Le Quotidien du 7 juillet 2023

Le Quotidien

Avocats/Déontologie

[Brèves] Faute déontologique de l’avocat qui ne s’est pas déporté face à un conflit d'intérêts

Réf. : CA Bordeaux, 4 mai 2023, n° 20/01568 N° Lexbase : A86519TL

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N5706BZD

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par Marie Le Guerroué

Le 05 Juillet 2023

► Le fait pour un avocat passé de la fonction de conseil de l'ensemble des sociétés d’un groupe, pour laquelle il a été retenu un risque de conflit d'intérêts, à celle de défense et représentation des seuls défendeurs assignés devant le tribunal de commerce, après qu'il ait été le conseil également d’une des sociétés sœurs et ait été amené à ce titre à recueillir des informations confidentielles, constitue au-delà du simple risque de conflit d'intérêts, un conflit d'intérêts consommé, dès lors qu'il est incontestable que la défense de l’avocat aurait nécessairement été différente s'il n'avait été que le conseil de cette société sœur devant le tribunal de commerce, ne serait-ce qu'au regard de la situation respective des parties au litige.

Faits et procédure. Une société mère était détenue par deux sociétés sœurs à 50 % par une SAS et à 50 % par une SARL. Les relations entre le président de la SAS et le gérant de la SARL s’étaient dégradées. La SAS a fait assigner la société mère devant le tribunal de commerce de Niort afin d'obtenir le remboursement des comptes courants dont elle était titulaire et l'annulation de conventions de service. Le tribunal de commerce de Niort avait retenu la faute déontologique de deux avocats pour ne s'être pas déporté face à un conflit d'intérêts. Devant la cour d’appel de Bordeaux, la seconde société sœur (SAS) demande la confirmation de cette décision.

Réponse de la cour. La cour d’appel de Bordeaux rappelle les textes applicables des articles 4 et 4.2 du Règlement national intérieur de la profession d'avocat N° Lexbase : L4063IP8. Il en ressort que la situation de conflit d'intérêts, n'est pas nécessairement constituée au jour de la saisine du conseil, mais peut résulter de l'évolution délétère de la relation entre les clients d'un même conseil, mais qu'elle est toujours constituée dans le sens où l'avocat étant ou devenant le conseil de plusieurs parties ayant des intérêts divergents ne peut mener sa mission sans contrevenir aux intérêts de l'une ou de l'autre, et, dans l'hypothèse d'une situation de représentation et de défense, lorsque, défendant plusieurs parties ayant des intérêts divergents, sa défense n'est pas la même que s'il lui avait été confié les intérêts de l'une des parties seulement. En l’espèce, la cour estime que le fait pour l’un des avocats passé de la fonction de conseil de l'ensemble des sociétés d’un groupe, pour laquelle il a été retenu un risque de conflit d'intérêts, à celle de défense et représentation des seuls défendeurs assignés devant le tribunal de commerce, après qu'il avait été le conseil également d’une des sociétés sœurs et ait été amené à ce titre à recueillir des informations confidentielles, constitue au-delà du simple risque de conflit d'intérêts, un conflit d'intérêts consommé, dès lors qu'il est incontestable que la défense de l’avocat aurait nécessairement été différente s'il n'avait été que le conseil de cette société sœur devant le tribunal de commerce, ne serait-ce qu'au regard de la situation respective des parties au litige.

Confirmation. Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu un manquement de cet avocat à ses obligations déontologiques constitutif d'une faute à l'égard de la seconde société sœur.

Infirmation. S'agissant du second avocat, la cour estime, au contraire, qu’il n'était pas utilement contesté qu'il n'était investi que d'une mission de conseil juridique ponctuelle n'étant en charge d'aucune mission de suivi des comptes et qu'il n'est pas intervenu pour assurer la défense et la représentation du gérant et des sociétés assignées par la SAS devant le tribunal de commerce de Niort. Les éléments soumis à la cour lui apparaissent insuffisants à caractériser un manquement de sa part à ses obligations déontologiques en sorte que le jugement est infirmé en ce qu'il a retenu une faute de la part du second avocat.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Les conflits d'intérêts, La caractérisation d'un conflit d'intérêts,in La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E41443RW.

