Le Quotidien du 5 juillet 2023

Le Quotidien

Bancaire

[Brèves] Obligation d’information et crédit in fine

Réf. : Cass. com., 21 juin 2023, n° 21-18.312, FS-B N° Lexbase : A983293K

Lecture: 5 min

N6116BZK

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par Jérôme Lasserre-Capdeville

Le 04 Juillet 2023

 

► Le dommage résultant du manquement d’une banque à l’obligation d’informer le souscripteur d’un prêt in fine du risque que le rachat de contrats d’assurance-vie, du fait d’une contre-performance de ceux-ci, ne permette pas le remboursement du prêt à son terme, consiste en la perte d’une chance d’éviter la réalisation de ce risque. Lorsqu’ayant pris conscience de l’existence de ce risque, dont il pouvait légitimement craindre qu’il se réalisât, l’emprunteur rembourse le prêt par anticipation à seule fin d’en prévenir la réalisation, son préjudice consiste en la perte d'une chance, non d’éviter la réalisation du risque, mais d’éviter les conséquences dommageables de ce remboursement anticipé.

La décision sélectionnée intéresse le crédit in fine, c’est-à-dire un prêt dans lequel les échéances ne comprennent que les intérêts, le capital ne se remboursant qu’à la fin de l’opération, en une seule fois. Ce type de crédit est donc particulièrement dangereux, car les emprunteurs ne peuvent pas toujours faire face à la dernière échéance si l’investissement opéré par son intermédiaire se révèle non rémunérateur. Or, ces derniers mois, ce crédit in fine donne lieu à des décisions de justice remarquées (v. not. Cass. com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811, FS-B N° Lexbase : A06479A9, J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, février 2023, n° 744 N° Lexbase : N4172BZK). Nous en avons ici une nouvelle illustration.

Faits et procédure. Le 29 août 2000, la banque X. avait consenti à la société L. un prêt remboursable in fine, garanti le 12 novembre 2013 par le nantissement de deux contrats d’assurance-vie souscrits par M. et Mme M., associés de la société. Reprochant cependant à la banque un manquement à ses obligations d’information et de conseil, la société L. et les époux M. l’avaient assignée en responsabilité. Une longue procédure s’en était suivie, celle-ci ayant notamment abouti à une cassation (Cass. com., 22 janvier 2020, n° 17-20.819, F-D N° Lexbase : A59293CL). Finalement, la juridiction de renvoi, c’est-à-dire la cour d’appel de Lyon, avait rejeté leurs demandes. Le couple M. et la société L. avaient alors formé un pourvoi en cassation.

Moyen. L’un des moyens invoqué retient l’attention. Les auteurs du pourvoi considéraient ainsi que la perte de chance d’éviter un risque est certaine lorsque le risque s’est réalisé. Or, dans un contrat de prêt in fine nanti par un contrat d’assurance-vie, la perte de chance d’éviter le risque de ne pas pouvoir rembourser le capital emprunté grâce au rachat du contrat d’assurance-vie est certaine lorsque la valeur du contrat d'assurance-vie, à la date d’exigibilité du capital, n'en permet pas le remboursement. Dès lors, en jugeant que le préjudice était hypothétique, sans rechercher, comme cela lui avait été demandé, si la situation des contrats d'assurance-vie permettait ou aurait permis à l’échéance du terme de rembourser le capital, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 ancien du Code civil N° Lexbase : L1248ABT, devenu l’article 1231-1 du Code civil N° Lexbase : L0613KZQ.

Décision. La Cour de cassation rejette cependant le pourvoi. Sa décision se veut particulièrement précise. Elle commence ainsi par déclarer que le dommage résultant du manquement d’une banque à l’obligation d'informer le souscripteur d’un prêt in fine du risque que le rachat de contrats d’assurance-vie, du fait d'une contre-performance de ceux-ci, ne permette pas le remboursement du prêt à son terme consiste en la perte d’une chance d’éviter la réalisation de ce risque. Ensuite, lorsqu’ayant pris conscience de l’existence de ce risque, dont il pouvait légitimement craindre qu’il se réalisât, l’emprunteur rembourse le prêt par anticipation à seule fin d’en prévenir la réalisation, son préjudice consiste en la perte d’une chance, non d’éviter la réalisation du risque, mais d’éviter les conséquences dommageables de ce remboursement anticipé. Elle en conclut que la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie à la date du terme initialement prévu est sans incidence sur l’appréciation de ce préjudice. Le moyen, qui postule le contraire, n’est donc pas fondé.

