La lettre juridique n°480 du 5 avril 2012

La lettre juridique - Édition n°480

Éditorial

"Treizième mois" : ce salaire qui défie l'espace et le temps

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N1138BTC

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Dans l'Univers salarial, il ne suffisait plus que gravitent, autour de l'astre salarial fixe, la prime au mérite, la prime de présentéisme, la prime de risque, la prime de résultat, la prime de nuit, la prime de panier, etc., est apparue, soudainement, une exo planète : le "treizième mois".

Oh ! On a du mal à percevoir le fondement de cette prime qui ne correspond à aucune sujétion particulière. Il n'est même pas besoin de travailler douze mois dans l'entreprise pour en percevoir ne serait ce qu'une partie d'un fantomatique treizième. Lorsque la prime de "treizième mois" est constitutive de la rémunération convenue, le salarié a droit au versement proportionnel, car il s'agit d'une partie de son salaire annuel. Et, le paiement prorata temporis sera dû si le salarié part en cours d'année, même si ce paiement ne peut résulter que d'une convention collective ou d'un usage -dixit l'Assemblée plénière de la Cour de cassation-. Il faut donc chercher "ailleurs" la véritable origine de cette prime qui défie l'espace et le temps.

L'espace, d'abord, parce que la prime de "treizième mois" est profondément inégalitaire. Elle ne peut être instaurée que conventionnellement, résultant d'un accord collectif ou d'un usage. On comprendra que, à l'image des autres avantages sociaux liés au temps (durée du travail, RTT, congés payés...), seuls les salariés des moyennes et grandes entreprises seront bien lotis. Ceux de la "première entreprise de France" regarderont le train salarial passer, en espérant des lendemains égalitaires qui chantent.

Le temps, ensuite, parce qu'il faut remonter aux chaldéens (XIème au VIème siècle avant notre ère) pour trouver des années de treize mois ! C'est à croire que les représentants syndicaux ayant propagé cette embolie calendaire lisaient Eudoxe de Cnide dans le texte et raisonnaient selon le cycle métonique ; encore que ce dernier soit calé sur une période de dix-neuf années, dont douze "communes" de douze mois, et sept "embolismiques" de treize, alors que la prime "tétramestrielle" constitue le prix du service salarial de chaque année grégorienne et non des seules 3ème, 6ème, 8ème, 11ème, 14ème, 17ème et 19ème années. A moins que les zélotes syndicaux, par souci d'oecuménisme, aient choisi de restaurer we-adar ou adar-richone, le treizième mois du calendrier hébraïque ?

Non décidément, l'origine de ce "treizième mois" a de quoi laisser perplexe plus d'un entrepreneur ; d'autant qu'il tend à se reproduire. On voit apparaître, de-ci, de-là, des quatorzième, des quinzième mois... une surenchère qui vise, sans doute, à conjurer le temps et l'âge de ses bénéficiaires : "dis papa, les salariés bénéficiant d'un treizième mois vieillissent, à coup sûr, moins vite ? Il gagne un an tous les douze ans grégoriens ou toutes les treize années salariales, mon fils" !

Bon maintenant, puisque "le temps c'est de l'argent", ce n'est pas le tout de décréter conventionnellement une prime de "treizième mois", et puisqu'il ne s'agit d'un mois travaillé, de quel mois s'agit-il, au juste ? Du mois draconitique, qui mesure l'intervalle entre deux passages de la Lune au même noeud de son orbite (27,212221 jours en moyenne) ? Du mois tropique, qui calcule le temps mis par la Lune pour retrouver la même longitude écliptique (27,321582 jours en moyenne) ? Du mois sidéral qui mesure la période orbitale de la Lune (27,321661 jours en moyenne) ? Du mois anomalistique qui suit l'intervalle entre deux périgées de la Lune (27,554550 jours en moyenne) ? Ou du mois synodique, calculé à partir de l'intervalle entre deux nouvelles Lunes (29,530589 jours en moyenne) ?

Dans tous les cas, la Cour de cassation nous rappelle, par un arrêt rendu le 21 mars 2012, que, lorsqu'une convention collective nationale détermine le montant d'une prime de treizième mois perçue par les salariés sans condition de durée effective de leur présence dans l'entreprise, l'employeur, qui relève de ladite convention ne peut décider, par le biais d'une note interne à l'entreprise, de modalités d'attribution moins favorables aux salariés.

Comme l'année sidérale de 365 jours, 6 h., 9 min., 9,77 s., à laquelle notre cycle métonique se rapporte, le "treizième mois" relève de la science exacte. On sait, par des circonvolutions jurisprudentielles byzantines, que le mode de calcul de la prime est celui prévu, lors de son instauration : à défaut de précisions contraires, tous les éléments de rémunération sont pris en compte, à l'exclusion des remboursements de frais ; que, lorsque la prime de "treizième mois" est assise sur des périodes de travail et de congés confondues, elle est exclue de l'assiette de l'indemnité de congés payés ; ou que les primes de trafic, de transaction et de péage ne doivent pas être intégrées dans l'assiette de calcul du "treizième mois". Malgré cela, la prime ne nous semble pas des plus topiques.

Peut-être, est-elle l'arbre qui cache la forêt de la stagnation salariale ? Symboliquement, le salarié dépasse sa condition prolétarienne, recevant le prix de sa sueur majoré d'une part spéculative qui, si elle ne peut être calculée sur la croissance de l'entreprise, privilège actionnarial, du moins est-elle adossée sur ce temps à vivre que le travail lui prive tant. Il y aurait quelque chose d'expiatoire pour les entreprises à verser un "treizième mois"... Sinon, elles augmenteraient les salaires d'autant, pour prix de l'effort collectif au développement entreprenarial, tout simplement ; encore que le "treizième mois", comme le temps, soit l'affaire de tous au sein de l'entreprise, alors que les augmentations et autres primes récompensent, plus singulièrement, le travail individuel : égalitarisme quand tu nous tiens...

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Droit des étrangers

[Jurisprudence] Chronique de droit des étrangers - Avril 2012

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N1222BTG

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 05 Avril 2012

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de découvrir cette semaine la chronique en droit des étrangers de Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz. Au sommaire de cette chronique, tout d'abord, deux avis rendus par le Conseil d'Etat relatifs aux contentieux des deux nouvelles mesures créées par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (N° Lexbase : L4969IQ4), dite loi "Besson", à savoir la décision de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour. L'avis n° 355133 du 1er mars 2012 apporte des précisions sur le nouveau régime de l'obligation de quitter le territoire français et, notamment, sur la cohabitation entre les décisions que l'administration préfectorale peut désormais prendre pour éloigner un étranger du territoire français. Pour le Conseil d'Etat, ces décisions sont distinctes et l'annulation du refus d'accorder un délai de départ volontaire ne provoque pas nécessairement celle de l'obligation de quitter le territoire (CE 2° et 7° s-s-r., 1er mars 2012, n° 355133, mentionné aux tables du recueil Lebon). L'avis n° 354165 du 12 mars 2012 rappelle, quant à lui, les exigences tenant à la motivation des interdictions de retour, tout en définissant les modalités de contrôle opéré par le juge administratif sur cette mesure (CE 2° et 7° s-s-r., 12 mars 2012, n° 354165, publié au recueil Lebon). Le troisième arrêt commenté est une décision de rejet de la Cour de cassation qui confirme la place beaucoup plus importante que par le passé accordée à l'assignation à résidence et le rôle classique de défenseur des libertés individuelles attribué au juge judiciaire. La première chambre civile décidant, en l'espèce, que le juge judiciaire peut assigner à résidence, à tout moment, un étranger placé en rétention administrative sans que cette possibilité ne soit expressément prévue par le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Cass. civ. 1, 29 février 2012, n° 11-30.085, F-P+B+I).
  • Caractère autonome de la décision de délai de départ volontaire par rapport à l'obligation de quitter le territoire français (CE 2° et 7° s-s-r., 1er mars 2012, n° 355133, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8960ID9)

Les observateurs et les acteurs du droit des étrangers peuvent être assez unanimement déconcertés par la succession de réformes qui traversent cette matière. C'est plus particulièrement le cas pour les mesures d'éloignement d'un étranger qui peuvent, aujourd'hui, prendre différentes formes et concerner plusieurs situations : un refus de titre de séjour (si les conditions de délivrance de ce titre ne sont pas, ou plus, réunies), un retrait de titre (si l'étranger présente une menace à l'ordre public ou a fait l'objet d'une condamnation par la justice), etc.. Les autorités prenant ces décisions ne sont pas toujours les mêmes et toutes les mesures d'éloignement ne produisent pas les mêmes conséquences : selon la mesure d'éloignement qui sera prononcée, les recours seront différents et le retour sur le territoire français, en cas d'échec des recours exercés, sera parfois difficile, voire impossible. L'on distingue trois grandes catégories de mesures d'éloignement et la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 a considérablement modifié le régime juridique applicable : les mesures administratives, à savoir l'obligation de quitter le territoire français (OQTF), l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) et l'expulsion ; les mesures judiciaires, telle l'interdiction du territoire français ; ou encore les mesures décidées dans le cadre de l'Union européenne.

La lecture de certaines décisions juridictionnelles avait pu faire douter de l'intérêt de maintenir la dichotomie, créée par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, relative à l'immigration et à l'intégration (N° Lexbase : L3439HKL) entre les deux grandes catégories de mesures d'éloignement que sont les APRF et les OQTF, tant il pouvait, dans certains cas, être difficile de bien les distinguer (1). La loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 met fin au dualisme avec les APRF au profit de la seule OQTF, qui devient la mesure d'éloignement des étrangers de droit commun. Ainsi, hormis deux hypothèses pouvant encore donner lieu à l'édiction d'un APRF (2), l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, ou dont le séjour est refusé, est décidé par le biais d'une OQTF.

Auparavant, l'OQTF n'intervenait que lorsque l'autorité administrative refusait la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour ou opérait son retrait. Celle-ci fixait un délai d'un mois à l'étranger pour quitter le territoire alors que la reconduite à la frontière sanctionnait l'irrégularité du séjour et pouvait entraîner la rétention administrative immédiate de l'étranger. Depuis la transposition de la Directive (CE) 2008/115 du 16 décembre 2008 (N° Lexbase : L3289ICS), dite Directive "retour", le terme de "reconduite à la frontière" ne désigne plus une procédure spécifique d'éloignement, mais seulement l'acte matériel (3).

Mais l'important réside surtout dans la transposition de la prescription communautaire d'assortir par principe, ou de ne pas assortir par exception, la mesure d'éloignement d'un délai de départ volontaire de trente jours. L'édiction de ces OQTF doit donner la priorité au retour volontaire et, par conséquent, à l'aménagement de ce délai approprié de trente jours en faveur des intéressés. Pour l'avenir, l'étranger devra donc, par principe, quitter spontanément la France dans un délai de trente jours. Pour autant, les exceptions permises par la loi sont importantes et tendent à remplacer la règle de principe. En effet, le préfet est aussi en droit de supprimer le délai de trente jours précédemment accordé. L'article L. 511-1 II, dernier alinéa, du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L7189IQC) prévoit, en effet, que, sous réserve d'en informer préalablement l'intéressé (comme cela est prévu à l'article R. 511-2 du même code N° Lexbase : L7237IQ4), cette autorité peut en décider dès lors qu'un motif justifiant une OQTF non assortie d'un délai apparaît au cours des trente jours initialement accordés à l'étranger pour quitter le territoire. Possibilité qui accroît davantage encore les cas où aucun délai n'est ménagé en faveur de l'étranger. La loi prévoit que l'autorité administrative peut, par décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter le territoire sans délai dans les cas où son comportement constitue une menace pour l'ordre public, où il s'est vu refuser un titre de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse et s'il existe un risque que l'étranger ne se soustrait à l'OQTF. Cette hypothèse est remplie dès lors qu'il se trouve dans six cas énumérés par la loi (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 511-1). Si l'on veut s'en tenir à une lecture rigoureuse de la Directive "retour", le départ immédiat devra, en conséquence, être l'exception, à charge pour l'intéressé de contester le refus d'accorder un délai de départ volontaire devant le juge administratif (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L.511-1, II, alinéa 2).

C'est de cette manière qu'a agi en l'espèce l'étranger concerné faisant l'objet d'une décision d'OQTF sans délai de départ volontaire. Celle-ci s'accompagnant de décisions concomitantes du même jour fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention. Le dossier de cette demande a été transmis au Conseil d'Etat auquel on a, notamment, soumis la question de savoir le tribunal administratif saisi d'une demande tendant à l'annulation d'une décision portant obligation de quitter sans délai le territoire, il doit se considérer comme saisi d'une demande dirigée contre une seule et même décision, ou doit distinguer entre la décision d'éloignement et la décision de refus de délai de départ volontaire.

L'administration préfectorale qui souhaite éloigner un étranger du territoire français est susceptible, désormais, de prendre plusieurs décisions distinctes que sont : l'obligation de quitter le territoire, le refus d'accorder un délai de départ volontaire, le choix du pays de destination, le placement en rétention et l'interdiction de retour sur le territoire. L'objet même du refus d'accorder un délai de départ volontaire est distinct de celui qui porte la mesure d'éloignement forcé. Ce refus résulte, en effet, d'un examen d'une situation personnelle au regard de critères différents de ceux qui fondent l'obligation de quitter le territoire. Le préfet établit donc un acte autonome et distinct de la mesure d'éloignement.

Pour cette raison, en l'espèce, le tribunal administratif de Basse-Terre ne doit pas considérer la requête dirigée contre l'obligation de quitter le territoire comme un ensemble de moyens indivisibles alors que plusieurs décisions sont en cause (refus d'accorder un délai de départ volontaire, choix du pays de destination, placement en rétention, interdiction de retour). Il peut donc uniquement annuler le refus d'accorder un délai de départ volontaire, sa décision n'ayant, par elle-même, aucune incidence sur l'obligation de quitter le territoire. Si l'annulation concerne un étranger déjà éloigné, il ne peut prononcer aucune mesure d'injonction au sens des articles L. 911-1 (N° Lexbase : L3329ALU) et L. 911-2 (N° Lexbase : L3330ALW) du Code de justice administrative

En outre, si, au moment où le juge se prononce, l'obligation de quitter le territoire a été exécutée, le recours contre la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire n'a pas perdu son objet. Cette décision a simplement produit des effets. Et, enfin, poursuit le juge de cassation dans la logique entamée, si cette même décision est annulée sans que ne le soit l'obligation de quitter le territoire, aucune injonction ne peut accompagner cette annulation, laquelle n'implique, en effet, aucune mesure particulière d'exécution pour l'administration.

L'étendue des situations pouvant donner lieu à l'édiction d'une OQTF non assortie d'un délai de départ tendra, dans la pratique, à compromettre l'ordre des priorités retenu par la Directive, à savoir donner la priorité au retour volontaire et, par conséquent, à l'aménagement d'un délai approprié en faveur des intéressés. Et, comme il en allait sous l'empire de l'ancien ARF, les étrangers visés seront placés dans des conditions précaires pour se défendre et faire valoir leurs droits. Il est, à cet égard, appréciable que toutes les décisions prises soient bien considérées comme distinctes, un refus d'accorder un délai de départ volontaire pouvant être plus facilement remis en cause si son annulation ne provoquait pas nécessairement celle de l'obligation de quitter le territoire.

  • L'interdiction de retour accompagnant l'obligation de quitter le territoire français doit tenir compte de l'ensemble des critères prévus par la loi et la motivation de la mesure doit en attester (CE 2° et 7° s-s-r., 12 mars 2012, n° 354165, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9492IEB)

C'est la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, qui prévoit que l'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'OQTF d'une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) (4). C'est la Directive "retour" qui a remis au goût du jour cette mesure sous l'appellation d'"interdiction d'entrée" (5). Cette mesure, comme son nom l'indique, confère à l'autorité administrative la possibilité d'interdire à un étranger destinataire d'une OQTF de revenir sur le sol national pendant un certain délai.

La durée de l'interdiction décidée est variable selon les cas de figure (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 511-1). Elle est d'une durée de deux ans au maximum lorsqu'elle accompagne une OQTF assortie d'un délai de départ volontaire (l'interdiction prendra alors effet à l'expiration de ce dernier), ou si l'étranger n'a pas déféré lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'accompagne la mesure d'éloignement. Enfin, l'interdiction de retour peut être prolongée pour une durée maximale de deux années lorsqu'un étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, alors qu'il faisait déjà l'objet d'une interdiction du territoire, ou qu'il est revenu sur le sol national pendant que l'interdiction de retour qui le frappait produisait encore ses effets.

L'administration dispose donc en la matière d'un pouvoir discrétionnaire étendu pour décider de prononcer, ou non, une IRTF et pour en fixer la durée, la loi ne fixant que des durées maximales. Pour autant, la mesure ne saurait être livrée, toutefois, au plein pouvoir discrétionnaire du préfet. La loi précise, en effet, que par une décision qui doit être motivée, elles sont décidées "en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement, et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français" (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 511-1 III, alinéa 7).

