Le Quotidien du 11 janvier 2021

Le Quotidien

Avocats/Déontologie

[Brèves] Correspondance entre avocats : impossibilité de communiquer la lettre imputée au conseil d’une banque seule à même de prouver un quelconque engagement de celle-ci

Réf. : CA Nîmes, 17 décembre 2020, n° 19/02178 (N° Lexbase : A74504A8)

Lecture: 4 min

N5915BYQ

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par Marie Le Guerroué

Le 07 Janvier 2021

► Faute d’être revêtue de la mention « officielle » et de ne correspondre à aucune des hypothèses dans lesquelles la loi autorise la production par dérogation au principe de confidentialité, les lettres des avocats des parties et tout spécialement celle qui est imputée au conseil d’une banque, seule à même de prouver un quelconque engagement de sa part, ne peuvent être ni communiquées ni utilisées dans le cadre d’un litige.

Procédure. Des époux avaient, emprunté solidairement une somme afin de financer l'achat d'un immeuble. Ils avaient ensuite divorcé. Les échéances n'ayant plus été remboursées, la banque avait provoqué la déchéance du terme puis engagé une procédure de saisie immobilière de l'immeuble. La banque avait ultérieurement engagé de nouvelles procédures d'exécution à l'encontre d’un des époux pour obtenir le règlement du solde lui restant dû sur sa créance après la vente de l’immeuble. Statuant sur la contestation de la saisie attribution diligentée par celle-ci, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance avait constaté l'irrecevabilité de l'action de l’époux au motif que l'argumentation que celui-ci présentait s'appuyait sur une correspondance entre avocats couverte par le secret professionnel. C'est dans ce contexte que l’époux avait assigné son ancienne épouse et la banque pour qu'il soit dit que, à la suite d'une novation, la créance était intégralement réglée et était donc éteinte. Il soutient que preuve est rapportée que le notaire était parfaitement au courant de la novation du contrat, et avait rédigé et fait signer un acte de vente du bien commun indivisible pour un montant de 100 000 euros, les correspondances entre avocats échappant en l'espèce au secret professionnel.

Texte. La cour rappelle, cependant que, l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) dispose que : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son conseil ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention 'officielle', les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ». Le principe est repris à l'article 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 (N° Lexbase : L6025IGA), selon lequel « Sous réserves des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévues ou autorisés par la loi, l'avocat ne commet en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel ». La cour ajoute aussi que le règlement intérieur national de la profession d'avocat énonce à l'article 2.1 que le secret professionnel de l'avocat est d'ordre public, général, absolu et illimité dans le temps, à l'article 2.2 qu'il couvre notamment en toute matière, dans le domaine du conseil ou celui de la défense, quels que soient les supports, notamment les correspondances échangées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, à l'article 3.1 que les correspondances entre avocats, quels qu'en soit le support, ne peuvent en aucun cas être produites en justice ni faire l'objet d'une levée de confidentialité. L'exception de l'article 3.2 est d'interprétation stricte et suppose la réunion cumulative de deux conditions : pour échapper au secret professionnel, les correspondances entre avocats doivent d'une part porter la mention officielle et d'autre part soit être équivalent à un acte de procédure, soit ne faire référence à aucun écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels.
Réponse de la CA. En l'espèce, aucune des lettres des différents avocats des parties n'est revêtue de la mention « officielle » et l'instance ne correspond à aucune des hypothèses dans lesquelles la loi en autorise la production par dérogation au principe de confidentialité. Elles ne peuvent donc être ni communiquées ni utilisées dans le cadre du présent litige, et tout spécialement celle qui est imputée au conseil de la société Lyonnaise de Banque, seule à même de prouver un quelconque engagement de sa part. La preuve de l'extinction de la créance de la banque n'est pas rapportée dans des conditions licites si bien que le jugement qui a débouté l’appelant de ses prétentions est confirmé en toutes ses dispositions.

Confirmation. La cour confirme donc le jugement déféré.

