Le Quotidien du 8 janvier 2021

Le Quotidien

Aide juridictionnelle

[Brèves] Carence de l’avocat désigné au titre de l'AJ dans l’accomplissement de sa mission et obligations du juge d'appel

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 11 décembre 2020, n° 427517, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A653239S)

Lecture: 3 min

N5981BY8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/63746537-edition-du-08012021#article-475981
Copier

par Marie Le Guerroué

Le 07 Janvier 2021

► Afin d'assurer le bénéfice effectif du droit que l'intimé devant une cour administrative d'appel tire de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 (N° Lexbase : L8607BBE), lorsque l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle (AJ) s'est borné à se constituer et à annoncer la production d'un mémoire en défense, mais qu'il n'a ni produit ce mémoire annoncé, ni ne s'est approprié le mémoire que son client avait présenté sans son ministère, il appartient au juge d'appel, avant de statuer, de le mettre en demeure d'accomplir, dans un délai déterminé, les diligences qui lui incombent et de porter cette carence à la connaissance de l'intimé, afin de le mettre en mesure, le cas échéant, de choisir un autre représentant.

Procédure. Un ressortissant kosovar, avait fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Moselle lui refusant notamment la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire sans délai. Le tribunal administratif de Strasbourg avait annulé cet arrêté et enjoint au préfet de réexaminer la demande dans un délai de deux mois et de délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour. L’intéressé se pourvoit en cassation contre l’arrêt par lequel la cour d'administrative d'appel de Nancy (CAA Nancy, 15 novembre 2018, n° 18NC00691 N° Lexbase : A0629YNM) a annulé ce jugement et rejeté sa demande.

Réponse du Conseil d’État. La Haute juridiction administrative relève que, le 1er juin 2018, le demandeur au pourvoi avait adressé à la cour un mémoire en défense présenté sans ministère d'avocat alors qu'un tel ministère était requis. Le 16 juin 2018, l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle, avait indiqué à la cour se constituer au soutien des intérêts de celui-ci et annoncé la production d'un mémoire en défense (sur l'impossibilité de rejeter une requête pour défaut de ministère d'avocat lorsque l'avocat s'est constitué, v. CE, 25 juillet 2008, n° 295437 N° Lexbase : A7907D9Q, T. pp. 851-880 ; N° Lexbase : N7133BGB). En déduisant de l'absence de production du mémoire annoncé et de la non régularisation expresse, par son conseil, du mémoire présenté par le demandeur le 1er juin 2018 que celui-ci n'avait pas présenté de défense, alors qu'afin d'assurer le bénéfice effectif du droit que l'intéressé tirait de la loi du 10 juillet 1991, il appartenait au juge d'appel, avant de statuer, de mettre l'avocat désigné pour le représenter en demeure d'accomplir, dans un délai déterminé, les diligences qui lui incombent et de porter cette carence à la connaissance de son client, afin de le mettre en mesure, le cas échéant, de choisir un autre représentant, la cour a, selon les juges du Palais Royal, entaché son arrêt d'irrégularité (lire déjà, CE 1° et 6° s-s-r., 28 décembre 2012, n° 348472 N° Lexbase : A6855IZW, T. p. 927 N° Lexbase : N5189BTD).

Annulation. Le demandeur est donc fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
 

newsid:475981

Affaires

[Brèves] Réforme de la régulation des jeux de hasard : publication des dispositions réglementaires

Réf. : Décret n° 2020-1773 du 21 décembre 2020, modifiant le Code de la sécurité intérieure et relatif aux jeux d'argent et de hasard (N° Lexbase : L6178LZT) ; décret n° 2020-1774 du 21 décembre 2020, modifiant le Code de la sécurité intérieure et portant diverses dispositions relatives aux jeux d'argent et de hasard (N° Lexbase : L6183LZZ) ; arrêté du 21 décembre 2020, modifiant divers arrêtés relatifs aux jeux d'argent et de hasard dans les casinos et les clubs de jeux (N° Lexbase : L6317LZY)

Lecture: 3 min

N5904BYC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/63746537-edition-du-08012021#article-475904
Copier

par Vincent Téchené

Le 06 Janvier 2021

► Pris pour l’application de l’ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 (N° Lexbase : L7996LSX ; lire N° Lexbase : N0706BYS), deux décrets et un arrêté ont été publiés au Journal officiel du 31 décembre 2020, rendant ainsi effective la réforme de la régulation des jeux de hasard.

