La lettre juridique n°940 du 30 mars 2023

La lettre juridique - Édition n°940

Commissaires de justice

[Textes] Le constat métavers

Lecture: 19 min

N4748BZU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484748
Copier

par Sylvian Dorol - Commissaire de justice associé, Directeur scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement, Intervenant à l’ENM - EFB - Legal Logion Officer et Sébastien Racine - Commissaire de justice associé, Membre du comité scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement, Intervenant à l’ENM, EFB, Legal Logion Officer

Le 06 Septembre 2023

Mots-clés : métavers • constat • NFT • lieux de constatations • réalité virtuelle • internet • achat

L’actualité récente, et notamment l’affaire des sacs Birkin d’Hermès en NFT, met en lumière le contentieux naissant dans le metavers, espace virtuel régulièrement présenté comme le futur internet, ainsi que la nécessité d’y collecter et conserver des preuves. Confronté à cette nouvelle matière, qui peut paraître incompréhensible pour le néophyte, le constat de commissaire de justice doit connaître certaines adaptations pour déployer sa pleine force probante. Ainsi sera-t-il possible d’assister à la naissance du commissaire de justice 3.0.


 

                                                                                                    

Pilule bleue ou rouge ?

C’est le choix offert par Morpheus, installé dans un fauteuil rouge, à Néo, la pilule rouge symbolisant la rébellion, la bleue signifiant le confort…

Extraite de Matrix, cette séquence cinématographique a marqué des générations, au point que son écho résonne encore aujourd’hui lorsque le commissaire de justice est confronté au metavers et à la nécessité d’y collecter des preuves. Cependant, à la différence de la scène filmée, aucun choix n’est offert au commissaire de justice, même s’il est « Néo »phyte en la matière puisqu’une de ses fonctions est de constater les faits litigieux, matériels ou numériques. Il lui appartient donc de se confronter à cette nouvelle problématique, de la même manière que son aïeul l’huissier de justice l’a fait aux balbutiements des contentieux sur Internet en l’an 2000. Avant de s’y confronter, encore faut-il savoir ce qu’est le métavers, à part un mot introuvable dans les dictionnaires juridiques.

Le terme « metavers » désigne un monde virtuel, régulièrement présenté comme le futur Internet. Ce monde virtuel est ancré dans la technologie blockchain, assurant à la fois la sécurisation et la décentralisation des informations et des échanges. Il s’agit d’une réalité virtuelle parallèle, immersive (il faut utiliser un casque de réalité virtuelle pour y accéder pleinement), en trois dimensions, où chacun peut évoluer (à travers un avatar ou un hologramme), y jouer, y travailler, y discuter, y apprendre... Bien que monde virtuel, les interactions y sont cependant bien réelles, d’où l’opportunité d’en constituer des preuves matérielles. Ainsi existe-t-il dans le metavers des contrefaçons de produits de luxe [1], des diffusions de spectacles non autorisées, d’usurpation d’identité, de diffamation, de publicité mensongère…

Le commissaire de justice (ou huissier selon les pays) n’a donc pas le choix puisqu’au final, les faits litigieux qu’il aura à constater dans le metavers sont à peu près les mêmes que ceux qu’il constate sur internet. Pour autant, et parce que le support est nouveau, il apparaît opportun que l’officier public et ministériel s’interroge avant de prêter son ministère sur la manière de rapporter la preuve de fait metavers litigieux.

Ainsi, la question n’est pas de déterminer s’il est envisageable de réaliser un constat dans le métavers, mais de savoir quels types d’actes y seront établis et selon quelles méthodologies. Ces interrogations en suscitant d’autres, dont la possibilité ou non pour le commissaire/huissier de justice d’utiliser un avatar identifié pour se connecter au metavers, une réflexion profonde sur la preuve dans le metavers est nécessaire.

Ainsi, la réflexion sur la réalisation d’un constat dans le métavers ne doit pas se limiter en l’analyse d’un simple nouveau lieu de constat (I) puisque le métavers est un nouveau monde régi par ses propres règles nécessitant une adaptation des pratiques actuelles (II).

I. Le constat métavers en théorie

Des définitions précédentes, il apparaît évident que le métavers doit être placé dans la catégorie des lieux virtuels. En revanche, il ne découle pas directement de celles-ci la qualification de lieu privé ou public de ce monde.

L’interrogation est pourtant primordiale dans le cadre de la collecte de la preuve, car il est nécessaire de déterminer si le monde virtuel est un lieu privé, un domicile, un lieu public ou un lieu mixte puisque le caractère public ou non conditionne l’accès ou non au metavers pour l’huissier.

C’est donc à la lumière de la théorie du lieu de constatation dit virtuel [2] que la qualification des Métavers doit être réalisée (A), tout en évoquant les modalités pratiques d’accès, notamment la nécessité de recourir à un tiers selon la méthode du constat d’achat aujourd’hui pratiquée (B).

A. Lieu virtuel « augmenté  » 

Initialement pensée et développée à l’occasion de la réalisation des constats sur les sites internet, cette théorie s’est fondée, par analogie, sur les analyses et conclusions tirées de la pratique ancienne des constats dans les lieux réels. En effet, outre des définitions techniques de ce que sont un blog, un site internet, ou encore un réseau social, la qualification juridique en tant que lieu privé ou non n’est pas textuellement établie.

C’est ainsi que des règles initialement applicables aux lieux physiques ont trouvé application dans l’écosystème juridique d’internet, générant une dichotomie lieux publics/lieux privés.

Dans le cas du lieu virtuel public, identifiant les « sites internet », doctrine et jurisprudence fixent deux critères cumulatifs : la publicité sur internet et sa libre accessibilité. Dans la pratique, l’utilisation fréquente d’un moteur de recherche prouve la publicité du site objet des constatations, même si cela ne couvre pas le deepweb [3]. Concernant la libre accessibilité, elle se résume à la possibilité de naviguer anonymement sur ledit site, et ce malgré l’existence d’un filtrage parfois en vigueur sur certains sites (eu égard à l’âge, la qualité ou la localisation géographique).

À ce jour, un commissaire de justice peut procéder à un constat sur un site internet, et ce indifféremment de la localisation géographique de celui-ci, ou des serveurs l’ hébergeant. Le critère retenu par la jurisprudence est bien celui de l’accessibilité depuis le territoire nationale. D’autres éléments peuvent être appréciés par le juge pour déterminer que ce site est accessible depuis la France, notamment la langue, l’extension, ou la mention d’une livraison possible en France.

Dans le cas du lieu virtuel privé, l’accès à son contenu n’est pas simplement filtré, mais sélectionné par une inscription préalable, à l’aide d’un identifiant ou d’un mot de passe. Le commissaire de justice s’en trouve limité dans sa mission, à l’instar de ce qui est prévu pour les lieux privés physiques, puisqu’il lui appartient de se présenter et exposer l’objet de sa mission conformément à ses règles déontologiques [4]. Ce qui est librement accessible reste à sa portée, le reste ne lui est pas accessible sauf accord expresse de l’administrateur du site internet, ou recours à l’assistance d’un tiers [5].

Appliquée au métavers, la théorie classique de lieu virtuel peut paraître insuffisante de prime abord puisque, par définition, ce n’est pas un simple lieu, mais un « monde » virtuel. Il est donc difficile d’assimiler un métavers à un site internet, tant le premier dépasse le second sur les plans fonctionnels et techniques. En effet, l’utilisation de métavers tels que Roblox, Minecraft, The Sandox ou encore Discord, est très éloignée de la navigation internet traditionnelle. En effet, l’aspect immersif du metavers et le fait que l’utilisateur navigue dans certains d’entre eux à l’aide d’un avatar, plaident pour décrire la navigation dans les métavers comme nouvelle. De plus, pour les exemples évoqués, il est nécessaire de s’inscrire avant d’accéder au contenu...

Il apparaît en réalité que les métavers sont plus à apprécier comme des sites internet augmentés à mi-chemin entre les jeux vidéo et le réseau social. Par voie de conséquence, il semble prudent d’envisager les métavers comme des lieux privés virtuels, à minima.

B. Un lieu virtuel contrôlé

Bien souvent, l’accès au metavers (Roblox, Minecraft, The Sandox, Discord) est soumis à une authentification préalable (compte utilisateur) et nécessite la création d’un avatar. L’indication de la seule adresse IP, obligatoire concernant les constats dressés sur internet, est donc insuffisante. Deux solutions sont envisageables : l’une vise à ce que le commissaire de justice s’identifie directement (soit avec son identité professionnelle soit avec une identité d’emprunt), l’autre se fonde sur le recours à un tiers comme en constat d’achat.

La première solution est l’identification directe. Elle semble imprudente eu égard tout d’abord à la définition de constatations matérielles, expression qui doit s’entendre comme « toute situation personnellement constatée par l’huissier de justice au moyen de ses sens, et qu’il n’a pas provoquée par une opération intellectuelle de nature à troubler sa qualité de tiers neutre, indépendant et impartial » [6]. Pour ce motif, il a été jugé que l’ouverture d’un compte [7] ou la création d’un profil constitue une démarche active du commissaire de justice.

De plus, la déontologie du commissaire de justice lui commande d’exposer sa mission au début des constatations dans un lieu privé, ce pourquoi il est juridiquement difficilement défendable qu’il puisse accéder à des pages Internet privées à la faveur d’un traitement automatique des données, lequel est incapable de distinguer l’internaute lambda de l’officier public et ministériel [8].

C’est pourquoi la deuxième solution, qui consiste à recourir à un tiers, est à privilégier. En effet, pour accéder à un lieu virtuel privé, il est admis par la jurisprudence que le commissaire de justice puisse recourir à l’assistance d’un tiers, qui pourra personnellement accéder à lieu privé virtuel. Outre le choix du tiers, qui doit être fait de manière restrictive eu égard du lien qu’il pourrait entretenir avec les parties ou le commissaire de justice [9], les constatations seront réalisées selon une méthodologie dite « par-dessus l’épaule ». Concrètement, le tiers procède à son identification et à la navigation sur l’ordinateur, alors que le commissaire constate ce qu’il voit à l’écran en distinguant dans son procès-verbal les manipulations réalisées avec l’assistance du tiers et celle effectuées par lui personnellement. Cette technique ressemble à s’y méprendre à une stratégie de cheval de Troie en ce qu’elle s’analyse davantage à une ruse qu’à un stratagème déloyal.

Pour conforter cette opinion, il convient d’évoquer une décision du 2 juillet 2007 rendue par le tribunal de grande instance de Paris au sujet de l’affaire Second Life [10]. Pour mémoire, Second Life était déjà un embryon de metavers (les joueurs y évoluaient avec des avatars) et un huissier de justice y avait effectué des constatations en utilisant un avatar dont l’apparence était celle d’une jeune enfant. Dans ce jugement iconique, les juges avaient écarté le procès-verbal de constat, non en raison du fait que l’huissier avait utilisé un avatar, mais en ce que cet avatar correspondait à une personne fictive, créé de toute pièce et était donc le fruit d’un stratagème. Il serait possible d’extrapoler en imaginant qu’elle aurait été la solution si l’huissier avait utilisé un « vrai » avatar correspondant à sa véritable identité, mais ce serait faire preuve d’imprudence et imprévision.

Le recours à un tiers pour constater dans les métavers semble s’imposer, même si cette solution n’est pas sans inconvénients. Se pose notamment la question de la confidentialité de la procédure (le tiers est nécessairement mis au courant du litige mais n'est légalement soumis à aucun secret professionnel-en pratique la signature d’un accord de confidentialité peut suffire), ainsi que de la réactivité en cas d’urgence manifeste à procéder aux constatations (puisqu’il faut trouver un tiers disponible sur le champ).

Les précédents développements démontrent que la question de l’identité numérique est centrale dans le metavers, avec l’idéal d’une identité numérique unique pour chaque individu, par opposition à la multitude d’identité dite numériques actuelles correspondant à chaque compte créé sur chaque plateforme. Cependant, s’il existe une signature numérique professionnelle pour les commissaires de justice dans le cadre de l’exercice de leur fonction (notamment en matière de saisie-attribution dématérialisée), ce n’est pas à proprement parler une identité numérique… Cela, ajouté à l’obligation d’exposer préalablement la mission, éloigne l’espoir de l’utilisation d’un avatar numérique du commissaire de justice. La solution serait la modification des textes pourque le commissaire de justice soit dispensé de cette formalité, voire puisse utiliser un avatar dédié, comme aujourd’hui les textes permettent à certains agents d’utiliser des identités d’emprunts [11].

Il faut retenir de ce qui précède qu’il est possible de dresser constat dans les metavers. Cette interrogation résolue, vient le moment de se pencher sur la méthode à utiliser.

II. Le constat métavers en pratique

La proximité du metavers avec internet amène à envisager un rapprochement du cadre prétorien des constats internet, avec celui fait dans les métavers (A), même si le cas du constat d’achat nécessite des développements particuliers (B).

A. Le constat métavers : un constat internet « augmenté »

Le constat internet aujourd’hui nécessite la connexion au web via un outil technologique dédié pour accéder à un contenu virtuel, ce à des fins probatoires. Cette interprétation du constat internet s’applique naturellement au constat dans un métavers, puisque seul le lieu des constatations diffère. Ainsi, le protocole des constats sur internet doit être respecté (1), même si la spécificité du métavers nécessite le recours à de nouveaux moyens technologiques (2).

1) Un protocole prétorien opportun

La réalisation d’un constat internet, et de manière plus générale d’un constat informatique, nécessite au préalable de préciser l’environnement technique des constatations. En effet, cette pratique vise à s’assurer que le commissaire de justice constatant avait la maitrise matérielle des constatations.

Pour figer l’environnement des constatations deux voies sont traditionnellement évoquées :  la norme AFNOR NFZ67-147 et le protocole prétorien (ou jurisprudentiel).

La norme AFNOR, non sanctionnée par la jurisprudence, étant devenue obsolète au fil des années, et notamment avec l’apparition des constats sur les smartphones, et les applications, n’a pas vocation à s’appliquer dans le métavers.

Quant au protocole prétorien [12], son cadre souple constitue une base de constat dans le metavers. Ce protocole, respecté par le commissaire de justice en guise de prérequis, est prévu à peine de sanction [13] et consiste notamment à une description du matériel informatique et des logiciels utilisés (la vérification de l’heure et la date de son matériel ; la mention de son adresse IP et du détail de sa connexion Internet. Il convient également mentionner l’absence de serveur proxy, et de procéder au vidage du cache, des cookies, de l’historique et des fichiers temporaires de son ordinateur). Ce protocole souffre de quelques observations s’il doit être appliqué au metavers.

Dans le cas du métavers, il doit être précisé que le nettoyage du navigateur n’aura pas d’impact sur les constatations, puisque le métavers en tant que monde virtuel est intrinsèquement persistant, que l’utilisateur soit connecté ou non, et que le contenu est techniquement mis à jour même en son absence.

Par ailleurs, l’accès au métavers se faisant généralement par un logiciel tiers, et non par navigateur, il semble préférable d’identifier en détail le logiciel d’accès, en relevant notamment le nom de l’éditeur, ou encore le numéro de version.

Enfin, le recours à l’assistance d’un tiers entrainera l’identification de ce dernier, ainsi que la mention de sa qualité de tiers indépendant, et éventuellement des spécifications concernant son avatar.

2) Un protocole prétorien adapté

L’immersion dans le métavers nécessite de dépasser le matériel traditionnellement requis dans le cadre de la navigation sur l’internet.

Là où un écran, un ordinateur, un clavier et une souris suffisent pour naviguer sur des pages internet, de nouveaux modes de navigation apparaissent (smartphone, tablettes…). L’utilisation d’un casque VR (ou de réalité virtuelle) doit semble-t-il être appréciée au même titre que le smartphone, avec notamment la présence de magasin d’application et d’un système d’exploitation propre. Il faut néanmoins préciser que le casque VR peut voir son utilisation être simplement optionnelle, lorsqu’il s’agit de l’utiliser en lieu et place d’un ordinateur, ou alors être obligatoire lorsque le métavers n’est pas compatible avec les ordinateurs (comme Horizon Worlds).

Une problématique apparaît néanmoins lorsque l’accès au métavers se fait uniquement par un casque VR. Dans la mesure où il est préconisé le recours à un tiers indépendant pour assister le commissaire de justice, cela signifie que c’est ce dernier qui porte le casque et s’immerge dans le monde virtuel. Dans cette hypothèse, pour que le commissaire de justice puisse procéder à des constatations, il doit être prévu dans le protocole un retour vidéo depuis le casque (soit filaire, soit par live streaming). Cette particularité entraine, comme en constat d’achat, une adaptation du protocole prétorien et une rédaction laissant apparaître de manière distincte les actions du tiers et celles du commissaire de justice.

B. Le constat d’achat dans le métavers

Un constat sur le métavers peut donc être réalisé à la lumière de nos connaissances et pratiques actuelles, à l’exception notable du constat d’achat qui soulève deux nouvelles problématiques.

D’abord, le caractère immersif de l’expérience utilisateur dans le métavers, et notamment lorsque la navigation se fait par l’utilisation d’un casque VR, interroge quant à l’étendue acceptable des constatations (1). Puis, le cas d’un achat de NFT[14] est à envisager spécifiquement compte tenu de sa nature particulière (2).