L'avis d'espèce du Conseil d'Etat vient préciser les modalités de la nécessaire prise en considération de ces éléments par l'administration et l'intensité du contrôle conséquent opéré en la matière par le juge administratif. Le Conseil d'Etat estime que l'autorité compétente doit tenir compte de ces quatre critères "sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux". La décision doit, dans le cadre de l'obligation de motivation des actes administratifs, attester de la prise en compte de l'ensemble des critères de la loi. Ce qui revient à exiger du préfet, auteur de la décision, qu'il se prononce, même succinctement, sur chacun des critères ou, compte tenu de la situation de l'intéressé, au moins qu'il les cite. En revanche, il n'est pas nécessaire que soit précisée l'importance accordée à chaque critère. De plus, le principe de l'interdiction, comme sa durée, n'ont pas à faire l'objet de motivations distinctes.

Répondant, ensuite, aux interrogations portant sur l'intensité du contrôle juridictionnel sur les interdictions de retour, les juges du Palais-Royal précisent qu'il "appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR) une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise". Le juge de l'excès de pouvoir exerce ici un contrôle normal sur la légalité de l'interdiction de retour, qu'il s'agisse de son principe, comme de sa durée. Contrôle normal qui s'impose, en l'espèce, à l'encontre d'une mesure aussi rigoureuse. C'est à un contrôle de proportionnalité auquel est invité le juge administratif, contrôle apte à vérifier que l'administration a bien soupesé les intérêts en présence lorsqu'elle envisage une telle mesure et en fixe la durée, ou qu'elle a bien confronté les buts de cette interdiction aux atteintes qu'elle est susceptible de porter sur la vie privée et familiale de la personne concernée.

Une protection accrue de l'étranger est, ainsi, mise en place même si la mesure, en elle-même, reste toujours autant discutée. Une première fois, la volonté du législateur d'y avoir recours avait pourtant été censurée par le juge constitutionnel, celui-ci ayant explicitement rangé l'interdiction administrative du territoire au nombre des sanctions administratives. La mesure étant inconstitutionnelle pour non-respect des exigences attachées à l'édiction des mesures de cette nature, à savoir le principe de nécessité et de proportionnalité des peines (DDHC, art. 8 N° Lexbase : L1372A9P) et le principe du contradictoire et des droits de la défense, lequel impose, notamment, aux décisions punitives prononcées par une autorité administrative de faire l'objet d'une procédure contradictoire préalable (6). La censure n'a pas été effective une seconde fois, le juge constitutionnel jugeant, de façon assez discutable, pour la nouvelle mesure, que la décision incriminée constitue non plus une sanction administrative, mais une mesure de police, ce qui a pour conséquence de la placer en dehors du champ d'application de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et du principe du contradictoire (7).

En définitive, si le contrôle du juge administratif est très poussé sur la mesure, le dispositif de l'interdiction du territoire s'inscrit indéniablement au nombre des instruments les plus à même de servir la lutte contre l'immigration irrégulière. Il appartiendra au juge administratif de veiller à ce que l'administration soupèse bien les intérêts en présence lorsqu'elle envisage une telle mesure d'interdiction de territoire.

  • Possibilité d'assignation à résidence du juge judiciaire, à tout moment, pour un étranger placé en rétention administrative (Cass. civ. 1, 29 février 2012, n° 11-30.085, F-P+B+I N° Lexbase : A7142IDU)

Les mesures d'assignation à résidence astreignent leurs destinataires à résider dans les lieux déterminés et à s'y présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie. Pour les assignations prononcées en relation avec un arrêté de reconduite à la frontière ou d'interdiction du territoire (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 511-1), le pouvoir de décision a été déconcentré. Elles peuvent seulement être décidées par le préfet, spontanément ou sur demande de l'étranger qui "justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays", faute de moyens de transport disponibles, ou parce que son retour n'est pas exempt de risques (8). Ces mesures sont depuis longtemps présentées comme des mesures provisoires dérogatoires à la rétention administrative et ont, en ce sens, toujours été perçues comme devant rester exceptionnelles. Cela a donné lieu, en conséquence, à assez peu de jurisprudence et de commentaires. Avec l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, une place beaucoup plus importante que par le passé est accordée à l'assignation à résidence.

La Directive "retour" de 2008 prévoit, en effet, que, dans le cadre de l'exécution d'une mesure de départ forcé, des mesures moins coercitives doivent être préférées à un placement en rétention administrative (art. 15 § 1). Elle impose, également, aux Etats de garantir "un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention [...] le plus rapidement possible à compter du début de la rétention". Dans cette logique, la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 présente la rétention administrative comme une mesure d'exception décidée par défaut et susceptible d'être contrôlée devant le juge administratif (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 512-1, III, et L. 551-1). Il faut, ainsi, favoriser une assignation à résidence au détriment d'un placement en rétention dans le but d'éviter une mesure contraignante que la Directive n'autorise qu'en dernier recours. Le Conseil constitutionnel va dans ce sens puisqu'il a jugé que le placement en rétention n'est possible que si l'assignation à résidence n'est pas suffisante pour éviter le risque que l'intéressé ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet (9).

Le législateur a procédé, en l'occurrence, à une réécriture du dispositif d'assignation à résidence. Tout en confirmant les trois motifs d'assignation (10), il apporte trois grandes modifications. En premier lieu, lorsqu'un étranger ne peut pas quitter le territoire, son assignation à résidence est, désormais, limitée à six mois renouvelables dans la limite d'un an, sauf s'il est visé par une interdiction judiciaire du territoire ou une expulsion (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 561-2 N° Lexbase : L7197IQM). La mesure est ici prononcée s'il existe une "perspective raisonnable d'exécution" du départ forcé. En second lieu, dans l'hypothèse où l'assignation constitue une mesure alternative à la rétention, le nouvel article L. 561-2 prévoit une assignation pour la durée totale de placement en rétention. La réforme ne se prononce pas sur le sort réservé à l'étranger qui, au terme de cette assignation, n'a toujours pas pu être éloigné. La réforme introduit enfin "à titre exceptionnel" une assignation sous bracelet électronique (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 552-4-1 N° Lexbase : L7187IQA et art. L. 562-1 N° Lexbase : L7184IQ7).

C'est à travers cette nouvelle perception de l'assignation à résidence que doit être lue la décision d'espèce. Dans cette affaire, un étranger de nationalité algérienne a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière et d'une décision de placement en rétention administrative pris par le préfet du Puy-de-Dôme. Cette mesure ayant été prolongée une première fois, le préfet a sollicité une seconde prolongation de la rétention qui a été accueillie par un juge des libertés et de la détention. C'est cette dernière ordonnance qui a été infirmée par une ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel de Lyon, qui a préféré prononcer l'assignation à résidence de l'intéressé. Le procureur général près la cour d'appel de Lyon, contestant cette décision, forme un pourvoi en cassation au motif que "l'assignation à résidence n'est pas expressément prévue par le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cas d'une nouvelle saisine du juge des libertés et de la détention". Rejetant le pourvoi, la Cour suprême estime, à l'inverse, qu'"aucune disposition n'interdit au juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, d'assigner à résidence, à tout moment, un étranger placé en rétention administrative".

Ces assignations à résidence décidées par le juge judiciaire, en application des articles L. 552-4 (N° Lexbase : L7195IQK) et L. 552-4-1 (N° Lexbase : L7187IQA) du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constituent une catégorie spécifique, en ce que, prises par l'autorité judiciaire à l'occasion d'une demande de prolongation de la rétention par l'autorité administrative, elles sont substituées à la prolongation de la rétention ainsi demandée. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle et de la proportionnalité des mesures y portant atteinte, use du pouvoir, qui lui est attribué par la loi "à titre exceptionnel", de substituer à la prolongation de la rétention, l'une ou l'autre des assignations à résidence des articles L. 552-4 et L. 552-4-1 précités, si les conditions prévues à chacun de ces articles le permettent.

Dans le silence des textes, cette solution prétorienne concilie les exigences d'efficacité de l'action administrative et de protection des droits et libertés fondamentales de l'étranger. Elle s'aligne, dans un souci de cohérence jurisprudentielle, sur ce qu'avait jadis décidé la deuxième chambre civile s'agissant des procédures de prorogation du délai de maintien en rétention, au regard desquelles les textes sont, également, muets quant à la possibilité d'assigner l'étranger à résidence (11). Si les étrangers ne bénéficient pas des prérogatives attachées à la citoyenneté française, ils jouissent, cependant, de droits fondamentaux. C'est pourquoi, sur le fondement de l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 (N° Lexbase : L0895AHM) s'est progressivement développée, sous l'impulsion de la Cour de cassation, et spécialement depuis les arrêts du 28 juin 1985 (12), toute une construction prétorienne tendant à la protection des libertés individuelles et des droits qui sont reconnus aux étrangers maintenus en rétention ou en zone d'attente.

Allant à l'encontre de l'usage "à titre exceptionnel", le juge judiciaire, "gardien de la liberté individuelle", peut, ainsi, préférer l'assignation à résidence à la rétention administrative dans le cas d'une nouvelle saisine du juge des libertés et de la détention, même si ce pouvoir n'est pas prévu dans le cadre légal de l'espèce. Il faut rappeler, à cet égard, que, devant le juge administratif, elle ne peut pas être décidée par le juge (13) et jamais à titre de mesure de substitution à une rétention administrative, impossible faute de place ou de temps (14). S'agissant de l'exercice de droits fondamentaux, le rôle du juge judiciaire ne saurait se limiter à la vérification abstraite du respect de la législation applicable à la notification des droits de l'étranger et son office doit nécessairement s'étendre au contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits qui sont reconnus à l'étranger au cours de la mesure de maintien. Il entre donc dans les attributions du juge d'assurer pleinement ce contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits et c'est ce rôle éminent de l'autorité judiciaire, constitutionnellement gardienne de la liberté individuelle, que cet arrêt confirme avec force.


(1) Voir, à cet égard, CE 2° et 7° s-s-r., 28 mars 2008, n° 311893, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5986D7T), AJDA, 2008, p. 2174, note O. Lecucq.
(2) L'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière ne peut être pris que dans deux cas : soit l'étranger représente une menace publique, s'il est visé par des poursuites pénales, notamment, ou il a exercé une activité professionnelle sans être titulaire d'une autorisation de travail. Lorsqu'elle est prononcée, cette mesure accorde un délai de quarante-huit heures à l'étranger pour quitter volontairement la France. Dès notification de l'arrêté de reconduite à la frontière, l'étranger est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 533-1 N° Lexbase : L7188IQB).
(3) Sous réserve, justement, de l'article L. 533-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui dispose que doit être reconduit à la frontière l'étranger dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public ou s'il a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du Code du travail (N° Lexbase : L9583IEN).
(4) L'étranger qui se voit notifier une IRTF est automatiquement signalé aux fins de non-admission dans le système d'information "Schengen", de sorte qu'il ne pourra plus entrer ni résider dans aucun des Etats de l'"Espace Schengen" et pas seulement en France.
(5) Une mesure de ce type avait déjà été créée en 1993 avant d'être supprimée par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (N° Lexbase : L9660A9N).
(6) Le Conseil constitutionnel a estimé que le fait que "tout arrêté de reconduite à la frontière entraîne automatiquement une sanction d'interdiction du territoire pour une durée d'un an sans égard à la gravité du comportement ayant motivé cet arrêté, sans possibilité d'en dispenser l'intéressé ni même d'en faire varier la durée [...] ne répond pas aux exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789" (Cons. const., décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 N° Lexbase : A8285ACT), D. 1994, p. 111, obs. D. Maillard Desgrées du Loû, RFDA, 1993, p. 871, note B. Genevois).
(7) Cons. const., décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 (N° Lexbase : A4307HTP), considérants n° 52 et n° 53, RFDA, 2011, p. 24, note V. Tchen, Constitutions, 2011, n° 4, p. 581, note V. Tchen.
(8) CE 4° s-s., 1er avril 1998, n° 172619, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7478ASR) ou CE 2° et 6° s-s-r., 29 décembre 1997, n° 168042, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5690ASK), pour un réfugié politique.
(9) Cons. const., décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, préc..
(10) Assignation administrative (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 561-2 N° Lexbase : L7197IQM), assignation judiciaire (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 552-4 N° Lexbase : L5852G4I) et assignation d'un étranger ne pouvant pas quitter le territoire (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 561-1 N° Lexbase : L7198IQN).
(11) Cass. civ. 2, 8 avril 1998, n° 97-50.008 (N° Lexbase : A2975AC8), Bull., II, n° 123 ; Cass. civ. 2, 1er mars 2001, n° 99-50.061 (N° Lexbase : A3199ARW), Bull., II, n° 34. L'on peut aussi citer la jurisprudence de la première Chambre civile en ce sens : Cass. civ. 1, 17 janvier 2006, n° 04-50.170, F-P+B (N° Lexbase : A4114DMC), Bull. n° 11.
(12) Cass. civ. 2, 28 juin 1995, n° 94-50.001 (N° Lexbase : A8047ABN), n° 94-50.002 (N° Lexbase : A6192ABX), n° 94-50.005 (N° Lexbase : A8048ABP), n° 94-50.006 (N° Lexbase : A8049ABQ), n° 94-50.007 (N° Lexbase : A8050ABR), n° 94-50.009 (N° Lexbase : A8051ABS), n° 94-50.011 (N° Lexbase : A8053ABU) et n° 94-50.015 (N° Lexbase : A8054ABW), Bull., II, n° 211, n° 212 et n° 221.
(13) CAA Bordeaux, 1ère ch. 26 juillet 1994, n° 94BX00470, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6644BES).
(14) CE 2° et 6° s-s-r., 21 avril 1997, n° 158919, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9390AD7).

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Fiscalité du patrimoine

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine - Avril 2012

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par Frédéric Subra, avocat associé et Mathieu Le Tacon, avocat of counsel au sein du cabinet Delsol Avocats

Le 04 Avril 2012

La fiscalité du patrimoine a tendance, en France, à se durcir. Les lois de finances de l'année 2011 ont accentué cette tendance, qui se confirme en 2012. La jurisprudence poursuit les mêmes buts que la loi, comme nous le montrent les arrêts commentés cette semaine par Frédéric Subra, avocat associé et Mathieu Le Tacon, avocat of counsel au sein du cabinet Delsol Avocats. Le premier arrêt, rendu le 8 février 2012 par le Conseil d'Etat (CE 8° et 3° s-s-r., 8 février 2012, n° 336125, mentionné aux tables du recueil Lebon), démontre la rigueur de l'administration qui, lorsqu'elle contrôle une société, et lui impose un redressement, tire toutes les conséquences de ce redressement sur le patrimoine de ses associés et gérants. Ainsi, les transferts d'actif entre sociétés liées, ainsi que la mise à disposition de biens au profit des associés, sont sévèrement contrôlés. Le deuxième arrêt, objet de cette chronique, porte sur les conséquences de la qualification d'un versement de somme d'argent par un ex-époux à son ex-femme en rente ou en capital. Cette décision rappelle la vigilance qu'il faut accorder aux transformations de biens, en l'espèce la cession d'un immeuble dont la jouissance avait été octroyée à l'épouse (CE 8° et 3° s-s-r., 1er février 2012, n° 338611, mentionné aux tables du recueil Lebon). Le troisième arrêt concerne un montage dans lequel différentes sociétés, dont les titres sont détenus par une contribuable, directement ou indirectement, exercent les mêmes activités, mais pas de la même manière (Cass. com., 31 janvier 2012, n° 11-11.282, F-D). Notamment, il convient de préparer soigneusement les modalités d'exploitation d'une activité, au risque de se voir exclu du bénéficie de l'article 885-0 bis du CGI, et de ne pouvoir qualifier les titres détenus dans une société de "biens professionnels", exonérés d'ISF.
  • Revenus réputés distribués : exemple de réintégration de divers revenus dans les résultats imposables de sociétés dont les requérants sont associés ou gérants (CE 8° et 3° s-s-r., 8 février 2012, n° 336125, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3385ICD)

L'arrêt commenté illustre les dangers qu'il y a pour des contribuables personnes physiques à vouloir exagérément mettre à la charge de leurs sociétés, que celles-ci soient opérationnelles ou patrimoniales, des charges qui ne sont pas dûment justifiées et engagées dans le seul intérêt de la société concernée.

Dans de telles hypothèses, l'administration fiscale ne se prive évidement pas de procéder au redressement à la fois des sociétés concernées, généralement sur le fondement de l'acte anormal de gestion, mais aussi et peut être surtout des associés personnes physiques concernées, bien souvent sur le fondement de l'article 111 c du CGI (N° Lexbase : L2066HL4), propre aux distributions dites "occultes" de bénéfices.

Au cas particulier, un couple avait fait l'objet d'un contrôle fiscal personnel et contestait les redressements qui lui avaient été notifiés et dont le bien-fondé avait été confirmé en dernier lieu par la cour administrative d'appel.

