La lettre juridique n°775 du 14 mars 2019

La lettre juridique - Édition n°775

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] «Passerelle» de l’article 98, 4° : la seule maîtrise du droit de l’Union européenne ne suffirait-elle pas ?

Réf. : Cass. civ. 1, 20 février 2019, n° 17-21.006, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6338YXZ)

Lecture: 3 min

N7817BXS

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 13 Mars 2019

Sont renvoyées à la CJUE les questions préjudicielles suivantes, relatives à l’article 98, 4° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat (N° Lexbase : L8168AID) (passerelle pour les fonctionnaires de catégorie A et personnes assimilées à cette catégorie) :

 

«1°) Le principe selon lequel le Traité de la Communauté économique européenne, devenu, après modifications, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, a créé un ordre juridique propre, intégré aux systèmes juridiques des Etats membres et qui s’impose à leurs juridictions, s’oppose-t-il à une législation nationale qui fait dépendre l’octroi d’une dispense des conditions de formation et de diplôme prévues, en principe, pour l’accès à la profession d’avocat, de l’exigence d’une connaissance suffisante, par l’auteur de la demande de dispense, du droit national d’origine française, excluant ainsi la prise en compte d’une connaissance similaire du seul droit de l’Union européenne ?

 

2°) Les articles 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne s’opposent-ils à une législation nationale réservant le bénéfice d’une dispense des conditions de formation et de diplôme prévues, en principe, pour l’accès à la profession d’avocat, à certains agents de la fonction publique du même Etat membre ayant exercé en cette qualité, en France, des activités juridiques dans une administration ou un service public ou une organisation internationale, et écartant du bénéfice de cette dispense les agents ou anciens agents de la fonction publique européenne qui ont exercé en cette qualité des activités juridiques, dans un ou plusieurs domaines relevant du droit de l’Union européenne, au sein de la Commission européenne ?».

 

Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 février 2019 (Cass. civ. 1, 20 février 2019, n° 17-21.006, FS-P+B+I N° Lexbase : A6338YXZ).

 

Dans cette affaire, une fonctionnaire de la Commission européenne a sollicité son admission au barreau de Paris sous le bénéfice de la dispense de formation et de diplôme prévue à l’article 98, 4°, du décret n° 91-1197, pour les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale.

 

La cour d’appel ayant, par un arrêt rendu le 11 mai 2017 (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 11 mai 2017, n° 16/12823 N° Lexbase : A5568WC9), rejeté sa demande, un pourvoi a été formé.

 

Pour la Cour de cassation, l’article 11 de la loi de 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) subordonne donc l’accès à la profession d’avocat à la condition de l’exercice de certaines fonctions ou activités en France et l’article 98, 4°, du décret de 1991, peut être considéré comme subordonnant la dispense de formation et de diplôme, pour cet accès, à l’appartenance à la seule fonction publique française et est interprété par le juge français comme subordonnant cette dispense à la connaissance du droit national d’origine française. Dès lors, la mesure nationale constituée par la combinaison de ces textes peut être considérée comme instituant une restriction à la libre circulation des travailleurs ou à la liberté d’établissement.

 

La question se pose donc de savoir si cette restriction est indistinctement applicable aux ressortissants de l’Etat membre d’accueil ou d’établissement et aux ressortissants des autres Etats membres, de sorte qu’elle pourrait être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, ou si elle présente un caractère discriminatoire, son éventuelle justification étant alors limitée à l’existence de raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique.

 

Ainsi, en  l’état des incertitudes sur le sens à donner aux articles 45 et 49 du TFUE, il y a lieu de renvoyer à la Cour de justice la question de savoir si ces dispositions s’opposent à une législation nationale réservant le bénéfice d’une dispense des conditions de formation et de diplôme prévues, en principe, pour l’accès à la profession d’avocat, à certains agents de la fonction publique du même Etat membre ayant exercé en cette qualité, en France, des activités juridiques dans une administration ou un service public ou une organisation internationale, et écartant du bénéfice de cette dispense les agents ou anciens agents de la fonction publique européenne qui ont exercé en cette qualité des activités juridiques, dans un ou plusieurs domaines relevant du droit de l’Union européenne, au sein de la Commission européenne.

 

A noter que la Cour de cassation avait déjà jugé à plusieurs reprises de la nécessité d’avoir une pratique du droit français, en France, pour justifier de cette dispense d’examen (voir dernièrement, Cass. civ. 1, 5 juillet 2017, n° 16-20.441, F-D N° Lexbase : A8421WLH ; Cass. civ. 1, 14 décembre 2016, n° 15-26.635, FS-P+B+I N° Lexbase : A9199SR7) (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E0308E7K et N° Lexbase : E0307E7I).

 

newsid:467817

Avocats/Déontologie

[Brèves] Réforme du RIN sur les cahiers des conditions de vente et le cahier des charges applicables en matière de ventes immobilières judiciaires

Réf. : Décision du 13 février 2019 portant réforme du règlement intérieur national (RIN) de la profession d'avocat (N° Lexbase : Z036478I)

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N7963BX9

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par Marie Le Guerroué

Le 13 Mars 2019

► A été publié au Journal officiel du 7 mars 2019, la décision du 13 février 2019 du Conseil national des barreaux portant réforme du règlement intérieur national (RIN) de la profession d'avocat (N° Lexbase : L4063IP8) et publication des cahiers des conditions de vente et du cahier des charges applicables en matière de ventes immobilières judiciaires (N° Lexbase : Z036478I).

 

La décision vient modifier l’article 12.2 «Enchères» du RIN (article 2) ainsi que le cahier des conditions de vente sur saisie immobilière (article 3), le cahier des charges et conditions de vente en matière de licitation (article 4) et le cahier des conditions de vente en matière de vente des actifs immobiliers dépendant d'une liquidation judiciaire (article 5) (annexés à l’article 12 du RIN).

 

Le Conseil national des barreaux avait adopté lors de son assemblée générale des 16 et 17 novembre 2018 cette décision à caractère normatif n° 2018-002, sur la base d’un rapport de sa commission des «Règles et usages» (v., Assemblée générale du CNB des 16 et 17 novembre : ce qu’il fallait retenir, Lexbase Prof., 2018, n° 275 N° Lexbase : N6527BXZ). L’uniformisation des règles applicables aux trois procédures (saisie immobilière, licitation et vente des actifs immobiliers dépendant d’une liquidation judiciaire) répondait, pour le CNB, aux objectifs de simplification, de clarification de la norme et de mise en conformité avec les textes législatifs et règlementaires en vigueur (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E7485ETE).

newsid:467963

Avocats/Procédure

[Brèves] Obligation de donner la parole à la partie dont l'avocat est absent à l'audience devant les TA et les CAA

Réf. : CE 4° et 1° ch.-r., 27 février 2019, n° 404966, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2139YZA)

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N7944BXI

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par Marie Le Guerroué

Le 13 Mars 2019

► Il résulte de l'article R. 732-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L4865IRM) que, devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, les parties qui sont représentées par un avocat et qui ont présenté des conclusions écrites doivent, lorsque leur avocat est absent le jour de l'audience, être mises à même, si elles sont présentes, de présenter elles-mêmes des observations orales.

 

Telle est la précision apportée par le Conseil d’Etat dans une décision du 27 février 2019 (CE 4° et 1° ch.-r., 27 février 2019, n° 404966, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2139YZA).

 

En l’espèce, une demanderesse avait demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le jury d'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats l'avait déclarée ajournée à l'issue des épreuves d'admissibilité. Le tribunal administratif et la cour d’appel de Paris avaient tous deux rejeté sa demande.

 

Le Conseil d’Etat note que l'avocat de la demanderesse n'était pas présent lors de l'audience au cours de laquelle la cour a examiné sa requête et que l'intéressée était effectivement présente. Il note, aussi, que les mentions de l'arrêt attaqué, qui ne sont contredites par aucune pièce du dossier, ne font pas état de ce que la demanderesse avait pris la parole à l'audience.

 

Dès lors, après avoir énoncé la solution susvisée, il estime que la cour est fondée à soutenir que, faute d'avoir été invitée à prendre la parole, l'arrêt attaqué est entaché d'irrégularité et doit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, être annulé (cf. l’Ouvrage "La profession d’avocat" N° Lexbase : E9688ETY et N° Lexbase : E7731ETI).

newsid:467944

Avocats/Responsabilité

[Brèves] Responsabilité de l’avocat à la Cour de cassation qui n’avait pas pris la précaution de former un pourvoi à titre conservatoire

Réf. : Cass. civ. 1, 20 février 2019, n° 17-50.056, F-P+B (N° Lexbase : A8787YY4)

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N7875BXX

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par Marie Le Guerroué

Le 13 Mars 2019

► L’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation est tenu d’une obligation de diligence et de prudence. Le respect du délai d’instruction du pourvoi en cassation, prévu à l’article 612 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6770H7U), étant sanctionné par l’irrecevabilité, il doit être particulièrement attentif à l’écoulement du temps ; dès lors, lorsqu’il est chargé de former un pourvoi, ou consulté sur ses chances de succès, il doit non seulement s’enquérir de la date d’expiration du délai mais aussi former en temps utile cette voie de recours extraordinaire, à titre à tout le moins conservatoire.

 

Telle est la précision apportée par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 février 2019 (Cass. civ. 1, 20 février 2019, n° 17-50.056, F-P+B N° Lexbase : A8787YY4).

 

La société demanderesse à la cassation, exploitante de parcelles de vignes, avait souscrit auprès d’un assureur un contrat couvrant notamment le risque de grêle. Un litige relatif à l’indemnisation des dommages que la société avaient subis s’était élevé entre eux, l’assureur ayant calculé les indemnités sur la base de la déclaration d’assolement déposée en 2008 alors que la société se prévalait de celle de 2009.

La cour d’appel de Bordeaux avait, néanmoins, rejeté toutes les demandes de la société.

 

Consultée par l’avocat de la société sur les chances de succès d’un pourvoi, la SCP d'avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation (la SCP), avait accepté cette mission. Ayant reçu une lettre du 29 juillet 2013 précisant que le client confirmait son accord pour la procédure devant la Cour de cassation et lui demandant de prendre directement attache avec lui, la SCP avait écrit au représentant légal de la société, le 31 juillet, que “sauf instructions contraires de votre part, j’attends que vous m’avisiez de la signification de l’arrêt pour introduire le pourvoi”. Par courriel du 9 août suivant adressé à l’avocat, le représentant légal de la société s’était inquiété, au vu de la lettre de la SCP qu’il déclarait venir de recevoir, de ce que le pourvoi n’avait pas été introduit, alors que le délai de deux mois, pour ce faire, expirait le 10 août, un acte de signification en date du 10 juin étant joint audit courriel. Le 27 août, l’avocat avait transmis à la SCP ce courriel avec la pièce jointe.

 

La société demande à la Cour de cassation de juger que la SCP a commis une faute en ne régularisant pas le pourvoi dans le délai requis et de la condamner, en conséquence, à lui payer une certaine somme en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance d’obtenir la cassation. 

 

La Haute juridiction énonce la solution susvisée et relève qu’il résulte des pièces versées aux débats que la SCP, qui avait accepté de donner son avis sur les chances de succès d’un pourvoi, avait reçu une lettre de l’avocat de la société datée du 29 juillet 2013 l’informant que cette dernière confirmait “son feu vert pour la procédure devant la Cour de cassation” et l’invitant à traiter directement de l’affaire avec elle. A défaut de réponse à sa lettre du surlendemain adressée au représentant légal de la société, la SCP aurait dû prendre la précaution de former un pourvoi à titre conservatoire.

Dès lors, en s’abstenant de le faire, la SCP a commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité.

 

Toutefois, la Cour de cassation relève, aussi, qu’aucun des griefs que la société soutient avoir été empêchée de soumettre à la Cour de cassation, par la faute de la SCP, n’aurait permis d’accueillir le pourvoi et que la société ne rapporte pas la preuve d’un préjudice moral que lui aurait causé la faute de la SCP. Elle rejette, par conséquent, la requête (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E4304E7K).

newsid:467875

Collectivités territoriales

[Brèves] Licéité de la convention de location d’un local communal conclue entre une commune et une association cultuelle musulmane

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 7 mars 2019, n° 417629, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8810YZC)

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N7971BXI

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par Laïla Bedja

Le 13 Mars 2019

► Les collectivités territoriales peuvent donner à bail, et ainsi pour un usage exclusif et pérenne, à une association cultuelle un local existant de leur domaine privé sans méconnaître les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Eglises et de l'Etat (N° Lexbase : L0978HDL), dès lors que les conditions, notamment financières, de cette location excluent toute libéralité ;

 

► Si la contestation par une personne privée de l'acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre, ni sa consistance, relève de la compétence du juge judiciaire, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande formée par un tiers tendant à l'annulation de la délibération d'un conseil municipal autorisant la conclusion d'une convention ayant pour objet la mise à disposition d'une dépendance du domaine privé communal et de la décision du maire de la signer.