1) Méthode

L’expérience immersive du metavers permet à l’utilisateur de pénétrer dans une boutique virtuelle et s’y comporter de la même manière que dans un magasin physique, avec les mêmes codes et limites. Ainsi est-il possible d’acheter un vêtement de marque pour son avatar sous forme de NFT, ou un produit bien réel dans un boutique virtuelle dans le métavers, comme il est possible aujourd’hui de faire ses achats sur internet. De la même manière que dans la vie réelle, l’avatar va se rendre dans un lieu en le faisant déplacer à l’aide de son casque VR et des manettes qui y sont connectés, pousser la porte de la boutique virtuelle et peut-être même rencontrer un avatar « vendeur ». Il pourra alors regarder les produits en vente, la publicité éventuelle, les prix, les promotions, et peut être même assisté à un discours commercial du vendeur.

Un problème pratique se pose. En effet, dans le monde physique, lorsque le constat d’achat est réalisé par le commissaire de justice, ce dernier se contente à rester sur la voie publique[15], pendant que le tiers acheteur pénètre dans le magasin et en ressort quelques minutes plus tard avec le produit objet des constatations. Procéder à un décalque de cette méthode dans le metavers obligerait donc le commissaire de justice à user de son propre avatar, avec toutes les réserves émises précédemment.

Mais, puisque la jurisprudence a écarté la possibilité pour le tiers acheteur d’effectuer des photographies dans le magasin physique pour ensuite remettre les clichés à l’huissier de justice[16], il pourrait être critiquable que le commissaire de justice « accompagne », à l’aide du retour vidéo du casque VR, l’avatar du tiers acheteur dans le magasin virtuel… Une solution intermédiaire, relevant du bricolage juridique, serait alors que le commissaire de justice suspende ses constatations lorsque l’avatar du tiers pénètre dans l’établissement virtuel, puis les reprenne quand il en ressort.

2) Cas du NFT

L’achat réalisé, deux possibilités s’offrent au commissaire de justice selon qu’il s’agit d’une marchandise physique ou d’un NFT.

Dans le cas d’une marchandise physique, le commissaire de justice peut bien évidemment dresser un constat de réception du produit, contenant des photographies et y apposer des scellés.

Dans le cas où la marchandise achetée est un NFT, la tâche du commissaire de justice s’en trouve plus ardue puisque chacune des étapes du processus du traditionnel constat d’achat est impactée. En effet, en amont de l’achat, le tiers acheteur doit disposer d’un Wallet[17] alimenté en cryptomonnaie. En aval de l’achat, le NFT est rattaché au Wallet du tiers acheteur et se pose alors la question des constatations portant sur ce NFT. La description du NFT acheté se fait par capture écran avec la précision du « certificat » rattaché au NFT (qui s’assimile à une étiquette apposée sur un produit manufacturé). Enfin, le tiers acheteur doit remettre le NFT au commissaire de justice, qui dispose donc d’un Wallet, lequel est idéalement un support de stockage physique (de type LEDGER) afin de rendre transportable le NFT et d’y apposer un scellé. Cette méthode, qui peut sembler lourde à première lecture mais qui ne l’est pas en pratique, présente l’avantage de matérialiser le NFT sans le limiter à sa représentation graphique.

La preuve dans le metavers est donc possible, et le commissaire de justice peut y tenir la même place qu’il a dans le monde physique. Pourtant, afin de protéger les droits des justiciables dans les metavers, il apparaît opportun que le monde juridique, et notamment celui de la saisie-contrefaçon, se penche sur le contentieux croissant des NFT [18] avant que les premiers jugements en la matière soient perçus comme des signes d’insécurité juridique, comme ce fut le cas au début des années 2000 concernant la preuve sur internet.


[1] Il est possible de penser notamment à l’affaire des sacs Birkin d’Hermès, S. Touzani, NFT : même en « virtuel », personne ne peut copier les Birkin d'Hermès, LesEchos, 9 février 2023 [en ligne].

[2] S.Dorol , Droit et pratique du constat d’huissier, LexisNexis, 3ème éd. 2022, avec le concours de J.-L. Bourdiec, P. Gielen, X. Louise-Alexandrine et S.Racine.

[3] Il s’agit de l’ensemble des pages internet non référencées par les moteurs de recherche.

[4] Art. 41 du Règlement Déontologique National des huissiers de justice du 5 décembre 2018

[5] S.Dorol, Droit et pratique du constat d’huissier, LexisNexis, 3ème éd. 2022, avec le concours de J.-L. Bourdiec, P. Gielen, X. Louise-Alexandrine et S.Racine- Chapitre : Le lieu du constat.

[6] S. Dorol : JCl. Encyclopédie des Huissiers de Justice, Bloc Preuve, Fasc. 30, V° Les constats, n° 4.

[7] Cass. civ. 1, 20 mars 2014, n° 12-18.518, FS-P+B N° Lexbase : A7370MHG, obs. R. Perrot, Procédures 2014, n° 1018 , comm. 133, p. 12.

[8] S. Dorol, La loyauté dans les constats Internet : rappel de mise en œuvre : Gaz. Pal. 2015, n° 318, p. 16, note ss CA Paris, 7 octobre 2015, n° 11/03744 N° Lexbase : A9044SA9.

[9] S.Dorol et S.Racine, La preuve de l’indépendance du tiers acheteur, Propr. Industr., 2020, ét.13, p.24.

[10] TGI paris, 2 juillet 2007, UDAF de l'Ardèche et autre / Linden Research et autres.

[11] C. proc. pén. art. 28-1 N° Lexbase : L0748IKW.

[12] S.Dorol, Droit et pratique du constat d’huissier, LexisNexis, 3ème éd. 2022, avec le concours de J.-L. Bourdiec, P. Gielen, X. Louise-Alexandrine et S.Racine, Chapitre : Le constat sur internet

[13] De la nullité à la dévaluation de la force probante

[14] Un NFT (de l’anglais non-fungible token) ou jeton non fongible est une donnée valorisée composée d'un type de jeton cryptographique qui représente un objet (souvent numérique), auquel est rattachée une identité numérique (reliée à au moins un propriétaire) – source : wikipédia [en ligne].

[15] V. Vigneau, Les constats d’achats, Procédures 2008, étude 10.

[16] TGI Paris, 12 juillet 2013 : PIBD 2013, III, p. 1480.

[17] Portefeuille électronique pour crypto-monnaie.

[18] La presse rapporte que 80 % des NFT sur OpenSea sont des faux, alors que c’est une des principales plateformes de ventes !

newsid:484748

Comptable

[Evénement] La comptabilité et l’analyse financière au service du juriste – Compte-rendu conférence du CEFF d’Aix-en-Provence

Lecture: 10 min

N4816BZE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484816
Copier

par Laure Beltrando, Doctorante contractuelle chargée de mission d’enseignement – Aix-Marseille Université - Centre d’études fiscales et financières EA 891

Le 29 Mars 2023

Dans le cadre de son cycle annuel de conférences, le Centre d’études fiscales et financières (CEFF) a accueilli le jeudi 24 novembre 2022 Maître Didier Lecomte, avocat et maître de conférences associé - HDR à l’Université CY de Cergy. Après ouverture de la conférence par le professeur Thierry Lambert, directeur du CEFF, Maître Lecomte a accepté, à l’occasion de la publication de son ouvrage Comptabilité, fiscalité et analyse financière – Guide pratique du juriste [1], de relever un défi : convaincre un public de juristes fiscalistes de l’intérêt de l’étude de la comptabilité et de l’analyse financière.  

En effet, comme l’a rappelé le professeur Thierry Lambert lors de l’introduction de la conférence, « La comptabilité c’est du droit ». Ainsi, de même que le fiscaliste est un juriste comme les autres  – question récurrente au sein du CEFF et dans la communauté des juristes en général –, le droit comptable est un droit comme un autre. La question demeure de savoir pourquoi cette matière est délaissée, ignorée, voire redoutée par les juristes.


 

Une réponse semble être que « La comptabilité est généralement tenue pour une connaissance utile mais elle a aussi une solide réputation d’arbitraire, d’ennui et d’obscurité ; on ne lui reconnait aucune place parmi les connaissances qui contribuent à la culture générale de l’homme » [2]. Or, les récents scandales et crises financiers tels que ceux ayant affecté l’entreprise Enron ou encore la banque Lehman Brothers ont suscité une grande inquiétude dans les milieux économiques, politiques mais aussi juridiques. Cependant, dans le cadre de la pratique, il ne semble pas y avoir eu un intérêt accru pour le droit comptable et financier de la part des juristes. Ce qui est à déplorer selon Maître Lecomte qui a introduit son propos en précisant que l’exercice de la comptabilité et de l’analyse financière lui a ouvert l’esprit, tant le seul exercice du droit fiscal et du droit des sociétés ne suffit pas à comprendre et faire comprendre la notion d’entreprise.

Le droit comptable regroupe l’ensemble des dispositions légales et règlementaires qui conditionnent la technique comptable. La comptabilité est donc un « langage […] répondant à des conventions, à des normes et à des principes destinés à fournir une représentation de la situation économique et des résultats de l’entreprise » [3]. Outre le fait que la comptabilité est « un instrument de pouvoir par le monopole de l’information » [4], il convient de souligner qu’elle « n’est pas un objet technique autonome et passif » [5]. Plusieurs travaux de recherche font apparaître le caractère politique de la comptabilité : ici, comme en toute matière juridique, « le travail du normalisateur n’est pas simplement de résoudre un problème technique, mais de faire le choix entre plusieurs options selon des critères autres que la "représentation fidèle" de l’activité des entreprises » [6].

Il est donc nécessaire à l’ensemble des juristes ayant à traiter de l’entreprise – au premier rang desquels les fiscalistes – de maîtriser les subtilités de la comptabilité et de l’analyse financière.

Pour prendre l’exemple de la fiscalité, celle-ci a la solide réputation d’être une matière complexe. Pourtant, cette matière recèle plusieurs facteurs de simplicité. D’une part, il n’y a que deux codes à maîtriser – le Code général des impôts (CGI) et le Livre des procédures fiscales (LPF) – et plus globalement il y a une unité de sources – les règles législatives sont condensées et interprétées par l’administration fiscale dans son BOFiP. Cette unité de sources représente la garantie qu’une solution à tous les litiges pourra être trouvée [7]. D’autre part, il s’agit d’un contentieux dépassionné, les délibérés sont pacifiques ce qui est un facteur de simplicité tant pour les avocats que pour les magistrats.

Cependant le plus grand facteur de complexité de la matière fiscale est la difficulté pour les juristes à appréhender les faits fiscaux. S’il est vrai qu’il y a une unité de source, le droit fiscal est avant tout un droit de superposition : ses règles se superposent à un rapport juridique préexistant. Il est donc nécessaire d’être capable d’appréhender pleinement ce rapport préexistant et, pour ce faire, il faut donc avoir connaissance du fonctionnement de l’entreprise et des règles de droit comptable.

Ce travail d’appréhension des règles de droit comptable pourrait paraître simplifié s’agissant des juristes fiscalistes en considérant qu’en France les règles comptables sont fortement connectées au droit et notamment au droit fiscal : la comptabilité est « l’algèbre du droit » [8]. L’influence de la fiscalité a toujours été particulièrement importante en France, ce principe est d’ailleurs établi à l’article 38 quater de l’annexe III du CGI N° Lexbase : L6524HL9 selon lequel « Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de l’impôt » [9]. De nombreux exemples prouvent cette connexion, mais l’exemple le plus caractéristique est que la comptabilisation régulière et préalable est l’un des principes généraux de déductibilité fiscale des charges. Cette comptabilisation régulière et préalable est une condition nécessaire, mais n’est pas une condition suffisante.

En effet, il existe une distanciation entre les règles comptables et les règles fiscales rendant les retraitements fiscaux obligatoires notamment en matière d’impôt sur les sociétés, ce qui s’avère être long et coûteux pour les entreprises. Les 164 retraitements fiscaux possibles, selon l’évaluation de Maître Lecomte, et dont le chiffre ne fait que croitre d’année en année, contribuent à déconnecter le droit fiscal du droit comptable. Cette déconnexion a pour conséquence de nuire grandement à la sécurité juridique des entreprises.

Or, la sécurité juridique est un élément clé contribuant à l’attractivité du territoire français, comme le soulignent Olivier Fouquet et Claude Lopater en militant dans une série de publications pour qu’intervienne une réforme tendant à la connexion totale de la fiscalité et de la comptabilité [10].

Toutefois, il est à déplorer que, même si une telle réforme intervenait, elle ne suffirait pas à contribuer à la convergence du droit comptable et du droit fiscal. Au-delà d’être déconnectées dans leurs règles, la fiscalité et la comptabilité sont également déconnectées dans leur esprit. Alors même que la vision du juriste et la vision du comptable devraient se compléter, il subsiste une opposition. Ce qui peut aboutir à des aberrations et incompréhensions.

Des aberrations, d’une part, s’agissant du capital social. Il est possible de créer une société sous forme de SARL, EURL, SAS, SASU, SNC ou société civile avec un capital social égal à 1 euro [11]. Cette idée, si elle est valide juridiquement, n’en reste pas moins très peu réaliste et mal venue d’un point de vue comptable. En effet, 1 euro de capital social signifie que la trésorerie de départ de la société sera de 1 euro. Il est donc malaisé d’exercer une activité avec une trésorerie si basse – à l’exception des sociétés ayant une activité dite à forte intensité intellectuelle. Par ailleurs, Maître Didier Lecomte souligne qu’en pratique les établissements bancaires refusent souvent d’ouvrir un compte au nom d’une société « pour 1 euro ». Plus largement, il existerait un facteur psychologique incitant les opérateurs économiques à être réticents à accorder un financement à des sociétés à faible capital social.

Des incompréhensions, d’autre part, qui se traduisent notamment par la différence entre le réflexe comptable et entrepreneurial et le réflexe du juriste fiscaliste. Le réflexe du fiscaliste est d’amenuiser le bénéfice de la société au maximum, le Graal se matérialisant dans l’obtention d’un déficit. Celui-ci sera reportable soit sur le résultat des exercices futurs [12] garantie du paiement d’un impôt minimal sur plusieurs exercices comptables soit reportable sur l’exercice de l’année antérieure [13] garantie de la naissance d’un crédit d’impôt. À l’inverse, le réflexe du comptable est le même que celui de l’entrepreneur : maximiser le résultat de l’entreprise afin d’obtenir un compte de résultat et un bilan cohérents et présentables pour obtenir, par exemple, un financement auprès d’une banque.

Il est à craindre que cette opposition fiscalo-comptable tende à s’aggraver à l’avenir du fait de l’influence toujours plus pressante des institutions internationales sur le droit comptable interne. Les normes financières et comptables subissent une internationalisation – aussi appelée normalisation comptable internationale. La normalisation internationale « s’est affranchie du droit pour la création de la norme » [14], celle-ci est en effet issue d’un organisme international purement privé l’International Accounting Standards Board (IASB) [15].

Les normes IFRS établies par l’IASB sont applicables aux comptes consolidés des sociétés cotées [16]. La France est, semble-t-il, l’un des derniers pays de l’Union européenne à ne pas avoir transposé ces normes IFRS dans son droit interne – de même, il est vrai, que l’Autriche, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la Hongrie et la Suède. Il est tout de même loisible de se demander si les normes IFRS auront, à terme, pour vocation de pénétrer le champ du droit interne français – notamment le champ des comptes individuels et des comptes publics – ou encore si, sans être transposées, ces normes auront tout de même une influence sur les règles comptables françaises. La réalisation de l’une ou l’autre de ces hypothèses marquerait sans doute une scission entre droit et comptabilité.

À titre conclusif, s’il était encore besoin de prouver le lien entre droit et comptabilité, qu’il nous soit permis de donner un dernier exemple. L’Union européenne a adopté le 14 décembre 2022 la Directive « GlobE » [17] mettant en œuvre une imposition minimale mondiale des groupes de sociétés. L’objectif de cette Directive est de prévoir une imposition minimale à 15 % des bénéfices des groupes d’entreprises réalisant un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 750 millions d’euros.

Afin qu’une telle mesure puisse produire ses effets, il convient d’appliquer le taux d’imposition minimal sur une base d’imposition calculée dans chaque État membre selon des règles communes. Dans la mesure où les systèmes fiscaux des États ne sont pas harmonisés – partant, le résultat fiscal des entreprises ne serait pas calculé selon les mêmes règles d’un État à l’autre – , la Directive prévoit un « ensemble commun de règles spécifiques pour le calcul de la base d’imposition (ci-après dénommé "bénéfice ou perte admissibles") » [18]. Plus loin, la Directive indique que constitue le « "bénéfice ou perte admissibles", le résultat net comptable d'une entité constitutive ajusté conformément aux règles énoncées aux chapitres III, VI et VII » [19]. De façon originale, l’impôt minimal prévu par la Directive ne sera pas assis sur le résultat fiscal des entreprises mais sur le résultat comptable consolidé ajusté conformément aux règles énoncées par la Directive. Cette solution est néanmoins logique : si les règles fiscales nationales conduisant à la détermination du résultat fiscal ne sont pas harmonisées, il en va différemment s’agissant des normes comptables qui font l’objet, comme nous l’avons indiqué précédemment, d’une internationalisation ; la Directive prévoit elle-même l’application des normes IFRS.

