      Ainsi dans l’arrêt commenté n° 21-17.802 (Cass. soc., 28 mars 2023, n° 21-17.802, FS-B N° Lexbase : A92179GH), la Cour de cassation affirme que le juge qui doit répondre à la demande d’une partie d’écarter une preuve des débats, doit « apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. ». La balance entre droit à la preuve et droit au respect de la vie personnelle du salarié ne surprend pas. Elle se situe dans la droite ligne de la jurisprudence. En revanche, la Cour de cassation emprunte à la CEDH une expression que la juridiction française ne maîtrise pas : il s’agit du respect du « caractère équitable de la procédure dans son ensemble ». Que signifie précisément cette formule dans la jurisprudence européenne ?

      La CEDH regarde le caractère équitable de la procédure dans son ensemble lorsqu’elle a préalablement considéré qu’une preuve était contraire à un droit protégé par la convention (art. 3 N° Lexbase : L4764AQI et 8 N° Lexbase : L4798AQR). Si elle juge, de surcroît, que la procédure n’a pas été équitable, elle peut alors prononcer une violation de l’article 6, § 1 N° Lexbase : L7558AIR en plus de celle déjà constatée (v. en particulier CEDH, 17 octobre 2019, Req. 1874/13 et 8567/13, López Ribalda et autres c. Espagne N° Lexbase : A3700ZRH). Les garanties du procès équitable sont ainsi énumérées par la CEDH : il faut se demander, si les droits de la défense ont été respectés, puis quelle est l’importance des éléments de preuve en question ; il faut encore rechercher si celui qui conteste la preuve s’est vu offrir la possibilité de remettre en question son authenticité et de s’opposer à son utilisation.

      Le caractère équitable de la procédure « dans son ensemble » renvoie ainsi à un ensemble de garanties procédurales qui permettent à la CEDH de superviser les procédures internes. En effet, la Cour européenne refuse de se prononcer en particulier sur l’admissibilité des preuves, en considérant que cette question relève uniquement de l’appréciation des juridictions nationales. C’est donc au regard de l’ensemble de la procédure qu’elle exerce son contrôle.

      Cette précision est essentielle pour comprendre pourquoi la Cour de cassation fait fausse route. Pour la chambre sociale, examiner le caractère équitable de la procédure consiste à mettre en balance le droit au respect de la vie privée et le droit à la preuve. Il s’agit pourtant là d’un tout autre débat, que la CEDH aborde lorsqu’elle examine le grief tiré de la violation de l’article 8 de la Convention et non celui de l’article 6, § 1.

      Dans le droit européen, la distinction est donc nette :

      • lorsqu’une preuve porte atteinte à la vie privée, il faut examiner si cette production est justifiée par un but légitime, qui se concrétise dans le droit à la preuve de l’adversaire. Il faut ensuite apprécier le rapport de proportionnalité entre l’atteinte au droit au respect de la vie privée et l’intérêt pour la partie adverse de produire la preuve en justice. Lorsque la production est jugée disproportionnée, l’article 8 de la CEDH est violé ;
      • lorsqu’une preuve a été recueillie illégalement, ou lorsque sa production viole un droit protégé par la CEDH, alors, celle-ci examine si la procédure a été équitable dans son ensemble. Elle le fait notamment au regard du respect des droits de la défense, de la possibilité donnée aux parties de discuter l’élément de preuve, etc. Si cet équilibre est rompu, alors, l’article 6 est violé.

      Vie privée et respect du procès équitable se développent donc sur deux terrains distincts, qui s’entremêlent pourtant de façon confuse dans la jurisprudence de la Cour de cassation. 

      Ce détour par les principes européens ne doit pas nous faire oublier la question de départ, à savoir : qu’est-ce qu’une preuve illicite ?

      Une preuve illicite ne devrait pas être assimilée à une preuve illégale et la Cour de cassation ne devrait pas affirmer qu’une preuve illicite peut être admise aux débats. En effet, la sanction de l’illicéité de la preuve consiste précisément à l’écarter des débats (ou à annuler l’acte qui en est le support). Il y a donc une contradiction flagrante à affirmer d’un côté que la preuve est illicite et à tenir compte, d’un autre côté, de cette preuve dans la décision.

      Pour sortir de cette contradiction, il faudrait que la Cour de cassation revienne à une conception plus cohérente de la preuve illicite. À cet égard, pour qu’une preuve soit déclarée illicite il faut, d’une part lorsqu’elle porte atteinte à une règle ou un principe. Il peut s’agir d’une règle technique (la loi « informatique et libertés » [LXB= L8794AGS]) ou un principe général (le respect de la vie privée, le secret des affaires, le secret médical, etc.). Il faut, d’autre part, que cette atteinte soit disproportionnée, au regard de l’intérêt de cette production en justice et en particulier du droit de l’adversaire à produire cette preuve. Comme dans la jurisprudence européenne, l’illicéité tient de la conjonction de deux critères : l’atteinte à un droit et la disproportion de l’atteinte. Alors, la preuve doit être écartée des débats, car dans le cas contraire, son admission en justice conduirait à une condamnation de la France devant la CEDH. À l’inverse, lorsque l’atteinte est justifiée par le droit à la preuve, l’élément de preuve n’est pas illicite et il doit être admis aux débats.