 

Ainsi statue le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 7 mars 2019 (CE 8° et 3° ch.-r., 7 mars 2019, n° 417629, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8810YZC)

 

Dans cette affaire, le conseil municipal de la ville de Valbonne a décidé de louer un local à une association en vue de l’exercice d’activités cultuelle musulmanes et a autorisé le maire à signer la convention de location. La convention signée, une association a saisi le tribunal administratif en vue d’obtenir l’annulation de la délibération du conseil municipal. Le tribunal puis la cour administrative d’appel ayant accédé à sa demande, la commune s’est pourvue en cassation.

 

Elle conteste, d’une part, la compétence de la juridiction administrative et, d’autre part, l’annulation de la délibération.

 

Sur le premier point et énonçant la solution précitée, le Conseil d’Etat rejette le moyen. Sur le second point, les juges de cassation dit la commune fondée à demander l’annulation de l’arrêt.  

newsid:467971

Commercial

[Brèves] Modification des conditions de nomination et d'exercice de la profession de greffier de tribunal de commerce

Réf. : Décret n° 2019-162 du 5 mars 2019, relatif aux conditions de nomination et d'exercice de la profession de greffier de tribunal de commerce (N° Lexbase : L5229LPD)

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N7961BX7

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par Vincent Téchené

Le 13 Mars 2019

► Un décret, publié au Journal officiel du 6 mars 2019, modifie les conditions de nomination et d'exercice de la profession de greffier de tribunal de commerce (décret n° 2019-162 du 5 mars 2019, relatif aux conditions de nomination et d'exercice de la profession de greffier de tribunal de commerce N° Lexbase : L5229LPD).

 

Il complète, corrige ou met en cohérence la procédure de nomination des greffiers des tribunaux de commerce, notamment dans le cadre de sociétés d'exercice. Il met à jour les dispositions relatives aux sociétés en participation, en supprimant le rôle des parquets généraux, dans le prolongement de la réforme engagée par le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016, relatif aux officiers publics et ministériels (N° Lexbase : L2699K8H).

Il permet au ministre de la Justice de nommer, pour des raisons liées au bon fonctionnement du service public dans les départements et régions d'Outre-mer, un même greffier titulaire de plusieurs greffes nouvellement créés de tribunaux de commerce, dont les sièges sont situés dans une même cour d'appel.  

Enfin, il abroge expressément les dispositions instaurant la commission chargée d'émettre une proposition sur le montant de l'indemnité qui peut être due en cas de modification du ressort d'un tribunal de commerce ou d'un tribunal de grande instance statuant en matière commerciale, de création d'un tribunal de commerce ou lorsque le greffe d'un tribunal mixte de commerce est confié à un greffier de tribunal de commerce, ainsi que les dispositions prévoyant les cas dans lesquels cette commission doit être consultée.

newsid:467961

Consommation

[Brèves] Viandes issues de l’abattage rituel sans étourdissement préalable : interdiction d’apposer le logo «AB»

Réf. : CJUE, 26 février 2019, aff. C-497/17 (N° Lexbase : A9871YYA)

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N7938BXB

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par Vincent Téchené

Le 13 Mars 2019

► Le logo de production biologique européen (AB) ne peut être apposé sur les viandes issues de l’abattage rituel sans étourdissement préalable, une telle pratique ne respectant pas les normes les plus élevées de bien-être animal. Tel est le sens d’un arrêt rendu par la CJUE le 26 février 2019 (CJUE, 26 février 2019, aff. C-497/17 N° Lexbase : A9871YYA).

 

Dans cette affaire, une association a soumis au ministre de l’Agriculture français une demande visant à faire interdire la mention «agriculture biologique» (AB) sur des publicités et emballages de steaks hachés de bœuf certifiés «halal» issus d’animaux abattus sans étourdissement préalable. L’organisme certificateur concerné ayant implicitement rejeté la demande, la cour administrative d’appel de Versailles (CAA Versailles, 6 juillet 2017, n° 16VE00801 N° Lexbase : A8603WL9), saisie du litige, a posé à la CJUE une question préjudicielle afin de savoir si les règles applicables du droit de l’Union résultant, notamment, du Règlement relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques (Règlement n° 837/2007 du 28 juin 2007 N° Lexbase : L9729HXM) et de son Règlement d’application n° 889/2008 du 5 septembre 2008, ainsi que du Règlement sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort (Règlement n° 1099/2009 du 24 septembre 2009 N° Lexbase : L9224IED), doivent être interprétées comme autorisant ou interdisant la «délivrance du label européen AB» à des produits issus d’animaux ayant fait l’objet d’un abattage rituel sans étourdissement.

 

La Cour constate que le législateur de l’Union souligne à plusieurs reprises dans les Règlements en cause sa volonté d’assurer un niveau élevé de bien-être animal dans le cadre de ce mode de production, lequel se caractérise donc par l’observation de normes renforcées en matière de bien-être animal dans tous les lieux et à tous les stades de cette production où il est possible d’améliorer encore davantage ce bien-être, y compris lors de l’abattage.

Or, elle relève que la pratique de l’abattage rituel, dans le cadre duquel l’animal peut être mis à mort sans étourdissement préalable, qui est autorisée à titre dérogatoire dans l’Union et uniquement afin d’assurer le respect de la liberté de religion, n’est pas de nature à atténuer toute douleur, détresse ou souffrance de l’animal aussi efficacement qu’un abattage précédé d’un étourdissement.

 

La Cour conclut donc que les méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux, qui sont réalisées sans étourdissement préalable, n’équivalent pas, en termes de garantie d’un niveau élevé de bien-être de l’animal au moment de sa mise à mort, à la méthode d’abattage avec étourdissement préalable, en principe imposée par le droit de l’Union. La Cour souligne, enfin, que l’objectif des règles de l’Union relatives à l’étiquetage biologique est de «préserver et justifier la confiance des consommateurs dans les produits étiquetés en tant que produits biologiques» et constate qu’il est important de veiller à ce que les consommateurs aient l’assurance que les produits porteurs du logo de production biologique de l’Union européenne, qui est celui visé en réalité par la juridiction de renvoi, ont effectivement été obtenus dans le respect des normes les plus élevées, notamment en matière de bien-être animal.

Elle en conclut donc que les règles du droit de l’Union n’autorisent pas l’apposition du logo de production biologique de l’Union européenne sur des produits issus d’animaux ayant fait l’objet d’un abattage rituel sans étourdissement préalable.

newsid:467938

Construction

[Brèves] Modalités de convocation valable de l’entrepreneur à la réception des travaux permettant d'établir le caractère contradictoire du prononcé de celle-ci en son absence

Réf. : Cass. civ. 3, 7 mars 2019, n° 18-12.221, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0026Y3D)

Lecture: 2 min

N7986BX3

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par Manon Rouanne

Le 13 Mars 2019

► Sur le fondement de l’article 1792-6 du Code civil (N° Lexbase : L1926ABX), la convocation de l’entrepreneur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée quatre jours avant la date fixée pour la réception de l’ouvrage, appuyée par une télécopie du même jour et envoyée à l'adresse figurant notamment sur les procès-verbaux de réunions de chantier, atteste du caractère contradictoire de la réception prononcée en présence du maître de l’ouvrage et du maître d’œuvre ; l’entrepreneur ayant été ainsi valablement convoqué.

 

Telle est la position adoptée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 mars 2019 (Cass. civ. 3, 7 mars 2019, n° 18-12.221, FS-P+B+I N° Lexbase : A0026Y3D).

 

En l’espèce, à la suite d’erreurs dans l’exécution de travaux de construction d'un bien immobilier, de rénovation et d’extension d’une maison, le maître de l’ouvrage a, par lettre recommandée adressée également en télécopie, résilié le marché de travaux et convoqué l’entrepreneur afin d’établir un état des lieux valant procès-verbal de réception. Par suite, le maître de l’ouvrage a été indemnisé, après expertise, au titre de l’assurance dommages-ouvrage souscrite auprès de son assureur ; assureur qui s’est ensuite retourné contre la société d’assurance de l’entrepreneur. Cette dernière conteste l’arrêt rendu par la cour d’appel l’ayant condamnée à supporter l’indemnisation du maître de l’ouvrage au moyen, notamment, que l’émission de la télécopie de convocation n’apporte pas la preuve de sa réception effective par l’entrepreneur et fait donc échec au caractère contradictoire du prononcé de l’acte de réception d’un ouvrage.

 

Rejetant le pourvoi formé par l’assureur de l’entrepreneur, les Hauts magistrats décident, au visa de l’article 1792-6 du Code civil, que la convocation par lettre recommandée adressée quatre jours avant le jour de la réception à l’adresse de l’entrepreneur à laquelle des télécopies et procès-verbaux de réunions avaient déjà été adressés et renforcée par une télécopie datant du même jour suffit à considérer que l’entreprise a été valablement convoquée aux opérations de réception. Aussi, la réception des travaux en présence du maître de l’ouvrage et du maître d’œuvre a été prononcée contradictoirement.

 

newsid:467986

Copropriété

[Jurisprudence] Indivision familiale corse, copropriété et usage de la cave

Réf. : CA Bastia, 20 février 2019, n° 17/00073 (N° Lexbase : A5557YX4)

Lecture: 9 min

N8045BXA

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par Pierre-Edouard Lagraulet, Docteur en droit

Le 13 Mars 2019

Résumé : résistance d’une juridiction corse à la politique jurisprudentielle de la Cour de cassation ; la cour d’appel de Bastia, à la suite du TGI d’Ajaccio, interdit la libre modification de l’usage d’un lot accessoire (une cave), même conforme à l’usage général de l’immeuble en copropriété au motif que cette modification emporterait modification de la répartition des charges, d’une part, et que les travaux nécessaires peuvent dégrader les aménagements communs, d’autre part.

Les propriétaires d’une cave, lot de copropriété d’un syndicat formé après la division d’une maison à l’occasion d’une succession, engagent unilatéralement des travaux de transformation de celle-ci en pièce à vivre. Les propriétaires de deux autres lots les assignent [1], ainsi que le syndic ès qualité, devant le TGI d’Ajaccio pour obtenir la remise en état antérieur.

Le TGI d’Ajaccio, par jugement du 12 janvier 2017 condamne les propriétaires à la remise en état initial correspondant à la destination mentionnée dans l’état descriptif de division notarié.

Les propriétaires de la cave interjettent appel et font valoir que les travaux dans la cave, partie privative, ne sont que l’usage de leur droit de transformer une cave en logement et que cette action ne porte pas atteinte à la destination de l’immeuble, ni préjudice aux copropriétaires. Les intimés ont, pour leur part, fait valoir que la pièce litigieuse était à usage de cave et qu’elle avait été aménagée en logement sans accord de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires. Ils ont fait valoir l’impossibilité de modifier unilatéralement la destination d’une partie privative définie par l’état descriptif de division.

 

Cette question, cent fois posée, est un classique : un copropriétaire peut-il librement modifier la destination d’un lot de copropriété ?

 

Contrairement à la position de la Cour de cassation en la matière, la cour d’appel a confirmé le jugement de première instance en affirmant, assez succinctement, l’interdiction de «transformer une cave en pièce à vivre», aggravant l’usage des parties communes et risquant de «dégrader les rénovations». Elle condamne à ce titre le propriétaire à remettre la cave «dans son état initial correspondant à la destination mentionnée dans l'état descriptif de division notarié́».

 

Cet arrêt démontre une certaine résistance des juges du fond à appliquer les critères posés par la Cour de cassation relatifs à la libre modification de la destination des lots (I), réitérant ainsi le débat qui n’est pas encore tout à fait figé sur la nature contractuelle de l’état descriptif, et souligne également une certaine confusion entre conditions et conséquences de la modification de la destination (II).

 

I - Les limites posées par la jurisprudence à la modification de la destination d’un lot retenues de manière extensive

 

Les critères de la modification de la destination d’un lot de copropriété ont été fixés par la Cour de cassation il y a près de quarante ans : la modification de la destination est libre dès lors qu’elle respecte la destination de l’immeuble et les droits des autres copropriétaires [2]. Ces critères sont désormais classiques et s’appliquent également à l’opération de division d’un lot [3].

 

Cette interprétation a toutefois donné lieu à une controverse, aussi vieille que la loi de 1965, opposant, d’un côté, les tenants de la liberté individuelle au sein du groupement que constitue le syndicat (sur fond d’absolutisme du droit de propriété) [4], et d’un autre côté, ceux qui défendent l’esprit communautaire de la loi de 1965 et le caractère contractuel du règlement de copropriété (et parfois aussi de l’état de descriptif de division) qui doit s’imposer à tous. La position du rapporteur devant l’Assemblée nationale synthétise cette seconde position : «dans une copropriété́, des locaux initialement réservés à l'usage d'habitation peuvent être transformés en locaux à usage commercial ou à usage professionnel à condition que le règlement de copropriété́ le permette» [5]. La Cour de cassation a pourtant retenu la première, plus protectrice des droits individuels : la modification est autorisée à défaut d’être valablement interdite par le règlement de copropriété, c’est-à-dire interdite conformément à la destination de l’immeuble [6]. Ce raisonnement est fondé sur l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 : «Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation» [7].

Ce sont ces deux courants qui, tant en pratique qu’en jurisprudence, s’opposent régulièrement. Il en résulte, comme le relève un auteur, «un subtil dosage entre ce qui est permis et ce qui est interdit, mais le problème posé doit toujours être éclairé par la destination générale de l’immeuble» [8].