Le mode de calcul du résultat comptable constituant la base d’imposition de l’impôt minimum mondial est d’une telle technicité qu’il « [requiert] un effort important d’assimilation de la part des juristes » [20]. Il y a donc un intérêt toujours plus accru pour ces derniers de savoir appréhender tant la comptabilité que l’analyse financière. Plus qu’un simple outil mis à leur service, ces deux matières tendent à devenir des notions indispensables dont les juristes doivent se saisir.

 

[1] D. Lecomte, Comptabilité, fiscalité et analyse financière – Guide pratique du juriste, Bruxelles, Bruylant, 2022, 500 p.

[2] J. Fourastie, La Comptabilité, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », n° 111, 1943, p. 1.

[3] E. Lamrani, « Comptabilité politique ou le droit comptable au service de l’intérêt général », Vie & sciences de l’entreprise, 2013/3-4, n° 195-196, p. 81.

[4] P. Lassegue, Gestion de l’entreprise et comptabilité, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 1996, p. 16.

[5] B. Colasse et R. Chantiri-Chaudemanche, Introduction à la comptabilité, 14ème éd., Paris, Economica, 2018, p. 23.

[6] E. Lamrani, op. cit., p. 88.

Voir également : D. Bessire, L. Cappelletti et B. Pige (dir.), Normes : Origines et Conséquences des crises, Paris, Economica, 2010, 270 p.

[7] Contrairement à d’autres contentieux, comme celui de la fonction publique, notamment dû à l’absence de codification de nombreux textes.

[8] P. Garnier, La comptabilité : algèbre du droit et méthode d’observation des phénomènes économiques, Paris, Dunod, 1947, 126 p.

[9] CGI, art. 38 quater, annexe III.

[10] Voir notamment : O. Fouquet et C. Lopater, « Connexion comptabilité-fiscalité : quatre actions prioritaires pour assurer la sécurité juridique », FR Lefebvre 50/16, novembre 2016.

[11] Plus précisément, ces formes de sociétés (SARL, EURL, SAS, SASU, SNC et société civile) ne sont pas contraintes par un montant minimum de capital social.

Voir :

C. civ., arts. 1845 et s. s’agissant des sociétés civiles N° Lexbase : L2038AB4 ;

C. com., arts. L. 221-1 et s. s’agissant des SNC N° Lexbase : L5797AIK ;

C. com., arts. L. 223-1 et s. s’agissant des SARL et EURL N° Lexbase : L0915IEM ;

C. com., arts. L. 227-1 et s. N° Lexbase : L2397LR9 et loi n° 2008-776, du 4 août 2008, de modernisation de l’économie s’agissant des SAS et SASU N° Lexbase : L7358IAR.

[12] CGI, art. 209, I-al. 3 N° Lexbase : L6979LZI.

[13] CGI, art 220 quinquies N° Lexbase : L3600MGG.

[14] Y. Muller-Lagarde, L’évolution des relations de la comptabilité à l’économie et au droit, Revue française de gestion, Lavoisier, 2013.

[15] B. Pige, Normes comptables : "De la légitimité du normalisateur", Revue Française de Comptabilité, n° 455, 2012, pp. 24-27.

[16] Voir : Règlement (CE) n° 1606/2002, du 19 juillet 2002, sur l’application des normes comptables internationales N° Lexbase : L6959A4I.

[17] Directive (UE) n° 2022/2523, du 14 décembre 2022, visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure dans l’Union N° Lexbase : L2605MGL.

Cette Directive trouve son origine dans l’édiction par l’OCDE le 8 novembre 2019 de la « Proposition globale de lutte contre l’érosion de la base d’imposition » plus couramment dénommée « Pilier 2 ».

[18] Ibid., p. 3.

[19] Ibid., p. 13, nous soulignons.

[20] D. Gutmann, Niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure dans l’Union : la Directive publiée, Dalloz Actualités, n° 18, 26 janvier 2023.

newsid:484816

Copropriété

[Jurisprudence] Désignation du syndic par l’assemblée générale en cas de mise en concurrence

Réf. : Cass. civ. 3, 7 décembre 2022, n° 21-20.170, F-D N° Lexbase : A42278Y9

Lecture: 11 min

N4883BZU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484883
Copier

par Florence Bayard-Jammes, Docteur en droit, Professeur à TBS Business School

Le 29 Mars 2023

Mots clés : syndic • désignation • mise en concurrence • assemblée générale • décision • vote • second scrutin • absentéisme • nullité de la désignation

i) Confirmation de jurisprudence : l'assemblée générale ne peut valablement procéder à un second vote à la majorité de l'article 24 sur la candidature d’un syndic qu'après avoir soumis au vote, à la majorité de l'article 25, la candidature de son concurrent.

ii) Précision sur l’application des dispositions de l’article 25-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et de l’article 19 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 : l’absence d’un ou plusieurs copropriétaires à l’assemblée générale empêchant d’atteindre la majorité de l’article 25 n’exonère pas les copropriétaires de voter à cette majorité sur chacune des candidatures avant de procéder à un second vote à la majorité de l’article 24.


 

S’il confirme la jurisprudence relative aux modalités de la désignation du syndic en assemblée générale en cas de mise en concurrence, l’arrêt rendu par le troisième chambre civile de la Cour de cassation le 7 décembre 2022 prouve que l’application des articles 25-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L5476IGW et 19 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5507IG3 suscite encore des difficultés et du contentieux.

Dispositions qui règlementent la désignation du syndic en assemblée générale. La désignation du syndic en assemblée générale est règlementée par les article 25 N° Lexbase : L4825AH8 et 25-1 N° Lexbase : L5476IGW de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et par l’article 19 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5507IG3. Obligatoire dans tous les syndicat des copropriétaires, la désignation du syndic est une décision importante. L’article 25 c la soumet à un vote à la majorité des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat ; or l’absentéisme en assemblée générale rend l’obtention de cette majorité difficile. C’est pour cette raison que l’article 25-1 permet que la résolution soit soumise à un second vote à une majorité plus favorable dès lors qu’elle a recueilli un certain consensus. Selon ce texte, lorsque la majorité des voix de tous les copropriétaires n’a pas été atteinte mais que la candidature a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, la même assemblée se prononce immédiatement par un second vote à la majorité prévue à l'article 24 de la loi N° Lexbase : Z99294UQ, c’est-à-dire à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance. Pour avoir la possibilité de procéder à un second vote à la majorité de l’article 24, il ne suffit pas que la majorité de l’article 25 n’ait pas été atteinte, il est nécessaire que la candidature ait recueilli l’approbation d’au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat. À défaut, la candidature serait purement et simplement rejetée et « la passerelle » prévue par l’article 25-1 ne trouverait pas à s’appliquer. La copropriété serait alors, en l’absence d’autre candidature prévue à l’ordre du jour, dépourvue de syndic ce qui nécessiterait de recourir à la désignation d’un syndic judiciaire dans les conditions de l’article 46 du décret du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5550IGN [1].  

 Quant à l’article 19 du décret de 1967 N° Lexbase : L5507IG3, il précise les modalités d’application de l’article 25-1 de la loi « lorsque l'assemblée générale est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché mettant en concurrence plusieurs candidats ». Dans ce cas, l’assemblée ne peut procéder au second vote à la majorité de l’article 24 de la loi qu'après avoir voté sur chacune des candidatures à la majorité des voix de tous les copropriétaires. Le texte de l’article 19 étant d’ordre public [2], son respect conditionne la régularité de la résolution votée.

La difficulté née de la mise en concurrence des candidatures. La mise en concurrence des contrats de syndic est fréquente. Elle résulte de l’initiative du conseil syndical dans les conditions prévue à l’article 21, alinéa 3, de la loi de 1965 N° Lexbase : L4821AHZ ou de celle d’un ou plusieurs copropriétaires, qu’ils soient ou non membres du conseil syndical, qui demandent au syndic d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale l’examen d’un projet de contrat de syndic qu’il lui communique à cet effet [3].  Le syndic n’a pas à se faire juge de l’opportunité de la demande et doit porter les candidatures concurrentes à l’ordre du jour de l’assemblée générale. Chaque candidature fait l’objet d’une résolution distincte et la difficulté survient de la différence de position entre le syndic en exercice qui demande à nouveau à être désigné et les autres candidats [4]. Le syndic inscrit généralement sa candidature dans l’ordre du jour avant celle de ses concurrents et s’il obtient dès le premier vote la majorité des voix de tous les copropriétaires, il est élu et les autres candidatures n’ont pas à être examinées. En revanche, si cette majorité n’est pas acquise lors du premier scrutin mais que sa candidature a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, les dispositions de l’article 19 du décret s’imposent et l’assemblée générale ne peut valablement procéder à un second vote à la majorité de l’article 24 sur cette première candidature que si elle a préalablement voté sur les autres à la majorité des voix de tous les copropriétaires et qu’aucune d’elles n’a obtenu cette majorité. La méconnaissance de ce principe est sanctionnée par l’annulation de la désignation du syndic en application de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L4849AH3 même si le mandat a été exécuté par le syndic irrégulièrement désigné [5]. La jurisprudence est constante en la matière [6] et confirmée par l’arrêt du 7 décembre 2022.

L’apport de l’arrêt du 7 décembre 2022. Si l’arrêt de cassation du 7 décembre 2022 confirme la jurisprudence, les circonstances de l’affaire permettent d’apporter une précision sur l’application des articles 25-1 de la loi du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L5476IGW et 19 du décret de 1967 N° Lexbase : L5507IG3, d’une importance pratique non négligeable.

En l’espèce, une SCI copropriétaire de plusieurs lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété assigne le syndicat des copropriétaires et son syndic en annulation de l’assemblée générale et subsidiairement de diverses résolutions prises au cours de cette assemblée notamment celles relatives à la désignation du syndic. Deux candidatures étaient en effet proposées aux copropriétaires dont l’une concernait le syndic en exercice. La SCI faisait valoir qu’aucun vote n’ayant été réalisé quant à la désignation du cabinet concurrent, l’égalité entre les candidats avait été rompue au profit du syndic en exercice ; elle soutenait que la majorité de l'article 25 n'ayant pas été atteinte sur la question du renouvellement du syndic en exercice, les candidatures concurrentes devaient être examinées à cette même majorité et ce n'est qu'ensuite qu'il était possible de procéder à un second vote à la majorité de l'article 24 sur le renouvellement du syndic qui avait, en l’espèce, bien recueilli le tiers des voix de tous les copropriétaires lors du premier vote.

Nonobstant ces arguments, la cour d’appel de Paris [7] rejette la demande en annulation de la résolution ayant désigné à nouveau le syndic en exercice. Pour justifier sa décision, elle retient, « qu’en l’absence de la SCI copropriétaire à l’assemblée générale, la majorité de l’article 25 ne pouvait être atteinte ni pour l’élection du cabinet D., ni pour celle du cabinet F. et que c’était dès lors à juste titre que l’assemblée générale avait procédé au second vote, s’agissant de la désignation du cabinet D., à la majorité de l’article 24 ». Par ailleurs, la cour d’appel considère que contrairement aux affirmations de la SCI, la mise en concurrence a bien été respectée, dès lors qu'un projet de résolution prévoyant la désignation du cabinet F., en cas de non-renouvellement du mandat du cabinet D., figurait à l'ordre du jour de l'assemblée et que le projet de contrat de mandat de syndic du cabinet F. avait bien été annexé à la convocation de l'assemblée générale.

Selon les juges du second degré, il suffirait donc qu’au regard de la feuille de présence, les voix des copropriétaires présents, représentés et ayant voté par correspondance  à l’assemblée générale soient inférieures à la majorité des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat pour écarter l’application des dispositions de l’article 19 du décret et permettre aux copropriétaires de s’exonérer d’un premier vote à la majorité de voix de tous les copropriétaires sur les autres candidatures puisque cette majorité ne pouvait, en toute hypothèse, pas être atteinte.

La cassation était inévitable et c’est au visa des articles 25 N° Lexbase : L4825AH8 et 25-1 N° Lexbase : L5476IGW de la loi du 10 juillet 1965 et de l’article 19 du décret du 17 mars 1965 N° Lexbase : L5507IG3 que la troisième chambre civile de la Cour de cassation sanctionne la cour d’appel pour ne pas avoir recherché « si la candidature de la société F. avait été soumise au vote des copropriétaires à la majorité de l’article 25 avant que la société D. ne soit désignée en qualité de syndic à la majorité de l’article 24 ».

L’arrêt sonne le glas de la pratique de certains syndics consistant à faire voter directement à la majorité de l’article 24 les résolutions relevant de la majorité des voix de tous les copropriétaires au motif que cette majorité n’est pas atteinte le jour de l’assemblée générale du fait de la défaillance d’un ou plusieurs copropriétaires alors que le tiers des voix de tous les copropriétaires est bien représenté. L’argument n’est pas recevable.

En premier lieu, l’article 19 du décret ne prévoit pas d’exception. Il impose un premier vote à la majorité de l’article 25 de la loi de 1965 chaque fois que l’assemblée générale est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché mettant en concurrence plusieurs candidatures et la Cour de cassation a confirmé que le texte s’applique à la désignation du syndic et l’approbation de son contrat [8].

En deuxième lieu, par sa généralité, les dispositions de l’article 25-1 de la loi N° Lexbase : L5476IGW ne permettent pas non plus de retenir une telle exception. À la lecture du texte, il est clair que « la passerelle » a vocation à s’appliquer quelle que soit la raison pour laquelle l’assemblée générale n’a pas décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires lors du premier scrutin, que ce soit par opposition de quelques-uns au projet ou du fait de l’absentéisme des copropriétaires. Le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 l’a rappelé à l’occasion de la réécriture du texte, la vocation de l’article 25-1 est bien de « favoriser la prise de décision et lutter contre les effets néfastes de l’abstentionnisme au sein des copropriétés » [9].

Par ailleurs, pour que le second vote ait lieu à la majorité de l’article 24, il ne suffit que les tiers des voix de tous les copropriétaires soient simplement présents ou représentés à l’assemblée générale, c’est le projet mis au vote qui, s’il n’a pas rassemblé les voix de la majorité de tous les copropriétaire quelle qu’en soit la raison, doit avoir recueilli l’approbation d’au moins le tiers de ces voix lors de ce premier vote.  

C’était bien le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 décembre 2022 et c’est parce que la majorité des voix de tous les copropriétaires n’était pas représentée à l’assemblée générale que le syndic avait pensé pouvoir faire voter immédiatement sa candidature à la majorité relative sans penser que sa désignation pourrait être remise en cause. La Cour de cassation juge en droit et nous rappelle que les dispositions formelles de l’article 19 de décret du 17 mars 1967 ne sauraient être écartées pour des motifs de pures circonstances.

 

[1] V. loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 17 alinéa 3 N° Lexbase : L4812AHP.

[2] V. loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 43 N° Lexbase : L4850AH4.

[3] V. loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 21, alinéa 4 N° Lexbase : L4821AHZ et décret n° 67-223 du 17 mars 1967, art. 10 N° Lexbase : L5496IGN.

[4]  C. et L. Atias, Les votes sur la désignation du syndic en assemblée générale des copropriétaires, AJDI 2015, p ; 348.

[5] Cass. civ. 3, 24 novembre 2021, n° 20-22.487, F-D N° Lexbase : A50187D9, Loyers et copr. 2022 comm. 14 ; AJDI 2022 p. 365, P.-E. Lagraulet. 

[6] CA Paris, Pôle 4, ch. 2, 25 septembre 2013 n° 11/15767 N° Lexbase : A7810KLT ; Loyers et copr. 2014 comm. 31 - Cass. civ. 3, 5 novembre 2014 n° 13-26.768, FS-P+B N° Lexbase : A9166MZI ; Loyers et copr. 2015 comm. 23 – Cass. civ. 3, 24 septembre 2020, n° 19-15.764, F-D N° Lexbase : A06903WH ; Loyers et copr. 2020 comm. 133 - Cass. civ. 3, 9 septembre 2021, n° 20-11.743, F-D N° Lexbase : A264244M.

[7] CA Paris, Pôle 4, ch.2, 12 mai 2021, n° 18/02550 N° Lexbase : A81844RK.

[8] V. Cass. civ. 3, 5 novembre 2014, n° 13-26.768, FS-P+B N° Lexbase : A9166MZI, précité.

[9] V. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 N° Lexbase : Z954828U.

newsid:484883

Cotisations sociales

[Jurisprudence] Contrôle Urssaf : les termes de la lettre d’observations peuvent révéler le recours implicite à la notion d’abus de droit

Réf. : Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-18.322 N° Lexbase : A24139DQ, n° 21-11.600 et n° 21-12.005 N° Lexbase : A24109DM et n° 21-17.207 N° Lexbase : A24199DX, FS-B

Lecture: 18 min

N4847BZK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484847
Copier

par Elie Gerstner, Avocat counsel et Charles Lapierre, Avocat collaborateur, Flichy Grangé Avocats

Le 29 Mars 2023

Mots-clés : contrôle • Urssaf • cotisations sociales • abus de droit • comité des abus de droit • implicite • lettre d’observations • mise en demeure

Dans trois arrêts rendus le 16 février 2023, la Cour de cassation considère que l’Urssaf peut se fonder sur la notion d’abus de droit sans y faire expressément référence dans la lettre d’observations. Elle doit dans ce cas respecter la procédure afférente, à défaut, le chef de redressement concerné est annulé.