La premier décret (n° 2020-1773) réorganise et adapte le titre II du livre III du Code de la sécurité intérieure en application de l'ordonnance du 2 octobre 2019. Il modifie la dénomination de la commission consultative des jeux de cercles et de casinos qui devient la commission consultative des établissements de jeux, ainsi que sa composition pour tirer les conséquences de la compétence générale de l'Autorité nationale des jeux (ANJ) en matière de prévention des addictions aux jeux. Il redéfinit la mise en œuvre de la police spéciale des jeux par le ministère de l'Intérieur. Il opère le transfert de la compétence de la gestion des interdits volontaires de jeux à l'ANJ. Il crée également deux contraventions de quatrième classe sanctionnant le non-respect de l'interdiction de la vente ou de l'offre gratuite de jeux d'argent et de hasard aux mineurs et le défaut d'affichage visant à protéger les mineurs et les personnes interdites de jeux. Enfin, il prévoit des mesures de coordination notamment pour les clubs de jeux et pour l'application de ces dispositions outre-mer.

Le second décret (n° 2020-1774) complète les dispositions du décret n° 2020-1773. Il réorganise le plan du titre II du livre III de la partie réglementaire du Code de la sécurité intérieure. Il limite le taux de retour aux joueurs des mises des paris hippiques à 76,5 %. Il actualise les dispositions applicables aux casinos et codifie des normes relatives aux jeux d'argent et de hasard. Il adapte enfin les dispositions applicables aux collectivités ultra-marines.

L’arrêté modifie en conséquence quatre arrêtés :

- l'arrêté du 14 mai 2007, relatif à la réglementation des jeux dans les casinos (N° Lexbase : L5865HXI) ;

- l'arrêté du 13 septembre 2017 pris pour l'application du décret n° 2017-913 du 9 mai 2017 et fixant les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation des clubs de jeux à Paris (N° Lexbase : L7346LG8) ;

- l'arrêté du 28 décembre 2017 relatif à l'exploitation de jeux de hasard dans les casinos installés à bord des navires mentionnés au I de l'article L. 321-3 du code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L8312LHC) ; et

- l'arrêté du 28 décembre 2017 relatif à l'exploitation de jeux de hasard dans les casinos installés à bord des navires mentionnés au II de l'article L. 321-3 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L8190LHS).

L’ensemble de la réforme de la régulation des jeux de hasard est ainsi entrée en vigueur le 1er janvier 2021.

newsid:475904

Baux d'habitation

[Brèves] Résiliation du bail sur le moyen d'une dette locative : publication d’un décret ayant pour objet la définition des modalités de réalisation et du contenu du diagnostic social et financier

Réf. : Décret n° 2021-8, du 5 janvier 2021, relatif aux modalités de réalisation et au contenu du diagnostic social et financier effectué dans le cadre d'une procédure judiciaire aux fins de résiliation du bail (N° Lexbase : L6443LZN)

Lecture: 1 min

N5984BYB

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/63746537-edition-du-08012021#article-475984
Copier

par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 07 Janvier 2021

► Le décret n° 2021-8 du 5 janvier 2021 définit les modalités de réalisation et le contenu du diagnostic social et financier effectué dans le cadre d'une procédure judiciaire aux fins de résiliation du bail.

Contexte. L’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (N° Lexbase : Z34730RM), modifié par le deuxième alinéa de l'article 119 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement de l'aménagement et du numérique (N° Lexbase : L8700LM8), prévoit que le diagnostic social et financier réalisé au stade de l'assignation aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation du bail par l'organisme désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l'offre globale de services d'accompagnement vers et dans le logement prévue à l'article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement (N° Lexbase : L2054A4T), est réalisé selon des modalités et un contenu précisé par décret.

Le présent décret vient préciser les dispositions réglementaires en application de cette loi.

Modalités de réalisation. L’article 1 du décret précise qui réalise le diagnostic et la procédure à suivre.

Contenu. L’article 2 du décret détaille les rubriques présentes dans le diagnostic.

Le décret entre en vigueur le 8 janvier 2021.

newsid:475984

Collectivités territoriales

[Brèves] Réglementation portant sur les conditions générales d'utilisation des pesticides : les maires n’ont pas de compétences en la matière !