► Pour aller plus loin : V., ETUDE : Le secret et la confidentialité des échanges, in La profession d’avocat (N° Lexbase : E43653R4)

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Bancaire

[Brèves] Résolution dans le secteur bancaire : transposition de la Directive « BRRD 2 »

Réf. : Ordonnance n° 2020-1636 du 21 décembre 2020, relative au régime de résolution dans le secteur bancaire (N° Lexbase : L2296LZ3) ; décret n° 2020-1703 du 24 décembre 2020, relatif au régime de résolution dans le secteur bancaire (N° Lexbase : L2868LZA)

Lecture: 5 min

N5910BYK

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par Vincent Téchené

Le 06 Janvier 2021

► Prise sur le fondement du III de l'article 200 de la loi « PACTE » (loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 N° Lexbase : L3415LQK), une ordonnance, publiée au Journal officiel du 23 décembre 2020, procède à la transposition de la Directive 2019/879 du 20 mai 2019, dite Directive « BRRD 2 » (N° Lexbase : L4477LQU), dont la date limite de transposition était fixée au 28 décembre 2020. L’ordonnance est complétée par un décret, publié au Journal officiel du 27 décembre 2020, qui procède à la transposition du volet règlementaire de la Directive « BRRD 2».

Soulignons, au préalable que la Directive « BRRD2 » laisse très peu de marges de manœuvre au législateur au plan national, d'autant qu'elle s'applique dans l'UE simultanément au Règlement « SRMR 2 » (Règlement n° 2019/877 du 20 mai 2019 N° Lexbase : L4475LQS), spécifique aux États participants à l'Union bancaire (sous l'autorité du Conseil résolution unique). Toutefois, l’ordonnance procède à quelques choix là où des options sont ouvertes par « BRRD2 ».

L'article 1er modifie les livres V et VI du Code monétaire et financier. Au livre V du Code monétaire et financier, une seule modification est présentée, à l'article L. 512-89 (N° Lexbase : L2593LZ3) : les comptes-courant d'associés des sociétés locales d'épargne détenus auprès des caisses d'épargne et de prévoyance doivent pouvoir être incorporés au capital en liquidation pour respecter le principe « no creditor worse off ». La quasi-totalité des modifications portent sur les dispositions du livre VI du Code monétaire et financier. Outre les ajustements et clarifications rendus nécessaires par la Directive, plusieurs modifications présentent un caractère notable :

  • la possibilité, pour une banque coopérative, de constater la cessation des paiements simultanée de l'organe central et de l'ensemble des affiliés ;
  • la possibilité pour l’ACPR de solliciter l'ouverture de procédures de redressement et de liquidation judiciaires à l'égard d'un établissement défaillant mais ne remplissant pas les conditions d'ouverture d'une procédure de résolution ;
  • la possibilité de mise en œuvre coordonnée, par un même liquidateur judiciaire, de la liquidation judiciaire des entités d'un groupe bancaire coopératif, en traitant de manière égale tous les créanciers de même rang quelle que soit l'entité considérée.

L'article 2 de l'ordonnance modifie l'article L. 613-30-3 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2631LZH) afin de prévoir une dénomination minimale de 50 000 euros pour les instruments de rang senior non-préféré (rang du 4° du paragraphe I) qui constituent la ressource principale pour couvrir les exigences de MREL subordonné.

L'article 3 de l’ordonnance complète l'article L. 613-34 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2633LZK) afin d'inclure les organes centraux de banques coopératives parmi les personnes susceptibles de faire l'objet des mesures de prévention et de gestion des crises bancaires définies au livre VI du Code monétaire et financier.

L'article 4 modifie les articles L. 613-38 (N° Lexbase : L2639LZR), L. 613-40 (N° Lexbase : L2640LZS), L. 613-40-1 (N° Lexbase : L2641LZT) et L. 613-41 (N° Lexbase : L2642LZU) afin que soient précisées les conditions dans lesquelles des plans préventifs de résolution sont établis pour les groupes, de manière coordonnée au niveau de l'Union.

L'article 5 précise les conditions dans lesquelles peuvent être prises des mesures pour répondre aux exigences de fonds propres et engagements éligibles, ainsi que pour supprimer les obstacles à la résolvabilité.

L'article 6 de l’ordonnance remplace l'actuel article L. 613-44 (N° Lexbase : L2637LZP) par une série de dispositions relatives au respect de l'exigence minimale de fonds propre et d'engagements éligibles.

