Le Quotidien du 27 janvier 2023

Le Quotidien

Baux commerciaux

[Brèves] Absence d’effet interruptif de prescription de la notification du mémoire préalable faute de saisine du juge des loyers

Réf. : Cass. civ. 3, 25 janvier 2023, n° 21-20.009, FS-B N° Lexbase : A06449A4

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N4132BZ3

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par Vincent Téchené

Le 01 Février 2023

► L'article R. 145-23 du Code de commerce n'instituant le mémoire préalable que pour la procédure devant le juge des loyers commerciaux, sa notification n'interrompt la prescription que lorsque la contestation relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé est portée devant ce juge.
Ainsi, la notification du mémoire par la bailleresse à la locataire n'interrompt pas le délai de prescription dès lors qu'elle n'a pas été suivie d'une saisine du juge des loyers commerciaux.

Faits et procédure.  La propriétaire de locaux commerciaux donnés à bail a délivré à la locataire un congé avec offre de renouvellement à effet du 1er avril 2014. Le 30 mars 2016, la bailleresse a notifié un mémoire à la locataire, puis l'a assignée, le 14 mars 2018, devant le tribunal de grande instance en validation du congé et, accessoirement, en fixation du loyer.

La cour d’appel (CA Paris, 5-3, 26 mai 2021, n° 18/28001 N° Lexbase : A11254TT) ayant déclaré les demandes de la bailleresse prescrites, cette dernière a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation énonce que l'énumération des articles 2240 N° Lexbase : L7225IAT, 2241 N° Lexbase : L7181IA9 et 2244 N° Lexbase : L4838IRM du Code civil des causes de droit commun d'interruption du délai de prescription étant limitative, le mémoire préalable, qui ne constitue pas une demande en justice au sens de l'article 2241 du Code civil, n'est une cause interruptive de la prescription qu'en vertu de l'article 33, alinéa 1er, du décret n° 53-960, du 30 septembre 1953 N° Lexbase : L9107AGE, selon lequel la notification du mémoire institué par l'article R. 145-23 du Code de commerce N° Lexbase : L4149LTT interrompt la prescription.

Or, selon l'article R. 145-23 du Code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace, qui statue sur mémoire, et les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes susmentionnées.

La Haute juridiction en conclut que le mémoire préalable n'est institué que pour la procédure devant le juge des loyers commerciaux de sorte que sa notification n'interrompt la prescription que lorsque la contestation relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé est portée devant ce juge.

Ainsi, pour la Cour régulatrice, la cour d'appel a d'abord exactement énoncé que la procédure applicable devant le tribunal de grande instance saisi à titre accessoire d'une demande en fixation du prix du bail renouvelé est la procédure en matière contentieuse applicable devant cette juridiction et non la procédure spéciale sur mémoire en vigueur devant le juge des loyers commerciaux, que le mémoire préalable n'est pas une demande en justice au sens de l'article 2241 du Code civil, et que sa notification n'interrompt la prescription que lorsque la contestation est portée devant le juge des loyers commerciaux.

Ensuite, elle a justement retenu que la notification du mémoire par la bailleresse à la locataire n'avait pas interrompu le délai de prescription dès lors qu'elle n'avait pas été suivie d'une saisine du juge des loyers commerciaux.

Enfin, ayant constaté que l'assignation devant le tribunal de grande instance avait été délivrée plus de deux années après la date d'effet du renouvellement du bail, elle en a exactement déduit que la demande en fixation du prix du bail renouvelé était prescrite.

En conséquence, la Cour de cassation  rejette le pourvoi.

Observations. On rappellera que la notification du mémoire préalable, si elle n'est pas faite sous forme de lettre recommandée avec demande d'avis de réception mais par lettre simple, n'a pas pour effet d'interrompre la prescription (Cass. civ. 3, 2 octobre 996, n° 94-18.470, publié au bulletin N° Lexbase : A0003AC4 ; Cass. civ. 3, 2 février 2005, n° 03-18.042, F-P+B N° Lexbase : A6307DGP ; Cass. civ. 3, 8 juillet 2015, n° 14-15.192, FS-P+B N° Lexbase : A7769NMP). Par ailleurs, le mémoire relatif à la fixation du prix du bail renouvelé, même affecté d'un vice de fond, a un effet interruptif de prescription (Cass. civ. 3, 8 juillet 2015, n° 14-15.192, FS-P+B N° Lexbase : A7769NMP). En outre, la remise au greffe du mémoire aux fins de fixation de la date d'audience ne saisit pas le juge des loyers commerciaux et ne peut donc interrompre le délai de prescription de l'action en fixation du loyer du bail renouvelé (Cass. civ. 3, 23 janvier 2013, n° 11-20.313, FS-P+B N° Lexbase : A8869I3U).

