La lettre juridique n°840 du 15 octobre 2020

La lettre juridique - Édition n°840

Droit pénal général

[Brèves] Maltraitance animale : l’abandon prolongé d’animaux dans des conditions insalubres suffit à caractériser le délit

Réf. : CA Orléans, 6 octobre 2020, n° 18/00160 (N° Lexbase : A95433WD)

Lecture: 3 min

N4853BYE

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par Adélaïde Léon

Le 15 Octobre 2020

► La constitution de l’infraction de sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux prévue à l’article 521-1 du Code pénal (N° Lexbase : L3431HTA) n’exige pas nécessairement la réalisation d’actes de cruauté ou de sévices actifs ;

L’abandon d’animaux, sur une période suffisamment longue et dans des conditions particulièrement insalubres, suffit à caractériser le délit.

Rappel des faits. Une femme a été poursuivie pour des faits de maltraitance animale sur des chients, des chats, un rat, des pigeons, un poney, un canard, des poules, des perruches et un hamster. Le tribunal correctionnel a déclaré l’intéressée coupable d’avoir, étant gardien éleveur ou détenteur d’animaux domestiques ou d’animaux sauvages apprivoisés ou captifs, privé ces animaux de nourriture, d’abreuvement mais également de soins, d’avoir utilisé un lieu et un mode de détention inadapté pouvant être cause de souffrance ou blessure, d’avoir détenu des chiens sans procéder à leur identification et d’avoir abandonné ces animaux pendant plusieurs jours.

La prévenue, le ministère public et la SPA ont interjeté appel de ce jugement.

Après avoir déclaré les appels recevables, la cour d’appel a ordonné un supplément d’information afin que soit réalisé un examen psychiatrique de la prévenue.

La prévenue estimait s’être correctement occupé des animaux, expliquait se rendre quotidiennement auprès d’eux, les conduire régulièrement chez le vétérinaire et justifiait son absence dans les lieux par divers évènements notamment un dégât des eaux et des problèmes de chauffage. Elle soutenait que les animaux morts retrouvés sur place avaient succombés à des maladies. Enfin, elle relève que l’élément moral des infractions n’était pas établi en ce qu’il exige des sévices ou actes de cruauté accomplis avec le dessein de provoquer la souffrance ou la mort.

Le rapport du psychiatre déclarait la prévenue exempte de trouble susceptible d’abolir ou d’altérer son discernement et le contrôle de ses actes. La clarté de sa conscience, l’absence de trouble psychiatrique ou cognitif majeur la rendait donc accessible à une sanction pénale.

Décision. La cour d’appel retient que la prévenue avait délibérément maintenu des animaux dans des conditions inadaptées ou pouvant être cause de souffrance ou blessure, les privant par ailleurs de nourriture, d’abreuvement et de soins. Les juges constatent que l’état physiologique de plusieurs de ces animaux était fortement dégradé et que certains étaient morts. La cour souligne par ailleurs que la prévenue ne satisfait pas à son obligation de permettre l’identification de tous les chiens découverts et que les pièces produites ne montrent pas de suivi vétérinaire régulier.

La cour d’appel précise que l’article 521-1 du Code pénal qui incrimine les « sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux » n’exige pas nécessairement des actes de cruauté ou de sévices. En l’espèce, elle retient que l’abandon d’animaux, sur une période suffisamment longue et dans des conditions particulièrement insalubres, suffit à caractériser le délit. La cour confirme donc le jugement de première instance quant à la déclaration de culpabilité.

S’agissant de la peine, elle infirme le jugement pour adapter le montant de l’amende aux revenus de la prévenue (cinq amendes contraventionnelles de cinquante euros chacune) et, constatant que cette dernière n’a pas la capacité d’appréhender les responsabilités qui sont les siennes concernant l’accueil d’animaux, prononce à titre de peine principale l’interdiction définitive de détenir des animaux et la confiscation de ceux visés en procédure en confirmant leur remise à la SPA.

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Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Effets de la décision de refus de prise en charge de l’accident à l’égard de l’employeur

Réf. : Cass. civ. 2, 8 octobre 2020, n° 19-13.730, F-P+B+I (N° Lexbase : A05533XR)

Lecture: 2 min

N4850BYB

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par Laïla Bedja

Le 14 Octobre 2020

► Selon l’article R. 441-14 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0577LQG), dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2010 (N° Lexbase : L5899IE9), la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit, si le caractère professionnel de l’accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n’est pas reconnu, ou à l’employeur dans le cas contraire, la décision étant également notifiée à la personne à laquelle elle ne fait pas grief ; il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard ; partant, une cour d’appel ne saurait dire que les dépenses afférentes à l’accident du travail de la victime seront inscrites au compte de l’employeur aux motifs que le caractère professionnel a été reconnu par les juges ;

Aussi, il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6 (N° Lexbase : L7113IUY), L. 452-3 (N° Lexbase : L5302ADQ) et D. 452-1 (N° Lexbase : L1787IZ9) du Code de la Sécurité sociale que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l’employeur est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l’employeur ; ces textes sont d’application stricte.

Faits et procédure. Le salarié d’une société a été victime d’un accident que la caisse primaire d’assurance maladie a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle. Sur le recours de la victime, le caractère professionnel de l’accident a été reconnu par un tribunal des affaires de Sécurité sociale, par jugement du 28 janvier 2014, devenu irrévocable. La victime a saisi une juridiction de Sécurité sociale d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Appel. Pour dire que les dépenses afférentes à l’accident du travail de la victime et la majoration de la rente seront inscrites au compte de l’employeur, l’arrêt (CA Versailles, 17 janvier 2019, n° 18/01020 N° Lexbase : A2469YWD) constate que le caractère professionnel de l’accident a été reconnu par le tribunal des affaires de Sécurité sociale. Elle retient alors qu’il doit être fait droit à l’action récursoire de la caisse dans l’hypothèse où la faute inexcusable de l’employeur serait retenue.

Cassation. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond.

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Arbitrage

[Jurisprudence] La vérification de la compétence du tribunal arbitral en présence d’un consommateur

Réf. : Cass. civ. 1, 30 septembre 2020, n°18-19.241, FS-P+B (N° Lexbase : A67893WD)

Lecture: 19 min

N4870BYZ

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par Dominique Vidal, Agrégé des facultés de droit, Professeur honoraire

Le 15 Octobre 2020

Mots-clés : arbitrage • consommateur • inopposabilité du principe de compétence-compétence • clause abusive

En vertu de l’ordre public européen de protection du consommateur, la juridiction étatique a compétence, nonobstant l’article 1448 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2275IPX], pour vérifier la validité de la clause d’arbitrage au regard notamment de la qualification de clause abusive.

Est abusive la clause compromissoire qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle.


 

1. La logique du droit de l’arbitrage est celle de l’efficacité de ce mode non juridictionnel de règlement des litiges. Cela suppose de voir limiter les voies de « judiciarisation » de l’arbitrage par lesquelles une partie chercherait à retarder le processus de règlement du litige. C’est pourquoi l’article 1448 du Code de procédure civile dispose que « lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci se déclare incompétente, sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ».

2. Ce régime a fait ses preuves aussi bien en efficacité qu’en équité. Rappelons en effet que la compétence du tribunal arbitral relèvera du contrôle judiciaire de la sentence (CPC, art. 1492 N° Lexbase : L2275IPX).

Dès lors, vérifions les quatre cas de figure possibles :

  • si c’est à juste titre que le tribunal arbitral s’est déclaré compétent, il est bénéfique qu’une partie n’ait pas pu retarder la procédure ;
  • si c’est à tort que le tribunal arbitral s’est déclaré compétent, il est juste que la sentence soit annulée ;
  • si c’est à juste titre que le tribunal arbitral s’est déclaré incompétent, le tribunal judiciaire « confirmera » cette incompétence ;
  • si c’est à tort que le tribunal arbitral s’est déclaré incompétent, le contrôle judiciaire lui donnera à connaître du litige. Les parties au litige ne sont donc pas sans recours du chef de la compétence arbitrale, mais la vérification de cette compétence emprunte une voie particulière.

3. La logique du droit de la consommation, pour sa part, est de limiter le domaine des situations où le consommateur ne serait pas en mesure de saisir le juge étatique considérée comme son juge « naturel ». Dans cette logique, il convient de réduire ou d’écarter les obstacles qui empêcheraient ou gêneraient cette configuration « naturelle », sur le plan des principes et sur celui des conditions d’application, y inclus les conditions pratiques de mise en œuvre d’un droit sur lesquelles le droit de la consommation et le droit européen sont structurellement convergents à être particulièrement attentifs. C’est en se fondant sur des dispositions de droit européen de la consommation que cet arrêt écarte le mécanisme du principe de compétence-compétence en matière d’arbitrage. Voici dans quelles circonstances.

4. Deux héritiers sont en conflit sur l’exécution de dispositions testamentaires adoptées par leur auteur commun. L’un d’eux reproche à l’autre d’avoir dilapidé la fortune familiale. Il engage la responsabilité professionnelle d’un notaire et saisit à cet effet le tribunal de grande instance compétent. Dix-huit mois plus tard (sans doute renseigné par les pièces de cette première procédure), il assigne également, devant le même tribunal de grande instance, une société d’avocats espagnole à laquelle mandat avait été donné de le conseiller dans les opérations ouvertes en Espagne de la succession de son père, en effet décédé en Espagne.

5. Ce mandat comporte une clause compromissoire. Le juge arbitral avait-il été précédemment saisi ? Cela ne figure pas dans l’exposé des faits proposé par la Cour de cassation, au demeurant fort succinct ; de surcroît, ni l’exposé des moyens, ni les réponses apportées par l’arrêt n’abordent expressément ce point. On supposera cependant que le tribunal arbitral avait été saisi. En effet, le tribunal étatique aurait été assurément compétent dès lors qu’aurait manqué cette condition que l’article 1448 du Code de procédure civile prescrit pour son incompétence. Si le tribunal arbitral n’avait pas été saisi, la compétence du tribunal étatique n’aurait posé aucune des difficultés qui sont abordées dans cet arrêt.

6. La solution la plus remarquable, sur le plan des principes, est donc bien cette neutralisation de l’effet négatif du principe de compétence-compétence (I). Ayant ainsi retenu sa compétence, le tribunal étatique peut procéder à l’évaluation de la clause d’arbitrage au regard des paramètres de la notion de clause abusive (II). La vérification de la compétence arbitrale pose ainsi une question de compétence et une question de fond.

7. Observons cependant au préalable, à propos de la question de compétence, un réel décalage entre l’intensité du débat théorique que suggère cet arrêt et l’intérêt pratique de la question. En effet, dans sa rédaction issue de la loi « de modernisation de la justice du XXIème siècle » (loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 N° Lexbase : L1605LB3), l’article 2061 du Code civil (N° Lexbase : L2433LBQ) dispose en son alinéa 2 que « lorsque l’une des parties n’a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause (compromissoire) ne peut lui être opposée ». Désormais, le consommateur qui entend échapper à l’application d’une clause compromissoire n’a même plus besoin de la contester ; il lui suffit de la récuser.

8. En revanche, la réponse à la question de fond conserve tout son intérêt. Il suffit de supposer qu’un consommateur partie à une clause compromissoire ait omis ou se soit refusé à la récuser (quelle qu’en soit la raison, omission, étourderie, ou plus simplement volonté de participer à la procédure arbitrale) pour que le contrôle judiciaire de la sentence trouve à s’exprimer dans sa plénitude.

I. Le droit communautaire de protection du consommateur écarte l’article 1448 du Code de procédure civile

A. L’applicabilité a priori de l’article 1448 du Code de procédure civile

9. Le pourvoi invoquait l’application de l’effet négatif du principe de compétence-compétence posé par l’article 1448 du Code de procédure civile, dont il résulte que la juridiction d’Etat n’a aucune compétence en l’état de la saisine du tribunal arbitral à connaître du litige, à examiner la compétence du tribunal arbitral ou à évaluer la validité ou l’applicabilité de la clause d’arbitrage.

10. Le principe ainsi posé est assez fort pour que l’article 1448 alinéa 2 dispose également que « la juridiction d’État ne peut soulever d’office son incompétence ». De surcroît, l’ensemble du mécanisme de compétence-compétence est d’ordre public, l’alinéa 3 de l’article 1448 disposant que « toute stipulation contraire au présent article est réputée non écrite ». Au total, le commun accord des parties ne peut pas écarter la compétence de principe du tribunal arbitral (CPC, art. 1448 al.3), alors qu’il peut écarter la compétence exceptionnelle du tribunal judiciaire (CPC, art.1448, al.2). Enfin, il a été jugé [1] que cette question de la concurrence entre le juge arbitral et le juge étatique n’est pas une question de litispendance dès lors qu’elle est réglée par le texte (CPC, art. 1458 à l’époque, art. 1448 désormais).