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 31 décembre 2020, n° 439253, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A35294BC)

Lecture: 2 min

N5931BYC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/63746537-edition-du-08012021#article-475931
Copier

par Yann Le Foll

Le 06 Janvier 2021

► L’édiction d’une réglementation portant sur les conditions générales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques ne relève pas de la compétence des maires au titre de leur pouvoir de police générale (CE 3° et 8° ch.-r., 31 décembre 2020, n° 439253, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A35294BC).

Rappel. Plusieurs juridictions du fond avaient déjà estimé qu’il n’appartient pas au maire de réglementer l'utilisation de produits phytopharmaceutiques sur le territoire de sa commune en l’absence de danger grave et imminent justifiant cette intervention dans le cadre de son pouvoir de police générale (CAA Marseille, 29 avril 2020, n° 20MA00835 N° Lexbase : A17973L7 ; TA Cergy-Pontoise, 8 octobre 2020, n° 1915489 N° Lexbase : A98653XN).

Principe et solution. Si les articles L. 2212-1 (N° Lexbase : L8688AAZ) et L. 2212-2 (N° Lexbase : L0892I78) du Code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques (voir en matière de réglementation en matière de communications électroniques, CE, Ass., 26 octobre 2011, n° 326492 N° Lexbase : A0172HZE ou de dissémination volontaire d'OGM, CE, 24 septembre 2012, n° 342990 N° Lexbase : A3663ITT), celui-ci ne peut légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques qu'il appartient aux seules autorités de l'Etat de prendre.

Dès lors, malgré l'absence de mesure de protection des riverains des zones traitées dans l'arrêté du 4 mai 2017, relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L2537LEP), le pouvoir de police spéciale des produits phytopharmaceutiques confié aux autorités de l'Etat fait obstacle à l'édiction, par le maire d'une commune, de mesures réglementaires d'interdiction de portée générale de l'utilisation de ces produits.

newsid:475931

Covid-19

[Brèves] Légalité de l’arrêté modifiant les conditions de réalisation d’une IVG médicamenteuse dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 16 décembre 2020, n° 440214, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A07484AX)

Lecture: 4 min

N5966BYM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/63746537-edition-du-08012021#article-475966
Copier

par Laïla Bedja

Le 07 Janvier 2021

► Les dispositions, qui visent à permettre la réalisation d'une interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse au domicile de la femme jusqu'à la fin de la septième semaine de grossesse, à un moment où, du fait de la catastrophe sanitaire, de nombreuses femmes pouvaient avoir des difficultés à se rendre, en temps utile pour respecter les délais légaux, à une consultation médicale et à bénéficier d'une prise en charge en établissement de santé, relèvent ainsi des mesures que le ministre chargé de la santé était habilité à prendre sur le fondement de l'article L. 3131-16 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8571LWD), alors même qu'elles permettent à cette fin la prescription de spécialités pharmaceutiques en dehors du cadre de leur autorisation de mise sur le marché, par dérogation à l'article L. 5121-8 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1651ITC) ; il s’ensuit que le ministre des Solidarité et de la Santé était compétent pour prendre les mesures critiquées par arrêté ;

Par ailleurs, compte tenu, à la date de leur adoption, de la situation sanitaire résultant de l'épidémie de covid-19, de ses incidences sur le fonctionnement des établissements de santé, dont beaucoup n'étaient plus en mesure de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par voie instrumentale, et des mesures de restriction des déplacements prises pour la combattre, les mesures critiquées étaient nécessaires pour assurer l'effectivité du droit reconnu par l'article L. 2212-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9875KXZ) de recourir à une interruption volontaire de grossesse jusqu'à la fin de la douzième semaine de grossesse et pour garantir la santé publique dans la situation de catastrophe sanitaire, en prévenant des interruptions tardives et en limitant l'exposition au virus des femmes et des professionnels de santé.