Parmi les éléments reprochés au couple figuraient notamment les faits suivants :

Les dépenses personnelles du couple étaient, selon l'arrêt commenté, assurées par des prélèvements effectués sur les comptes bancaires d'une SCI appartenant à 80 % à Madame, sachant que cette SCI était elle-même alimentée par des virements provenant de sociétés appartenant directement ou indirectement au couple. Dans ce contexte, le Conseil d'Etat a validé l'imposition des époux sur la base de l'article 111 c du CGI à raison des sommes prélevées sur les comptes bancaires de la SCI.

Par ailleurs, une société d'exploitation dans laquelle Madame exerçait son activité professionnelle de psychothérapeute déduisait de son résultat imposable les frais relatifs à la disposition de deux biens immobiliers distincts. S'agissant de l'un d'entre eux, qui était, par ailleurs, occupé par Madame à titre personnel, celle-ci n'avait pas été en mesure de justifier de son intérêt pour l'entreprise.

Le Conseil d'Etat a donc validé l'imposition de l'épouse à raison de revenus occultes correspondant à la prise en charge par la société de la disposition de l'immeuble considéré.

De plus, le Conseil d'Etat a rappelé que la cour avait relevé que la société d'exploitation précitée avait comptabilisé à l'actif de son bilan un achat de biens meubles comprenant notamment du mobilier, des tableaux contemporains et différents appareils pour une valeur de 600 000 francs (91 469,41 euros environ), destinés à meubler les locaux des deux biens immobiliers précités, et acquis auprès de leur société civile, qui les aurait elle-même achetés auprès de Madame, et qu'à la date de clôture du même exercice, la société avait inscrit une écriture en compte courant au profit de l'épouse de même montant.

Soulignant que la propriété ou même l'acquisition de ces meubles par l'épouse n'avait jamais été démontrée, le Conseil d'Etat a, là encore, estimé justifiée l'imposition en tant que revenus distribués de Madame à raison de la somme inscrite sur son compte courant dans la société civile.

S'agissant, pour sa part, de l'époux, il lui était notamment reproché d'avoir bénéficié à titre professionnel d'un avion privé immatriculé aux Etats-Unis mis à sa disposition par une société anonyme, ce que le Conseil d'Etat a confirmé être, à défaut de justification probante sur l'intérêt de cette mise à disposition pour l'entreprise, un avantage injustifié et donc taxable.

Enfin, eu égard à l'ensemble des éléments ci-dessus rappelés, et en soulignant la nature et l'importance des dépenses personnelles supportées directement ou indirectement par des sociétés leur appartenant, le Conseil d'Etat a relevé que les majorations appliquées, de 40 (mauvaise foi) ou 80 % (manoeuvres frauduleuses) selon les manquements considérés, étaient suffisamment motivées et correspondaient à une exacte qualification des faits.

De ce point de vue, il est évident que la circonstance, relevée par le Conseil d'Etat dans sa décision, selon laquelle Monsieur était inscrit au barreau en qualité d'avocat fiscaliste, n'a pas joué en la faveur du couple...

  • Divorce : le versement d'une somme en conversion du droit d'usage de l'appartement mis à la disposition gratuite de l'ex-épouse et revendu n'est pas déductible des revenus imposables de l'ex-mari (CE 8° et 3° s-s-r., 1er février 2012, n° 338611, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6847IB9)

Les faits ayant donné lieu à l'arrêt commenté étaient parfaitement simples et tout à fait représentatifs de ce qui peut survenir en matière de règlement patrimonial post divorce.

Deux époux divorcent. Aux termes de la convention de divorce homologuée par le tribunal de grande instance, Monsieur laisse à son ex-épouse la jouissance gratuite d'un immeuble lui appartenant, étant précisé qu'il était expressément prévu que cet avantage cesserait en cas de remariage de l'ex-épouse.

Postérieurement, par ordonnance modifiant le jugement d'homologation de la convention de divorce, le tribunal avait, à raison de la vente de l'immeuble considéré, prononcé le versement d'une somme d'argent au titre des arriérés dus sur les paiements antérieurs de la prestation compensatoire et au titre de la conversion du droit d'occuper l'appartement.

Autrement dit, le droit d'usage gratuit de l'immeuble en faveur de l'ex-épouse avait été converti par le tribunal, à raison de la vente dudit immeuble, en un versement de somme d'argent.

Bien entendu, la qualification des sommes ainsi dues, prestations compensatoires sous forme de capital ou sous forme de rente, avait des conséquences fiscales directes puisque, dans le premier cas, les sommes ne sont pas déductibles de l'impôt sur le revenu de la partie versante, alors qu'elles le sont dans le second cas.

Tel était bien l'objet du litige puisqu'en dernier lieu la cour administrative d'appel de Paris, dont l'arrêt avait fait l'objet d'un pourvoi formé par l'administration fiscale, avait jugé que tant la jouissance gratuite de l'immeuble que le versement d'une somme d'argent consécutif à la vente dudit immeuble étaient constitutifs d'une rente et donc déductibles de l'impôt sur le revenu de l'ex-époux (CAA Paris, 5ème ch., 18 février 2010, n° 08PA04916, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0179ETS).

Amené à se pencher sur ce dossier, le Conseil d'Etat, reprenant une formulation déjà adoptée dans des affaires similaires (notamment, CE 9° et 8° s-s-r., 26 janvier 2000, n° 178564, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5414AY8) a rappelé que, pour déterminer si la prestation compensatoire présente le caractère d'un capital, entrant dans les prévisions alors en vigueur du 2 de l'article 275 du Code civil (N° Lexbase : L2841DZA), ou doit s'analyser comme une rente prévue à l'article 276 du même code (N° Lexbase : L2843DZC) (et donc déductible du revenu global en vertu de l'article 156, II-2° du CGI N° Lexbase : L3702IPS), il convient de se référer aux modalités selon lesquelles le juge a prescrit au débiteur de s'en acquitter.

Le premier point, relatif à la nature de la prestation sous forme de jouissance de l'immeuble, ne faisait guère de doute.

En effet, l'article 275 du Code civil, dans sa rédaction applicable au litige, prévoyait expressément que la prestation compensatoire présente le caractère d'un capital, notamment lorsqu'il s'agit de la jouissance viagère d'un droit immobilier.

Or, tel n'était pas le cas en l'espèce puisqu'il avait été expressément prévu que le droit de jouissance de l'appartement cesserait en cas de remariage de l'ex-épouse.

Le Conseil d'Etat a donc confirmé sur ce point la position de la cour administrative d'appel et ainsi le droit qu'avait l'ex-mari de déduire de son impôt sur le revenu, en application des dispositions de l'article 116 II-2° du CGI (N° Lexbase : L2096HL9), l'avantage correspondant à la jouissance de l'appartement, dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une jouissance viagère.

Restait alors pour la Haute Juridiction à trancher le cas de la conversion en numéraire du droit de jouissance de l'appartement.

Avec la même clarté qu'il avait confirmé la position de la cour sur le premier point, le Conseil d'Etat a, en revanche, censuré l'arrêt d'appel s'agissant du second point en jugeant que "la conversion en numéraire du droit d'usage doit être regardée comme un versement en capital pour l'application des dispositions de l'article 156 du CGI", si bien que la somme ainsi versée à l'ex-épouse ne pouvait donner lieu à aucune déduction de l'impôt sur le revenu de l'ex-époux.

La solution ainsi retenue apparaît parfaitement cohérente, dès lors que les modalités de versement de la prestation compensatoire constituent, aux yeux du juge de l'impôt, le critère de distinction entre le capital et la rente. Dans ces conditions, le versement en une seule fois d'une somme d'argent ne pouvait être assimilé qu'en une prestation compensatoire sous forme de capital, peu important que ce capital vienne convertir une rente non viagère.

C'est d'ailleurs selon le même raisonnement que, par exemple, la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 2ème ch., 13 décembre 2001, n° 01LY00578, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7648A4Z) avait jugé que, s'agissant d'une prestation compensatoire octroyée pour moitié sous forme de versements mensuels d'une durée de deux ans et pour l'autre moitié sous forme d'un versement unique à l'issue de cette période, ce dernier versement doit être regardé comme un versement en capital dont le montant n'est pas déductible.

  • ISF : ne constituent pas des biens professionnels les titres qu'une société détient dans une autre société qui a une activité ni similaire, ni connexe (Cass. com., 31 janvier 2012, n° 11-11.282, F-D N° Lexbase : A8769IBE)

La notion d'activité similaire ou connexe et complémentaire, à laquelle se réfère l'article 885 0 bis-2 du CGI (N° Lexbase : L8986IQU), a donné lieu à peu de jurisprudence jusqu'à présent. L'arrêt ici commenté précise la manière selon laquelle celle-ci doit être appréciée, dans l'hypothèse particulière d'une activité donnée en location gérance.

Un schéma reprend la structure juridique soumise au jugement de la Cour de cassation.

Madame X soutenait que les parts de la SCI A qu'elle détenait devaient être exonérées d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), dans la mesure où le bien immobilier était donné en location à la SA B, laquelle devait être regardée comme constituant un bien professionnel unique avec l'hôtel, dès lors que leurs activités étaient similaires ou connexes et complémentaires. La requérante demandait également à ce que les titres de la SA B, inscrits à l'actif de l'hôtel, soient reconnus utiles à l'activité de cette dernière et, par suite, pris en compte pour l'appréciation de la valeur des titres de cette dernière société et exonérés d'ISF en tant que biens professionnels. La particularité de l'affaire résidait dans la mise en location-gérance du fonds de commerce de la SA B (i.e. un hôtel distinct de celui de l'hôtel) auprès d'une tierce société (la SNC C).

1 - Des activités similaires ou connexes et complémentaires

Confirmant la décision des juges d'appel, la Cour suprême juge que l'hôtel et la SA B ne peuvent exercer d'activité similaire, dès lors que la première a donné son fonds de commerce en location-gérance, alors que la seconde exploite directement son fonds. De même, leurs activités ne sauraient être connexes et complémentaires, dans la mesure où le fonds de commerce donné en location-gérance n'était pas celui exploité par la SNC C.

Si le caractère non connexe et complémentaire de ces activités ne fait pas de doute, la position prise par la Cour de cassation sur la similitude peut prêter à discussion. En effet, selon une jurisprudence constante du Conseil d'Etat (CE 29 juillet 1983, n° 24156 ; RJF, 10/83, n° 1095 et CE Section, 28 juillet 1993, n° 70812, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0720ANY ; RJF, 8-9/93, n° 1107), la mise en location-gérance d'un fonds de commerce ne constitue pas une cessation d'entreprise, le bailleur étant réputé poursuivre son activité sous un mode d'exploitation différent. Ainsi eût-il été possible de considérer que la SA B poursuivait toujours une activité d'hôtellerie -certes non plus directement- mais via la location-gérance et par suite de conclure à la similitude des activités.

Telle n'a pas été la lecture de la Cour de cassation, qui retient que la similitude doit s'apprécier, non seulement au regard de la nature de l'activité, mais également au regard de son mode d'exercice. On peut regretter une approche particulièrement restrictive qui empiète encore un peu plus sur la liberté des contribuables d'organiser leurs structures juridiques et les conditions d'exploitation de leurs activités.

2 - L'utilité de la souscription au capital pour l'exercice de l'activité

Aux termes de l'article 885 0-ter du CGI (N° Lexbase : L8826HLH), la valeur des droits sociaux n'est prise en considération au titre des biens professionnels que dans la mesure où elle correspond à l'actif professionnel de la société. Le second point tranché par la Cour de cassation portait précisément sur la qualification des titres de la SA B comme actif professionnel de l'hôtel.

Après avoir rappelé la présomption de caractère professionnel des titres de placement et liquidités, la Cour suprême a exclu cette qualification en l'espèce, dès lors que la détention des titres de la SA B ne permettait pas à l'hôtel de développer sa propre activité, et n'était donc pas utile à celle-ci. Et les juges de relever notamment que la SA B se bornait à donner le fonds dont elle était propriétaire en location-gérance.

A la suite de cette décision, la vigilance s'impose quant aux conséquences en matière d'ISF d'une mise en location-gérance d'un fonds. Au-delà des notions d'activité similaire ou connexe et complémentaire, on doit considérer qu'un contribuable détenant des titres d'une société qui aurait donné son fonds unique en location-gérance ne bénéficierait pas de l'exonération au titre des biens professionnels.

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Interprofessions

[Questions à...] Signature d'un partenariat entre l'ACE et l'AFJE : vers un rapprochement des avocats et des juristes d'entreprise - Questions à William Feugère, président de l'ACE et Hervé Delannoy, président de l'AFJE

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N1324BT9

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef

Le 05 Avril 2012

Le lundi 5 mars 2012 a été signé un contrat de partenariat entre les Avocats conseil d'entreprise (ACE) d'une part, et l'Association française des juristes d'entreprise (AFJE) d'autre part. Cet évènement, célébré dans les nouveaux locaux de l'ACE, marque une nouvelle étape dans le renforcement des professions du droit et, notamment entre deux métiers souvent opposés : les avocats et les juristes d'entreprise. En effet, ces deux professions, bien qu'issues de la même famille, la famille du droit, n'échangent pas suffisamment. Parfois même, elles se confrontent. Cela s'explique par les différences qui existent entre elles : les avocats sont une profession libérale, les juristes une profession salariée. Les avocats ont un diplôme spécifique qui leur permet d'exercer, le CAPA. Ils ont le pouvoir de représenter leur client devant une cour, pouvoir que les juristes d'entreprise n'ont pas. Les juristes sont au service d'une entreprise, leur employeur, les avocats choisissent leurs clients. Toutefois, ces différences ont tendance à s'estomper. En effet, de plus en plus de juristes ont eux-mêmes le CAPA, lequel est parfois exigé par les entreprises. Les avocats se regroupent dans des cabinets de plus en plus importants, fonctionnant comme de véritables entreprises. Enfin, avocats et juristes passent, parfois, d'une profession à une autre, un avocat peut ainsi intégrer une entreprise, et un juriste peut intégrer un cabinet, que ce soit en qualité d'of counsel ou en qualité d'avocat s'il a prêté serment. La dernière différence reste les attributs de la profession libérale : le pouvoir de représentation et le secret professionnel. Un pas supplémentaire est sur le point d'être franchi avec l'envoi aux différents acteurs du droit d'un document de travail, qui propose la création du statut d'avocat salarié en entreprise. Pour revenir sur les motifs et les enjeux du partenariat ACE/AFJE, Lexbase Hebdo - édition professions a interrogé William Feugère, président de l'ACE, et Hervé Delannoy, président de l'AFJE, qui ont accepté de répondre à nos questions.

Lexbase : Quelles sont les raisons qui ont poussé l'ACE et l'AFJE à se rapprocher par la signature de ce partenariat ? Est-ce une demande de la part des membres de ces deux associations ?

William Feugère : C'était naturel. Les avocats conseils d'entreprises et les juristes travaillent ensemble quotidiennement. Pourtant, il n'y avait à ce jour aucun cadre organisé pour les réunir, leur permettre de réfléchir ensemble sur leurs matières, sur les évolutions juridiques. Prenons l'exemple fiscal : six réformes en dix-huit mois, chaque disposition posant des difficultés d'interprétation ou d'application. Réunir les fiscalistes des deux associations permet d'échanger les points de vue, de confronter les avis, et même de faire des propositions ensuite aux pouvoirs publics.

Hervé Delannoy : Nous avions de nombreux contacts. Il y a eu le souhait de les organiser et de les encadrer davantage pour mieux en tirer profit tant le lien paraissait naturel. Nous avons donc signé ce partenariat. Il est, bien entendu, destiné à nos membres respectifs qui, de façon générale, cherchent à enrichir leurs contacts et leurs pratiques auprès de professionnels proches de leur métier.

Lexbase : Quel est le contenu du partenariat ?

William Feugère : Il est prévu une coopération en matière de formations (organisation de colloques, tables rondes) et des réunions de commissions techniques communes. Nos deux associations ont une organisation assez similaire à cet égard : nous avons des commissions pour les principaux domaines du droit, qui réunissent des avocats ou juristes spécialisés. Nous commencerons par des réunions conjointes de commissions "pilotes" : droit fiscal, droit social, droit des sociétés, développement durable et droit international. Par ailleurs, des membres de l'AFJE interviendront à notre congrès dans les différents ateliers et notre revue trimestrielle inclura une rubrique de l'AFJE, outre des articles que pourrait publier l'AFJE dans les différents dossiers.

Hervé Delannoy : Ce partenariat prévoit de favoriser et de développer les échanges entre nos deux associations et nos membres. Dans un premier temps, nous allons ouvrir certaines séances de nos commissions respectives aux membres de la commission correspondante du partenaire (commission fiscale, sociale, concurrence...). Nous allons également publier dans notre revue Juriste d'Entreprise Magazine (JEM) des articles de membres de l'ACE et nous écrirons dans leur revue, afin de partager nos expériences et points de vue. Nous participerons à certaines manifestations de notre partenaire et l'inviterons, également, à rejoindre certains de nos évènements. Nous mettrons en oeuvre toutes les bonnes idées ou initiatives qui pourraient ensuite découler de ces premières réunions et de nos contacts réguliers. Nous en profitons aussi pour avoir une réflexion commune sur nos métiers et leur avenir.