11. Dans le cas particulier de l’espèce commentée, l’auteur du pourvoi ajoutait que l’appréciation du caractère abusif d’une clause d’arbitrage suppose un examen par le juge (étatique) des conditions dans lesquelles la clause a été négociée et conclue, incompatible en tant que tel avec la constatation de son caractère manifestement nul ou inapplicable. Or, la jurisprudence est constante, et assez abondante, pour retenir que la clause doit être vraiment manifestement nulle ou inapplicable pour que l’exception au principe de l’article 1448 soit retenue. C’est pourquoi le plus souvent l’argument est rejeté [2]. Il faut, ainsi que le professeur Racine en dresse la synthèse [3], que de manière absolument évidente, la convention d’arbitrage ne puisse s’appliquer au litige concerné. Rien de tel, bien entendu, avec la pesée factuelle des conditions dans lesquelles une clause d’arbitrage avait été conclue.

B. La mise à l’écart de l’article 1448 du Code de procédure civile par le droit communautaire de protection du consommateur

12. Mettre à l’écart : action d’écarter, d’ignorer délibérément, de réfuter, de « subsidiariser » ; tel est bien ce que propose ici la Cour de cassation, en substituant un principe à un autre. Ce ne sont pas toutes les dispositions de droit communautaire qui conduisent à écarter l’article 1448 du Code de procédure civile (1). Ce sont celles qui sont visées aux considérants 9 à 12 de la décision (2).

1) Les principes de droit communautaire compatibles avec l’application de l’article 1448 du Code de procédure civile

13. La motivation de la Cour de cassation prend racine dans l’article 6 § 1 de la Directive 93/13/CEE (N° Lexbase : L7468AU7) concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, dont elle rappelle les termes suivants : « Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».

14. C’est un cas où la clause est réputée non écrite, ainsi défini en droit communautaire par une règle qui s’applique évidemment dans l’ordre juridique français selon le principe de l’effet direct. Mais rien jusqu’ici ne permet d’écarter un texte tel que l’article 1448 du Code de procédure civile, où l’on peut voir un texte spécial faisant exception aux règles judiciaires générales de mise en œuvre de la protection du consommateur.

15. Le poids du droit communautaire s’accentue lorsque la Cour de cassation (point 8) se réfère à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que la Directive 93/13 assure aux consommateurs, l’article 6 doit être considéré comme une norme équivalente aux règles nationales d’ordre public. C’est une expression de la primauté du droit communautaire. Mais que les règles de protection du consommateur soient d’ordre public n’est pas nécessairement contredit par le mécanisme de l’article 1448, dès lors que dans le cadre du contrôle judiciaire des sentences, la violation de l’ordre public est un cas spécifique d’annulation de la sentence.

2) Les principes de droit communautaire permettant d’écarter l’article 1448 du Code de procédure civile

                        a. La recherche et le choix de moyens efficaces contre les clauses abusives

16. Le considérant n° 9 considère que la Directive (ainsi que son article 7, son quatrième considérant et la jurisprudence de la Cour de justice) impose aux États membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. Par cette acception téléologique et dynamique de la volonté législative, le droit porte attention aux conditions procédurales dans lesquelles peut cesser l’utilisation de telles clauses.

                        b. L'exigence de conditions procédurales appropriées

17. A son considérant n° 10, la Cour de cassation expose qu’au nombre des moyens adéquats et efficaces devant garantir aux consommateurs un droit à un recours effectif doit figurer la possibilité d’introduire un recours ou de former opposition dans des conditions procédurales raisonnables, de sorte que l’exercice de leurs droits ne soit pas soumis à des conditions, notamment de délais ou de frais, qui amenuisent l’exercice des droits garantis par la Directive. La clause compromissoire est ici implicitement mais clairement visée. Même si l’arbitrage n’est pas nécessairement au désavantage du consommateur du point de vue des délais et des coûts, admettons qu’il peut l’être.

                        c. La subsidiarité de l’autonomie procédurale des États membres

18. Poursuivant le raisonnement, le point 11 de l’arrêt considère en substance que le consommateur ne trouve pas dans le Code de procédure civile un accès assez direct à son juge « naturel », qu’il convient de le lui accorder, et que le droit communautaire permet d’obtenir ce résultat. Certes la Cour de cassation, se référant à la jurisprudence de la Cour de justice, rappelle qu’en l’absence de réglementation communautaire en la matière, les modalités procédurales visant à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire relèvent de l’ordre juridique interne de chaque Etat membre en vertu principe de l’autonomie procédurale des États membres. Mais l’arrêt ajoute que c’est à la condition toutefois que ces modalités procédurales « ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) ».

19. Il est dès lors décidé (point 13) que la règle de priorité procédurale édictée par l’article 1448 « ne peut avoir pour effet de rendre impossible ou excessivement difficile, les droits conférés au consommateur par le droit communautaire que les juridictions nationales ont l’obligation de sauvegarder ». En conséquence, le principe posé par le texte est écarté, ce qui est considéré comme nécessaire (point 14) à la pleine efficacité du droit communautaire de protection du consommateur.

 II. Le contrôle de la clause compromissoire au regard des paramètres de la clause abusive

A. Principes

20. Sur le fond, la validité, l’efficacité ou l’application de la clause compromissoire en présence (pour ne pas dire à l’encontre, ni aux dépens) d’un consommateur a depuis longtemps retenu l’attention et nourri les préoccupations des juristes intéressés par l’arbitrage. C’est bien une clause compromissoire entre un professionnel et un consommateur, en l’occurrence un assureur et son assuré, qui avait conduit la Cour de cassation [4]  à poser le principe de la nullité d’une telle clause (en général) pour plusieurs décennies, et plus récemment, la conception trop restrictive du rôle de l’ordre public dans le contrôle judiciaire des sentences n’est pas de nature à rassurer, a priori, sur l’efficacité de l’ordre public de protection du consommateur dans le contexte arbitral. C’est sans doute dommage, mais c’est ainsi.

21. Désormais, la validité de la clause compromissoire relève du régime des clauses abusives. A cet égard, l’article L. 212-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3278K9B) dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Le texte ajoute (alinéa 2), ce qui est parfois négligé et ce qui a son importance, que le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Dans le cadre ainsi défini, l’article L. 212-1 alinéa 4 du Code de la consommation précise d’un décret détermine une liste de clause présumées abusives.

22. L’article R. 212-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L0546K94) définit cette liste « grise » pour lesquelles la loi pose une présomption simple de caractère abusif, à laquelle le professionnel peut apporter la preuve contraire, appréciée par le juge. Il vise les clauses ayant pour objet ou pour effet de « (….) 10° supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges ».

23. Voilà pourquoi, en son point 10, l’arrêt dispose que la cour d’appel a pu estimer, sans inverser la charge de la preuve, que la société PWC ne démontre pas que la clause a fait l’objet d’une négociation individuelle. Comme pour toute clause de la zone grise, la charge de la preuve incombe au professionnel, et l’objet de cette preuve est que la clause, compte tenu des circonstances, n’est pas abusive. L’arrêt apporte ici une contribution significative au régime de la clause abusive dans le domaine des clauses compromissoire : est abusive celle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle. Telle est la rédaction du motif décisoire.

B. Applications pratiques

24. Quelles conséquences pratiques peut-on identifier de la décision commentée ? On devra distinguer entre différents degrés de prévisibilité. Ce qui est certain, c’est le caractère abusif d’une clause compromissoire impliquant un consommateur dès lors qu’il est établi qu’elle n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle. Ce principe est clairement énoncé dans l’arrêt. Comment caractériser ou apprécier l’existence ou l’absence d’une négociation individuelle ? Ce sera par l’exercice du pouvoir souverain des juges du fond. Pour cantonner l’incertitude, on pourra recourir au guide d’interprétation que fournit l’article L. 212-1 du Code de la consommation, et notamment ceci : « le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion ».

25. Ce sont ainsi toutes les circonstances qui entourent la conclusion de la clause qui dessinent un profil de la clause. Il est parfaitement cohérent, à cet égard, que la Cour de cassation ait pris soin de noter en quoi la cour d’appel avait identifié de telles circonstances. En particulier, le fait que le projet de clause compromissoire ne figurât que dans la dernière version de l’offre de services a pu jouer un rôle important.

26. Le fait que la clause soit pré-rédigée ou soit tirée de conditions générales pourrait cependant ne pas suffire, en soi, à en faire une clause abusive, dès lors que les parties ont pu en prendre connaissance en temps utile, ou mieux encore, qu’elles ont pu échanger à son propos avant son adoption dans le champ contractuel. Telle serait du moins une bonne précaution à prendre dans l’intérêt des deux parties, celui du consommateur d’éclairer son consentement, celui du professionnel de voir sécuriser la clause.

27. Par « négociation individuelle », faut-il entendre une discussion assez avancée pour qu’elle ait entraîné une modification du projet de clause ? La notion de « négociation » implique-t-elle ici une modification concertée de la clause, un ajustement partagé de sa rédaction ? A notre avis, ce serait inutile et dangereux. Dangereux, dans la mesure où les rédacteurs de clauses de compétence savent bien qu’elles mettent en œuvre un « système » de règlement dont la moindre rectification peut le cas échéant en rompre l’équilibre, la prévisibilité ou la stabilité. Inutile, car il faudrait imaginer que chacune des parties est en mesure de maîtriser de tels dangers, ce qui n’est pas raisonnable.

28. Corrélativement, on voit mal comment le professionnel pourrait organiser son offre de clauses, dès qu’il lui faudrait nécessairement acter une modification concertée, et en conséquence l’anticiper. La négociation individuelle n’implique donc pas une modification de la clause. Mais cela ne l’interdit pas. En résumé, on n’exclut pas que dans le cadre d’une telle « négociation individuelle » certaines modifications puissent être adoptées. Simplement cela n’est pas nécessaire pour qu’il y ait négociation individuelle.

29. Pour le surplus, il est délicat de déterminer si les autres motifs de la décision d’appel sont accessoires à cette exigence de négociation individuelle, ou bien au contraire si chacun d’eux peut constituer, en soi, un motif autonome et pertinent de qualification de clause abusive. Voici ces trois motifs :

  • les documents (courriels) antérieurs à la conclusion du contrat ne font pas état d’une clause arbitrale ;
  • la clause reprend les termes de conditions générales rédigées en langue espagnole, ce qui conforte le caractère standardisé de la clause ;
  • résidant en France, ne maîtrisant pas l’espagnol et désireuse de bénéficier en Espagne de conseils éclairés sur une succession complexe et litigieuse, le consommateur n’était pas en mesure de négocier dans un rapport équilibré les termes d’une clause compromissoire pré-rédigée par la société contractante. La pratique aura bien entendu grand intérêt à être utilement renseignée sur le rôle opérationnel de chacun de ces critères.

30. La lettre de l’arrêt enseigne que l’absence de négociation individuelle suffit à justifier la qualification de clause abusive et chacun de ces trois autres paramètres participe à l’absence de négociation individuelle. Mais l’arrêt ne dit pas si, et dans quelle mesure, l’insuffisance de la période de réflexion préalable, une clause type standardisée ou l’absence de conseils suffisamment éclairés eu égard au contexte, contribuent en l’espèce à caractériser l’absence de négociation individuelle.

31. Comment envisager l’interprétation ? A notre avis, c’est le concours des circonstances qui pourrait rester le paramètre central, voire fondamental, si ce n’est exclusif. Une fois de plus, le guide que fournit l’article L. 212-1 du Code de la consommation sera des plus précieux.

32. Ce qui ne veut pas dire qu’il faudra nécessairement réunir plusieurs de telles circonstances. Si une seule d’entre elles est de nature, par sa gravité, à écarter l’hypothèse que le consentement du consommateur a bien été éclairé et réel, si elle révèle que le consentement à la clause a raisonnablement pu être surpris, elle suffira à entraîner la qualification de clause abusive.

33. Si ce sont les conventions « légalement formées » qui ont force de loi entre les parties, ou si on lie les hommes par la parole (Loysel), c’est parce que, et à la condition que la formation du contrat ou cette parole soient librement conçues et exprimées. En définitive, il s’agit de la meilleure acception de certains principes de la tradition juridique.