Observations. Cette décision témoigne alors du fait, qu’en fonction des circonstances, le préjudice indemnisable, c’est-à-dire la « perte d’une chance », portera logiquement sur des événements différents. Tel est le cas si l’intéressé, craignant que le rachat de ses contrats d’assurance-vie ne lui permette pas de rembourser son crédit in fine, décide de rembourser ce dernier par anticipation. Dans ce cas, le préjudice consistera en la perte d’une chance d’éviter les conséquences dommageables de ce même remboursement anticipé. Dans un tel cas, la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie à la date du terme initialement prévu n’aura pas d’incidence sur l’appréciation de ce dernier préjudice.

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Droit rural

[Brèves] Résiliation d'un bail emphytéotique pour manquement à l'obligation d'entretien des bâtiments

Réf. : Cass. civ. 3, 15 juin 2023, n° 22-10.806, F-D N° Lexbase : A527793T

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N6112BZE

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 05 Juillet 2023

► La cour d'appel a souverainement retenu que la gravité de l'inexécution par l'emphytéote de son obligation d'entretien, au regard de sa persistance et de l'importance de la perte de valeur patrimoniale subie du fait de l'état de ruine de plusieurs constructions, dont certaines classées, justifiait la résiliation du bail emphytéotique.

Les arrêts de la Cour de cassation en matière de bail emphytéotique sont suffisamment rares pour être relevés, d’autant plus lorsqu’ils concernent la caractérisation d’un manquement de l'emphytéote à son obligation d'entretien des bâtiments.

En l’espèce, des personnes physiques avaient donné à bail emphytéotique à la société du Golf d'Albi-Lasbordes (l'emphytéote) des parcelles et des bâtiments en vue de la création d'un golf.

Le 27 février 2009, soutenant que l'emphytéote avait manqué à son obligation d'entretien des bâtiments, ils l'avaient, après expertise, assigné en indemnisation de leurs préjudices. Une demande en résiliation du bail emphytéotique avait été formée à titre additionnel par les ayants droit des bailleurs ; celle-ci est admise en l’espèce.

Sur la question de la prescription de l’action en résiliation du bail, tout d’abord, la cour d'appel de Toulouse (CA Toulouse, 16 décembre 2021, n° 18/03933 N° Lexbase : A49137G3), dont la décision est approuvée par la Cour suprême, avait, d'abord, relevé que, compte tenu du caractère évolutif des désordres affectant les constructions, des éboulements constatés et de l'absence de tous travaux confortatifs et correctifs entrepris, les bailleurs n'avaient pu mesurer dans toute son ampleur le dommage, résultant du manquement de l'emphytéote à son obligation d'entretien, que lors du dépôt du rapport de contre-expertise, le 25 octobre 2013.

Elle avait retenu, ensuite, que ce n'était qu'à cette date, au vu du coût des travaux de réhabilitation évalué par le second expert, que les bailleurs avaient pu connaître le risque réel d'inexécution des travaux de réparation par l'emphytéote, admis en procédure de sauvegarde en mai 2015.

Après en avoir souverainement déduit que les bailleurs n'avaient connu les faits leur permettant d'agir en résiliation du bail emphytéotique que le 25 octobre 2013, elle avait exactement retenu que l'action en résiliation du bail emphytéotique engagée le 27 avril 2016, n'était pas prescrite.

Sur la gravité du manquement et l’admission de l’action en résiliation du bail, ensuite, la Haute juridiction estime que la cour d’appel, après avoir analysé les pièces versées aux débats et comparé l'état actuel du domaine avec celui existant lors de l'entrée dans les lieux, a souverainement retenu que la gravité de l'inexécution par l'emphytéote de son obligation d'entretien, au regard de sa persistance et de l'importance de la perte de valeur patrimoniale subie du fait de l'état de ruine de plusieurs constructions, dont certaines classées, justifiait la résiliation du bail emphytéotique.