I. État des lieux et solution des arrêts du 16 février 2023

A. Régime juridique de l’abus de droit en droit de la Sécurité sociale

La procédure d’abus de droit s’inspire de la matière fiscale [1]. Créé par l’article 108 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008 [2], l’article L. 243-7-2 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L9267LNK dispose, dans sa version actuelle :

« […] les organismes [de recouvrement] sont en droit d’écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles » [3].

L’abus de droit entraîne l’application d’une pénalité égale à 20 % des cotisations et contributions dues [4].

En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur ce fondement, le litige est soumis à l’avis du comité des abus de droit, à la demande du cotisant ou de l’organisme de recouvrement. La procédure d’abus de droit est précisée par décret [5]. Ainsi, la décision de recourir à l’abus de droit doit être prise par le directeur de l’Urssaf qui doit contresigner la lettre d’observations. Cette dernière doit mentionner la possibilité pour le cotisant de saisir le comité des abus de droit et les délais impartis pour le faire [6].

Dans trois décisions du 16 février 2023, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’obligation pour les Urssaf de respecter la procédure d’abus de droit, alors même qu’elle n’y faisait pas expressément référence dans le cadre du redressement.

B. La consécration de l’abus de droit implicite par les arrêts du 16 février 2023

Dans ses arrêts du 16 février 2023, la Cour de cassation se prononce dans trois cas d’espèce différents sur la possibilité de constater un abus de droit implicite :

  • dans un premier arrêt, l’Urssaf avait redressé les indemnités versées à la suite de la révocation des mandats sociaux et des licenciements qui n’avaient pas été soumises à cotisations sociales, au motif que le contrat de travail ne correspondait pas à un emploi effectif distinct du mandat social et n’avait été conclu que dans le but de frauder la loi [7] ;
  • dans un deuxième arrêt, l’Urssaf avait remis en cause les exonérations de cotisations attachées à des indemnités versées dans le cadre de procédures de licenciement présentées par l’entreprise, et qu’elle avait réputées fictives [8] ;
  • enfin, dans un troisième arrêt, l’Urssaf avait considéré que le versement d’honoraires par un club sportif à une société, en contrepartie de l’exploitation de l’image individuelle du joueur de rugby salarié du club, constituait un complément de rémunération découlant de l’exécution normale du contrat de travail liant le joueur professionnel à la société [9].

La question était alors de savoir si la procédure pour abus de droit devait être respectée alors même que les inspecteurs ne se plaçaient pas expressément sur ce fondement pour procéder aux redressements. Autrement-dit, le recours par l’Urssaf à l’abus de droit pouvait-il être implicite ?

Au visa des articles L. 243-7-2, R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du Code de la Sécurité sociale, et aux termes des trois attendus similaires, la Cour de cassation décide que « lorsque l’organisme de Sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions [de l’article L. 243-7-2 al. 1], il se place nécessairement sur le terrain de l’abus de droit. Il en résulte qu’il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du Code de la Sécurité sociale et qu’à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité » [10].

C. La position de la Cour de cassation par rapport à la jurisprudence antérieure des cours d’appel

1) La pauvreté de la jurisprudence sur l’abus de droit

De manière générale, il convient de relever la grande rareté des décisions portant sur l’abus de droit en droit de la Sécurité sociale.

Si en matière fiscale, la jurisprudence du Conseil d’État avait admis le recours par l’administration à l’abus de droit implicite, qualifié d’abus de droit « rampant » [11], la Cour de cassation ne s’était encore jamais prononcée sur les conditions d’application des dispositions de l’article L. 243-7-2 du Code de la Sécurité sociale.

Elle s’était tout au plus prononcée sur le champ d’application de ces dispositions, en indiquant que les divergences d’appréciation sur les règles d’assiette des cotisations n’étaient pas au nombre des contestations susceptibles de donner lieu à la procédure d’abus de droit [12].

Les cours d’appel ont aussi eu l’occasion de se prononcer sur le champ d’application de l’abus de droit en droit de la Sécurité sociale :

  • le constat que les cotisations n’ont pas été payées est donc insuffisant pour établir que les inspecteurs du recouvrement se sont placés sur le terrain d’un abus de droit [13], dès lors que cette procédure ne vise que les actes juridiques [14].
  • la procédure d’abus de droit ne permet pas d’écarter tout acte juridique. Elle a trait aux règles d’assiette, de modalités de calculs et de recouvrement des cotisations sociales, et ne peuvent servir de fondement à une action ayant pour objet de remettre en cause une opération de dissolution d’une société débitrice de cotisations déjà déterminées [15].

Les arrêts du 16 février 2023 sur l’abus de droit implicite constituent un développement important de la construction jurisprudentielle de l’abus de droit.

2) Sur l’abus de droit implicite

Les décisions des juges du fond ne permettaient pas de dégager une position unanime de la jurisprudence sur le recours implicite à l’abus de droit.

♦ Décisions des cours d’appel ayant reconnu l’abus de droit implicite

Pour certaines cours d’appel, dès lors que des actes n’ont pas été préalablement annulés ou déclarés illicites par une décision juridictionnelle définitive, l’Urssaf qui décide de son propre chef, d’écarter ces conventions en remettant en cause le caractère licite et sincère de la situation créée par ces accords, a recours à l’abus de droit et doit appliquer les garanties accordées au contribuable. À défaut, le chef de redressement concerné encourt l’annulation [16].

De la même manière, le recours à la procédure d’abus de droit a été reconnu et le chef de redressement annulé lorsque l’Urssaf avait invoqué l’existence d’un montage juridique faisant appel à des associations « transparentes », sans pour autant respecter la procédure afférente [17].

♦ Rejet de l’abus de droit implicite par les cours d’appel

Certains juges du fond se sont montrés moins disposés à admettre que les Urssaf avaient implicitement eu recours à la procédure d’abus de droit.

Certaines cours d’appel ont pu valider le redressement opéré par l’Urssaf qui avait écarté l’application de conventions pour absence de cause, notamment lorsque la convention fait double emploi avec des fonctions exercées au sein de la société, sans mettre en œuvre la procédure d’abus de droit [18]. Toute reconnaissance d’un montage juridique ne signifiait donc pas que l’Urssaf s’était implicitement fondée sur l’abus de droit pour procéder au redressement.

De la même manière, pour écarter le recours à l’abus de droit, des cours d’appel ont pu constater que l’Urssaf n’avait pas recherché ou constaté la réunion des conditions de l’abus de droit, et notamment l’élément intentionnel qui est impérativement requis [19], ni remis en cause la bonne foi de la société [20].

L’absence de contre-signature de la lettre d’observations par le Directeur a également pu être retenu comme un indice indiquant que l’Urssaf n’avait pas eu recours à l’abus de droit [21], tout comme l’absence d’application de la majoration de 20 % qui y est attaché [22].

3) La position de la Cour de cassation

Dans la série d’arrêts commentés, la Cour de cassation prend parti sur plusieurs critères qui s’étaient révélés déterminants pour les cours d’appel.

♦ L’application d’une pénalité de 20 %

La Cour de cassation indique explicitement qu’il importe peu « que l’Urssaf n’ait pas appliqué la pénalité égale à 20 % », pour considérer qu’elle s’est fondée implicitement sur la notion d’abus de droit [23].

♦ La signature de la lettre d’observations par le directeur de l’Urssaf et la mention de la faculté de saisir le comité des abus de droit

S’agissant de la question de la contresignature de la lettre d’observations par le directeur de l’organisme, et de la mention de la possibilité pour le cotisant de saisir le comité des abus de droit, la Cour de cassation ne prend pas explicitement position. Il y cependant tout lieu de penser que ces questions seraient également indifférentes.

Premièrement, dans son attendu, la Cour de cassation ne pose pas d’autre condition que le fait pour l’Urssaf d’écarter un acte juridique dans les conditions de l’article L. 243-7-2, alinéa 1. Ensuite, dans l’arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse le 26 mars 2021, la cour d’appel a indiqué que le directeur n’avait pas contresigné la lettre d’observations, et que celle-ci n’indiquait pas la possibilité pour le cotisant de saisir le comité des abus de droit [24]. La Cour de cassation a néanmoins considéré qu’il résultait des constations de cette cour d’appel que l’Urssaf s’était placée implicitement sur la notion d’abus de droit pour procéder au redressement [25].

♦ Une solution logique

Le simple fait d’écarter l’acte juridique fictif suffit à considérer que l’Urssaf s’est fondée sur la notion d’abus de droit pour procéder au redressement. Cette solution paraît logique :

  • l’article L. 243-7-2 du Code de la Sécurité sociale ne prévoit pas que le recours à la notion d’abus de droit par l’Urssaf fasse l’objet d’une mention expresse ;
  • on peut déduire de ce texte qu’il suffit que l’Urssaf écarte un acte à caractère fictif ou recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes permettant aux contribuables d’échapper à des cotisations qu’il aurait dû normalement supporter pour qu’elle se soit positionnée sur le terrain de l’abus de droit.

Exiger une application de la majoration de 20 %, la contresignature du directeur ou la mention de la possibilité de saisir le comité des abus de droit reviendrait à exiger que l’Urssaf ait intégralement appliqué ce régime et qu’elle en ait tiré toutes les conséquences.

Cela étant, poser de telles conditions restreindrait considérablement le champ d’application de l’abus de droit implicite.

Il n’y a donc lieu de s’attacher à vérifier que si les éléments constitutifs de l’abus de droit (acte fictif ou recherche du bénéfice de l’application littérale d’un texte) sont réunis.

Le recours par l’Urssaf à la notion d’abus de droit (qui peut être explicite ou implicite) doit ainsi être distingué du respect de la procédure qui en découle (majoration de 20 %, contresignature par le directeur, faculté de saisine du comité des abus de droit).

II. Portée des arrêts du 16 février 2023

A. Hypothèses d’abus de droit implicite

On peut tenter de déduire des arrêts de la Cour de cassation les cas dans lesquels on peut considérer que l’Urssaf a recours à l’abus de droit implicite. Il importe peu à cet égard que l’organisme ait expressément fait référence à la fictivité des actes en cause.

1) Mention expresse de la fictivité dans la lettre d’observations

Dans l’affait relative aux exonérations dans le cadre des procédures de licenciement, la cour d’appel avait relevée que « dans la lettre d’observations, l’inspecteur du recouvrement énonce qu’en l’état des informations recueillies au cours du contrôle, les procédures de licenciement présentées par l’entreprise à l’appui de l’exonération des cotisations et contributions de sécurité sociale d’une partie des indemnités versées lors du départ de nombreux salariés sont réputées fictives ». Elle en a déduit qu’en faisant explicitement état du caractère fictif, l’Urssaf se référait implicitement à la notion d’abus de droit [26]. L’arrêt d’appel a été confirmé sur ce point par la Cour de cassation [27].

De la même manière, dans l’affaire relative à la révocation des mandats sociaux, la cour d’appel d’Amiens avait relevé que « lors de ses constations, l’inspecteur du recouvrement a considéré que les révocations des mandats sociaux et les licenciements de Messieurs A et D constituaient des actes fictifs donnant lieu au versement de sommes indemnisant leur mise à l’écart de la société ». La cour d’appel a considéré que le redressement était donc motivé par l’abus de droit, même si ce terme n’était pas employé par l’inspecteur du recouvrement [28]. Cet arrêt a également été confirmé par la Cour de cassation [29].

Autrement dit, lorsque la lettre d’observations fait expressément état du caractère fictif de certains actes pour les écarter, l’Urssaf se place nécessairement sur le terrain de l’abus de droit et doit respecter la procédure afférente.

Aussi, qu’en est-il lorsque l’Urssaf écarte des actes sans faire expressément état de leur caractère fictif ?

2) Absence de référence expresse à la fictivité dans la lettre d’observations

Dans l’affaire relative aux droits à l’image, la cour d’appel de Toulouse avait constaté que « la convention conclue entre la société Stade toulousain et la société chargée de la gestion des droits à l’image individuelle du joueur AA-AB A prévoyait que la relation commerciale prenait fin à l’issue du contrat de travail du joueur et n’existait qu’en raison de l’existence de la relation de travail entre le joueur et le club », et procédait au redressement au motif que « le versement d’honoraires par la société Stade toulousain rugby à la société JBP en contrepartie de l’exploitation de l’image individuelle du joueur professionnel AA-AB A constitue un complément de rémunération au sens de l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale car découlant de l’exécution normale de son contrat de travail de joueur de rugby professionnel avec la société Stade toulousain rugby » [30]. La cour d’appel en a déduit que « les termes de la lettre d’observations ne sont pas de nature à induire que les inspecteurs du recouvrement ont retenu l’existence d’un acte fictif comme allégué par la société » [31]. La cour d’appel s’était donc attachée aux termes de la lettre d’observations pour déterminer si l’Urssaf s’était placée sur le terrain de l’abus de droit, qui ne faisait en l’espèce pas référence au caractère fictif des actes.

Cet arrêt a été cassé au motif que la cour d’appel « constatait que l’organisme de recouvrement avait écarté la convention litigieuse au motif qu’elle avait pour seul objet d’éluder le paiement des cotisations sociales, ce dont il résultait qu’il s’était implicitement placé sur le terrain de l’abus de droit pour opérer le redressement » [32].

Ainsi, pour déterminer si l’Urssaf se place sur le terrain de l’abus de droit, il ne s’agit pas simplement de rechercher si la lettre d’observations fait expressément état du caractère fictif des actes écartés, mais si le raisonnement qui y est tenu conduit, dans les faits, à écarter un acte pour son caractère fictif.

Le champ d’application de l’abus de droit est donc apprécié largement par la Cour de cassation.

On relèvera que la série d’arrêts commentés ne donne pas d’illustration de l’hypothèse dans laquelle l’abus de droit implicite serait reconnu sur le fondement de la recherche du bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs.

3) Les conséquences de la reconnaissance de l’abus de droit implicite

Le recours à l’abus de droit entraîne l’obligation pour l’Urssaf de respecter la procédure afférente :

« Il en résulte qu'il doit se conformer à la procédure prévue par le texte précité et les articles R. 243-60-1 et R. 243-60-3 du Code de la Sécurité sociale et qu'à défaut de ce faire, les opérations de contrôle et celles, subséquentes, de recouvrement sont entachées de nullité » [33]

Au stade du contentieux, si le recours à l’abus de droit est implicite, on peut supposer que l’Urssaf n’aura pas respecté cette procédure, ce qui conduirait à une annulation du chef de redressement opéré sur ce fondement.

Il en résulte une cause d’annulation du chef de redressement. À cet égard, la Cour de cassation a pris soin de souligner que les conséquences étaient circonscrites au chef de redressement pour lequel l’Urssaf a eu recours à l’abus de droit.

Elle juge ainsi que la méconnaissance par l’Urssaf de la procédure « n’emporte la nullité que du seul chef de redressement opéré sur le fondement de l’abus de droit », et non de l’ensemble du redressement opéré [34]. Elle confirme la jurisprudence antérieure des juges du fond [35].

Dans ces conditions, l’Urssaf a donc deux options :

  • soit renoncer à prononcer un redressement dans les conditions de l’abus de droit sans mise en œuvre de la procédure adéquate ;
  • soit respecter scrupuleusement toutes les obligations qui s’imposent en la matière.

Quelle est l’étendue de ces obligations ? l’Urssaf doit mentionner dans la lettre d’observations la possibilité pour le cotisant de saisir le comité des abus de droit et le délais impartis pour ce faire (CSS, art. R. 243-60-3). Encore faut-il que ce comité puisse être effectivement saisi. Or, il se trouve que les mandats des membres de ce comité, qui avaient été nommés pour une durée de trois ans renouvelables (CSS, art. R. 243-60-1) par arrêté du 22 décembre 2011, ont pris fin. Le Comité n’est donc plus constitué et ne peut plus être saisi à ce jour.

Faut-il en déduire que le chef de redressement ayant pour fondement l’abus de droit devrait être en tout état de cause annulé ?

Sanctionner la validité du contrôle opéré par l’Urssaf en raison de la méconnaissance d’une obligation qui ne lui incombe pas directement pourrait paraître sévère.

Cependant, le visa des arrêts du 16 février 2023 semble donner crédit à cette thèse : sont visés tant les articles sur les obligations incombant strictement à l’Urssaf opérant le contrôle, que sur la transmission de la demande du cotisant au comité des abus de droit [36], et sur la composition de ce même comité [37]. Au demeurant, le respect de cette procédure est une garantie pour le cotisant contrôlé.

Les arrêts de la Cour de cassation pourraient être interprétés comme un appel à mettre en œuvre l’article R. 243-60-1 du Code de la Sécurité sociale et à procéder aux nominations nécessaires pour constituer le Comité des abus de droit.

Nul doute que pour les redressements prononcés d’ici-là, les cotisants tenteront de faire constater autant que possible des cas de recours implicite à l’abus de droit, ce qui ne manquera pas d’enrichir cette notion juridique en construction.


[1] LPF, art. L. 64 N° Lexbase : L9266LNI.

[2] Loi n° 2007-1786, du 19 décembre 2007, de financement de la Sécurité sociale pour 2008 N° Lexbase : L5482H3G.