[1] Paris, 14 novembre 1991, Rev.arb. 1994,545, obs. Ph Fouchard

[2] J.-B. Racine, Droit de l’arbitrage, P.U.F. 2016, n° 370, p.274.

[3] Op.cit..

[4] Arrêt Prunier, Cass. civ., 10 juillet 1843, reproduit Rev.arb.1992,399

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Construction

[Brèves] De la validité et de la portée de la clause de déclaration de chaque chantier par l’architecte

Réf. : Cass. civ. 3, 1er octobre 2020, n° 19-18.165, FS-P+B+I (N° Lexbase : A70533W7)

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N4913BYM

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 14 Octobre 2020

La clause de la police qui subordonne l’assurance à la déclaration de chaque chantier est valide et doit recevoir application ; cette clause constitue une condition de garantie ;

commet une faute de nature à engager sa responsabilité civile l’assureur qui délivre une attestation d’assurance avant que la déclaration de chantier qui conditionne la garantie n’ait été effectuée.

Cette brève est à rapprocher de celle relative à l’arrêt rendu le même jour par la troisième chambre civile de la Cour de cassation sous le n° 18-20.809 (Cass. civ. 3, 1er octobre 2020, n° 18-20.809, FS-P+B+I N° Lexbase : A68673WA, lire notre brève, La sanction de l’absence de déclaration d’un chantier par l’architecte à son assureur : bis repetita N° Lexbase : N4909BYH).

Il est, comme souvent, intéressant de rapporter les faits de l’espèce, emblématiques des difficultés et des conséquences, assez lourdes, du défaut de déclaration de chantier par l’architecte à son assureur. Des maîtres d’ouvrage, particuliers, confient la rénovation et l’agrandissement de leur maison à une entreprise, depuis liquidée, sous la maîtrise d’œuvre d’un architecte. Des désordres apparaissent en cours de chantier. L’assurance concernée est donc l’assurance facultative.

Les juges d’appel ont rejeté l’appel en garantie formé par les maîtres d’ouvrage à l’encontre de l’assureur RC de l’architecte.

Un pourvoi est formé, aux termes duquel est revendiquée l’application de la règle proportionnelle de prime de l’article L. 113-9 (N° Lexbase : L0065AAN) et non l’absence de garantie, mais la Haute juridiction le rejette par une motivation particulièrement claire et pédagogue, comme elle en a maintenant l’habitude avec la nouvelle technique de rédaction des arrêts appliquée depuis plusieurs mois.

D’abord, la Cour de cassation rappelle le principe de validité de ces clauses. Il s’agit là de la confirmation d’un principe depuis longtemps établi, notamment dans le domaine de l’assurance facultative (pour exemple, pour une police RCP d’un architecte Cass. civ. 3, 6 décembre 2018, n° 17-25.957, F-D N° Lexbase : A7901YPC).

Ensuite, elle rappelle que cette clause est opposable à la victime. Le droit de la victime puise sa source dans le contrat d’assurance, les stipulations de la police lui sont opposables. Rien de neuf là encore, même si cela pose l’épineuse question de savoir comment la victime peut-elle être informée de ces conditions de garantie… Gare aux conséquences désastreuses en cas de sinistre !

Elle indique, a fortiori, que l’architecte n’étant assuré pour chaque chantier qu’après sa déclaration dudit chantier à l’assureur, l’assureur, sauf à commettre une faute, ne peut délivrer une attestation d’assurance. Autrement dit, l’attestation d’assurance ne peut être que consécutive à la déclaration du chantier. Autrement dit encore, faute de déclaration de chantier, il ne peut y avoir d’attestation d’assurance, ce qui vient encore complexifier – même si la solution doit être approuvée – la possibilité pour les tiers d’en être informés.

Enfin, la Haute juridiction maintient bien que cette clause de déclaration préalable d’un chantier constitue bien une condition de garantie, dont la sanction est la non-assurance et non l’application de la règle proportionnelle de prime.

La clause imposant une déclaration annuelle et nominative des missions exécutées et de leurs montants peut ainsi constituer, selon les termes de la police, une condition d’application du contrat d’assurance, sanctionné par la non-assurance.

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Covid-19

[Le point sur...] La garantie pertes d’exploitation des restaurateurs en temps de Covid-19 : tour de table des premières décisions !

Lecture: 12 min

N4918BYS

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par Valérie Morales, Avocat au barreau de Paris, Marvell Avocats

Le 15 Octobre 2020

 


Mots clés : assurance • pertes d'exploitation • confinement • restaurant • fermeture administrative • clause d'exclusion de garantie


 

Les années 2019 et 2020 resteront dans les annales comme deux années noires pour tous les commerçants français. Après la crise des gilets jaunes et les grèves liées à la réforme des retraites, la crise sanitaire liée au Covid-19 est venue s’abattre de plein fouet sur tous les secteurs économiques.

Au premier rang des victimes, figurent les restaurateurs et cafetiers qui ont été contraints de fermer leurs établissements au public dès le 15 mars 2020 à minuit en vertu d’un arrêté du ministère de la Santé du 14 mars 2020. La perte soudaine de chiffre d’affaires qui a perduré jusqu’au déconfinement, voire jusqu’au milieu du mois de juin 2020 avec une réouverture partielle dans certaines régions, a entraîné de graves difficultés financières pour les commerçants. C’est dans ce contexte qu’un certain nombre de restaurateurs s’est tourné vers les assureurs et a fait jouer les garanties pertes d’exploitation figurant dans leur contrat d’assurance.

Certains assureurs ayant opposé un refus de couverture au motif que le risque pandémique était inassurable ou que certaines clauses excluaient le risque, les commerçants ont dû se résoudre à aller en justice. Avec plus ou moins de bonheur selon les clauses des contrats, leur choix procédural et l’interprétation faite par les juges saisis.

L’occasion pour nous de décrypter les décisions rendues.

L’affaire « Maison Rostang ». La première affaire a été amplement médiatisée. Elle concernait un contrat souscrit auprès d’AXA (Conditions particulières et Intercalaire SATEC « Conventions Spéciales Restaurant »). Le propriétaire de « Maison Rostang » a obtenu du juge des référés du tribunal de commerce de Paris une provision de deux mois et demi de pertes calculées sur la marge brute et la désignation d’un expert financier (T. com. Paris, 22 mai 2020, référé, n° 2020017022 N° Lexbase : A02603ML). Le juge des référés a considéré qu’aucune disposition légale d’ordre public ou du contrat ne prévoyait le caractère inassurable du risque pandémique. Il a retenu que, selon les termes de ce contrat, la garantie « fermeture administrative » pouvait bien être activée sans nécessiter la preuve d’un autre sinistre préalable (incendie, intoxication…). Enfin, l’interdiction d’accueillir du public édictée par l’arrêté ministériel correspondait bien à une fermeture administrative pour un restaurant traditionnel.

Epilogue : la négociation de masse. AXA ayant interjeté appel, les parties se sont finalement rapprochées. Mais il aura fallu cette victoire judiciaire fortement médiatisée par ce restaurateur et sa pugnacité face à un géant de l’assurance pour ouvrir la voie à une négociation d’envergure proposée par AXA à l’été 2020 à tous ses assurés signataires d’un contrat identique. Une invitation à la transaction qui a permis à AXA d’éviter un raz-de-marée de condamnations et surtout de maîtriser les coûts liés à ce risque. Car pour pouvoir bénéficier immédiatement d’une indemnisation forfaitisée à quelques mois de chiffre d’affaires, les assurés qui ont accepté de transiger avec AXA, ont dû aussi prendre, au titre des concessions réciproques, l’engagement de ne plus mobiliser leur garantie sur l’année 2020 en cas de deuxième vague de l’épidémie.

Les clauses d’exclusion au cœur des débats. En suite de cette affaire, AXA a encore défrayé longuement la chronique judiciaire pour son refus d’indemniser les assurés. Dans ces affaires, il s’agissait cette fois d’un contrat d’assurance multirisque professionnel, prévoyant la garantie des pertes d’exploitation liées à une fermeture administrative à deux conditions : d’abord, la fermeture devait être prise par une autorité administrative compétente et extérieure à l’assuré, et ensuite, la décision de fermeture devait être « la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication ».

A première vue, les restaurateurs pensaient remplir ces deux conditions et avoir droit à la garantie sauf qu’AXA faisait valoir une clause d’exclusion figurant au contrat, selon laquelle : sont exclues les pertes d’exploitation lorsque, « à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique ».

La question qui se posait alors était celle de savoir si cette exclusion était valide au sens du droit des assurances, et en particulier, de l’article L.113-1 du Code des assurances selon lequel « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». Toute clause d’exclusion d’une police d’assurance doit être formelle, ce qui signifie qu’elle doit être rédigée en caractères très apparents. Elle doit se référer à des faits, circonstances ou obligations définis avec précision (Cass. civ. 1, 13 novembre 2002, n° 99-15.808 N° Lexbase : A7272A3Q). Si la clause d’exclusion doit être interprétée, la Cour de cassation juge habituellement que la clause ne peut alors être qualifiée de formelle et limitée (Cass. civ.1, 22 mai 2001, n° 99-10.849, publié au bulletin N° Lexbase : A5004ATI ; Cass. civ. 2, 8 octobre 2009, n° 08-19.646, F-P+B N° Lexbase : A8810ELU ; Cass. civ. 2, 12 avril 2012, n° 10-20.831, FS-D N° Lexbase : A5864IIZ).

La position des restaurateurs. Or en l’espèce, les restaurateurs soutenaient d’une part, que les critères énoncés étaient imprécis et non limitatifs, la notion « d’établissement » n’étant pas définie au contrat. D’autre part, que la clause était sujette à interprétation vidant la garantie de toute sa substance. Or dans de telles situations, la Cour de cassation considère ces clauses d’exclusion comme invalides (Cass. civ. 2, 20 mars 2008, n° 06-11.763, F-D N° Lexbase : A5824EAX ; Cass. civ. 2, 9 février 2012, n° 10-31.057, FS-P+B N° Lexbase : A3500ICM).

Ils faisaient ainsi valoir qu’une épidémie est, par définition, « l’apparition et la propagation d’une maladie contagieuse qui atteint en même temps, dans une région donnée, un grand nombre d’individus ». Aussi, le risque d’épidémie concernant, par nature, une région donnée et un grand nombre d’individus, l’assureur ne pouvait d’un côté, s’engager à garantir les pertes d’exploitation résultant d’une décision de fermeture à la suite d’une épidémie et de l’autre, exclure les cas où l’épidémie toucherait un autre établissement dans le même département, quelle que soit son activité. Cette exclusion aboutissait finalement, selon eux, à priver la garantie de toute substance.

La position des juges des référés. Face à l’opposition d’Axa, certains restaurateurs ont alors saisi le juge des référés sur le fondement de l’article 873, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0850H4A) : ils ont sollicité une provision et fait valoir le caractère non contestable de l’obligation de l’assureur, au motif que cette exclusion devait être réputée non écrite au sens de l’article 1170 du Code civil (N° Lexbase : L0876KZH). Le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille a accueilli ces moyens et a écarté la clause au visa de l’article L.113-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH), estimant qu’elle n’était ni formelle ni limitée et qu’elle vidait la garantie de sa substance. Il a dans le même temps octroyé au demandeur une provision (T. com. Marseille, 23 juillet 2020, n° 2020R00131 N° Lexbase : A16313S9).  

Mais la plupart des juges des référés qui ont été saisis de cette clause d’exclusion ont renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant le juge du fond, seul compétent pour interpréter un contrat. Certains juges n’ont pas fait usage de la « passerelle » vers le juge du fond, considérant que les conditions de l’article 873-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0852H4C) n’étaient pas réunies. Le demandeur s’est alors vu contraint de saisir à nouveau le juge du fond par une nouvelle assignation tout en voyant sa demande d’expertise acceptée, mais à ses frais avancés (T. com. Bordeaux, référé, 23 juin 2020, n° 2020R00408 N° Lexbase : A95143P3).

Dans les autres affaires, les juges des référés ont fait usage de cette passerelle vers le juge du fond et renvoyé les parties à une audience devant le juge du fond pour lui soumettre la validité de cette clause d’exclusion (T. com. Annecy, référé, 28 juillet 2020, n° 2020R00033 N° Lexbase : A57713SK ; T. com. Besançon, référé, 16 septembre 2020, trois ordonnances, n° 2020002329 N° Lexbase : A93963T8, n° 2020002330 N° Lexbase : A94093TN et n° 2020002331 N° Lexbase : A93843TQ).