Pour aller plus loin : ÉTUDE : Les délais encadrant les actions relatives au bail commercial, L'interruption de la prescription par la notification du mémoire préalablein Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E5387AEA.

 

newsid:484132

Électoral

[Brèves] Vote par voie électronique : annulation du scrutin si les mots de passe ne sont pas délivrés !

Réf. : Cons. const., décisions n° 2022-5813/5814 AN N° Lexbase : A939588H et n° 2022-5760 AN N° Lexbase : A939088B, du 20 janvier 2023

Lecture: 2 min

N4096BZQ

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par Yann Le Foll

Le 26 Janvier 2023

► Le fait que seule une minorité des mots de passe nécessaires au vote électronique aient pu être délivrés à temps implique l’annulation des opérations électorales contestées.

Faits. Demandant l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans la deuxième circonscription des Français établis hors de France les 4 et 18 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale, les requérants soutiennent que des dysfonctionnements dans l’organisation des opérations de vote par voie électronique, en particulier dans la délivrance par les opérateurs de téléphonie des messages contenant les mots de passe, ont empêché un nombre significatif d’électeurs de prendre part au vote et porté atteinte à la sincérité du scrutin.

Position CConst. Il résulte du procès-verbal du bureau de vote électronique relatif au premier tour du scrutin que, à l’ouverture de la période de vote, seuls 11 % des messages téléphoniques contenant les mots de passe prévus par l’article R. 176-3-9 du Code électoral N° Lexbase : L0135MCY et adressés aux électeurs inscrits sur les listes électorales consulaires en Argentine avaient été effectivement délivrés aux électeurs. Ce taux n’a atteint que 38 % à l’issue du premier tour, selon le procès-verbal du bureau de vote électronique relatif au second tour (38 % également s’agissant des électeurs inscrits sur les listes électorales consulaires en Algérie pour l’affaire n° 2022-5760).

Si les électeurs concernés conservaient le droit de prendre part au vote à l’urne en se déplaçant physiquement à l’un des bureaux de vote ouverts dans la deuxième circonscription, ce dysfonctionnement a néanmoins été de nature, eu égard aux caractéristiques de la circonscription, à empêcher plusieurs milliers d’électeurs de prendre part au vote au premier tour. Cette circonstance doit être regardée, compte tenu de l’écart des voix entre les candidats, comme ayant porté atteinte à la sincérité du scrutin.

Décision. Il y a lieu d’annuler les opérations électorales contestées.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les opérations de vote, le déroulement du scrutin, in Droit électoral, (dir G. Prunier), Lexbase N° Lexbase : E8122ZBG.

newsid:484096

Entreprises en difficulté

[Brèves] Conversion du redressement en liquidation : précision procédurale sur la convocation du débiteur par le greffe

Réf. : Cass. com., 18 janvier 2023, n° 21-16.806, F-B N° Lexbase : A605288N

Lecture: 2 min

N4086BZD

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par Vincent Téchené

Le 26 Janvier 2023

► En vue de convertir le redressement en liquidation judiciaire en cours de période d’observation, si l'obligation d'une convocation par le greffe du débiteur s'impose lorsque le tribunal exerce son pouvoir d'office ou que l'ouverture de la procédure collective est demandée sur requête du ministère public, elle ne s'applique pas lorsque la demande de conversion est formée sur requête d'un mandataire.

Faits et procédure. Les 15 et 18 septembre 2020, le mandataire et l'administrateur d’une société en redressement judiciaire ont déposé chacun une requête en conversion du redressement en liquidation judiciaire. Le tribunal a accueilli leur demande.

La cour d’appel (CA Douai, 18 mars 2021, n° 19/03619 N° Lexbase : A51584LM) a annulé le jugement de conversion au motif que le débiteur n'avait pas été convoqué à l'audience par le greffe de la juridiction comme les textes le prescrivent, mais par la communication par le mandataire judiciaire d'une copie de sa requête. Le liquidateur et l'administrateur ont donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 631-15, II N° Lexbase : L9174L7W, R. 631-3 N° Lexbase : L6300I3Q, R. 631-4 N° Lexbase : L5949KGG et R. 631-24 N° Lexbase : L1007HZC du Code de commerce.

