Jurisprudence : Cass. civ. 3, 15-06-2023, n° 22-10.806, F-D, Cassation

Cass. civ. 3, 15-06-2023, n° 22-10.806, F-D, Cassation

A527793T

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:C300443

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047737978

Référence

Cass. civ. 3, 15-06-2023, n° 22-10.806, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/96929178-cass-civ-3-15062023-n-2210806-fd-cassation
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Abstract

► La cour d'appel a souverainement retenu que la gravité de l'inexécution par l'emphytéote de son obligation d'entretien, au regard de sa persistance et de l'importance de la perte de valeur patrimoniale subie du fait de l'état de ruine de plusieurs constructions, dont certaines classées, justifiait la résiliation du bail emphytéotique.


CIV. 3

VB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2023


Cassation partielle sans renvoi


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 443 F-D

Pourvoi n° A 22-10.806


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023


1°/ La société du Golf d'Albi-Lasbordes, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ la société Vitani-Bru, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 5], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire de la société du Golf d'Albi-Lasbordes,

3°/ la société [G]-Baron-Fourque, dont le siège est [Adresse 1], représentée par de M. [Aa], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société du Golf d'Albi-Lasbordes,

ont formé le pourvoi n° A 22-10.806 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [R] [I], domicilié [… …],

2°/ à M. [E] [I], domicilié [… …],

3°/ à Mme [B] [I],

4°/ à Mme [H] [I],

domiciliées toutes deux lieudit [Adresse 3],

5°/ à la société d'Aussaguel, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], en sa qualité de bailleur,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Golf d'Albi-Lasbordes, de la société Vitani-Bru, ès qualités, et de la société [G]-Baron-Fourque, ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [R] et [E] [I], de Ab [Ac] et [H] [I], de la société d'Aussaguel, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société Vitani-Bru et à la société [G]-Baron-Fourque de leur reprise d'instance en leur qualité respective de mandataire judiciaire et d'administrateur judiciaire de la société du Golf d'Albi-Lasbordes.


Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 décembre 2021), le 19 mai 1988, [V] et [Z] [I] (les bailleurs) ont donné à bail emphytéotique à la société du Golf d'Albi-Lasbordes (l'emphytéote) des parcelles et des bâtiments en vue de la création d'un golf.

3. Le 27 février 2009, soutenant que l'emphytéote avait manqué à son obligation d'entretien des bâtiments, ils l'ont, après expertise, assigné en indemnisation de leurs préjudices.

4. La société civile immobilière d'Aussaguel (la SCI), à laquelle les bailleurs avaient apporté la nue-propriété du domaine, puis Ab [Ac] et [H] [I], MM. [R] et [E] [I] (les consorts [Ad]), après le décès de [V] et [Z] [I], sont intervenus à l'instance.

5. Les consorts [Ad] et la SCI ont formé, à titre additionnel, une demande en résiliation du bail emphytéotique.


Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et le quatrième moyen

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. L'emphytéote fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande en résiliation du bail emphytéotique, alors « que le délai de prescription de l'action en résiliation du bail court à compter du jour où le bailleur a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer l'action ; que, par l'assignation du 27 février 2009, les consorts [Ad] demandaient au tribunal de constater les fautes contractuelles du preneur et sa condamnation à leur payer les somme de 2 019 078 euros hors taxes au titre des travaux, outre celle de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts ; qu'il en résulte qu'ils avaient connaissance des faits leur permettant d'exercer leur action, si bien qu'en fixant le point de départ du délai de prescription de l'action en résiliation à la date du dépôt d'un rapport d'expertise complémentaire, la cour d'appel a méconnu l'article 2224 du code civil🏛. »


Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a, d'abord, relevé que, compte tenu du caractère évolutif des désordres affectant les constructions, des éboulements constatés et de l'absence de tous travaux confortatifs et correctifs entrepris, les bailleurs n'avaient pu mesurer dans toute son ampleur le dommage, résultant du manquement de l'emphytéote à son obligation d'entretien, que lors du dépôt du rapport de contre-expertise, le 25 octobre 2013.