Les jugements rendus au fond. Dans un tel contexte, d’autres justiciables ont décidé de saisir directement le juge du fond, dans le cadre de procédures à bref délai pour leur soumettre la fameuse clause d’exclusion. Les deux premiers jugements rendus sur le sujet l’ont été en faveur d’AXA. Le tribunal de commerce de Toulouse a ainsi rappelé qu’une épidémie pouvait ne concerner qu’un seul établissement, fermé pour cause de gastro-entérite, de légionellose ou de listériose. Il a jugé que la garantie pertes d’exploitation en raison de la fermeture administrative du seul établissement de l’assuré pour épidémie est un évènement probable qui rentre bien dans la couverture d’un risque aléatoire et permet à l’assuré de mobiliser sa garantie. La clause d’exclusion ne prive donc pas la garantie de sa substance mais la limite seulement. Pour les juges toulousains, la formulation est claire et ne prête pas à confusion ou ambiguïté, et le juge a donc écarté l’application de l’article 1190 du Code civil (N° Lexbase : L0903KZH) (T. com. Toulouse, 18 août 2020, n° 2020J00294 N° Lexbase : A15843SH).

Le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a jugé, quant à lui, que l’utilisation de caractères majuscules dans le texte du contrat rendait la clause parfaitement visible et que les termes employés étaient compréhensibles pour l’assuré. Il a écarté la nullité de la clause d’exclusion estimant, lui aussi, qu’elle venait simplement limiter et non pas supprimer la garantie du risque en rappelant qu’un « contrat d’assurance n’a pas vocation à garantir tous les risques ». La garantie d’AXA s’appliquait donc à une épidémie interne au restaurant et non pas à une épidémie nationale ou départementale comme le Covid-19 (T. com. Bourg-en-Bresse, 24 août 2020, n° 2020003659 N° Lexbase : A44663S9).

Le même jour, le tribunal de commerce de Tarascon rendait une décision contraire. Il jugeait que le contrat ne définissant pas le terme « épidémie », il doit donc être soumis à interprétation, ce qui exclut donc le caractère formel de l’exclusion. Ce tribunal a retenu que le cas d’épidémie prévu au contrat établi par Axa elle-même et auquel l’assuré n’a eu que le choix d’adhérer, impliquait un nombre significatif de cas d’une maladie infectieuse en un lieu donné et pendant une période donnée et un risque de propagation. Il a considéré que cette clause devait être réputée non écrite au visa de l’article 1170 du Code civil (N° Lexbase : L0876KZH) (T. com. Tarascon, 24 août 2020, n° 2020001786 N° Lexbase : A16273S3).

Dans ce contexte, la position du tribunal de commerce de Paris était évidemment très attendue. Elle ne s’est pas fait attendre longtemps et le tribunal a statué en faveur des restaurateurs dans cinq jugements rendus le 17 septembre 2020 (T. com. Paris, 17 septembre 2020, cinq jugements, n° 2020022823 N° Lexbase : A20793UK, n° 2020022825 N° Lexbase : A20803UL, n° 2020022816 N° Lexbase : A20813UM, n° 2020022819 N° Lexbase : A20823UN, n° 2020022826 N° Lexbase : A20833UP). Il a d’abord retenu que la clause était bien apparente au sens de l’article L.112-4 du Code des assurances (N° Lexbase : L0055AAB). Néanmoins, il a rappelé que la police d’assurance était un contrat d’adhésion, rédigé par l’assureur, seul responsable de la formulation et des garanties offertes. Dans ces circonstances, l’assureur avait clairement choisi d’indemniser la perte d’exploitation liée à la fermeture administrative en cas d’épidémie « dont il très improbable par définition qu’elle ne puisse concerner qu’un seul établissement sur un même territoire ». Ainsi, la clause d’exclusion qui ne distingue pas l’épidémie des autres cas sanitaires pour lesquels la garantie est offerte (maladie contagieuse, intoxication) rend la garantie inopérante dans ce cas. La clause vide donc la garantie de sa substance et ne remplit pas la condition de limitation prévue à l’article L.113-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH).

Dans ces conditions, le tribunal de commerce de Paris a écarté la clause d’exclusion et ordonné une expertise pour chiffrer les pertes d’exploitation, en mettant au surplus les frais de l’expert à la charge d’Axa.

Ces cinq jugements sont sans doute les premiers d’une longue série à venir, le tribunal de commerce de Paris étant actuellement saisi de multiples demandes de restaurateurs au sujet de cette clause. Reste à savoir si Axa interjettera appel pour contester la position des juges parisiens ou si elle décidera comme elle l’a fait pour la première affaire médiatisée sur la place publique en mai 2020, de négocier avec ses assurés pour maîtriser son coût financier global.

newsid:474918

Licenciement

[Jurisprudence] Salariés : attention à ce que vous publiez sur Facebook !

Réf. : Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.058, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A41383W8)

Lecture: 18 min

N4864BYS

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Social

Le 14 Octobre 2020

 


Mots clef : vie privée • droit à la preuve • licenciement • Facebook

Il résulte des articles 6 (N° Lexbase : L7558AIR) et 8 (N° Lexbase : L4798AQR) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) et 9 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1123H4D), que le droit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments extraits du compte privé Facebook d’un salarié portant atteinte à sa vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.


L’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 30 septembre 2020, et promis à la plus large publicité, sonne comme un avertissement sans frais pour tous les salariés qui s’exposent sur les réseaux sociaux et qui pouvaient croire bénéficier d’une sorte d’impunité vis-à-vis de leur employeur. Pour la première fois, en effet, la Haute juridiction vient affirmer qu’un employeur est en droit de produire des photos qui lui ont été communiquées par un « ami » du salarié pour licencier ce dernier qui avait publié en avant-première, et sans autorisation, des clichés de la nouvelle collection des produits qu’il vendait. La solution est inédite (II.) même si elle s’inscrit dans un cadre juridique qui la rendait prévisible (I.).

I. La conciliation du droit au respect de la vie privée et de la défense des intérêts légitime de l’entreprise

Contexte global. L’articulation entre vie professionnelle et vie privée des salariés fait difficulté depuis de très nombreuses années en jurisprudence. Le principe d’une séparation étanche entre les deux sphères, nécessaire pour assurer la préservation du droit au respect de la vie privée des salariés, ne peut en effet conférer à ces derniers une impunité totale lorsque, par leurs comportements « privés », ils portent atteinte aux intérêts de leur employeur, les intérêts de ce dernier étant aussi légitimes que les leurs. La Cour de cassation a ainsi développé toute une série de solutions permettant de protéger les entreprises, soit en dehors du droit disciplinaire en justifiant des licenciements fondés sur l’observation de fautes commises en dehors de la sphère professionnelle mais perturbant le bon fonctionnement de l’entreprise [1], soit dans le cadre du droit disciplinaire (et autorisant donc des licenciements pour faute grave) en présence de faits se rattachant à la vie de l’entreprise ou à la vie professionnelle du salarié [2], ou portant atteinte à l’obligation de loyauté [3].

Recevabilité de la preuve. La Cour de cassation veille, en toutes matières, au principe de loyauté dans l’obtention des preuves, interdisant l’emploi de « stratagèmes » pour accéder à des informations [4]. S’agissant de l’accès notamment à des correspondances privées pour établir l’existence de fautes commises par le salarié, la jurisprudence a été fixée après l’arrêt « Nikon » rendu en 2001 s’agissant des données présentes sur l’ordinateur professionnel du salarié [5]. Dans ces affaires, le droit de produire les éléments litigieux est facilité par la présomption de caractère professionnel des données récoltées, le salarié qui désire invoquer le droit au respect de sa vie privée devant établir qu’il avait cherché à protéger ses données en les identifiant comme « personnelles » [6] en respectant la charte d’entreprise, si elle existe [7].

La prolifération des réseaux sociaux a rendu la question plus délicate encore dans la mesure où les salariés peuvent y créer des comptes privés, en limiter l’accès à certains « amis » (et donc ne pas leur donner de caractère « public » [8]), et créer ainsi des groupes fermés composés des collègues de leur entreprise mais aussi de salariés d’autres entreprises y compris concurrentes de la leur.

S’agissant de Facebook, qui était de nouveau en cause dans cette affaire, la Cour de cassation a eu l’occasion d’indiquer, en 2018, que l’employeur ne pouvait reprocher à une salariée des propos hostiles à des collègues tenus sur son compte personnel dès lors que le nombre de ses amis était limité [9]. Dans cette affaire, le débat avait toutefois porté sur la qualification de faute grave et non sur la recevabilité de la preuve proprement dite, sans par ailleurs que la question ne soit abordée sous l’angle des droits fondamentaux des uns et des autres.

L’employeur qui cherche à sanctionner un salarié en raison de fautes commises dans sa vie privée ne se heurte pas qu’à des obstacles liés aux moyens mis en œuvre pour accéder à l’information ; une fois admise la recevabilité des données, encore faut-il déterminer si leur révélation ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée des salariés [10].

Respect de la vie privée des salariés et réseaux sociaux. Il serait vain de prétendre épuiser ici toutes les potentialités de l’article 9 du Code civil, et de l’article 8 de la Convention EDH, en droit du travail, tant la référence au droit au respect de la vie privée des salariés est ancienne et fréquente. La conciliation entre le respect de la vie privée du salarié et de l’intérêt de l’entreprise a en effet été au cœur de la construction du régime des clauses de mobilité dans les années 1990, singulièrement lorsque l’employeur prétendait imposer aux salariés un changement de domicile [11], puis dans les années 2000, lorsque le droit au respect de la vie privée et familiale a été brandi par les salariés pour paralyser la mise en œuvre des clauses de mobilité, obligeant les juges à une pesée des intérêts en présence [12].

Les contentieux liés à des écrits ou des photos publiés sur les réseaux sociaux en général, et sur Facebook en particulier, ont été assez nombreux ces dernières années et permettent d’y voir un peu plus clair sur l’étendue, et les limites, de la protection que le principe du droit au respect de la vie privée confère au salarié [13].

Le caractère « privé » des propos tenus sur Facebook a été discuté, mettant en cause d’ailleurs l’applicabilité même du droit au respect de la vie privée. La jurisprudence l’a admis, dans le cadre de poursuite pour injures, dès lors que les groupes d’amis sont « fermés », en « nombre restreint » et que les personnes qui peuvent avoir accès au contenu des messages « compte tenu du mode de sélection, par affinités amicales ou sociales, forment une communauté d'intérêts » [14]. Cette analyse se retrouve dans le premier arrêt « Facebook » rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation en 2018, lorsqu’elle a considéré que constituait une « une conversation de nature privée » des messages réservés à un petit groupe d’amis [15]. Dans cette affaire, toutefois, le droit au respect de la vie privée du salarié n’avait pas été invoqué formellement, le débat portant sur la qualification de « faute grave », sans autre précision.

Ce nouvel arrêt qui concerne de nouveau la publication de données portant sur le travail du salarié dans le cadre de Facebook vient donc compléter la précédente décision de 2018, dans un sens nettement plus favorable à l’entreprise cette fois-ci.

II. Le droit conditionnel d’utiliser les données issues de la page personnelle du salarié

L’affaire. L’affaire mettait en cause une salariée occupant, au moment de son licenciement (ancienneté de 4 ans), les fonctions de « Export Area Manager » (statut cadre) au sein de la société Petit Bateau. L’intéressée avait été licenciée pour faute grave en avril 2014, son employeur lui reprochant un manquement à l'obligation de confidentialité pour avoir diffusé sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015 qui n’avait été présentée qu’aux commerciaux de l’entreprise et qui n’était pas censée être, à ce stade, rendue publique.

Elle avait contesté ce licenciement devant le conseil de prud’hommes de Paris qui avait écarté la qualification de faute grave tout en considérant la sanction comme justifiée.

En appel [16], le débat avait fait apparaître que ces photos avaient pu être vues par les « amis » de la salariée dont certains appartenaient à des entreprises concurrentes, ce qui, selon l’entreprise, démontrait que ce compte Facebook « privé » dépassait en réalité cette seule sphère pour présenter également un caractère « professionnel ». Il apparaissait également que l’employeur avait interdit à plusieurs reprises la diffusion sur les réseaux sociaux d’informations concernant l’entreprise et qu’il avait été informé de ces publications par des « amis » qui s’étaient inquiétés que des informations confidentielles concernant la nouvelle collection se retrouvent ainsi rendues publiques sur Facebook. La cour d’appel de Paris avait, pour sa part, retenu la qualification de faute grave et considéré que le licenciement intervenu pour ce motif était parfaitement justifié.

