La lettre juridique n°774 du 28 février 2019

La lettre juridique - Édition n°774

Baux d'habitation

[Brèves] Majoration du dépôt de garantie restant dû à défaut de restitution dans les délais prévus : validée par le Conseil constitutionnel !

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-766 QPC du 22 février 2019 (N° Lexbase : A6414YXT)

Lecture: 3 min

N7819BXU

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 27 Février 2019

Est déclaré conforme à la Constitution, le septième alinéa de l'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L8461AGH), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite «ALUR» (N° Lexbase : L8342IZY), lequel prévoit la majoration du dépôt de garantie restant dû à défaut de restitution dans les délais prévus.

 

Tel est le sens de la décision rendue par le Conseil constitutionnel, le 22 février 2019 (Cons. const., décision n° 2018-766 QPC du 22 février 2019 N° Lexbase : A6414YXT).

 

Le Conseil constitutionnel avait été saisi par la Cour de cassation, le 13 décembre 2018 (Cass. civ. 3, 13 décembre 2018, n° 18-17.729, FS-D N° Lexbase : A7018YQY), de la question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée : «l’'article 22 alinéa 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, en ce qu'il dispose qu'à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est automatiquement majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal pour chaque période mensuelle commencée en retard, et ce indépendamment du montant du dépôt de garantie à restituer après compensation des sommes dues par le locataire, est-il contraire au droit de propriété ainsi qu'aux principes de proportionnalité et d'individualisation des peines garantis par la Constitution (articles 2 (N° Lexbase : L1366A9Het 8 (N° Lexbase : L1372A9Pde la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789) ?". La Cour de cassation avait jugé qu’il y avait lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée, estimant qu’elle présentait un caractère sérieux en ce que, fixée indépendamment du montant du dépôt de garantie à restituer après compensation des sommes dues par le preneur et sans que le juge puisse tenir compte des circonstances à l'origine du retard de paiement ni de la bonne ou mauvaise foi du bailleur, la majoration prévue par l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 pourrait être qualifiée de sanction ayant le caractère d'une punition contraire, par son automaticité et l'absence de pouvoir de modulation accordé au juge, aux exigences de proportionnalité et d'individualisation des peines qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. 

 

Mais l’argument n’est pas suivi par les Sages de la rue Montpensier qui rappellent, en premier lieu, que selon l'article 8 de la Déclaration de 1789 : «La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée», et que les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

En second lieu, ils rappellent qu'il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, des limitations à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

 

Aussi, en l'espèce, le Conseil constitutionnel, d’une part, relève que la majoration contestée est versée au locataire lésé et qu'elle ne peut se cumuler avec les intérêts moratoires au taux légal. En l'instaurant, le législateur a entendu assurer la réparation du préjudice subi par le locataire en raison du défaut de restitution du dépôt de garantie, afin de favoriser un règlement rapide des nombreux contentieux qui en résultent.

D'autre part, le Conseil constitutionnel juge qu'en prévoyant que cette majoration est égale à une somme forfaitaire correspondant à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard, le législateur s'est fondé sur un élément en lien avec l'ampleur du préjudice, dans la mesure où le montant du loyer mensuel est pris pour référence comme plafond du dépôt de garantie, et a pris en compte la durée de ce préjudice.

 

De l'ensemble de ces motifs, le Conseil déduit, d'une part, que la majoration contestée, qui présente donc un caractère indemnitaire, ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition, ce qui entraîne le rejet des griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789. D'autre part, au regard de ces mêmes motifs, il rejette également le grief tiré de l'atteinte au droit de propriété.

newsid:467819

Commercial

[Focus] Les magasins de CBD, chanvre et cannabis interdits d’inscription au registre du commerce

Réf. : CCRCS, avis n° 2018-012, 19 décembre 2018 (N° Lexbase : X5035BGL)

Lecture: 4 min

N7828BX9

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par Yann Bisiou, Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, CORHIS EA 7400, Université Paul Valéry Montpellier 3

Le 27 Février 2019

Dans un avis n° 2018-12 du 19 décembre 2018, publié le 22 janvier 2019, le Comité de coordination du registre du commerce et des sociétés (CCRCS) propose, de fait, de refuser l’inscription des entreprises ayant pour objet la commercialisation de produits dérivés du cannabis dont ceux qui contiennent du cannabidiol (CBD), une substance qui n’est pas classée comme stupéfiant.

 

Le CCRCS invite en effet les greffiers à exiger la présentation du contrat de gérance liant le débitant de tabac à l’Etat si les produits commercialisés sont composés même partiellement de tabac et, dans tous les cas, pour toutes les entreprises ayant «une activité liée à des opérations relatives à des produits dérivés du cannabis, autrement appelé chanvre», à exiger la production de l’autorisation délivrée par le directeur général de l’ANSM. Or, le premier document n’est pas nécessaire, tandis que le second n’existe pas, tout simplement.

 

Pour rendre cet avis le comité s’est fondé sur les articles L. 3512-1 (N° Lexbase : L1755K8I), R. 5132-74 (N° Lexbase : L9002K3S) et R. 5132-75 (N° Lexbase : L9001K3R) du Code de la santé publique, textes qui ne concernent pas les dérivés du chanvre et le cannabidiol. L’article L. 3512-1 et le décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 (N° Lexbase : L6375IM3) cités par le Comité sont relatifs aux tabacs dits «manufacturés». Il n’y a pas de tabac manufacturé dans les produits contenant du CBD. En revanche, il peut y avoir de la nicotine lorsque le produit vendu est destiné au vapotage. Dans ce cas, ce sont les articles L. 3513-1 (N° Lexbase : L1706K8P) et suivants du Code de la santé publique relatifs au vapotage qui sont applicables. Et ces produits ne font pas l’objet d’une distribution exclusive par les buralistes. Il n’est donc pas nécessaire de disposer d’un contrat de gérance de débit de tabac pour les commercialiser.

 

Quant aux articles R. 5132-74 et R. 5132-75 du Code de la santé publique, ils concernent les médicaments classés comme substances vénéneuses et comme stupéfiants. Des dispositions spéciales prévues par l’article R. 5132-86 du même code (N° Lexbase : L9825IWS) s’appliquent au cannabis et à ses dérivés. Elles prévoient une dérogation pour «la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale de variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes ou de produits contenant de telles variétés». En effet, à la différence de la plupart des stupéfiants, le cannabis fait l’objet d’un commerce légal dans le cadre de la Politique agricole commune (Règlement n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 N° Lexbase : L0485I3D). Le principe «specialia generalibus derogant» aurait dû inciter le CCRCS à privilégier ces règles plus précises qui ne prévoient pas d’autorisation individuelle délivrée par le directeur de l’ANSM. Il suffit que l’exploitant utilise une des variétés de cannabis inscrites au catalogue européen ou autorisées par des arrêtés comme celui du 22 août 1990 (arrêté portant application de l'article R. 5132-86 du Code de la santé publique pour le cannabis N° Lexbase : L2568LM3) ou celui du 19 février 2018 (arrêté modifiant le Catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France (semences de lin et chanvre) N° Lexbase : L3861LIT) pour que son activité soit légale. Les exploitants seront donc incapables de produire le document exigé par le Comité au risque de se voir refuser leur inscription au RCS ou, pour les entreprises déjà inscrites, d’en être radiées en vertu du pouvoir de contrôle permanent des greffiers sur le registre (C. com., art. R. 123-101 N° Lexbase : L9854HYM).