9. Elle a retenu, ensuite, que ce n'est qu'à cette date, au vu du coût des travaux de réhabilitation évalué par le second expert, que les bailleurs avaient pu connaître le risque réel d'inexécution des travaux de réparation par l'emphytéote, admis en procédure de sauvegarde en mai 2015.

10. Après en avoir souverainement déduit que les bailleurs n'avaient connu les faits leur permettant d'agir en résiliation du bail emphytéotique que le 25 octobre 2013, elle a exactement retenu que l'action en résiliation du bail emphytéotique engagée le 27 avril 2016, n'était pas prescrite.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.


Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. L'emphytéote fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail emphytéotique, alors « qu'il résulte de l'article L. 451-5 du code rural et de la pêche maritime🏛 que la résolution du bail emphytéotique ne peut être demandée par le bailleur qu'en cas de défaut de paiement de deux années consécutives, après une sommation restée sans effet, en cas d'inexécution des conditions du contrat ou si le preneur a commis sur le fonds des détériorations graves ; qu'il était acquis aux débats que les constructions étaient délabrées dès avant la signature du bail ; que l'arrêt énonce que, déjà en 1987, des travaux importants s'imposaient et que les bâtiments auraient dû faire l'objet de travaux confortatifs et correctifs notables en complément de la maintenance qui s'imposait ; qu'il ne résulte pas de ces constatations que le preneur a commis sur le fonds des détériorations graves autorisant le bailleur à demander la résolution du bail, de sorte qu'en prononçant la résolution du bail emphytéotique la cour d'appel a violé l'article L. 451-5 précité. »


Réponse de la Cour

13. Après avoir analysé les pièces versées aux débats et comparé l'état actuel du domaine avec celui existant lors de l'entrée dans les lieux, la cour d'appel a souverainement retenu que la gravité de l'inexécution par l'emphytéote de son obligation d'entretien, au regard de sa persistance et de l'importance de la perte de valeur patrimoniale subie du fait de l'état de ruine de plusieurs constructions, dont certaines classées, justifiait la résiliation du bail emphytéotique.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.


Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. L'emphytéote fait grief à l'arrêt de le condamner à verser des dommages-intérêts pour appel dilatoire et abusif, alors « que la cour d'appel a accueilli partiellement l'appel de la SA du Golf d'Albi en réduisant le montant des dommages-intérêts alloués à la SCI [I], si bien qu'en statuant ainsi elle a violé l'article 559 du code de procédure civile🏛 et l'article 1240 du code civil🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 1240 du code civil :

16. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

17. Pour condamner l'emphytéote à des dommages-intérêts pour appel dilatoire et abusif, l'arrêt retient qu'il n'a apporté aucun élément nouveau si ce n'est la preuve de l'exécution de travaux estimés urgents par l'expert en 2013 et auxquels elle avait été condamnée par le juge de la mise en état en 2015, de sorte que l'appel apparaît seulement destiné à gagner du temps au préjudice des bailleurs qui voit son fonds se dégrader inexorablement.

18. En statuant, alors qu'elle avait accueilli partiellement cet appel sur le montant des dommages-intérêts dû par l'emphytéote, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

21. Il convient de rejeter la demande de la SCI en dommages-intérêts pour appel dilatoire et abusif.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement de la seule disposition condamnant la société du Golf d'Albi-Lasbordes à payer à la société civile immobilière d'Aussaguel des dommages et intérêts pour appel dilatoire et abusif, l'arrêt rendu le 16 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande de la société civile immobilière d'Aussaguel en dommages-intérêts pour appel dilatoire et abusif ;

Condamne la société civile immobilière d'Aussaguel, MM. [R] et [E] [I], Ab [Ac] et [H] [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.

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