[3] CSS, art. L. 243-7-2, al. 1.

[4] CSS, art. L. 243-7-2, al. 2 et 4.

[5] CSS, art. R. 243-60-1 N° Lexbase : L1822IP8 à R. 243-60-3.

[6] CSS, art. R. 243-60-3, I N° Lexbase : L2872K9A.

[7] Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-18.322, FS-B.

[8] Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-11.600 et 21-12.005, FS-B.

[9] Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-17.207, FS-B.

[10] Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-18.322, n° 21-11.600 et 21-12.005 et n° 21-17.207, FS-B.

[11] CE Plénière SS, 21 juillet 1989, n° 59970 N° Lexbase : A0784AQ4 ; CE, 27 septembre 2006, n° 260050, Sté Janfin, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3224DRT ; CE, 3e-8e ch. réunies, 11 février 2022, n° 455794, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A10037NH.

[12] Cass. civ. 2, 12 octobre 2017, n° 16-21.469, F-P+B N° Lexbase : A8179WUH.

[13] CA Toulouse, 16 juillet 2021, n° 19/05345 N° Lexbase : A10544Z3.

[14] CA Paris, 18e, B, 6 novembre 2008, n° 03/43113 N° Lexbase : A5867EBW.

[15] CA Versailles, 11 décembre 2012, n° 11/07800 N° Lexbase : A7231IYH.

[16] CA Angers, 15 octobre 2020, n° 18/00819 N° Lexbase : A05783Y3.

[17] CA Aix-en-Provence, 16 avril 2021, n° 18/20549 N° Lexbase : A85864PP.

[18] CA Paris, 6-12, 25 septembre 2020, n° 17/07563 N° Lexbase : A96453UR ; CA Grenoble, 8 avril 2021, n° 18/03546 N° Lexbase : A80034NQ.

[19] CA Paris, 6-12, 7 mai 2021, n° 18/06526 N° Lexbase : A16464RE ; CA Paris, 6-12, 12 février 2021, n° 18/04977 N° Lexbase : A71614GC.

[20] CA Paris, 6-12, 20 janvier 2023, n° 19/02423 N° Lexbase : A91579KD.

[21] CA Paris, 6-12, 7 mai 2021, n° 18/06526 N° Lexbase : A16464RE.

[22] CA Paris, 6-12, 12 février 2021, n° 18/04977 N° Lexbase : A71614GC ; CA Paris, 20 janvier 2023, n° 19/02423.

[23] Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-18.322 ; Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-11.600 et n° 21-12.005.

[24] CA Toulouse, 26 mars 2021, n° 19/04305.

[25] Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-17.207.

[26] Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-11.600 et 21-12.005

[27] Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-11.600 et 21-12.005

[28] CA Amiens, 19 avril 2021, n° 19/03228

[29] Cass. civ. 2, 16 février 2023, n°21-18.322

[30] CA Toulouse, 26 mars 2021, n° 19/04305.

[31] CA Toulouse, 26 mars 2021, n° 19/04305.

[32] Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-17.207, FS-B.

[33] Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-18.322 ; Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-11.600 et 21-12.005 ; Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-17.207.

[34] Cass. civ. 2, 16 février 2023, n° 21-11.600 et 21-12.005.

[35] CA Angers, 15 octobre 2020, n° 18/00819 N° Lexbase : A05783Y3 ; CA Aix-en-Provence, 16 avril 2021, n° 18/20549 N° Lexbase : A85864PP.

[36] CSS, art. R. 243-60-3.

[37] CSS, art. R. 243-60-1.

newsid:484847

Droit pénal du travail

[Jurisprudence] Suicide d’un salarié : engage sa responsabilité pénale pour homicide involontaire la société l’ayant maintenu dans une incertitude professionnelle

Réf. : Cass. crim., 31 janvier 2023, n° 22-80.482, F-D N° Lexbase : A26439BI

Lecture: 9 min

N4760BZC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484760
Copier

par Margot Chambon, Doctorante en droit privé et sciences criminelles - Faculté de Droit Laboratoire de droit privé et de sciences criminelles (EA 4690)

Le 29 Mars 2023

Mots-clés : responsabilité pénale • personnes morales• homicide involontaire • suicide • faute d’imprudence • lien de causalité • droit du travail

Est responsable d’un homicide involontaire la société qui commet une faute d’imprudence simple en lien indirect mais certain avec le suicide d’un employé. Si la responsabilité pénale de l’employeur personne physique n’est pas envisagée par la Cour de cassation, son argumentaire repose cependant sur un comportement fautif déterminant de l’acte suicidaire. Par cette décision ambitieuse, la Chambre criminelle met en garde les personnes morales, voire les employeurs, contre des pratiques hiérarchiques déterminantes de l’état psychologique des salariés. La particularité de l’arrêt du 31 janvier 2023 réside dans l’étude de la causalité entre le comportement de la hiérarchie et le suicide d’un salarié en cours de réaffectation professionnelle.


 

Dans le cadre professionnel, si une faute simple suffit à engager la responsabilité pénale de la personne morale en cas de causalité indirecte [1], le fait qu’un salarié s’inflige la mort à la suite d’un processus de réaffectation professionnelle questionne quant à l’implication de l’entreprise l’employant.

En l’espèce, le commandant d’un navire de commerce maritime est prié d’assurer une passation de pouvoir et est débarqué le 25 janvier 2011 du fait de son implication dans la collision d’un navire de la société qui l’emploie. Notifié le 9 février 2011 de sa nouvelle affectation à terre à compter du 14 février suivant, le commandant se donnait la mort à cette date précise.

Poursuivie sur le fondement de l’article 226-1 du Code pénal N° Lexbase : L8546LXS disposant pour l’homicide involontaire, la société est déclarée coupable de ce chef en première instance et condamnée à une amende de 100 000 euros. La prévenue, le ministère public et les parties civiles – comprenant l’épouse du défunt – interjettent appel de cette décision. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 25 octobre 2021, confirme la condamnation de l’entreprise de commerce maritime, « agissant par son président », pour les suites données à la collision du navire sous le commandement du salarié décédé.

Le commandant, dont la responsabilité dans la collision du navire avait été totalement écartée après enquête interne, avait été réaffecté à terre. Les juges relèvent à ce titre que, selon certains cadres de l’entreprise, de tels termes sont anormalement vagues. Le salarié n’aurait pas non plus eu l’occasion de s’exprimer devant les instances décisionnaires, qui n’avaient tranché qu’après tergiversations, laissant planer un sentiment d’incertitude quant au futur professionnel du commandant. Pour ces diverses raisons, particulièrement détaillées, les juges d’appel concluent au caractère déguisé de la sanction prise à l’encontre du salarié par sa hiérarchie. Cette réaffectation soudaine et sans précisions ne pouvait constituer une « mesure transitoire ou protectrice » ni relever « du pouvoir de direction de l’employeur ». Concluant à une faute de l’employeur en lien indirect, mais certain avec le passage à l’acte suicidaire de l’employé, la cour d’appel retient ainsi la responsabilité de la personne morale quant aux circonstances de la mort du salarié.

L’affaire ayant été portée devant la Cour de cassation par la prévenue, la Chambre criminelle confirme la position de la cour d’appel et l’existence d’une causalité indirecte entre la mort du commandant et le comportement de l’employeur, alors organe ou représentant de la société [2]. Les moyens reprochent à la cour d’appel de ne pas avoir suffisamment caractérisé cette faute que constituerait le comportement de l’employeur. La Cour de cassation rejette cependant l’argumentation de la société. En effet, le processus de réflexion sur la faute et la causalité, en apparence classique en matière d’infraction non-intentionnelle, s’avère plus délicat ici du fait de l’implication de la victime elle-même dans la chaîne causale menant à son décès.

Étude capitale du lien de causalité. Si le pourvoi porte sur la remise en cause du comportement fautif de l’employeur, et plus particulièrement sur la qualification de la mesure prise à l’encontre de l’employé, l’un des moyens pose également la question du caractère certain du lien de causalité entre la mort du salarié et le comportement dit fautif de l’employeur. La société requérante argue du fait que la décision de se donner la mort résulte « d’un acte conscient, volontaire et réfléchi » du salarié. Ceci empêcherait d’affirmer de manière certaine que la réaffectation était à l’origine du passage à l’acte suicidaire.

En réalité, bien que la faute simple suffise à engager la responsabilité pénale de la personne morale, il est nécessaire de déterminer en amont la certitude du lien de causalité. Ainsi la requérante tente-t-elle d’apporter la preuve d’une ingérence extérieure dans la chaîne causale ayant entraîné le dommage [3]. À l’inverse, il incombait initialement au ministère public de prouver que, sans la décision ambiguë de réaffectation, l'état psychologique du salarié ne se serait pas détérioré et son passage à l’acte suicidaire n’aurait pas eu lieu. En d’autres termes, le comportement de l’employeur vis-à-vis de son salarié aurait été la cause principale, si ce n’est exclusive, de la volonté du salarié de mettre fin à ses jours. Notons à ce titre le poids conséquent que donne la Cour de cassation, tout comme les juges d’appel, à l’expertise psychiatrique. Il apparaît, selon les motifs de la Chambre criminelle, que les conclusions médicales et le message de la victime ne laissent pas de place au doute sur l’origine du mal-être ayant conduit au suicide. À l’appui de son pourvoi, l’entreprise poursuivie invoque également une discontinuité temporelle entre la prise de décision de réaffectation et le passage à l’acte suicidaire [4]. L’immédiateté est effectivement un critère de détermination de la responsabilité [5], mais n’a pas semblé influer sur l’établissement du lien de causalité. Face à des « informations et injonctions contradictoires de la part de [la] hiérarchie », le manque de clarté décisionnel semble avoir été bien plus déterminant dans le mal être extrême du salarié qu’un écart temporel. 

Quant au caractère indirect de la faute, s’il est de prime abord permis de douter de sa certitude, l’ingérence unique de la victime dans son propre décès exclut une qualification directe de l’intervention du comportement fautif de l’employeur dans le dommage.  

Caractère ambigu de la faute reprochée. Le pourvoi critique l’arrêt d’appel en ce qu’il omet, aux termes de l’article L. 1331-1 du Code du travail N° Lexbase : L1858H9P, de préciser si le nouveau poste à terre affectait « la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ». Dans un tel cas, la qualification de sanction aurait été envisageable pour ce changement de poste. Or, selon la prévenue, l’arrêt d’appel manque de précisions nécessaires pour retenir un caractère sanctionnateur de la décision hiérarchique.

Le rôle du salarié dans le dommage causé – le décès au sens de l’article 221-6 du Code pénal N° Lexbase : L3402IQ3 – reste par ailleurs un facteur de questionnement quant à l’issue prévisible ou non de cette affaire présentée à la Cour de cassation. Si l’étude de la chaîne causale est relativement scolaire de la part des juges, leur silence quant à l’intervention du salarié dans la chaîne causale n’est pas anodin. Le suicide reste un acte volontaire de celui qui y a recours. Paradoxalement, c’est bien un résultat dommageable involontaire qui est reproché à l’employeur. Si la pluralité de fautes n’est pas synonyme de moindre responsabilité [6], il paraîtrait délicat de s’avancer sur une faute de la victime, concernant celui qui s’inflige la mort. Seule la provocation au suicide [7] peut être poursuivie devant les juridictions judiciaires, mais elle relève de comportements intentionnels, ces actes positifs devant être déterminants du passage à l’acte suicidaire [8] – formulation finalement similaire aux termes de la décision ici commentée [9]. Si seul l’acte positif est réprimé dans un tel cas, rares sont cependant les occasions pour la Chambre criminelle de tenir pour responsable la personne morale du suicide d’un salarié [10]. En revanche, la Chambre civile de la Cour de cassation a pu reconnaître que la tentative de suicide ou le suicide d’un salarié peut être considéré comme un accident du travail, quand bien même il aurait eu lieu à son domicile [11].

Si le harcèlement moral dans le milieu scolaire alimente la jurisprudence criminelle en cas de passage à l’acte suicidaire de l’adolescent, la certitude du lien de causalité avec l’implication de l’établissement n’est pas évidente à établir. Les juges se montrent minutieux face à l’absence d’éléments suffisamment explicites de l’intervention positive ou de l’abstention de l’organe ou représentant de ces établissements publics [12]. La Cour de cassation semble néanmoins emprunter à ces raisonnements, en interprétant ici la faute d’imprudence comme déterminante du passage à l’acte de l’individu attentant à sa propre vie.

Contestable ou salutaire, la décision de la Cour de cassation mérite l’attention à plusieurs égards. D’une part, là où la responsabilité pénale des personnes morales est classiquement recherchée pour des blessures involontaires ou la mort d’un salarié dans le cadre professionnel, la faute d’imprudence de l’employeur se mêle ici à la volonté suicidaire d’un employé. Aussi paraît-il primordial de s’assurer de l’influence qu’exerce le processus de réaffectation professionnelle sur la détermination du commandant à se donner la mort. Les juges d’appel excluent même « que la victime ait pu être fragilisée par des éléments privés », facteur pouvant participer à la dégradation de l’état psychologique de la personne se donnant la mort.

D’autre part, la Cour de cassation semble alerter les entreprises sur des pratiques jouant parfois avec les limites infractionnelles, que les rapports de force hiérarchiques peuvent favoriser au sein de grandes entreprises. De telles approches, qualifiées de sanctions cachées par les juges, pourraient pousser dans certains cas l’employé à la démission [13], voire à un passage à l’acte tragique comme dans les faits de l’arrêt commenté. Au-delà des personnes morales, cette décision s’adresse aux employeurs. Une faute simple suffisait peut-être ici, empêchant d’engager la responsabilité de la personne physique ; cette dernière ne pouvant être responsable d’un homicide involontaire qu’en cas de faute caractérisée ou de mise en danger délibérée.  Dès lors, la Cour ne serait-elle pas encline à envisager prochainement une faute qualifiée, et donc à rechercher la responsabilité de l’employeur personne physique pour le suicide d’un salarié ?


[1] V. par exemple : Cass. crim., 24 octobre 2000, n° 00-80.378 N° Lexbase : A3695AUE.

[2] Rappelons à ce titre que l’article 121-2 du Code pénal N° Lexbase : L3167HPY exige une faute simple ou qualifiée de l’organe ou représentant de la personne morale, agissant pour son compte lors de la réalisation du dommage, pour pouvoir engager sa responsabilité pénale.

[3] V. par exemple en matière médicale : Cass. crim., 14 mai 2008, n° 08-80.202, F-P+F N° Lexbase : A7954D84 ; Cass. crim., 20 novembre 1996, n° 95-85.013 N° Lexbase : A0934ACL ; Cass. crim., 22 mars 2005, n° 04-84.459, F-D N° Lexbase : A4661XED.

[4] Le commandant était notifié de la décision de réaffectation le 9 février et se donnait la mort le 14 février suivant, soit cinq jours après.

[5] B. Bouloc, Droit pénal général, Dalloz, 27e édition, 2021, p.280

[6] Y. Mayaud, Violences involontaires et responsabilité pénale, Dalloz, 2003, p.190

[7] C. pén., art. 223-13 N° Lexbase : L9689IEL. Le suicide n’est ainsi pas sanctionné par le Code pénal, tout comme sa complicité – le fait principal punissable étant inexistant.

[8] V. Malabat, Droit pénal spécial, Dalloz, 10e édition, 2022, p.168 ; E. Dreyer, Droit pénal spécial, LGDJ, 2020, pp. 714-715.

[9] Des conflits de qualifications entre provocation au suicide et homicide involontaire ont déjà pu être envisagés : Cass. crim., 5 mars 1992, n° 91-81.295 N° Lexbase : A8749CMY : J.-P. Doucet, note, Gaz. Pal. 1993, n° 2, somm. 486 ; G. Levasseur, obs., RSC, 1993, n° 325. Notons à ce sujet que l’article 223-15-1 du Code pénal N° Lexbase : L2161IER permet de sanctionner la personne morale pour cette infraction.

[10] À ce titre, seuls les cas de suicides chez France Télécom au début des années 2000 ont eu pour résultat la qualification pénale d’une infraction intentionnelle, la cour d’appel de Paris ayant reconnu l’existence d’un « harcèlement moral institutionnel » au sein de l’entreprise, du fait des restructurations et des conditions de travail engendrées (CA Paris, 30 septembre 2022). La Cour de cassation avait elle-même confirmé la mise en examen de certains des dirigeants poursuivis, notamment pour harcèlement moral et sa complicité (Cass. crim., 5 juin 2018, n° 17-87.524, F-D N° Lexbase : A7365XQT).

[11] Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-13.771, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A2849DU3.

[12] V. par exemple : Cass. crim., 19 janvier 2022, n° 21-82.598, F-D N° Lexbase : A18637K9.

[13] Ici, le recours au licenciement n’était pas envisageable, tel que le précise la cour d’appel, l’absence de faute du commandant étant établie par l’enquête interne.

newsid:484760

Entreprises en difficulté

[Brèves] Créances salariales et forclusion : conséquence de l'omission de mentions devant figurer dans la lettre du mandataire judiciaire

Réf. : Cass. soc., 22 mars 2023, n° 21-14.604, F-B N° Lexbase : A06879KN

Lecture: 3 min

N4901BZK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484901
Copier

par Vincent Téchené

Le 29 Mars 2023

► L'information délivrée par le mandataire judiciaire aux salariés comprend, au titre des modalités de saisine de la juridiction compétente, l'indication de la saisine par requête de la formation de jugement du conseil de prud'hommes compétent et la possibilité de se faire assister et représenter par le représentant des salariés. En l'absence de ces mentions, ou lorsqu'elles sont erronées, le délai de forclusion ne court pas.

