Le Quotidien du 19 avril 2021

Le Quotidien

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Caractère réglementaire de la passerelle d’accès des docteurs en droit aux écoles d'avocats…

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-292 L, du 15 avril 2021, Nature juridique de certaines dispositions des articles 11, 12 et 12-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : A36894PC)

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N7247BY3

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par Marie Le Guerroué

Le 05 Mai 2021

► Dans une décision du 15 avril 2021, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la nature juridique de certains mots de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) ; il a notamment retenu le caractère réglementaire de l’accès direct à la formation théorique et pratique réservé aux titulaires d'un doctorat en droit.

Procédure. Le Premier ministre avait demandé au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur la nature juridique des mots « une maîtrise » figurant au 2 ° de l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, des mots « dix-huit mois » figurant au premier alinéa de l'article 12 de cette loi, des mots « qui ne peut être inférieure à deux ans » figurant au premier alinéa de son article 12-1 ainsi que des deuxième et troisième alinéas de ce même article.

Décision du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel rappelle qu’en vertu de la loi du 31 décembre 1971, la profession d'avocat dispose, sauf exception, du monopole de l'assistance et de la représentation en justice. Par conséquent, il appartient au législateur de fixer notamment les conditions d'accès à cette profession garantissant le respect des droits de la défense.

  • L'exigence d'un diplôme en droit d'un niveau minimal

Le 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit que toute personne souhaitant devenir avocat doit être titulaire, sauf exception, d'au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession par arrêté conjoint du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et du ministre chargé des Universités.

Le Conseil relève que l'exigence d'un diplôme en droit d'un niveau minimal conditionnant l'accès à cette profession permet de s'assurer de l'aptitude des candidats à exercer les missions d'assistance et de représentation des personnes en justice garantissant le respect des droits de la défense. Ce faisant, les dispositions dont le déclassement est demandé constituent des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Par suite, elles ont un caractère législatif.

  • La fixation par la loi d'une durée minimale de formation professionnelle

L'article 12 prévoit, en son premier alinéa, que la formation professionnelle exigée pour l'accès à la profession d'avocat est subordonnée à la réussite à un examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle et comprend une formation théorique et pratique délivrée par ce centre d'une durée d'au moins « dix-huit mois », sanctionnée par le certificat d'aptitude à la profession d'avocat.

Le Conseil estime qu’eu égard à l'importance que cette formation revêt en vue de l'exercice de cette profession, la fixation par la loi d'une durée minimale constitue une garantie fondamentale accordée aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Par suite, les dispositions dont le déclassement est demandé ont un caractère législatif.

  • Les conditions de délivrance du certificat de spécialisation et la passerelle des docteurs en droit

Le premier alinéa de l'article 12-1 prévoit que les avocats qui justifient d'une pratique professionnelle continue d'une durée, fixée par décret en Conseil d'État, « qui ne peut être inférieure à deux ans », peuvent obtenir du Conseil national des barreaux la délivrance d'un certificat de spécialisation lorsque cette pratique est validée par un jury qui vérifie les compétences professionnelles dans la spécialité. À cet effet, son deuxième alinéa prévoit que, « sur la base d'un dossier constitué par l'intéressé, le jury se prononce à l'issue d'un entretien qui comprend une mise en situation professionnelle ». Les dispositions dont le déclassement est demandé ne mettent en cause ni les conditions essentielles d'exercice de la profession d'avocat, ni les garanties fondamentales permettant d'assurer le respect des droits de la défense, ni aucun des autres principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Le Conseil affirme donc leur caractère réglementaire.

Le troisième alinéa de l'article 12-1 permet aux titulaires d'un doctorat en droit d'accéder directement à la formation théorique et pratique prévue à l'article 12, sans avoir à passer l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle des avocats. Ces dispositions, qui concernent seulement les modalités d'accès à la formation préalable obligatoire à l'exercice de la profession d'avocat, ne mettent en cause aucun des principes fondamentaux ni aucune des règles que l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) a placé dans le domaine de la loi. Par suite, elles ont un caractère réglementaire.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les dispenses d'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle (CRFP) des avocats, in La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase (N° Lexbase : E33013RP).