 

Difficile d’expliquer de telles erreurs d’interprétation quand on connaît la composition du CCRCS (C. com., art. R. 123-86 N° Lexbase : L9839HY3), même si les esprits chagrins s’étonneront de la présence parmi les signataires de l’avis d’un membre du conseil d’administration de l’Association internationale des juristes du vin. Difficile également de justifier cet avis par des préoccupations de santé publique. L’OMS vient de rappeler que le cannabidiol n’est pas un stupéfiant et l’Organisation recommande de retirer de la liste des stupéfiants les extraits de cannabis et l’ensemble des produits contenant du cannabidiol et moins de 0,2 % de tétrahydrocannabinol (THC), le principe actif du cannabis [1].

 

Au-delà de ces incohérences, les conséquences pratiques de cet avis seront tout aussi impossibles à justifier. Les boutiques de CBD visées par le Comité ne seront pas les plus concernées. Généralement, ces commerces se sont ouverts sous des dénominations très vagues, «herboristerie», «vente de produits alimentaires», «compléments alimentaires» ou «produits cosmétiques». Les greffiers seront bien en peine d’y retrouver des dérivés du cannabis. Difficile également de trouver un lien avec le cannabis et ses dérivés dans la quarantaine de sociétés dont la raison sociale mentionne le « CBD ». Entre les Conseil en Business et Développement, les Carrières de la Belle Dame spécialisées dans la taille de l’ardoise, les magasins de dépannage et les commerces de bois, le cannabidiol est peu présent. Ce sont donc les centaines d’entreprises de la filière chanvre traditionnelle qui seront les plus visibles et les plus en danger. Inconséquent juridiquement, cet avis est aussi maladroit et rate la cible qu’il entendait viser.

 

Reste à en évaluer la portée. Le CCRS fait partie de ces instances aux prérogatives floues dont certains parlementaires souhaitent la suppression [2] et dont une partie de la doctrine considère qu’elles ajoutent à la confusion du droit commercial plutôt qu’elles ne le simplifient [3]. Ses avis sont interprétatifs, mais le code de commerce lui confère une mission d’harmonisation de l’application des dispositions législatives et réglementaires (art. R123-81 et A123-34 C. com) et ses avis publiés par le Ministère de la Justice sont repris par la doctrine comme par la jurisprudence [4]. Le CCRCS ayant, en outre, été saisi par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) il est probable qu’il s’impose rapidement dans toute la France. Gageons qu’alors, cette croisade, plus morale que juridique, du CCRCS contre les dérivés du cannabis, va susciter un contentieux abondant devant le juge administratif ou les juges commis à la surveillance du registre du commerce.

 

[1] OMS, Lettre du Directeur général, ECDD41, 24 janvier 2019

[2]   QE n° 82053 de M. Lionel Tardy, JOANQ 23 juin 2015, réponse publ. 19 avril 2016 p. 3444, 14ème législature (N° Lexbase : L8680K7M) et QE n° 9678 de M. Michel Zumkeller, JOANQ 13 novembre 2012, réponse publ. 18 juin 2013 p. 6450, 14ème législature (N° Lexbase : L3242KDG).

[3] B. Lecourt, La simplification du droit des affaires, D., 2015, p. 2240.

[4]  En dernier lieu, CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 11 avril 2018, n° 16/16297 (N° Lexbase : A8238XKC), CA Colmar, 28 mai 2018, n° 17/01265 (N° Lexbase : A5288XPK).

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Cotisations sociales

[Brèves] Conformité à la Constitution de la privation du bénéfice de l’exonération de cotisations sociales pour les employeurs n’ayant pas satisfait à leur obligation déclarative en matière d’attributions gratuites d’actions

Réf. : Cons. const., décision n° 2019-767 QPC, du 22 février 2019 (N° Lexbase : A6415YXU)

Lecture: 4 min

N7818BXT

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par Laïla Bedja

Le 28 Février 2019

► Les mots «et si l'employeur notifie à son organisme de recouvrement l'identité de ses salariés ou mandataires sociaux auxquels des actions gratuites ont été attribuées définitivement au cours de l'année civile précédente, ainsi que le nombre et la valeur des actions attribuées à chacun d'entre eux. A défaut, l'employeur est tenu au paiement de la totalité des cotisations sociales, y compris pour leur part salariale» figurant au treizième alinéa de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8964LK9), dans ses rédactions résultant de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, de financement de la Sécurité sociale pour 2011 (N° Lexbase : L9761INT), de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, de financement de la Sécurité sociale pour 2012 (N° Lexbase : L4309IRZ) et de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L9357ITQ), sont conformes à la Constitution.

 

Telle est la position du Conseil constitutionnel dans sa décision rendue le 22 février 2019 (Cons. const., décision n° 2019-767 QPC, du 22 février 2019 N° Lexbase : A6415YXU).

 

Dans cette affaire, le Conseil constitutionnel a été saisi après renvoi par la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 13 décembre 2018, n° 18-40.039, F-D N° Lexbase : A6973YQC) de la question suivante : «Les dispositions de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1479 de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (N° Lexbase : L6430HEU), telles qu'en vigueur aux 31 décembre 2010, 2011 et 2012, conditionnant à une obligation déclarative auprès de l'organisme de recouvrement, l'exclusion des actions gratuites attribuées par un employeur à ses salariés ou mandataires sociaux, de l'assiette des cotisations visées à l'alinéa 1er du même article, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment aux principes d'égalité et au droit de propriété garantis par la Constitution, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) et la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L6813BHS) ?»

 

La société requérante soutenait que les dispositions précitées méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques.

 

En premier lieu, en subordonnant le bénéfice de l'exonération de cotisations sociales des actions attribuées gratuitement à une condition de notification à l'organisme de recouvrement de certaines informations relatives aux actions distribuées, le législateur aurait fondé le bénéfice de l'exonération sur un critère dépourvu de caractère objectif et rationnel.

 

En deuxième lieu, elle critique le fait que la perte du bénéfice de l'exonération entraîne le paiement par l'employeur de la totalité des cotisations sociales, y compris dans leur part salariale, et se cumule avec le paiement de la contribution patronale établie par l'article L. 137-13 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8709LHZ).

 

Par ailleurs, la société reproche au législateur de ne pas avoir épuisé sa compétence et d'avoir méconnu le droit de propriété, les principes de nécessité et de proportionnalité des peines ainsi que l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

 

Pour les Sages, les dispositions en cause sont conformes.

 

  • Sur les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines

 

D'une part, en mettant à la charge de l'employeur les cotisations sociales dans leur part patronale, ces dispositions se bornent à tirer les conséquences de la perte du bénéfice de l'exonération. D'autre part, en faisant peser sur l'employeur la part salariale de ces cotisations, elles visent à garantir le recouvrement des redressements de cotisations. Ainsi, ces dispositions n'édictent aucune peine ou sanction ayant le caractère de punition.

 

  • Sur les griefs tirés de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques

 

En premier lieu, l'exigence de notification aux organismes de recouvrement prévue par les dispositions contestées a pour objet de permettre une évaluation du montant de la perte de recettes pour la Sécurité sociale résultant de l'exonération de cotisations sociales. La faculté qu'auraient les organismes sociaux d'évaluer par d'autres voies le montant de cette perte de recettes est sans incidence à cet égard.

 

Cette notification permet, par ailleurs, aux organismes de recouvrement de procéder, le cas échéant, à des contrôles et des vérifications.

 

Par conséquent, en subordonnant le bénéfice de l'exonération à une formalité de notification, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en fonction des buts poursuivis.