Après l'article 7 relatif aux pouvoirs de police de l'ACPR, l'article 8 vient préciser les conditions dans lesquelles le collège de résolution peut exercer son pouvoir de réduire la valeur nominale d'engagements éligibles ou d'instruments de fonds propres, de les déprécier ou de les convertir.

L'article 9 concerne en particulier l'article L. 613-49-1 (N° Lexbase : L2654LZC) qui adapte les conditions de déclenchement d'une procédure de résolution aux groupes bancaires à organe central.

L’article 10 adapte, ensuite, l'article L. 613-59-1 (N° Lexbase : L2673LZZ) afin notamment que les membres du collège d'autorités de résolution européennes tiennent compte de la stratégie de résolution globale éventuellement adopté par les autorités de pays tiers. Les conditions de présidence du collège d'autorité de résolution européennes sont également précisées.

Un certain nombre de dispositions sont par ailleurs précisées au chapitre de l’ordonnance, qui comprend les articles 11 à 14, en ce qui concerne leur application dans les collectivités et territoires d'outre-mer.

Enfin, le chapitre III, consistant en l'article 15, précise que les dispositions de la présente ordonnance sont applicables à compter du 28 décembre 2020.

Plusieurs dispositions transitoires sont néanmoins prévues au II de ce même article 15. Elles concernent en particulier l'exigence minimale de fonds propres et d'engagements éligible (MREL), pour laquelle le respect de niveaux intermédiaires fixés par le collège de résolution unique est rendu obligatoire au 1er janvier 2022, et le respect des niveaux cibles est rendu obligatoire au 1er janvier 2024. Cette période de transition peut par ailleurs être prolongée au cas par cas après cette date sur décision du collège de résolution. Un autre délai, de deux ans, pour se confirmer au niveau cible final est prévue en cas d'utilisation des instruments de renflouement interne ou de recapitalisation de l'institution sans appliquer de mesures de résolution.

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Cotisations sociales

[Brèves] La lettre, réponse aux observations du cotisant à la première lettre d’observations, ne constitue pas une nouvelle lettre d’observations

Réf. : Cass. civ. 2, 7 janvier 2021, n° 19-20.230, F-P+I (N° Lexbase : A56184BP)

Lecture: 2 min

N5987BYE

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par Laïla Bedja

Le 08 Janvier 2021

► La lettre par laquelle l’inspecteur du recouvrement répond, en application de l’article R. 243-59 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9076LSX), dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 (N° Lexbase : L6037IYA), applicable au litige, aux observations formulées par le cotisant à la suite de la notification de la lettre d’observations, ne constitue pas une nouvelle lettre d’observations.

Les faits et procédure. Une société a fait l’objet d’un contrôle de l’URSSAF portant sur les années 2012 à 2014 à la suite duquel l’organisme lui a adressé le 7 juillet 2015 une lettre d’observations, suivie le 4 septembre 2015, après réponse de la société, d’une seconde lettre minorant le redressement. Une mise en demeure a ensuite été notifiée le 18 septembre 2015.

La société a saisi d’un recours une juridiction de Sécurité sociale.

La cour d’appel. Pour annuler la lettre d’observations du 7 juillet 2015, et tous les actes subséquents, la cour d’appel (CA Paris, Pôle 6, 12ème ch., 17 mai 2019, n° 17/15105, Infirmation N° Lexbase : A7463ZBZ) relève que par courrier du 4 septembre 2015, l’inspecteur du recouvrement, qui a procédé à un nouvel examen du dossier au vu des éléments apportés par la société, a revu partiellement le montant du redressement. Elle énonce que « force est de constater que les éléments de calcul détaillés dans ce courrier du 4 septembre 2015 ne mettent pas la société en mesure de déterminer comment l’URSSAF parvient à ramener le montant du redressement à la somme de 314 027 euros en lieu et place de celle de 321 919 euros initialement retenue aboutissant à un montant différent de celui retenu par l’URSSAF ». Elle ajoute qu’en outre, « le décompte récapitulatif, annulant et remplaçant celui du 7 juillet 2015, n’est pas joint à ce courrier », la société n’étant pas dès lors en mesure de déterminer les bases et modes de calcul de l’URSSAF pour parvenir au montant récapitulatif.