 

 

À lire sur le sujet : R. Legrand, L’accès libre des docteurs aux écoles d’avocats est-il encore d’actualité ?, Lexbase Avocats, janvier 2021 (N° Lexbase : N5946BYU).

 

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Baux d'habitation

[Brèves] Objet du dépôt de garantie et extinction de la solidarité du colocataire : petite mise au point de la Cour de cassation

Réf. : Cass. civ. 3, 8 avril 2021, n° 19-23.343, FS-P (N° Lexbase : A12514PZ)

Lecture: 4 min

N7174BYD

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 16 Avril 2021

Le dépôt de garantie a notamment pour objet de garantir le paiement du loyer ; il y a donc lieu de faire droit à la demande de déduction du dépôt de garantie des sommes dues au titre de la dette locative ;

La solidarité du colocataire qui a donné congé s'éteint au plus tard à l’expiration d’un délai de six mois après la date d’effet du congé ; ne peuvent être mis à la charge du colocataire qui a donné congé la réparation de dégradations dont il n’est pas constaté qu’elles sont survenues avant la fin de la période de solidarité.

Faits et procédure. Le bailleur donne à bail à des concubins, copreneurs solidaires, une maison d'habitation. La preneuse donne congé à effet au 29 avril 2015. Le 4 janvier 2016, le preneur libère les lieux et un état des lieux de sortie est établi.

Le bailleur assigne les preneurs en paiement d’un arriéré de loyers et de charges, et de réparations locatives.

Par un arrêt du 2 juillet 2019, la cour d’appel de Montpellier condamne la preneuse à payer au preneur les sommes de 4 091,33 euros et de 2 739 euros (CA Montpellier, 2 juillet 2019, n° 17/03718 N° Lexbase : A4862ZHK).

La preneuse se pourvoit en cassation. L’arrêt apporte des précisions intéressantes à deux égards.

  • Concernant l’objet du dépôt de garantie 

Pour la première fois à notre connaissance, la Cour de cassation énonce clairement que « le dépôt de garantie a notamment pour objet de garantir le paiement du loyer ».

La solution est logique et découle des textes : selon l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : Z34730RM), le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ; et selon l’article 22 de cette même loi (N° Lexbase : Z06696MW), un dépôt de garantie peut être prévu par le contrat de location pour garantir l'exécution de ses obligations locatives par le locataire.

Or, comme le faisait remarquer le demandeur au pourvoi, l’obligation de payer le loyer figure au nombre des obligations locatives du locataire.

La Haute juridiction censure alors l’arrêt qui, pour condamner la preneuse à payer au bailleur une somme de 4 091,33 euros au titre d’un arriéré de loyers et charges, avait retenu que le dépôt de garantie n’avait pas vocation à couvrir des échéances de loyer.

Il faut néanmoins rappeler que le locataire ne peut, en tout état de cause, s’abstenir de régler les derniers loyers en décidant unilatéralement de les imputer sur le dépôt de garantie qui a vocation à lui être restitué, le loyer étant dû jusqu'à la date d'effet du congé (Cass. civ. 3, 5 octobre 1999, n° 98-10.162 N° Lexbase : A1614CN4).

Inversement, on rappellera que la Cour de cassation avait eu l’occasion de censurer le jugement ayant admis la déduction, du dépôt de garantie, d’une somme équivalant à un mois de loyer au titre de l’occupation postérieure, par le locataire, à l’expiration du bail (Cass. civ. 3, 28 septembre 2004, n° 03-14.870, F-D N° Lexbase : A4884DDA). Cette solution reste en parfaite cohérence avec celle énoncée par le présent arrêt en date du 8 avril 2021, puisque, le bail ayant expiré, il ne pouvait alors s’agir du paiement d’un loyer pouvant être couvert par le dépôt de garantie.