Dans son pourvoi en cassation, la salariée faisait valoir que l’employeur ne pouvait avoir accès aux informations du compte privé de la salariée qu’avec son accord, ce qui constituait une atteinte à sa vie privée.

La solution. Telle n’est pas l’opinion de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi au prix d’un raisonnement conforme à la fois aux solutions admises par la Cour de Strasbourg, et relayées depuis quelques années par sa propre jurisprudence.

L’influence manifeste de la CEDH. La première observation qui s’impose ici tient à la manière de déterminer si, et dans quelle mesure, l’atteinte à la vie privée du salarié pouvait être admise. En s’attachant tout d’abord à démontrer si l’atteinte au droit était caractérisée, puis en s’intéressant aux motifs et à la proportionnalité de la mesure, la Cour de cassation emprunte aux méthodes de raisonnement de la Cour EDH, ce qui est pleinement corroboré par le visa de l’article 8 de la convention EDH dont on sait qu’il est le siège européen du droit au respect de la vie privée. Dans l’affaire « Barbulescu c/ Roumanie » rendue en 2016, la Cour EDH avait rappelé que les juges nationaux doivent procéder à la pesée des intérêts de manière concrète, et non théorique, en tenant compte de la situation spécifique des parties, avant de condamner la Roumanie dans la mesure où « rien, dans la présente affaire, n'indique que les autorités internes aient manqué à ménager un juste équilibre, dans le cadre de leur marge d'appréciation, entre le droit du requérant au respect de sa vie privée protégé par l'article 8 et les intérêts de l'employeur » [17]. On se rappellera ainsi que, dans l’affaire « Libert c/ France » de 2018 [18], la protection des données présentes dans l’ordinateur professionnel du salarié avait été assurée via l’article 8 de la Convention (en l’espèce, l’accès à des fichiers « n'ayant pas été dûment identifiés comme étant privés » n’a pas violé la Convention). La Cour EDH a d’ailleurs été régulièrement saisie d’affaires mettant en jeu la liberté d’expression sur Facebook [19], mais aucune au regard de l’article 8 de la convention EDH et du droit au respect de la vie privée et familiale des salariés.

La continuité dans la jurisprudence sociale. Même si la méthodologie mise en œuvre dans cette décision semble prima facie inédite, s’agissant de l’affirmation du droit de l’employeur de porter atteinte au droit au respect de la vie privée de l’un de ses salariés pour assurer la défense de ses intérêts via le droit à la preuve, le raisonnement mis en œuvre dans cette affaire en trois étapes ne fait qu’opérer une mise en ordre de solutions déjà admises en jurisprudence depuis de longues années.

L’absence de stratagèmes. La Cour s’intéresse, tout d’abord, à la recevabilité de la preuve. Selon la Haute juridiction, en effet, « si en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, l’employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve », l’employeur peut valablement produire des éléments qui lui ont été communiqués « spontanément […] par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook » d’un autre salarié, ce qui ne constitue pas un « procédé d’obtention de preuve […] déloyal ».

La référence est, comme cela a été rappelé, conforme aux principes généraux du droit de la preuve qui proscrivent les manœuvres déloyales destinées à se procurer des preuves auxquelles on ne devrait pas avoir normalement accès. Dans cette affaire, c’est semble-t-il un salarié de l’entreprise, ami sur Facebook, qui avait pris l’initiative de « dénoncer » sa collègue. On peut imaginer que d’autres scénarios sont possibles qui pourront éventuellement être discutés par le salarié ainsi dénoncé, notamment lorsque c’est l’employeur qui a fait pression sur un « ami » pour qu’il livre des informations privées, voire qui aura usurpé l’identité d’un salarié pour accéder directement aux informations. La référence aux stratagèmes, qui n’étaient pas discutés ici, pourrait donc dans l’avenir alimenter d’intéressantes discussions pour contrer des stratégies d’accès aux comptes privés des salariés.

L’atteinte à la vie privée des salariés. La Cour de cassation s’intéresse ensuite à l’atteinte que pourrait représenter les éléments produits au droit au respect de la vie privée du salarié. En premier lieu, la Cour observe qu’il y a bien eu, en l’espèce, atteinte au droit au respect de la vie privée de la salarié, au sens des articles 8 de la Convention EDH et 9 du Code civil : « la production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte privé Facebook de la salariée, auquel il n’était pas autorisé à accéder, et d’éléments d’identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de la salariée ».

La Cour de cassation a admis depuis longtemps que le salarié conserve le droit de voir sa vie privée respectée sur son lieu de travail, le fait qu’il exécute son contrat de travail ne le privant pas de ce droit. Dans cette affaire, la question ne se posait de toute façon pas puisque les informations sur la base desquelles la salariée avait été licenciée, avaient été directement tirée de son compte privé Facebook, ce qui entrait d’évidence dans le champ des articles 8 de la Convention EDH et 9 du Code civil.

L’employeur porte évidemment atteinte à la vie privée du salarié en ayant accès à des informations publiées sur les réseaux sociaux, même si, par leur objet, les données récoltées concernent directement la vie de l’entreprise. Ce dernier élément aurait d’ailleurs pu faire douter de la conclusion dans la mesure où les informations publiées concernaient directement et exclusivement la vie de l’entreprise, et non des faits relevant de la vie privée du salarié. Mais dans la mesure où ces informations étaient publiées sur la page personnelle du salarié, ils avaient, dans une certaine mesure, une nature mixte, justifiant certainement, pour protéger le salarié, le rattachement à la « vie privée ».

Cette affirmation règle donc, on peut l’espérer, définitivement la question du rattachement des comptes Facebook à la vie privée des salariés et clôt le débat autour du seuil à partir duquel un compte pourrait perdre son caractère « privé » en raison de la présence d’un grand nombre « d’amis », surtout s’ils sont pour la plupart issus de la sphère professionnelle. Le nombre et la qualité de ces amis ne devrait donc plus entrer en ligne de compte, seule comptant la nature « privée » du compte admise pour tous ceux qui refusent un accès public à leurs informations et restreignent l’accès aux seuls amis autorisés.

La justification de l’atteinte par la référence rare au « droit à la preuve ». La Cour de cassation considère que cette atteinte était justifiée par un but légitime et qu’elle était ici « indispensable à l’exercice » du « droit à la preuve » résultant de l’article 6 de la Convention EDH.

Cette justification est particulièrement intéressante.

Jusqu’à une époque pas si lointaine, la justification des atteintes aux droits des salariés semblait être à rechercher du côté de la notion floue d’intérêt de l’entreprise. Le principe d’une conciliation entre le respect de la vie privée et « l’intérêt de l’entreprise » est nécessaire, et au cœur du Code du travail, notamment depuis la loi du 31 décembre 1991 qui a inscrit dans le Code du travail l’actuel article L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) aux termes duquel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». On a pu parfois critiquer le caractère flou de la notion d’intérêt de l’entreprise et craindre qu’elle ne masque, en réalité, la volonté de protéger le seul intérêt de l’employeur. Tel n’était pas le cas ici : en diffusant largement des clichés de la nouvelle collection avant que celle-ci ne soit officiellement rendue publique par l’entreprise, dans un groupe « d’amis » comprenant des salariés d’autres entreprises concurrentes de la sienne, la salariée avait en effet pris le risque de laisser le temps à la concurrence d’ajuster sa propre stratégie, voire à des esprits mal intentionnés de copier les modèles dans la perspective de la mise en fabrication précoce de contrefaçons, ce qui aurait été de nature à nuire à la réussite de la nouvelle collection, portant ainsi directement atteinte au retour sur investissement et menaçant ainsi l’entreprise de difficultés économiques, à tout le moins faisant peser sur elle le spectre d’une baisse de compétitivité et d’une menace sur l’emploi.

Dans cette affaire, la Cour de cassation n’a pas souhaité viser l’intérêt de l’entreprise pour ne pas s’engager sur une voie périlleuse, et a préféré viser « le droit à la preuve », qui constitue l’une des composantes du droit à un procès équitable au sens de l’article 6 de la Convention EDH [20]. Ce droit, souvent invoqué par les demandeurs, n’a été que rarement visé par la Chambre sociale de la Cour de cassation depuis son apparition en 2012 au sein de la Haute juridiction [21], pour justifier des atteintes aux droits substantiels des parties. Ainsi, dans une espèce discutant le droit pour un syndicat d’invoquer, dans le cadre d’un différend portant sur la durée du travail, des données obtenues par des délégués du personnel dans l’exercice de leur mandat et portant sur des éléments protégés au titre de la vie privée des salariés [22], la Cour de cassation avait affirmé en 2016, au visa des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L6813BHS) et 9 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1123H4D), que non seulement que « l'article L. 3171-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8718LGY), qui autorise les délégués du personnel à consulter les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, n'interdit pas à un syndicat de produire ces documents en justice », mais aussi que « le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit nécessaire à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi » [23].

La proportionnalité de l’atteinte. Elle était également « proportionnée au but poursuivi » puisque « pour établir un grief de divulgation par la salariée d’une information confidentielle de l’entreprise auprès de professionnels susceptibles de travailler pour des entreprises concurrentes, l’employeur s’était borné à produire la photographie de la future collection de la société publiée par l’intéressée sur son compte Facebook et le profil professionnel de certains de ses « amis » travaillant dans le même secteur d’activité et qu’il n’avait fait procéder à un constat d’huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l’identité du titulaire du compte ». La solution n’était guère ici discutable. L’employeur n’avait pas, dans cette affaire, eu accès et produit l’ensemble des informations présentes sur la page Facebook de la salariée, ce qui évidemment aurait été non pertinent et disproportionné, mais uniquement les éléments en lien avec l’affaire, c’est-à-dire les photos de la présentation du produit.

👉 Conseil pratique : l’employeur à qui sont adressés, sans fraude de sa part, des éléments tirés de la page personnelle Facebook de l’un de ses salariés, peut exploiter ces éléments pour assurer la protection des intérêts de l’entreprise en justice, dès lors qu’il limite la production aux seuls éléments indispensables au litige. 


[1] Le coup d’envoi de cette jurisprudence a été donné en 1991 par l’arrêt « Painsecq » : Cass. soc., 17 avril 1991, n° 90-42.636, publié (N° Lexbase : A3738AAP). Dernièrement, Cass. soc., 1er février 2017, n° 15-22.302, F-D (N° Lexbase : A4231TBC) : « les éléments produits par l'employeur ne permettaient pas de caractériser l'existence d'un trouble objectif au sein de l'association ». Lire notamment Ph. Waquet, Vie privée, vie professionnelle et vie personnelle, Droit social, 2010, p. 14 ; J.-E. Ray, De l'interférence vie personnelle/vie professionnelle, SSL, 2010, n° 1386, p. 12 ; J.-Y. Frouin, Protection de la personne du salarié, intérêt de l'entreprise et construction prétorienne du droit du travail, JCP éd. S, 2010, p. 1087 ; G. Loiseau, Vie personnelle et licenciement disciplinaire, D., 2011, p. 1568 ; P. Adam, La vie personnelle, une forteresse et quelques souterrains, RDT, 2011, p. 116.

[2] Dernièrement, nos obs., Attention : personnel volant !, sous Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-18.317, FS-P+B (N° Lexbase : A11673RN), Lexbase Social, 2020, n° 836 (N° Lexbase : N4503BYG).

[3] Nos obs., Le sportif professionnel doit se soigner loyalement !, sous Cass. soc., 20 février 2019, n° 17-18.912, FS-P+B (N° Lexbase : A8903YYE), Lexbase Social, 2019, n° 775 (N° Lexbase : N7998BXI).

[4] Nos obs., La prohibition des stratagèmes et la loyauté de la preuve dans l'instance prud'homale, sous Cass. soc., 18 mars 2008, n° 06-45.093, FS-P+B (N° Lexbase : A4784D7C), Lexbase Social, 2008, n° 299 (N° Lexbase : N6280BEC) ; Cass. soc., 18 mars 2008, n° 06-40.852, FS-P+B (N° Lexbase : A4765D7M).

[5] Cass. soc. 2 octobre 2001, n° 99-42.942 (N° Lexbase : A1200AWD) : « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; [...] celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; [...] l'employeur ne peut, dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur ». Lire Questions à... Jean-Emmanuel Ray, à propos de l'arrêt « Nikon », Lexbase Social, 2001, n° 1 (N° Lexbase : N1201AAQ) ; D., 2001, p. 3148, note P.Y. Gautier ; RJS, 2001, p. 940, chron. F. Favennec-Héry.