 

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Bancaire

[Brèves] Prescription de l’action fondée sur un manquement du banquier à son devoir d’information et spécificité des prêts en devise

Réf. : Cass. civ. 1, 28 juin 2023, n° 21-24.720, F-B N° Lexbase : A2675979

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N6176BZR

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par Jérôme Lasserre-Capdeville

Le 05 Juillet 2023

► Il résulte des articles 2224 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce que l’action en responsabilité de l’emprunteur à l’encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir d'information portant sur le fonctionnement concret de clauses d’un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l’emprunteur se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu connaissance effective de l’existence et des conséquences éventuelles d’un tel manquement.

Voilà une autre décision s’intéressant au régime du délai de prescription applicable au devoir d’information pesant sur le banquier dispensateur de crédits en devise (V. déjà, Cass. civ. 1, 28 juin 2023, n° 22-13.969, F-B N° Lexbase : A267997D, J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, juillet 2023, n° 763 N° Lexbase : N6171BZL), mais aussi aux spécificités des prêts en devise.

Faits et procédure. Les 4 juin et 21 octobre 2004, la banque X. avait consenti à M. et Mme S. deux prêts immobiliers in fine, libellés en francs suisses et remboursables respectivement les 31 juillet 2017 et 31 octobre 2016, aux taux d'intérêt variables indexés sur l'indice Libor trois mois.

Le 26 avril 2016, les emprunteurs avaient assigné la banque en responsabilité et en constatation du caractère abusif de certaines clauses des contrats de prêt.

La cour d’appel de Colmar (CA Colmar, 27 septembre 2021, n° 19/02860 N° Lexbase : A7507478) ne leur avait cependant pas donné raison. D’une part, elle avait déclaré irrecevable, comme prescrite, l’action en responsabilité des emprunteurs fondée sur le manquement de la banque à son devoir d’information. D’autre part, elle avait rejeté la demande des emprunteurs tendant à voir réputer non écrites certaines clauses des contrats.

Le couple S. avait alors formé un pourvoi en cassation.

Décision. Plusieurs moyens étaient invoqués.

  • Sur la prescription de l’action en responsabilité

La Cour de cassation commence par indiquer qu’il résulte des articles 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC et L. 110-4 du Code de commerce N° Lexbase : L4314IX3 que l’action en responsabilité de l’emprunteur à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir d’information portant sur le fonctionnement concret de clauses d'un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l’emprunteur se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle « celui-ci a eu connaissance effective de l’existence et des conséquences éventuelles d’un tel manquement.

Or, pour déclarer irrecevable comme prescrite l’action des emprunteurs fondée sur le manquement de la banque à son devoir d’information, l’arrêt de la cour d’appel avait considéré que les emprunteurs n’avaient pas établi qu’ils avaient pu légitimement ignorer les risques de leur préjudice au moment de la souscription des contrats, de sorte que le point de départ du délai quinquennal de la prescription devait être fixé à la date de conclusion des contrats, et qu'en tout état de cause les conséquences de la dégradation de la parité entre le franc suisse et l'euro s’étaient nécessairement manifestées dès l'année 2009, une dégradation significative de cette parité étant constatée à partir de janvier 2011.

Dès lors, en statuant ainsi, alors que les emprunteurs n'avaient pu connaître l’existence du dommage résultant d’un tel manquement à la date de la conclusion des prêts, la cour d'appel, à qui il incombait de caractériser la date de leur connaissance effective des effets négatifs de la variation du taux de change sur leurs obligations financières, avait violé les textes susvisés

Cette solution, identique à celle figurant dans un autre arrêt rendu le même jour (Cass. civ. 1, 28 juin 2023, n° 22-13.969, F-B, préc.), échappe à la critique. Depuis plusieurs années déjà, la Haute juridiction considère que le délai de prescription de l’action en indemnisation du dommage résultant d’un manquement au devoir de mise en garde débute, non pas à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d’exigibilité des sommes au paiement desquelles l’emprunteur n’est pas en mesure de faire face (Cass. com., 22 janvier 2020, n° 17-20.819, F-D N° Lexbase : A59293CL ; Cass. com., 8 avril 2021, n° 19-12.693, F-D N° Lexbase : A12194PT ; Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-18.893, FS-B N° Lexbase : A42197HQ, V. Téchené, Lexbase Affaires, janvier 2022, n° 701 N° Lexbase : N9989BYM), c’est-à-dire à partir de la prise de conscience du préjudice résultant de la faute dénoncée.