      Ainsi, la dialectique des preuves licites et illicites doit-elle correspondre à celle des preuves admises ou écartées des débats. Sans le respect de ce parallélisme entre l’illicéité et sa sanction, le droit de la preuve perd toute cohérence.

      IV. Les droits dont on a la libre disposition

      • Les droits relatifs à l’état civil, qui relèvent de l’ordre public, ne sont pas disponibles - Cass. civ. 2, 2 février 2023, n° 21-18.942, F-B N° Lexbase : A26029BY

      La libre disposition d’un droit est une notion floue dont les effets sont divers en procédure civile. Par exemple, les parties peuvent lier le juge sur la dénomination ou le fondement juridique pour les droits dont elles ont la libre disposition (CPC, art. 12 N° Lexbase : L1127H4I). Elles peuvent encore convenir que leur différend sera jugé sans appel (CPC, art. 41 N° Lexbase : L1194H4Y et 556 N° Lexbase : L6707H7K) ou conclure une convention de procédure participative. À l’inverse, les droits dits « indisponibles » ferment certaines voies procédurales. Par exemple, les parties ne peuvent régler à l’amiable des litiges portant sur ces droits (loi n° 95-125, du 8 février 1995, art. 21-4 N° Lexbase : Z06407LG). De même, l’acquiescement à la demande, qui emporte reconnaissance du bien-fondé de la prétention de l’adversaire, n’est pas admis pour les droits indisponibles.

      L’espèce ayant donné lieu à l’arrêt commenté du 2 février 2023 porte précisément sur un acquiescement. Dans cette affaire, un procureur de la République avait assigné un justiciable aux fins d’annulation d’une mention portée en marge de son acte de naissance. Le justiciable alléguait que le procureur de la République avait, lors d’une audience de mise en état, acquiescé implicitement aux prétentions de son adversaire, et ainsi renoncé à son action.

      La Cour de cassation rejette de pourvoi dans une motivation succincte, en affirmant que le procureur de la République n’avait pas la libre disposition des droits relatifs à l’état civil, qui relèvent de l’ordre public, ce dont il se déduisait qu’il ne pouvait renoncer à son action.

      La solution semble aller de soi, tant il est admis que l’état civil d’une personne est indisponible. Toutefois, la Cour de cassation ajoute que l’indisponibilité tient à la nature de l’état civil, lequel relève de l’ordre public. Cette consubstantialité entre ordre public et droits indisponibles est loin de convaincre. En effet, l’ordre public est une notion plurale. En matière contractuelle, l’ordre public de protection est sanctionné par une nullité relative et le Code civil prévoit que la nullité relative peut être couverte par une confirmation (C. civ., art. 1181 N° Lexbase : L0897KZA). En d’autres termes, l’ordre public qui protège une personne s’avère disponible et cette dernière peut y renoncer. C’est dans le même esprit que l’on admet qu’une personne dispose librement de certains droits fondamentaux (droit au respect de sa vie privée, droit au secret médical) alors que d’autres droits sont indisponibles (la dignité).

      Si l’on s’éloigne des droits attachés à l’état des personnes, qui semblent indisponibles dans leur ensemble [3], il faut admettre que le domaine des droits indisponibles demeure, aujourd’hui encore, très incertain et soumis à une appréciation au cas par cas. C’est ainsi que la chambre sociale jugeait en 1974 que les caisses de Sécurité sociale n’ont pas la libre disposition des droits institués au profit des assurés sociaux et que ces caisses ne peuvent, par conséquent, confier au juge la mission de statuer sur ces droits en amiable compositeur (Cass. soc., 23 janvier 1974, n° 72-14.674, publié au bulletin N° Lexbase : A6426CIT). S’il est acquis que les droits indisponibles sont ceux qui échappent à la volonté des personnes, et donc à toute négociation, conciliation, renonciation ou acquiescement, il reste encore à établir des critères précis pour que ces droits émergent de façon évidente.


      [1] V. par exemple, le sort d’une demande de « donner acte » devant la troisième chambre civile, Cass. civ., 16 juin 2016, n° 15-16.469, FS-P+B N° Lexbase : A5609RTW.

      [2] C. Bléry, Se défendre en justice : un art difficile…, Dalloz actualité, 17 février 2023 [en ligne].