Cassation. C’est à tort que la cour d’appel s’est prononcée sur l’annulation de la lettre d’observations du 7 juillet 2015. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond.

Pour en savoir plus : v. F. Taquet, ÉTUDE : Le contentieux du recouvrement, La réponse de l'URSSAF aux éventuelles observations du cotisant, in Droit de la protection sociale, Lexbase (N° Lexbase : E33913PB).

newsid:475987

Covid-19

[Brèves] Télétravail : les nouveautés du protocole sanitaire en entreprise

Réf. : Min. Travail, protocole sanitaire en entreprise, 6 janvier 2021

Lecture: 1 min

N5992BYL

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par Charlotte Moronval

Le 08 Janvier 2021

► Le ministère du Travail a publié le 6 janvier 2021 une nouvelle version du protocole sanitaire en entreprise avec des évolutions concernant notamment le télétravail.

Si le ministère du Travail continue à inciter au télétravail à 100 %, un retour sur site est possible un jour par semaine au maximum lorsque le salarié exprime le besoin, avec l’accord de son employeur.

newsid:475992

Droits fondamentaux

[Brèves] Suspension du film « Grâce à Dieu » : la Cour de cassation précise l’office du juge et rejette la demande

Réf. : Cass. civ. 1, 6 janvier 2021, n° 19-21.718, FS-P+I (N° Lexbase : A56154BL)

Lecture: 7 min

N5997BYR

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par Adélaïde Léon

Le 11 Janvier 2021

► L’atteinte à la présomption d’innocence est constituée lorsque l’expression litigieuse est exprimée publiquement et contient des conclusions définitives tenant pour acquise la culpabilité d’une personne pouvant être identifiée relativement à des faits qui font l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, ou d’une condamnation pénale non encore irrévocable ; le droit à la présomption d’innocence et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur, il appartenait au juge de les mettre en balance afin de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime ;

C’est à bon droit que la cour d’appel, qui a procédé à la mise en balance des intérêts en cause, en notant que le film participait au débat d’intérêt général sur la liberté de la parole des victimes de pédophilie au sein de l’ Église catholique, a apprécié l’impact du contenu du film et des avertissements y figurant sur la procédure pénale et considéré que la culpabilité de l’intéressé n’y est pas tenue pour acquise avant qu’il soit jugé, juge que la suspension de la diffusion du film litigieux, jusqu’à ce qu’une décision définitive sur la culpabilité soit rendue, constituerait une mesure disproportionnée aux intérêts en jeu.

Rappel des faits. Le 26 janvier 2016, un individu est mis en examen du chef d’atteintes sexuelles sur des mineurs qui auraient été commises entre 1986 et 1991 alors qu’il était prêtre dans le diocèse de Lyon. Il est également entendu en qualité de témoin assisté concernant de viols qui auraient été commis au cours de la même période.

Le 31 janvier 2019, l’intéressé assigne trois sociétés de production en référé aux fins, notamment, de voir ordonner, sous astreinte, la suspension de la diffusion du film « Grâce à Dieu », prévue le 20 février 2019 jusqu’à l’intervention d’une décision de justice définitive sur sa culpabilité.

En cause d’appel. La cour d’appel rejette le recours de l’intéressé. Elle retient que le film ne constitue pas un documentaire sur le procès à venir mais retrace le parcours de personnes se disant victimes d’actes infligés par le prêtre en cause et la création d’une association rassemblant des victimes de faits similaires. Par ailleurs, les juges notent que cette œuvre s’inscrit dans une actualité portant sur la dénonciation de tels faits au sein de l’Église catholique et participe à un débat d’intérêt général autour de la libération de la parole. La cour d’appel précise que le film débute et s’achève par des cartons précisant qu’il s’agit d’une fiction inspirée de faits réels et que l’intéressé bénéficie de la présomption d’innocence. Les juges d’appel notent que la sortie du film à la date prévue n’est pas de nature à porter une atteinte grave au caractère équitable du procès et à la sérénité des débats dès lors qu’elle ne coïncide précisément pas avec ces débats. Enfin, il est souligné que la suspension de la sortie du film jusqu’à l’issue définitive de la procédure pénale pourrait reporter cette sortie à plusieurs années de telle sorte qu’il en résulterait une atteinte grande et disproportionnée à la liberté d’expression.