Elle relève qu’il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsqu'en cours de période d'observation, le mandataire judiciaire ou l'administrateur demande au tribunal de convertir le redressement en liquidation judiciaire, il procède par voie de requête, le tribunal ne pouvant statuer que si le débiteur a été entendu ou dûment appelé. Elle énonce alors que si l'obligation d'une convocation par le greffe du débiteur s'impose lorsque le tribunal exerce son pouvoir d'office ou que l'ouverture de la procédure collective est demandée sur requête du ministère public, elle ne s'applique pas lorsque la demande de conversion est formée sur requête d'un mandataire.

Par conséquent, pour la Haute juridiction, en statuant comme elle l’a fait, après avoir relevé que le tribunal avait été saisi par les requêtes du mandataire et de l'administrateur et que la débitrice, informée par le mandataire de la requête et de la date de l'audience, y était représentée par son avocat qui avait présenté des observations sur le fond, la cour d'appel a violé les textes visés.

Pour aller plus loin : ÉTUDE : La situation économique exigée, La conversion en liquidation judiciaire, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E0553E9D.

 

newsid:484086

Harcèlement

[Brèves] Rappel de la distinction entre l’obligation de prévention des risques professionnels et l’interdiction du harcèlement moral

Réf. : Cass. soc., 18 janvier 2023, n° 21-19.136, F-D N° Lexbase : A335989B

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N4083BZA

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par Lisa Poinsot

Le 26 Janvier 2023

► L’obligation de prévention des risques professionnels et du harcèlement est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral et ne se confond pas avec elle.

Faits et procédure. Une salariée, placée en arrêt de travail, prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur. Elle saisit ensuite la juridiction prud’homale afin de dire que sa prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir le paiement de diverses sommes.

La cour d’appel (CA Poitiers, 6 mai 2021, n° 19/02934 N° Lexbase : A18834R8) retient que l’existence d’un harcèlement moral n’est pas établie. Elle déboute ainsi la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur.

Pour rappel. L’employeur doit prévenir tous les risques professionnels dans l’entreprise, y compris celui de harcèlement moral. À défaut, il peut être condamné à verser une somme au titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité, et ce même si aucun fait de harcèlement moral n’est avéré.

La salariée forme donc un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision d’appel sur le fondement de l’article L. 1152-4 du Code du travail N° Lexbase : L5790I3T, l'article L. 4121-1 du même code N° Lexbase : L8043LGY, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389, du 22 septembre 2017 N° Lexbase : L7629LGN, et l'article L. 4121-2 N° Lexbase : L6801K9R, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088, du 8 août 2016.

En l’espèce, la salariée fait valoir dans ses conclusions d’appel qu’elle avait alerté son employeur par e-mail de sa situation de mal-être, de ses difficultés au travail et de son sentiment de mise au placard. Or, ce dernier n’a rien fait et n’a pris aucune mesure pour faire cesser le management autoritaire d’un supérieur hiérarchique à l’égard de ses subordonnés.

La cour d’appel ne peut s’appuyer uniquement sur l’absence de preuve de harcèlement pour justifier le respect de l’employeur à son obligation de sécurité.

En conséquence, indépendamment de la qualification de harcèlement moral, l’absence de toute mesure destinée à prévenir une situation de souffrance au travail est susceptible d’être sanctionnée au titre d’un manquement à l’obligation de sécurité.

Pour aller plus loin :

  • v. INFO174, Harcèlement moral, Droit social N° Lexbase : X5614AT4 ;
  • v.  ÉTUDE : Le harcèlement moral, Les obligations de l’employeur, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9486YUU ;
  • v. aussi : ÉTUDE : La prévention des effets de l'exposition à certains facteurs de risques professionnels, L'obligation de sécurité de l'employeur, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0612E9K.

 

newsid:484083

Responsabilité

[Brèves] Préjudice économique d’un enfant résultant de la perte de l’un de ses parents : méthode de calcul

Réf. : Cass. civ. 2, 19 janvier 2022, n° 21-12.264, FS-B N° Lexbase : A936988I

Lecture: 2 min

N4121BZN

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 26 Janvier 2023

► Le préjudice économique subi par un enfant du fait du décès de l’un de ses parents est évalué en prenant en considération les revenus annuels de ses parents avant le décès, en tenant compte, de la part d’autoconsommation de chacun d’eux et des charges fixes qu’ils supportaient dans leur foyer respectif, et de la part de revenu du parent survivant consacrée à l’enfant.