      [3] V. par exempl. CA Douai, 1re ch., 17 novembre 2008, n° 08/03786 N° Lexbase : A3937EBG : BICC 1er avril 2008, p. 55, qui juge que l’appréciation des « qualités essentielles » des époux au sens de l’article 180, alinéa 2, du Code civil N° Lexbase : L1359HI8 « relève du contrôle de l’ordre public dès lors qu’elle ne peut être laissée à la libre disposition des parties ».

      newsid:486213

      Procédure civile

      [Brèves] Présentation des conclusions d’appel : la Cour de cassation réaffirme la liberté de présentation sans imposer un paragraphe « discussion »

      Réf. : Cass. civ. 2, 29 juin 2023, n° 22-14.432, F-B N° Lexbase : A497297B

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      N6250BZI

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      par Alexandra Martinez-Ohayon

      Le 12 Juillet 2023

      L'article 954, alinéas 2 et 3, du Code de procédure civile n’exige pas que les prétentions et les moyens contenus dans les conclusions d'appel figurent formellement sous un paragraphe intitulé « discussion » ; la Haute juridiction énonce qu’il importe que ces éléments apparaissent de manière claire et lisible dans le corps des conclusions, réaffirmant ainsi sa position.

      Faits et procédure. Dans le cadre d’un litige locatif, deux parties dont une société ont relevé appel à l’encontre d’un jugement les opposant à une société civile immobilière (SCI). Cette dernière a relevé appel incident à l’encontre de cette décision.

      Les demanderesses ont été déboutées de leurs demandes tant en première instance, que dans le cadre de la procédure d’appel au motif que les moyens invoqués n’avaient pas été précédés de la mention usuelle « discussion » dans le corps des conclusions.

      Elles ont formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt d’appel.

      Le pourvoi. Les appelantes font grief à l'arrêt (CA Paris, 4-3, 3 février 2022, n° 19/06886 N° Lexbase : A29657LE) d’avoir confirmé le jugement en ce qu’il a rejeté leurs demandes tendant à voir juger résiliés, aux torts exclusifs de la SCI et celle relative à leur demande de dommages et intérêts pour résiliation aux torts du bailleur. Les intéressées invoquent la violation de l’article 954 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7253LED.

      La cour d'appel a retenu que les dernières conclusions des appelantes ne comportaient aucune « discussion », mais uniquement cinq chapitres, intitulés « - Faits et procédure, - Sur l'appel formé par la SCI, - Sur l'appel formé par le docteur et la société X, - Les demandes reconventionnelles de la SCI en première instance, - Les préjudices subis nécessairement indemnisables ». Dès lors, à défaut de « discussion », elle ne pouvait examiner aucun des moyens invoqués dans ces conclusions au soutien de leurs prétentions, telles qu'énoncées au dispositif, moyens qui doivent donc être considérés comme n'étant pas expressément énoncés au soutien de leurs demandes d'infirmation du jugement entrepris.

      Solution. Énonçant la solution précitée au visa de l’article 954, alinéas 2 et 3, du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891, du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL et l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel. Les Hauts magistrats relèvent que les conclusions de l'appelante distinguaient, de manière claire et lisible, les prétentions ainsi que les moyens soutenus en appel à l'appui des prétentions, et qu’en conséquence, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisé en ajoutant au texte une condition. Elle confirme ainsi sa position (Cass. civ. 2, 8 septembre 2022, n° 21-12.736, F-B N° Lexbase : A24628HN).

      Pour aller plus loin :

      • v. ÉTUDE, L’appel, La forme des conclusions devant la cour, in Procédure civile, (dir. É. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E539849S ;
      • C. Simon, Structuration des écritures : levée de bouclier contre la Chancellerie, Lexbase Droit privé, octobre 2021, n° 880 N° Lexbase : N8805BYR ;
      • A. Martinez-Ohayon, Précisions sur la présentation des conclusions d’appel : quid de l’obligation d’un paragraphe intitulé « discussion » ?

       

      newsid:486250

      Santé et sécurité au travail

      [Brèves] Point de départ de l’obligation de reclassement en cas d’inaptitude

      Réf. : Cass. soc., 5 juillet 2023, n° 21-24.703, FS-B N° Lexbase : A330098Q

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      N6248BZG

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      par Charlotte Moronval

      Le 12 Juillet 2023

      ► L'obligation qui pèse sur l'employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail.

      Faits et procédure. Un salarié, déclaré inapte à son poste le 15 septembre 2017, est licencié le 17 octobre 2017.

      La cour d’appel (CA Bordeaux, 28 octobre 2021, n° 19/02932 N° Lexbase : A42537AR) juge le licenciement de ce salarié sans cause réelle et sérieuse.

      L’employeur forme un pourvoi en cassation sur le fondement de l’article L. 1226-10 du Code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387, du 22 septembre 2017, applicable aux licenciements intervenus à compter du 24 septembre 2017.

      La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

      En effet, elle relève que le salarié ayant été déclaré inapte le 15 septembre 2017 et licencié le 17 octobre 2017, l'ordonnance n° 2017-1387, du 22 septembre 2017 N° Lexbase : L7629LGN n'était pas applicable en l’espèce, peu importe que le salarié ait été licencié postérieurement à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance.

      Pour aller plus loin :

      • v. déjà Cass. soc., 11 mai 2022, n° 20-20.717, FS-B N° Lexbase : A56517W9 ;
      • v. ÉTUDE : L’inaptitude médicale au poste de travail du salarié à la suite d’une maladie non professionnelle, L’obligation de reclasser le salarié inapte par l’employeur, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3274ETG.

       

      newsid:486248

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