La requête. Par deux requêtes, les associations Alliance Vita et Juristes pour l'enfance, d'une part, et l'association Pharmac'éthique, d'autre part, demandent l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du ministre des Solidarités et de la Santé du 14 avril 2020 (N° Lexbase : L6787LWB), complétant l'arrêté du 23 mars 2020, prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, en critiquant celles de ses dispositions qui adaptent durant cette période les modalités de l'interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse pratiquée en dehors d'un établissement de santé. En mars 2020, du fait de l’épidémie de coronavirus, un grand nombre d’établissement ont été fermés au public et les professionnels de santé ont constaté que le nombre de femmes se déplaçant pour une IVG avait diminué, notamment dans les régions Grand Est et Ile-de-France. L’arrêté contesté prévoit, d’une part, la possibilité de réaliser une IVG médicamenteuse en dehors d’un établissement de santé jusqu’à la fin de la septième semaine de grossesse, soit au-delà du délai de cinq semaines de grossesse prévu par l’article R. 2212-10 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4296K8M), et permet la prescription à cette fin des spécialités pharmaceutiques à base de mifépristone et à base de misoprostol, par dérogation à l'article L. 5121-8 du même code, en dehors du cadre de leur autorisation de mise sur le marché, notamment quant au nombre de jours d'aménorrhée et à la posologie. D’autre part, par dérogation aux articles R. 2212-16 (N° Lexbase : L4302K8T), R. 2212-17 (N° Lexbase : L4301K8S) et R. 5121-80 (N° Lexbase : L0183GUC) du Code de la santé publique, sous réserve du consentement libre et éclairé de la femme et, au vu de l'état de santé de celle-ci, de l'accord du professionnel de santé, il permet la prescription, dans le cadre d'une téléconsultation réalisée par le médecin ou la sage-femme, des médicaments nécessaires à la réalisation d'une interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse, la délivrance directe, par le pharmacien d'officine à la femme, de ces médicaments, dans un conditionnement ajusté à la prescription, et la prise du premier de ces médicaments lors d'une téléconsultation avec le médecin ou la sage-femme.

Rejet. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette la requête. Les parties avaient déjà vu leur requête rejetée en référé (CE référé, 22 mai 2020, n° 440216, 440317 N° Lexbase : A08523MI, lire notre brève N° Lexbase : N3473BYB).

newsid:475966

Droit pénal fiscal

[Brèves] Déclaration des trusts à l’étranger avant la loi du 29 juillet 2011 : obligation des héritiers de déclarer les biens dont le constituant du trust ne s’est pas irrévocablement et effectivement dessaisi

Réf. : Cass. crim., 6 janvier 2021, n° 18-84.570, FS-P+B+I (N° Lexbase : A56144BK)

Lecture: 12 min

N5986BYD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/63746537-edition-du-08012021#article-475986
Copier

par Adélaïde Léon

Le 20 Janvier 2021

► Constitue l’élément matériel de la fraude fiscale l’omission déclarative contenue dans une déclaration de succession intervenue à la suite de l’annulation d’une première déclaration ;

Avant l’entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2011 (N° Lexbase : L0278IRQ), lorsque le constituant d’un trust de droit étranger, fût-il, aux termes de l’acte de trust, qualifié de discrétionnaire, irrévocable et ne prenant pas fin à son décès, ne s’est pas irrévocablement et effectivement dessaisi des biens placés, ses héritiers sont tenus de les déclarer lors de la succession ;

La méconnaissance de cette obligation déclarative est susceptible de caractériser le délit de fraude fiscale.

Rappel des faits. En 2001, à la suite de son décès, Daniel Wildenstein laisse pour lui succéder, sa veuve, laquelle renonce à sa succession, et ses fils issus d’une précédente union.

Une première déclaration de succession est déposée le 23 avril 2002.

La veuve de Daniel Wildenstein saisit la cour d’appel de Paris qui a annulé, pour erreur de droit sur le régime matrimonial, sa renonciation à la succession et la déclaration de succession (Cass. civ 1, 20 juin 2006, n° 05-14.281, FS-P+B N° Lexbase : A9979DPB).

En 2008, Alec, l’un des fils de Daniel Wildenstein, décède. Une déclaration de succession est déposée par ses héritiers.

Le 31 décembre 2008, après mise en demeure de l’administration fiscale, une nouvelle déclaration concernant la succession de Daniel Wildenstein est déposée.

Le 6 novembre 2014, l’administration fiscale notifie aux héritiers de Daniel Wildenstein un redressement retenant une base taxable comportant en particulier les actifs de plusieurs trusts.

Le 8 décembre 2014, l’administration fiscale adresse une proposition de rectification réintégrant à la succession des biens détenus par les trusts constitués par Daniel et Alec Wildenstein en 2008.

Le redressement fiscal a également fait l’objet d’une contestation devant le juge de l’impôt.