Faits et procédure. En l’espèce, jusqu’au décès de leur mère, assassinée, des enfants vivaient chez cette dernière, leur père versant à celle-ci une contribution à leur entretien et à leur éducation. Après le décès de leur mère, les enfants sont allées vivre chez leur père. Le FGTI contestait l’évaluation du préjudice économique de l’enfant indemnisé, contestation qui prospéra devant la cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 17 décembre 2020, n° 19/16472). Celle-ci considérait que le préjudice économique subi par l’enfant dès lors que l’obligation alimentaire du père, fondement juridique de la pension alimentaire, survivait jusqu’à la majorité économique de l’enfant et que le transfert de lieu de résidence de l’enfant au décès de la mère avait emporté une augmentation du revenu disponible de son père pour l’enfant.

Solution. L’arrêt est cassé au visa du principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. La Cour de cassation considère que « le préjudice économique d’un enfant résultant du décès d’un de ses parents doit être évalué sans tenir compte ni de la séparation ou du divorce de ces derniers, ces circonstances étant sans incidence sur leur obligation à contribuer à l’entretient et à l’éducation de l’enfant, ni du lieu de résidence de celui-ci ». Selon la Cour, « il en résulte qu’en cas de décès du parent chez lequel vivait l’enfant, le préjudice économique subi par ce dernier doit être évalué en prenant en considération, comme élément de référence, les revenus annuels de ses parents avant le décès, en tenant compte, en premier lieu de la part d’autoconsommation de chacun d’eux et des charges fixes qu’ils supportaient dans leur foyer respectif et, en second lieu, de la part de revenu du parent survivant consacrée à l’enfant ».

newsid:484121

Responsabilité administrative

[Brèves] Dommage causé par plusieurs fautes commises par des personnes publique et privée : office du JA et action récursoire

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 20 janvier 2023, n° 468190, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A353089M

Lecture: 2 min

N4137BZA

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par Yann Le Foll

Le 01 Février 2023

En cas de dommage causé par plusieurs fautes commises par des personnes différentes et indépendantes, portant chacune en elle ce dommage, la victime peut demander la condamnation de la seule personne publique, laquelle peut ensuite former une action récursoire devant le juge compétent.

Avis CE. Lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante (lorsqu’elles ont chacune, comme en l’espèce, commis une erreur fautive de diagnostic à l’origine, pour la victime, de la même perte de chance de se soustraire à la survenue du dommage), portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher devant le juge administratif la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes à réparer l'intégralité de son préjudice (CE, 2 juillet 2010, n° 323890, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6040E34).

L'un des coauteurs ne peut alors s'exonérer, même partiellement, de sa responsabilité en invoquant l'existence de fautes commises par l'autre coauteur.

La victime peut demander la condamnation d'une personne publique à réparer l'intégralité de son préjudice lorsque la faute commise portait normalement en elle le dommage, alors même qu'une personne privée, agissant de façon indépendante, aurait commis une autre faute, qui portait aussi normalement en elle le dommage au moment où elle s'est produite (voir CE, 6 octobre 2022, n° 446764, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A84028M7).

Il n'y a, dans cette hypothèse, pas lieu de tenir compte du partage de responsabilité entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques entre ceux-ci, mais non le caractère et l'étendue de leurs obligations à l'égard de la victime du dommage.

Conclusions. Pour le rapporteur public Florian Roussel, « ce partage de responsabilité ne se justifie plus lorsque chacun de ces faits était de nature à causer de façon certaine le dommage. Ainsi, en l’espèce, sans l’une ou l’autre des erreurs de diagnostic commise, il existait une probabilité de 100 % que le dommage (qui consistait en une perte de chance dans l’affaire dont le tribunal est aujourd’hui saisi) fût évité.

Avis CE (fin). Il incombe à la personne publique, si elle l'estime utile, de former une action récursoire à l'encontre du coauteur personne privée devant le juge compétent, afin qu'il soit statué sur ce partage de responsabilité.

newsid:484137

Responsabilité médicale

[Brèves] Coresponsabilité public/privé : le juge administratif doit réparer l’entier préjudice !

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 20 janvier 2023, n° 468190, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A353089M

Lecture: 3 min

N4084BZB

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par Laïla Bedja

Le 26 Janvier 2023

► Il appartient au juge de déterminer l'indemnité due au requérant, dans la limite des conclusions indemnitaires dont il est saisi, laquelle s'apprécie au regard du montant total de l'indemnisation demandée pour la réparation de l'entier dommage, quelle que soit l'argumentation des parties sur un éventuel partage de responsabilité.