[6] Dernièrement, Cass. soc., 9 septembre 2020, n° 18-20.489, F-D (N° Lexbase : A53873TP) ; Cass. soc., 25 septembre 2019, n° 18-11.009, F-D (N° Lexbase : A0429ZQX) : « l'employeur avait trouvé, sur une imprimante de l'établissement, la confirmation d'une réservation du salarié pour un voyage à l'étranger qui avait été adressée à celui-ci non sur une adresse électronique privée mais sur l'adresse électronique de l'établissement, la cour d'appel, ayant fait ressortir que ce document ne relevait pas de la vie privée du salarié dès lors que le voyage devait s'effectuer durant son temps de travail, a pu décider par ces seuls motifs, sans méconnaître les dispositions de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, que ces faits, compte tenu des responsabilités exercées par l'intéressé auprès de mineurs en difficulté dans un établissement à caractère éducatif, rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et constituaient une faute grave ».

[7] Affaire « Libert » : CEDH, 22 février 2018, Req. 588/13 (N° Lexbase : A1555XEC), nos obs., La CEDH confirme la jurisprudence française sur la consultation des fichiers présents sur l'ordinateur professionnel du salarié, Lexbase Social, 2018, n° 734 (N° Lexbase : N3107BXD).

[8] Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 11-19.530, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9954KBB) : « les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme Z tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n'étaient en l'espèce accessibles qu'aux seules personnes agréées par l'intéressée, en nombre très restreint, la cour d'appel a retenu, par un motif adopté exempt de caractère hypothétique, que celles-ci formaient une communauté d'intérêts ; qu'elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques ».

[9] Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 16-11.690, FS-P+B (N° Lexbase : A7858X4S), nos obs., Du bon usage des réseaux sociaux par le salarié, Lexbase Social, 2018, n° 755 (N° Lexbase : N5627BXP).

[10] Sur ce sujet, T. Morgenroth, La vie privée en droit du travail, Université du Droit et de la Santé - Lille II, 2016.

[11] Cass. soc., 12 janvier 1999, n° 96-40.755 (N° Lexbase : A4618AG7).

[12] Nos obs., Clauses de mobilité : la Cour de cassation se mobilise !, Lexbase Social, 2008, n° 324 (N° Lexbase : N4917BHL). Dernièrement Cass. soc., 22 mars 2018, n° 16-19.156, F-D (N° Lexbase : A7860XHL) : « le déplacement refusé par le salarié, prévenu dans un délai raisonnable et informé régulièrement de la durée prévisible de la mission, était justifié par l'intérêt de l'entreprise et s'inscrivait dans le cadre habituel de son activité de chef de chantier et que ce dernier ne donnait aucun élément sur sa vie privée et familiale ».

[13] Nos obs., Du bon usage des réseaux sociaux par le salarié, Lexbase Social, 2018, n° 755 (N° Lexbase : N5627BXP).

[14] CA Dijon, 27 février 2018, n° 17/00035 (N° Lexbase : A5597XEZ).

[15] Cass. soc., 12 septembre 2018, préc..

[16] CA Paris, Pôle 6, 10ème ch., 12 décembre 2018, n° 17/08095 [(LXB=A1737YQE]).

[17] CEDH, 12 janvier 2016, req. 61496/08, « Barbulescu c/ Roumanie » (N° Lexbase : A6623WQD), §. 62.

[18] CEDH, 22 février 2018, req. 588/13, « Libert c/ France » (N° Lexbase : A1555XEC), nos obs., La CEDH confirme la jurisprudence française sur la consultation des fichiers présents sur l'ordinateur professionnel du salarié, Lexbase Social, 2018, n° 734 (N° Lexbase : N3107BXD).

[19] 26 occurrences dans le moteur de recherche du site HUDOC.

[20] CEDH, 27 octobre 1993, req. 37/1992/382/460, « Dombo Beheer B.V. c/ Pays-Bas » (N° Lexbase : A6587AWU), § 33 ; CEDH, 13 mai 2008, req. n° 65097/01 (N° Lexbase : A4987D89), § 42, D., 2009, pan. 2714, obs. T. Vasseur ; CEDH, 10 octobre 2006, req. 7508/02 (N° Lexbase : A6919DRP), § 40, D., 2006, AJ, 2692, qui vise l’expression le « droit à la preuve ». Lire P. Henriot, Le droit à la preuve, au service de l'égalité des armes, Rev. trav., 2018, 120.

[21] Cass. civ. 1, 5 avril 2012, n° 11-14.177, F-P+B+I (N° Lexbase : A1166IIZ), D., 2012, 1596, note G. Lardeux ; ibid. 2826, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon ; ibid. 2013, 269, obs. N. Fricero ; ibid. 457, obs. E. Dreyer ; RTD civ., 2012, 506, obs. J. Hauser.

[22] Notamment le fait de savoir s’ils accomplissent des heures supplémentaires ou travaillent le dimanche, ce qui constitue un élément mixte vie professionnelle-vie privée.

[23] Cass. soc., 9 novembre 2016, n° 15-10.203, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2511SG4), nos obs., De la preuve des atteintes à l'interdiction du travail le dimanche : la pesée des intérêts au service du respect de la légalité, Lexbase Social, 2016, n° 677 (N° Lexbase : N5288BWR). Également, Cass. soc., 16 novembre 2016, n° 15-17.163, F-D (N° Lexbase : A2420SIH) : « en déboutant la salariée de sa demande de communication par l'employeur de divers documents, alors qu'il lui appartenait de vérifier si les mesures demandées étaient nécessaires à l'exercice du droit à la preuve de la partie qui les sollicitait et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie personnelle des salariés concernés, la cour d'appel, qui a méconnu ses pouvoirs, a violé l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49) et les articles 6 et 8 de la CESDH » ; Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-16.516, F-D (N° Lexbase : A1578Z8X) : « le droit à la preuve ne peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée qu'à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi ».

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Procédure administrative

[Brèves] Refonte de l'application « Télérecours » (modalités de transmission des requêtes et mémoires par voie électronique)

Réf. : Décret n° 2020-1245, du 9 octobre 2020, relatif à l'utilisation des téléprocédures devant le Conseil d'État, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs et portant autres dispositions (N° Lexbase : L4283LYB)

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N4862BYQ

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par Yann Le Foll

Le 14 Octobre 2020

► Le décret n° 2020-1245 du 9 octobre 2020 relatif à l'utilisation des téléprocédures devant le Conseil d'État, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs et portant autres dispositions (N° Lexbase : L4283LYB) a été publié au Journal officiel du 11 octobre 2020.

Objet : le décret simplifie, précise et complète les dispositions du Code de justice administrative relatives aux téléprocédures applicables aux avocats et aux administrations (application « Télérecours », obligatoire pour les administrations et les avocats à compter du 1er janvier 2017, voir décret n° 2016-1481, du 2 novembre 2016, relatif à l’usage des téléprocédures devant les juridictions administratives N° Lexbase : L9754LAI) et aux personnes privées (particuliers, entreprises, associations) sans avocat (application « Télérecours citoyens »).

Personnes concernées : l’utilisation de « Télérecours » sera dorénavant obligatoire, exception des recours des communes de moins de 3 500 habitants faits sans avocat et ceux des personnes de droit privé non chargées de la gestion permanente d’un service public et faits sans avocat.

Nouvelles dispositions : les utilisateurs de cette application devront transmettre un fichier par pièce jointe. Les fichiers transmis devront comporter un intitulé comprenant un numéro dans un ordre continu et croissant et, sauf à recourir à la génération automatique de l'inventaire détaillé par l'application, un libellé décrivant leur contenu de manière suffisamment explicite.

La sanction des erreurs non régularisées dans le libellé des pièces jointes est assouplie puisqu'elles ne conduisent plus à l'irrecevabilité de la requête ou à la mise à l'écart de l'ensemble du mémoire, mais seulement à la mise à l'écart de la pièce mal libellée (pour des erreurs concernant l’utilisation de l’application, voir notamment CE 2° et 7° ch.-r., 14 juin 2019, n° 420861, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6066ZEE).

L'indication des nom et domicile du requérant dans l'application « Télérecours » ou dans le téléservice « Télérecours citoyens » vaudra dorénavant indication de ces mentions dans la requête. Enfin, la possibilité de demander la délivrance d'une copie papier de la décision rendue, en complément de la notification faite par l'application « Télérecours » ou « Télérecours citoyens », est supprimée pour les personnes ayant utilisé cette application ou ce téléservice.

Entrée en vigueur : le décret entre en vigueur le 1er janvier 2021, à l'exception des dispositions des premier et troisième alinéas des articles R. 414-5 (N° Lexbase : L1662LKR) et R. 611-8-5 (N° Lexbase : L1668LKY) du Code de justice administrative, dans leur rédaction résultant du présent décret, qui entrent en vigueur le 1er juin 2021.

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Propriété intellectuelle

[Jurisprudence] Brexit et droit des marques : opposabilité d’une marque du Royaume-Uni à une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne

Réf. : Trib. UE, 23 septembre 2020, T-421/18 (N° Lexbase : A71813UI)

Lecture: 10 min

N4872BY4

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par Caroline Le Goffic, Maître de conférences - HDR, Co-directrice du Master 2 Droit des activités numériques, Université de Paris

Le 14 Octobre 2020


Mots-clés :  marque de l’Union européenne • opposition • marque nationale britannique • Brexit

L’arrêt rendu le 23 septembre 2020 par le Tribunal de l’Union européenne affirme le principe de la survie post-Brexit de l’opposabilité d’une marque nationale britannique à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne.


 

 

Le Brexit a soulevé d’importantes inquiétudes chez les titulaires de droits de propriété intellectuelle dans l’Union européenne. Ainsi, après le référendum du 23 juin 2016, puis l’entame, le 27 mars 2017, de la procédure de retrait du Royaume-Uni par la notification de l’article 50 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (N° Lexbase : L2699IPN), les titulaires de ces droits se sont légitimement interrogés sur le devenir de leurs titres de l’Union européenne sur le territoire du Royaume-Uni une fois le retrait effectif, ainsi que sur l’opposabilité de leurs titres britanniques à l’égard des titres de l’Union européenne.

La doctrine s’est fait l’écho de ces préoccupations, notamment en matière de marques[1]. Différents scénarios possibles ont ainsi été envisagés. La Cour de justice de l’Union européenne [2] ainsi que le Tribunal de l’Union [3] ont d’ailleurs été saisis de questions portant sur le régime à appliquer post-Brexit. C’est ainsi que la Cour a estimé, s’agissant de la période qui s’étend entre l’annonce du retrait du Royaume-Uni et la prise d’effet du Brexit, que la seule notification par un État membre de son intention de se retirer de l’Union conformément à l’article 50 TFUE n’a pas pour effet de suspendre l’application du droit de l’Union dans cet État membre et que, par conséquent, ce droit reste pleinement en vigueur dans ledit État membre jusqu’à son retrait effectif de l’Union [4]. En l’espèce, cette solution avait pour conséquence de faire obstacle à ce que le Tribunal de l’Union suspende jusqu’à la date du retrait du Royaume-Uni de l’Union une procédure relative à une opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne fondée sur une marque britannique antérieure, afin de pouvoir ensuite constater, le cas échéant, qu’une marque antérieure du Royaume-Uni ne pourrait plus être opposée au maintien d’une marque de l’Union européenne.

En définitive, après la sortie définitive du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 janvier 2020, les questions en suspens ont été résolues par l’adoption d’un accord de retrait [5] le 1er février 2020. Cet accord prévoit une période de transition du 1er février au 31 décembre 2020, qui pourrait être prorogée une fois, pour une durée maximale d’un à deux ans. L’article 127 de l’accord de retrait prévoit que, sauf dispositions contraires, pendant la période de transition, le droit de l’Union continue à s’appliquer sur le territoire du Royaume-Uni.

L’application de ce texte emporte des conséquences en droit des marques, ainsi que l’illustre l’arrêt rendu le 23 septembre 2020 par le Tribunal de l’Union européenne. Dans cette affaire, une personne avait présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne en 2013. La demande portait sur le signe verbal « MUSIKISS », déposé pour divers services des classes 35 (notamment publicité et courtage dans le domaine de la musique), 41 (organisation, coordination et mise à disposition d’évènements récréatifs) et 45 (services sociaux). En 2014, une société titulaire de marques verbales et figuratives du Royaume-Uni « KISS », enregistrées pour désigner des produits et services des classes 9 (applications logicielles informatiques), 38 (radiodiffusion) et 41 (divertissement radiophonique), avait formé opposition.