On notera ici toute l’importance de la réalisation d’un état des lieux d’entrée, alors que celui-ci n’est pas systématique en pratique dans le cadre des baux emphytéotiques.

newsid:486112

Fiscalité internationale

[Brèves] Retour sur l’affaire « Easyjet » : la taxe sur les salaires d’une entreprise étrangère disposant d’une installation en France

Réf. : CAA Versailles, 25 mai 2023, n° 21VE01002 N° Lexbase : A70299WA

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N6065BZN

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par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le 04 Juillet 2023

► C’est dans un contexte jurisprudentiel et doctrinal relativement dense que la cour administrative d’appel de Versailles était amenée à trancher un litige relatif aux conditions d’application des taxes assises sur les salaires pour une entreprise ayant son siège à l’étranger, dans une décision rendue le 25 mai 2023.

Traditionnellement, la doctrine administrative estime que les entreprises françaises qui disposent à l’étranger des centres répondant aux mêmes caractéristiques n’ont pas à participer en France à raison des salaires payés au personnel relevant de ces centres (BOI-TPS-FPC-10, n° 10, 6 mai 2015 ; BOI-TPS-PEEC-10, n° 30, 18 décembre 2014).

En jurisprudence, le Conseil d’État a jugé dans deux affaires récentes, « Pétroservice » (CE, 9°-10° s.-sect. réunies, 8 avril 2013, n° 346808, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7201KBC) et « Société GTM France » (CE, 9° s.-sect. réunie, 15 février 2016, n° 381580 N° Lexbase : A1020PLD) que sont assujettis aux cotisations litigieuses les employeurs établis en France à raison des salaires versés aux salariés qu’ils emploient, indépendamment du lieu où ils exercent concrètement leur activité.

Rappel des faits

  • La compagnie aérienne Easyjet, dont le siège est situé au Royaume-Uni, a fait l’objet d’un contrôle comptable en France au titre des exercices des années 2008 à 2010.
  • À l’issue de ce contrôle, l’administration fiscale française a estimé que les rémunérations versées à ses personnels navigants rattachés à l’une des trois bases d’exploitation françaises étaient assujetties aux cotisations prévues au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue (CGI, art. 235 ter N° Lexbase : L6979LNS) et de la participation des employeurs à l’effort de construction (CGI, art. 235 bis N° Lexbase : L7313LQW).
  • En conséquence, la société a engagé une action en justice afin d’obtenir la décharge de ces impositions.

Procédure

  • En première instance, les juges du fond du tribunal administratif de Montreuil ont débouté la société de ses prétentions. Selon les juges du fond, la société disposerait d’une structure autonome en France gérant le personnel naviguant. La société a ainsi interjeté appel de la décision de première instance.
  • En appel, la cour administrative d’appel de Versailles a rendu un arrêt infirmatif de la décision des juges du fond et a annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil (TA Montreuil, du 6 octobre 2016, n° 1503127 N° Lexbase : A4751YZY). Selon les juges d’appel, la gestion des ressources humaines des personnels navigants est assurée par le siège britannique et non par la succursale française.
  • Par une décision du 2 avril 2021, le Conseil d’État statuant au contentieux a annulé l’arrêt d’appel et renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel de Versailles.

Question de droit. La CAA de Versailles était amenée à trancher la question suivante : Une société étrangère disposant d’une installation en France est-elle redevable des impositions dues au titre de la participation des employeurs à l’effort de construction et à la formation professionnelle continue, au titre des salaires versés aux salariés rattachés à l’exploitation, au sens des articles 235 ter C et 235 bis du CGI ?

Solution

La cour administrative d’appel de Versailles estime que pour établir l’existence d’une installation permettant à la société étrangère d’exercer son activité en France, la société britannique dispose en France de trois bases d’exploitation, situées dans trois aéroports, auxquelles sont rattachés ses personnels navigants, résidant et exerçant principalement en France ainsi que d’une succursale à Paris, où sont affectés des employés chargés de la gestion de ces personnels navigants.

En conséquence, la société britannique doit nécessairement être regardée comme un employeur établi en France pour l’assujettissement aux participations des employeurs à l’effort de construction et au développement de la formation continue. Les rémunérations versées aux salariés rattachés à ces installations doivent être incluses dans l’assiette de ces taxes.

Enfin, elle ajoute que la seule circonstance que les missions de l’ensemble de ces personnels s’effectuent sur les directives du siège social situé au Royaume-Uni et que les installations situées en France ne seraient pas autonomes est sans incidence.

newsid:486065

Libertés publiques

[Brèves] Pas d’interdiction d’une conférence en cas de risques non avérés de troubles à l’ordre public

Réf. : TA Lyon, 22 juin 2023, n° 2305086, n° 2305087, n° 2305101 et n° 2305117 N° Lexbase : A039597R

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N6092BZN

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par Yann Le Foll

Le 04 Juillet 2023

► Ne peut faire l’objet d’une interdiction une conférence en cas de risques non avérés de troubles à l’ordre public.