 

Dans notre affaire, la cour d'appel de Bastia a retenu l’approche la plus stricte et a partiellement fondé son raisonnement sur l’opposabilité des mentions de l’état descriptif de division et non du règlement de copropriété. La cour semble en effet retenir le caractère contractuel de ce document. Or, il lui est souvent dénié, par la doctrine majoritaire [9] comme par la Cour de cassation [10] sauf dans certaines hypothèses particulières [11] qui s’avèrent de plus en plus nombreuses au fil du temps, ce qui fit écrire à ce sujet à Monsieur le Professeur Atias que les «qualifications juridiques semblent de plus en plus malléables ou poreuses» [12].

 

Le rejet de la qualification contractuelle était en effet discutable, à notre sens, dans la mesure où lorsque l’état descriptif de division n’est pas intégré au règlement de copropriété, et que ce règlement ne contient aucune clef de répartition des charges, l’état descriptif de division sera le document qui fixera, par défaut, la répartition des charges [13]. En outre, l’état descriptif qualifie le plus souvent la consistance et/ou la destination des lots. Refuser de prendre en compte ce document revient à refuser l’intention des parties qui l’ont institué d’en faire un document de référence. En l’état du droit et de la motivation de la cour d’appel, l’arrêt n’en demeure pas moins susceptible de cassation pour défaut de base légale, faute pour la Cour d’avoir recherché et constaté que le changement d’usage était contraire aux droits des autres copropriétaires ou à la destination de l’immeuble tel qu’elle résulte, valablement, du règlement de copropriété [14].

 

II - La confusion entre conditions et conséquences de la modification de la destination d’un lot

 

De la même manière que pour la division du lot, nous venons de le voir, la modification de la destination du lot est libre, selon les mêmes critères de respect de la destination de l’immeuble et l’absence d’atteinte aux droits des copropriétaires. Le propriétaire devra en revanche obtenir, a posteriori, l’autorisation de réaliser les travaux portant sur les parties communes nécessaires à ce changement ainsi que faire modifier, à l’article 25-e de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4825AH8), la répartition des charges rendue nécessaire par le changement d’usage. En conséquence, l’arrêt de la cour d’appel de Bastia semble susceptible, là encore, de cassation. D’une part, pour violation de la loi puisque la solution aboutit à interdire le changement d’usage sous prétexte de l’aggravation potentielle de l’usage des parties communes qui ne font pas pourtant l’objet d’une nécessaire modification d’après l’article précité. L’article 25-e de la loi du 10 juillet 1965, qui doit être lu avec l’article 11 du même texte, ne vise en effet que les charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun et non les charges générales relatives aux parties communes. D’autre part, pour défaut de base légale puisque cette aggravation ne se présume pas. Elle doit être rendue nécessaire, aux termes de l’article 25, par la modification de la destination du lot, ce qui suppose de l’apprécier in concreto [15]. Or, cette appréciation n’apparaît pas dans les motivations de la Cour.

 

Il n’en demeure pas moins que le raisonnement de la cour d’appel de Bastia est compréhensible car le problème de cette articulation des règles est que la modification de l’usage du lot peut entraîner une augmentation des charges liées à la conservation, à l’entretien et à l’administration déterminées selon la quote-part des parties communes de chaque lot (déterminées selon l’article 5 de la loi de 1965 N° Lexbase : L4856AHC).  Par exemple, le changement d’une habitation en un commerce de restauration augmentera la prime d’assurance. Il est injuste de permettre la modification à l’article 25-e et de ne pas avoir à modifier les quote-parts de charges générales. Injuste mais légal jusqu’à un infléchissement de la jurisprudence de la Cour de cassation ou une réforme de la loi de 1965.

 

La cour a également confondu l’interdiction de réaliser des travaux sur parties communes sans autorisation préalable et la modification, libre par principe sous réserve de respecter les critères préalablement énoncés, de la destination d’un lot. Là encore, la cour devait constater le changement de destination, et apprécier in concreto si les travaux portaient ou non atteinte aux parties communes ou aux droits des autres propriétaires. Le cas échéant, l’interdiction ne portait pas sur la modification de la destination mais sur les travaux eux-mêmes et devait alors être seulement prononcée la condamnation à la remise en état des parties communes, non le retour à la destination précédente du lot faute de caractériser une atteinte à la destination de l’immeuble ou une atteinte aux droits des autres copropriétaires.

 

Conseils pratiques :

 

1° La décision rendue rappelle la prudence nécessaire pour mener une opération de changement de destination des lots de cave mais également pour les lots de grenier et plus généralement de tous les lots dont la modification emporte les mêmes conséquences et créé un contentieux régulier tant sur le trouble de voisinage que sur l’aggravation des charges. Les praticiens -notaires, avocats, agents immobiliers et syndics de copropriété- devront utilement conseiller leurs clients au regard des critères posés par la Cour de cassation et éviter, à notre sens, d’interroger l’assemblée générale pour obtenir une autorisation inutile. En effet, contrairement à certains auteurs [16], il nous semble peu prudent de solliciter l’assemblée générale en amont de l’opération pour obtenir l’autorisation du changement de destination car si l’assemblée refuse l’opération, alors que le propriétaire aurait pu la mener sans autorisation, le refus lui sera opposable[17]. Il faudra, en revanche, veiller à obtenir les autorisations nécessaires à entreprendre les travaux sur les parties communes, modifier la répartition des charges d’équipements s’il y a lieu et, bien évidemment, obtenir toutes les autorisations administratives nécessaires [18].

 

2° Il est temps que le syndic -ou même le syndicat- ne soit plus assigné ès qualité de manière systématique dans ce genre d’affaire. La cour d’appel l’a heureusement souligné et a réformé le jugement de première instance sur ce point, rappelant qu’aucune demande n’avait été formulée contre lui et qu’en conséquence aucune condamnation ne pouvait être prononcée contre lui. Il n’y aucune raison d’assigner le représentant du syndicat, ou le syndicat, s’il ne lui est rien reproché. Cela permettra de réduire les coûts et délais de la procédure en évitant l’intervention totalement inutile d’une ou plusieurs parties.

 

3° Plus formellement, il faut noter que l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 vise l’usage du lot (tout comme l’article 14-3 N° Lexbase : L5470IGP), alors que les articles 8 (N° Lexbase : L4860AHH), 18-1 AA (N° Lexbase : L3636I4G) et 26 (N° Lexbase : L4826AH9) de la loi de 1965 visent la destination des parties privatives. La pratique cherche, parfois, à distinguer ces différents termes en considérant la destination restrictivement (commerce, habitation et bureaux) et l’usage plus largement (un local commercial peut-être à usage de cave, de boutique, etc. -ce qui consiste en une confusion avec le terme «consistance»). Il faudrait ainsi distinguer les deux en vue de l’application de l’article 25-e. Il faut au contraire admettre à notre sens que les deux termes recouvrent la même réalité́ selon les termes de la loi. La seule distinction possible repose sur les termes «affectation» et «consistance» employés à l’article 9 de la loi. Le premier recouvre les différentes activités possibles dans un même local selon une même destination (par exemple une activité́ de restaurant ou de vente au détail pour un local commercial) et c’est ce terme que la jurisprudence utilise lorsqu’elle contrôle l’adéquation entre l’activité́ exercée et la destination de l’immeuble. Le second est un critère de détermination des quotes-parts de charges, prenant en compte la destination du lot ainsi que la réalité matérielle des parties privatives (étage, ensoleillement, qualité des prestations, etc.). Il ne faut ainsi pas confondre la destination [19] ou l’usage, la consistance et l’affectation d’un lot qui recouvre trois réalités juridiques différentes.

D’un point de vue plus théorique, Il aurait peut-être été préférable de n’employer que le terme de destination et non celui d’usage dans le premier cas afin de ne pas créer de confusion avec celui d’affectation, qui lui est proche, et avec l’emploi à l’article 2 qui en fait le critère distinctif des parties communes et privatives selon qu’elles sont ou non à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé. La richesse du vocabulaire est certainement une opportunité afin de préciser des règles mais elle est aussi source de difficulté pratique lorsqu’il est employé de manière erratique. A l’occasion de la réforme du droit de la copropriété, outre l’utile modification des règles relatives à la répartition des charges et de quotes-parts de copropriété qui apparaît nécessaire, un travail de forme pourrait utilement être opéré pour éviter toute discordance [20]. Le législateur serait ainsi fort inspiré de déterminer un vocabulaire précis relatif à la destination, l’affectation, l’usage et la consistance, afin qu’il ne puisse plus y avoir de confusion et que ce vocabulaire soit lui-même harmonisé avec celui employé en droit de l’urbanisme et en droit de la construction et de l’habitation. A l’heure où l’on souhaite harmoniser le droit européen, il nous paraît indispensable de commencer par harmoniser le vocabulaire en droit interne…

 

[1] Il faut rappeler à cette occasion que l’action engagée est ouverte au syndicat ainsi qu’à chaque copropriétaire qui dispose d’un pouvoir concurrent à celui du groupement sans avoir à démontrer un préjudice personnel (initialement exigé par la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 9 janvier 1973, n° 71-13.028  N° Lexbase : A2776CKZ, Bull. civ. III, n° 31 ; Cass. civ. 3, 20 mars 1979, n° 77-15.880 N° Lexbase : A2521CI9, Bull. civ. III, n° 70) le critère a été abandonné et l’action largement ouverte aux copropriétaires (Cass. civ. 3, 11 mai 1982, n° 81-10.368 N° Lexbase : A0398CH9, Bull. civ. III, n° 120 ; Cass. civ. 3, 22 juillet 1987, n° 86-11.587 N° Lexbase : A5960CIL, Bull. civ. III, n° 155). Chaque copropriétaire a le droit d’exiger le respect du règlement de copropriété (V° J.-R. Bouyeure, Les copropriétaires peuvent-il agir à titre individuel pour obtenir le respect du RCP ?, AJPI, 1970, 175 ; Cass. civ. 3, 14 décembre 2004, n° 03-19.142, F-D (N° Lexbase : A4856DEL), AJDI, 2005, p. 581, obs. Cl. Giverdon ; Cass. civ. 3, 7 mai 2008, n° 07-13.409, FS-P+B (N° Lexbase : A4443D83), Bull. civ. III, n° 76 ; D., 2008, p. 1413, obs. Y. Rouquet), qui a nature d’un contrat (Cass. civ. 3, 22 mars 2000, n° 98-13.345 et n° 98-15.595 N° Lexbase : A5467AWE, Bull. civ. III, n° 64 ; D., 2001, p. 345, J.-R. Bouyeure ; RDI, 2000, p. 248, obs. Cl. Giverdon ; D., 2001, p. 345, obs. Ch. Atias), sans avoir à démontrer un préjudice personnel et spécial distinct de celui dont souffrirait la collectivité́ des membres du syndicat (Cass. civ. 3, 22 mars 2000, n° 98-13.345 et n° 98-15.595, précité ; Cass. civ. 3, 14 janvier 2016, n° 14-25.538, FS-D N° Lexbase : A9553N39 ; Cass. civ. 3, 4 novembre 2008, n° 07-18.067, F-D N° Lexbase : A1651EBR, LEDIU, 1er  janvier 2009, no 1, p. 2, obs. J.-M. Roux ; v° sur le sujet : Cl. Giverdon, L’action individuelle des membres d’un groupement, JCP, 1955, I, 1244 ; J. Cabanac et C. Michalopoulos, L’exercice des actions en justice sous le régime de la copropriété́, Gaz. Pal., 1965, 1, Doctr. p. 119 ; v° également pour une remise en question de cette prérogative individuelle dans le cadre collectif qu’est le syndicat : P.-E. Lagraulet, Les fonctions du syndic de copropriété, Thèse, Paris 2, 2018, n° 296).

[2] V° pour un point sur la question : P. Capoulade et D. Tomasin (ss. la dir.), La copropriété, Dalloz action, 9ème éd., 2018, n° 211.81 et s. ; v° également, C. Sabatié, Copropriété, Delmas, 2015, 182.11 et s..

[3] V° P. Capoulade et D. Tomasin (ss. la dir.), précit., n° 232.44 et s..

[4] La position se retrouve en matière de division de lot pour laquelle la Cour de cassation a rappelé la liberté et l’opposabilité par la notification au syndic, quand bien même les charges afférentes aux fractions issus du lot divisé n’auraient pas été modifiées par l’assemblée générale : v° Cass. civ. 3, 7 février 2019, n° 17-31.101, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3275YW9), Lexbase, éd. priv., n° 774, 2019, note P.-E. Lagraulet (N° Lexbase : N7901BXW).

[5] Zimmerman, AN, séance du 22 avril 1965, JOAN, n° 19, 23 avril 1965, p. 833.

[6] Pour des exemples récents, v° Cass. civ. 3, 5 décembre 2007, n° 06-16.031, FS-D (N° Lexbase : A0318D38) ; Cass. civ. 3, 4 juillet 2012, n° 11-16.051, FS-D (N° Lexbase : A4860IQ3) ; Cass. civ. 3, 17 mars 2016, n° 14-26.954, F-D (N° Lexbase : A3494Q8W).