Lexbase : Cette signature s'est opérée juste après l'envoi par la Chancellerie du document de travail sur la création du statut d'avocat salarié en entreprise. Coïncidence ou volonté de votre part ?

William Feugère : Un peu des deux. Coïncidence en ce qui concerne le document de travail lui-même. En fait, nous avons évoqué notre partenariat plusieurs mois avant que le rapport "Prada" ne soit rédigé. Mais en même temps, il est évident que ce partenariat s'inscrit dans une logique : avocat et juristes d'entreprises partagent une même formation, une même compétence et exercent tous deux leur métier au profit des entreprises. Ce constat fonde autant notre partenariat qu'il légitime la réforme de l'avocat en entreprise, que nous appelons de nos voeux.

Hervé Delannoy : A la fois une coïncidence mais ce n'est pas non plus un pur hasard. Nous avons, bien entendu, mené ce partenariat en dehors du calendrier d'envoi de ce document de travail, mais il faut reconnaître aussi que les discussions que nous avons eues entre nous sur la création du statut d'avocat en entreprise ont, de par leur qualité, favorisé la conclusion de ce partenariat. Cela nous permet de bien connaître nos professions respectives, d'apprécier les enjeux et problématiques en cause, et d'avoir ainsi une image assez complète du sujet, à la fois côté juristes d'entreprise et côté avocats.

Lexbase : Quelles sont les positions de l'ACE et de l'AFJE sur ce document de travail ? Allez-vous adopter une position commune ?

William Feugère : Je le souhaite. Mais pas seulement entre ACE et AFJE. Je crois profondément que cette réforme interviendra dans les mois qui viennent. C'est le sens de l'histoire, et l'intérêt autant des deux professions que des entreprises. Et c'est parfaitement compatible avec le respect absolu des principes déontologiques des avocats. Réunissons avocats et juristes, de tous horizons, et essayons ensemble de donner corps à cette réforme.

Hervé Delannoy : L'AFJE estime que ce document de travail ouvre le débat à un moment où, compte tenu des élections, il n'y a pas d'échéance imminente, et donc nous avons le temps de parler et d'approfondir le débat qui le mérite. Ce document de travail contient des propositions qui nous paraissent impossibles à retenir comme point de départ. Si la profession de juriste d'entreprise doit s'exercer sous le titre d'avocat en entreprise, il faut que tous les juristes d'entreprise qui rempliront les conditions pour devenir avocat en entreprise puissent le devenir, et ce sans conditions de responsabilité ou de pouvoir de décision dans l'organisation et le fonctionnement de l'entreprise. Ce critère de pouvoir sur l'organisation et la décision n'est pas pertinent, et, de plus, sa mise en oeuvre serait aussi difficile qu'inadaptée. La délégation de confidentialité à certains collaborateurs ne tient pas non plus compte de la réalité de l'organisation des entreprises et de leurs services juridiques, et crée une grande confusion dans la protection de la confidentialité. Le contenu de la protection doit aussi être examiné plus précisément. La reconnaissance de l'indépendance intellectuelle comme dans le rapport "Prada" est positive. Il faut donc discuter de ce statut en sachant si l'on veut vraiment créer, pour tous les juristes d'entreprise exerçant leur métier, un nouveau cadre d'exercice sous le statut d'avocat en entreprise. Cela n'est pas très clair quant aux intentions des uns et des autres puisque, lorsque l'on lit les réactions, peu sont satisfaits et cela pour des raisons différentes. Peut-être ce document de travail est-il le reflet de ces tiraillements contradictoires. Cela prouve qu'il faut d'abord savoir ce que l'on veut. Est-ce au-delà de la confidentialité une réelle volonté de modernisation de la pratique du droit en entreprise tenant compte des deux professions ou est-ce seulement la recherche de quelques avantages pour l'une d'entre elles sous couvert d'un statut ambigu ? Inutile de poursuivre sur cette voie si cela ne vise pas totalement les deux professions. L'avantage de notre partenariat avec l'ACE est de pouvoir réfléchir ensemble à un vrai statut d'avocat en entreprise et d'en discuter sereinement et techniquement, en connaissance des données des deux professions actuelles d'avocat et de juriste d'entreprise.

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Pénal

[Jurisprudence] Recel de violation de secret professionnel et liberté d'expression

Réf. : Cass. crim., 6 mars 2012, n° 11-80.801, FS-P+B (N° Lexbase : A3871IE4)

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N1158BT3

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par Romain Ollard, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV, Institut de sciences criminelles et de la justice (ISCJ : EA 4633)

Le 05 Avril 2012

Derrière la question somme toute assez banale du recel de choses consécutif à une violation du secret professionnel, se cachait, en réalité, dans cette affaire ayant donné lieu à une décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 6 mars 2012, une autre question, plus large, tenant à l'articulation du recel avec la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4743AQQ). Dans le conflit entre la protection de la vie privée des personnes publiques (droit sur l'information) et le droit du public à l'information, la Chambre criminelle a parfois tendance à faire prévaloir le second objectif, ainsi qu'en témoigne la réticence manifeste de la jurisprudence à sanctionner, au titre du recel, des journalistes qui divulguent des informations confidentielles relatives à la vie privée de personnes publiques, réticence dont cette décision pourrait constituer une nouvelle illustration. Le 22 août 2008, un journaliste publie dans les colonnes du journal "l'Equipe" un article faisant état de résultats du bilan sanguin d'un athlète international, faisant apparaître des suspicions de dopage. Poursuivi du chef de recel de violation du secret professionnel, le journaliste fut déclaré coupable par la cour d'appel aux termes d'un raisonnement en deux temps. Tout d'abord, afin de caractériser l'infraction préalable nécessaire à la constitution du recel, la cour d'appel relève que le bilan sanguin d'une personne, qui ne peut être fait que par des professionnels de santé, constitue une donnée à caractère médical protégée par le secret professionnel au sens de L. 1110-4 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9587IQ7), qui dispose que le secret médical "couvre, sauf dérogations expressément prévues par la loi, l'ensemble des informations, concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel de santé". En conséquence, toute personne prise en charge par un professionnel de santé a droit à la confidentialité des informations médicales la concernant, de sorte que la divulgation de ces informations en l'absence de consentement constitue une violation du secret professionnel. L'infraction d'origine, préalable nécessaire à la constitution du recel, ainsi relevée, la cour d'appel s'attache, ensuite, à caractériser l'élément matériel du délit en relevant que l'utilisation, dans le cadre d'un article de presse, d'un document comportant des informations confidentielles provenant d'une violation du secret médical constitue l'infraction de recel de choses. Toutefois, la Chambre criminelle de la Cour de cassation censure cette décision de condamnation, au visa des articles 226-13 (N° Lexbase : L5524AIG) et 321-1 (N° Lexbase : L1940AMS) du Code pénal, en décidant qu'en se prononçant ainsi, "sans caractériser la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en aurait été dépositaire", la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

En censurant la décision des juges du fond sur le fondement du défaut de constitution de l'infraction de violation de secret professionnel, préalable nécessaire à la constitution du recel de choses (I), la Cour de cassation s'est évitée d'avoir à connaître de la question principale -celle du recel d'information-, qui cristallise pourtant les difficultés (II).

I - L'infraction préalable de violation de secret professionnel

La constitution du recel de choses suppose que la chose recelée provienne d'un crime ou d'un délit, ce qui implique que le recel ne peut être puni que si cette infraction préalable, dite également d'origine, est elle-même constituée en tous ses éléments. Certes, le recel peut être sanctionné même si l'auteur de l'infraction d'origine n'est pas punissable pour une cause qui lui est propre (prescription, décès, etc.) ou s'il n'est pas identifié. Il n'est donc pas nécessaire que l'infraction d'origine soit effectivement punie ou poursuivie (1). Mais, les juges n'en doivent pas moins caractériser l'existence d'une infraction d'origine punissable, de sorte que le recel n'est pas constitué si l'acte d'origine a cessé d'être délictueux, en raison de faits justificatifs par exemple (2). La Cour de cassation se montre particulièrement vigilante sur ce point, en exigeant des juges du fond qu'ils identifient expressément une infraction d'origine, caractérisée en tous ses éléments (3). Or, c'est précisément ce défaut de constitution de l'infraction d'origine qui justifie la décision de cassation en l'espèce, la Chambre criminelle reprochant aux juges du fond de n'avoir pas caractérisé l'infraction de violation de secret professionnel, qui sanctionne, aux termes de l'article 226-13 du Code pénal, la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire (4).

Sans doute était-il possible, tout d'abord, de relever en l'espèce un secret au sens du texte d'incrimination. Si la notion est d'appréciation délicate, il est admis que le secret se définit moins par son contenu, indifférent, que par sa confidentialité, de sorte que le secret n'a pas nécessairement à porter sur un élément de l'intimité de l'individu. De même, il n'est pas exigé que le secret concerne une information inconnue de tous, excepté des dépositaires du secret, la jurisprudence ayant pu décider que "la connaissance par d'autres personnes, de faits couverts par le secret professionnel, n'est pas de nature à enlever à ces faits leur caractère confidentiel et secret" (5). En d'autres termes, s'il est évident qu'une information publique ou notoire, connue de tous, ne saurait constituer un secret protégé, une information partagée par une communauté d'individus peut être confidentielle. La qualification de secret ne faisait pas difficulté en l'espèce, dès lors que le bilan sanguin d'une personne constitue une donnée à caractère médical protégée par le secret professionnel au sens de L. 1110-4 du Code de la santé publique, qui dispose que le secret médical "couvre [...] l'ensemble des informations, concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel de santé.

Sans doute était-il encore possible de relever, en l'espèce, une révélation dudit secret médical, d'autant que la jurisprudence retient une conception large de cet acte matériel en décidant que "la révélation d'une information à caractère secret [...] n'en suppose pas la divulgation ; elle peut exister [...] alors même qu'elle est donnée à une personne unique" (6). La communication de l'information protégée par le secret n'a donc pas à prendre la forme d'une diffusion publique, à destination du plus grand nombre. A fortiori, l'élément matériel du délit est-il constitué lorsque, comme en l'espèce, la révélation prend la forme d'une diffusion au public, en l'occurrence par voie de presse.

Mais, c'est sur le fondement d'un autre élément de l'infraction de violation de secret professionnel que la décision de cassation a été prononcée en l'espèce. La protection du secret implique, en effet, qu'il ait été communiqué à une personne qui en est dépositaire, soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, ce qui impliquerait que le dépositaire du secret soit expressément identifié. Or, c'est précisément le défaut d'identification, par les juges du fond, de la personne dépositaire du secret qui constitue le fondement de la censure en l'espèce. Alors que la cour d'appel avait cru pouvoir relever que "le bilan sanguin d'une personne ne peut être fait que par des professionnels de santé", astreints au secret médical, cette présomption de fait est sanctionnée par la Cour de cassation au motif que la cour d'appel n'a pas caractérisé "la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en aurait été dépositaire". Ainsi que le relevait le pourvoi, il n'existait, en effet, aucun élément susceptible d'établir si le journaliste poursuivi tenait ces informations d'un professionnel de santé soumis au secret médical, de sorte que d'autres sources étaient possibles. Aussi, en déclarant constitué le délit de violation du secret médical, alors que l'auteur de la divulgation n'avait pas été expressément identifié, la cour d'appel n'a pu, selon la Cour de cassation, valablement caractériser l'infraction d'origine, préalable nécessaire à la constitution du recel de choses.

Si la solution n'est pas nouvelle (7), la censure pourrait, toutefois, apparaître bien sévère, lorsque l'on sait que la jurisprudence criminelle n'hésite pas à recourir à une semblable présomption dans d'autres domaines, spécialement celui de la responsabilité des personnes morales. Si, pendant longtemps, la Cour de cassation a exigé que l'infraction imputée à la personne morale soit caractérisée en la personne de ses organes ou représentants (8), lesquels devaient, dès lors, nécessairement être identifiés, la Haute juridiction, faisant fi de cette exigence d'identification, pose, désormais, une présomption d'imputation de l'infraction à la personne morale lorsque "l'infraction n'a pu être commise, pour le compte de la personne morale, que par ses organes ou représentant" (9). En d'autres termes, dès lors que l'infraction a été réalisée dans le cadre de l'activité de l'entreprise, elle ne peut avoir été commise que par un organe ou un représentant de la personne morale, pour le compte de cette dernière. La situation était-elle vraiment différente en l'espèce, seul un professionnel intervenant dans le système de santé pouvant avoir accès à l'information divulguée ? La distinction des solutions pourrait, toutefois, s'expliquer par la volonté de la Cour de cassation de protéger, en la matière, la liberté d'expression, spécialement la liberté de la presse, garantie par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

Quoi qu'il en soit, en censurant la solution des juges du fond sur le fondement du défaut de constitution de l'infraction d'origine, préalable nécessaire à la constitution du recel de choses, la Cour de cassation s'est évitée d'avoir à trancher la question du recel d'informations, qui cristallise les difficultés.

II - Le recel d'information

La question de savoir si le recel peut porter sur des biens immatériels, spécialement sur des informations, comme en l'espèce, est aujourd'hui encore largement débattue.

Certes, par un arrêt fameux "Fressoz" du 3 avril 1995 (10), la jurisprudence est venue affirmer la nécessaire corporalité de la chose objet du recel : "une information quelle qu'en soit la nature ou l'origine échappe aux prévisions de l'article 321-1 du Code pénal qui ne réprime que le recel de choses". Toutefois, certaines décisions postérieures sont venues semer le trouble en admettant que le recel pouvait porter sur des biens immatériels, qu'il s'agisse d'un secret de fabrique (11) ou d'une information, provenant d'un délit d'initié (12) ou obtenue en violation du secret professionnel (13). De même, la jurisprudence a-t-elle encore admis, le recel d'une créance (14), d'un service (15) ou encore de l'attribution d'un marché (16). La contradiction des solutions jurisprudentielles paraît d'autant plus patente que certains arrêts continuaient d'affirmer, en parallèle, qu'une information échappe aux prévisions de l'article 321-1 du Code pénal qui ne réprime que le recel de choses (17).

La contradiction, cependant, n'est peut-être qu'apparente car il faut, en réalité, opérer une distinction selon que les poursuites trouvent leur fondement dans l'alinéa 1er ou, au contraire, dans l'alinéa 2 de l'article 321-1 du Code pénal. En effet, toutes les décisions qui admettent que le recel peut porter sur un bien immatériel se bornent, en réalité, à faire application de ce qu'il est convenu de nommer le "recel profit", c'est-à-dire de l'alinéa 2 du texte, qui incrimine le fait de bénéficier du "produit" d'un crime ou d'un délit. Or, le "recel profit" tolère, quant à lui, une dématérialisation de son objet dès l'instant qu'il est admis qu'il est matériellement possible de profiter d'avantages immatériels. Le concept de profit est donc suffisamment accueillant pour permettre la condamnation d'individus qui jouissent de biens immatériels ou, qui exploitent ou utilisent des informations en connaissance de leur origine frauduleuse, comme tel était le cas en l'espèce. En revanche, lorsqu'ils raisonnent sur le recel détention, réprimé à l'alinéa 1er du texte, les juges n'admettent d'entrer en voie de condamnation que lorsque l'information est matérialisée dans un document ou plus largement dans un support matériel : la "chose" objet du recel doit alors nécessairement revêtir une nature corporelle (18).

Que faut-il penser d'une telle distinction dont la cour d'appel avait, d'ailleurs, précisément fait application en l'espèce ?

En premier lieu, il faut préciser que cette distinction semble devoir être comprise au regard de la nature de l'acte matériel constitutif du recel. Si les juges admettent la dématérialisation du recel profit (alinéa 2), c'est qu'il est matériellement possible de bénéficier d'avantages immatériels. Au contraire, ils refuseraient la dématérialisation du recel détention (alinéa 1er), dès lors que la détention d'une chose impliquerait son appréhension physique. Mais, si ce raisonnement est, sans doute, celui adopté par les magistrats répressifs (19), il pourrait, néanmoins, être contesté comme procédant, tout d'abord, d'une conception archaïque de la détention. Celle-ci peut être, en effet, comprise, non point comme la seule mainmise physique sur la chose qui en est l'objet, mais, plus largement, comme un pouvoir de fait impliquant un rapport de maîtrise, pouvant n'être qu'intellectuel, sur le bien (20). Ensuite, si l'alinéa 1er de l'article 321-1 du Code pénal vise, effectivement, la détention d'une chose, il incrimine, par ailleurs, le fait de dissimuler ou de transmettre une chose provenant d'une infraction. Or, même à supposer que la détention ne puisse être exercée que sur une chose corporelle, ces différents actes semblent, quant à eux, pouvoir porter sur des biens immatériels, dès lors qu'il est possible de dissimuler une information, en taisant un renseignement, de même qu'il serait possible de la transmettre, par divulgation (21).