La cour d’appel conclut que la suspension de la diffusion du film litigieux jusqu’à ce qu’une décision définitive sur sa culpabilité soit rendue constituerait une mesure disproportionnée aux intérêts en jeu.

Le mis en examen a formé un pourvoi.

Moyens du pourvoi. Il est fait grief à la cour d’appel d’avoir rejeté la demande de suspension de diffusion du film. Selon le demandeur, une telle suspension temporaire n’aurait pas été disproportionnée et n’aurait pas paralysé le débat d’intérêt général auquel le film contribuait. L’intéressé relève que la cour d’appel a elle-même noté que, dans l’œuvre litigieuse, la réalité des faits imputés était présentée comme certaine, et la culpabilité de l’intéressé présentée comme incontestable, portant nécessairement atteinte à la présomption d’innocence. Il souligne que l’impact des cartons est minime au regard de celui du film dans son entier. Il est souligné que le caractère fictionnel du film n’en réduit pas l’atteinte susceptible d’être portée au droit à la présomption d’innocence.

Pour le demandeur, il résulterait nécessairement de cette « démonstration publique » de culpabilité une atteinte à l’exigence d’impartialité du juge. La seule circonstance que la sortie n’ait pas lieu en même temps que les débats judiciaires est indifférente dès lors que demeure la possibilité, pour tous, de télécharger ou d’acquérir une copie du film pendant le procès.

Décision de la Cour. La première chambre civile rejette le pourvoi au visa des articles 6 (procès équitable et présomption d’innocence) (N° Lexbase : L7558AIR) et 10 (liberté d’expression) (N° Lexbase : L4743AQQ) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et de l’article 9-1 du Code civil (référé) (N° Lexbase : L3305ABZ).

La Cour rappelle qu’en vertu d’un arrêt du 10 avril 2013 (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 11-28.406, F-P+B+I N° Lexbase : A9955KBC) l’atteinte à la présomption d’innocence est constituée lorsque l’expression litigieuse est exprimée publiquement et contient des conclusions définitives tenant pour acquise la culpabilité d’une personne pouvant être identifiée relativement à des faits qui font l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, ou d’une condamnation pénale non encore irrévocable.

Selon la Cour, le droit à la présomption d’innocence et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur, il appartenait à la cour d’appel de les mettre en balance afin de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime. Rappelant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 29 mars 2016, Req. 56925/08, Bédat c/ Suisse [GC] N° Lexbase : A3892RAE), la première chambre civile précise que, dans cette appréciation, doivent être prises en considération la teneur de l’expression litigieuse, sa contribution à un débat d’intérêt général, l’influence qu’elle peut avoir sur la conduite de la procédure pénale et la proportionnalité de la mesure demandée.

La Haute juridiction rappelle que les juges d’appel ont apprécié l’impact du film et des avertissements au regard de la procédure pénale en cours, ont constaté que celui-ci participait à un débat d’intérêt général et n’ont pas retenu que la culpabilité de l’intéressé avait été tenue pour acquise avant qu’il soit jugé.

Selon la Cour, la juridiction d’appel a justement procédé à la mise en balance qu’appelait ce litige et c’est à bon droit que la cour d’appel a considéré que la suspension de la diffusion du film litigieux, jusqu’à ce qu’une décision définitive sur la culpabilité soit rendue, constituerait une mesure disproportionnée aux intérêts en jeu.

Pour aller plus loin : v. J. Perot, N. Catelan, J. Pasieczny, La séance est ouverte #2 :  « Grâce à Dieu » de François Ozon, un podcast Lexradio [à écouter ici].

 

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Environnement

[Brèves] Véhicules équipés du système « RGE » : la fraude est caractérisée !

Réf. : CJUE, 17 décembre 2020, aff. C-693/18 (N° Lexbase : A71684AQ)

Lecture: 3 min

N5933BYE

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par Yann Le Foll

Le 06 Janvier 2021

► Un constructeur ne peut installer un dispositif d’invalidation qui améliore systématiquement, lors des procédures d’homologation, la performance du système de contrôle des émissions des véhicules afin d’obtenir leur homologation (CJUE, 17 décembre 2020, aff. C-693/18 N° Lexbase : A71684AQ).