 

En second lieu, la contribution instituée par l’article L.137-13 du Code de la Sécurité sociale est destinée à participer au financement des dépenses des régimes obligatoires d'assurance maladie et n'ouvre pas de droits aux prestations et avantages servis par ce régime. Celle-ci n'a pas pour objet de compenser l'exacte perte de recettes résultant, pour chacun des régimes de Sécurité sociale, de l'exonération de cotisations sociales des actions attribuées gratuitement. Dès lors, le cumul de ces prélèvements n'entraîne pas une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

 

Aussi, le grief tiré de ce que le cumul des cotisations sociales éventuellement redressées avec des impositions de toutes natures présenterait un caractère confiscatoire est inopérant.

 

Enfin, en application des dispositions contestées, l'employeur qui n'a pas rempli l'obligation de notification est tenu d'acquitter la totalité des cotisations sociales, y compris pour leur part salariale. Toutefois, compte tenu du taux des cotisations salariales, il n'en résulte pas une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

newsid:467818

Droit des étrangers

[Brèves] Délit d’aide à l’entrée ou au séjour d’un étranger : nul besoin que l'étranger ait fait l’objet de poursuites pénales du chef d’entrée ou séjour irrégulier

Réf. : Cass. crim., 20 février 2019, n° 18-80.784, FS-P+B (N° Lexbase : A8941YYS)

Lecture: 4 min

N7831BXC

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par Marie Le Guerroué

Le 27 Février 2019

► Le délit d’aide à l’entrée ou au séjour d’un étranger en France ne suppose pas, pour être établi, qu’un étranger ait fait l’objet de poursuites pénales du chef d’entrée ou de séjour irrégulier, l'article L. 621-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5884G4P), incriminant l’action de faciliter ou tenter de faciliter l’entrée ou le séjour ;

 

► Les certificats de nationalité française établis sur la base de faux documents ne peuvent faire foi de la nationalité de ceux qu’ils concernent.

 

Telles sont les enseignements de l’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 20 février 2019 (Cass. crim., 20 février 2019, n° 18-80.784, FS-P+B N° Lexbase : A8941YYS).

 

En l’espèce, pour déclarer le second demandeur au pourvoi coupable d'aide à l’entrée ou au séjour d’un étranger en France en bande organisée, et complicité d’usage de faux, l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence relevait notamment  :

- que la perquisition effectuée au domicile de celui-ci avait permis la découverte d'un nombre important de certificats de nationalité française à des identités différentes, de certificats de résidence, ainsi que de diverses pièces d'identité et actes de naissance ;

- que l'enquête avait permis d'établir que la quasi-totalité des certificats d'hébergement découverts était de pure complaisance ou obtenue à l'insu de la personne supposée les avoir signés ;

- qu'aucun élément du dossier ne permettait d'affirmer que les personnes concernées ne seraient pas étrangers dans la mesure où il n'était pas contesté que les certificats de nationalité avaient été établis à tort grâce à l'intervention du prévenu ;

- que l'enquête avait ainsi permis d'établir que sous prétexte d'œuvrer pour des associations à but humanitaire, le second demandeur avait mis en place un réseau national et international qui avait pour seule finalité de permettre à des ressortissants comoriens dont la filiation ne le permettait pas, d'obtenir la délivrance d'un certificat de nationalité française.

 

Pour infirmer le jugement et déclarer la première demanderesse au pourvoi (adjointe admnistrative faisant fonction de greffière) coupable d'aide à l’entrée ou au séjour d’un étranger en France, l’arrêt relevait, ensuite, qu’il résultait de la procédure et des débats  :

- que l’intéressée avait systématiquement mis en forme les dossiers déposés par son intermédiaire, préparant les certificats de nationalité française qu'elle avait soumis à la signature d'un greffier en chef qu'elle savait peu au fait des questions de nationalité ;

- que les certificats visés avaient été établis à tort dans la mesure où la filiation des demandeurs n'était pas établie ;

- que la demanderesse avait accepté en toute connaissance de cause que la compétence du tribunal de Tarascon soit rendue possible par la production de certificats d'hébergement douteux et n'avait pas tenu compte de la règle selon laquelle la seule filiation reconnue aux Comores était la filiation légitime ;

- que son ancienneté au service et ses capacités reconnues par ses supérieurs hiérarchiques ne lui permettaient pas de se retrancher ni derrière une incompétence ni derrière l'autorité du greffier en chef dont elle savait qu'il lui faisait entièrement confiance ;

- qu’il ne lui était pas reproché d'avoir elle-même signé les certificats de nationalité mais d'avoir, en les préparant, permis qu'ils soient signés à tort par le greffier en chef, qu'aucune explication sérieuse n'avait pu être donnée pour justifier l'absence d'enregistrement régulier des dossiers des ressortissants comoriens ;

- qu’aucun élément du dossier ne permettait d’affirmer que les personnes concernées par ces certificats ne seraient pas étrangers dans la mesure où il n'était pas contesté que les certificats de nationalité avaient été établis à tort.

 

Les juges ajoutaient que la prévenue, en contrepartie de son intervention, avait pu, avec ses compagnons, effectuer sans frais des voyages, l'un aux Comores et l'autre à Dubai, le prétexte humanitaire donné à ces déplacements dont le coût pouvait être fixé au moins à 3 000 euros restant à démontrer.

 

Les deux intéressés forment un pourvoi en cassation arguant, notamment, de l'absence d'élément intentionnel et matériel.

 

Pour la Chambre criminelle, en disposant ainsi, et énonçant les précisions susvisées, la cour d’appel a justifié sa décision. Dès lors, les griefs, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis.

 

En revanche, la Cour rappelle également, au visa de l'article 132-1 du Code pénal (N° Lexbase : L9834I3M), et des articles 485 (N° Lexbase : L9916IQC), 512 (N° Lexbase : L4412AZG) et 593 (N° Lexbase : L3977AZC) du Code de procédure pénale, qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle et que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. En l’espèce, pour condamner la demanderesse au pourvoi à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis, l’arrêt énonçait que son bulletin numéro un du casier judiciaire ne mentionnait pas de condamnation et qu’au regard des circonstances particulières de l'espèce la cour considérait que la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis constituerait une sanction bien proportionnée à la gravité des faits et bien adaptée à la personnalité de l'intéressée.

 

En prononçant ainsi, sans mieux s'expliquer, par des éléments tirés de l’espèce, sur la gravité des faits et sur la personnalité de la prévenue et sa situation personnelle, la Cour de cassation estime que la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. Elle censure donc partiellement l’arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (cf. l’Ouvrage «Droit des étrangers» N° Lexbase : E4048EYL).

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Droit pénal fiscal

[Le point sur...] Actualité du cumul de sanctions pénales et fiscales : des divergences aux convergences

Lecture: 19 min

N7870BXR

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par Benjamin Ricou, Maître de conférences en droit public, Le Mans Université, Co-directeur du Master 2 Droit public, parcours contentieux publics, Membre du Laboratoire Thémis-Um

Le 27 Février 2019

Contexte et problématiques. La plupart des Etats ayant un double dispositif -administratif et pénal- pour sanctionner les violations les plus importantes de la législation fiscale, les contribuables faisant l’objet des deux types de poursuites font volontiers valoir leur droit à ne pas être puni deux fois pour les mêmes faits, dans un contexte qui ne leur est pourtant pas favorable, puisqu’il tend au renforcement des moyens de détection de la fraude fiscale et d’alourdissement des sanctions.

 

Lorsque l’administration fiscale entend sanctionner une infraction fiscale, elle utilise généralement des pénalités administratives (amendes et majoration de droits), assorties le plus souvent d’intérêts de retard. Mais pour réprimer les comportements les plus graves, le Code général des impôts lui permet également d’engager des poursuites correctionnelles afin que des sanctions pénales soient prononcées. Aujourd’hui, si le montant des droits fraudés dépasse 100 000 euros, l’administration fiscale doit, outre les majorations de droits qu’elle inflige au contribuable, dénoncer au Procureur de la République les faits examinés dans le cadre de son pouvoir de contrôle. Pour des montants inférieurs, elle dispose encore de la faculté de poursuivre ou non[1].