En second lieu, même à supposer cohérente cette distinction des alinéas 1er et 2nd de l'article 321-1 du Code pénal, il reste encore à déterminer dans quel cas privilégier l'une ou l'autre des deux formes de recel. A cet égard, il est possible d'observer que toutes les décisions jurisprudentielles qui ont pu exclure le recel d'information, en se fondant donc sur l'alinéa 1er du texte, sont, en réalité, intervenues en matière de presse (22). Une telle solution pourrait d'abord se justifier par l'application de l'adage specialia generalibus derogant, le texte général du recel devant être exclu au profit de ceux, spéciaux, relatifs au droit de la presse (23). Ensuite et peut-être surtout, une telle distinction pourrait être justifiée par la volonté des hauts magistrats de faire prévaloir l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme qui consacre la liberté d'expression et de communication (24).

En d'autres termes, dans le conflit entre la protection de la vie privée des individus (droit sur l'information) et le droit du public à l'information (droit à l'information), la Chambre criminelle de la Cour de cassation aurait tendance à faire prévaloir le second, ainsi qu'en témoigne la réticence manifeste de la jurisprudence répressive à sanctionner, au titre du recel, des journalistes qui divulguent par voie de presse des informations confidentielles relatives à la vie privée de personnes publiques. Il faut, toutefois, relever que le décryptage des décisions est particulièrement malaisé en la matière car, loin de se fonder expressément sur un tel argument tiré de la liberté d'expression, la Haute juridiction, préférant avancer masquée, se fonde sur la distinction purement technique des alinéas 1er et 2nd de l'article 321-1 du Code pénal.


(1) V. toutefois, Cass. crim., 14 décembre 2000, n° 99-87.015 (N° Lexbase : A0992IH9), Bull. crim., n° 281.
(2) Cass. crim., 17 mai 1989, n° 85-96.520 (N° Lexbase : A8646CHP), Bull. crim., n° 205, RSC, 1990, p. 576, obs. P. Bouzat.
(3) Cass. crim., 13 mai 1991, n° 90-83.520 (N° Lexbase : A3429ACY), Bull. crim., n° 200.
(4) Sur cette infraction, v. R. Ollard, F. Rousseau, Droit pénal spécial, Bréal, 2011, p. 211 et s.
(5) Cass. crim., 16 mai 2000, n° 99-85.304 (N° Lexbase : A7207CHE), Bull. crim., n° 192.
(6) Cass. crim., 16 mai 2000, précité.
(7) V. déjà, dans le même sens, pour la censure d'une décision des juges du fond ayant établi une semblable présomption, Cass. crim., 24 mai 2005, n° 03-86.460, FS-P+F (N° Lexbase : A7657DIG), Bull. crim., n° 155.
(8) Cass. crim., 2 décembre 1997, n° 96-85.484 (N° Lexbase : A1341ACN), JCP, 1998, II, 10023, Rapport F. Desportes (infraction intentionnelle) ; Cass. crim., 18 janvier 2000, n° 99-80.318 (N° Lexbase : A3244AUP), D., 2000, J. 636, note J.-C. Saint-Pau (infraction d'imprudence).
(9) D'abord limité aux infractions d'imprudence (Cass. crim., 20 juin 2006, n° 05-85.255, F-P+F+I N° Lexbase : A3845DQH, JCP éd. G, 2006, II, 10199, note E. Dreyer ; D., 2007, J. 617, note J.-C. Saint-Pau ; Cass. crim., 26 juin 2007, n° 06-84.821, F-D N° Lexbase : A7685HED, DP, 2007, comm. 135, obs. M. Véron ; Cass. crim., 15 janvier 2008, n° 06-87.805, F-D N° Lexbase : A8430EC9, DP, 2008, comm. 71, obs. M. Véron), le domaine de cette présomption a récemment été étendu à des infractions intentionnelles (Cass. crim., 25 juin 2008, n° 07-80.261, FS-P+F N° Lexbase : A1152EAW, Revue Sociétés, 2008, p. 873, note crit. H. Matsopoulou).
(10) Cass. crim., 3 avril 1995, n° 72-93.034 (N° Lexbase : A8340ABI), Bull. crim., n° 142 ; JCP, 1995, II, 22429, note E. Derieux. Adde, F. Deboissy, J.-Ch. Saint-Pau, La divulgation d'une information patrimoniale, D., 2000, Chr. 267.
(11) Cass. crim., 7 novembre 1974, n° 72-93.034 (N° Lexbase : A1105AA8), Bull. crim., n° 323.
(12) Cass. crim., 26 octobre 1995, n° 94-83.780 (N° Lexbase : A1555ATR), Bull. crim., n° 324 ; DP, 1996, comm. 189, J.-H. Robert.
(13) Cass. crim., 26 octobre 1995, n° 94-84.858 (N° Lexbase : A8945ABW), Bull. crim., n° 328 ; Cass. crim., 20 juin 2006, n° 05-86.491 (N° Lexbase : A0780IHD).
(14) Cass. crim., 18 janvier 1988, n° 87-80.298 (N° Lexbase : A7200AAW), Bull. crim., n° 22.
(15) Cass. crim., 7 mai 2002, n° 02-80.797, F-P+F (N° Lexbase : A6159AYR), Bull. crim., n° 108 ; RTDCom., 2002, p. 736, obs. B. Bouloc.
(16) Cass. crim., 28 janvier 2004, n° 02-86.597, F-P+F (N° Lexbase : A3305DBZ), Bull. crim., n° 23 ; DP, 2004, comm. 92, obs. M. Véron.
(17) Cass. crim., 12 juin 2007, n° 06-87.361, F-P+F (N° Lexbase : A9551DWN), Bull. crim., n° 157 ; JCP, 2007, II, 10159, note F. Fourment, C. Michalski, Ph. Piot ; J.-Ch. Saint-Pau, RPDP, 2008, p. 113. Adde Cass. crim., 19 juin 2001, n° 99-85.188 (N° Lexbase : A6373AT9), Bull. crim., n° 149 ; JCP, 2002, II, 10064, Concl. D. Commaret, note A. Lepage ; D., 2001, J. 2538, note B. Beignier, B. de Lamy ; Cass. crim., 19 octobre 2005, n° 04-85.098 (N° Lexbase : A0778IHB) ; Cass. crim., 19 septembre 2006, n° 05-85.360 (N° Lexbase : A0779IHC).
(18) D. Chevrotin, Bévue sur le caractère non recelable d'une information, DP, 2001, Chr. 12 ; S. Jacopin, Le début d'une évolution sur la nature de la chose susceptible d'appropriation frauduleuse, DP, 2001, Chr. 16.
(19) V., particulièrement net en ce sens, Cass. crim., 19 juin 2001, précité.
(20) F. Alt-Maès, Une évolution vers l'abstraction : de nouvelles applications de la détention, RSC, 1987, p. 21.
(21) En ce sens, C. de Jacobet de Nombel, Le recel d'information, DP, septembre 2008, Chr. 21, n° 14 et s. ; V. Peltier, Le secret des correspondances, PUAM, 1999, n° 556 et s.
(22) V. Cass. crim., 3 avril 1995 ; Cass. crim., 12 juin 2007, précités.
(23) En ce sens, v. particulièrement J.-Ch. Saint-Pau, RPDP, 2008, p. 116.
(24) V. en ce sens C. de Jacobet de Nombel, Recel de choses, Juris-classeur Affaire, 2008, n° 36 ; Le recel d'information, op. cit., spéc. n° 33 et s. ; J.-Ch. Saint-Pau, op. cit., p. 116 et s..

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Santé

[Jurisprudence] Obligation de reclassement consécutive à un avis d'inaptitude et formation à un nouveau poste

Réf. : Cass. soc., 7 mars 2012, n° 11-11.311, FS-P+B (N° Lexbase : A3809IES)

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N1207BTU

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par Marion Del Sol, Professeur à l'Université de Bretagne Occidentale (IODE UMR CNRS 6262-Université de Rennes I)

Le 05 Avril 2012

La décision rendue par la Chambre sociale, le 7 mars 2012, concerne un contentieux à la fois classique et abondant, celui de l'obligation de reclassement pesant sur l'employeur consécutivement à un avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail pour un salarié ayant été victime d'un accident du travail. Pour autant, la question soulevée par le cas d'espèce n'est pas de celles dont la chronique judiciaire rend compte habituellement dans ce type de contentieux, raison sans doute pour laquelle cet arrêt de rejet aura les honneurs d'une publication au Bulletin. Etait, en effet, en jeu la question des capacités du salarié, et non celle de son aptitude médicale, à occuper un emploi de reclassement. En arrière-plan, le débat portait sur les liens à établir entre proposition de reclassement et formation, liens quelque peu modifiés depuis que la loi du 24 novembre 2009 (loi n° 2009-437, relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie N° Lexbase : L9345IET) a précisé que le médecin du travail doit désormais formuler, dans certaines circonstances, "des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté" (C. trav., art. L. 1226-10 N° Lexbase : L6283ISI).
Résumé

Lorsque le salarié à la suite d'un accident du travail est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités.

I- La double exigence concernant les emplois proposés au reclassement

Quelle que soit l'origine -professionnelle ou non- de l'inaptitude du salarié à son poste antérieur, l'employeur doit assumer la charge d'une obligation de reclassement exprimée dans des termes identiques, d'une part, à l'article L. 1226-2 (N° Lexbase : L1006H97) (inaptitude d'origine non professionnelle) et, d'autre part, à l'article L. 1226-10 du Code du travail (inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle). L'employeur doit proposer au salarié "un autre emploi approprié à ses capacités" prenant en compte "les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise". Cette double exigence était au coeur du contentieux soumis à la Cour de cassation.

En l'espèce, après à un accident du travail survenu en 2002, un salarié avait été déclaré, en février 2005, inapte à son poste de magasinier cariste par le médecin du travail, l'avis formulé précisant que le salarié pouvait toutefois "effectuer des tâches simples en position assise ou debout telles que des tâches administratives, standard téléphonique et activité commerciale". Après un avis conforme du médecin du travail et des délégués du personnel (1), l'employeur avait alors reclassé le salarié sur un poste de guichetier tout en lui délivrant une formation professionnelle "sur le tas" (binôme sur le poste pendant 45 jours). Deux mois et demi environ après le reclassement, le salarié est licencié au double motif de son inaptitude au poste de guichetier et de son insuffisance professionnelle, licenciement annulé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Bien que les articles L. 1226-2 et 10 du Code du travail évoquent d'abord le lien que l'emploi proposé au reclassement doit avoir avec les capacités du salarié, il est plus cohérent d'envisager préalablement le lien entre l'emploi envisagé et les restrictions d'aptitude formulées par le médecin du travail puisque ce sont elles qui permettent d'orienter initialement la recherche de reclassement. En d'autres termes, pour l'employeur, il importe d'abord de savoir ce que le salarié peut médicalement faire avant de se demander s'il dispose des capacités de le faire.

Un emploi de reclassement conforme aux restrictions d'aptitude formulées par le médecin du travail. Seul un rappel du droit positif sera effectué sur cette première exigence car, dans l'affaire jugée le 7 mars 2012, le débat juridique ne portait pas sur ce point.

Le médecin du travail est la clé de voûte en matière d'aptitude au poste de travail, que l'on se situe au stade de l'embauche, pendant la durée d'exécution du travail ou à l'occasion des visites de reprise faisant suite à des arrêts de travail pour raisons de santé. D'ailleurs, l'article L. 4624-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1874H9B) est explicite en la matière : d'une part, il affirme que le médecin du travail est habilité à proposer des transformations de postes, voire des reclassements, dès lors que des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs le justifient ; d'autre part, le texte met à la charge de l'employeur l'obligation de prendre en considération les propositions formulées par le médecin du travail. L'article L. 1226-10 n'est que la déclinaison de ces règles à la situation d'inaptitude constatée consécutivement à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Pour autant, l'employeur étant le débiteur de l'obligation de reclassement, il n'est pas libéré de son obligation au motif que le médecin n'a pas rendu d'avis ou a rendu un avis évasif ou imprécis. Dans ces hypothèses, une jurisprudence constante exige de l'employeur qu'il sollicite un avis circonstancié du médecin du travail. Dans l'affaire commentée, l'employeur disposait d'un avis "exploitable" faisant état de la possibilité pour le salarié d'"effectuer des tâches simples en position assise ou debout telles que des tâches administratives, standard téléphonique et activité commerciale". Cet avis l'avait conduit à reclasser le salarié, qui exerçait jusqu'alors les fonctions de cariste, sur un poste de guichetier. Le médecin du travail avait donc formulé par écrit des propositions "sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise", exigence posée par l'article L. 1226-10 applicable au cas d'espèce.

Ce n'est pas, loin s'en faut semble-t-il, toujours le cas. Certains avis se révèlent parfois elliptiques sur l'aptitude du salarié à effectuer des tâches existant dans l'entreprise et ne peuvent servir de guide à l'employeur pour sa recherche de reclassement. Au regard des enjeux juridiques pour lui (risque de nullité du licenciement, mise en jeu de sa responsabilité au titre de l'obligation de sécurité de résultat), l'employeur doit se montrer très prudent face à ce type d'avis et solliciter le médecin du travail pour qu'il soit beaucoup plus explicite dans ses propositions ou formulations.

Un emploi de reclassement approprié aux capacités professionnelles du salarié. Sur la base des préconisations du médecin du travail, l'employeur doit chercher un reclassement pour le salarié inapte à son ancien poste. Il est, dès lors, tenu au respect d'une seconde exigence, le nouvel emploi devant être approprié aux capacités du salarié. Et c'est cette exigence qui était au coeur du contentieux soumis à la Chambre sociale puisque le licenciement du salarié, passé d'un emploi de cariste à un emploi de guichetier (sur la caisse d'un dépôt de produits du bâtiment), était motivé par son inaptitude au poste de guichetier (2) et son insuffisance professionnelle.

Manifestement conscient de la difficulté que ce changement d'emploi pouvait représenter pour le salarié, l'employeur avait décidé de lui faire suivre une formation professionnelle d'une durée de 45 jours délivrée en binôme par le chef de dépôt sur le poste même de reclassement (à la caisse de ce dépôt), là où -aux dires de l'employeur- une formation d'une semaine suffit en principe. Mais, deux mois et demi après sa prise de fonctions, l'employeur a décidé de licencier le salarié, la lettre de rupture faisant état d'une inadaptation au poste et d'une insuffisance professionnelle. La lettre de licenciement, dont des extraits assez longs sont reproduits dans le moyen annexé à la décision, évoquait l'incapacité du salarié d'assimiler le travail et de réaliser des tâches très simples, ce qui aurait pénalisé le fonctionnement du guichet et du dépôt et n'aurait pas permis d'envisager de laisser le salarié en autonomie à ce poste de travail ; et la lettre de relever des difficultés de compréhension, de nombreuses erreurs, un manque de motivation et ce malgré une formation renforcée et la connaissance préalable des produits et du négoce.

Rejetant le moyen développé par le pourvoi, la Chambre sociale écarte l'argument mettant en évidence la durée de la formation dispensée au salarié sur le poste de reclassement. Se situant dans le prolongement de la décision rendue par les juges d'appel qui avaient prononcé la nullité du licenciement, la Cour de cassation met l'accent sur la discordance entre la formation suivie par le salarié et ses besoins de formation eu égard à ses capacités professionnelles. Dans le dernier attendu, il est souligné que la cour d'appel avait pu relever que "l'emploi de reclassement proposé au salarié n'était pas accessible à celui-ci" malgré la formation professionnelle dispensée ; en effet, c'est d'une formation initiale dont ce salarié aurait eu besoin car, s'il avait des aptitudes manuelles, il ne disposait, en revanche, d'aucune compétence dans les domaines de l'informatique et de la comptabilité. La cour d'Aix-en-Provence a dès lors pu valablement conclure que le poste proposé au reclassement n'était pas approprié aux capacités du salarié, ce qui ne satisfaisait pas à l'une des exigences de l'article L. 1226-10 du Code du travail. En d'autres termes, ce ne sont pas les capacités du salarié qui sont inadaptées au poste mais le poste qui est inadapté aux capacités professionnelles du salarié. L'employeur n'a donc pas satisfait à l'obligation de reclassement pesant sur lui.

L'employeur aurait dû se rendre compte que le poste de reclassement envisagé n'était pas adapté aux capacités professionnelles du salarié quand bien même il était approprié aux restrictions d'aptitude énoncées par le médecin du travail. En n'ayant pas pris conscience de cette situation, l'employeur a méconnu l'obligation de reclassement que l'article L. 1226-10 met à sa charge. Si la solution semble juridiquement conforme à la lettre du texte et protectrice des intérêts du salarié (3), elle ne peut pour autant être pleinement approuvée car elle peut mettre les employeurs devant une alternative "diabolique" : préjuger que certains postes ne sont pas adaptés aux capacités du salarié et considérer qu'existe le cas échéant une impossibilité de reclassement tout en prenant le risque de se voir reprocher de pas avoir proposé certains postes que le juge pourrait considérer comme a priori adaptés aux capacités du salarié ; tenter de reclasser le salarié sur un poste en l'accompagnant par une formation (comme au cas présent) tout en faisant le pari qu'il s'adaptera aux exigences du nouvel emploi et se voir reprocher une proposition de reclassement inadéquate au regard de la formation initiale du salarié.