La division d’opposition de l’EUIPO avait partiellement accueilli l’opposition en 2017, estimant qu’il existait un risque de confusion pour certains services. Saisie d’un recours, la première chambre de recours de l’Office a annulé cette décision en 2018, au motif, d’une part, que certains services figurant dans la demande d’enregistrement étaient différents des services couverts par les marques antérieures, et que, d’autre part, le degré de similitude visuelle et phonétique entre les signes en cause était faible et qu’il ne pouvait, dès lors, y avoir de risque de confusion même pour les services qui avaient été jugés identiques ou similaires, en cas d’absence de renommée des marques antérieures.

La société opposante a alors saisi le Tribunal de l’Union européenne d’un recours contre cette décision. En réponse, le déposant a soulevé l’irrecevabilité de l’opposant, arguant que ce dernier avait perdu son intérêt à la procédure d’opposition au motif que les marques du Royaume-Uni invoquées au soutien de son opposition seraient devenues inopposables à une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne en raison du Brexit.

Le Tribunal rejette cet argument et tranche le litige en validant la décision de la chambre de recours. Sur le fond, l’affaire est banale s’agissant de l’appréciation de la similitude des produits et services et du risque de confusion, et n’appelle donc pas de remarques particulières. En revanche, l’intérêt de l’arrêt réside dans la confirmation de l’opposabilité des marques du Royaume-Uni après le Brexit, jusqu’au 31 décembre 2020 (1), voire après cette date, vis-à-vis de marques de l’Union européenne déposées avant l’expiration de la période de transition (2).

1. L’opposabilité post-Brexit des marques du Royaume-Uni jusqu’au 31 décembre 2020

Les arguments invoqués par le déposant relativement à l’irrecevabilité de la société opposante avaient, en réalité, été formulés le 16 janvier 2020 avant la conclusion de l’accord de sortie du Royaume-Uni. Le déposant estimait qu’en cas de retrait sans accord, l’opposition devrait être rejetée au motif que les marques du Royaume-Uni ne jouiraient plus de la même protection.

Mais l’adoption de l’accord de retrait change évidemment les choses à cet égard. En effet, en vertu de son article 127, dont la portée est générale, le droit de l’Union continue à s’appliquer sur le territoire du Royaume-Uni jusqu’au 31 décembre 2020 (voire au-delà, en cas de prorogation de l’accord). Le Tribunal en déduit donc logiquement qu’en l’absence de dispositions contraires dans l’accord de retrait, le Règlement n° 2017/1001 du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (N° Lexbase : L0640LGS), continue de s’appliquer aux marques du Royaume-Uni et que, partant, les marques antérieures, enregistrées par la société opposante dans cet État, continuent de bénéficier de la même protection que celle dont elles auraient bénéficié en l’absence de retrait du Royaume-Uni de l’Union jusqu’à la fin de la période de transition. Dès lors, la recevabilité de leur titulaire ne peut qu’être constatée.

Ainsi le Tribunal conclue-t-il que, dans le cas d’espèce, à la date du présent arrêt, le retrait du Royaume-Uni de l’Union est sans incidence sur la protection dont jouissent les marques antérieures en tant que marques de l’Union européenne. Ces marques sont, par conséquent, encore susceptibles de fonder l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée.

Par ailleurs, du point de vue procédural, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante [6], l’intérêt à agir suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. A fortiori, en l’espèce, compte tenu de l’accord de retrait, les marques antérieures du Royaume-Uni continuent de bénéficier de la même protection jusqu’à la fin de la période de transition. Il en résulte que ledit retrait ne remet pas en cause les effets juridiques de la décision attaquée à l’égard de la société opposante, de sorte que cette dernière conserve son intérêt à en demander l’annulation.

Ainsi les marques du Royaume-Uni conservent-elles leur opposabilité jusqu’au 31 décembre 2020. Mais l’arrêt du Tribunal va plus loin, consacrant également au-delà de cette date l’opposabilité de ces marques nationales vis-à-vis de marques de l’Union européenne dès lors que ces dernières ont été déposées avant l’expiration de la période de transition.

2. L’opposabilité post-Brexit des marques du Royaume-Uni vis-à-vis de marques de l’Union européenne déposées avant l’expiration de la période de transition

Une phrase de l’arrêt du Tribunal mérite l’attention : « l’existence d’un motif relatif d’opposition doit s’apprécier au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne contre laquelle l’opposition est formée » [7]. Cette affirmation est parfaitement justifiée dans la mesure où elle découle du principe général selon lequel les conditions de validité de la marque s’apprécient le jour de son dépôt – principe notamment consacré dans les articles 7 et 59 (s’agissant des motifs absolus de refus d’enregistrement et de nullité) et 8 et 60 (s’agissant des motifs relatifs de refus d’enregistrement et de nullité) du Règlement n° 2017/1001.

Appliquée à la question du Brexit, cette solution signifie qu’une marque du Royaume-Uni pourra continuer d’être opposable à une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne tant que le dépôt de cette dernière aura eu lieu à un moment où s’applique le droit de l’Union européenne ante-Brexit. En effet, jusqu’au 31 décembre 2020 (voire ultérieurement, en cas d’une éventuelle prorogation de la période de transition), les dépôts de marques de l’Union européenne sont susceptibles d’être antériorisés par des marques nationales (Règlement n° 2017/1001, art. 8, § 2, a), ii)). En conséquence, une marque du Royaume-Uni pourra être invoquée même après le 31 décembre 2020 à l’encontre d’une marque de l’Union européenne déposée avant cette date. Il est sans doute même probable que ces marques puissent fonder une action en annulation de la marque de l’Union européenne, au motif de son indisponibilité.

La position du Tribunal rejoint en cela une solution préalablement énoncée, avant même la conclusion de l’accord de retrait du Royaume-Uni. Ainsi le Tribunal avait-il déjà indiqué que « la circonstance que la marque antérieure pourrait perdre le statut de marque enregistrée dans un État membre à un moment postérieur au dépôt de la demande d’enregistrement de la marque de l’Union européenne, notamment à la suite d’un éventuel retrait de l’État membre concerné de l’Union, est en principe dépourvue de pertinence pour l’issue de l’opposition » [8].

En conséquence, l’affaire « MUSIKISS » consacre l’opposabilité post-Brexit, au-delà même du 31 décembre 2020, des marques du Royaume-Uni vis-à-vis de marques de l’Union européenne déposées avant l’expiration de la période de transition.


[1] V. l’importante étude de Y. Basire, Les conséquences du Brexit sur la propriété intellectuelle : le cas du droit des marques, RTD com., 2017, p. 553.

[2] CJUE, 17 septembre 2015, aff. C‑33/14 P (N° Lexbase : A1105NPM).

[3] Trib UE, 30 janvier 2020, aff. T‑598/18(N° Lexbase : A84703CP).

[4] CJUE, 17 septembre 2015, aff. C-33/14 P, préc...

[5] Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique, JO 2020, L 29, p. 7 [en ligne].

[6] CJUE, 17 septembre 2015, aff. C-33/14 P, préc..

[7] Point. 34.

[8] Trib. UE, 30 janvier 2020, aff. T‑598/18, préc..

newsid:474872

Propriété intellectuelle

[Brèves] Droits voisins : la cour d’appel de Paris confirme l’obligation faite à Google de négocier avec les éditeurs et agences de presse

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 7ème ch., 8 octobre 2020, n° 20/08071 (N° Lexbase : A14633XH)

Lecture: 6 min

N4937BYI

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par Vincent Téchené

Le 14 Octobre 2020

► Dans son arrêt du 8 octobre 2020, la cour d’appel de Paris confirme la décision rendue le 9 avril 2020 par laquelle l’Autorité de la concurrence a enjoint Google de négocier, avec les éditeurs et agences de presse ou les organismes de gestion collective, la rémunération due pour toute reprise de leurs contenus protégés sur ses services, conformément aux modalités prévues à l'article L. 218-4 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L4858LRD) ;

Elle la réforme à la marge uniquement en ce qu'elle a dit que l'injonction de prendre les mesures nécessaires pour que l'existence et l'issue des négociations n'affectent ni l'indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés repris par Google sur ses services, est proportionnée.

Faits et procédure. Les 15 et 19 novembre 2019, le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), l'Alliance de la presse d’information générale (APIG) et les quatre syndicats la composant, ainsi que l'Agence France presse (AFP) ont respectivement saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par Google dans les secteurs de la presse, des services de communication au public en ligne et de la publicité en ligne, lui reprochant les modalités de mise en œuvre de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019, tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse (N° Lexbase : L3023LRE ; V. Téchené, Création d’un droit voisin pour les éditeurs et les agences de presse, Lexbase Affaires, septembre 2019, n° 604 N° Lexbase : N0322BYL), qu'ils considèrent comme constitutives d'un abus de position dominante. Chacun des saisissants a dénoncé la modification unilatérale et brutale par Google de sa politique d'affichage des contenus d'actualité, comme ayant pour objectif de contraindre les éditeurs à accepter la reprise de leur contenus éditoriaux sans rémunération, sous la menace d'une dégradation de cet affichage, et que ce faisant, Google aurait contourné la loi de 2019 en leur imposant des conditions de transaction inéquitables et aurait ainsi abusé de leur dépendance économique à son égard.

Le 9 avril 2020 (Aut. conc., décision n° 20-MC-01, 9 avril 2020 N° Lexbase : X9925CIG ; V. Téchené, Lexbase Affaires, avril 2020, n° 632 N° Lexbase : N2986BYA), l'Autorité a retenu qu'en l'état de l'instruction, les faits dénoncés étaient susceptibles de caractériser de la part de Google un abus de position dominante en ce que Google paraît, d'une part, avoir imposé aux éditeurs et agences de presses des conditions de transaction inéquitables en refusant toute forme de négociation et de rémunération pour l'affichage des contenus protégés au titre des droits voisins crées par la loi de 2019 ; d'autre part, avoir traité de façon identique des acteurs économiques placés dans des situations différentes ; et enfin, avoir contourné la loi de 2019.

Elle a considéré que ce comportement portait une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse et a prononcé, à titre de mesures conservatoires plusieurs injonctions à l'encontre des sociétés du groupe Google et notamment, de négocier de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse ou les organismes de gestion collective qui en feraient la demande, la rémunération due par Google à ces derniers pour toute reprise des contenus protégés sur ses services, conformément aux modalités prévues à l'article L. 218-4 du Code de la propriété intellectuelle et selon des critères transparents, objectifs et non discriminatoires.

Google a donc formé un recours contre cette décision.

Décision. La cour d’appel, après avoir écarté la contrariété de la loi de 2019 à la Directive qu’elle transpose, retient notamment que Google n'est pas fondé à contester le marché pertinent retenu, aux motifs que les éditeurs et agences de presse ne seraient pas des clients, dès lors qu'une activité économique résulte des relations entretenues par Google avec les éditeurs et agences de presse, qui exploitent des sites, dont il indexe, classe et présente les contenus pour alimenter ses service de recherche généraliste en ligne. Il s'en déduit, selon la cour, que c'est à juste titre que l'Autorité a défini le marché pertinent comme de celui de la recherche généraliste en ligne, marché sur lequel Google ne conteste pas détenir une position dominante eu égard à ses parts de marché qui sont de l'ordre de 90 %.

La cour d’appel retient ensuite que le comportement de Google sur un marché qu'il domine, consistant à priver les éditeurs et agences de presse de toute possibilité de négocier une rémunération liée à la reproduction d'extraits de publication de presse sur le moteur de recherche Google au moment précis où la loi leur reconnaît ce droit, est susceptible d'être qualifié d'abus d'exploitation par l'imposition de conditions de transaction inéquitables, sans qu'il y ait lieu, au stade de l'appréciation de la demande de mesure conservatoire, de procéder à une balance des intérêts en présence ou d'apprécier les autres éléments qui pourraient atténuer la portée d'un tel abus, lesquels relèvent de l'examen au fond des pratiques. En outre, et comme l’Autorité l’a retenu, c'est bien en raison des parts de marché qu'il détient, de l'ordre de 90 %, et du caractère non substituable du trafic généré par le moteur de recherche sur les sites des éditeurs et de l'importance économique de ce trafic pour ces derniers, que Google a pu s'affranchir de toute pression concurrentielle et obtenir des éditeurs de presse des conditions équivalentes à une licence gratuite, sans négociation possible.