 

La validité d’un tel système de sanction à double détente ne va pas de soi, puisqu’il s’agit d’infliger les deux sanctions à une même personne pour les mêmes faits. En témoignent le nombre de décisions rendues à cet égard ces cinq dernières années tant par la Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après «CEDH») et la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après «CJUE») que par les juridictions internes ainsi que la fréquence des revirements, ajustements et alignements jurisprudentiels opérés.

 

Plusieurs décisions rendues très récemment par les plus hautes juridictions nationales et européennes sont l’occasion de dresser un état des lieux d’une telle possibilité de cumul et de ses conditions, lesquelles tendent à se standardiser par l’effet bénéfique d’un dialogue nourri entre ces juridictions, mais sans qu’elles y soient parvenues totalement pour autant. En tout état de cause, en fonction de la juridiction devant laquelle on se trouve, le cumul est plus ou moins difficile à mettre œuvre, certaines conditions pouvant différer pour qu’il soit autorisé. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces difficultés : le durcissement généralisé des procédures administratives de sanction leur donne un aspect quasi-pénal, ce qui est de nature à brouiller les cartes ; la nature exacte de celles-ci, leur ampleur et leurs liens avec les sanctions strictement pénales divergent selon l’Etat considéré ; les normes de référence applicables ne sont pas les mêmes et ont des champs d’application et des objectifs qui ne sont pas rigoureusement identiques.

 

L’on est évidemment ici au cœur de la problématique fiscale de la conciliation des droits fondamentaux de l’individu et du besoin impérieux de recouvrer l’impôt dans son intégralité en sanctionnant les fraudeurs et en dissuadant les contribuables de méconnaître leurs obligations fiscales. Il faut aussi mettre en perspective ces questionnements avec l’évolution particulièrement riche des relations entre l’administration fiscale et le juge fiscal d’une part et le juge pénal d’autre part. Même si l’indépendance des procédures et des contentieux tient le choc, il faut bien constater que les exceptions ont tendance à se multiplier[2] : se sont ajoutées à l’autorité absolue de chose jugée du constat de la matérialité des faits par le juge pénal[3] et de l’annulation d’un acte administratif par le juge administratif, l’impossibilité pour le juge pénal de punir pour délit de fraude fiscale un contribuable qui en a été déchargé de façon définitive pour un motif de fond par le juge de l’impôt[4] ainsi que l’impossibilité pour un contribuable relaxé par le juge pénal de faire l’objet d’une procédure répressive administrative, sous réserve que ces deux actions soient liées.

 

Nos propos se concentreront strictement sur la mise au clair des jurisprudences européennes et nationales (en se limitant aux juridictions françaises) relatives à la possibilité de sanctionner administrativement et pénalement une même personne à raison des mêmes faits. Pour ce faire, il convient inéluctablement de procéder par ordre juridique, toute approche matérielle ne permettant pas de décrire et de commenter avec suffisamment de clarté le ballet auquel se livrent les juridictions concernées.

 

I. Droit européen des droits de l’Homme

 

Article 4 du 7ème Protocole additionnel annexé à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. Du côté du droit européen des droits de l’Homme, l’article 4 du protocole n° 7 (ci-après «l’article 4P7») pose le «Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois», lequel implique de ne pas «[…] être poursuivi ou puni pénalement […] en raison d’une infraction pour laquelle [on] a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat». Une lecture littérale de ces stipulations laisse à penser que le principe ne bis in idem ne s’applique qu’à la seule matière pénale et ne régit pas des procédures et sanctions de nature différente. Mais la CEDH a appliqué au protocole n° 7 sa jurisprudence «Engel»[5] et son interprétation autonome de l’expression «accusation en matière pénale» figurant à l’article 6§1 de la Convention, pour identifier la nature «pénale» d’une sanction. Ainsi, l’application des «critères Engel» (qualification juridique de l’infraction dans le droit de l’Etat, nature de l’infraction, sévérité de la sanction encourue) peut conduire à considérer une procédure administrative comme étant juridictionnelle et pénale au sens du droit européen s’il peut en résulter une sanction ayant un caractère punitif. L’article 4P7 doit alors être compris comme interdisant l’engagement de poursuites pénales pour des faits ayant déjà fait l’objet d’une procédure administrative de sanction close par une décision définitive[6] et réciproquement[7]. Il interdit aussi la poursuite parallèle de procédures de sanction pénale et administrative déconnectées l’une de l’autre, matériellement et dans le temps, en raison du risque d’aboutir à une seconde condamnation dont la sévérité ne prendrait pas en compte la première sanction[8]. Dit autrement, le cumul est possible dans ce cas, depuis la décision «A. et B. c. Norvège», lorsque les procédures en cause sont unies par un «lien matériel et temporel suffisamment étroit» [9], l’ordre dans lequel elles interviennent important peu. Pour ce qui concerne l’appréciation du lien matériel, la Cour énonce que quatre éléments pertinents doivent notamment être pris en compte : «le point de savoir si les différentes procédures visent des buts complémentaires […] » ; «le point de savoir si la mixité des procédures en question est une conséquence prévisible, aussi bien en droit qu’en pratique, du même comportement réprimé (idem) » ; « le point de savoir si les procédures en question ont été conduites d’une manière qui évite autant que possible toute répétition dans le recueil et dans l’appréciation des éléments de preuve, notamment grâce à une interaction adéquate entre les diverses autorités compétentes » ; « et surtout, le point de savoir si la sanction imposée à l’issue de la procédure arrivée à son terme en premier a été prise en compte dans la procédure qui a pris fin en dernier, de manière à ne pas faire porter pour finir à l’intéressé un fardeau excessif, ce dernier risque étant moins susceptible de se présenter s’il existe un mécanisme compensatoire conçu pour assurer que le montant global de toutes les peines prononcées est proportionné»[10] - ce dernier critère correspondant à celui également utilisé par le Conseil constitutionnel (v. infra). L’existence et le caractère suffisant du lien temporel n’implique pas que les deux procédures soient menées simultanément dans leur intégralité, mais ce lien «[…] doit être suffisamment étroit pour que le justiciable ne soit pas en proie à l’incertitude et à des lenteurs, et pour que les procédures ne s’étalent pas trop dans le temps […] même dans l’hypothèse où le régime national pertinent prévoit un mécanisme "intégré" comportant un volet administratif et un volet pénal distincts»[11] - ce qui, on en conviendra, est très approximatif et subjectif et ne sera pas sans entraîner d’épineuses difficultés d’appréciation.

 

Réserve à l’article 4P7. Lors de la ratification du protocole additionnel n° 7, la France a émis la réserve suivante : «[…] seules les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale doivent être regardées comme des infractions au sens des articles 2 à 4 du présent Protocole». Ainsi, comme l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie et le Portugal[12], la France a par cette réserve écarté le principe ne bis in idem des procédures administratives d’une part, et des rapports entre elles et la répression pénale au sens du droit interne d’autre part. Ainsi, notamment, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré dans une décision du 13 septembre 2017 que l’ex Conseil des marchés financiers n’était pas une juridiction pénale au sens de la réserve et qu’il était par voie de conséquence tout à fait possible que les prévenus, sanctionnés par cette autorité pour des faits donnant lieu à poursuites devant la juridiction pénale, soient déclarés coupables du délit d’escroquerie et condamnés à ce titre par cette dernière[13]. On peut alors exclure des «infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale» les faits dont la connaissance est attribuée aux autorités administratives (ou publiques) indépendantes ainsi qu’à l’administration fiscale et au juge administratif. De la même manière, la chambre criminelle a refusé dans une décision du 6 décembre 2017[14] au prévenu poursuivi du chef de fraude fiscale devant le tribunal correctionnel le bénéfice de l’article 4P7 au motif avancé par celui-ci qu’il avait déjà fait l’objet de sanctions de la part de l’administration fiscale pour les mêmes faits, la cour rappelant l’existence de la réserve et son absence de remise en cause par la CEDH.