II - La place de la formation dans la recherche de reclassement

Si la décision du 7 mars est intéressante en ce qu'elle souligne la double exigence de l'article L. 1226-10 du Code du travail, elle mérite également attention sur la place de la formation dans le processus de reclassement. Il convient notamment de la mettre en perspective avec certaines solutions jurisprudentielles relatives au reclassement dans le cadre des procédures de licenciement économique et avec l'article 9 de la loi du 24 novembre 2009.

La question de la formation au cas d'espèce. Une lecture un peu rapide du dernier attendu de l'arrêt de la Cour de cassation pourrait laisser penser qu'est reproché à l'employeur de ne pas avoir fait dispenser au salarié une formation adéquate (c'est-à-dire la formation nécessaire au regard de ses capacités et du poste de reclassement). En effet, la décision fait le constat que "c'est une formation initiale qui faisait défaut à l'intéressé" pour pouvoir occuper efficacement le poste de guichetier. Mais une lecture plus attentive conduit à une autre analyse. C'est l'inadéquation de la formation initiale du salarié aux exigences du poste qui a conduit les juges du fond à la conclusion que la proposition de reclassement n'était pas satisfaisante et non le fait que l'employeur n'ait pas proposé une formation adaptée en accompagnement du reclassement. En l'état du droit applicable à l'époque des faits, l'obligation de reclassement n'appelle pas des obligations en matière de formation. À l'employeur, en amont de la proposition, de déterminer -sur la base de l'avis d'inaptitude et des informations complémentaires sollicitées le cas échéant auprès du médecin du travail- si les capacités professionnelles qu'un salarié tient de sa formation initiale sont à même de lui permettre d'occuper certains postes. Si tel n'est pas le cas, à lui d'envisager d'autres postes ou de licencier le salarié au constat qu'aucun poste adapté à ses capacités ne peut lui être proposé. L'arrêt doit finalement inciter les employeurs à ne pas présumer de la capacité d'adaptation des salariés à des postes éloignés de leur formation initiale... au risque de devoir s'en séparer pour insuffisance professionnelle et de se voir reprocher le non-respect de leur obligation de reclassement (4).

Un rapide parallèle avec le reclassement en matière de licenciement économique. Dans le cadre des procédures de licenciement économique, il pèse également sur l'employeur une obligation de reclassement dont la mise en oeuvre pose parfois difficulté lorsque le poste envisagé ne correspond pas à la formation initiale ou à la qualification du salarié. Certes, la situation juridique est quelque peu différente car il pèse sur l'employeur l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi (C. trav., art. L. 1233-4 N° Lexbase : L3135IM3). Toutefois, si la Cour de cassation rappelle avec constance que cette obligation d'adaptation doit conduire au besoin à dispenser une formation complémentaire, elle s'est refusée à aller plus loin. Elle a ainsi jugé qu'il ne peut être imposé à l'employeur d'assurer la formation initiale qui fait défaut au salarié (5) et qui serait seule à même de permettre un reclassement efficace (salarié "opérationnel" sur le poste). Il ne peut pas davantage lui être imposé de délivrer une qualification nouvelle permettant au salarié d'accéder à un poste disponible de catégorie supérieure (6). La décision du 7 mars 2012 présente une filiation évidente avec ces solutions rendues en matière de licenciement économique en ce qu'elle circonscrit l'obligation de reclassement aux postes correspondant aux capacités professionnelles que le salarié tient de sa formation initiale ou qui entrent dans sa qualification ; l'obligation de reclassement n'emporte pas obligation pour l'employeur d'entrer dans une démarche de formation visant à faire acquérir au salarié de nouvelles capacités professionnelles (ce qui diffère d'une simple adaptation).

La nouvelle place de la formation dans le reclassement en cas d'inaptitude d'origine professionnelle. La décision rendue par la Chambre sociale, le 7 mars 2012, en matière de reclassement pour inaptitude doit être analysée à la lumière d'une évolution législative intervenue en novembre 2009. En effet, l'article 9 de la loi du 24 novembre 2009, relative à l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie, a modifié l'article L. 1226-10 du Code du travail. En application de ces nouvelles dispositions, le médecin du travail ayant rendu un avis d'inaptitude doit désormais formuler également "des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté".

Il convient de souligner deux éléments importants concernant le champ d'application de ce texte : d'une part, il ne concerne que les salariés déclarés inaptes dans les entreprises d'au moins cinquante salariés (7) ; d'autre part, il ne vise que les situations d'inaptitude faisant suite à des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (8). Si ces deux conditions sont réunies, l'obligation de reclassement pesant sur l'employeur inclura le cas échéant un volet "formation", ce qui revient à en faire une obligation de reclassement "renforcée" dont il est cependant difficile de cerner les contours.

L'employeur doit tenir compte des indications formulées par le médecin du travail. Au regard de la jurisprudence relative aux avis d'inaptitude, nul doute que l'employeur doit solliciter des précisions du médecin du travail si l'avis de celui-ci n'est pas explicite sur le volet "formation" au risque de se voir reprocher ultérieurement le non-respect de son obligation (9). A notre sens, si l'avis ne fait pas mention de la question de la formation, l'employeur doit demander au médecin si ce silence correspond à un oubli ou signifie qu'aucune formation ne permettrait de proposer au salarié un poste adapté.

L'objectif de l'action de formation doit être de pouvoir proposer un "poste adapté". On doit sans nul doute comprendre qu'est visé un poste adapté aux capacités du salarié. Autrement dit, quoique rendue sous l'empire du droit antérieur à la loi de novembre 2009, la solution de l'arrêt commenté conserve à notre sens toute sa pertinence : l'employeur doit d'abord identifier les postes sur lesquels les capacités professionnelles que le salarié tient de sa formation initiale permettent d'envisager un reclassement ; puis, il doit se demander si le salarié a besoin d'une formation pour pouvoir les occuper efficacement (10). Reste alors à se demander quel est le degré d'exigence en matière de formation auquel l'employeur doit répondre pour satisfaire à son obligation de reclassement. Comme le poste est a priori adapté aux capacités du salarié, il ne peut s'agir semble-t-il que d'une formation a minima, assez comparable à la formation complémentaire qu'évoque la jurisprudence sur l'obligation d'adaptation en matière de licenciement économique (v. supra), et non d'une formation lourde devant être dispensée sur une assez longue durée (de type formation initiale ou formation qualifiante).


(1) Pour rappel, l'article L. 1226-10 du Code du travail rend obligatoire la consultation des délégués du personnel lors de la procédure de reclassement lorsque l'inaptitude fait suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle. C'est là la seule spécificité de la procédure de reclassement que l'on ne rencontre pas dans l'hypothèse d'une inaptitude d'origine non professionnelle.
(2) Le terme d'inaptitude surprend. On peut se demander s'il ne s'agit pas d'une erreur matérielle qui se serait glissée dans la décision. En effet, à la lecture du moyen annexé à l'arrêt, il semble que la lettre de licenciement faisait état d'une "inadaptation au poste de guichetier".
(3) Le poste étant inadapté à ses capacités, il ne peut logiquement être reproché au salarié une insuffisance professionnelle.
(4) Non-respect dont le coût s'avère très élevé ici puisque le licenciement est frappé de nullité. Adéfaut de réintégration et en application des dispositions de l'article L. 1226-15 du Code du travail (N° Lexbase : L1035H99), le salarié obtiendra une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires. S'y s'ajouteront l'indemnité compensatrice (d'un montant au moins équivalent à l'indemnité compensatrice de préavis) et l'indemnité spéciale de licenciement (d'un montant double par rapport à l'indemnité légale de licenciement) prévues à l'article L. 1226-14 (N° Lexbase : L1033H97).
(5) Cass. soc., 3 avril 2001, n° 99-42.188, publié (N° Lexbase : A9714ATX), Bull. civ. V, n° 114.
(6) Cass. soc., 11 janvier 2010, n° 97-41.255, publié (N° Lexbase : A0337AUZ) ; Cass. soc., 17 mai 2006, n° 04-43.022, F-D (N° Lexbase : A4564DPQ).
(7) La loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives (N° Lexbase : L5099ISN), a substitué dans l'article L. 1226-10 l'expression "entreprises d'au moins cinquante salariés" à celle d'"entreprises de cinquante salariés et plus".
(88) A noter que "l'application de l'article L. 1226-10 du Code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude". La Cour de cassation dissocie les règles de Sécurité sociale et celles du droit du travail. Surtout, elle ne fait pas dépendre la mise en oeuvre par l'employeur des règles protectrices des salariés victimes de risques professionnels d'une décision de la CPAM. Le déclenchement de l'obligation de reclassement "renforcée" est donc conditionné par le constat d'inaptitude effectué par le médecin du travail et ce, "dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine [un accident du travail ou une maladie professionnelle]...". V. Cass. soc., 9 juin 2010, n° 09-41.040, F-P (N° Lexbase : A0183EZS), Bull. civ. V, n° 131.
(9) Face à la carence du médecin du travail (absence d'avis ou avis trop imprécis), l'employeur doit se montrer proactif et solliciter les éléments dont il a besoin pour envisager le reclassement du salarié. V. Cass. soc., 24 avril 2001, n° 97-44.104, publié (N° Lexbase : A2863AT9), Bull. civ. V, n° 127.
(10) Au cas d'espèce, si la solution avait été rendue sous l'empire de la loi de 2009, elle n'aurait donc pas a priori été différente que celle donnant lieu à commentaire puisque le poste proposé au reclassement n'était pas adapté aux capacités du salarié.

Décision

Cass. soc., 7 mars 2012, n° 11-11.311, FS-P+B (N° Lexbase : A3809IES)

Rejet, CA Aix-en-Provence, 9ème ch., sect. B, n° 09/10564 (N° Lexbase : A6273GCC)

Textes visés : néant

Mots-clés : obligation de reclassement, inaptitude, capacités professionnelles du salarié

Liens base : (N° Lexbase : E3125ETW)

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Sociétés

[Textes] Loi de simplification du droit et d'amélioration des procédures : impact sur les sociétés commerciales non cotées

Réf. : Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives (N° Lexbase : L5099ISN)

Lecture: 29 min

N1142BTH

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 05 Avril 2012

La quatrième loi de simplification du droit de la XIIIème législature a été publiée au Journal officiel du 24 mars 2012. Ayant pour but de simplifier les normes qui pèsent sur les forces économiques du pays, c'est-à-dire les entreprises, elle contient à l'instar des précédentes lois homonymes, de nombreuses dispositions hétéroclites épargnant peu de branches du droit français : droit commercial, droit social, droit de l'environnement, droit des marchés publics, droit des marchés financiers ou encore droit des sociétés sont, notamment concernés par la loi n° 2012-387 (ci-après "la loi"). C'est peut-être dans ce dernier domaine que les modifications opérées, qui concernent la plupart des formes sociales, sont les plus nombreuses : si, comme on pouvait s'y attendre, la plupart d'entre elles sont relatives aux sociétés commerciales -qui sont bien entendu les véhicules les plus utilisés pour déployer une activité économique-, le législateur s'est aussi intéressé à des formes plus particulières, voire "confidentielles" de sociétés -moins usitées par les acteurs économiques- et notamment les SCOP, SCIC et GIE.

I - Dispositions applicables aux sociétés commerciales (SARL, SA, SAS, SASU, SCA, SCS, SNC)

  • Assouplissement du formalisme de dépôt des comptes annuels (art. 9)

Articles créés ou modifiés : C. com., L. 232-21 (N° Lexbase : L5750ISR), L. 232-22 (N° Lexbase : L5751ISS), L. 232-23 (N° Lexbase : L5752IST) et LPF, art. L. 85 (N° Lexbase : L5753ISU).

Principe en vigueur antérieurement

Les sociétés à responsabilité limitée (SARL), les sociétés en nom collectif (SNC) et les sociétés par actions (SA, SAS, SCA) étaient tenues de publier leurs comptes annuels dans le mois qui suit leur approbation par l'assemblée générale ordinaire annuelle :
- en les déposant en deux exemplaires, aux greffes du tribunal de commerce ;
- ou, en effectuant cette formalité par voie électronique.

Devaient notamment être joints aux comptes annuels :
- le rapport de gestion du dirigeant ;
- et les rapports des commissaires aux comptes sur les comptes annuels.

Les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) et les sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (SASU) dirigées par leur associé unique sont dispensées sous certaines conditions d'établir un rapport de gestion. Les EURL et les SASU tenues d'en établir un sont, par ailleurs, dispensées de le déposer aux greffes.

Apport de la loi

Les comptes annuels des SARL, des SNC et des sociétés par actions ne sont plus à déposer au greffe qu'en un seul exemplaire dans le délai d'un mois suivant leur approbation par l'assemblée générale des associés. Ce délai d'un mois est porté à deux mois en cas de dépôt des comptes annuels par voie électronique.
La dispense de déposer le rapport de gestion est étendue à toutes les SARL, SNC et sociétés par actions non cotées. Ce document doit seulement être tenu à la disposition des tiers. Le rapport de gestion est toutefois tenu à la disposition de toute personne qui en fait la demande selon des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ; en outre, l'article L. 85 du Livre des procédures fiscales est également modifié afin de prévoir explicitement que l'administration fiscale pourra se voir communiquer, à sa demande, le rapport de gestion par les sociétés commerciales redevables de l'impôt.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E0248AYT).

  • Possibilité de soumettre au régime des scissions les apports partiels d'actifs réalisés entre sociétés de formes juridiques différentes (art. 16)

Articles créés ou modifiés : C. com., L. 236-6-1 (N° Lexbase : L5717ISK) et L. 145-16 (N° Lexbase : L5763ISA).

Principe en vigueur antérieurement

Le Code de commerce ne donnait pas de définition précise de l'apport partiel d'actifs. L'absence de dispositions législatives expresses reconnaissant la possibilité d'apports partiels d'actifs entre sociétés de formes juridiques différentes créait donc une insécurité juridique.

Apport de la loi

Le nouvel article L. 236-6-1 étend aux sociétés commerciales de formes différentes la possibilité de soumettre au régime des scissions leurs apports partiels d'actif, dont disposent déjà, d'une part, les sociétés anonymes -sur le fondement de l'article L. 236-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L6372AIT)- et, d'autre part, les SARL -en application de l'article L. 236-24 du même code (N° Lexbase : L6374AIW)-. Par coordination, les dispositions de l'article L. 145-16 du Code de commerce concernant un apport partiel d'actifs comprenant un bail commercial, se trouvent, elles aussi, modifiées pour tenir compte, notamment, du nouvel article L. 236-6-1.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" .

  • Injonctions de rendre publiques certaines informations comptables, nominatives ou afférant à la liquidation (art. 18)

Articles créés ou modifiés : C. com., art. L. 232-24 (N° Lexbase : L5719ISM), L. 237-3 (N° Lexbase : L5764ISB), L. 237-23 (N° Lexbase : L5765ISC), L. 237-25 (N° Lexbase : L5766ISD), L. 237-30 (N° Lexbase : L5767ISE), L. 238-2 (N° Lexbase : L5769ISH) et L. 238-3 (N° Lexbase : L5768ISG).

Principe en vigueur antérieurement

Les sociétés (SNC, SARL et SA) sont tenues de déposer au RCS les comptes annuels, les rapports et l'affectation du résultat. Par ailleurs, tous les actes et documents émanant de la société doivent comporter un certain nombre de mentions, notamment la dénomination sociale précédée ou suivie de la forme juridique et le capital social ou le capital variable. Enfin, le liquidateur est tenu à certaines diligences lors de sa prise de fonction et dans l'accomplissement de sa mission : publication par ses soins de son acte de nomination et obligation de convocation dans les six mois de sa nomination de l'assemblée des associés pour lui faire un rapport sur la situation active et passive de la société, sur la poursuite des opérations de liquidation et les échéances.

Apport de la loi

D'abord, la loi élargit les voies d'action au greffier du tribunal de commerce, qui est en situation de constater l'absence de dépôt des documents comptables annuels. La procédure, du fait du renvoi au II de l'article L. 611-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L8841INR), est relativement balisée : le juge procédera à une injonction de publier ces documents à brefs délais, sous astreinte, et s'il n'y est pas donné suite, il pourra se faire communiquer tous les documents utiles par les commissaires aux comptes, les représentants du personnel, les administrations publiques ou les organismes de sécurité sociale et les organismes de centralisation des risques bancaires.

Ensuite, en l'absence d'apposition des mentions nominatives clés sur les actes et documents de la société, le ministère public ou toute personne intéressée peut désormais demander au président du tribunal compétent une injonction de faire. En conséquence, les infractions pénales correspondantes sont abrogées.