On regrettera, cependant, que la décision ne dise rien à propos d’une caractéristique des crédits en question : ils étaient in fine. Or, pour une jurisprudence récente (Cass. com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811, FS-B N° Lexbase : A06479A9, J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, février 2023, n° 744 N° Lexbase : N4172BZK) « le délai de prescription de l’action en indemnisation d’un tel dommage commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face ». Il convient donc d’être arrivé à l’ultime échéance de ce crédit constituée par l’ensemble du capital. Cette différence de jurisprudences peut alors entraîner une incertitude.

  • Sur le droit des clauses abusives

La Haute juridiction commence par rappeler que selon l’article L. 132-1 du Code la consommation N° Lexbase : L6478ABK, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301, du 14 mars 2016 N° Lexbase : L0300K7A, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Elle précise, ensuite, que par un arrêt remarqué du 10 juin 2021 (CJUE, 10 juin 2021, aff. C-776/19 à C-782/19 N° Lexbase : A00904WA, J. Lasserre-Capdeville, Lexbase, Affaires, juin 2021, n° 680 N° Lexbase : N7922BY3), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l’article 4, paragraphe 2, de la Directive n° 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs N° Lexbase : L7468AU7, doit être interprété en ce sens que, lorsqu'il s'agit d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur « des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat ».

Or, pour rejeter la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses 5.3 et 10.5 des contrats relatives aux modalités de remboursement des prêts et aux possibilités de conversion en euro des prêts souscrits en franc suisse, l’arrêt de la cour d’appel avait retenu que la description du mécanisme permettant le paiement des échéances avait nécessairement dû alerter les emprunteurs qui ne disposaient pas de ressources en franc suisse, que le recours à la devise suisse n’emportait aucune incidence sur la durée du prêt sauf en cas de remboursement anticipé et que la banque produisait pour chaque prêt une attestation annexée à l’offre, signée des emprunteurs, par laquelle ils déclaraient expressément avoir pris connaissance des risques de change liés au cours du franc suisse.

Dès lors, en statuant ainsi, sans constater que le professionnel avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée des contrats, dans l’hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ceux-ci percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel avait violé le texte précité. La cassation est alors prononcée.

Cette solution ne surprendra pas le lecteur. Elle se retrouve dans bien d’autres décisions de la Cour de cassation (V. par ex., Cass. civ. 1, 20 avril 2022, n° 20-16.316, FS-B  N° Lexbase : A08787U3, J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, mai 2022, n° 716 N° Lexbase : N1304BZC ;  Cass. civ. 1, 1er février 2023, n° 21-20.168, F-D N° Lexbase : A49829B7). Elle témoigne de l’importance de la jurisprudence de la CJUE dans ce contentieux des prêts en devise.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Droit de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit, Le contenu du devoir de mise en garde, in Droit bancaire, (dir. J. Lasserre-Capdeville), Lexbase N° Lexbase : E14203PB.

 

newsid:486176

Comité social et économique

[Brèves] Ordre du jour de la réunion du CSE : qui peut se prévaloir de la méconnaissance du délai de convocation et de communication ?

Réf. : Cass. soc., 28 juin 2023, n° 22-10.586, F-B N° Lexbase : A267797B

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N6175BZQ

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par Lisa Poinsot

Le 05 Juillet 2023

Seuls les membres de la délégation du personnel au comité social et économique peuvent se prévaloir de la prescription, relative au délai de convocation et de communication de l’ordre du jour, instaurée dans leur intérêt.