Faits et procédure. Un salarié a saisi la juridiction prud'homale le 10 octobre 2016 pour obtenir la fixation de sa créance salariale au titre d'un rappel de salaire lié à une reclassification conventionnelle et d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires.

La cour d’appel ayant retenu que les demandes du salariés étaient forcloses, il a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 625-1 N° Lexbase : L3315ICR et R. 625-3 N° Lexbase : L9397LUL du Code de commerce.

Pour rappel, selon le premier de ces textes, le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou partie sur un relevé des créances résultant du contrat de travail établi par le mandataire judiciaire peut saisir, à peine de forclusion, le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de la mesure de publicité de ce relevé.

Aux termes du second texte, le mandataire judiciaire informe par tout moyen chaque salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées, lui indique la date du dépôt du relevé des créances au greffe et lui rappelle que le délai de forclusion prévu à l'article L. 625-1 du Code du commerce, court à compter de la publication du relevé.

Ainsi, selon la Haute juridiction, en application de ces textes, l'information délivrée par le mandataire judiciaire comprend, au titre des modalités de saisine de la juridiction compétente, l'indication de la saisine par requête de la formation de jugement du conseil de prud'hommes compétent et la possibilité de se faire assister et représenter par le représentant des salariés. Il s'ensuit qu'en l'absence de ces mentions, ou lorsqu'elles sont erronées, le délai de forclusion ne court pas.

Or, il résulte des constatations de la cour d’appel que le liquidateur n'avait pas indiqué au salarié la nature et le montant de ses créances admises ou rejetées ni le lieu et les modalités de saisine de la juridiction compétente. Par conséquent,  elle a violé les textes visés.

Observations. La Cour de cassation opère ici le rappel d’une solution précédemment dégagée (Cass. soc., 7 février 2006, n° 03-47.937, F-P N° Lexbase : A8402DM7) sous l’empire des textes antérieurs à la loi de sauvegarde (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), mais dont la reconduction pour les procédures ouvertes après le 1er janvier 2006 ne faisait, selon nous, guère de doute.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les relevés de créances salariales, Le délai de recours et sa sanction : la forclusion du salarié, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E1751EQW.

 

newsid:484901

Environnement

[Textes] Loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables : le volet éolien

Réf. : Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables N° Lexbase : L1382MHN

Lecture: 7 min

N4844BZG

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484844
Copier

par Lou Deldique, GREEN LAW AVOCATS

Le 29 Mars 2023

Mots clés : énergies renouvelables • éolien • espèces protégées • saturation visuelle • radars

La loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, contient plusieurs dispositions visant à favoriser le développement de l'énergie éolienne (intérêt public majeur présumé, assouplissement des conditions d’obtention d’une dérogation espèces protégées), mais également d'autres qui pourraient avoir l'effet inverse (saturation visuelle, prise en compte des nuisances pour les riverains).


 

À la suite des déclarations du Gouvernement lors de l’été 2022, l’instruction du 16 septembre 2022 relative à l'organisation de la répartition et du délestage de la consommation de gaz naturel et de l'électricité dans la perspective du passage de l'hiver 2022-2023 et à l'accélération du développement des projets d'énergie renouvelable [1] annonçait un certain nombre de mesures concernant le traitement des dossiers éoliens par les services de l’État :

- accélération de l’instruction des demandes d’autorisation ;

- allègement des bridages pour optimiser la production d’électricité ;

- recensement des blocages pouvant être facilement être levés ;

- et fin des pourvois en cassation contre les décisions d’annulation des arrêtés de refus.

À ce jour, les opérateurs constatent que ce dispositif est resté lettre morte du côté des services de l’État : les délais d’instruction n’ont connu aucune évolution, l’envoi de la liste des projets en instruction depuis plus de 12 mois à la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) n’a pas connu de suite (à supposer d’ailleurs que les préfets aient véritablement envoyé ces informations, ce qui n’est nullement acquis…), l’État a continué à se pourvoir en cassation, à refuser de lever les blocages pour lesquels des solutions simples existent [2], à assortir les autorisations de bridage tellement excessifs que les projets ne peuvent pas être mis en œuvre… Au final, l’instruction du 16 septembre 2022 a donc surtout révélé les contradictions de l’exécutif, qui reste partagé entre l’objectif annoncé de développement de l’éolien et son souhait de tenir compte des préoccupations des opposants à ce type d’ENR.

C’est dans ce contexte que la loi « EnR » du 10 mars 2023 a été débattue puis votée : initialement sensé permettre une accélération des projets, le texte adopté en dernière lecture comporte quelques mesures qui auront effectivement cet effet, mais aussi de nouveaux freins.

Voici les principales mesures que nous avons pu identifier.

Les projets éoliens vont tout d’abord être les premiers bénéficiaires de l’assouplissement des conditions d’obtention d’une dérogation espèces protégées : en effet, les conditions prévues aux articles L. 411-1 N° Lexbase : L7924K9D et suivants du Code de l’environnement [3] restaient difficiles à remplir pour ces projets, malgré la lecture constructive qu’avait consacrée le Conseil d’État fin 2022 [4].

La loi du 10 mars 2023 crée, dans la lignée du Règlement européen du 22 décembre 2022 [5], un nouvel article L. 411-2-1 dans le Code de l’environnement qui dispose que « sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur […] les projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie dans le système électrique satisfaisant aux conditions prévues à l'article L. 211-2-1 du Code de l'énergie. »

Ces conditions ne sont pas encore fixées, mais l’article L. 211-2-1 du Code de l’énergie N° Lexbase : L1873MHT précise qu’elles seront établies en tenant compte du type de source d'énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l'installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

S’agissant des blocages liés à la présence de radars, le nouvel article L. 515-45-1 du Code de l’environnement N° Lexbase : L1857MHA prévoit qu’il peut être requis des opérateurs éoliens de compenser la gêne résultant de leurs projets pour ces installations en :

- prenant en charge l’installation et la maintenance d’équipements de compensation pour le fonctionnement des radars de l’Armée ou de la DGAC (notons que montant et les modalités de cette prise en charge sont définis par une convention conclue, selon le cas, avec l'autorité militaire ou avec le ministre chargé de l'aviation civile) ;

- ou en fournissant des données d'observation à Météo-France.

Cette disposition peut, quand on connait l’opposition quasi-systématique des opérateurs radars aux projets éoliens et leur refus permanent d’engager un dialogue sur les mesures pouvant permettre la cohabitation entre leurs installations et les projets, paraître surprenante. Toutefois, elle nous semble pertinente, et on ne peut qu’espérer qu’elle soit mise en œuvre à bon escient.

Le texte prévoit également de rationaliser le déploiement de l’éolien en mer avec un dispositif de planification (les documents stratégiques de façade maritime) qui identifiera des zones prioritaires pour les parcs éoliens et leurs raccordements [6] : la cartographie de ces zones est annoncée pour 2024.

Notons que le contentieux relatif aux autorisations d’occupation du domaine public maritime est aligné sur le régime de l’autorisation environnementale, avec notamment la création de la possibilité pour le juge de surseoir à statuer en vue de permettre une régularisation de l’acte attaqué [7].

Enfin, comme on le disait en introduction, le texte comporte aussi des freins au développement éolien.

Il consacre la notion de saturation visuelle (qui est, comme on le sait, spécifique au contentieux éolien), en prévoyant que :

- les SCOT devront désormais l’intégrer dans leur partie réglementaire, au titre des orientations en matière de préservation des paysages [8] ;

- et que les autorisations environnementale devront tenir compte « du nombre d'installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent déjà existantes dans le territoire concerné, afin de prévenir les effets de saturation visuelle en vue de protéger les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 » [9].

Inutile de dire que cette mesure devrait permettre de fonder bon nombre de refus : en effet, la notion de saturation visuelle, qui a la particularité d’être au croisement entre l’objectif de préservation des paysages et celui de protection de la commodité du voisinage [10], est souvent invoquée par les opposants et l’État pour s’opposer aux projets s’inscrivant dans une logique de densification éolienne. Or, s’il s’agit évidemment d’une préoccupation légitime, la notion a l’inconvénient d’être très subjective [11], et on ne peut que regretter que le législateur ne cherche pas à la rationaliser.

Toujours dans la même logique, l’article 68 de la loi prévoit que le Gouvernement devra, dans un délai d’un an à compter de sa promulgation, établir un rapport sur les nuisances sonores des éoliennes pour les riverains, ainsi que sur les mesures de nature à limiter les inconvénients générés par le balisage lumineux (le balisage intermittent notamment) : des propositions devront être faites sur la prise en compte de ces données dans les dispositifs réglementaires.

Enfin, comme on le sait, la loi crée des zones d'accélération des énergies renouvelables [12] qui permettront aux collectivités de s’approprier les objectifs nationaux de développement des ENR : à nouveau, cette mesure a le mérite de faire davantage participer les acteurs locaux au déploiement de l’éolien, mais il s’agit néanmoins d’un énième document à élaborer… Sa rédaction devrait durer de nombreux mois, pendant lesquels les autorités défavorables à l’éolien imposeront certainement un gel de l’avancement de projets… Sans compter que les documents d'urbanisme et d'aménagement (Scot, PLU, cartes communales, OCAET, SRCAE…) devront ensuite être mis en cohérence avec ces zones, ce qui induira de nouveaux délais, et de nouvelles procédures : où est passé l’effet d’accélération annoncé ?

Surtout, les communes disposent d’un droit de veto sur la création de ces zones sur leur territoire : là encore, on ne peut que redouter que ce mécanisme (qui n’est pas sans rappeler celui des anciennes ZDE) se transforme rapidement en outil au profit des collectivités anti-éoliennes.

Le texte prévoit donc plusieurs mesures qui sont davantage destinées à améliorer l’acceptabilité locale des projets éoliens qu’à accélérer leur réalisation…on ne peut qu’espérer qu’elles auront un effet accélérateur sur le long terme.


[1] Instr. DGEC, n° ENER2226074C, du 16 septembre 2022, relative à l'organisation de la répartition et du délestage de la consommation de gaz naturel et de l'électricité dans la perspective du passage de l'hiver 2022-2023 et à l'accélération du développement des projets d'énergie renouvelable N° Lexbase : L2872MHT.

[2] Certains projets avaient par exemple fait l’objet de refus dès le stade de la phase d’examen à cause d’avis conformes défavorables de la DGAC ou de l’Armée : ce blocage était tout à fait normal, mais il est surprenant de constater que même après intervention d’un nouvel avis favorable, les services préfectoraux refusent parfois de reprendre l’instruction.

[3] Ces conditions sont : l’absence d'autre solution satisfaisante, le maintien de l'espèce concernée dans un bon état de conservation, et l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur présidant à la réalisation du projet.

[4] CE, avis, 9 décembre 2022, n° 463563 N° Lexbase : A75638YR ; voir aussi CAA Lyon, 15 décembre 2022, n° 21LY00407 N° Lexbase : A575784Y.

[5] Règlement (UE) 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022, établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables N° Lexbase : L3163MGA.

[6] Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, art. 56 à 66.

[7] CGPPP, nouvel article L. 2331-1-1 N° Lexbase : L1802MH9.

[8] Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, art. 1, C. urb., art. L. 141-1 N° Lexbase : L4673LXD.

[9] Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, art. 2, C. env., art. L. 515-44 N° Lexbase : L1856MH9.

[10] Deux notions énoncées à l’article L. 511-1 du Code de l'environnement N° Lexbase : L6525L7S.

[11] Voir pour un exemple d’affaire révélant les différentes approches de cette notion de saturation visuelle : CAA Douai, 18 juillet 2022, n° 21DA00632 N° Lexbase : A45778CI.

[12] Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, art. 15, C. énergie, art. L. 141-5-3 {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 94094977, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "L141-5-3", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L1870MHQ"}}.

newsid:484844

Habitat-Logement

[Brèves] La procédure administrative d’expulsion du domicile d’autrui, validée, sous réserve d’interprétation, par le Conseil constitutionnel

Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1038 QPC, du 24 mars 2023 N° Lexbase : A50169KY

Lecture: 5 min

N4884BZW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484884
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 29 Mars 2023

► Sont jugées conformes à la Constitution, sous une réserve d’interprétation, les dispositions de l’article 38 de la loi n° 2007-290, du 5 mars 2007, permettant d’obtenir du préfet l’évacuation forcée de l’occupant irrégulier d’un domicile ; ces dispositions ne sauraient alors être interprétées comme autorisant le préfet à procéder à la mise en demeure sans prendre en compte la situation personnelle ou familiale de l'occupant dont l'évacuation est demandée.

Les dispositions contestées. Les dispositions contestées étaient celles de l'article 38 de la loi n° 2007-290, du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale N° Lexbase : L5929HU7, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525, du 7 décembre 2020, d’accélération et de simplification de l’action publique N° Lexbase : L9872LYB.

Aux termes de ces dispositions, la personne dont le domicile est occupé de manière illicite, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, peut, sous certaines conditions, demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux. En cas de refus de ce dernier, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement.

Critiques. La requérante reprochait à ces dispositions d'instituer une procédure administrative permettant l'expulsion de l'occupant d'un logement sans prévoir d'examen contradictoire de sa situation personnelle et familiale, ni de recours suspensif garantissant qu'un juge se prononce avant qu'il soit procédé à son évacuation forcée. Elle prétendait qu’il en résultait une méconnaissance du droit au recours juridictionnel effectif ainsi que du droit au respect de la vie privée et du droit à l'inviolabilité du domicile.

Elle critiquait, par ailleurs, la différence de traitement injustifiée entre les occupants d'un logement selon qu'ils font l'objet de la procédure d'expulsion prévue par ces dispositions ou de la procédure d'expulsion juridictionnelle de droit commun.

Contrôle du Conseil constitutionnel. Après rappel de la teneur des articles 2 N° Lexbase : L1366A9H (droit au respect de la vie privée et, en particulier, inviolabilité du domicile) et 16 N° Lexbase : L1363A9D (droit à un recours effectif devant une juridiction) de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, les Sages relèvent les points suivants.

1°) En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer l'évacuation à bref délai des domiciles illicitement occupés. Ce faisant, il a cherché à protéger le principe de l'inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée et le droit de propriété des occupants réguliers.

2°) En deuxième lieu, d'une part, la mise en demeure ne peut être demandée au préfet qu'en cas d'introduction et de maintien à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte dans un domicile. D'autre part, elle ne peut être mise en œuvre qu'après que le demandeur a déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile, et fait constater par un officier de police judiciaire cette occupation illicite. Dès lors, le préfet ne peut mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux que dans le cas où il est constaté que ce dernier s'est introduit et maintenu dans le domicile en usant lui-même de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte.

3°) En troisième lieu, ces dispositions prévoient que le préfet peut ne pas engager de mise en demeure dans le cas où existe, pour cela, un motif impérieux d'intérêt général. Toutefois, elles ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au principe de l'inviolabilité du domicile, être interprétées comme autorisant le préfet à procéder à la mise en demeure sans prendre en compte la situation personnelle ou familiale de l'occupant dont l'évacuation est demandée.

4°) En quatrième lieu, le délai laissé à l'occupant pour déférer à la mise en demeure de quitter les lieux ne peut être inférieur à 24 heures.

5°) En dernier lieu, d'une part, les dispositions contestées ne privent pas l'occupant de la possibilité d'introduire un référé sur le fondement de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3059ALU ou d'exercer un recours contre la mise en demeure devant le juge administratif qui, sur le fondement des articles L. 521-1 N° Lexbase : L3057ALS et L. 521-2 N° Lexbase : L3058ALT du même code, peut suspendre l'exécution de la mise en demeure ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. D'autre part, le caractère non suspensif d'une voie de recours ne méconnaît pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel effectif. En outre, en cas d'illégalité de la décision administrative d'évacuation forcée de l'occupant, ce dernier peut exercer un recours indemnitaire devant le juge administratif.

Selon le Conseil constitutionnel, il résulte de ce qui précède que, compte tenu des garanties mentionnées précédemment et sous la réserve énoncée au 3° ci-dessus, les dispositions contestées ne peuvent pas être regardées comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée ou le principe de l'inviolabilité du domicile. Elles ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif.

newsid:484884

Notaires

[Brèves] Non-déductibilité des frais d’avocats et droits à la retraite des notaires

Réf. : QE n° 2156 de M. Christophe Plassard, JOANQ 11 octobre 2022 p. 4497 , réponse publ. 7 février 2023 p. 1132, 16e législature N° Lexbase : L2865MHL

Lecture: 2 min

N4841BZC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484841
Copier

par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le 04 Avril 2023

Par une réponse écrite formulée par Monsieur le Député Christophe Plassard, député de la Charente-Maritime, au Gouvernement, la question épineuse du traitement fiscal des honoraires d’avocats engagés par un notaire dans un contentieux pour faire valoir ses droits à la retraite a été tranchée.