Faits. Le maire de la ville de Lyon a interdit la conférence organisée par le Collectif de Soutien au Peuple Palestinien et le syndicat Solidaire Rhône, prévue le jeudi 22 juin 2023, à 18 heures 30, dans les locaux de la Bourse du travail intitulée « Palestine-Israël-colonisation/apartheid ». Il s’est fondé sur le règlement intérieur d’occupation de la Bourse du travail et sur les troubles à l’ordre public qu’elle était susceptible de générer, ainsi que l’en avait averti la préfecture du Rhône. Il a rappelé que la ville avait été contrainte, pour ce motif, d’annuler, au début de l’année 2023, une première table ronde à laquelle devait participer M. Salah Hamouri et que de précédentes conférences avaient généré des troubles à l’ordre public nécessitant l’intervention des forces de l’ordre.

Position TA. Ni le maire, ni la ville de Lyon, ni la préfète du Rhône n’allèguent que l’intéressé, lors des conférences organisées dans d’autres villes de France, aurait tenu des propos susceptibles d’être pénalement sanctionnés ou de susciter des troubles à l’ordre public, les requérants soutenant sans être contredits que l’ensemble des conférences auxquelles l’intéressé était invité, se passaient sans heurts.

En outre, si le maire de la ville et la préfète du Rhône ont fait état des très vives réactions de rejet et de l’émoi de la communauté juive tant au regard du thème de la conférence que de la présence de M. Hamouri, l’ampleur des rassemblements ou mouvements n’est pas suffisamment caractérisée et la seule crainte qu’ils se constituent ne permet pas de justifier qu’ils pourraient générer des troubles à l’ordre public que les services de la préfecture du Rhône ne seraient pas en capacité de maîtriser par la mobilisation des forces de l’ordre. 

Décision. La mesure d’interdiction de la conférence prévue le 22 juin 2023 à 18 heures 30 n’est ni justifiée, ni proportionnée, ni nécessaire pour éviter des troubles à l’ordre public auxquels les forces de l’ordre ne seraient pas en mesure de faire face (voir sur cette proportionnalité l’arrêt « Benjamin », CE, 19 mai 1933, n° 17413 N° Lexbase : A3106B8K).

En conséquence, l’interdiction de la conférence est constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.  Est donc suspendu l’arrêté du maire de la ville de Lyon.

À ce sujet. Lire Quelles sont les implications de l'arrêt « Benjamin » dans la pratique actuelle du juge administratif ? - Questions à Pierre-Henri Prélot, Professeur de droit public à l'Université de Cergy-Pontoise, Lexbase Public, novembre 2013, n° 309 N° Lexbase : N9421BT4.

newsid:486092

Licenciement

[Brèves] Licenciement décidé en rétorsion d’une demande d’élections professionnelles : précisions utiles sur le régime de preuve applicable

Réf. : Cass. soc., 28 juin 2023, n° 22-11.699, F-B N° Lexbase : A266997Y

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N6155BZY

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par Lisa Poinsot

Le 05 Juillet 2023

Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement ne caractérisent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient à l'employeur de démontrer que la rupture du contrat de travail ne constitue pas une mesure de rétorsion à la demande antérieure du salarié d'organiser des élections professionnelles au sein de l'entreprise.

Faits et procédure. Un salarié demande l’organisation d’élections professionnelles. Un mois plus tard, il est convoqué à un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied conservatoire. Il est par la suite licencié pour faute grave.

Soutenant l’existence d’une discrimination syndicale, ce salarié saisit la juridiction prud’homale aux fins d’annulation de son licenciement.

Rappel. Le salarié, demandant des élections professionnelles, ne doit pas être discriminé en raison de son appartenance à un syndicat ou de l’exercice d’une activité syndicale. Le licenciement prononcé pour ce motif est nul, impliquant la réintégration du salarié et son indemnisation.