Faits et procédure. Le secrétaire d’un comité social et économique (CSE) d’une association de moyens sollicite l’inscription d’une résolution sur un droit d’alerte économique à l’ordre du jour d’un vote.

Soutenant que le délai de cinq jours, prévu par accord collectif relatif à la mise en place du CSE pour l’inscription d’un point à l’ordre du jour, n’a pas été respecté, le président du CSE a refusé l’inscription d’un vote sur le droit d’alerte. Les élus ont néanmoins procédé au vote.

Venant aux droits de l’association de moyens, un groupement d’intérêt économique (GIE) saisit la formation des référés du tribunal judiciaire en contestation de la procédure d’alerte votée par le comité et en annulation de la délibération prise par celui-ci relative au déclenchement de son droit d’alerte économique.

Rappel. Le respect du délai de communication de l’ordre du jour constitue une obligation à la charge de l’employeur (Cass. soc., 17 novembre 1977, n° 75-14.751, publié au bulletin N° Lexbase : A9151CHE).

La cour d’appel (CA Paris, 16 décembre 2021, n° 21/05723 N° Lexbase : A48107GA) relève que selon l’accord collectif relatif à la mise en place du CSE, « l’ordre du jour ainsi que les documents afférents sont communiqués aux membres du CSE au moins 5 jours ouvrables avant la réunion ».

Elle constate, ensuite, que par courriel, le secrétaire du comité a demandé au président de lui fournir des explications au vu de la réorganisation envisagée affectant de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise. Il lui demande également d’inscrire le déclenchement de la procédure de droit d’alerte à l’ordre du jour d’une prochaine réunion.

Les juges du fond retiennent que c’est à tort que le président du comité a refusé cette inscription à l’ordre du jour. Seuls les membres de la délégation du personnel peuvent se prévaloir du non-respect du délai conventionnel.

L’absence de mention à l’ordre du jour du déclenchement de la procédure de droit d’alerte n’est ainsi pas un motif d’irrégularité de la délibération du CSE.

Le GIE forme un pourvoi en cassation en arguant qu’il ne résulte ni des articles L. 2315-2 N° Lexbase : L8520LGN et L. 2315-30 N° Lexbase : L8341LGZ du Code du travail, ni de l’accord collectif litigieux, qui prévoit un délai plus favorable de cinq jours, que le délai de convocation et de communication des documents et de l’ordre du jour n’a été formulé que dans l’intérêt des membres du CSE qui pourraient dès lors seuls se prévaloir de sa violation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

La Haute juridiction confirme que l’ordre du jour d’une réunion du CSE doit en principe être envoyé aux élus au moins trois jours avant la séance (cinq jours selon l’accord collectif). Cette règle étant établie dans l’intérêt des élus, seuls ces derniers peuvent s’en prévaloir.

Autrement dit, le président du comité ne peut pas donc pas refuser l’inscription d’un vote sur le droit d’alerte demandée par le secrétaire du CSE en invoquant le non-respect de ce délai.

Pour aller plus loin :

  • v. fiche pratique, Comment fonctionne le comité social et économique ?, Droit du travail N° Lexbase : N8801BXA ;
  • v. ÉTUDE : Le fonctionnement du comité social et économique dans les entreprises d’au moins 50 salariés, L’ordre du jour des réunions du comité social et économique, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1997GA9.

 

newsid:486175

Droit des étrangers

[Brèves] Droit pour les enfants d’un réfugié à un visa d'entrée et de long séjour en cas de réunification familiale : date à laquelle leur âge doit être apprécié

Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 29 juin 2023, n° 472495, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A749097K

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N6163BZB

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par Yann Le Foll

Le 05 Juillet 2023

► Les enfants d’un réfugié peuvent bénéficier d’un visa d'entrée et de long séjour en cas de réunification familiale, leur âge devant être apprécié à la date de la demande d’asile lorsque l’enfant est devenu majeur (en droit de l’Union) ou a atteint l'âge de dix-neuf ans (en droit national) entre la demande d'asile et l'octroi de statut de réfugié ou de la protection subsidiaire à son parent.