Faits. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, point 10, et de l’article 5, paragraphe 2, du Règlement (CE) n° 715/2007 du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules (N° Lexbase : L5450I7Y). Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre la société X, constructeur automobile, pour avoir mis sur le marché français des véhicules à moteur équipés d’un logiciel pouvant modifier le système de contrôle des émissions de gaz polluants en fonction des conditions de conduite qu’il a détectées (vanne de recirculation des gaz d’échappement, dite « RGE »), ceci afin de réduire les émissions finales d’oxydes d’azote (NOx).

Décision. Selon la Cour, tant les technologies et la stratégie qui réduisent les émissions en aval, à savoir après leur formation, que celles qui, à l’instar du système RGE, réduisent les émissions en amont, à savoir lors de leur formation, relèvent de la notion de « système de contrôle des émissions » au sens du Règlement du 20 juin 2007. Constitue un tel dispositif un logiciel, comme le logiciel mis en cause, qui modifie le niveau des émissions des véhicules en fonction des conditions de conduite qu’il détecte et ne garantit le respect des limites d’émissions que lorsque ces conditions correspondent à celles appliquées lors des procédures d’homologation. En outre, ledit logiciel constitue un dispositif d’invalidation même si l’amélioration de la performance du système de contrôle des émissions peut également être observée, de manière ponctuelle, dans des conditions d’utilisation normales du véhicule.

Pour être justifiée, la présence d’un tel dispositif doit permettre de protéger le moteur contre des dommages soudains et exceptionnels et  seuls les risques immédiats de dégâts qui génèrent un danger concret lors de la conduite du véhicule sont de nature à justifier l’utilisation d’un dispositif d’invalidation.

Elle en conclut donc qu’un dispositif d’invalidation qui améliore systématiquement, lors des procédures d’homologation, la performance du système de contrôle des émissions des véhicules aux fins de respecter les limites d’émissions fixées par ce règlement, et ainsi d’obtenir l’homologation de ces véhicules, ne peut relever de l’exception à l’interdiction de tels dispositifs prévue par le Règlement du 20 juin 2007, même si ce dispositif contribue à prévenir le vieillissement ou l’encrassement du moteur.

En effet, ces événements sont, en principe, prévisibles et inhérents au fonctionnement normal du véhicule, or, toute exception doit faire l’objet d’une interprétation stricte, de nature à sauvegarder son effet utile et à respecter sa finalité (CJUE, 3 septembre 2014, aff. C-201/13, Johan Deckmyn c/ Helena Vandersteen N° Lexbase : A9174MUC).

newsid:475933

Licenciement

[Brèves] Inopposabilité de l’indemnité supra légale de licenciement à l’AGS

Réf. : Cass. soc., 16 décembre 2020, n° 18-15.532, F-P+B (N° Lexbase : A68944AL)

Lecture: 2 min

N5917BYS

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par Charlotte Moronval

Le 06 Janvier 2021

► Une indemnité supra-légale de licenciement n’est pas une mesure d’accompagnement résultant d’un plan de sauvegarde de l’emploi, mais une somme concourant à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail ; la créance du salarié fixée à titre d’indemnité supra-légale de licenciement n’est donc pas opposable à l’AGS.

Faits et procédure. Un salarié est licencié pour motif économique. En application du plan de sauvegarde de l'emploi validé par la Direccte, il devait bénéficier d'une indemnité supra-légale de licenciement payable en trois échéances, lesquelles n’ont pas été honorées. La société ayant été mise en liquide judiciaire, le salarié saisit la juridiction prud’homale pour obtenir l’inscription sur le relevé de créances de la société de diverses sommes, notamment du montant du solde de l’indemnité supra-légale de licenciement.