 

Avenir incertain de la réserve. L’avenir de la réserve française est toutefois devenu assez largement incertain, en raison des décisions «Grande Stevens et Gradinger»[15], la CEDH condamnant respectivement les réserves italienne et autrichienne pour n’avoir pas inclus le «bref exposé» de la loi (ou des lois) incompatible(s) avec l’article 4, comme l’exige pourtant le paragraphe 2 de l’article 57 de la CESDH. Pour la Cour (et pour se limiter à la réserve italienne, qui est formulée en des termes très proches de celle émise par la France), «[…] on peut déduire du libellé de la réserve que l’Italie a entendu exclure du champ d’application de cette disposition toutes les infractions et les procédures qui ne sont pas qualifiées de "pénales" par la loi italienne. Il n’empêche qu’une réserve qui n’invoque ni ne mentionne les dispositions spécifiques de l’ordre juridique italien excluant des infractions ou des procédures du champ d’application de l’article 4 du Protocole n° 7 n’offre pas à un degré suffisant la garantie qu’elle ne va pas au-delà des dispositions explicitement écartées par l’Etat contractant»[16].

 

La Cour n’a pas (encore) pris position au regard de la réserve française. Tout au plus a-t-elle constaté dans sa décision «A. et B. c/ Norvège» que cette dernière n'avait pas été invalidée, à la différence des réserves italienne et autrichienne. Si la Cour «signale» entre parenthèses au point 117 de la décision que «les réserves formulées par l’Autriche et l’Italie ont été jugées non valables parce qu’elles n’étaient pas accompagnées d’un bref exposé de la loi en cause comme le veut l’article 57, §2 […], contrairement à la réserve émise par la France [Götkan c/ France, n° 33402/96, §51]», l’adverbe «contrairement» renvoie évidemment au fait que la réserve n’ait pas été invalidée, et non pas à l’existence du «bref exposé de loi».

 

II. Droit de l’Union européenne

 

Article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La CJUE estime depuis sa décision «Hans Akerberg Fransson»[17] que l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux, selon lequel «Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement pénal définitif conformément à la loi», ne s’oppose pas à la combinaison de sanctions fiscales et pénales pour des mêmes faits (en l’espèce de non-respect d’obligations déclaratives dans le domaine de la TVA), sauf si la sanction fiscale revêt un caractère pénal au sens de l’article 50 et est devenue définitive, la nature pénale de la sanction s’appréciant au regard de trois critères, qui sont ceux de la décision «Engel», que la CJUE a repris dans sa décision Bonda[18]. Une telle position apparaissait relativement stricte, puisque tout cumul était interdit dans ce dernier cas. Mais à l’occasion de plusieurs affaires italiennes[19], la Cour de justice a fait évoluer cette position en se rapprochant sensiblement de la jurisprudence de la CEDH établie dans la décision «A. et B. c/ Norvège». Elle continue certes à affirmer, dans la lignée de sa décision «Akerberg Fransson», que le caractère pénal des deux procédures prohibe en principe leur cumul mais elle précise, contrairement à ce que lui proposait son avocat général[20], que le principe ne bis in idem peut être mis à l’écart pour assurer les objectifs généraux de lutte contre les infractions en matière de TVA, de sauvegarde de l’intégrité des marchés financiers de l’Union et de confiance du public dans les instruments financiers. Elle se fonde sur l’article 52 de la Charte, selon lequel les limitations «[…] de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte [doivent répondre] à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui», et qui permet alors de justifier le cumul par une limitation du principe ne bis in idem - ce qu’elle avait déjà affirmé de façon beaucoup plus générale dans sa décision «Spasic» du 27 mai 2014. La Cour de justice s’engage alors dans la voie ouverte par la Cour de Strasbourg, conduisant à prendre davantage en compte l’objectif répressif que les Etats tentent d’atteindre par un cumul de sanctions administratives et pénales. Toutefois, elle ne suit pas exactement la motivation retenue par la Cour de Strasbourg et retient une interprétation autonome de la Charte, puisqu’elle n’est pas liée par la CESDH dans cette interprétation. Et pour cause, elle n’est pas, comme elle le rappelle avec constance, un «instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union»[21]. La différence la plus visible tient au fait que la Cour de justice ne se fonde pas sur un critère tiré d’un lien matériel et temporel suffisamment étroit pour considérer qu’il n’y a pas de «bis» si le critère est satisfait –-ce que fait la CEDH dans sa décision «A. et B. c/ Norvège», les deux procédures devant être considérées, de l’avis de cette dernière, comme un mécanisme intégré équivalant à une réponse répressive unique.

 

Dans une voie sensiblement différente, la Cour de justice vérifie bien si les deux procédures ont «[…] des buts complémentaires ayant pour objet, le cas échéant, des aspects différents du même comportement infractionnel concerné»[22] -ce qui renvoie au lien exigé par la CEDH- mais la CJUE l’utilise en aval, dans la recherche de la légitimité du but poursuivi, et non pas en amont, pour vérifier l’application du principe ne bis in idem, les deux procédures demeurant bel et bien distinctes. Cette méthode semble alors offrir un niveau de protection plus élevé que celle retenue par la CEDH. Le cumul n’est néanmoins possible que si certaines conditions cumulatives -outre l’identification d’un objectif d’intérêt général- sont par ailleurs satisfaites, ce qu’il appartient au juge national de vérifier : le droit interne doit avoir établi des règles claires et précises permettant au justiciable de savoir quels comportements sont susceptibles de faire l’objet d’un cumul ; les procédures doivent être coordonnées entre elles ; la sévérité de l’ensemble des sanctions doit être proportionnée par rapport à la gravité de l’infraction commise, ces conditions paraissant difficiles à respecter en l’état du droit fiscal français[23].

 

III. Jurisprudence interne

 

Position du Conseil constitutionnel. La règle non bis in idem étant dépourvue de valeur constitutionnelle (il peut donc toujours y être dérogé par une loi)[24], elle n’a été, depuis de nombreuses années, limitée que par sa conciliation avec le principe de nécessité des délits et des peines fondé sur l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, le Conseil constitutionnel exigeant que pour les mêmes faits, le montant cumulé de la sanction administrative et de la sanction pénale ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des deux sanctions encourues[25]. En raison notamment de l’évolution de la jurisprudence européenne décrite supra («Lucky c/ Suède, Rinas c/ Finlande») et du changement de circonstances résultant de la décision du 18 mars 2015 appliquant la règle ne bis in idem en matière boursière[26], la Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre du mécanisme de question prioritaire de constitutionnalité afin de savoir si le cumul des sanctions pénales et administratives en matière fiscale portait atteinte aux principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines. C’était l’occasion de faire évoluer sa formule de principe, en n’énonçant plus l’une des conditions cumulatives interdisant la dualité de poursuites, celle tenant à ce que ces dernières soient exercées devant le même ordre de juridiction. Dans deux décisions du 24 juin 2016[27], se gardant encore de faire toute référence au principe non bis in idem, il juge que les principes énoncés par l’article 8 de la Déclaration de 1789 «[…] ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s’étendent à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts» (pt. 8). Estimant que «[…] le recouvrement de la nécessaire contribution publique et l’objectif de lutte contre la fraude fiscale justifient l’engagement de procédures complémentaires dans les cas de fraudes les plus graves [et qu’ainsi aux] contrôles à l’issue desquels l’administration fiscale applique des sanctions pécuniaires peuvent […] s’ajouter des poursuites pénales dans les conditions et selon les procédures organisées par la loi» (pt. 20), il pose néanmoins trois réserves au cumul : un contribuable ayant été déchargé de l’impôt pour un motif de fond par une décision juridictionnelle définitive ne peut pas être condamné par la suite pour fraude fiscale (pt. 13) ; la sanction pénale n’a vocation à s’appliquer que dans les «[…] cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l’impôt, [cette] gravité [pouvant] résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention» (pt. 21) ; si l’engagement de deux procédures peut conduire à un cumul de sanctions, «[…] le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues» (pt. 8). Il réitèrera cette jurisprudence dans une décision du 22 juillet 2016, concernant également l’article 1741 du Code général des impôts, mais dans sa rédaction issue de la loi du 12 mai 2009[28].