Parallèlement, le ministère public ou toute personne intéressée peut demander au président du tribunal compétent statuant en référé d'enjoindre au liquidateur, le cas échéant sous astreinte, de procéder à la publication de son acte de nomination. Par ailleurs, le texte permet au juge de déchoir de son droit à rémunération le liquidateur qui n'a pas accompli les diligences qui lui incombent.

Les dispositions relatives aux injonctions du liquidateur et celle concernant les mentions nominatives sont aussi applicables aux SCOP aux SE et aux GIE

  • Aménagement des sanctions pénales prévues pour certaines infractions propres au droit des sociétés (art. 19)

Articles créés ou modifiés : C. com., art. L. 241-5 (N° Lexbase : L5780ISU), L. 242-1 (N° Lexbase : L5779IST), L. 242-3 (N° Lexbase : L5778ISS), L. 242-10 (N° Lexbase : L5777ISR), L. 242-17 (N° Lexbase : L5776ISQ), L. 242-23 (N° Lexbase : L5775ISP), L. 242-24 (N° Lexbase : L5774ISN), L. 242-30 (N° Lexbase : L5773ISM), L. 244-1 (N° Lexbase : L5772ISL), L. 245-4 (N° Lexbase : L5771ISK) et L. 247-7 (N° Lexbase : L5770ISI).

Principe en vigueur antérieurement

Le non-respect de certaines obligations est pénalement sanctionné. Il en est notamment ainsi :
- du fait pour les dirigeants de ne pas dresser l'inventaire et établir les comptes annuels ainsi qu'un rapport de gestion ;
- de plusieurs infractions touchant à l'émission et à la négociation d'actions ou de coupures d'actions, soit au moment de la constitution de la société anonyme, soit au cours d'une augmentation de capital ;
- du fait de procéder à une diminution du capital sans respecter l'égalité des actionnaires ;
- du fait pour le liquidateur d'une société de ne pas accomplir certaines des obligations qui lui sont dévolues.

Apport de la loi

Afin de ne pas placer les gérants de SARL dans une situation inéquitable par rapport à celle des dirigeants de sociétés plus importantes, le fait pour les gérants de ne pas soumettre à l'approbation de l'assemblée des associés ou de l'associé unique l'inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion établis pour chaque exercice n'est plus sanctionné que par une amende de 9 000 euros ; la peine d'emprisonnement disparaît. Corrélativement, la non-convocation de l'assemblée des associés pour l'approbation des comptes annuels et du rapport de gestion des SARL et des SA n'est plus passible de sanctions pénales.

Par ailleurs, les amendes encourues en cas de violation des prescriptions légales sur l'émission et la négociation d'actions lors de la constitution ou des augmentations et réductions du capital sont accentuées : elles passent de 9 000 euros à 150 000 euros.

En outre, la portée de la rupture d'égalité des actionnaires lors d'une diminution du capital est jugée à ce point contradictoire avec les grands principes gouvernant le droit des sociétés que l'amende encourue est portée à 30 000 euros (au lieu de 9 000 euros antérieurement).

Enfin, les sanctions encourues par les liquidateurs sont aménagées : la peine de 9 000 euros d'amende et six mois d'emprisonnement prévue dans certains cas est portée à 150 000 euros.

  • Simplification des règles de transmission des documents élaborés par les commissaires aux comptes (art. 30)

Article créé ou modifié : C. com., art. L. 823-8-1 (N° Lexbase : L5726ISU).

Principe en vigueur antérieurement

Les commissaires aux comptes adressent aux organes de direction, de surveillance ou à l'organe collégial chargé de l'administration, les différents rapports, attestations, certifications, réserves, refus de certifier. Ceux-ci les redirigent ensuite vers les greffes des tribunaux de commerce.

Apport de la loi

L'assemblée générale ordinaire, dans les sociétés commerciales qui sont dotées de cette instance, ou l'organe exerçant une fonction analogue compétent peut désormais autoriser, sur proposition de l'organe collégial chargé de l'administration ou de l'organe chargé de la direction de la société, les commissaires aux comptes à adresser directement au greffe du tribunal, les rapports devant faire l'objet d'un dépôt et les documents qui y sont joints, ainsi que la copie des documents afférents à leur acceptation de mission ou à leur démission. Il peut être mis un terme à cette autorisation selon les mêmes formes.

  • Capacité : mineur et création d'une EIRL ou d'une société unipersonnelle (art. 32)

Articles créés ou modifiés : C. civ., art. 389-8 (N° Lexbase : L5808ISW) et 401 (N° Lexbase : L5809ISX).

Principe en vigueur antérieurement

La loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, relative à l'entreprise individuelle à responsabilité limitée, a réformé les règles relatives à la capacité commerciale des mineurs en apportant des modifications majeures aux articles 401 (N° Lexbase : L5711IMH), 408 (N° Lexbase : L5710IMG) et 413-8 (N° Lexbase : L5709IME) du Code civil et L. 121-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L5708IMD) et en insérant un nouvel article 389-8 (N° Lexbase : L5712IMI) dans le Code civil. Ainsi, notamment, un mineur peut être autorisé, par ses deux parents ou par son administrateur légal à accomplir seul les actes d'administration nécessaires pour les besoins de la création et de la gestion d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d'une société unipersonnelle. Les actes de disposition ne peuvent être effectués que par ses deux parents ou, à défaut, par son administrateur légal sous contrôle judiciaire avec l'autorisation du juge des tutelles (sur cette innovation et les problèmes qu'elle pose, cf. Heurts et bonheurs de la loi relative à l'EIRL : le "mineur-entrepreneur" - Questions à Maître Catherine Michelet-Quinquis, avocat, Ernst & Young, société d'avocats, responsable de la ligne droit des sociétés du bureau de Bordeaux, Lexbase Hebdo n° 411 du 7 octobre 2010 - édition privée N° Lexbase : N2624BQA).

Apport de la loi

Afin de sécuriser le régime de l'EIRL, il est fixé une limite d'âge à 16 ans révolus pour être autoriser à créer une EIRL ou une société unipersonnelle (EURL ou SASU).

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" .

  • Simplification des obligations comptables applicables à certaines sociétés possédant des filiales (art. 58)

Articles créés ou modifiés : C. com., art. L. 233-17-1 (N° Lexbase : L6320AIW).

Principe en vigueur antérieurement

Les sociétés commerciales établissent et publient chaque année, à la diligence du conseil d'administration, du directoire, du ou des gérants, selon le cas, des comptes consolidés ainsi qu'un rapport sur la gestion du groupe, dès lors qu'elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ou qu'elles exercent une influence notable sur celles-ci. Toutefois, sont exemptées de l'obligation d'établir et de publier des comptes consolidés et un rapport sur la gestion du groupe les sociétés qui sont elles-mêmes sous le contrôle d'une entreprise qui les inclut dans ses comptes consolidés et publiés, ainsi que les petites sociétés ne dépassant pas certains seuils.

Apport de la loi

La loi prévoit une nouvelle exemption en insérant un article L. 233-17-1 pour les entreprises contrôlées de manière exclusive ou conjointe ou dans lesquelles elles exercent une influence notable et qui présentent, tant individuellement que collectivement, un intérêt négligeable par rapport à l'objectif assigné aux comptes consolidés de donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l'ensemble constitué par les entreprises comprises dans la consolidation.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E7276ADT).

  • Création d'un fichier unique des interdits de gérer (art. 71)

Articles créés ou modifiés : C. com., L. 128-1 (N° Lexbase : L5874ISD), L. 128-2 (N° Lexbase : L5873ISC), L. 128-3 (N° Lexbase : L5872ISB), L. 128-4 (N° Lexbase : L5871ISA) et L. 128-5 (N° Lexbase : L5870IS9).

Principe en vigueur antérieurement

Les mesures d'interdiction de gérer frappant les commerçants sont mentionnées sur le registre du commerce et des sociétés (RCS) de chaque tribunal de commerce. Les greffes des tribunaux de commerce retranscrivent soit les décisions prises par les juridictions consulaires dont ils ont directement connaissance, soit les décisions prises par les juridictions civiles et pénales dont ils sont informés par les greffes des tribunaux civils et correctionnels. En revanche, les mesures d'interdiction de gérer prononcées à l'encontre des non-commerçants (artisans, dirigeants de société, ou dirigeants d'association) ne sont, par hypothèse, pas inscrites au registre du commerce et des sociétés, mais au casier judiciaire, auquel les greffes des tribunaux de commerce n'ont pas accès, en vertu de l'interdiction de croisement des fichiers prévue par l'article 777-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1617GT3). Lors de la création d'une entreprise, les greffiers des tribunaux de commerce sont susceptibles de procéder à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés alors même que ses dirigeants peuvent être sous le coup d'une mesure d'interdiction de gérer dont les greffiers des juridictions consulaires n'ont pas connaissance. C'est particulièrement le cas lorsque les personnes frappées par la mesure d'interdiction de gérer demandent l'immatriculation d'une entreprise dans un ressort différent de celui du tribunal qui a prononcé la sanction. Si, après l'immatriculation, il est constaté que des interdictions de gérer s'y opposaient, les greffiers des tribunaux de commerce doivent procéder à la radiation d'une entreprise dont l'activité peut avoir commencé.

Apport de la loi

Un fichier unique, national et automatisé, des interdits de gérer tenu par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce est créé. Sont inscrites dans ce fichier les faillites personnelles et les autres mesures d'interdiction de diriger, de gérer, d'administrer ou de contrôler, directement ou indirectement, une entreprise commerciale, industrielle ou artisanale, une exploitation agricole, une entreprise ayant toute autre activité indépendante ou une personne morale prononcées à titre de sanction civile ou commerciale ou à titre de peine et résultant des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée. Ne sont pas inscrites les sanctions disciplinaires. Les greffiers bénéficient d'un accès permanent à ce fichier. Peuvent être destinataires sur simple demande et sans frais, des informations et des données à caractère personnel enregistrées dans le fichier :
- les magistrats et les personnels des juridictions de l'ordre judiciaire, pour les besoins de l'exercice de leurs missions ;
- les personnels des services du ministère de la Justice, pour les besoins de l'exercice de leurs missions ;
- les représentants de l'administration et d'organismes définis par décret en Conseil d'Etat, dans le cadre de leur mission de lutte contre les fraudes.

Aucune interconnexion ne peut être effectuée entre le fichier national automatisé des interdits de gérer et tout autre fichier ou traitement de données à caractère personnel détenu par une personne quelconque ou par un service de l'Etat ne dépendant pas du ministère de la Justice. Ce fichier sera mis en oeuvre après l'accomplissement des formalités préalables auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E0794CTL).

  • Manquements aux délais de paiement : suppression de la transmission du rapport du commissaire aux comptes (art. 120)

Articles créés ou modifiés : C. com., L. 441-6-1 (N° Lexbase : L6087ISA).

Principe en vigueur antérieurement

Le premier alinéa de l'article L. 441-6-1 du Code de commerce dispose que "les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes publient des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs ou de leurs clients suivant des modalités définies par décret". Ces informations font, aux termes du second alinéa de ce même article, l'objet d'un rapport du commissaire aux comptes qui est adressé au ministre chargé de l'Economie, "s'il démontre, de façon répétée, des manquements significatifs aux prescriptions des neuvième et dixième alinéas de l'article L. 441-6", à savoir aux délais de paiement fixés par la loi. Le caractère significatif et répété des manquements aux délais de paiement est apprécié par le commissaire aux comptes.

Apport de la loi

Les microentreprises et les petites et moyennes entreprises sont désormais exonérées de l'obligation de signalement au ministre de l'Economie par les commissaires aux comptes en cas de manquement aux délais de paiement fixés par la loi, obligation qui sera, en revanche, maintenue pour les entreprises de taille intermédiaires (ETI) et les grandes entreprises (GE).

La détermination des seuils -nombre de salariés, chiffre d'affaires, total de bilan- à partir desquels une entreprise est exonérée ou non de l'obligation de signalement au ministre chargé de l'Economie des manquements aux délais de paiement repose sur les quatre catégories d'entreprises prévues par l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR), et précisées par l'article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 (N° Lexbase : L3154ICS), pris en application de cette dernière, à savoir :
- pour les microentreprises, un nombre de salariés de 10, un chiffre d'affaires annuel de 2 millions d'euros et un total du bilan de 2 millions d'euros ;
- pour les PME, un nombre de salariés de 250, un chiffre d'affaires annuel de 50 millions d'euros et un total du bilan de 43 millions euros.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E4644ERG).

II - Dispositions applicables aux sociétés par actions (SA, SAS, SASU, SCA)

  • Suppression de l'obligation pour les sociétés non cotées de publier les droits de vote existants à la dernière assemblée générale s'ils demeurent inchangés (art. 11)

Articles créés ou modifiés : C. com., art. L. 233-8 (N° Lexbase : L5755ISX).

Principe en vigueur antérieurement

Au plus tard dans les quinze jours qui suivent l'assemblée générale ordinaire, toute société par actions devait informer ses actionnaires du nombre total de droits de vote existant à cette date.

Apport de la loi

Désormais, les sociétés dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé ne sont pas tenues à cette information lorsque le nombre de droits de vote n'a pas varié par rapport à celui de la précédente assemblée générale ordinaire.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E4728ETB).

III - Dispositions applicables aux SA et aux SARL

  • Evaluation des apports en nature et décision de désignation d'un commissaire aux apports (art. 7)

Articles créés ou modifiés : C. com., art. L. 223-33 (N° Lexbase : L5747ISN), L. 225-8 (N° Lexbase : L5748ISP) et L. 225-147 (N° Lexbase : L5749ISQ).

Principe en vigueur antérieurement

Les commissaires aux apports doivent être nommés pour évaluer les apports en nature effectués lors de la constitution d'une SA ou d'une SARL ou à l'occasion d'une augmentation de capital ou d'une opération de restructuration et, s'il y a lieu, pour apprécier les avantages particuliers accordés à certains associés. Les règles de nomination des commissaires aux apports différaient selon que la société est une société à responsabilité limitée (SARL) ou une société par actions, et aussi selon le moment de leur intervention (constitution de la société ou augmentation de capital). Aux termes de l'article L. 223-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L5725IMY), le commissaire aux apports chargé d'évaluer les apports en nature au moment de la constitution d'une SARL était désigné à l'unanimité des futurs associés ou, à défaut, par une décision de justice à la demande de l'associé le plus diligent. Au moment de l'augmentation de capital réalisée en tout ou partie par des apports en nature, cette désignation intervenait à la demande du gérant sur décision de justice, en application de l'article L. 223-33 du même code. Pour ce qui concerne les sociétés par actions, les commissaires aux apports étaient désignés par décision du tribunal de commerce, statuant sur requête des fondateurs ou de l'un d'eux à l'occasion de la constitution de chaque société (C. com., art. L. 225-8) ou sur requête du président du conseil d'administration ou du directoire ou du gérant lors d'une augmentation de capital à l'aide d'apports en nature ou de la stipulation d'avantages particuliers.

Apport de la loi

Les articles L. 223-33, L. 225-8 et L. 225-147 du Code de commerce sont donc modifiés afin d'unifier et de clarifier le régime de nomination du commissaire aux apports. Désormais, dans les SARL, le commissaire aux apports est désigné à l'unanimité des associés ou, à défaut, par une décision de justice à la demande d'un associé ou du gérant. Dans les SA, il est désigné, lors de la constitution, à l'unanimité des fondateurs ou, à défaut, par décision de justice, à la demande des fondateurs, et en cas d'augmentation de capital à l'unanimité des actionnaires ou, à défaut, par décision de justice.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E6189ADL ; N° Lexbase : E6190ADM).

  • Sanction en l'absence de convocation des assemblées (art. 17)

Articles créés ou modifiés : C. com., art. L. 223-26 (N° Lexbase : L6002IS4) et L. 225-100 (N° Lexbase : L6003IS7).

Principe en vigueur antérieurement

Si le défaut de réunion de l'assemblée générale des actionnaires de SA et des associés de SARL dans les délais prescrits ne conduit pas à l'application de sanctions civiles, il expose toutefois les dirigeants sociaux à une condamnation à des dommages et intérêts si le retard pris a causé un préjudice à la société ou à un actionnaire. Sur le plan pénal, en revanche, des sanctions de six mois d'emprisonnement et 9 000 euros d'amende étaient prévues par l'article L. 242-10 du Code de commerce. Ces dispositions sont apparues d'autant plus disproportionnées que la Cour de cassation a jugé que l'intention frauduleuse n'était pas un élément constitutif du délit mentionné à cet article L. 242-10 (Cass. crim., 11 mai 1981, n° 79-94.330 N° Lexbase : A9440ATS).

Apport de la loi

Un mécanisme plus opportun et efficace d'injonction de faire, au sein des articles L. 223-26 et L. 225-100 du Code de commerce se substitue à ces sanctions. Ainsi, si l'assemblée des associés ou des actionnaires n'a pas été réunie dans le délai prévu par la loi, le ministère public ou toute personne intéressée peut saisir en référé le président du tribunal compétent, afin que celui-ci enjoigne, le cas échéant sous astreinte, aux gérants ou dirigeants de convoquer l'assemblée générale ; à défaut, il pourra désigner un mandataire pour y procéder.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E6012A33 ; N° Lexbase : E6806AUM).