En matière de discrimination, il appartient d’abord au salarié de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. Ensuite, il appartient à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La cour d’appel (CA Paris, 2 juin 2021, n° 19/00973 N° Lexbase : A75284TY) retient que le salarié ne présente dans ses conclusions aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale. Elle rejette alors les demandes du salarié au titre de la nullité du licenciement pour discrimination syndicale.

Le salarié forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel.

Sur le fondement des articles L. 1132-1 N° Lexbase : L0918MCY et L. 2141-5 N° Lexbase : L2652LI3 du Code du travail, la Haute juridiction relève que :

  • le licenciement prononcé n’est pas justifié par l’existence d’une cause réelle et sérieuse ;
  • le salarié, ayant demandé l’organisation des élections professionnelles, est mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé un mois plus tard et licencié pour faute grave quatre jours plus tard ;
  • le salarié soutient dans ses conclusions que la procédure de licenciement a été engagée le jour durant lequel l’employeur a reçu la demande d’organisation des élections des délégués du personnel.

Rappel. La Chambre sociale de la Cour de cassation s’est déjà penchée sur la question des mesures de rétorsion. En effet, elle a déjà affirmé que le licenciement d’un salarié à la suite d'une action en justice qu’il a engagée, sur le fondement du principe de non-discrimination ou de l’égalité professionnelle, est nul s’il est établi que ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse et constitue une mesure prise par l’employeur en raison de cette action en justice (Cass. soc., 21 novembre 2018, n° 17-11.122, FS-P+B N° Lexbase : A0000YNC).

Dès lors, si le licenciement ne trouve pas sa cause dans l’action en justice du salarié, il appartient à ce dernier de prouver que la rupture du contrat de travail constitue une mesure de rétorsion de l’employeur (Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 17-24.773, FS-P+B N° Lexbase : A0148ZRW).

Ce raisonnement est le même en matière de protection du lanceur d’alerte contre les mesures de représailles (C. trav., art. L. 1121-2 N° Lexbase : L0917MCX).

En l’espèce, pour la Cour de cassation, dès lors que le licenciement prononcé après une demande d’élections professionnelles n’a pas de cause réelle et sérieuse, il appartient à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la demande du salarié d’organiser les élections professionnelles et le licenciement prononcé.

En appliquant les règles prévues en cas de licenciement décidé par rétorsion d’une action en justice ou d’une alerte, la Haute juridiction ajoute un nouveau cas de nullité d’une mesure de rétorsion prise par l’employeur à l’encontre d’un salarié et définit le régime de preuve applicable à ce type de licenciement.

Par ailleurs, en application de l’article L. 2313-1 du Code du travail N° Lexbase : L1430LK8, dans sa rédaction applicable en la cause, l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 1382, devenu 1240 N° Lexbase : L0950KZ9, du Code civil et l'article 8, § 1, de la Directive (CE) n° 2002/14, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne N° Lexbase : L7543A8U, la Haute juridiction rappelle que l’absence de mise en place d’instances représentatives du personnel, sans l’établissement de procès-verbal de carence, cause un préjudice au salarié devant être automatiquement réparé.

Pour aller plus loin :

  • sur le licenciement décidé par rétorsion : v. ÉTUDE : La cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel, Le motif lié à une liberté fondamentale, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E5015ZN3 ;
  • sur la réparation automatique du préjudice en cas d’absence de mise en place d’IRP, sans PV de carence : v. déjà Cass. soc., 22 mars 2023, n° 21-21.276, F-D N° Lexbase : A01039LE ;
  • v. aussi ÉTUDE : Le délit d’entrave, L'entrave à la constitution des institutions représentatives du personnel, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1720ETU.

 

newsid:486155

Procédure civile

[Brèves] Effet dévolutif : précision sur le formalisme de la déclaration d’appel

Réf. : Cass. civ. 2, 29 juin 2023, n° 21-24.821, F-B N° Lexbase : A497497D

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N6138BZD

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 05 Juillet 2023

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel ayant retenu l’absence d’effet dévolutif en l’absence d’énonciation expresse dans la déclaration d’appel des chefs de jugements critiqués tandis que l'appel ne tendait pas à l'annulation du jugement et que l'objet du litige n'était pas indivisible.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un salarié a interjeté appel à l’encontre d’un jugement rendu par un conseil de prud’hommes l’opposant à son ancien employeur.