 

Enfin, pour ce qui concerne la réserve à l’article 4P7, pendant de nombreuses années, la question de la validité des réserves aux stipulations internationales ne s’est jamais directement posée devant lui, car il ne s’agit pas d’une question de constitutionnalité. Lorsqu’il a été interrogé a posteriori sur la constitutionnalité des articles 1728 et 1741 du Code général des impôts au regard des principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines, le requérant lui avait également demandé de saisir la CEDH d’une telle demande d’avis. Mais il refusa de façon lapidaire, en considérant qu’ «[…] aucun motif ne justifie une telle saisine en l’espèce» et que «[…] ces conclusions doivent être rejetées »[29].

 

Position des juridictions ordinaires. Les juridictions internes ont traditionnellement refusé de donner au principe non bis in idem une portée générale et absolue lorsque des mêmes faits pouvaient donner lieu à plusieurs sanctions de nature différente (civile, administrative, disciplinaire, pénale), en raison de la différence de nature et d’objet des différentes catégories de sanctions. La Cour de cassation juge ainsi, depuis sa décision «Ponsetti»[30], que la règle européenne ne bis in idem «[…] ne trouve à s’appliquer […] que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n’interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif». Le cumul a même un fondement législatif en droit fiscal, le premier alinéa de l’article 1741 du Code général des impôts (N° Lexbase : L6015LMQ) énonçant que les peines qu’il prévoit sont encourues «[…] indépendamment des sanctions fiscales applicables». Sur un plan constitutionnel, saisie de questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité des articles 1741 et 1743 (N° Lexbase : L3888IZZ) du Code général des impôts aux principes constitutionnels de légalité et de nécessité des peines et de l’obligation à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, elle avait dans un premier temps considéré que ces questions ne présentaient pas «à l’évidence» de caractère sérieux «[…] dès lors que, d’une part, la procédure administrative et la procédure pénale sont indépendantes l’une de l’autre et ont des objets et des finalités différents, [et] d’autre part [qu’] en cas de cumul entre une sanction administrative et une sanction pénale, le juge judiciaire est tenu de respecter le principe, posé par le Conseil constitutionnel, selon lequel le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues»[31].

 

Pour ce qui concerne la réserve à l’article 4P7, c’est une «ligne prudente qui domine»[32]. De son côté, la Cour de cassation applique la réserve sans sourciller et surtout, sans se prononcer sur sa validité depuis sa décision «Ponsetti»[33], alors même qu’il semble aisément concevable d’appliquer sa propre jurisprudence d’Assemblée plénière selon laquelle les Etats doivent respecter les décisions de la CEDH sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation[34].

De son côté, le Conseil d’Etat a toujours appliqué les réserves (dont celle portant sur l’article 4), mais sans jamais les contrôler[35]. La question lui ayant été très récemment posée, il jugea par une décision d’Assemblée du 12 octobre 2018[36] qu’il ne lui appartenait pas d’en apprécier la validité, car elle est «[…] non dissociable de la décision de la France de ratifier [le] protocole […]». Il refuse ainsi de considérer que la réserve a un caractère détachable de la conduite des relations internationales et la met alors à l’abri de toute contestation contentieuse, en la plaçant dans la catégorie des actes de gouvernement. La lecture des conclusions du rapporteur public éclaire ce choix et montre qu’il n’est pas dicté par des considérations purement techniques, mais davantage de politique jurisprudentielle : ne pas jouer à l’arbitre entre un gouvernement évidemment favorable au maintien de la réserve et une cour plutôt hostile, et laisser cette dernière prononcer une éventuelle invalidité de celle-ci et déterminer les conséquences qui en résulteraient, notamment l’application des notions de connexité matérielle et temporelle des procédures. Les requérants avaient, de façon subsidiaire, demandé au Conseil d’Etat de saisir la CEDH, sur le fondement de l’article 1er du Protocole n° 16, d’une demande d’avis portant sur les conditions d’application de l’article 4P7 et sur le caractère opposable de la réserve d’interprétation formulée par la France. Ce dernier refusa évidemment, les avis rendus dans ce cadre n’étant que consultatifs, «[…] de sorte qu’en toute rigueur, il [aurait] d’abord [fallu] affirmer explicitement ou implicitement [la compétence du Conseil d’Etat] avant de poser la question de la validité de la réserve à la Cour»[37]. La question de la validité de la réserve (et du double système répressif français en matière fiscale notamment) est alors en stand-by. Ce sera donc à la Cour de se prononcer, mais il n’y a guère de doute sur la position qu’elle adoptera. Si elle considère que la réserve n’est pas valide, le principe ne bis in idem reprendra sa pleine application et empêchera le cumul de sanctions pénales et fiscales sous réserve de ce qui est dit pour droit dans la décision «A. et B. c. Norvège».

 

IV. Synthèse

En définitive, toutes les jurisprudences, européennes et nationales autorisent le cumul de poursuites et de sanctions en matière fiscale, sous réserve du respect du principe de proportionnalité - mais selon des modalités différentes. L’absence de reconnaissance du caractère supra législatif du principe non bis in idem par le Conseil constitutionnel, le refus des juridictions internes de prendre position sur la validité de la réserve, et le maintien consécutif de positions divergentes de celle de la CEDH exposent non seulement à un risque de condamnation de la part de cette dernière, mais encore au maintien larvé d’une situation inconfortable pour le juge ordinaire, lequel se retrouve en porte-à-faux entre les deux interprétations. A cela s’ajoutent les différences de vue persistantes entre la CEDH et la CJUE.

 

L’attachement de la première à donner au principe ne bis in idem la portée la plus étendue possible se comprend aisément, puisqu’elle œuvre principalement pour la défense et la primauté des droits des individus, ce qui n’est pas nécessairement le cas de la Cour de justice et des juridictions internes, lesquelles doivent aussi composer avec des impératifs économiques et financiers majeurs. L’adhésion de l’Union européenne à la CESDH permettrait de résoudre son lot de difficultés car elle permettrait une unité d’interprétation impossible à obtenir en l’état, la Convention et la Charte ayant des champs d’application et des portées différentes.

 

Malgré ces difficultés, le rapprochement entre les différentes juridictions est indéniable et témoigne d’une convergence de plus en plus poussée des standards de protection des droits au niveau européen. Cette convergence ne doit pas s’analyser comme l’abaissement des cours aux revendications des Etats-membres, particulièrement attachés à l’idée d’une répression toujours plus intense des fraudes fiscales, mais comme le fruit d’un dialogue autour de la meilleure protection possible, à différents niveaux, des droits fondamentaux tout en assurant un mécanisme de répression efficace à même de minimiser les pertes de recettes fiscales. On se permettra tout de même de conclure avec les propos du Professeur Bernard Bouloc et d’espérer la fin de telles solutions de bricolage qui perturbent la lisibilité du droit : «Un jour, ou l’autre, il faudra bien trancher : ou la voie administrative paraît la plus adéquate, et cela devrait exclure la voie pénale, ou bien la voie pénale est la mieux adaptée, et il ne serait plus possible de sanctionner administrativement»[38].