À la suite d’une plainte déposée par la veuve de Daniel Wildenstein, une première information judiciaire est ouverte le 5 juillet 2010 pour abus de confiance, blanchiment, recel, faux et usage. La veuve d’Alex Jr. Wildenstein se constitue également partie civile pour des faits d’abus de confiance, détournements et obstructions commis par les gestionnaires de trust. Les deux veuves reprochent aux gestionnaires de leur avoir caché leur qualité de bénéficiaire, de ne pas avoir déclaré ces biens lors de la succession et de ne pas avoir respecté les règles de distribution fixées par les contrats de trust, ce qui les aurait lésées.

Parallèlement, en juillet 2011 et décembre 2012, l’administration fiscale dépose deux plaintes visant des minorations dans les déclarations des deux successions par dissimulation de nombreux actifs détenus au sein de trusts étrangers. Cette nouvelle information judiciaire, ouverte le 20 août 2011, portant sur ces faits de fraude fiscale, a été jointe à la précédente.

À l’issue de l’instruction, sont renvoyés devant le tribunal correctionnel Guy Wildenstein, second fils de Daniel Wildenstein, pour fraude fiscale par dissimulation et blanchiment aggravé, la veuve et l’un des enfants d’Alec Wildenstein, respectivement pour complicité de blanchiment aggravé de fraude fiscale et fraude fiscale commise lors des déclarations de succession. Deux notaires, un avocat et deux gestionnaires de trust sont quant à eux renvoyés en qualité de complices.

Le tribunal correctionnel relaxe les prévenus faute d’élément légal de la fraude fiscale à la date des faits, s’agissant de l’imposition au titre des droits de mutation par décès de biens logés dans des trusts ayant perduré au-delà du décès de leur constituant. Il déboute l’administration fiscale et l’État français, parties civiles, de leurs demandes.

Le ministère public et les parties civiles ont relevé appel du jugement.

En cause d’appel.

Sur la prescription de la fraude fiscale. Les juges déclarent prescrite la fraude fiscale commise à l’occasion de la déclaration de succession de Daniel Wildenstein et relaxent les prévenus de ce délit ainsi que les prévenus de complicité. Pour se prononcer ainsi la cour d’appel affirme plusieurs éléments. Tout d’abord, il s’agit d’un délit instantané qui se réalise à la date d’expiration du délai légal fixé pour le dépôt de la déclaration. Celle-ci a été déposée le 23 avril 2002, dans les six mois suivant le décès de Daniel Wildenstein. En l’espèce, le délai de prescription commence à courir à compter du 31 décembre de l’année suivant celle de la consommation de l’infraction (v. L. 230 du livre des procédures fiscales). En conséquence, le délai de prescription de trois ans, applicable en la matière, expirait le 31 décembre 2005. Or, la plainte de l’administration fiscale, déposée le 22 juillet 2011, a été suivie d’un réquisitoire introductif en date du 29 août 2011.

La cour d’appel précise deux choses : d’une part, l’annulation de déclaration de succession du 23 avril 2002, par la cour d’appel le 13 avril 2005, n’a pas fait disparaître l’infraction de fraude fiscale, dont la prescription n’est pas contestée, d’autre part, la seconde déclaration du 31 décembre 2008, qualifiée de conservatoire, portant sur la même succession, les mêmes impositions et comportant les mêmes omissions, ne peut constituer un nouveau délai de fraude fiscale. Pour les juges d’appel, celui-ci avait été consommé lors de la déclaration du 23 avril 2002.

Sur la relaxe des chefs de fraude fiscale, blanchiment aggravé et complicité. La cour d’appel confirme le jugement de première instance ayant renvoyé les prévenus des fins de la poursuite. Il s’agissait selon elle de se prononcer sur le point de savoir si existait, à la date du décès de Daniel Wildenstein, une obligation de déclarer à sa succession les biens placés dans des trusts. Selon les juges d’appel, les textes en vigueur ne comportaient aucune disposition spécifique sur l’imposition de la propriété des biens trustés. En l’absence d’une telle obligation, dont l’omission constitue l’élément matériel du délit de fraude fiscale, la cour d’appel a considéré que le délit de fraude fiscale ne pouvait être constitué.

La cour d’appel a également relaxé les prévenus du chef de blanchiment.

Le Ministère public et les parties civiles ont formé un pourvoi à l'encontre de l’arrêt d’appel.

Moyens du pourvoi. Les demandeurs reprochent à la cour d’appel d’avoir déclaré le délit de fraude fiscale prescrit. Ils considèrent que l’action publique n’était pas prescrite dès lors que l’acte déclaratif de la succession était la déclaration de 2008 – et non celle de 2002 laquelle avait été annulée faisant disparaître l’élément matériel de l’infraction – et que la plainte de l’administration du 29 août 2011 avait donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire avant l’expiration du délai spécial de prescription résultant de l’article L. 230 du Livre des procédures fiscales.