  • Possibilité pour les associés et les actionnaires de demander la réunion d'une assemblée (art. 17)

Articles créés ou modifiés : C. com., art. L. 223-27 (N° Lexbase : L6001IS3) et L. 225-103 (N° Lexbase : L6007ISB).

Principe en vigueur antérieurement

Antérieurement les articles L. 223-27 et L. 225-103 prévoyaient que les associés et les actionnaires pouvaient demander la tenue d'une assemblée générale, à la condition qu'ils représentent le quart des associés et le quart des parts sociales pour les SARL et 5 % du capital pour les sociétés anonymes, sauf dans le cas des assemblées spéciales -réunissant uniquement les titulaires d'actions d'une catégorie déterminée (actions à droit de vote double ou simple, de priorité ou ordinaires, de capital ou de jouissance etc.) dont la société envisage de modifier les droits- où cette exigence est portée à 10 % des actions de la catégorie intéressée.

Apport de la loi

Ces seuils sont abaissés à 10 % du nombre des associés et 10 % des parts sociales pour les SARL et au vingtième des actions de la catégorie intéressée (5 %) pour les assemblées spéciales des sociétés anonymes.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E6013A34 ; N° Lexbase : E2269AZ3).

IV - Dispositions applicables aux SA

  • Harmonisation de la durée des fonctions des administrateurs et de membres du conseil d'administration (art. 6)

Articles créés ou modifiés : C. com., art. L. 225-18 (N° Lexbase : L5746ISM) et L. 225-75 (N° Lexbase : L5745ISL).

Principe en vigueur antérieurement

La durée de fonction des administrateurs du conseil d'administration et de membres du conseil d'administration d'une SA ne pouvaient dépasser :
- trois ans pour les primoadministrateurs désignés dans les statuts lors de la création d'une SA non cotée ;
- six ans en cas de désignation par l'assemblée générale ordinaire en cours de vie sociale ou dans les SA cotées qu'ils soient des administrateurs initiaux ou nommés ultérieurement.

Dans ces limites, les statuts peuvent toujours prévoir une durée spécifique de validité du mandat social, le cas échéant harmonisée sur celle du mandat initial.

Apport de la loi

La durée maximale des fonctions des administrateurs est harmonisée à six ans dans tous les cas, qu'il s'agisse des administrateurs initiaux ou nommés ultérieurement, que la société soit cotée ou non cotée. Ce dispositif n'entraîne aucunement la suppression de la possibilité de fixer une durée ad hoc dans les statuts, dans les limites du plafond légal.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E5165ADN ; N° Lexbase : E1935AWL).

  • Assouplissement des conditions de cumul de fonctions d'administrateur et de salarié (art. 6)

Articles créés ou modifiés : C. com., art. L. 225-21-1 (N° Lexbase : L5711ISC) et L. 225-44 (N° Lexbase : L5744ISK).

Principe en vigueur antérieurement

Le Code de commerce n'interdit pas de manière explicite le cumul entre un mandat social et un contrat de travail au sein d'une société anonyme. Pour autant, il résultait des dispositions de l'article L. 225-44, interdisant à peine de nullité absolue toute attribution aux administrateurs d'une rémunération permanente de la société, qu'un tel cumul était impossible pour les personnes entrées au conseil d'administration sans avoir été salariées de la société auparavant. La jurisprudence a d'ailleurs interprété ces dispositions en ce sens (Cass. soc., 7 juin 1974, n° 73-40.155 N° Lexbase : A7065AGR ; Cass. soc., 21 novembre 2006, n° 05-45.416, F-P N° Lexbase : A5411DS9).

Apport de la loi

Le nouvel article L. 225-21-1 prévoit justement cette possibilité pour les administrateurs des sociétés anonymes des sociétés répondant aux critères européens des PME, à savoir un total de bilan inférieur à 43 millions d'euros, un montant hors taxes de chiffre d'affaires n'excédant pas 50 millions d'euros et un effectif inférieur à 250 salariés (article 2 de l'annexe de la recommandation n° 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises), sous réserve que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif. Cette nouvelle catégorie d'administrateurs salariés entre dans le décompte du nombre maximal d'administrateurs salariés admis au conseil, en application de l'article L. 225-22 (N° Lexbase : L5893AI4), de manière à ne pas bouleverser les équilibres internes à la composition des organes de gouvernance. Le texte tire les conséquences de la création du nouvel article L. 225-21-1 du Code de commerce sur les dispositions de l'article L. 225-44 du même code, de manière à ce que les administrateurs concluant, après leur entrée en fonction, un contrat de travail avec la société puissent jouir des émoluments liés à leur statut de salarié.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E5714AU8).

  • Information sur les engagements en faveur du développement durable (art. 12)

Article créés ou modifiés : C. com., art. L. 225-102-1 (N° Lexbase : L5756ISY) ; loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, art. 225 (N° Lexbase : L7066IMN).

Principe en vigueur antérieurement

Les conseils d'administration et directoires des sociétés doivent faire figurer dans leur rapport annuel à l'assemblée générale des actionnaires, en plus des indications inhérentes à la rémunération des dirigeants sociaux, des informations sur la manière dont leur société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ainsi que des informations sur ses engagements en faveur du développement durable. Afin de ne pas alourdir à l'excès les obligations de transparence imposées en la matière aux groupes de sociétés, le législateur a toutefois prévu que, lorsqu'une société établit des comptes consolidés, les informations qu'elle a à fournir soient consolidées et portent aussi sur l'ensemble de ses filiales. Dans certains cas, cette précision n'exonère pas des filiales ou des sociétés contrôlées de taille très significative de publier néanmoins les informations sur la manière dont elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité ainsi que sur leurs engagements en faveur du développement durable.

Apport de la loi

Il est désormais institué deux listes précisant les informations sur les engagements en faveur du développement durable ainsi que les modalités de leur présentation, de façon à permettre une comparaison des données, selon que la société est ou non admise aux négociations sur un marché réglementé.
Par ailleurs, les filiales ou sociétés contrôlées dépassant les seuils réglementaires de chiffre d'affaires, de bilan et/ou de salariés rendant obligatoire la présentation d'informations sur leur politique sociale et environnementale ne sont pas tenues de publier ces informations, dès lors qu'elles indiquent dans leur rapport de gestion comment accéder aux données y afférant, dans le rapport annuel de leur société mère ou de la société qui les contrôle.
Enfin, l'obligation de vérification de ces informations par un organisme tiers indépendant est reportée à l'exercice 2012, au lieu de l'exercice 2011.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" .

  • Actionnariat des salariés adhérents d'un plan d'épargne entreprise (art. 13)

Articles créé ou modifié : C. com., art. L. 225-129-6 (N° Lexbase : L5757ISZ).

Principe en vigueur antérieurement

Tous les trois ans, s'il existe un plan d'épargne entreprise (PEE) dans une société anonyme, une assemblée générale extraordinaire des actionnaires (AGE) devait être convoquée pour se prononcer sur le projet d'augmentation de capital par apport en numéraire pour y faire entrer les salariés de l'entreprise, si les actions détenues par le personnel représentent moins de 3 % du capital.

Apport de la loi

Ce délai de trois ans est repoussé à cinq ans si une assemblée générale extraordinaire s'est prononcée depuis moins de trois ans sur un projet de résolution tendant à la réalisation d'une augmentation de capital. Toutefois, la société pourra toujours, à tout moment, décider d'elle-même une augmentation de capital en faveur des salariés. Elle sera toujours contrainte de soumettre à l'assemblée générale extraordinaire un projet de résolution tendant à la réalisation d'une augmentation de capital réservée aux salariés lors de toute décision d'augmentation de capital par apport en numéraire.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E7298CDN).

  • Extension et assouplissement de la possibilité d'attribuer des actions gratuites aux salariés et mandataires sociaux dans les PME non cotées (art. 14)

Articles créé ou modifié : C. com., art. L. 225-197-1 (N° Lexbase : L5758IS3).

Principe en vigueur antérieurement

Dans les sociétés anonymes non cotées en bourse, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires peut décider d'attribuer gratuitement des actions de la société aux salariés et aux dirigeants, mais dans la limite de 10 % du capital social existant au jour de la réunion de l'assemblée.

Apport de la loi

Dans les sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation et ne dépassant pas, à la clôture d'un exercice social, les seuils définissant les petites et moyennes entreprises prévus à l'article 2 de l'annexe à la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, les statuts peuvent désormais prévoir un pourcentage plus élevé. Toutefois ce pourcentage ne peut excéder 15 % du capital social à la date de la décision d'attribution des actions par le conseil d'administration ou le directoire.

Les sociétés visées sont celles qui ne dépassent pas cumulativement les 2 seuils suivants :
- des effectifs salariés inférieurs à 250 personnes ;
- chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros ;
- total du bilan annuel inférieur à 43 millions d'euros.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E9759CSA).

  • Sanction en cas de non-respect des règles de constitution ou d'augmentation de capital (art. 17)

Articles créés ou modifiés : C. com., L. 225-11-1 (N° Lexbase : L5993ISR), L. 225-16-1 (N° Lexbase : L5994ISS), L. 225-109 (N° Lexbase : L6006ISA), L. 225-150 (N° Lexbase : L6008ISC), L. 228-9 (N° Lexbase : L6010ISE), L. 228-35-9 (N° Lexbase : L6011ISG)  et C. mon. fin., art. L. 212-2 (N° Lexbase : L6012ISH).

Principe en vigueur antérieurement

Les actions doivent être émises en respectant un certain nombre de règles applicables soit dans le cadre d'une constitution avec offre au public, soit dans le cadre d'une constitution sans offre au public, soit dans le cadre d'une augmentation de capital.

Apport de la loi

La loi instaure le principe de la nullité des droits de vote ou des droits pécuniaires indûment accordés à certains actionnaires de sociétés anonymes, à diverses étapes du fonctionnement de celles-ci. Ainsi, une procédure de suspension de l'attribution des droits de vote et des droits à dividende des actions ou coupures d'actions émises respectivement en violation des dispositions relatives à la constitution de la société avec offre au public (C. com., art. L. 225-11-1, nouv.) et en violation des dispositions relatives à la constitution de la société sans offre au public (C. com., art. L. 225-16-1, nouv.) est mise en place. Tout vote émis ou tout versement de dividende effectué pendant la suspension est nul.
Les mêmes effets et contraintes sont instaurés pour les droits de vote et à dividende émis à l'égard des présidents, directeurs généraux, membres du directoire ou du conseil de surveillance et administrateurs, ainsi qu'à l'égard de leurs descendants et conjoints (C. com., art. L. 225-109).
Enfin, toute attribution de droits de vote ou à dividende des actions ou coupures d'actions émises dans le cadre d'une augmentation de capital qui enfreindrait les règles prévues par les articles L. 225-127 (N° Lexbase : L8261GQZ) à L. 225-149 du Code de commerce sont exposées aux mêmes conséquences (C. com. art. L. 225-150).

Par ailleurs, le non-respect du caractère nominatif de l'action numéraire jusqu'à son entière libération peut désormais entraîner l'annulation de cette action (C. com., art. L. 228-9). Ensuite, est ouverte l'annulation des remboursements effectués avant le rachat intégral ou l'annulation des actions à dividende prioritaire sans droit de vote, ainsi que l'annulation, en cas de réduction du capital non motivée par des pertes, de l'achat d'actions ordinaires qui interviendrait avant le rachat des actions à dividende prioritaire sans droit de vote.

  • Sanction du défaut de procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale (art. 17)

Article créé ou modifié : C. com., art. L. 225-114 (N° Lexbase : L6005IS9).

Principe en vigueur antérieurement

Le procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale indique la date et le lieu de réunion, le mode de convocation, l'ordre du jour, la composition du bureau, le nombre d'actions participant au vote, le quorum, les documents et rapports soumis à l'approbation de l'assemblée, un résumé des débats, le texte des résolutions mises aux voix et le résultat des votes. Il est signé par les membres du bureau. Depuis l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 (N° Lexbase : L4315DPI), le défaut de transcription des procès-verbaux sur un registre spécial conservé au siège social n'est plus sanctionné pénalement ; une injonction de faire y a été substituée.

Apport de la loi

La loi parachève le processus, en substituant une nullité facultative des délibérations de l'assemblée qui n'auraient pas été constatées par procès-verbal.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E6931AUA).

  • Nullité facultative des augmentations de capital (art. 20)

Article créé ou modifié : C. com., art. L. 225-149-3 (N° Lexbase : L6013ISI).

Principe en vigueur antérieurement

La loi n° 2003-706 de sécurité financière du 1er août 2003 (N° Lexbase : L3556BLB) a étendu le champ des nullités impératives à la quasi-intégralité des dispositions relatives aux augmentations de capital. Ainsi, en application de l'article L. 225-149-3 du Code de commerce, la violation de l'ensemble des prescriptions des articles L. 225-127 (N° Lexbase : L8261GQZ) et suivants du même code, à l'exception notable de celles concernant la publicité des opérations (C. com., art. L. 225-142 N° Lexbase : L6013AIK), exposait les sociétés par actions fautives à une nullité impérative, sur simple constat de l'illégalité par le juge, de la délibération ayant conduit à l'augmentation de leurs titres, dès lors qu'aucune régularisation n'est intervenue entre-temps.

Apport de la loi

La loi substitue à la nullité impérative une nullité facultative, pouvant être constatée par le juge. Par ailleurs l'énumération des décisions afférentes à une augmentation de capital pouvant être frappées d'une nullité facultative est complétée. La loi introduit la possibilité de recourir à des injonctions de faire pour les formalités et rapports qui n'affectent pas l'augmentation.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E0997BYL).

V - Dispositions applicables aux SARL

  • Alignement du régime de l'augmentation du capital des SARL sur celui des sociétés anonymes (art. 10)

Article créé ou modifié : C. com., art. L. 223-32 (N° Lexbase : L5754ISW).

Principe en vigueur antérieurement

Il résulte des articles L. 223-7 (N° Lexbase : L5832AIT) et L. 223-32 du Code de commerce que l'augmentation de capital en numéraire d'une société à responsabilité limitée, décidée par les associés dans les conditions de quorum et de majorité identiques à celles prévues pour les modifications statutaires, doit être immédiatement effectuée dans son intégralité. A défaut, l'augmentation de capital est nulle. La libération intégrale était immédiatement exigée, à la différence des règles prévues pour la constitution de la société qui permet aux associés de ne verser qu'une partie (1/5ème) des apports en numéraire qu'ils s'engagent à verser au capital social sous réserve de libérer le surplus en une ou plusieurs fois dans un délai maximum de 5 ans.

Apport de la loi

La loi modifie donc le premier alinéa de l'article L. 223-32 du Code de commerce afin de permettre, sur le modèle de ce que dispose l'article L. 225-144 du même code (N° Lexbase : L6015AIM) pour les sociétés anonymes, la libération des trois-quarts de l'augmentation de capital dans un délai de cinq ans à compter du jour où l'augmentation du capital est devenue définitive, le quart devant toujours être libéré au moment de la souscription. La libération du surplus doit intervenir, en une ou plusieurs fois.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E5734ADQ).

VII - Dispositions applicables aux SEL

  • Détermination des modalités d'évaluation des parts sociales dans les statuts (art. 29)

Article créé ou modifié : loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, art. 10 (N° Lexbase : L3046AIN).

Principe en vigueur antérieurement

La valorisation des droits sociaux d'un associé d'une SEL, en cas de contestation à l'occasion d'une cession à un tiers ou d'un rachat par la société, est régie par l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L2018ABD). Cet article dispose que la valorisation des droits sociaux, lorsqu'elle est contestée lors d'une cession ou d'un rachat de parts, est déterminée par un expert désigné par les parties ou, à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible. Les associés ne pouvaient pas déroger, dans les statuts, à ces dispositions d'ordre public (Cass. com., 4 décembre 2007, n° 06-13.912, FS-P+B N° Lexbase : A0299D3H). Concernant les SCP, la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées (N° Lexbase : L8851IPI) a modifié l'article 10 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 (N° Lexbase : L3146AID), afin de permettre aux associés de fixer, à l'unanimité, dans les statuts, les principes et les modalités applicables à la détermination de la valeur des parts sociales, par dérogation à l'article 1843-4 du Code civil.

Apport de la loi

La loi introduit un dispositif identique pour les SEL, dans la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales. Dès lors :
- les associés peuvent fixer, à l'unanimité, dans les statuts, les principes et les modalités applicables à la détermination de la valeur des parts sociales, pour la cession à un tiers ou rachat des parts par la société et pour l'acquisition par la société des titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital dont la cession est soumise à une clause d'agrément ;
- sauf disposition contraire du décret relatif à chaque profession, la valeur des parts sociales prend en considération une valeur représentative de la clientèle. Toutefois, les associés peuvent choisir à l'unanimité d'exclure, dans les statuts, cette valeur représentative de la clientèle des parts sociales.

Cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" (N° Lexbase : E6052EQ9).

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