  • Concernant l’extinction de la solidarité du colocataire

Selon l’article 8-1, VI, de la loi du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : Z34725RM), la solidarité d’un des colocataires prend fin à la date d’effet du congé régulièrement délivré et lorsqu'un nouveau colocataire figure au bail. À défaut, elle s'éteint au plus tard à l’expiration d’un délai de six mois après la date d’effet du congé.

Il en résulte que la solidarité prend fin pour les dettes nées à compter de cette date.

Pour condamner la preneuse à payer une somme de 2 739 euros au titre de la régularisation des charges et de réparations locatives, l’arrêt de la cour d’appel retient que cette somme correspond à un prorata, au 29 octobre 2015, du montant total de 3 553,03 euros arrêté au 4 janvier 2016, suffisamment justifié par un tableau récapitulatif de régularisation des charges et des devis des travaux de remise en état, et que l’état des lieux de sortie du 4 janvier 2016 en présence de son ex-compagnon justifie de la charge de remise en état des désordres correspondant aux devis produits.

Le demandeur au pourvoi faisait valoir que ne peuvent être mis à la charge du colocataire qui a donné congé la réparation de dégradations dont il n’est pas constaté qu’elles sont survenues avant la fin de la période de solidarité.

L’argument est accueilli par la Haute juridiction qui relève que la créance du bailleur au titre de la remise en état des lieux était née après l'expiration de l’obligation solidaire.

newsid:477174

Expropriation

[Brèves] Conditions de paiement d'un acompte sur l'indemnité d'éviction due au locataire d'un bien exproprié

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-897 QPC du 16 avril 2021 (N° Lexbase : A55194P4)

Lecture: 2 min

N7248BY4

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par Yann Le Foll

Le 28 Avril 2021

► Exclure de la possibilité de percevoir un acompte sur l'indemnité les locataires d'un bien dont le transfert de propriété a été opéré par cession amiable revient à instituer une différence de traitement entre les locataires d'un bien exproprié selon que le transfert de propriété du bien qu'ils louent a été opéré par une ordonnance d'expropriation ou par une cession amiable, et à méconnaître le principe d'égalité devant la loi.

Renvoi de la CCass. Les dispositions de l’article L. 323-3 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique (N° Lexbase : L8008I4D), prévoyant la possibilité d’exclure du versement d’un acompte de l’indemnité d’expropriation les locataires d’un bien ayant donné lieu à une cession amiable consentie à l’expropriant après déclaration d’utilité publique ont fait l’objet de ce renvoi au Conseil constitutionnel (Cass. civ. 3, 21 janvier 2021, n° 20-40.061, FS-P N° Lexbase : A24324ES).

Objet de la QPC. Les dispositions contestées prévoient que, devant le juge de l'expropriation saisi de l'indemnisation et sous réserve que l'ordonnance d'expropriation soit intervenue, les locataires d'un bien faisant l'objet d'une procédure d'expropriation peuvent obtenir le paiement d'un acompte représentant, en principe, la moitié du montant de l'indemnité proposée par l'expropriant. En permettant au locataire d'un bien exproprié d'obtenir le paiement d'un acompte sur l'indemnité qui lui est due, le législateur a entendu faciliter sa réinstallation.

Position des Sages. D'une part, le transfert de propriété du bien loué procède d'une ordonnance d'expropriation ou d'une cession amiable consentie après déclaration d'utilité publique ou dont le juge a donné acte, les conséquences sur les droits du locataire sur ce bien ainsi que sur son droit à indemnisation sont identiques. D'autre part, ni l'ordonnance d'expropriation, ni les stipulations d'une cession amiable conclue entre l'expropriant et le propriétaire du bien n'ont pour objet de déterminer les conditions d'indemnisation et d'éviction du locataire.

Dès lors, la circonstance que le transfert de propriété du bien loué soit opéré par une ordonnance d'expropriation ou par une cession amiable ne rend pas compte, au regard de l'objet de la loi, d'une différence de situation entre les locataires.