Les demandeurs reprochent également aux juges d’appel de ne pas avoir dit si l’état du droit commandait que les éléments omis dans la déclaration devaient être portés à la connaissance de l’administration. Ils dénoncent le fait qu’en l’espèce, la cour d’appel s’était contentée d’énoncer qu’il n’y avait pas d’éléments suffisamment clairs et certains portant obligation de déclarer les biens placés dans un trust.

Les demandeurs affirment enfin que la cassation sur les moyens relatifs à la fraude fiscale devaient conduire à la cassation de l’arrêt sur les dispositions relatives au blanchiment aggravé et à la complicité.

Décision de la Cour.

Sur la prescription de la fraude fiscale. La Chambre criminelle censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1741 du Code général des impôts (délit de fraude fiscale) (N° Lexbase : L6015LMQ) et L. 230 du Livre des procédures fiscales dans sa version applicable à la cause. La Haute juridiction rappelle que le second texte, lequel prévoit que la plainte de l’administration fiscale peut être déposée jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l’infraction a été commise, dispose également que l’action publique est suspendue pendant une durée maximum de six mois entre la date de la saisine de la commission des infractions fiscales et la date à laquelle cette dernière émet son avis. S’agissant du point de départ de la prescription, la Chambre criminelle ajoute qu’il débute le jour où l’infraction a été commise soit, « en cas d’omission de déclaration, le jour où celle-ci aurait dû être faite, en cas de dissimulation de sommes sujettes à l’impôt, le jour où une déclaration inexacte est produite auprès des services fiscaux » (Cass. crim., 13 décembre 1982, pourvoi n° 80-95.151 N° Lexbase : A9457ATG).

En l’espèce, la Cour souligne que la déclaration de succession, visant à l’établissement et au paiement des droits de mutation à la suite du décès de Daniel Wildenstein, a été déposée par ses héritiers le 31 décembre 2008. Contrairement à la cour d’appel, elle ne prend donc pas en compte la déclaration de 2002 (annulée par la suite) mais celle de 2008. Elle rappelle que, le 29 août 2011, la prescription a été régulièrement interrompue pas le réquisitoire introductif du procureur de la République.

La Chambre criminelle affirme que le fait que la déclaration ait été déposée après l’expiration du délai prévu par l’article 641 du Code général des impôts (N° Lexbase : L7673HLR) (six mois à compter du jour du décès) est sans conséquence dès lors qu’elle tendait à remplir l’objectif d’établissement et de paiement des droits de mutation.

La Haute juridiction précise enfin qu’il est également indifférent qu’une précédente déclaration portant sur la même succession, comportant des omissions déclaratives, et pour laquelle la prescription de l’action publique est considérée comme acquise, ait été déposée dans ce délai de six mois.

Sur la relaxe des chefs de fraude fiscale et complicité. La Chambre criminelle censure l’arrêt d’appel au visa des articles 593 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3977AZC) et 750 ter (N° Lexbase : L9528IQX), 784 (N° Lexbase : L2944LCZ), 800 (N° Lexbase : L6246LUU) et 1741 (N° Lexbase : L6015LMQ) du Code général des impôts. S'appuyant sur ces textes ainsi que sur sa jurisprudence civile, commerciale et fiscale, la Cour de cassation affirme que, sans méconnaissance de l’exigence de prévisibilité juridique, avant l’entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2011, lorsque le constituant d’un trust de droit étranger, fût-il, aux termes de l’acte de trust, qualifié de discrétionnaire, irrévocable et ne prenant pas fin à son décès, ne s’est pas irrévocablement et effectivement dessaisi des biens placés, ses héritiers sont tenus de les déclarer lors de la succession. La Haute juridiction en déduit que la méconnaissance de cette obligation déclarative est susceptible de caractériser le délit de fraude fiscale.

Pour la Haute juridiction, il appartient donc au juge d’analyser le fonctionnement concret du trust concerné afin de déterminer si le constituant a, dans les faits, continué à exercer à l’égard des biens logés dans le trust des prérogatives qui sont révélatrices de l’exercice du droit de propriété, de telle sorte qu’il ne peut être considéré comme s’en étant véritablement dessaisi.