Le pourvoi. Le demandeur fait grief à l'arrêt rendu par la cour d’appel de Nîmes le 14 septembre 2022, de dire que la cour n'est saisie d'aucun chef du jugement déféré à défaut d'effet dévolutif de l'appel. Dans la seconde branche de son moyen, l’intéressé conteste l’interprétation de la cour d’appel quant au contenu de la déclaration d'appel, affirmant que celle-ci mentionnait expressément les chefs de jugement critiqués. En l’espèce, le dispositif du jugement du conseil de prud’hommes, comportait un chef « déboutant M. X de l’ensemble de ses demandes ». La déclaration d’appel de l’appelant mentionnait qu’il était fait appel total du jugement « en ce qu’il a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes ».

La cour d'appel a retenu que l'absence d'énonciation expresse, dans la déclaration d'appel, des chefs de jugement critiqués, combinée à l'absence d'une demande d'annulation du jugement et à la non-indivisibilité de l'objet du litige, entraînait l'absence d'effet dévolutif de l'appel.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa des articles 562 N° Lexbase : L7233LEM et 901, 4° N° Lexbase : L5914MBN du Code de procédure civile, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule l’arrêt rendu en toutes ses dispositions. La Haute juridiction relève que la déclaration d'appel mentionnait bel et bien les chefs de jugement critiqués, et donc que l'effet dévolutif de l'appel devait s'appliquer.

Il convient de retenir que lorsque le jugement a débouté le demandeur de l’ensemble de ses demandes par le biais d’un chef de dispositif unique, il n’est pas nécessaire pour l’appelant de lister de nouveau dans la déclaration d’appel l’ensemble de ses demandes initiales.

newsid:486138

Procédure pénale

[Brèves] Audition en garde à vue : précisions sur la vérification de l’effectivité du droit à l’assistance d’un avocat

Réf. : Cass. crim., 21 juin 2023, n° 20-81.164, inédit N° Lexbase : A076898X

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N6159BZ7

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par Adélaïde Léon

Le 05 Septembre 2023

► Méconnaît l’exigence de motivation de ses arrêts la chambre de l’instruction qui, pour rejeter une requête en annulation d’un procès-verbal d’audition de garde à vue, de son enregistrement et des actes subséquents fondée sur la différence significative entre les mentions du procès-verbal et les termes de l’enregistrement, a retenu que l’intéressé était régulièrement et complètement informé lorsqu’il avait formulé ses choix relatifs à son assistance par un avocat ; sans rechercher, au préalable les conditions dans lesquelles l’enquêteur avait mis en mesure le gardé à vue d’exercer ce droit et sans répondre au moyen de nullité tiré de la déloyauté de l’administration de la preuve.

Rappel de la procédure. Un individu a été mis en examen pour viol et agression sexuelle sur personne qu’il savait particulièrement vulnérable en raison de sa déficience physique ou psychique.

Lors de sa troisième et dernière audition en garde à vue, l’intéressé a reconnu, hors la présence de son avocat, des faits qui ont fondé des poursuites à son encontre du chef de viol.

Par la suite, le mis en examen a saisi la chambre de l’instruction d’une requête en annulation du procès-verbal de cette dernière audition, de son enregistrement, ainsi que de tous les actes qui en était le support. Cette requête soulignait la différence significative entre les mentions du procès-verbal et les termes de l’enregistrement de l’audition, relatifs aux conditions de sa renonciation à l’assistance d’un avocat. Cette divergence était, selon les termes de la requête, constitutive d’une nullité fondée sur la déloyauté dans l’administration de la preuve.

Le 14 janvier 2020, la chambre de l’instruction a rejeté ladite requête.

Le 18 novembre 2022, le juge d’instruction a requalifié les faits de viol en agression sexuelle et ordonné le renvoi du mis en examen devant le tribunal correctionnel. La partie civile a relevé appel de cette décision.

Par arrêt de la chambre de l’instruction du 28 mars 2023, le mis en examen était renvoyé devant la cour criminelle de Paris, sous l’accusation de viol et d’agression sexuelle, aggravés.

En cause d’appel. Pour rejeter la requête en nullité, la chambre de l’instruction a retenu que le gardé à vue avait été régulièrement et complètement informé de ses droits et que c’était dans ces conditions qu’il avait fait le choix de prévenir son frère, seule personne autorisée à lui désigner un avocat, et renoncé à l’assistance d’un avocat à chacune de ses audition, ainsi que lors de la notification de la prolongation de sa garde à vue.