[7] Ce raisonnement était soutenu par la doctrine dès après l’adoption de la Loi, v° not. Fr. Givord et
Cl. Giverdon, La copropriété, Dalloz, 1968, n° 286.

[8] E. Kischinewsky-Broquisse, La copropriété des immeubles bâtis, Litec 4ème éd. 1989, p. 112, n° 104.

[9] R. Martin, La nature juridique de l’état descriptif de division, Ann. Loyers, 1983, p. 98 ; B. Boccara, La copropriété́ sans désinformation, JCP éd. N, 1983, I, 3115, n° 23 et s. ; S. Lamiaux, L'état descriptif de division «forcée», JCP éd. N, n° 5, 30 janvier 2015, 1062 ; W. Dross, Droit civil. Les choses, LGDJ, 2012, p. 394, n° 208-1 ; Fl. Bayard-Jammes, La nature juridique du droit du copropriétaire immobilier, Thèse, LGDJ, 2003, p. 134 ; Contra : P.-E. Lagraulet, Thèse, précit., n° 74 et s..

[10] Cass. civ. 3, 8 juillet 1992, n° 90-11.578 (N° Lexbase : A3133ACZ), Bull. civ. III, n° 241 ; D., 1993, 1, note P. Capoulade et Cl. Giverdon ; Cass. civ. 3, 18 novembre 1992, n° 91-16.078 (N° Lexbase : A6488CW9), Loyers et copr., 1993, n° 67 ; Cass. civ. 3, 30 mai 1995, n° 93-16.021 (N° Lexbase : A4241C79), RDI, 1995, 582, obs. P. Capoulade ; Cass. civ. 3, 2 février 1999, n° 97-13.814 (N° Lexbase : A1525CL3), Loyers et copr., 1999, n° 102 ; Cass. civ. 3, 7 septembre 2011, n° 10-14.154, FS-P+B (N° Lexbase : A5428HXC), Bull. civ. III, n° 141 ; D. act., 16 septembre 2011, obs. Y. Rouquet ; Cass. civ. 3, 8 avril 2014, n° 13-11.633, F-D (N° Lexbase : A0886MKZ) ; Cass. civ. 3, 7 septembre 2017, n° 16-18.331, F-P+B (N° Lexbase : A1146WRU), Loyers et copr., n° 11, novembre 2017, comm. 220, A. Lebatteux, AJDI, 2018, p. 43, obs. D. Tomasin. Dans une position plus ancienne, la Cour de cassation qualifiait ce document de contractuel : Cass. civ. 3, 15 mai 1973, n° 72-11.473 (N° Lexbase : A5589CHH), Bull. civ. III, n° 341 ; Cass. civ. 3, 17 mars 1976, n° 74-14.418 (N° Lexbase : A8333CH4), Bull. civ. III, n° 125 ; Cass. civ. 3, 24 mars 1981, n° 79-17.033 (N° Lexbase : A5175CZP), JCP, 1983, II, 20063, note R. Martin.

[11] V° en ce sens : Cass. civ. 3, 12 janvier 2011, n° 09-13.822, FS-D (N° Lexbase : A9645GPW) ; Cass. civ. 3, 6 juillet 2017, n° 16-16.849, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8375WLR), IRC, septembre 2017, n° 631, p. 10 et s., obs. J.-M. Roux, Administrer, n° 513, octobre 2017, p. 65 et s., obs. J.-R. Bouyeure, LEDIU, octobre 2017, n° 9, p. 2, obs. G. Gil, Loyers et copr., 2017, comm. 219, note A. Lebatteux, D. act., 26 juillet 2016, obs. A. Gailliard.

[12] Ch. Atias, Rep. droit imm., Dalloz, v° Copropriété des immeubles bâtis, n° 196.

[13] Le droit belge, inspiré par le droit français, ne pose aucune difficulté́ en la matière : les deux actes, de nature conventionnelle, forment les statuts de l’immeuble : «Que ces deux documents soient distincts l’un de l’autre ou forment les deux parties d’un seul et même instrumentum, le tout porte le nom générique de statuts, de façon à rappeler la terminologie usitée en matière de société́, d’association sans but lucratif et d’établissements d’utilité́ publique», in L. Barnich et M. Van Molle (ss. la dir.), Les Copropriétés. Actualités jurisprudentielles et bilan de 5 années de pratique de la loi du 2 juin 2010, Anthemis, 2016, p. 38.

[14] Cass. civ. 3, 21 octobre 1992, n° 90-21.148 «Attendu que la cour d'appel, qui n'avait pas à se référer aux énonciations de l'état descriptif de division et qui a relevé que l'immeuble étant à usage mixte d'habitation et de commerce, le règlement de copropriété n'interdisait pas l'affectation à usage commercial de locaux utilisés bourgeoisement, a, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, constaté qu'une activité commerciale dans une cave n'était pas contraire à la destination de l'immeuble et que le syndicat des copropriétaires n'établissait pas l'existence de nuisances sonores pendant la nuit ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé» ; v° pour un cellier transformé en local à usage d’habitation, Cass. civ. 3, 3 juin 1998, n° 96-20.142 (N° Lexbase : A8760CLZ) ; v° également en ce sens, pour le changement d’usage de garage en local de vente, Cass. civ. 3, 11 décembre 2012, n° 11-25.339, F-D (N° Lexbase : A1171IZE).

[15] V° Cass. civ. 3, 28 janvier 2016, n° 14-26.921 (N° Lexbase : A3402N77), AJDI, 2016, p. 610, obs. D. Tomasin ; ce vote doit toutefois être envisagé même lorsque le changement de destination est prévu par le règlement de copropriété : Cass. civ. 3, 1er octobre 2014, n° 13-21.745, FS-P+B, (N° Lexbase : A7935MX8), AJDI, 2015, p. 288, obs. D. Tomasin, Gaz. Pal., 20 novembre 2014, n° 324, p. 18, obs. S. Benilsi («Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt relève que le règlement de copropriété prévoit que les appartements ne pourront être occupés que bourgeoisement ou affectés à l'exercice d'une activité libérale et retient qu'il n'y a pas eu changement d'usage au sens de l'article 25, f, de la loi du 10 juillet 1965 dès lors que le copropriétaire n'a fait qu'user de son lot conformément aux stipulations du règlement de copropriété ; Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 25, f, de la loi du 10 juillet 1965 est applicable alors même que le nouvel usage du lot est prévu par le règlement de copropriété, la cour d'appel a violé le texte susvisé»).

[16] V° en ce sens C. Chazelle, Le souplex, une idée à creuser, IRC, 2017, n° 630, p. 22 (l’auteur invite à faire voter le changement à la majorité de l’article 24 «afin de sécuriser le projet», bien que «cette autorisation ne soit pas obligatoire». Ch. Atias, il y a trente ans, invitait déjà à procéder de la sorte afin de «donner toute sécurité à l’opération», v° Ch. Atias, Pour servir à la pratique du changement de la destination des parties privatives, JCP éd. N, 20 novembre 1987, 101318.

[17] Cass. civ. 3, 8 juin 2017, n° 16-16.566, FS-P+B (N° Lexbase : A4455WHH), AJDI, 2017, p. 780, obs. D. Tomasin, Loyers et copr., septembre 2018, comm. 202, Ch. Coutant-Lapalus, Defrénois, 7 décembre 2017, p. 30, obs. L.-A. Poletti.

[18] V° sur ce sujet : A. Longuépée, Sous-sol, copropriété et urbanisme, IRC, juillet-août 2017, p. 23 ; les règles d’urbanisme, du règlement sanitaire département, du plan local d’urbanisme du Code de la santé publique seront ainsi à prendre en compte avant toute transformation, comme le rappelle également C. Chazelle, précit. ; sur une application couplée des règlements sanitaires et des règles de la copropriété, v° Cass. civ. 3, 6 septembre 2018, n° 17-22.172, F-D (N° Lexbase : A7185X3I), Defrénois, 14 février 2019, n° 7, p. 28, obs. L.-A. Poletti.

[19] Il faut ici préciser toutefois que la destination a un sens double visant à la fois la destination particulière des parties privatives et la destination de l’immeuble en général, ce qui n’est pas non plus sans entraîner des difficultés de compréhension. V° sur ce sujet, Ch. Atias, La «destination» des parties privatives, AJDI, 2011, p. 433.

[20] Le problème se pose de la même manière en droit de la construction et de l’urbanisme. V° sur cette difficulté
P. Wallut et G. Daudre, De l’affectation, de l’usage et de la destination des immeubles, Defrénois,
30 juillet 2012, n°13-14, p. 679 et s.. Notons d’ailleurs qu’il existe davantage de «destinations» en urbanisme qu’en copropriété : habitation, hébergement hôtelier, bureaux, commerce, artisanat, industrie, exploitation agricole ou forestière, entrepôt, services publics ou d’intérêt collectif (v° C. urb., art. R. 123-9 N° Lexbase : L3518HW9).

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Droit des étrangers

[Brèves] Publication d’un nouveau décret d’application de la loi «Asile et immigration»

Réf. : Décret n° 2019-141 du 27 février 2019, pris pour l'application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie et portant diverses dispositions relatives au séjour et à l'intégration des étrangers (N° Lexbase : L3986LPC)

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N7939BXC

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par Yann Le Foll

Le 13 Mars 2019

 Publié au Journal officiel du 28 février 2019, le décret n° 2019-141 du 27 février 2019, pris pour l'application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie et portant diverses dispositions relatives au séjour et à l'intégration des étrangers (N° Lexbase : L3986LPC), porte application des titres Ier et IV de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018.

 

Il contient des dispositions relatives au dépôt des demandes de titres de séjour par les personnes ayant, par ailleurs, fait une demande d'asile (chapitre Ier). Il tire les conséquences de la création de cartes de séjour pluriannuelles au bénéfice des protégés subsidiaires et apatrides et fixe les règles de dépôt des demandes et d'instruction de ces demandes de titres de séjours (chapitre II).

 

Il assure la transposition de la Directive 2016/801/UE du 11 mai 2016 (N° Lexbase : L1805K8D), relative au séjour à des fins de recherche, d'études, de stage, de volontariat, d'activité de jeune au pair et de recherche d'emploi ou de création d'entreprise (chapitre III), y compris dans le Code du travail (chapitre VII). Il contient également des dispositions relatives au séjour des ressortissants de l'Union européenne (chapitre IV).

 

Il ouvre un cas d'admission exceptionnelle au séjour pour les personnes accueillies dans des organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires (OACAS), après trois années de présence dans ces organismes (chapitre V). Le décret contient des dispositions relatives au contrat d'intégration républicaine et au parcours d'intégration des signataires de ce contrat (chapitre VI).

 

Enfin, le chapitre VIII du présent décret contient des dispositions relatives à certains titres de séjour, notamment à la carte de séjour temporaire «visiteur» et au «passeport-talent».  

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Expropriation

[Chronique] Chronique de droit de l’expropriation – Mars 2019

Réf. : Cass. civ. 3, 6 décembre 2018, n° 17-24.312, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2748YPH) ; Cass. civ. 3, 20 décembre 2018, n° 17-18.194, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0772YRZ) ; Cass. civ. 3, 17 janvier 2019, n° 17-28.914, F-D (N° Lexbase : A6687YTT)

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N7946BXL

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par Pierre Tifine, Professeur de droit public à l’Université de Lorraine, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique, Doyen de la faculté de droit, économie et administration de Metz

Le 13 Mars 2019

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d’actualité de droit de l’expropriation rédigée par Pierre Tifine, Professeur à l’Université de Lorraine et doyen de la faculté de droit économie et administration de Metz. Dans la première décision commentée, la Cour de cassation rappelle les limites de la compétence du juge judiciaire qui est exclue dans les hypothèses où l’implantation d’un ouvrage public n’est pas la conséquence directe de l’expropriation (Cass. civ. 3, 6 décembre 2018, n° 17-24.312). Une deuxième décision traite de la question de l’indemnisation d’un locataire bénéficiant d’une autorisation précaire d’exploiter un fonds de commerce (Cass. civ. 3, 20 décembre 2018, n° 17-18.194). Enfin, sera abordée la question de la détermination de la date à laquelle l’usage effectif des biens doit être apprécié (Cass. civ. 3, 17 janvier 2019, n° 17-28.914).

  • L’indemnisation du préjudice résultant de l’implantation d’un ouvrage public et qui n’est pas la conséquence directe de l’emprise pour laquelle l’expropriation a été ordonnée ne relève pas de la compétence du juge de l’expropriation (Cass. civ. 3, 6 décembre 2018, n° 17-24.312, FS-P+B+I N° Lexbase : A2748YPH)

 

Lorsqu’une expropriation a été ordonnée en vue de la construction d’un ouvrage public, il est est souvent difficile de déterminer si le préjudice dont il est demandé réparation est ou une non une conséquence directe de cette expropriation. Selon la réponse apportée à cette question, c’est le juge de l’expropriation ou le juge administratif qui sera compétent.