Droit UE. Lu conjointement avec les articles 7 et 12 de la même Directive, l'article 4, paragraphe 1, de la Directive 2003/86/CE, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial N° Lexbase : L5269DLQ, a pour objet de permettre à un réfugié d'être rejoint, au titre du regroupement familial, par ses enfants mineurs sans que le bénéfice de ce droit ne soit soumis aux conditions de ressources et de logement qui s'appliquent au titre du regroupement familial de droit commun des étrangers.

Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par deux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 16 juillet 2020, aff. C-133/19 N° Lexbase : A52903RD ; CJUE, 1er août 2022, aff. C-279/20 N° Lexbase : A45088DC), que la date à laquelle il convient de se référer pour déterminer si l'enfant doit être regardé comme mineur au sens de cette disposition est, en principe, celle à laquelle est présentée la demande d'entrée et de séjour aux fins de regroupement familial pour rejoindre le parent réfugié.

Il en va toutefois autrement lorsqu'il en découlerait que le succès de la demande de regroupement familial serait susceptible de dépendre principalement de circonstances imputables à l'administration ou aux juridictions nationales.

Tel est le cas lorsque l'enfant, mineur au moment de la demande d'asile, est devenu majeur avant l'octroi du statut de réfugié au parent demandant le bénéfice du droit au regroupement familial. Dans cette situation, l'âge de l'enfant doit être apprécié à la date de la demande d'asile, sous réserve que la demande de regroupement familial ait été introduite dans les trois mois suivant l'octroi de la protection.

N’est pas pris en considération le fait que l'État membre concerné ait fait usage ou non de la faculté ouverte par l'article 12 de la même Directive de fixer un délai pour introduire une demande de regroupement familial dont le non-respect permet d'opposer les conditions de ressources et de logement qui s'appliquent au titre du droit au regroupement familial de droit commun des étrangers.

Droit national. Il résulte des articles L. 561-2 N° Lexbase : L3517LZB, L. 561-5 N° Lexbase : L3520LZE et R. 561-1 N° Lexbase : L5231LZR du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'âge de l'enfant pour lequel il est demandé qu'il puisse rejoindre son parent réfugié sur le fondement de l'article L. 561-2 précité doit être apprécié à la date de la demande de réunification familiale, c'est-à-dire à la date à laquelle est présentée la demande de visa à cette fin, sans qu'aucune condition de délai ne puisse être opposée.

La circonstance que cette demande de visa ne peut être regardée comme effective qu'après son enregistrement par l'autorité consulaire, qui peut intervenir à une date postérieure, est sans incidence à cet égard. Par ailleurs, lorsqu'une nouvelle demande de visa est déposée après un premier refus définitif, il convient, pour apprécier l'âge de l'enfant, de tenir compte de cette demande, et non de la première demande.

L'article 4, paragraphe 1, de la Directive 2003/86/CE, du 22 septembre 2003 et les articles 7 et 12 de la même Directive ne peuvent toutefois recevoir application dans le cas où l'enfant a atteint l'âge de dix-neuf ans entre la demande d'asile de son parent et l'octroi à celui-ci du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire.

Dans cette hypothèse, sous réserve que la demande de réunification ait été introduite dans les trois mois suivant l'octroi de la protection, l'âge doit être apprécié à la date de la demande d'asile.

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Responsabilité médicale

[Brèves] Appréciation globale des conditions d’anormalité et de gravité des dommages résultant d’un même acte

Réf. : CE, 5e-6e ch. réunies, 26 juin 2023, n° 465640, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A003997L

Lecture: 2 min

N6200BZN

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par Laïla Bedja

Le 05 Juillet 2023

► Des dommages résultant des lésions causées, bien qu'à différents organes, par l'ensemble des radiations subies concomitamment ou quasi-concomitamment lors du même traitement d'un cancer sont imputables à une même affection iatrogène ; par suite, il n'y a pas lieu de procéder de façon distincte à l'appréciation de la condition de gravité et de la condition d'anormalité de ces dommages.