Le mis en examen a formé des pourvois contre les arrêts de la chambre de l’instruction du 14 janvier 2020 et du 28 mars 2023.

Moyens du pourvoi. Il était reproché à la chambre de l’instruction de ne pas avoir répondu favorablement à la requête en annulation.

Il était plus précisément fait grief à l’arrêt de n’avoir pas répondu au moyen de nullité tiré de la déloyauté dans l’administration de la preuve alors qu’il ressortait de l’exploitation et de la retranscription de l’enregistrement de la dernière audition que l’enquêteur en charge de l’audition en cause avait trompé l’intéressé quant à la possibilité pour ce dernier de bénéficier de l’assistance d’un avocat à ce stade et durant cette troisième audition et qu’il avait réalisé une fausse retranscription de ses propres propos à ce sujet ainsi que d’une réponse qu’il n’était pas celle du gardé à vue.

Il était également reproché à la chambre de l’instruction d’avoir déclaré la troisième audition régulière alors qu’il résultait de la retranscription du début de cette mesure que le gardé à vue n’avait pas réitéré son choix de renoncer à l’assistance de son avocat.

Décision. La Chambre criminelle casse et annule en toutes leurs dispositions les arrêts attaqués au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3977AZC.

Selon la Haute juridiction c’est à tort que la chambre de l’instruction a retenu que c’est pleinement informé de ses droits que l’intéressé avait fait connaître ses choix relatifs à l’assistance d’un avocat, alors qu’elle n’avait pas recherché les conditions dans lesquelles l’enquêteur avait mis l’intéressé en mesure d’exercer ce droit lors de cette dernière audition et ni répondu au moyen de nullité tiré de la déloyauté de l’administration de la preuve.

Pour aller plus loin : v. C. Lanta de Bérard, ÉTUDE : La garde à vue et les auditions, Le droit à l’assistance d’un avocat, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E46203C4.

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Salaire

[Brèves] Prime issue d’un usage d’entreprise : un seul salarié peut en bénéficier !

Réf. : Cass. soc., 21 juin 2023, n° 21-22.076, F-D N° Lexbase : A415794Q

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N6076BZ3

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par Lisa Poinsot

Le 04 Juillet 2023

Un avantage résultant d’un usage n’est obligatoire pour l’employeur que lorsque l’usage présente les caractères de généralité, de constance et de fixité ;

Le critère de généralité est rempli lorsque l’avantage est versé à l’unique représentant d’une catégorie de personnel.

Faits et procédure. Réclamant le paiement d’un arriéré de primes, un salarié saisit la juridiction prud’homale de demandes en paiement d’un rappel à ce titre.

La cour d’appel (CA Rennes, 2 juillet 2021, n° 18/05552 N° Lexbase : A10764YI) constate d’abord que le critère de généralité de l’usage est rempli. En l’espèce, le salarié occupait la fonction de responsable de service accastillage, fonction distincte de celle de chef de rayon en raison de la qualité de cadre et d'un périmètre des attributions plus vaste. Dès lors, le salarié est le seul à occuper un emploi relevant de cette catégorie de personnel.

Elle retient ensuite que de manière constante, le salarié perçoit systématiquement les deux primes dont les montants étaient calculés selon des modes de calcul prédéterminés et des seuils fixes et précis.

Dès lors, le versement des deux primes litigieuses est dû aux attributions du salarié dépassant les fonctions de chef de rayon qu’il était seul à exercer et résulte d’un usage.

Par conséquent, l’employeur est condamné à payer à l’intéressé certaines sommes à titre de rappels sur prime sur encarts publicitaires et sur prime sur chiffre d’affaires.

L’employeur forme alors un pourvoir en cassation en soutenant que le versement d’un avantage à titre individuel à un seul salarié ne peut être constitutif d’un usage et qu’il n’a pas été démontré que l’avantage ait été attribué au salarié à titre purement individuel, mais en raison de la catégorie professionnelle à laquelle il appartient.

La solution. Énonçant les solutions susvisées, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Pour aller plus loin :

  • lire G. Auzero, De la nature de l'avantage résultant d'un usage d'entreprise, modifié avec l'accord des salariés, Lexbase Social, octobre 2013, n° 542 N° Lexbase : N8754BTE ;
  • v. ÉTUDE : Les éléments du salaire, Les primes résultant d’un engagement unilatéral de l’employeur ou d’un usage, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0751ETY.

 

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