 

Dans la présente affaire, la Régie autonome des transports parisiens (RATP) avait poursuivi l’expropriation d’une partie du tréfonds d’une parcelle appartenant aux requérants et elle critique, devant la troisième chambre civile de la Cour de cassation, la méthode d’évaluation des biens retenue par la cour d’appel de Paris. La cour d’appel avait fixé l’indemnité principale d’expropriation du tréfonds à 26 406 euros et l’indemnité de remploi à 3 641 euros, et elle avait précisé que l’indemnité pour dépréciation du surplus du terrain serait égale au surcoût imposé par la présence du tunnel à la construction d’un immeuble de deux niveaux de sous-sols qui est projetée par les personnes expropriées.

 

L’article L. 321-1 du Code de l’expropriation pour cause d'utilité publique (N° Lexbase : L7987I4L) précise que «les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation». En l’espèce, c’est le caractère direct du préjudice résultant de la dépréciation du surplus du terrain qui est contesté par la RATP. Il est ici utile de rappeler que cette indemnité est versée au titre des préjudices accessoires relatifs aux terrains conservés par le propriétaire et tenant essentiellement à la perte de valeur vénale de ces terrains et à la détérioration de leurs conditions d’exploitation.

 

L’essentiel de la jurisprudence consacrée à la détermination du caractère direct des préjudices subis concerne des cas où une parcelle, qui est généralement une exploitation agricole, est coupée en deux. Dans ce cas, le préjudice n’est indemnisable que si la nouvelle configuration de la propriété du requérant est la conséquence directe de l’expropriation. Il en va ainsi lorsqu’une opération d’expropriation a eu pour effet de diviser une propriété d’un seul tenant en deux parties séparées par une nouvelle route et comprenant, l’une, la maison d’habitation et les bâtiments d’exploitation, l’autre, les pâturages. Dans cette hypothèse, c’est le juge de l’expropriation qui est compétent pour attribuer une indemnité en vue de construire une nouvelle étable dans les pâturages en vue d’éviter aux bêtes de traverser la route, ce qui représenterait un danger, à la fois pour elles et pour les automobilistes [1]. En revanche, ne peuvent être indemnisés par le juge de l’expropriation, les dommages qui ne résultent pas directement de l’emprise foncière mais qui ne sont que la conséquence future ou éventuelle de la présence ou du fonctionnement des ouvrages publics dont la réalisation a nécessité l'expropriation. Dans ce cas, c’est le juge administratif qui est compétent, et le requérant n’obtiendra réparation qu’à condition de démontrer qu’il a subi un préjudice anormal et spécial. Ainsi, lorsque l’exploitation est scindée en deux par l’expropriation, mais que la réalisation de l’ouvrage en aggrave les conditions d’exploitation soit en incorporant des cheminements existants dans l’emprise, soit en rendant plus difficile le franchissement de l’ouvrage, il ne peut s’agir que d’un dommage de travaux publics éventuellement indemnisable par le juge administratif au titre de l’allongement de parcours [2]. D’autres types de dommages peuvent d’ailleurs être réparés à ce titre qu’il s’agisse, par exemple, d’une perte de visibilité [3], de nuisances sonores ou du préjudice d’agrément [4]. Il est ici intéressant de constater que puisqu’il s’agit d’un dommage distinct de celui qui est consécutif au transfert de propriété, l’indemnité allouée va s’ajouter à celle déjà fixée par le juge de l’expropriation au titre de la dépréciation du surplus [5].

 

Au sens de cette jurisprudence, il apparaît clairement que le préjudice dont il est demandé réparation dans ces différentes affaires n’est pas directement lié à l’expropriation. Comme on l’a vu, la plupart des cas litigieux s’inscrivent sur un plan horizontal, dans le sens où l’expropriation aboutit à scinder une propriété en deux. L’originalité de la présente affaire est liée au fait que l’expropriation ne porte que sur le tréfonds des parcelles concernées, ce qui fait qu’elle s’inscrit sur un plan vertical. La question qui se pose ici consiste à déterminer si le surcoût qu’est susceptible d’entraîner l’expropriation du tréfonds en cas de réalisation d’un projet de construction d’immeuble avec sous-sols - qui ne constitue en réalité qu’un avant-projet sommaire - est directement lié à l’expropriation. Comme le souligne un rapport d’expertise, le coût de la construction sera certainement augmenté par la réalisation de fondations spéciales qui descendront ancrer l’immeuble de part et d’autre du tunnel et à un niveau inférieur à celui-ci ainsi que par la réalisation de dispositifs qui devront être mis en place pour neutraliser les vibrations consécutives au passage des trains. Mais il s’agit là, à l’évidence, non pas d’une conséquence directe de l’emprise pour laquelle l’expropriation a été ordonnée, mais d’une conséquence probable de l’implantation future de l’ouvrage public que constitue le tunnel. S’agissant d’un préjudice lié la construction d’un ouvrage public, seul le juge administratif est compétent pour le réparer.

 

  • Indemnité d’éviction d’un locataire bénéficiant d’une autorisation précaire d’exploiter un fonds de commerce sur une terrasse objet de l’expropriation (Cass. civ. 3, 20 décembre 2018, n° 17-18.194, FS-P+B+I LXB=A0772YRZ])

 

La jurisprudence concernant le caractère indemnisable des préjudices subis par les personnes expropriées est particulièrement riche et casuistique comme l’illustre l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 20 décembre 2018. En application de l’article L. 321-1 du Code de l’expropriation pour cause d'utilité publique : «les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation». La particularité de l’arrêt commenté est qu’il ne concerne pas directement les caractères du préjudice subi visés par cet article mais la question de savoir si le requérant peut se prévaloir d’un droit ou d’un intérêt «juridiquement protégé». Ainsi le juge judiciaire a-t-il pu considérer que ne pouvait faire l’objet d’une indemnisation la perte d’un fonds de commerce pour l’exploitation duquel l'intéressé ne disposait plus, à la date de l'ordonnance d’expropriation, d’une autorisation administrative régulière [6]. De même, n’est pas réparé le préjudice occasionné par la perte d’une ressource provenant d’un ouvrage illégalement édifié [7] ou encore par la destruction d’une construction édifiée sans permis de construire, à moins que l’infraction pénale ne soit prescrite [8].

 

La jurisprudence est toutefois parfois plus nuancée sur ces questions que l’on pourrait le penser de prime abord. Il a ainsi été jugé que devait être indemnisé l’exploitant d’une carrière de concassage, alors même que sa situation était irrégulière, dès lors toutefois que le zonage du plan d’occupation des sols permettait cette exploitation [9]. L’arrêt commenté s’inscrit dans cette ligne. En l’espèce, la société X était titulaire d’une autorisation temporaire de créer une terrasse fermée -une véranda- qui lui avait été accordée à titre gratuit et précaire, le 18 mars 1981, par l’association syndicale libre de la zone d’aménagement concertée et par le syndicat des copropriétaires en vue de l’exploitation de son fonds de commerce. La cour d’appel de Versailles avait décidé de lui accorder à ce titre une indemnité d’un montant de 104 900,60 euros qui est contestée devant la Cour de cassation par l’expropriant.

 

Dans un arrêt du 6 mars 1991, la Cour de cassation avait décidé que ne devait pas donner lieu à réparation le préjudice afférent à une construction édifiée à titre précaire sur la base d’une autorisation temporaire [10]. Toutefois, il avait été relevé par la Cour, dans sa décision, que la convention stipulait que «le contrat prendra fin sans aucune formalité en cas d’expropriation, sans que le preneur puisse prétendre à aucune indemnité». Dans la présente affaire, en revanche, le cas d’une expropriation et de ces conséquences en matière indemnitaire n’était pas prévu dans le cadre de l’autorisation consentie à la société X. Il était incontestable, par ailleurs, que cette autorisation était toujours en vigueur au moment où le juge de l’expropriation a été amené à statuer sur les indemnités. Ainsi, si la société X bénéficiait d’une simple autorisation précaire d’exploiter son fonds sur la terrasse, objet de l’expropriation, elle n’en disposait pas moins d’un droit juridiquement protégé. Il est probable, également, que les juges aient pris en considération l’ancienneté de cette autorisation -plus de 35 ans- pour considérer que l’occupant pouvait se prévaloir d’un droit juridiquement protégé. Enfin, il est incontestable que c’est bien l’expropriation qui est à l’origine directe du préjudice financier subi par la société X. Le pourvoi en cassation exercé par la société Y est en conséquence rejeté.

 

  • Rappel des règles relatives à la détermination de la date à laquelle l’usage effectif des biens doit être apprécié (Cass. civ. 3, 17 janvier 2019, n° 17-28.914, F-D N° Lexbase : A6687YTT)

 

L’arrêt de la cour d’appel de Douai en date du 25 septembre 2017, qui fait l’objet d’un pourvoi en cassation, est critiqué en ce qu’il fixe les indemnités de dépossession dues à M. et Mme X à une somme de 336 030 euros, par suite de l’expropriation, au profit de la société d’économie mixte Ville renouvelée, de parcelles leur appartenant. L’arrêt rendu par la Cour de cassation permet de réaffirmer les règles, assez complexes, relatives à la détermination de la date à laquelle la consistance des biens expropriés doit être estimée.

 

Il est important, tout d’abord, d’insister sur le fait que l’expropriation constitue un mode de cession forcée des biens. En conséquence, ce que doit percevoir l’exproprié, ce n’est pas un prix qui correspondrait une vente mais une indemnité qui correspond à la réparation du préjudice subi. Ainsi, comme le précise l’article L 321-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les indemnités allouées doivent couvrir «l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation». Si l’application de ces dispositions fait l’objet d’une jurisprudence foisonnante et particulièrement casuistique, dont il a été fréquemment été question dans ces colonnes, elles ne sont pas au cœur de l’arrêt qui fait l’objet du présent commentaire. En effet, les dispositions ici en cause sont celles de l’article L. 322-1 et de l’article L. 322-2 (N° Lexbase : L9923LMH).

 

L’article L. 322-1 précise que «le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété».  L’article L. 322-2 précise quant à lui que les biens «sont estimés à la date de la décision de première instance». Avant la loi d’orientation agricole du 26 juillet 1962, les biens étaient évalués en tenant compte de leur possibilité d’utilisation immédiate. Pour éviter la spéculation foncière et la surévaluation des terrains consécutifs à l’annonce de travaux, cette loi a introduit la règle selon laquelle doit être pris en considération l’usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l’ouverture de l'enquête prévue aux actuels articles L. 110-1 (N° Lexbase : L7929I4G) à L. 121-2 ou, dans le cas visé à l'article L. 122-4 (N° Lexbase : L7940I4T) [11], un an avant la déclaration d’utilité publique. De même, dans la dernière version de cet article, issu de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018,  portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (N° Lexbase : L8700LM8), dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l’article L. 121-8 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L1019LKX) ou par l’article 3 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010, relative au Grand Paris (N° Lexbase : L4020IMT), est pris en compte le jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ou, lorsque le bien est situé à l’intérieur du périmètre d’une zone d’aménagement concerté, à la date de publication de l’acte créant la zone, si elle est antérieure d’au moins un an à la date d'ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique.

 

C’est à la date de référence -et non pas celle du transport sur les lieux [12] ou de l’ordonnance d’expropriation [13]- que doit se placer le juge pour apprécier l’usage effectif du bien, les critères de qualification ainsi que les possibilités de construction. En l’espèce, il y avait lieu de prendre en considération l’usage effectif de la parcelle litigieuse un avant l’ouverture de l’enquête publique. Les requérants font grief à l’arrêt attaqué de ne préciser ni la date de référence ni la qualification de la parcelle. Mais pour que ce moyen soit admis, il est nécessaire de démontrer qu’il y a eu une modification dans l’usage effectif du bien, ou à tout le moins qu’il aurait pu être évalué selon une qualification ou un usage différents de ceux retenus par les juges du fond. Tel n’est pas le cas en l’espèce, ce qui conduit la Cour de cassation à rejeter le pourvoi.

 

[1] T. confl., 5 décembre 1977, n° 02058 (N° Lexbase : A8113BDT), Rec. p. 669, AJPI, 1978, p. 734, note Ph. Chateauraynaud.

[2] T. confl., 15 janvier 1979, n° 02107 (N° Lexbase : A8282BD4), Rec. p. 560, RD rur., 1979, p. 350, chron. Y. Jégouzo, CJEG, 1979, p. 35, note P. Sablière, RDP, 1980, p. 259, chron. J.-B. Auby.

[3] V. par exemple Cass. civ. 3, 14 janvier 1998, n° 96-70.153 (N° Lexbase : A9174CSL).

[4] Cass. civ. 3, 22 avril 1976, n° 75-70.058 (N° Lexbase : A5478CIQ), Bull. civ. 1978, III, n° 158 (prise en compte de la dégradation d'un environnement calme et naturel).

[5] CE, 4 octobre 2000, n° 198417 (N° Lexbase : A3265AT4), AJDI, 2001, p. 451, note R. Hostiou.

[6] Cass. civ. 3, 15 juin 1977, n° 76-70.215 (N° Lexbase : A5755CHM), Bull. civ. III, 1977, n° 266 ; Cass. civ. 3, 25 février 1998, n° 97-700.04 (N° Lexbase : A9841AGL), AJDI, 1998, p. 939, note A. Lévy ; v. aussi Cass. civ. 3, 31 octobre 2001, n° 00-70.176 (N° Lexbase : A9906AWS), AJDI, 2002, p. 234, obs. C. Morel, RD imm., 2002, p. 533, obs. C. Morel.