Conséquence - effets de la déclaration d'inconstitutionnalité.  Les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution. Toutefois, pour éviter que surviennent des conséquences manifestement excessives, il y a lieu de reporter au 1er mars 2022 la date de cette abrogation.

newsid:477248

Fiscalité internationale

[Brèves] Nouvelles obligations déclaratives pour les plateformes numériques : la Directive « DAC 7 » publiée au JOUE

Réf. : Directive (UE) n° 2021/514 du Conseil, du 22 mars 2021, modifiant la Directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (N° Lexbase : L8094L38)

Lecture: 2 min

N7184BYQ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 16 Avril 2021

La Directive « DAC 7 » modifiant la Directive (UE) n° 2011/16/UE, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (N° Lexbase : L5101IPM), a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 25 mars 2021.

Rappelons que depuis son adoption, la Directive (UE) n° 2011/16/UE initiale avait déjà été modifiée cinq fois afin d'inclure des informations sur les comptes financiers, sur les décisions fiscales anticipées et les accords préalables en matière de prix de transfert, sur les déclarations pays par pays, sur les bénéficiaires effectifs, sur les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration et maintenant sur les plateformes numériques :

  • Directive (UE) n° 2014/107/UE, qui a introduit l’échange automatique informations relatives aux comptes financiers (N° Lexbase : L0202I7M) ;
  • Directive (UE) n° 2015/2376/UE, en ce qui concerne l’échange automatique d’informations sur les décisions fiscales et les accords préalables en matière de prix de transfert (N° Lexbase : L3592KWX) ;
  • Directive (UE) n° 2016/881/UE, sur l’échange automatique d'informations sur les déclarations pays par pays (N° Lexbase : L4143K8X) ;
  • Directive (UE) n° 2016/2258/UE, qui garantit l’accès des autorités fiscales aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs collectées conformément à la législation en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux (N° Lexbase : L8214LBT) ;
  • Directive (UE) n° 2018/822/UE en ce qui concerne l’échange automatique d’informations sur les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration (N° Lexbase : L6279LKR).

Chronologie du nouveau texte

  • La Commission européenne a formulé une proposition de révision de la Directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscale le 15 juillet 2020, dans le cadre du plan d’action pour une fiscalité équitable et simplifiée à l’appui de la stratégie de relance.
  • En décembre 2020, les États membres conviennent de nouvelles règles en matière de transparence fiscale pour les plateformes numériques.
  • Le 10 mars 2021, le Parlement a également approuvé le texte après quelques modifications.
  • Le projet de Directive a été adopté par le Conseil de l’Union européenne le 22 mars 2021.

🔎 Détail des mesures. Dans les grandes lignes, le texte introduit des obligations de déclaration pour les plateformes du numérique concernant les revenus perçus par les vendeurs de biens et de services qui utilisent ces plateformes.

⏲️ Entrée en vigueur. Les États membres devront transposer le texte au plus tard le 31 décembre 2022, pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2023.

💡 Bon à savoir. La Commission a publié une feuille de route visant à étendre le champ d'application de la Directive aux cryptoactifs et à la monnaie électronique (DAC 8).

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Procédure pénale

[Brèves] Conditions indignes de détention : les détenus condamnés ne bénéficiaient d’aucun recours effectif

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-898 QPC, 16 avril 2021 (N° Lexbase : A55204P7)

Lecture: 4 min

N7249BY7

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par Adélaïde Léon

Le 05 Mai 2021

► Dans une décision sobrement référencée « Conditions d'incarcération des détenus II », le Conseil constitutionnel vient étendre aux détenus condamnés la solution dégagée dans sa décision du 2 octobre 2020 par laquelle la Haute juridiction avait fait obligation au législateur de garantir aux personnes placées en détention provisoire la possibilité de saisir le juge pour qu’il soit mis un terme à des conditions de détention indignes.

Rappel de la procédure. Le Conseil constitutionnel avait été saisi par le Conseil d’État (CE 5° et 6° ch.-r., 27 janvier 2021, n° 445873, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A57954DY) d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 707 (N° Lexbase : L0664L4D), 720-1 (N° Lexbase : L4478K9Q), 720-1-1 (N° Lexbase : L0645LT3), 723-1 (N° Lexbase : L7687LPE), 723-7 (N° Lexbase : L7687LPE), et 729 (N° Lexbase : L7698LPS) du Code de procédure pénale.