La Chambre criminelle affirme donc que c’est à tort que la cour d’appel a retenu l’absence, avant la loi du 29 juillet 2011, de toute obligation de déclarer, lors d’une succession, des biens placés dans un trust.

S’agissant de l’effectivité du dessaisissement du constituant à l’égard des biens placés dans les trusts, la Cour estime que les énonciations de l’arrêt d’appel sont « équivoques, voir contradictoires » et ne permettent donc pas à la Chambre criminelle de contrôler la motivation retenue par les juges à l’appui de la relaxe.

Sur la relaxe des chefs de blanchiment aggravé et complicité. Dans la mesure où la relaxe des chefs de blanchiment aggravé de fraude fiscale et de complicité commis dans le cadre de la succession de Daniel Wildenstein est fondée sur l’absence d’obligation légale déclarative de biens placés en trust ne se dénouant pas au décès du constituant et, eu égard à la réponse apportée aux moyens concernant la relaxe du chef de fraude fiscale, la Cour censure l’arrêt d’appel sur ce point.

La Chambre criminelle renvoie finalement la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris.

newsid:475986

Licenciement

[Brèves] CSP : application du délai de prescription de 12 mois en cas de contestation sur l’inobservation des critères d’ordre des licenciements

Réf. : Cass. soc., 16 décembre 2020, n° 19-18.322, F-P+B (N° Lexbase : A67994A3)

Lecture: 1 min

N5913BYN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/63746537-edition-du-08012021#article-475913
Copier

par Charlotte Moronval

Le 06 Janvier 2021

► En cas d'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle : ce délai est applicable à la contestation portant sur l'inobservation des critères d'ordre des licenciements, qui est relative à la rupture du contrat de travail.

Faits et procédure. Licencié pour motif économique et ayant adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle (le 20 février 2013), un salarié saisit la juridiction prud’homale (le 16 avril 2014) afin d’obtenir le paiement de dommages-intérêts pour violation des critères d’ordre des licenciements et d’une indemnité de préavis.

La cour d’appel (CA Rennes, 24 avril 2019, n° 16/00689 N° Lexbase : A4987Z7T) rejette ses demandes, les jugeant forcloses. Le salarié forme un pourvoi en cassation.

La solution. Enonçant la solution susvisée, la Chambre sociale rejette le pourvoi. La cour d’appel a constaté que le salarié avait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 20 février 2013 et saisi, le 16 avril 2014, la juridiction prud’homale d’une contestation portant sur l’application des critères d’ordre de licenciement. Elle en a exactement déduit que les demandes du salarié étaient prescrites.

newsid:475913

Propriété

[Brèves] Revendication d’une servitude de passage pour cause d'enclave du fait d'un panneau d'interdiction de circuler : encore faut-il rapporter la preuve d'une décision administrative prescrivant cette interdiction !

Réf. : Cass. civ. 3, 17 décembre 2020, n° 19-11.376, FP-P+B+I (N° Lexbase : A06734A8)

Lecture: 1 min

N5978BY3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/63746537-edition-du-08012021#article-475978
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 06 Janvier 2021

► En application des articles 682 (N° Lexbase : L3280AB4) et 1315, devenu 1353 (N° Lexbase : L1013KZK), du Code civil, il incombe au propriétaire, qui revendique une servitude de passage pour cause d'enclave du fait d'un panneau d'interdiction de circuler, d'établir, en cas de contestation, l'existence d'une décision administrative prescrivant cette interdiction.

En l’espèce, le propriétaire d’une parcelle avait assigné une SCI ainsi que d'autres riverains, en revendication d'une servitude de passage pour cause d'enclave de sa parcelle.

Pour reconnaître l'existence d'une servitude de passage pour cause d'enclave, la cour d’appel de Chambéry avait relevé que la circulation sur le chemin était prohibée par la présence d'un panneau de sens interdit, sans restriction au profit des riverains, en l'absence de toute autre voie de passage de largeur suffisante, et retenu que la SCI, qui contestait l'existence d'une décision administrative à l'origine de cette signalisation, ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, de la véracité de ses allégations (CA Chambéry, 22 novembre 2018, n° 18/00957 N° Lexbase : A4749YMT).

La décision est censurée par la Haute juridiction qui retient qu’en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve de l'état d'enclave invoqué en raison d'un obstacle juridique à l'accès à la voie publique, et violé les textes susvisés.

newsid:475978

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.