Le Gouvernement était amené à se prononcer sur la problématique suivante : Les honoraires d’avocats peuvent-ils faire l’objet de frais professionnels déductibles fiscalement par le notaire ?

Dans une réponse publiée le 7 février 2023, le Gouvernement a éclairci la situation des notaires individuels, associés et salariés.

  • Un notaire exerçant son activité à titre individuel, et dont les revenus de ses charges et offices sont imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), ne peut considérer comme déductibles au sens de larticle 93 du Code général des impôts N° Lexbase : L4105MG7 les honoraires d’avocats engagés dans le cadre d’un litige prud’homal visant à faire reconnaître ses droits à la retraite. Ces dépenses ne se rattachent pas directement à l’activité de notaire et cette déduction n’est par ailleurs admise par aucune disposition expresse de la loi.
  • Concernant le statut de notaire associé d’une société soumise à l’IS, la prise en charge par la société d’une dépense d’ordre personnel de l’un de ses associés est constitutive d’un acte anormal de gestion, non déductible du résultat imposable de l’entreprise par application de l’article 39 du Code général des impôts N° Lexbase : L4100MGX.
  • Les notaires salariés dont les revenus tirés de l’exercice de leur activité sont imposés dans la catégorie des traitements et salaires. Ils ne peuvent déduire les frais engagés dans le cadre d’une procédure prud’homale dans la mesure où ces dépenses ne sont pas engagées en vue de l’acquisition et la conservation d’un revenu imposé dans cette catégorie mais ont pour unique but de mettre fin à leur activité professionnelle.

 

newsid:484841

Procédure civile

[Brèves] Illustration sur la titularité d’un titre exécutoire et la demande de condamnation du débiteur

Réf. : Cass. civ. 1, 1er mars 2023, n° 21-22.091, F-B N° Lexbase : A17829G4

Lecture: 2 min

N4640BZU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484640
Copier

par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 28 Mars 2023

►Il incombe au juge de trancher la contestation dont il est saisi ; les Hauts magistrats censurent la cour d’appel qui dit n'y avoir lieu de statuer sur une demande en paiement du prix d'un marché de travaux au motif que le créancier disposait déjà d'un titre exécutoire délivré par un huissier de justice en application de l'article L. 131-73 du Code monétaire et financier ; il ressort du cas d’espèce que la titularité d'un titre exécutoire établi en application de l’article précité n'est pas en soi de nature à priver d'objet la demande d'un créancier de condamnation de son débiteur à lui payer sa créance.

Faits et procédure. Dans cette affaire, des époux ont confié la réalisation de travaux de rénovation de leur maison. En mai 2018, M. A a livré les équipements et matériaux commandés et a établi un bon de commande. Les époux ont émis un chèque en paiement du solde du prix du marché, mais ce dernier n'a pas été honoré en raison d'une absence de provision suffisante. Un huissier de justice a délivré un titre exécutoire après la signification d’un certificat de non-paiement.

Par la suite, l’époux a sollicité par assignation l’annulation du contrat, la restitution des sommes versées et une indemnisation. Le défendeur a de son côté demandé la condamnation du demandeur à lui payer le solde du prix du marché.

Sur les moyens du pourvoi principal, la cour d'appel a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée, car ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi incident. Le demandeur fait grief à l’arrêt (CA Agen, 5 juillet 2021, n° 19/01156 N° Lexbase : A26794YU) de ne pas statuer sur sa demande en paiement du solde du prix de la commande. L’intéressé fait valoir la violation de l’article 4 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2229AB8. En l’espèce, la cour d’appel pour ne pas statuer sur cette demande a retenu que le défendeur ne pouvait demander à la cour de condamner son débiteur, alors qu’il disposait déjà d’un titre exécutoire pour ce montant établi par l’huissier de justice.

Solution. Énonçant la solution précitée, au visa de l’article 4 du Code de procédure civile la Cour de cassation, censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule l'arrêt en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande en paiement du solde du prix de la commande.  

newsid:484640

Procédure civile

[Brèves] Revirement de la position de la Cour de cassation sur la recevabilité du recours en révision à l’encontre d’un jugement non notifié dans les deux ans de son prononcé

Réf. : Cass. civ. 2, 23 mars 2023, n° 21-18.252, FS-B N° Lexbase : A39459KC

Lecture: 5 min

N4851BZP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484851
Copier

par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 29 Mars 2023

Aux termes des dispositions de l'article 528-1 du Code de procédure civile, si le jugement n'a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n'est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l'expiration dudit délai ; opérant un revirement de sa jurisprudence la Cour de cassation énonce que ces dispositions ne s’appliquent pas au recours en révision, qui n’est ouvert que pour l'une des causes prévues à l’article 595 du code précité, et dont le délai de deux mois ne court qu'à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un particulier a fait construire une maison d’habitation par une société, sous la maîtrise d’œuvre d’un architecte, tous deux assurés auprès de différentes compagnies d’assurance. Des fissures sont apparues sur les murs extérieurs de la maison et une expertise judiciaire a révélé que la construction ne respectait pas les normes parasismiques. Le demandeur a assigné les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation et garantie. En 2012, une cour d'appel a déclaré les constructeurs responsables in solidum de la non-conformité de la maison aux normes de construction parasismiques, a ordonné une expertise, a débouté l’architecte et son assureur de leur action en garantie contre la CAMBTP. En 2014, sur opposition de la société, une cour d’appel a fixé à 50 % la part des responsabilités incombant respectivement des défendeurs dans la réalisation du dommage. En 2017, une cour d’appel statuant sur le préjudice a condamné in solidum les défendeurs à lui payer diverses sommes en réparation de son préjudice matériel et de jouissance, rejetant sa demande de démolition-reconstruction. Le pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt a été rejeté (Cass. civ. 3, 14 février 2019, n° 18-11.836, FS-D N° Lexbase : A3357YXM). En décembre 2020, le demandeur initial a assigné de nouveau les défendeurs et la MAF en révision de l’arrêt de 2017 afin de rétracter la décision et de condamner l’architecte sous la garantie de la MAF, à lui payer différentes sommes.

Le pourvoi. Le demandeur fait grief à l'arrêt (CA Nancy, 25 mai 2021, n° 19/0372 N° Lexbase : A05964UM), d’avoir déclaré irrecevable son recours en révision.

En l’espèce, l’arrêt a retenu qu’il est admis que les dispositions de l'article 528-1 du Code de procédure civile s'appliquent tant aux voies de recours ordinaires que extraordinaires et qu'ainsi, un recours en révision contre un jugement qui n'a pas été notifié dans les deux ans de son prononcé est irrecevable.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa des articles 528 N° Lexbase : L6676H7E, 528-1 N° Lexbase : L6677H7G, 593 N° Lexbase : L6750H77, 595 N° Lexbase : L6752H79 et 596 N° Lexbase : L6753H7A du Code de procédure civile et l'article 6 § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR, la Cour de cassation relève que la cour d’appel a violé les textes susvisés. Elle annule l’arrêt rendu par la cour d’appel de Nancy et renvoie l’affaire.

Les Hauts magistrats rappellent qu’il avait été jugé (Cass. civ. 2, 7 juillet 2005, n° 03-15.662, FS-P+B N° Lexbase : A8829DIT et Cass. civ. 2, 17 mai 2018, n° 16-28.742, F-P+B N° Lexbase : A4527XNY) que l’article 528-1 du code précité s'appliquant aux voies de recours ordinaires et extraordinaires, une partie qui a comparu n'est pas recevable, en application de ces dispositions, à former un recours en révision contre un jugement qui n'a pas été notifié dans les deux ans de son prononcé. Néanmoins, ils énoncent qu’il a lieu de reconsidérer cette interprétation.

La Cour de cassation commence par rappeler le but de l’article précité, et précise que le recours en révision, qui n’est que pour l'une des causes limitativement énumérées à l'article 595 du Code de procédure civile, court à compter, non de la date de notification du jugement, mais du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque. Les Hauts magistrats retiennent que « l’objectif sur recours en révision destiné à faire obstacle au maintien d'une décision de justice, serait-elle irrévocable, qui aurait été obtenue par fraude ou selon un déroulement déloyal de la procédure, est étranger à celui poursuivi par l'article 528-1 du Code de procédure civile » ; et qu’«  interdire à la partie à l'encontre de laquelle le jugement a été rendu la faculté d'agir en révision, faute pour celui-ci d'avoir été notifié dans les deux ans de son prononcé, méconnaîtrait, eu égard à la finalité du recours en révision, tant le droit d'accès au juge que le droit à un procès équitable, garantis par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »

newsid:484851

Procédure pénale

[Brèves] Détention provisoire : rappel sur les conséquences d’une mise en examen supplétive

Réf. : Cass. crim., 22 mars 2023, n° 23-80.213, F-B N° Lexbase : A39489KG

Lecture: 5 min

N4821BZL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484821
Copier

par Adélaïde Léon

Le 26 Avril 2023

► Il se déduit de l’article 145-2 du Code de procédure pénale que, lorsqu’une personne a déjà été placée sous mandat de dépôt délictuel et qu’elle est, dans la même information, mise en examen supplétivement pour de nouveaux faits, antérieurs à son placement en détention et entraînant une qualification criminelle, le délai d’un an commence à courir à compter de la date du mandat de dépôt initial.

Rappel des faits et de la procédure. Une femme est mise en examen des chefs de non-empêchement d’un crime ou d’un délit contre l’intégrité physique et non-dénonciation de crime et placée en détention provisoire du 23 juillet au 22 novembre 2021.

Le 29 mars 2022, l’intéressée est mise en examen de manière supplétive du chef de tentative de vol avec violence ayant entraîné la mort et placée à nouveau en détention par un mandat de dépôt criminel.

Elle forme une demande de mise en liberté qui est rejetée le 15 décembre 2022 par le juge des libertés et de la détention (JLD). L’intéressée relève alors appel de cette décision.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance du JLD au motif que, s’agissant d’une mise en examen supplétive sur le fondement de faits nouveaux, il n’y avait pas lieu de tenir compte, pour la computation du délai de l’article 145-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3506AZU, des autres mois de détention exécutés, dans la même information, sur le fondement d’un mandat de dépôt délictuel.

Le mandat de dépôt criminel ayant été prononcé pour une durée d’un an, il court jusqu’au 28 mars 2023 et la détention de la personne concernée avait pu se poursuivre au-delà du 29 novembre 2022 sans être arbitraire.

L’intéressée a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance ayant rejeté la demande de mise en examen aux motifs que le premier mandat devait, à raison du caractère supplétif de la mise en examen du 29 mars 2022 être considéré comme un mandat de dépôt criminel et que la prolongation de la détention devait être calculée en tenant compte de la détention provisoire déjà effectuée de ce chef, donc à compter de la délivrance du premier mandat délictuel.

Selon le pourvoi, la chambre de l’instruction avait prolongé la détention de l’intéressée au-delà de la durée maximale à laquelle elle pouvait être soumise.

Décision. La Chambre criminelle casse et annule l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa de l’article 145-2 du Code de procédure pénale et ordonne la mise en liberté de l’intéressée ainsi que son placement sous contrôle judiciaire.

Selon ces dispositions, en matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d’un an. Cet article prévoit par ailleurs les modalités et circonstances d’éventuelles prolongations.

La Haute juridiction affirme qu’il se déduit de l’article 145-2 du Code de procédure pénale que, lorsqu’une personne a déjà été placée sous mandat de dépôt délictuel, et qu’elle est, dans la même information, mise en examen supplétivement pour de nouveaux faits, antérieurs à son placement en détention et entraînant une qualification criminelle, le délai d’un an commence à courir à compter de la date du mandat de dépôt initial.

La Chambre criminelle confirme ici une solution qu’elle avait retenue dès 1991 (Cass. crim., 29 octobre 1991, n° 91-84.772, publié au bulletin N° Lexbase : A0331ABU) : « en cas de changement de qualification des faits ou de notification d'une nouvelle inculpation, le titre initial de détention demeure valable, la détention se trouvant alors soumise aux règles qui découlent de la nouvelle qualification ou inculpation ; qu'il s'ensuit que le délai de un an prévu par l'article 145-2 du Code de procédure pénale et résultant de la nouvelle inculpation a commencé à courir à compter [de la] date du mandat de dépôt initial ».

Estimant que la chambre de l’instruction a méconnu les dispositions précitées, la Cour de cassation ordonne la remise en liberté de l’intéressée. Toutefois, considérant qu’il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblables que cette personne ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d’instruction est saisi, la Haute juridiction juge le placement de celle-ci sous contrôle judiciaire indispensable afin d’assurer plusieurs objectifs de l’article 144 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9485IEZ. La Chambre criminelle ordonne donc qu’elle soit placée sous contrôle judiciaire et soumise à plusieurs obligations énumérées dans le dispositif.

Pour aller plus loin : N. Catelan, ÉTUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction : contrôle judiciaire, assignation à résidence et détention provisoire, La durée de la détention provisoire, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E4789Z9A.

newsid:484821

Représentation du personnel

[Brèves] Les conditions de désignation d’un représentant syndical au CSE s’apprécient à la date des dernières élections

Réf. : Cass. soc., 22 mars 2023, n° 22-11.461, F-B N° Lexbase : A06969KY

Lecture: 2 min

N4819BZI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484819
Copier

par Charlotte Moronval

Le 30 Mars 2023

► C'est à la date des dernières élections que s'apprécient les conditions d'ouverture du droit pour un syndicat de désigner un représentant au comité social et économique (CSE).

Faits et procédure. À l’issue d’élections professionnelles qui ont lieu dans une société le 26 août 2020, un salarié est désigné délégué syndical par un syndicat. Dans un courrier en date du 30 juillet 2021, ce même syndicat désigne un salarié en qualité de représentant syndical au CSE.

Pour rappel. Aux termes de l'article L. 2314-2 du Code du travail N° Lexbase : L8508LG9, sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de 300 salariés, prévues à l'article L. 2143-22 N° Lexbase : L8651LGI, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au comité. Il assiste aux séances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et doit remplir les conditions d'éligibilité au CSE, fixées à l'article L. 2314-19 N° Lexbase : L2124MGR.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2312-34 du Code du travail N° Lexbase : L8265LG9, le seuil de 300 salariés est réputé franchi lorsque l'effectif de l'entreprise dépasse ce seuil pendant 12 mois consécutifs.

La société conteste cette désignation devant le tribunal judiciaire.

Pour débouter la société de sa demande, le tribunal retient que c'est à la date de la désignation du représentant syndical que doit s'apprécier l'effectif des 12 derniers mois. Ainsi, un nouveau décompte des effectifs doit être réalisé sur les douze mois précédant le 30 juillet 2021. Elle conclue que la société, sur qui repose la charge de la preuve, n'apporte pas l'ensemble des documents nécessaires et exploités de façon irréfutable pour solliciter l'annulation de la désignation du salarié.

L’employeur forme un pourvoi en cassation.

La solution de la Cour de cassation. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule le jugement rendu par le tribunal judiciaire.

Celui-ci aurait dû se placer à la date des dernières élections pour apprécier si la société établissait que l'effectif de l'entreprise n'avait pas atteint le seuil de 300 salariés pendant 12 mois consécutifs.

Pour aller plus loin :

  • v. déjà : Cass. soc., 15 avril 2015, n° 14-19.197, FS-P+B N° Lexbase : A9303NGN (s'agissant d'un comité d'entreprise) ;
  • v. aussi ÉTUDE : La délégation du personnel au comité social et économique, Les représentants syndicaux au comité social et économique, in Droit du travail N° Lexbase : E0183ZR9.

newsid:484819

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Invalidité de l'accord collectif de rupture conventionnelle collective visant à se substituer à un PSE pour cessation d’activité

Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 21 mars 2023, n° 459626, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A39169KA

Lecture: 2 min

N4836BZ7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484836
Copier

par Charlotte Moronval

Le 29 Mars 2023

► Un accord collectif de rupture conventionnelle collective ne peut être validé par l’autorité administrative lorsqu’il vise à se substituer à un PSE pour cessation d’activité.

Rappel. Depuis 2017, le Code du travail prévoit la possibilité d’accords portant rupture conventionnelle collective (RCC). Ce dispositif, qui comporte des différences par rapport aux « plans de départs volontaires » qui existaient déjà antérieurement et qui ne sont pas régis par le Code du travail, autorise un employeur à proposer à ses salariés de mettre volontairement fin à leur contrat de travail en échange de contreparties fixées dans le cadre d’un accord collectif majoritaire signé avec des organisations syndicales représentatives. Ces ruptures conventionnelles excluent le licenciement comme la démission et ne peuvent être imposées par l’une ou l’autre des parties.

La loi précise que, comme en matière de plans sociaux, il revient à l’administration (les DREETS) de valider de tels accords pour s’assurer de leur légalité et que les décisions de l’administration - de validation ou de refus de validation - ne peuvent être contestées que devant le juge administratif.

Pour aller plus loin :

  • v. fiche pratique, Comment recourir à la rupture conventionnelle collective ?, Droit du travail N° Lexbase : N8568BXM ;
  • v. ÉTUDE : Les ruptures d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif, Le contrôle et la validation obligatoire par la DREETS, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9964ZT9.