[7] Cass. civ. 3, 8 juin 2010, n° 09-15.183 (N° Lexbase : A0145EZE).

[8] CA Paris, 7 juillet 1989, Pedro c/ Samboe, JCP éd. G, 1989, IV, comm. 372.

[9] Cass. civ. 3, 7 mai 1996, n° 95-70.089 (N° Lexbase : A1236CPH), AJPI, 1996, p. 1026, obs. A. Lévy.

[10] Cass. civ. 3, 6 mars 1991, n° 89-70.226 (N° Lexbase : A4218CNK), AJPI, 1991, p. 602, obs. A.B.

[11] Cet article concerne la procédure d’expropriation relative aux opérations secrètes intéressant la défense nationale.

[12] Cass. civ. 3, 31 mai 1995, n° 94-70.081 (N° Lexbase : A8678ABZ), Bull. civ. III, n°136, AJPI, 1996, p. 52, obs. C.M., JCP éd. G, 1995, IV, comm. 1805, RD imm. 1995, p. 727, obs. C.M.

[13] Cass. civ. 3, 27 mars 1996, n° 94-70.299 (N° Lexbase : A6528AHA), JCP éd. G 1996, IV, comm. 1196.

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Annulation d’un commentaire de l’administration fiscale relatif aux charges financières afférentes à l’acquisition de certains titres de participation

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 7 mars 2019, n° 421688, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0251Y3P)

Lecture: 2 min

N7982BXW

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par Marie-Claire Sgarra

Le 11 Mars 2019

Le paragraphe n° 70 des commentaires administratifs publiés le 29 mars 2013 au BoFip sous la référence BOI-IS-BASE-35-30-10 est annulé.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 7 mars 2019 (CE 8° et 3° ch.-r., 7 mars 2019, n° 421688, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0251Y3P).

 

Pour rappel, l’article 209 IX du Code général des impôts (N° Lexbase : L9042LN9) prévoit, par principe, la réintégration dans le résultat imposable des charges financières afférentes à l’acquisition de certains titres de participation. Par exception, ces mêmes dispositions permettent que ces charges soient déduites lorsqu’il est démontré que la société détentrice des titres, sa société mère ou l’une de ses sociétés sœurs, à condition qu’elles soient établies en France, exercent le pouvoir de décision sur les titres, et le cas échéant, exercent effectivement le pouvoir de contrôle ou d’influence sur la société acquise.

 

Par une décision du 30 novembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-748 QPC, du 30 novembre 2018 N° Lexbase : A4442YNT), le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution ces dispositions, sous réserve qu’elles n’interdisent pas la déduction des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation lorsqu’il est démontré que le pouvoir de décision sur ses titres et, le cas échéant, le pouvoir de contrôle effectif sur la société acquise sont exercés par des sociétés établies en France autres que les sociétés mère ou sœur de la société détentrice des titres et appartenant au même groupe que cette dernière.

 

Le paragraphe attaqué de la doctrine fiscale précise expressément que l’exclusion du droit à déduction des charges financières afférentes à l’acquisition de certains titres de participation, s’applique aux titres de participation détenus par une société qui ne peut pas apporter la preuve que les décisions relatives à ces titres sont prises par elle ou par toute société établie en France, la contrôlant ou contrôlée par cette dernière et, lorsque le contrôle ou une influence est exercé par la société dont les titres sont détenus, la société détenant les titres, ou une société établie en France la contrôlant ou que cette dernière contrôle, exerce le contrôle ou une influence sur la société dont les titres sont détenus. Cependant, les commentaires s’abstiennent de faire mention de la possibilité pour la société, d’apporter la preuve que le pouvoir de décision sur ces titres, et le cas échéant, le pouvoir de contrôle effectif sur la société acquise sont exercés par des sociétés établies en France autres que les sociétés mère ou sœur de la société détentrice des titres et appartenant au même groupe que cette dernière. En conséquence, ces commentaires sont annulés (cf. le BoFip Impôts annoté N° Lexbase : X0065AMD).

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Justice

[Le point sur...] «Analyse du risque» et «responsabilité exclusive» - La Cour de cassation face à l’Open data : retour sur les propos du président Bruno Pireyre.

Lecture: 13 min

N7969BXG

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par Pierre-Louis Boyer, Maître de conférences HDR, UCO Angers - IODE Rennes 1

Le 14 Mars 2019

Mots-clefs : Analyse • Cour de cassation • Bruno Pireyre • Open data • décisions de justice

 

Le 31 janvier 2019, le président Bruno Pireyre, président de chambre à la Cour de cassation, répondait aux questions du Journal spécial des sociétés en tant que directeur du service de documentation, des études et du rapport (SDER), des services des relations internationales et de la communication [1]. C’était l’occasion de revenir sur le rôle de la Cour de cassation dans la mise en œuvre de l’Open data des décisions de justice, à la suite du rapport dit «Cadiet» [2], et plus particulièrement sur les risques que peut entraîner cet Open data et sur la responsabilité de la Cour de cassation à cet égard, tant comme institution formalisant la diffusion dématérialisée des décisions de justice, que comme Haute juridiction française, et donc partie prenante de la jurisprudence à diffuser. Il n’est donc pas ici question de rappeler les développements déjà abondants dans la littérature juridique sur l’Open data et la justice prédictive [3], mais de se pencher sur les dernières réflexions du président Bruno Pireyre, directement concerné par ces modifications technologiques car en charge, à la Cour de cassation, de ce SDER qui accueille désormais, pour l’année 2019 et dans le cadre de la mission publique ETALAB, deux data scientists et un développeur informatique qui seront amenés à «développer des outils toujours plus performants d’anonymisation des décisions de justice» [4].

 

 

I - La responsabilité de la Cour de cassation face à l’Open Data

 

Le président Pireyre affirme tout d’abord que cette mission confiée à la Cour de cassation, dont le rôle sera exclusif, s’inscrit «dans le prolongement naturel de ses missions présentes, la responsabilité exclusive de la diffusion en Open data des décisions de justice judiciaires qui sera faite en application de l’article L. 111-13 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L4880LAY)», article dont on notera qu’il dispose à ce jour que «les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées», et que «cette mise à disposition du public est précédée d’une analyse du risque de ré-identification des personnes». La première question qu’il apparaît essentiel de se poser ici est de savoir en quoi cette diffusion numérique serait une continuation d’un «prolongement naturel des missions» de la Cour de cassation. Le même Bruno Pireyre nous donne certainement l’explication de cette idée de prolongement naturel dans la conférence qu’il dispensa à Athènes le 29 septembre 2017, ce dernier évoquant à l’époque la mission «d’harmonisation de la jurisprudence et de la pratique judiciaire». Il affirmait, à propos de la diffusion numérique de la jurisprudence de la Cour, que «ces diffusions peuvent être regardées comme un prolongement de l’activité juridictionnelle en tant qu’elles contribuent activement à la bonne connaissance de la jurisprudence et, ce faisant, participent à la mission d’unification du droit de la Cour de cassation» [5]. L’idée de «prolongement» était déjà là ; mais on peine toujours à comprendre en quoi la fonction unificatrice de la Cour de cassation passe par une unification de la source informatisée des décisions de justice. C’est sans doute au regard du rôle historique du SDER dans la diffusion de la jurisprudence que l’on peut trouver une réponse à cela. En effet, la Cour de cassation a été, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, chargée d’établir un fichier central de sa propre jurisprudence [6], puis un fichier central de la jurisprudence des cours et tribunaux [7], avant que ne soit confiée à son service de documentation et d’études créé en 1956 la tâche de participer à la «conception des moyens de traitement automatisé de données jurisprudentielles mis en œuvre par la Cour de cassation» [8].

 

Le président Pireyre continue en évoquant le fait que cette mission de diffusion en Open data comprend trois volets : «la collecte automatisée de la jurisprudence de l’ensemble des juridictions du périmètre juridictionnel» de la Cour de cassation ; le «traitement» de cette jurisprudence, «en particulier la pseudonymisation» ; et enfin sa «diffusion». Quid de la «sécurisation» qui devrait suivre la diffusion ? On ne saurait s’arrêter à une mission d’ouverture de bases de données ; encore faudrait-il contrôler postérieurement l’usage de ces bases et de leur contenu. Quid aussi de la responsabilité qui en découle de la Cour de cassation, et qui semble s’arrêter, dans les divers propos tenus depuis quelques temps, à «l’ouverture», mais pas à l’existence même de l’Open data ? Si la question se pose, on sait qu’elle peut être techniquement solutionnée, les data scientists et le développeur susvisés travaillant actuellement au quai de l’horloge sur ces questions. Il reste que le monde numérique demeure très incertain, notamment quand on connaît les défaillances possibles du machine learning

 

La question posée par la suite au président Pireyre sur la «fracture territoriale» qu’accroitrait cette Open data est essentielle. Elle s’appuie, tout d’abord, sur le rapport Dématérialisation et inégalités d’accès au service public du Défenseur des droits [9], rapport qui soulignait aussi que, à cause de «zones blanches et grises» sur le territoire français [10], et d’une inégalité d’accès à internet et aux équipements informatiques, la dématérialisation croissante du service public allait à l’encontre de ce principe à valeur constitutionnel qui expose que «toute personne a un droit égal à l’accès au service public, participe de manière égale aux charges financières résultant de ce service, et doit être traitée de la même façon que tout autre usager». Déjà, en 2017, le même Défenseur des droits alertait : 

 

«Les problèmes d’accès à l’information, de coordination et de mauvais fonctionnement des services informatiques mis en place soulignent à quel point il est nécessaire de conserver des lieux d’accueil physique sur l’ensemble du territoire et de veiller, à chaque fois qu’une procédure est dématérialisée, à ce qu’une voie alternative - papier, téléphonique ou humaine- soit toujours proposée en parallèle. Le maintien d’une pluralité de moyens d’accès aux services publics pourrait être financé par les économies générées par la dématérialisation des services publics. La persistance de ‘zones blanches et grises’ contribue également à entraver l’accès aux droits de certaines personnes, notamment en zone rurale, et en particulier de celles en situation de précarité, pour lesquelles les difficultés de transport accentuent le problème. L’accès limité à internet dans ces territoires porte atteinte au service universel»[11].

 

La réponse à cette interrogation sur la fracture sociale et territoriale est malheureusement limitée par les capacités techniques dont bénéficie la Cour de cassation. En effet, si la question porte sur le risque de discrimination qu’entraînerait une fracture renforcée par cet Open data, la réponse ne traite que des efforts de la Cour de cassation de mettre en Open access sa propre jurisprudence, reléguant la question de l’égalité citoyenne à «l’action de la puissance publique» et à la «politique publique de l’Etat». Mais, quand on sait que la Cour de cassation n’a pas encore, pour ses propres décisions, les moyens techniques de se conformer aux exigences de l’Open data, comment pourrait-elle, d’une part, avoir les moyens de réaliser cette mission qui touche l’ensemble des décisions de justice de toutes les institutions judiciaires françaises, et d’autre part, favoriser l’égalité d’accès à ces décisions pour l’ensemble des justiciables ? On comprend bien que la recommandation n° 16 du rapport «Cadiet» souhaite que l’on développe «sur le site internet de la Cour de cassation un canal de diffusion de la jurisprudence de l’ensemble des juridictions de l’ordre judiciaire assurant la mise en valeur de celle-ci», mais la Haute juridiction a-t-elle les moyens matériels et humains pour s’atteler à une telle tâche ? Passer d’une diffusion de 15 000 décisions (nombre de décisions de la Cour de cassation actuellement diffusées par Légifrance) aux presque 4 millions de décisions rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire s’avère un travail plus que complexe, laborieux et coûteux. L’Etat doit soutenir plus amplement la Cour pour, sans poncif aucun, se donner les moyens de sa politique.