Motifs de la QPC. Il était reproché au législateur d’avoir méconnu l’étendue de sa compétence en ne prévoyant pas de procédure imposant au juge de faire cesser des conditions indignes de détention auxquelles seraient exposées des personnes condamnées. Cette carence et les dispositions litigieuses méconnaitraient le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, celui de prohibition des traitements inhumains et dégradants ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif.

Étendue de la QPC. Le Conseil constitutionnel a considéré que la QPC portait sur le paragraphe III de l’article 707 du Code de procédure pénale relatif au retour progressif à la liberté des condamnés incarcérés en exécution d’une peine privative de liberté.

Décision. Les dispositions litigieuses sont déclarées contraires à la Constitution.

Le Conseil énonce qu’il se déduit de la lecture combinée du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) et de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D) qu’il appartient aux autorités judiciaires et administratives de veiller à ce que la privation de liberté des personnes condamnées soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne. En outre, le Conseil précise qu’il incombe au législateur de garantir aux personnes condamnées la possibilité d’exercer devant le juge un recours permettant qu’il soit mis fin aux conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine.

La Haute juridiction constate ensuite que ni les dispositions du Code de justice administrative ni les dispositions dénoncées du Code de procédure pénale ne permettent de saisir un juge afin qu’il soit mis fin à des conditions indignes de détention.

Le Conseil affirme que le III de l’article 707 du Code de procédure pénale méconnait les exigences constitutionnelles précitées et le déclare contraire à la Constitution.

Les conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité. S’il était important de reconnaitre que les détenus condamnés ne disposaient d’aucun recours effectif pour faire cesser leurs conditions indignes de détention, la déclaration d’inconstitutionnalité ici faite a un impact limité puisque, comme le précise le Conseil, les dispositions concernées ne sont plus en vigueur dans leur rédaction contestée.

La loi n° 2021-403 du 8 avril 2021, tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention (N° Lexbase : L9830L3H) est en effet venu ajouter au III de l’article 707 du Code de procédure pénale une référence à l’article 803-8 du Code de procédure pénale lequel créé une procédure visant à faire reconnaitre et cesser l’existence de conditions indignes de détention affectant tant les détenus provisoires que les personnes condamnées.

Notons que les praticiens semblent encore sceptiques sur l’efficacité de l’article 803-8 du Code de procédure pénale et attendent que la pratique apporte la preuve de l’efficacité réelle de cette nouvelle procédure.

Pour aller plus loin :

  • v. A. Morineau, Huit ans de bataille pour la dignité des personnes détenues, de la CEDH au Conseil constitutionnel, Lexbase Pénal, novembre 2020 (N° Lexbase : N5309BYB) ;
  • v. M. Giacopelli, Le raz de marée du principe de dignité, Lexbase Pénal, novembre 2020 (N° Lexbase : N5183BYM).

 

newsid:477249

[Brèves] Cautionnement : la disproportion opposée par la caution à une mesure d'exécution forcée échappe à la prescription

Réf. : Cass. com., 8 avril 2021, n° 19-12.741, F-P (N° Lexbase : A12914PI)

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N7190BYX

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par Vincent Téchené

Le 16 Avril 2021

► La contestation opposée par une caution, sur le fondement de la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, à une mesure d'exécution forcée engagée par le créancier échappe à la prescription.

Faits et procédure. Par acte notarié du 9 octobre 2009, une banque a consenti, à une société, une ouverture de crédit en compte courant, garantie, dans le même acte, par un cautionnement solidaire. La société a été mise en redressement judiciaire et a bénéficié d'un plan de redressement. Faisant suite à la résolution du plan et à la mise en liquidation judiciaire de la société, la banque a fait délivrer, le 28 janvier 2005, à la caution un commandement aux fins de saisie-vente. La caution ayant, le 10 février 2015, assigné la banque devant le juge de l'exécution en annulation du commandement, la banque lui a opposé la prescription de son action.

La cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier, 20 décembre 2018, n° 18/00336 N° Lexbase : A2596YRL) ayant condamné la caution, elle a formé un pourvoi en cassation. Elle reprochait alors à l’arrêt d’appel de la déclarer irrecevable en ce qu'elle oppose à la banque un manquement à son devoir de mise en garde et, en conséquence, de déclarer bon et valable le commandement aux fins de saisie-vente délivré.

Décision. La Cour de cassation opère une double censure de l’arrêt d’appel.

En premier lieu, la Cour de cassation énonce donc, au visa des articles L. 110-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L4314IX3) et L. 341-4 (N° Lexbase : L8753A7C), devenu L. 343-4 (N° Lexbase : L1103K7Y), du Code de la consommation, que la contestation opposée par une caution, sur le fondement de la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, à une mesure d'exécution forcée engagée par le créancier échappe à la prescription.

Or, pour déclarer la caution irrecevable, pour tardiveté, à opposer à la banque la disproportion manifeste de son engagement de caution à ses biens et revenus, l'arrêt, après avoir énoncé que la prescription applicable était celle prévue par l'article L. 110-4 du Code de commerce, retient que le délai quinquennal de « l'action » dont la caution disposait pour contester l'acte fondant les poursuites à son encontre a commencé à courir à compter du 9 octobre 2009, date de conclusion du cautionnement, la caution ayant, dès la signature de l'acte, toutes les informations lui permettant de contester la portée ou la validité de son engagement. En outre, l’arrêt d’appel ajoute qu'il importe peu que l'instance ait été introduite par la caution en réponse à un acte d'exécution, dès lors qu'elle a agi par voie principale pour contester l'acte fondant les poursuites entreprises.

La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel « en statuant ainsi, alors que, tendant à contester la possibilité pour la banque de se prévaloir du titre exécutoire notarié fondant ses poursuites, le moyen tiré de la disproportion manifeste de l'engagement de la caution à ses biens et revenus, que celle-ci invoquait pour s'opposer à la saisie-vente, échappait à la prescription, la cour d'appel a violé les textes visés ».

Observations. La première chambre civile et la Chambre commerciale de la Cour de cassation ont toutes les deux, déjà, retenu en 2018 que la prétention de la caution fondée sur la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus constitue un simple moyen de défense au fond, au sens de l’article 71 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1286H4E), sur lequel la prescription est sans incidence (Cass. civ. 1, 31 janvier 2018, n° 16-24.092, FS-P+B N° Lexbase : A4786XCA – Cass. com., 28 mars 2018, n° 16-27.832, F-D N° Lexbase : A8619XI3).

En second lieu, la Cour de cassation rappelle, au visa des articles 1147 (N° Lexbase : L1248ABT), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC), que le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement de dommages-intérêts formée par la caution contre l'établissement de crédit créancier pour manquement à son devoir de mise en garde est le jour où elle a su que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.

Or, la Cour de cassation relève que pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action de la caution en responsabilité contre la banque pour manquement à l'obligation de mise en garde, l'arrêt se prononce par les motifs précités, fixant le point de départ unique de la prescription à la date de la conclusion de l'acte de cautionnement.

Dès lors, pour la Haute juridiction, « en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que seul le commandement aux fins de saisie-vente délivré en janvier 2015 avait permis, à défaut d'un acte antérieur de mise en demeure ou d'exécution non mentionné par l'arrêt, à la caution de savoir que son engagement de caution allait être mis à exécution, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Observations. La Cour de cassation a déjà précisé que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité exercée par la caution contre la banque est fixé au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal (Cass. com., 13 décembre 2016, n° 14-28.097, F-D N° Lexbase : A2254SXR – Cass. com., 9 juillet 2019, n° 17-28.792, F-D N° Lexbase : A3671ZK8).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Proportionnalité et cautionnement, La prescription attachée à la disproportion du cautionnement (N° Lexbase : E24544PL) et ÉTUDE : Les effets du cautionnement entre le créancier et la caution, La mise en œuvre de la responsabilité du créancier par la caution (N° Lexbase : E2630GAN), in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase.

 

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