Faits et procédure. En l’espèce, le Conseil d'État a été saisi par une société lui demandant de confirmer la validation par l’administration de l’accord de rupture conventionnelle collective signé en décembre 2020 et annulé par la cour administrative d’appel en octobre 2021 (CAA Versailles, 20 octobre 2021, n° 21VE02220 N° Lexbase : A60887AQ).

La position du Conseil d’État. La Haute juridiction administrative juge que si un accord portant rupture conventionnelle collective peut être validé lorsqu’il est conclu pour un motif économique, il ne peut l’être en cas de cessation d’activité d’une entreprise ou d’un de ses établissements qui conduit de manière certaine à ce que les salariés n’ayant pas opté, dans le cadre de l’accord portant RCC, pour une rupture d’un commun accord de leur contrat de travail, doivent faire l’objet d’un licenciement pour motif économique dans le cadre d’un PSE.

En l’espèce, la fermeture de l’activité de production d’un établissement de l’entreprise requérante impliquait que ceux des salariés qui n’accepteraient pas une rupture d’un commun accord de leur contrat de travail ne pourraient qu’être licenciés dans le cadre d’un PSE.

Dès lors, le Conseil d'État confirme la décision de la cour administrative d’appel annulant la décision de validation de l’accord portant rupture conventionnelle collective de la société requérante.

newsid:484836

Sociétés

[Jurisprudence] Responsabilité de l’actionnaire cédant : une occasion manquée ?

Réf. : Cass. com., 1er mars 2023, n° 21-14.787, FS-B N° Lexbase : A17939GI

Lecture: 11 min

N4756BZ8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484756
Copier

par Thierry Favario, Maître de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3

Le 29 Mars 2023

Mots-clés : société mère • filiale • cession • cessation des paiements • repreneur • projet de reprise

Il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe qu’une société mère a, lorsqu’elle cède les parts qu’elle détient dans le capital social d’une filiale en état de cessation des paiements, l’obligation de s’assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d’un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale.


1. Dura lex. Il est des règles qui s’imposent nonobstant leur dureté. Celle qu’énonce cet arrêt du 1er mars 2023 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, publié au Bulletin, en fait partie. Trente salariés d’une filiale cédée dans un contexte singulier, finalement licenciés, en font l’amère expérience. Qu’on en juge.

2. Le contexte est celui de la sous-traitance dans le secteur de l’industrie automobile. Soit une société X, détenue par une société Y, de droit allemand. Son activité est la production de verre automobile et elle compte la société Volkswagen parmi ses clients. Le 18 octobre 2011, la société Y cède la totalité de ses actions dans le capital de la société X à la société Z, de droit allemand également. À peine un mois plus tard, la société X est mise en redressement judiciaire. La procédure est convertie en liquidation judiciaire le 9 mai 2012. Circonstance remarquable : la date de cessation des paiements de la société débitrice est fixée au 31 juillet 2011, soit antérieurement à celle de la cession de son contrôle. Son liquidateur licencie l’ensemble des salariés le 30 mai 2012. Trente d’entre eux contestent le caractère réel et sérieux de la cause de leur licenciement devant le conseil des prud’hommes. Ils assignent parallèlement les parties à la cession de la société débitrice et la société Volkswagen en responsabilité en vue d’obtenir la réparation du préjudice résultant de la perte de leur emploi sur le fondement de l’article 1240 du Code civil N° Lexbase : L0950KZ9. Une action admise par les premiers juges, mais rejetée en appel. Le pourvoi en cassation repose sur un postulat qui interpelle : une société mère est fautive si elle cède une filiale en état de cessation des paiements sans procéder à une vérification de la viabilité du projet présenté par le repreneur. La Cour de cassation répond aux questions qu’on lui pose. Et sa réponse est claire : « il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe qu’une société mère a, lorsqu’elle cède les parts qu’elle détient dans le capital social d’une filiale en état de cessation des paiements, l’obligation de s’assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d’un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale ». La solution énonce une règle qui doit être approuvée (I) ; mais une règle qui devrait être relativisée (II).

I. Les raisons d’approuver la règle

3. La pureté de la règle prétorienne tient à son assise technique. Se fondant sur les règles du droit civil, particulièrement du droit commun des contrats, elle refuse parallèlement l’intrusion de considérations extérieures inspirées du droit des entreprises en difficulté. L’analyse est donc civiliste (A) et exclusivement civiliste (B).

A. Une analyse civiliste

4. L’opération litigieuse est au fond une simple « cession de contrôle » comme il s’en conclut quotidiennement : la société Y cède à la société Z le contrôle de sa filiale, la société X. En se plaçant « avant la cession », l’arrêt s’inscrit plus précisément dans la phase des négociations précontractuelles [1]. Or, les obligations légales du cédant dans cette phase se ramassent presque entièrement dans son devoir d’information envers le candidat cessionnaire [2]. Ce dernier a corrélativement le devoir d’être curieux. Ce devoir traditionnel (emptor debet esse curiosus) se concrétise ici en due diligences classiques – juridiques, fiscales, comptables… – et plus modernes – environnement, compliance… L’asymétrie est évidente et l’on pourrait se demander si le cédant a lui aussi le devoir d’être curieux [3]. Le cédant peut être curieux. Il le sera s’agissant de la solvabilité du candidat repreneur, condition du paiement du prix de cession. Il pourrait l’être en s’intéressant au sérieux du projet du repreneur et au devenir de la société cédée (la lettre d’intention du candidat cessionnaire expose généralement au moins sommairement son projet). Il ne s’agit cependant que d’une faculté et il serait exact d’affirmer que l’examen du sérieux du projet de reprise du cessionnaire n’entre pas dans les diligences normales du cédant. Il n’a en tous les cas certainement pas d’obligation légale en ce sens. Or, la faute civile délictuelle se définit usuellement comme la violation d’une obligation légale préexistante. En soulignant l’absence de « texte » et de « principe », la Cour de cassation s’inscrit donc pleinement dans un raisonnement civiliste refusant de sanctionner ce qui n’est qu’une faculté, non une obligation. L’application des règles du droit de la responsabilité civile délictuelle au cas d’espèce ne peut que se conclure par l’absence de reconnaissance d’une faute de la société mère cédante.

B. Une analyse exclusivement civiliste

5. Un grain de sable aurait toutefois pu gripper la mécanique civiliste. La cession du contrôle de la société X a eu lieu le 18 octobre 2011. Mise en redressement judiciaire le 21 novembre suivant, cette société était manifestement en état de cessation des paiements depuis le 31 juillet précédent. La société mère devait avoir conscience de céder une filiale en difficulté. Pire, cette cession signait l’éviction de la filiale du périmètre du groupe, décision qui pouvait potentiellement précipiter sa défaillance… sauf à ce que le repreneur présente certaines garanties. La société mère devait-elle dès lors s’assurer de l’existence de ces garanties avant la cession de la filiale en difficulté ? C’est la thèse que soutenait le pourvoi dont le choix des termes invite à un rapprochement : le contenu de l’obligation qui pèserait sur la société mère en pareil cas, soit vérifier « la viabilité du projet présenté par le repreneur », évoque les éléments de l’offre de cession d’une entreprise défaillante [4] ainsi que l’office du juge, tenu de retenir l’offre qui permet dans les meilleures conditions, notamment « d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’ensemble cédé » [5]. Autrement écrit, le pourvoi invitait à transposer en fait le caractère « sérieux » de l’offre de cession du repreneur du cadre judiciaire vers la cession de contrôle amiable qui porte sur une société défaillante. La précision du pourvoi selon laquelle la filiale est « en état de cessation des paiements » lors de la cession rend cette invitation plus pressante : elle revient au fond à solliciter les mêmes garanties mutatis mutandis selon que la cession – ici une reprise par voie interne – intervient dans un cadre judiciaire ou non, quand la société cédée est défaillante. La Chambre commerciale de la Cour de cassation s’y refuse [6]. Le cédant, quand bien même il saurait que la société dont il cède le contrôle est défaillante, n’a pas à s’assurer que le cessionnaire dispose d’un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de celle-ci.

6. Le cédant du contrôle d’une société qui intervient dans un cadre amiable définit donc les intérêts qu’il entend défendre. La liberté de contracter [7] conforte la solution retenue. La règle est dure, mais s’impose pour les raisons évoquées ; cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de raisons de relativiser la règle.

II. Des raisons de relativiser la règle

7. Ces raisons sont au vrai ténues. Certaines, prenant acte du principe que pose l’arrêt, pourraient conduire à réviser substantiellement la notion de responsabilité de l’associé (A) ; d’autres, suivant une logique plus classique, tendraient à lorgner du côté de la responsabilité du dirigeant de la filiale cédée (B).

A. Peut-être : la responsabilité de l’associé

8. Une lecture attentive de l’arrêt révèle un hiatus entre les juges du fond et la Cour de cassation : les premiers semblent enclins à entrer dans la logique du raisonnement que leur proposent les salariés licenciés, le tribunal l’ayant admise, la cour d’appel rejetée ; la seconde refuse le principe même de ce raisonnement en en disqualifiant le postulat. Cette différence d’approche interpelle. Elle pourrait illustrer une double mutation en cours du droit des sociétés, à laquelle les premiers juges se montreraient peut-être plus sensibles. La première consiste dans l’affirmation selon laquelle les salariés sont des « parties prenantes » – voire des parties « constituantes » – de l’entreprise. L’affirmation est aujourd’hui banale et les sociétés n’hésitent pas à communiquer sur leur parfaite considération des salariés comme parties prenantes, via des documents de droit « mou » – chartes et codes éthiques, démarche « RSE » – ou presque juridiques – la « raison d’être » [8]. Or, si l’on prend cette affirmation au sérieux, le cédant du contrôle d’une société ne devrait-il pas s’inquiéter de la viabilité du projet du candidat cessionnaire, s’agissant notamment du maintien de l’emploi ? Affirmer que les salariés sont des « parties prenantes » de la société pourrait connaître des prolongements judiciaires en imposant des obligations nouvelles aux sociétés et à leurs associés. La seconde mutation accompagne la précédente. À la fin du XXème siècle, la doctrine s’interrogeait sur la nature des devoirs des dirigeants sociaux [9] ; vingt-cinq ans plus tard, ce sont les devoirs et obligations des associés qui retiennent l’attention [10]. Le déplacement du centre de gravité est avéré : la doctrine l’écrit, les juges du fond le ressentent, la Cour de cassation attend une règle qui le consacre. La conjonction de cette double mutation pourrait évidemment conduire à une densification des obligations attendues du cédant du contrôle d’une société [11]. Le conditionnel s’impose en raison du risque d’une double immixtion : celle du cédant au nom de l’appréciation du projet du repreneur ; celle du juge en vue d’apprécier les diligences du cédant en pareil cas.

B. Sans doute : la responsabilité du dirigeant social

9. L’arrêt sous examen envisage la responsabilité du seul point de vue de la société mère, actionnaire cédante, conformément à l’angle qu’imposait le pourvoi en cassation. La responsabilité du dirigeant de la société cédée est dans l’angle mort de l’arrêt. Elle pourrait être dévoilée ultérieurement. Pourquoi pas une action fondée sur la responsabilité pour insuffisance d’actif [12] ? Envisageable, elle ne permettrait toutefois pas de réparer le préjudice qu’allèguent les salariés licenciés. Une action en responsabilité personnelle du dirigeant ? À la condition d’exciper un préjudice distinct [13] et de caractériser une faute détachable des fonctions [14], elle serait admissible. En ne déclarant pas la cessation des paiements dans les quarante-cinq jours comme la loi le lui imposait [15], le dirigeant a en effet empêché la société débitrice de bénéficier de la protection que confère l’application du livre VI du Code de commerce et ainsi permis une cession de son contrôle dans un cadre amiable avec les conséquences que l’on sait pour les salariés. L’ouverture plus précoce du redressement judiciaire aurait-elle permis d’organiser une cession totale ou partielle de l’entreprise défaillante [16] et de préserver tout ou partie des emplois concernés ? On l’ignore. Il est en revanche certain que le sérieux et les perspectives d’un hypothétique projet de reprise auraient fait l’objet d’une appréciation par les mandataires de justice, les représentants des salariés et in fine le tribunal. L’intérêt des différentes parties prenantes de la société débitrice aurait donc été pris en considération, particulièrement celui de ses salariés.

10. En conclusion,  la fermeté de la règle posée par l’arrêt ne doit pas occulter le fait qu’un dirigeant social et/ou un associé cédant le contrôle de la société est rarement indifférent au devenir de ses salariés passés sous l’égide du futur repreneur. Les circonstances de l’espèce sont singulières et, répétons-le, la Cour de cassation se borne à répondre au moyen qui lui est soumis. Une réponse exprimée sous la forme d’un principe ; un principe bénéficiant d’une publication au Bulletin. Comme s’il s’agissait d’ériger une digue face à une irrésistible montée des eaux [17].


[1] C. civ., art. 1112 N° Lexbase : L1975LKD et s.

[2] C. civ., art. 1112-1 N° Lexbase : L0598KZ8.

[3] Comp. pour un éventuel devoir de prudence et de diligence d’une société à l’occasion d’un apport partiel d’actif : Cass. com., 12 mai 2015, n° 13-27.716, F-D N° Lexbase : A8796NHA.

[4] C. com., art. L. 642-2 N° Lexbase : L2746LBC.

[5] C. com., art. L. 642-5, al. 1er N° Lexbase : L9202L7X.

[6] La Chambre sociale semblerait en revanche plus encline à sanctionner des décisions préjudiciables prises dans le seul intérêt d’actionnaire qui auraient entraîné la liquidation partielle de la société : Cass. soc., 24 mai 2018, n° 16-22.881, FS-P+B N° Lexbase : A5330XPA.

[7] C. civ., art. 1102, al. 1er N° Lexbase : L0823KZI.

[8] C. civ., art. 1835, al. 2 N° Lexbase : L8682LQM.

[9] V. par ex. : N. Dion, Les obligations fiduciaires des dirigeants de sociétés commerciales : droit des États-Unis d'Amérique et droit français, thèse Orléans, 1994 ; I. Grossi, Les devoirs des dirigeants sociaux : bilan et perspectives, thèse Aix, 1998, dir. J. Mestre.

[10] V. par ex. : R. Dumont, Les devoirs de l’actionnaires, LGDJ, 2022, préface B. Fages ; Th. Duchesne, La responsabilité pour faute de l’actionnaire, thèse Paris II, dir. A. Gaudemet, 2022.

[11] V. en ce sens les interrogations de R. Dumont, thèse préc., n° 398  et la perspective d’un devoir d’accompagnement de la société par l’actionnaire, y compris en cas de cession du contrôle.

[12] C. com., art. L. 651-2 N° Lexbase : L3704MBS.

[13] Cass. soc., 14 novembre 2007, n° 05-21.239, FS-P+B N° Lexbase : A5847DZL – Cass. com., 2 juin 2015, n° 13-24.714, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8367NIQ.  

[14] Cass. com., 16 janvier 2019, n° 17-17.210, F-D N° Lexbase : A6569YTH.

[15] C. com., art. L. 631-4 N° Lexbase : L7314IZW.

[16] C. com. , art. L. 631-21-1 N° Lexbase : L3355ICA.

[17] Comp. A Couret, L’irrésistible glissement du droit des sociétés vers un droit sociétal, Bull. Joly Sociétés, 2022, n° 5, p. 1.

newsid:484756

Urbanisme

[Brèves] Transformation de commerces en « dark stores » : la Ville de Paris décide !

Réf. : CE, 5°-6 ch. réunies, 23 mars 2023, n° 468360, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A50149KW

Lecture: 2 min

N4822BZM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/94515670-edition-n940-du-30-03-2023#article-484822
Copier

par Yann Le Foll

Le 29 Mars 2023

► La possible transformation de commerces en « dark stores » est soumise à l’autorisation de la mairie de Paris.

Faits. En juin 2022, la mairie de Paris a ordonné aux sociétés Frichti et Gorillas Technologies de restituer à leur activité d’origine plusieurs « dark stores », qui sont des locaux d’entreposage permettant la livraison rapide de produits de consommation courante commandés par internet.

Position CE. Les locaux occupés par la société Frichti et la société Gorillas Technologies France, qui étaient initialement des locaux utilisés par des commerces, sont désormais destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises, afin de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs à bicyclette.

Ils ne constituent plus, pour l'application des articles R. 151-27 N° Lexbase : L0315KWL et R. 151-28 N° Lexbase : L7858LUL du Code de l'urbanisme, tels que précisés par l'arrêté l'arrêté du ministre du Logement et de l'Habitat durable du 10 novembre 2016, définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu, des locaux « destinés à la présentation et vente de bien directe à une clientèle ».

Dès lors, même si des points de retrait peuvent y être installés, ils doivent être considérés comme des entrepôts au sens de ces dispositions.

L'occupation de ces locaux par les sociétés Frichti et Gorillas Technologies France pour y exercer les activités en cause constitue donc un changement de destination, soumis, en application de l'article R. 421-17 du Code de l'urbanisme N° Lexbase : L7465HZI à déclaration préalable.

Décision. Dès lors, la Ville de Paris était en droit d'exiger des sociétés requérantes le dépôt d'une déclaration préalable.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le champ d'application des actes individuels d'urbanisme, La déclaration préalable et le changement de destination, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall), Lexbase N° Lexbase : E4583E7U.

newsid:484822

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.