 

Les volontés sont présentes et incontestables. Le SDER de la Cour de cassation est en constant travail pour que soit mis en œuvre cet Open data. Le Premier président Louvel avait affirmé que «la Cour de cassation, riche de son expérience, dispose aussi de la technologie nécessaire pour préparer l’avenir. Elle est prête à assumer tout son rôle majeur dans le développement de l’Open data et à en devenir le pilote», les bases Jurinet et Jurica étant des pierres angulaires à ne pas négliger. Le rapport «Cadiet» soulignait encore qu’il était «nécessaire que la Cour de cassation développe sur son site Internet un outil similaire [à ArianeWeb] assurant la mise en valeur de la jurisprudence de l’ensemble des juridictions de l’ordre judiciaire» [12].Mais l’Etat donne-t-il tous les moyens nécessaires à la Cour suprême de remplir cette mission ? En 2016, déjà, Jean-Jacques Urvoas évoquait la «clochardisation de la Justice». La même année, Bertrand Louvel évoquait le manque de moyens de la Justice [13]. Le directeur général de Lexbase, Fabien Girard de Barros, soulignait à juste titre que «ce qu’on appelle la libération des décisions de justice. Ce n’est pas une libération naturelle. C’est délégué et cher» [14], et qu’à ce jour, «seuls les grands éditeurs ont les moyens financiers pour acheter les données et effectuer ce retraitement ensuite». Le rapport «Cadiet» a beau indiqué que «la mise en place de ces alternatives ne pourrait être réalisée, de surcroît, qu’au prix d’un effort financier significatif de la part de l’Etat» ; le fait-il ? Il apparaîtrait aberrant de confier à une institution une responsabilité aussi importante que celle de la transparence judiciaire sans lui en octroyer les moyens financiers et humains. Or, si certaines legaltech semblent bénéficier de la part de l’Etat des sommes conséquentes, la Cour de cassation semble moins privilégiée que le secteur privé, pour une mission qui demeure d’ordre public. En effet, la SAS Forseti, plus connu des juristes et du grand public sous le nom de «Doctrine.fr» s’est vue octroyée 5 millions d’euros [15] par l’Etat, en particulier la Banque Publique d’Investissement (BPI), à la suite du grand plan d’investissement d’avenir (PIA) lancé par le secrétariat général pour l’investissement. Malgré des critiques acerbes des barreaux et des greffes, la start’up bénéficie d’un premier versement de 2,1 millions d’euros, sans qu’aucun résultat ne soit visible à ce jour. En comparaison, certaines legaltechs étrangères à ces versements de la BPI fournissent des services bien réels [16]. Avec ces 5 millions versés par l’Etat à un acteur privé, nous sommes bien loin des quelques 300 000 euros octroyés à la Cour de cassation pour mettre en œuvre cet Open data. L’Etat libéral se crée donc, d’un côté, un champion privé, et de l’autre prive «sa» Haute juridiction de moyens qui devraient lui permettre d’être l’acteur exclusif de cette révolution numérique. «Et en même temps».

 

Si la «collecte» de la jurisprudence, comme la «diffusion», ne sont que des fonctions -hautement complexes, il faut le souligner- de «boîte aux lettres» assumées par la Cour de cassation, c’est avant tout le traitement des décisions de justice qui implique des risques conséquents, qu’il s’agisse de la question de la pseudonymisation ou celle de la justice prédictive. En effet, la responsabilité de la diffusion implique de fait, comme l’évoque le président Pireyre, le devoir de «procéder, en lien avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés, à l’analyse du risque associé à la diffusion des décisions». Cette analyse du risque était bien soulignée dans le rapport «Cadiet», notamment à travers les développements sur la pseudonymisation, l’anonymisation et la justice prédictive, thématiques reprises par le président Pireyre dans la suite de son entretien.

 

 

II - Les risques de l’Open data face à la Cour de cassation

 

A travers l’approche de deux risques inhérents à l’Open data, à savoir la préservation des intérêts privés issue de la mise à disposition des décisions de justice, d’une part, et la mise en œuvre de la justice prédictive, d’autre part, le président Pireyre revient sur les deux écueils dans lesquels il est fondamental de ne pas sombrer : l’identification des personnes apparaissant dans les décisions de justice (magistrats, avocats, parties, etc.), et le dévoiement des outils d’Intelligence Artificielle servant au développement de la justice prévisionnelle.

 

Le 18 juin 2018, Bruno Pireyre soulignait déjà que «le défi principal auquel est confronté l’Open data juridictionnel tient à l’impérieuse nécessité pour les responsables du dispositif selon le cas de recevoir et de se doter des moyens juridiques et techniques de maîtriser aussi vite qu’il se pourra les risques de grande ampleur secrétés par celui-ci» [17].

 

Tel qu’il est actuellement rédigé, le projet de loi de réforme de la justice 2018-2022 [18] indique en son article 19 que «les nom et prénom des personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu’elles sont parties ou tiers, sont occultés préalablement à la mise à disposition du public. Lorsque sa divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage, est également occulté tout élément permettant d’identifier les parties, les tiers, les magistrats et les fonctionnaires de greffe».

 

La question de cette anonymisation / pseudonymisation des décisions de justice n’est pas nouvelle [19], et a d’ailleurs été traitée comme un risque conséquent de l’Open data par la mission «Cadiet», notamment dans sa recommandation n° 5 qui élargissait cette protection à l’ensemble des acteurs du procès, conseillant une «pseudonymisation à l’égard de l’ensemble des personnes physiques mentionnées dans les décisions de justice, sans la limiter aux parties et témoins» [20]. Ce n’était pas là prôner l’anonymisation des magistrats qui avaient rendu la décision, mais une interprétation large de cette recommandation aurait pu conduire à cela, comme le préconisait d’ailleurs [21] le rapport du Sénat du 3 octobre 2018. Cela serait alors allé à l’encontre de la volonté politique de transparence de la justice, mais aussi, entre autres choses et normativement parlant, de l’article L. 10 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L4939LA8) qui dispose que «les jugements sont publics. Ils mentionnent le nom des juges qui les ont rendus».

 

Face à une position prudentielle qui soulignait une irréversibilité de la procédure [22], le projet de loi fait de la pseudonymisation des professionnels de la justice une exception au principe de transparence, uniquement dans les cas d’un risque «d’atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée». Transparence -réflexion parallèle- que l’on n’ose guère remettre en cause, tant elle semble imposée et louable, mais dont on ignore si elle demeure bien réelle, l’accès véritable aux décisions restant lié à la compréhension technique et scientifique du cœur de ces décisions, c’est-à-dire le droit en tant qu’ «art» [23].

 

Il est dommage qu’en abordant cette question, le président Pireyre ne se soit pas prononcé en faveur de l’une ou l’autre des solutions envisagées, relevant simplement que l’anonymisation du nom des magistrats faisait débat. Pourtant, le risque est bien présent, et c’est Bruno Pireyre qui soulignait déjà ce dernier en juin 2018 quand il rappelait que la pseudonymisation était soumise, «par nature, au péril d’être perturbé par les velléités de ré-identification d’acteurs de toute sorte, inspirés par des mobiles illégitimes ou illicites : prospection commerciale ou politique, indiscrétion, malveillance, projets criminels»[24].

 

Les tenants de la sécurité affirment que les inconvénients de la transparence concernant les noms et prénoms du personnel judiciaire sont tels que le risque s’avère trop grand en comparaison de la sécurité qu’apporterait, de manière préventive, la pseudonymisation automatique. Mais d’autres, comme Bertrand Louvel, ou comme les premiers présidents des cours d’appel [25], affirment que cette anonymisation va à l’encontre du principe selon lequel le juge rend la Justice au nom du peuple français, à l’encontre de la transparence visée par l’Open data. On aurait alors aimé que le président Pireyre, même si l’on sent en filigrane qu’il s’accorde avec son premier président, se prononce sur cette prise de risques, risques potentiels d’atteinte à l’intégrité des magistrats, mais aussi risques plus qu’envisageables de ranking ou de profilage.

 

Enfin, dernier point abordé par Bruno Pireyre : la justice prédictive, elle aussi source de risques, que l’interrogé ne place d’ailleurs pas sous le boisseau. Il avait déjà évoqué, quelques mois auparavant, cette ambiguïté que revêt la justice prédictive, qui fascine et déroute : «Il en est une [une face] lumineuse, qui ouvre sur une prévisibilité de la justice, une sécurité du droit, mieux assurées et mieux connues, la connaissance universelle étant l’instrument privilégié de l’harmonisation de la jurisprudence pour laquelle tant reste à faire. Mais il est une face plus sombre qu’il nous faut tenir en lisière : celle qui procède d’un mésusage, intentionnel ou non, des outils algorithmiques» [26].

 

Les risques quant à cette justice prédictive qui découlerait de la mise en œuvre de l’Open datasont de deux ordres principaux : l’absence de contrôle des algorithmes de l’I.A., et la soumission du juge aux solutions proposées par lesdits algorithmes. C’est face à ces deux dangers que le président Pireyre soutient, d’une part, qu’il faut que l’Etat ait, au moyen d’un organisme public ad hoc, le contrôle sur les codeurs, en imposant une «transparence des algorithmes», et d’autre part que les solutions proposées par les Intelligences Artificielles dédiées à la justice prédictive ne soient pas des solutions judiciaires mais bien des outils de réflexion pour le magistrat et pour les parties. En ce sens, si ces éléments peuvent «éclairer le juge», ils devront nécessairement être soumis aux débats afin que des solutions antérieures ne s’imposent pas, d’elles-mêmes et hors contexte, aux parties, et qu’ainsi le principe du contradictoire soit respecté, tout comme d’ailleurs, des principes et droits fondamentaux comme l’indépendance et l’impartialité des magistrats [27].

 

Le 1er février 2019, le Premier président Louvel prononçait un remarquable discours devant les nouveaux auditeurs de l’Ecole nationale de la magistrature dans lequel il rappelait les principes fondamentaux de la magistrature : loyauté, indépendance, dignité, humilité. Il terminait enfin en rappelant que la récompense de la magistrature était «le respect et la confiance du public», gageons que la Cour de cassation soit récompensée, en tenant justement compte de ce «public» de justiciables dans la mise en œuvre de l’Open Data. Gageons aussi que le progrès ne soit pas recherché pour lui-même, mais que l’éthique soit la finalité des évolutions techniques, comme le rappelait Bruno Pireyre quand il évoquait ce monde judiciaire où «s’affrontent une technologie digitale ouvrant sur un champ presque infini de bouleversement, et des considérations éthiques, escortées par la préoccupation du devenir social» [28].

 

[1] On retrouve aussi, dans les grandes lignes, quelques développements similaires dans l’entretien réalisé par Dalloz avec le président Bruno Pireyre, «Open data des décisions de justice : plusieurs incertitudes affectent encore ce processus complexe», du 28 novembre 2018.

[2] L’Open data des décisions de justice, par la Mission d’étude et de préfiguration sur l’Open data des décisions de justice (dir. L. Cadiet), Rapport, novembre 2017.

[3] Voir, entre autres (car la liste ne saurait être exhaustive) : L. Augagneur, D’où jugez-vous ? Un paradoxe entre justice prédictive et réforme de la motivation des décisionsJCP éd. G., 2018, 341 ; B. Barraud, Un algorithme capable de prédire les décisions des juges : vers une robotisation de la justice ?, Les cahiers de la justice, 2017, 121 ; B. Barraud, Avocats et magistrats à l’ère des algorithmes : modernisation ou gadgétisation de la justice ?, Revue pratique de la prospective et de l’innovation, n° 2, octobre 2017, dossier 11 ; E. Barthe, L’Intelligence Artificielle et le droit,I2D - Information, données & documents, 2017/2, vol. 54, p. 23 ; P.-L. Boyer, L'Open Data en marche : miroir de l’évolution sociétale, Lexbase Prof., 2018, n° 259 ; S. Dhonte, La justice prédictive ne tuera pas le métier d’avocatGaz. Pal., n° 6, 7 février 2017, p. 9 ; B. Dondero, Justice prédictive : la fin de l’aléa judiciaire, D., 2017, 532 ; S.-M. Ferrié, Les algorithmes à l’épreuve du droit au procès équitable, Procédures, 2018, n° 4, p. 4 ; N. Fricero, Collecte, diffusion et exploitation des décisions de justice : quelles limites ? quels contrôles ? A propos de l’Open data des décisions de justice, JCPG. 2018, 168 ; A. Garapon, Les enjeux de la justice prédictive, JCP éd. G., 2017.47 ; L. Garnerie, Délivrer un résultat en un temps moindre, c’est aussi cela la valeur ajoutée ! Entretien avec Olivier Chaduteau, Gaz. Pal., n° 4, 24 janvier 2017, p. 9 ; L. Godefroy, La performativité de la justice prédictive, D., 2018, 1979 ; F. Guérandier, Réflexions sur la justice prédictiveGaz. Pal., n° 13, 3 avril 2018, p. 15 ; D. Iweins, La justice prédictive, nouvel allié des professionnels du droit ?, Gaz. Pal., n° 1, 3 janvier 2017, p. 5 ; Y. Meneceur, Quel avenir pour la justice prédictive ? Enjeux et limites des algorithmes d’anticipation des décisions de justice, JCP éd. G., 2018, 190 ; F. Rouvière, Le raisonnement par algorithmes : le fantasme du juge-robot, RTDciv. 2018, 530 ; I. Sayn, Connaître la production des juridictions ou prédire les décisions de justice ?, Les cahiers de la justice, 2019, à paraître ; A. Tercinet, Réflexions sur la justice prédictive en France à l’aune du rapport CEPEJ 2018, JCP éd. E, 2018, 1058. On attend aussi avec impatience la publication des actes du colloque La justice prédictive. Risques et avenir d’une justice virtuelle, 6 avril 2018, S. Lebreton-Derrien (dir.),

[4] V., la page dédiée sur le site internet de la Cour de cassation.

[5] B. Pireyre, L’harmonisation de la jurisprudence et de la pratique judiciaire, conférence de haut niveau - Conseil de l’Europe, Athènes, 29 septembre 2017.

[6] Loi n° 47-1366 du 23 juillet 1947, art. 10 et s...

[7] Décret n° 72-54 du 19 janvier 1972.

[8] Code de l’organisation judiciaire, art. R. 433-2 (N° Lexbase : L6380IAK).

[9] Défenseur des droits, Dématérialisation et inégalités d’accès au service public, janvier 2019.