 

[1] Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018, relative à la lutte contre la fraude, art. 36 (N° Lexbase : L5827LMR) ; LPF, art. 228 (N° Lexbase : L6058LMC).

[2] V. not. sur ce point : L. Ayrault, «L’indépendance des contentieux pénal et fiscal», Droit fiscal, 2016, n° 38, étude 503.

[3] CE 8° ch., 13 juillet 1967, n° 67559 (N° Lexbase : A9432B7H) ; CE Section, 16 février 2018, n° 395371, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7280XDY).

[4] Cons. const., décisions du 24 juin 2016,  no 2016-545 QPC (N° Lexbase : A0909RU9) et 2016-546 QPC (N° Lexbase : A0910RUA).

[5] CEDH, 8 juin 1976, Req. 5100/71 (N° Lexbase : A5111AYX).

[6] CEDH, 10 février 2009, Req. 14939/03 (N° Lexbase : A0804ED7).

[7] CEDH, 27 novembre 2014, Req. 7356/10 du 27 novembre 2014 (N° Lexbase : A9900SGR).

[8] CEDH, 27 janvier 2015, Req. 17039/13 (N° Lexbase : A9900SGR).

[9] CEDH, 15 novembre 2016, Req. 24130/11 et Req. 29758/11 (N° Lexbase : A9900SGR), pt. 130 et s. ; CEDH, 18 mai 2017, Req. 22007/11, pt. 49 et s.

[10] CEDH, 15 novembre 2016, préc., pt. 132.

[11] CEDH, «A. et B. c. Norvège», préc., pt. 134.

[12] Liste des réserves émises au Protocole n° 7.

[13] Cass. crim., 13 septembre 2017, n° 15-84.823 (N° Lexbase : A0758WSU).

[14] Cass. crim., 6 décembre 2017, n° 16-81.857 (N° Lexbase : A1222W7E).

[15] CEDH, 4 mars 2014, Req. 18640/10 (N° Lexbase : A1275MGC) ; CEDH, 23 octobre 1995, Req. 15963/90 (N° Lexbase : A9541NNP).

[16] CEDH, «Grande Stevens c. Italie», préc., pt. 210.

[17] CJUE, 26 février 2013, aff. C-617/10 (N° Lexbase : A6106I8N).

[18] CJUE, 5 juin 2012, aff. n° 489/10 (N° Lexbase : A1022IN8).

[19] CJUE, 20 mars 2018, aff. nos C-524/15, C-537/16, C-596/16 et C-597/16 (N° Lexbase : A2864XHK).

[20] M. Campos Sanchez-Bordona, concl. sur CJUE, aff. n° C-524/15, présentées le 12 septembre 2017, §78 et s..

[21] Menci, pt. 22 ; Garlsson Real Estate, pt. 24. Ce rappel ne figure pas dans la décision Di Puma et Zecca. V. auparavant : CJUE, 23 février 2013, aff. n° C-617/10.

[22] Menci, pt. 44 ; Garlsson Real Estate, pt. 46 ; Di Puma et Zecca, pt. 42.

[23] On renverra sur ce point à l’analyse faite en ce sens de ces conditions par le Pr. M. Pelletier in «La CJUE et le principe non bis in idem : un pas en arrière, deux pas en avant», Droit fiscal, 5 avril 2018, n° 14, act. 139.

[24] Cons. const., décision du 30 juillet 1982 n° 82-143 DC du 30 juillet 1982 (N° Lexbase : A8045ACX), consid. 13.

[25] Cons. const., décision du 28 juillet 1989, n° 89-260 DC (N° Lexbase : A8202ACR) ; n° 97-395 DC (N° Lexbase : A8445ACR), consid. 41. V. en dernier lieu : Cons. const., décision du 23 novembre 2018, n° 2018-745 QPC (N° Lexbase : A3978YMB).

[26] Cons. const., décisions du 18 mars 2015 nos 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC (N° Lexbase : A3978YMB), confirmées par la décision  du 14 janvier 2016, n° 2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016 (N° Lexbase : A5893N3N)..

[27] Cons. const., décisions du 24 juin 2016 nos 2016-545 QPC et 2016-546 QPC, préc..

[28] Cons. const., décision du 22 juillet 2016, n° 2016-556 QPC (N° Lexbase : A7432RXK).

[29] Cons. const., décision du 23 novembre 2018, n° 2018-745 QPC préc..

[30] V. p. ex. : Cass. crim., 20 juin 1996, n° 94-85.796 (N° Lexbase : A2863CIU).

[31] Cass. crim., 3 décembre 2014, n° 14-90.040 (N° Lexbase : A0679M7B).

[32] C. Touboul, concl. sur CE Contentieux, 12 octobre 2018, n° 408567, publié au Recueil Lebon (N° Lexbase : A3433YGA).

[33] Cass. crim., 20 juin 1996, pourvoi n° 94-85.796, préc. V. aussi, p. ex. : Cass. crim., 22 février 2017, n° 14-82.526 FS-P+B (N° Lexbase : A2508TPL) ; Cass. crim., 13 septembre 2017, n° 15-84.823, préc. ; Cass. crim., 6 décembre 2017, n° 16-81.857, préc. ; Cass. crim., 3 mai 2018, n° 17-81.594 (N° Lexbase : A4420XMN) ; Cass. crim., 12 septembre 2018, n° 17-83.793 FS-P+B (N° Lexbase : A7848X4G).

[34] Ass. plén., 15 avril 2001, n° 10-17.049 (N° Lexbase : A5043HN4) ; Cass. soc., 13 décembre 2017, n° 16-21.018 (N° Lexbase : A1308W8X).

[35] V. p. ex. : CE 9° et 10° ch.-r., 26 décembre 2008, n° 282995, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9620EBW).

[36] CE Contentieux, 12 octobre 2018, n° 408567, publié au recueil Lebon préc..

[37] C. Touboul, concl. précitées.

[38] B. Bouloc, note sous Cass. crim., 4 juin 1998, RTD-Com. 1999, p. 522.

newsid:467870

Droit social européen

[Brèves] Publication de l’ordonnance transposant la Directive relative au détachement de travailleurs dans le cadre d’une prestation de service

Réf. : Ordonnance n° 2019-116 du 20 février 2019, portant transposition de la Directive (UE) 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018, modifiant la Directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (N° Lexbase : L3486LPS)

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par Charlotte Moronval

Le 27 Février 2019

► Publiée au Journal officiel du 21 février 2018, l’ordonnance n° 2019-116 du 20 février 2019 (N° Lexbase : L3486LPS) est prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 93 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (N° Lexbase : L9567LLW), qui autorise le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires à la transposition de la Directive (UE) 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018, modifiant la Directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (N° Lexbase : L3559LLE).

 

Cette ordonnance révise le cadre légal européen applicable aux travailleurs détachés. Elle consacre le principe "à travail égal, salaire égal" qui repose sur une définition unique de la notion de rémunération devant tenir compte de tous les types de primes.

 

Elle permet de mieux lutter contre la fraude, en complétant les mesures et les sanctions déjà existantes. La transparence et les obligations d’information sur les règles applicables en matière de détachement de salariés intérimaires sont renforcées et mieux contrôlées. De nouveaux motifs de sanctions administratives sont créés en cas de non-respect des obligations prévues par l’ordonnance (lire également le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance ainsi que le compte-rendu du Conseil des ministres du 20 février 2019).