Par ailleurs, la cour d’appel retient que, comme l’a relevé l’Autorité, le fait de priver les éditeurs de toute négociation sur la rémunération et de limiter son offre de service à des conditions inéquitables, était susceptible de fausser le jeu normal de la concurrence, tant à l'égard des éditeurs, dès lors que par son comportement, Google empêche le développement du marché de l'octroi de licences payantes, qu'à l'égard de ses concurrents, dès lors que Google n'a rien à craindre de ces derniers en raison de sa position ultra dominante sur le marché et placerait ceux qui souhaiteraient entrer en négociations avec les titulaires des droits voisins en situation de net désavantage, en grevant leurs recettes de charges que le leader du marché s'affranchit de régler.

On relèvera également que la cour d’appel approuve également l’Autorité de la concurrence d’avoir retenu que l'atteinte identifiée est grave, puisqu'elle est de nature à affecter la pérennité du secteur dans son ensemble et des sociétés saisissantes en particulier et qu'elle est également de nature à compromettre la diversité de l'offre numérique mise à dispositions des consommateurs et des différents acteurs du marché numérique qui la valorise si le secteur est privé des ressources lui permettant de réussir sa transition digitale.

newsid:474937

Responsabilité médicale

[Brèves] Préjudice économique indemnisé par l’ONIAM : pas de prise en compte des nouvelles ressources consécutives au remariage du conjoint survivant

Réf. : Cass. civ. 1, 7 octobre 2020, n° 19-17.041, F-P+B (N° Lexbase : A33203XA)

Lecture: 2 min

N4898BY3

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par Laïla Bedja

Le 15 Octobre 2020

► Si, après le décès de la première épouse, le conjoint survivant se remarie et bénéficie de nouvelles ressources liées au salaire perçu par sa seconde épouse, celles-ci résultent de la réorganisation de son existence et ne sont pas la conséquence directe du décès, de sorte qu’elles n’ont pas à être prises en compte pour évaluer les préjudices économiques consécutifs au décès de la patiente.

Faits et procédure. Mme S. est décédée à la suite d’une coronarographie. Après une saisine de la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, d’un avis de celle-ci imputant le décès de Mme S. à la survenue d’un accident médical grave non fautif indemnisable au titre de la solidarité nationale et d’un refus de l’offre d’indemnisation amiable par l’ONIAM, le conjoint de la défunte patiente a assigné celui-ci en indemnisation.

Le pourvoi. L’ONIAM fait grief à l’arrêt de la cour d’appel (CA Toulouse, 4 février 2019, n° 16/02977 N° Lexbase : A0160YWT) de fixer à certaines sommes les préjudices économiques respectifs du conjoint survivant et de sa fille selon le moyen que les revenus du nouveau conjoint du conjoint survivant de la victime directe d'un accident médical non fautif, d'une affection iatrogènes ou d'une infection nosocomiale dont l'indemnisation a eu lieu au titre de la solidarité nationale doivent être pris en compte pour le calcul du préjudice économique de celui-ci ainsi que de leurs enfants. Selon l'Office, en refusant, de tenir compte des nouvelles ressources dont pouvait bénéficier le conjoint à la suite de son remariage pour calculer son préjudice économique ainsi que ceux de ses filles résultant du décès de sa première épouse et pris en charge par l'ONIAM, la cour d'appel aurait violé l'article L. 1142-1, II, du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1910IEH) ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. En vain.

Rejet. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi.

newsid:474898

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Déduction de la TVA sur les dépenses de fonctionnement d’un EPHAD : revirement de jurisprudence du Conseil d’État

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 7 octobre 2020, n° 426661, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4876YIG)

Lecture: 5 min

N4901BY8

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par Sarah Bessedik et Marie-Claire Sgarra

Le 19 Octobre 2020

Par une décision du 7 octobre 2020, le Conseil d’État vient apporter des précisions relatives au coefficient de déduction de la TVA dans le cadre d’une activité d’hébergement de personnes âgées et revoit ainsi sa jurisprudence antérieure.

Les faits. La société Résidence de la Forêt, qui exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mars 2009 au 31 décembre 2012.  À l'issue de ce contrôle, la société a été assujettie à des rappels de TVA au titre la période vérifiée ainsi qu'à des pénalités. Par un arrêt du 23 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Douai a prononcé la réduction de ces rappels de TVA et des pénalités correspondantes à hauteur de la rectification des bases d'imposition résultant de l'application d'un coefficient de taxation inferieur à 1 aux frais et charges d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien général des bâtiments (CAA Douai, 23 octobre 2018, n° 16DA01279 N° Lexbase : A4876YIG). Le ministre de l'Action et des Comptes publics, considérant que le coefficient applicable est de 1, se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

Principes fondant le raisonnement du Conseil d’État :

  • l’article 271-I-1 du CGI (N° Lexbase : L9246LNR) : « La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération » ;
  • l’article 273 du CGI (N° Lexbase : L5384HLY) : il indique que des décrets en Conseil d'État fixent les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé́ les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite ;
  • l’article 205 de l’annexe II du CGI (N° Lexbase : L3739HZI) : « La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ».
  • l’article 206 de l’annexe II du CGI (N° Lexbase : L5773LHB) : cet article déterminé le calcul des coefficients d’assujettissement, de taxation et d’admission.

À noter : les dispositions précitées sont issues de la transposition des articles 1er, 168 et 173 de la Directive (UE) n° 2006/112 du Conseil, 28 novembre 2006, relative au système commun de TVA (N° Lexbase : L7664HTZ).

Le Conseil d’État ne manque pas de préciser que ces dispositions ont été interprétées par la CJUE dans un arrêt en date du 18 octobre 2018 (CJUE, 18 octobre 2018, aff. C-153/17, Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs c/ Volkswagen Financial Services (UK) Ltd. N° Lexbase : A6566YGB).

Il en résulte que lorsque les dépenses effectuées pour acquérir des biens ou des services font partie des frais généraux liés à l'ensemble de l'activité́ économique de l'assujetti, ce dernier bénéficie d'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont l'étendue varie selon l'usage auquel les biens et les services en cause sont destinés. Lorsque les biens ou services sont utilisés concurremment pour la réalisation d'opérations taxées et pour la réalisation d'opérations exonérées, la déductibilité́ n'est que partielle, y compris dans l'hypothèse particulière où l'assujetti est tenu de répercuter l'intégralité́ du coût de ces dépenses dans le prix de ses seules opérations taxées.

Solution. Selon les juges du Conseil d’État, l’administration fiscale pouvait remettre en cause la déduction intégrale de la TVA ayant grevé les frais et charges d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien général des bâtiments de la société́ Résidence de la Forêt. Ainsi, la cour d’appel a commis une erreur de droit. Le motif que ces frais et charges avaient été intégralement incorporés dans le prix des prestations relatives à l'hébergement et à la dépendance, lesquelles sont imposables à la TVA à la différence des prestations de soins, est inopérant.

Conséquences. Par cet arrêt le Conseil d’État fait désormais prévaloir le critère de l’utilisation effective des dépenses mixtes n’autorisant, dès lors, qu’une déduction partielle de la TVA y afférente au titre des frais généraux.

Rappelons que, dans ses jurisprudences antérieures, le Conseil d’État avait :

  • exigé des EHPAD que les sommes représentatives du forfait soins, assimilées à des subventions directement liées au prix de prestations exonérées, devaient figurer au dénominateur du coefficient forfaitaire de taxation (sommes entrant dans le champ d'application de la TVA et représentant la contrepartie de prestations de soins effectuées à titre onéreux et exonérées de TVA) (CE 3° et 8° ssr., 20 octobre 2014, n° 364715, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0645MZW) ;
  • écarté l'application du prorata de déduction pour la taxe grevant les dépenses d'administration générale de l'établissement et de fonctionnement et d'entretien général des bâtiments (CE 3° et 8° ch.-r., 5 octobre 2016, n° 390874, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9892R47).

Lire en ce sens, V. Daumas, Sur les conditions de déduction de la TVA s'agissant des EHPAD - Conclusions du Rapporteur public, Lexbase Fiscal, novembre 2016, n° 676 (N° Lexbase : N5228BWK).

 

 

 

 

 

 

newsid:474901

Voies d'exécution

[Brèves] Saisie immobilière : à quel moment la résolution de plein droit de la vente du bien saisi peut-elle être prononcée pour défaut de paiement par l’adjudicataire ?

Réf. : Cass. civ. 2, 1er octobre 2020, n° 19-12.830, F-P+B+I (N° Lexbase : A49903WQ)

Lecture: 5 min

N4877BYB

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 14 Octobre 2020

L’adjudicataire d’un bien saisi dispose d’un délai de deux mois pour procéder au versement du prix et des frais ou leur consignation à compter de la date d’adjudication définitive, passé ce délai, le prix de vente est de plein droit augmenté des intérêts au taux légal ; l’adjudicataire peut donc procéder à cette consignation après ce délai, la seule sanction qu’il encourt est la réitération des enchères qui peut être engagée soit par le débiteur, soit par les créanciers ; ce n’est qu’à la date où le juge statue sur la résolution de la vente, et à l’occasion d’une procédure de réitération des enchères ou lors d’une action tendant à cette seule résolution, que cette dernière peut être prononcée en l’absence de consignation du prix.

Faits et procédure. Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, les débiteurs ont sollicité le report de la vente forcée du bien et le juge de l’exécution a rendu deux décisions le même jour, la première déboutant la demande de report, et la seconde, correspondant au jugement d’adjudication, constatant la vente forcée du bien saisi. Une cour d’appel a confirmé la première décision et a déclaré irrecevable l’appel contre le jugement d’adjudication. Les époux débiteurs ont chacun leur tour été placés en redressement judiciaire avec un mois et demi d’intervalle. Les décisions ordonnant leurs redressements judiciaires désignaient la même société en qualité de mandataire judiciaire. Cette dernière, a assigné ès qualités des débiteurs, le créancier poursuivant, ainsi que l’adjudicataire devant le juge de l’exécution, afin d’obtenir la résolution de la vente forcée pour défaut du paiement du prix de vente dans les deux mois de l’adjudication. Par jugement, le juge de l’exécution a débouté les demandeurs de leurs prétentions. Le prix de vente a été consigné, avec intérêts de retard par l’adjudicataire, qui a ensuite revendu le bien.

Le pourvoi. La demanderesse au pourvoi en qualité de commissaire à l’exécution du plan des époux débiteurs fait grief à l’arrêt rendu le 20 décembre 2018, par la cour d'appel de Douai (CA Douai, 20 décembre 2018, n° 15/07506, N° Lexbase : A3496YRW), d’avoir violé l’article L. 322-12 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L5890IRL), en confirmant le jugement de première instance et en déboutant l’ensemble des prétentions les appelants. Leurs demandes constituaient à solliciter le prononcé de la résolution de la vente par adjudication, ainsi que la nullité de la cession intervenue après l’adjudication et enfin, la restitution du bien aux débiteurs.

Dans un premier temps, les intéressés indiquent que la vente par adjudication est résolue de plein droit, à défaut du versement du prix ou de sa consignation et du paiement des frais dans les délais légaux. Ils précisent qu’une demande en résolution de la vente par adjudication peut être sollicitée à l’encontre de l’adjudicataire, et ce, malgré la possibilité d’engager la procédure de réitération des enchères, et l’indication dans le cahier des conditions de vente de cette possibilité. En l’espèce, les juges d’appel ont retenu pour rejeter la demande de résolution de la vente, qu’elle ne pouvait s’entendre que dans le contexte d’une procédure de réitération d’enchères.

Dans un second temps, les intéressés, font valoir les mêmes arguments, relevant que la cour d’appel avait retenu que la résolution de plein droit n’était pas encourue, dès l’expiration du délai de deux mois à compter de l’adjudication définitive, et que cette dernière ne pouvait pas être prononcée, du fait que l’adjudicataire avait consigné le prix et les intérêts de retard.

Réponse de la Cour. Les Hauts magistrats ont rappelé pour introduire les solutions précitées que l’article L. 322-12 du Code des procédures civiles d’exécution dispose qu’à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais, la vente est résolue de plein droit, mais également que l’article R. 322-66 (N° Lexbase : L2485IT9) du même code, énonce que le versement ou la consignation doit être effectué dans un délai de deux mois à compter de la date d’adjudication définitive, à peine de réitération des enchères. La Cour suprême indique que selon l’article R. 322-67 (N° Lexbase : L2486ITA) la réitération des enchères peut être poursuivie qu’après une mise en demeure de payer sous huitaine. En conséquence, la Cour de cassation relève que les juges d’appel ont à bon droit retenu que la résolution de la vente de plein droit n’était pas encourue dès l’expiration du délai de deux mois, après avoir constaté la consignation par l’adjudicataire du prix et des intérêts de retard.

Solution. La Cour suprême rejette le pourvoi.

newsid:474877

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