[10] Défenseur des droits, Dématérialisation…, op. cit., p. 14.

[11] Défenseur des droits, Rapport annuel, 2017, p. 54. Voir, aussi, J.-F. Beynelet D. Casas(dir.), Transformation numérique, Chantiers de la Justice, 2018, p. 10.

[12] L’Open Data des décisions de justiceop. cit., p. 69.

[13] Comment sauver le soldat justice, entretien avec Bertrand Louvel, Le Point, 6 avril 2016.

[14] Open data des décisions de justice : où en est-on en France ?, entretien accordé au Journal spécial des Sociétés le 8 novembre 2011.

[15] 4 999 944 euros. Le grand plan d’investissement. Lauréats du concours d’innovation, 2018, p. 61.

[16] A titre d’exemple, on peut citer l’outil d’analyse et de statistique LegalMetrics, développé par Lexbase, outil désormais ouvert aux quelques 30 000 avocats de province.

[17] B. Pireyre, La technologie au service de la justice, Forum parlementaire de la LegalTech, 18 juin 2018.

[18] Projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice, adopté par l’Assemblée Nationale le 23 janvier 2019.

[19] Déjà, en 2000, Emmanuel Lesueur de Givry, conseiller à la Cour de cassation, dans une étude sur «la question de l’anonymisation des décisions de justice», soutenait que «les noms des magistrats et des auxiliaires de justice ne devraient pas être soumis à l’anonymisation, sauf circonstances exceptionnelles sur demande des intéressés». E. Lesueur de Givry, La question de l’anonymisation des décisions de justice, Rapport annuel de la Cour de cassation, 2000. Voir aussi l’allocution de B. Louvel, La technologie au service de la justice ?, Forum parlementaire de la LegalTech, La technologie au service de la justice, 18 juin 2018.

[20] L’Open Data des décisions de justiceop. cit., p. 37.

[21] F.-N. Buffet et Y. Détraigne, Rapport n° 11 sur le Projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, 3 octobre 2018 : «La mise à disposition électronique de l’ensemble des décisions devrait consister à diffuser ces décisions sans information de nature à identifier les magistrats et les parties, de façon systématique et non au cas par cas, afin d’éviter tout risque d’exploitation inappropriée de ces données».

[22] L’Open Data des décisions de justiceop. cit., p. 50.

[23] A ce sujet, I. Sayn, Connaître la production des juridictions ou prédire les décisions de justice ?, Les cahiers de la justice, 2019, à paraître : «Les enjeux politiques de ces développements sont importants, au rang desquels se trouve la possibilité de renforcer la confiance des justiciables dans leur justice, parce que celle-ci se donnerait à voir. Mais l’accessibilité́ à une masse considérable de décisions préalablement anonymisées ou pseudonymisées ne permet pas, à elle seule, un accès à la connaissance de la production de ces juridictions : les décisions doivent être analysées pour fournir des informations utilisables».

[24] B. Pireyre, Ethique et régulation : quel rôle pour la puissance publique dans le développement de la legaltech au service de la justice ?, Forum parlementaire de la LegalTech, La technologie au service de la justice, 18 juin 2018.

[25] L’Open Data des décisions de justiceop. cit., p. 46.

[26] B. Pireyre, Ethique et régulation : quel rôle pour la puissance…op. cit..

[27] Voir les propos de Didier Cholet qui évoque les risques d’une «standardisation» du procès face à l’indépendance du magistrat, et d’une statistisation algorithmique du procès face à l’impartialité du juge. D. Cholet, La Justice prédictive et les principes fondamentaux du procès civilinS. Lebreton-Derrien (dir.), colloque «La justice prédictive…, op. cit.», 6 avril 2018, Laval.

[28] B. Pireyre, Ethique et régulation : quel rôle pour la puissance… , op. cit..

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Licenciement

[Brèves] Demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé mis à pied à titre conservatoire : de l’appréciation par l’administration du délai entre la date de mise à pied et la saisine de l’administration

Réf. : CE, 4° et 1° ch.-r.,, 27 février 2019, n° 413556, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2147YZK)

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N7959BX3

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par Blanche Chaumet

Le 13 Mars 2019

► L'administration, saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé qui a été mis à pied à titre conservatoire, doit s’assurer que le délai dans lequel elle a été saisie est aussi court que possible pour ne pas entacher d'irrégularité la procédure antérieure à sa saisine.

 

Telle est la règle dégagée par le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 27 février 2019 (CE, 4° et 1° ch.-r., 27 février 2019, n° 413556, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2147YZK, voir également CE 4° et 5° s-s-r., 23 août 2006, n° 278221 N° Lexbase : A8896DQK).

 

Dans cette affaire, par une décision du 11 mars 2015, l'inspecteur du travail a autorisé l’employeur à licencier un salarié protégé, pour motif disciplinaire. Par une décision du 15 octobre 2015, le ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social a rejeté le recours hiérarchique formé par le salarié contre cette décision. Par un jugement du 1er mars 2016, le tribunal administratif de Nice a annulé pour excès de pouvoir ces deux décisions. La cour administrative d’appel ayant rejeté l’appel de l’employeur contre ce jugement, ce dernier s’est pourvu en cassation.

 

Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. Elle précise notamment que la cour administrative d'appel, qui a estimé que le délai de vingt-et-un jours entre la date de mise à pied du salarié et la saisine de l'inspecteur du travail était excessif, a pu en déduire, sans erreur de droit, que cette irrégularité faisait obstacle à ce que l'autorité administrative autorise le licenciement litigieux. A ce titre, contrairement à ce que soutient la société requérante, la cour n'avait pas à rechercher si cette irrégularité avait privé le salarié d'une garantie ou eu une influence sur le sens de la décision administrative attaquée, dès lors que le moyen tiré de la méconnaissance du délai de huit jours fixé par l'article R. 2421-14 du Code du travail (N° Lexbase : L0648LIT) met en cause la légalité interne de la décision prise par l'inspecteur du travail (sur Les délais spécifiques en cas de licenciement d'un salarié protégé mis à pied, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E9548ESG).

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Licenciement

[Brèves] De la régularisation de la procédure de consultation des délégués du personnel préalable à la transmission au salarié protégé des offres de reclassement

Réf. : CE, 4° et 1° ch.-r., 27 février 2019, n° 417249, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2158YZX)

Lecture: 2 min

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par Blanche Chaumet

Le 13 Mars 2019

► L’employeur peut régulariser la procédure de consultation des délégués du personnel préalable à la transmission au salarié protégé déclaré inapte des offres de reclassement en lui adressant de nouveau les offres qu’il lui avait transmises dans un premier temps sans solliciter l’avis.

 

Telle est la règle dégagée par le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 27 février 2019 (CE, 4° et 1° ch.-r., 27 février 2019, n° 417249, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2158YZX).

 

En l’espèce, le salarié protégé d’une société a été, à l'issue d'une suspension de son contrat de travail, déclaré inapte à reprendre son emploi par le médecin du travail. A la suite de ce constat d'inaptitude, son employeur lui a proposé deux postes de reclassement, sans avoir préalablement consulté les délégués du personnel sur les postes en question. Le salarié ayant refusé ces deux postes, l'employeur les a soumis pour avis aux délégués du personnel, qui ont émis un avis favorable à ces mêmes emplois de reclassement. L'employeur a, alors, réitéré ces offres de reclassement auprès du salarié. Celui-ci ayant à nouveau refusé d'y donner suite, la société requérante a sollicité auprès de l'inspecteur du travail compétent l'autorisation de le licencier.

 

Pour juger que, dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 1226-10 du Code du travail (N° Lexbase : L8707LGL) avaient été méconnues par l'employeur et que l'autorisation de licenciement ne pouvait être légalement accordée, la cour administrative d'appel (CAA Bordeaux, 13 novembre 2017, n° 15BX02478 N° Lexbase : A0301WZ8) s'est fondée sur ce que les délégués du personnel n'avaient été consultés sur les postes de reclassement qu'après que ceux-ci eurent été proposés au salarié. A la suite de cette décision, l’employeur s’est pourvu en cassation.

 

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction annule l’arrêt de la cour administrative d’appel en précisant que lorsque le salarié a la qualité de salarié protégé, il résulte de l'article L. 1226-10 du Code du travail que si, à l'issue de la procédure fixée par ces dispositions, il refuse les postes qui lui sont proposés et que l'employeur sollicite l'autorisation de le licencier, l'administration ne peut légalement accorder cette autorisation que si les délégués du personnel ont été mis à même, avant que soient adressées au salarié des propositions de postes de reclassement, d'émettre leur avis en toute connaissance de cause sur les postes envisagés, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles de fausser cette consultation. En statuant ainsi, alors que l'avis des délégués du personnel avait bien été recueilli avant que les postes de reclassement aient été, à nouveau, proposés à l'intéressé, la cour a commis une erreur de droit (sur La procédure en cas de présence de délégués du personnel (ou CSE) dans l'entreprise, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E7623XXM).

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Procédure pénale

[Brèves] Instruction : impossibilité pour les mis en examen de proposer dans une même procédure des moyens de nullité déjà rejetés

Réf. : Cass. crim., 19 février 2019, n° 18-85.131, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8976YY4)

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par June Perot

Le 13 Mars 2019

► Les personnes mises en examen après que la chambre de l’instruction a été appelée à statuer sur la régularité de la procédure, si elles ne peuvent se voir opposer la cause d’irrecevabilité prévue par l’article 174 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8646HW7), ne peuvent cependant proposer, dans la même procédure portant sur les mêmes faits, des moyens de nullité qui auraient déjà été rejetés par cette juridiction, sauf à faire valoir des actes ou pièces de la procédure qui n’avaient pu lui être précédemment soumis.

 

Ainsi statue la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 19 février 2019 (Cass. crim., 19 février 2019, n° 18-85.131, FS-P+B+I N° Lexbase : A8976YY4).

 

Au cas de l’espèce, en raison d’irrégularités ayant conduit deux sociétés à la liquidation judiciaire, une enquête a été diligentée, sur instructions du procureur de la République. Une plainte avec constitution de partie civile du comité d’entreprise et du représentant des créanciers d’une de ces sociétés a été déposée. Ces deux entités ont versé la consignation fixée par le juge d’instruction. Le procureur de la République, au retour de l’enquête qu’il avait ordonnée et alors qu’il n’avait pas encore ouvert l’information sur la plainte avec constitution de partie civile, a fait convoquer, notamment, les époux qui contrôlent les sociétés devant le tribunal correctionnel. Les prévenus ont soumis à cette juridiction des exceptions de nullité visant, de première part, tous les actes effectués sur les instructions du procureur de la République postérieurement à la mise en mouvement de l’action publique devant le juge d’instruction, incluant leurs convocations devant le tribunal correctionnel, de deuxième part, les procès-verbaux de leurs auditions en garde à vue effectuées en août et septembre 2010, faute qu’ils aient été avertis de leur droit au silence et aient pu bénéficier de l’assistance d’un avocat, et les actes subséquents, de troisième part, les procès-verbaux de perquisition et de saisie postérieurs au 20 août 2009 et les actes subséquents.

 

Par jugement, dont il n’a pas été relevé appel, le tribunal correctionnel a annulé les convocations en justice des prévenus, sans examiner les autres exceptions de nullité. Le procureur de la République a ensuite délivré un réquisitoire introductif contre personnes non dénommées sur la plainte avec constitution de partie civile. Le juge d’instruction a saisi la chambre de l’instruction des mêmes exceptions de nullité que les prévenus avaient soumises au tribunal correctionnel. Par arrêt, la chambre de l’instruction a écarté le moyen de nullité des actes effectués sur instruction du procureur de la République après dépôt de la plainte avec constitution de partie civile, annulé les déclarations faites en garde à vue notamment par les époux qui contrôlent les sociétés, écarté les exceptions de nullité des actes de perquisition et de saisie contestés et ordonné la transmission du dossier au juge d’instruction, compétent pour connaître des infractions en matière économique et financière.

 

Une information distincte avait par ailleurs été ouverte au cabinet d’un juge d’instruction de la juridiction inter-régionale spécialisée de Rennes sur des faits connexes. Le juge d’instruction de Poitiers s’est dessaisi au profit de celui de Rennes. Les prévenus ont été mis en examen. Ils ont saisi la chambre de l’instruction d’une requête en nullité de toutes les pièces de la procédure instruite à Niort puis Poitiers, et de leurs mises en examen subséquentes.

 

Pour dire n’y avoir lieu à annulation, l'arrêt a énoncé que, si les époux, qui n’étaient pas parties devant la chambre de l’instruction de Poitiers, sont recevables à solliciter à nouveau l’annulation de certains actes, les moyens qu’ils soulèvent sont identiques à ceux qui avaient été soumis par le juge d’instruction à cette juridiction, dont la décision est définitive, et correspondent d’ailleurs également aux moyens soulevés devant le tribunal correctionnel, de sorte qu’en application de l’article 174 du Code de procédure pénale, l’autorité de la chose jugée s’oppose à ce que la validité de la procédure fasse l’objet d’un nouvel examen. Un pourvoi a été formé.

 

Reprenant la solution susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage «Procédure pénale», La requête en nullité N° Lexbase : E4496EU3).

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