Pour dire la créance du salarié fixée à titre d’indemnité supra-légale de licenciement opposable à l’AGS, la cour d’appel retient que si celle-ci fonde sa position sur l'article L. 3253-13 du Code du travail (N° Lexbase : L0710IXL), c’est avec pertinence que le salarié invoque à son profit l'exception au principe posé par ce texte constituée par l'article L. 3253-8, alinéa 4, du Code du travail (N° Lexbase : L7959LGU). Elle ajoute qu’au vu de la date d'adoption du plan de sauvegarde de l’emploi, la garantie serait exclue si l'indemnité considérée n'avait pour objet que la réparation financière de la rupture du contrat de travail, mais qu’elle est en revanche due dès lors que la somme vise à accompagner le salarié dans une demande de reclassement professionnel et de recherche d'un emploi. Elle conclut qu'à l'évidence instaurée par un plan de sauvegarde de l'emploi, l'indemnité litigieuse participe de la volonté d'accroître les moyens matériels du salarié pour faciliter la mise en œuvre de son reclassement professionnel, ce qui suffit à rendre la garantie de l'AGS mobilisable.

La solution. Enonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel qui, en statuant ainsi, a violé l’article L. 3253-8, 4° du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, et l’article L. 3253-13 du même Code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

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Régimes matrimoniaux

[Brèves] Révocation des donations entre époux : preuve de l’intention libérale, et plus exactement du caractère non rémunératoire de la donation !

Réf. : Cass. civ. 1, 16 décembre 2020, n° 19-13.701, FS-P (N° Lexbase : A69344A3)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 08 Janvier 2021

► Il appartient à l'époux qui soutient que les paiements qu'il a effectués pour le compte de son conjoint constituent une donation révocable d'établir qu'ils n'ont pas eu d'autre cause que son intention libérale.

En l’espèce, par un arrêt du 9 septembre 2008, la cour d’appel de Lyon avait prononcé le divorce d’époux qui étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et dit qu'en application de l'article 267 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, tous les avantages matrimoniaux consentis à l’épouse par son époux étaient révoqués de plein droit. Des difficultés se sont élevées à l'occasion de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux. 

Pour décider que les versements faits par l’ex-époux ayant permis l'acquisition de biens immobiliers par l’ex-épouse, soit en indivision avec lui, soit personnellement, constituaient des libéralités révocables, la cour d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 3 avril 2018, avait retenu, par motifs propres et adoptés, que les sommes versées pour l'acquisition de deux biens immobiliers indivis dépassaient largement sa contribution aux charges du mariage, que l’épouse ne chiffrait pas son investissement dans la réfection des immeubles, qui restait modeste, et que les travaux d'amélioration avaient été majoritairement financés par ce dernier.

La décision est censurée par la Haute juridiction qui, après avoir rappelé qu’aux termes de l’article 1096, alinéa 1er, du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 (N° Lexbase : L1183ABG), « Toutes donations faites entre époux pendant le mariage, quoique qualifiées entre vifs, seront toujours révocables », vient préciser que, lorsqu'un époux séparé de biens acquiert un bien, soit à titre personnel, soit indivisément avec son conjoint, au moyen de fonds fournis par ce dernier, sa collaboration non rémunérée à l'activité professionnelle de celui-ci ou à la gestion du ménage et à la direction du foyer peut constituer la cause des versements effectués pour son compte dès lors que, par son importance, cette activité a excédé sa contribution aux charges du mariage et a été source d'économies.

Et d’ajouter qu’il appartient à l'époux qui soutient que les paiements qu'il a effectués pour le compte de son conjoint constituent une donation révocable d'établir qu'ils n'ont pas eu d'autre cause que son intention libérale.

Il s’agit là d’une précision, inédite à notre connaissance, concernant la charge de la preuve (contra, en ce sens que c’est à celui des époux qui invoque le caractère rémunératoire de la donation d’en rapporter la preuve, cf. N. Peterka in Droit patrimonial de la famille, Dalloz actions (éd. 2018-2019), n° 354.32 ; C. Goldie-Genicon, Les libéralités rémunératoires, Mél. G. Champenois, Defrénois, 2012, p. 347).

A noter que la Cour de cassation avait déjà jugé que la circonstance que le droit à prestation compensatoire de l'épouse ait été reconnu en prenant en considération l'abandon par celle-ci de son activité professionnelle au cours du mariage, sans que le montant de cette prestation soit fixé, n'interdit pas à l’épouse de se prévaloir de cet abandon pour établir que les sommes versées par son conjoint en étaient la contrepartie, et que la donation rémunératoire en résultant n’était pas révocable (Cass. civ. 1, 13 avril 2016, n° 15-16.615, F-D N° Lexbase : A7025RIZ).

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