La demande d’avis. Le tribunal administratif d’Amiens, avant de statuer sur la demande tendant à la condamnation du groupe hospitalier du sud de l’Oise à réparer ses préjudices liés au suivi, par ce groupe hospitalier, de la grossesse de Mme X, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’État, en soumettant à son examen les questions suivantes :

« En cas de cumul de fautes, commises l'une par une personne publique, l'autre par une personne privée dont l'appréciation de la responsabilité relève du juge judiciaire, et qui portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, le juge administratif saisi par la victime de conclusions se fondant sur un partage de responsabilité entre co-auteurs, peut-il déterminer la part de responsabilité devant incomber à la personne publique attraite devant lui à l'issue d'un tel partage ou doit-il écarter le partage de responsabilité demandé par la victime et condamner la personne publique, dans la limite de la somme demandée, à réparer intégralement le dommage, à charge pour elle, le cas échéant, d'exercer une action récursoire,

et, dans cette seconde hypothèse, doit-il soulever d'office un moyen en ce sens. »

La décision. Le Conseil d’État rendra l’avis précité. À l’appui de sa réponse, il énonce, d’une part, que lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher devant le juge administratif la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes à réparer l'intégralité de son préjudice. L'un des coauteurs ne peut alors s'exonérer, même partiellement, de sa responsabilité en invoquant l'existence de fautes commises par l'autre coauteur. Il en résulte que la victime peut demander la condamnation d'une personne publique à réparer l'intégralité de son préjudice lorsque la faute commise portait normalement en elle le dommage, alors même qu'une personne privée, agissant de façon indépendante, aurait commis une autre faute, qui portait aussi normalement en elle le dommage au moment où elle s'est produite. Il n'y a, dans cette hypothèse, pas lieu de tenir compte du partage de responsabilité entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques entre ceux-ci, mais non le caractère et l'étendue de leurs obligations à l'égard de la victime du dommage. Il incombe à la personne publique, si elle l'estime utile, de former une action récursoire à l'encontre du coauteur personne privée devant le juge compétent, afin qu'il soit statué sur ce partage de responsabilité.

newsid:484084

Soins psychiatriques sans consentement

[Brèves] Isolement et contention : l’absence d’information du patient en début de mesure de la possibilité de saisir le JLD renvoyée au Conseil constitutionnel

Réf. : Cass. QPC, 26 janvier 2023, n° 22-40.019 N° Lexbase : A08729AK

Lecture: 3 min

N4135BZ8

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par Laïla Bedja

Le 01 Février 2023

► L’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique, déterminant les conditions des mesures d’isolement et de contention en prévoyant un contrôle du juge des libertés et de la détention, en ce qu'il ne prévoit pas, dès le début de la mesure de placement en isolement ou sous contention, une information du patient quant à la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12 du Code de la santé publique et à son droit d'être assisté ou représenté par un avocat, est susceptible de porter atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ; partant, la disposition est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Les faits. Une personne admise en soins psychiatriques sans consentement a été placée en chambre d’isolement le 17 octobre 2022. Le 19 octobre, le directeur d’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de statuer sur la poursuite de la mesure d’isolement sur le fondement de l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L7881MA7.

La QPC. Par ordonnance du 21 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention a transmis la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique, en ce qu'elles ne prévoient pas d'obligation pour le directeur de l'établissement spécialisé en psychiatrie ou pour le médecin d'informer le patient soumis à une mesure d'isolement ou de contention - et ce, dès le début de la mesure - de la voie de recours qui lui est ouverte contre cette décision médicale sur le fondement de l'article L. 3211-12 du même code N° Lexbase : L7880MA4 et de son droit d'être assisté ou représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office, est-il conforme à la Constitution et notamment au principe constitutionnel des droits de la défense, du droit à une procédure juste et équitable, au principe de dignité de la personne, à la liberté fondamentale d'aller et venir et du droit à un recours effectif, ainsi qu'à l'objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice résultant des articles 12 N° Lexbase : L1359A99, 15 N° Lexbase : L1362A9C et 16 N° Lexbase : L1363A9D de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ? »

La décision. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation décide de renvoyer la question aux Sages.

Les dispositions en cause feront aussi l’objet d’une analyse par le Conseil constitutionnel concernant l'absence d’assistance ou de représentation systématique du patient par un avocat (v. notre brève N° Lexbase : N4195BZE).  

Pour aller plus loin :

  • ÉTUDE : Les soins psychiatriques sans consentement, Le contrôle des mesures d'admission en soins psychiatriques par le juge des libertés et de la détention, in Droit médical, Lexbase N° Lexbase : E7544E9B, § Précision sur les mesures de contention et d’isolement prises pendant l’hospitalisation ;
  • C. Vaillant et L. Monnet-Placidi, Isolement et contention : un cadre juridique et procédural enfin défini, Lexbase Droit privé, mai 2022, n° 906 N° Lexbase : N1545BZA.

newsid:484135

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Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

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Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.