Les faits et procédure. Atteinte d’un cancer du col de l’utérus, Mme A a subi dans un centre hospitalier un traitement par radiochimiothérapie et curiethérapie. À la suite de ce traitement elle a présenté d’importants troubles digestifs et urinaires liés à une cystite radique et à une entérite radique. Afin d’obtenir réparation de ses préjudices, elle a assigné l’ONIAM devant le tribunal administratif, en invoquant la survenue d’une affection iatrogène. La cour administrative d’appel ayant rejeté son pourvoi en cassation, elle s’est alors pourvue en cassation.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction annule l’arrêt rendu par les juges du fond. Le Conseil d’État rappelle que pour l'application du II de l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L1910IEH, il incombe au juge administratif, dans le cas où il est demandé à l’ONIAM de réparer au titre de la solidarité nationale plusieurs dommages résultant d'un même accident médical, d'une même affection iatrogène ou d'une même infection nosocomiale, de procéder à une appréciation globale des conditions, d'une part, d'anormalité et, d'autre part, de gravité de l'ensemble de ces dommages. Si, en revanche, les dommages résultent de plusieurs accidents médicaux, affections iatrogènes ou infections nosocomiales indépendants, il incombe au juge administratif d'apprécier de façon distincte les conditions d'anormalité et de gravité de chacun d'entre eux.

newsid:486200

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Pas d’indemnité compensatrice de préavis en cas de non reprise du paiement des salaires y compris lorsque le licenciement pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse

Réf. : Cass. soc., 5 juillet 2023, n° 21-25.797, FS-B N° Lexbase : A3310984

Lecture: 2 min

N6210BZZ

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par Charlotte Moronval

Le 10 Juillet 2023

► La non-reprise du paiement des salaires par l’employeur dans le délai d’un mois à compter de la visite médicale de reprise n’ouvre pas droit au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, y compris lorsque le licenciement pour inaptitude non consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel et impossibilité de reclassement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Faits et procédure. Engagé en qualité de VRP exclusif par une société, un salarié est licencié pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.

Le conseil de prud’hommes juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamne l’employeur à payer au salarié un rappel de salaires et une indemnité compensatrice de préavis.

La cour d’appel confirme le jugement. Elle retient que si un salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison de son inaptitude physique à son emploi, cette indemnité est due en cas de non reprise du paiement du salaire à l'issue du délai d'un mois.

La société forme un pourvoi en cassation.

La solution. Il résulte des articles L. 1226-2 N° Lexbase : L8714LGT et L. 1226-4 N° Lexbase : L5819ISC du Code du travail qu'en cas de licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel et impossibilité de reclassement, le préavis n'est pas exécuté, et cette inexécution ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.

Doit être cassé, l'arrêt qui retient que cette indemnité est due en cas de non reprise du paiement du salaire à l'issue du délai d'un mois, alors qu'il constate par ailleurs que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'inaptitude médicale au poste de travail du salarié à la suite d'une maladie non professionnelle, Les indemnités de licenciement et de préavis, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E2698XYL.

 

newsid:486210

Urbanisme

[Brèves] Libre exercice du droit de préemption urbain par une commune pour un projet de réalisation de logements mixtes

Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 30 juin 2023, n° 468543, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A808997Q

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par Yann Le Foll

Le 05 Juillet 2023

► Une commune peut librement exercer son droit de préemption urbain en vue d’un projet de réalisation de logements mixtes, sociaux et non sociaux, même si elle a déjà atteint ses objectifs de logements locatifs sociaux.

Rappel. Il résulte des articles L. 210-1 N° Lexbase : L4847MB7 et L. 300-1 N° Lexbase : L6799L7X du Code de l'urbanisme que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant (CE, 28 janvier 2021, n° 429584, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A85324DD).

Un projet de réalisation d'une quarantaine de logements, dont la moitié à caractère social a par nature pour objet la mise en œuvre d'une politique locale de l'habitat et répond à ce titre aux objets définis à l'article L. 300 1 du Code de l'urbanisme (CE, 2 novembre 2015, n° 374957, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5803NUH).

Position CE. Est inopérante la circonstance que la mise en œuvre du droit de préemption ne répondrait pas à un intérêt général suffisant du seul fait que la commune concernée ait atteint les objectifs fixés par l'article L. 302-5 du Code de la construction et de l'habitation N° Lexbase : L4879MBC en termes de logements locatifs sociaux, lesquels constituent des seuils à atteindre et non des plafonds.

Décision. Le juge des référés du tribunal administratif n'a pas, eu égard à son office, commis d'erreur de droit en jugeant que n'était pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, nonobstant le taux de logements sociaux déjà atteint dans la commune, le moyen tiré de ce que la mise en œuvre du droit de préemption, en ce qu'il méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 302-5 du Code de la construction et de l'habitation, ainsi que l'objectif de mixité sociale figurant dans le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme intercommunal de Bordeaux Métropole, ne répondrait pas à un intérêt général suffisant.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Le droit de préemption urbain, L'objet du droit de préemption urbain, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall), Lexbase N° Lexbase : E4464E7H.

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Voies d'exécution

[Brèves] Contestation de saisie conservatoire et nantissement judiciaire provisoire: précisions sur l’intérêt à agir du débiteur

Réf. : Cass. civ. 2, 29 juin 2023, n° 19-11.732, FS-B N° Lexbase : A497697G

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 18 Juillet 2023

Dès lors qu'elle est visée dans un acte de saisie conservatoire ou de nantissement judiciaire provisoire, la personne à l'encontre de laquelle cette mesure est pratiquée a un intérêt à la contester.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un arrêt du 31 octobre 2000 rendu par la cour d’appel de La Haye, déclaré exécutoire en France le 31 août 2011, a condamné solidairement l'État d'Irak et la banque centrale d'Irak à payer à une société une certaine somme. Cette dernière a fait pratiquer, le 3 novembre 2016, à l'encontre de « l'État Irakien et ses entités dont les fonds appartiennent à l'Irak en vertu de résolutions de l'ONU, à savoir ceux de la société X », plusieurs mesures d’exécution, notamment :

  • une saisie conservatoire de créances auprès d’une banque ;
  • une saisie conservatoire de droits d’associé et de valeurs mobilières ;
  • un nantissement judiciaire provisoire.

L’ensemble de ces saisies ont été dénoncées à l'État irakien et à la société X. Cette dernière a alors assigné la société créancière devant un juge de l’exécution en nullité de ces mesures. La banque est intervenue volontairement à l’instance.

Le pourvoi. La société X fait grief à l'arrêt (CA Paris, 4-8, 13 décembre 2018, n° 18/10302 N° Lexbase : A3742YQN), d’avoir déclaré irrecevable sa contestation et ses demandes retenant qu’elle n’avait pas intérêt à agir. L’intéressée fait valoir la violation de l'article 31 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1169H43. En l’espèce, l’arrêt retient que dans ses conclusions, tant à titre principal que subsidiaires, la société soutenait ne pas être propriétaire des fonds saisis par les mesures conservatoires, et que bien que son intérêt à agir soit contesté par l'appelante, elle ne précise pas à quel titre elle serait fondée à poursuivre la mainlevée desdites mesures. Les juges d’appel relevant également que le seul fait qu’il soit mentionné dans les procès-verbaux des mesures conservatoires que ces mesures portent sur les fonds de la société X, dont la saisissante estime qu'ils appartiennent à l'État d'Irak, ne saurait être suffisant pour lui reconnaître un intérêt à agir.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa des articles 31 du Code de procédure civile et R. 512-1 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L2544ITE, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule l’arrêt sauf en ce qu’il déboute la société de sa demande de renvoi aux fins de jonction et annule le jugement. La Haute juridiction relève que le nom de la société X figurant dans les actes de saisie conservatoire et de nantissement judiciaire, la cour d’appel ne pouvait qu’en déduire qu’elle avait un intérêt à agir en contestation de ces mesures devant le juge de l’exécution.

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