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Égalité salariale hommes/femmes

[Textes] Le décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 ou la méthodologie d’un électrochoc attendu !

Réf. : Décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019, portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l'entreprise et relatives à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail (N° Lexbase : L8693LNB)

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par Céline Leborgne-Ingelaere, Maître de conférences HDR en droit privé à l’Université de Lille

Le 27 Février 2019

L’objectif est clair et chiffré : une entreprise doit obtenir 75 points sur 100 après avoir évalué les écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes. A défaut, des mesures correctives doivent être mises en œuvre pour parvenir à un résultat suffisant dans un délai de trois ans, sous peine de sanction pécuniaire.

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (N° Lexbase : L9567LLW) affiche un impératif de lutte contre les inégalités salariales entre les hommes et les femmes et les violences sexuelles et sexistes. Déclarée grande cause nationale du quinquennat par le Président de la République, le renforcement de l’égalité professionnelle est dans la ligne de mire du législateur. Très attendu, un décret du 8 janvier 2019, portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et relatives à la lutte contre les violences sexuelles, et pris pour l’application des articles 104 et 105 de la loi, a été publié au journal officiel du 9 janvier 2019 [1]. Sous réserve des règles, dérogatoires, relatives à la publication du niveau de résultat par les entreprises, les dispositions du présent décret entrent en vigueur le 1er janvier 2019. Le texte est technique, mais incontestablement pédagogique en ce qu’il comporte des annexes et tableaux permettant aux employeurs d’appréhender les modalités de calcul et d’évaluation des indicateurs, tout en tenant compte des adaptations prévues selon la taille des entreprises. La complexité des règles applicables explique cependant qu’ait été prévue la désignation de référents régionaux afin d’accompagner les entreprises de 50 à 250 pour le calcul des indicateurs et, le cas échéant, pour la définition des mesures adéquates et pertinentes de correction [2]. De plus, au titre des mesures d’accompagnement, le ministère du Travail a d’ores et déjà publié un tableur pour aider les entreprises à calculer leurs indicateurs, dans l’attente d’une mise à jour des éditeurs de paie ou de BDES. Egalement, le ministère du Travail a mis en ligne sur son site une «foire aux questions» pour permettre aux entreprises de résoudre les éventuelles difficultés d’application. A noter encore qu’une Instruction du 25 janvier 2019 précise les nouvelles dispositions visant  à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes [3]. D’autres textes réglementaires viendront, sans aucun doute, préciser cet arsenal juridique complexe.

La loi de septembre 2018 et le décret du 8 janvier 2019 ont été adoptés dans le sillage de «l’index de l’égalité femmes-hommes», présenté en novembre 2018 par Muriel Pénicaud, Ministre du Travail, et Marlène Schiappa, Secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. Cet index est présenté comme un outil permettant d’évaluer les différences de rémunération au sein des entreprises. «En finir avec les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, de façon simple, fiable et motivante pour tous» : tel est le credo proclamé. L’égalité salariale entre les femmes et les hommes en entreprise fait l’objet d’une obligation de résultats, et non plus simplement d’une obligation de moyens.

L’article L. 1142-7 du Code du travail (N° Lexbase : L9800LLK), crée par la loi, affirme que l'employeur prend en compte un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Le décret du 8 janvier 2019 précise la méthodologie de calcul des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer (I), ainsi que leurs modalités de publication (II). Par ailleurs, le texte revient sur les mesures adéquates et pertinentes de correction (III) et les conditions de fixation de la pénalité financière, le cas échéant (IV). Egalement, le décret précise l’information délivrée aux salariés en matière de violences sexuelles et sexistes au travail (V). Efficacité, transparence, progressivité, sanction et information : les enjeux poursuivis par les textes sont précisés.

 

I - Un impératif d’efficacité : une méthodologie de calcul des indicateurs

 

La loi impose aux entreprises d’au moins 50 salariés de publier chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer [4]. Des adaptations sont toutefois prévues pour tenir compte de la taille de l’entreprise. Le décret fixe les indicateurs, via deux annexes visant les entreprises de plus de 250 salariés d’un côté, et les entreprises de 50 à 250 salariés de l’autre.

 

A - Des indicateurs variables selon la taille de l’entreprise

 

Les indicateurs fixés diffèrent très partiellement selon la taille des entreprises. En réalité, quatre indicateurs sont fixés pour les entreprises comprises entre 50 et 250 salariés contre cinq pour les entreprises de plus de 250 salariés. Plus spécifiquement, l’annexe I au décret vise les modalités de calcul et d'évaluation des indicateurs pour les entreprises de plus de 250 salariés, tandis que l’annexe II vise les modalités de calcul et d'évaluation pour les entreprises qui comprennent entre 50 et 250 salariés. Le niveau de résultat obtenu par l’entreprise au regard des indicateurs est déterminé conformément à ces annexes [5].

Par application de l’article D. 1142-2-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0529LPB), pour les entreprises de 50 à 250 salariés, les indicateurs sont les suivants :

- l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d'âge et par catégorie de postes équivalents ;

- l'écart de taux d'augmentations individuelles de salaire entre les femmes et les hommes ;

- le pourcentage de salariées ayant bénéficié d'une augmentation dans l'année suivant leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris et le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

Par ailleurs, pour les entreprises de plus de 250 salariés, les indicateurs sont :

- l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d'âge et par catégorie de postes équivalents ;

- l'écart de taux d'augmentations individuelles de salaire ne correspondant pas à des promotions entre les femmes et les hommes ;

- l'écart de taux de promotions entre les femmes et les hommes ;

- le pourcentage de salariées ayant bénéficié d'une augmentation dans l'année de leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris et le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations [6].

Dans ces deux hypothèses, en cas de constitution d'un comité social et économique au niveau d'une unité économique et sociale reconnue par accord collectif ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, les indicateurs sont calculés au niveau de l'unité économique et sociale. Si les indicateurs sont incontestablement très proches, un point de distinction entre les entreprises peut toutefois être relevé et concerne la question des promotions. Dans les entreprises de 50 à 250 salariés, toutes les augmentations individuelles sont prises en compte pour le calcul de l’indicateur, y compris celles correspondant à des promotions [7]. En revanche, dans les entreprises de plus de 250 salariés, l’écart de taux d’augmentations individuelles est calculé hors augmentations individuelles correspondant à des promotions. Plus simplement, dans les premières, les deux indicateurs relatifs aux mêmes chances d'augmentation salariale et de promotion sont fusionnés en un seul indicateur visant les augmentations de salaire des femmes par rapport aux hommes, qu’elles résultent de promotions ou d’augmentations.

L’indicateur relatif à la suppression des écarts de salaire entre les femmes et les hommes, à poste et âge comparables, renvoie à une obligation ancienne inscrite dans la loi depuis plusieurs décennies. La loi du 22 décembre 1972 intègre en effet dans le Code du travail le principe de l’égale rémunération des femmes et des hommes [8]. Selon l’article L. 3221-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0796H9D), «tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes». Pour autant, en 2019, les salaires des femmes sont toujours, pour le même travail, inférieurs de 9 % à ceux des hommes. Pour cet indicateur, afin d’obtenir 40 points, une entreprise doit atteindre 0 % d’écart de salaire entre les femmes et les hommes à poste et âge comparables.

A se placer dans la configuration des grandes entreprises (plus de 250 salariés), celles-ci doivent également évaluer l’existence de la même chance d’avoir une augmentation pour les femmes que pour les hommes et de la même chance d’obtenir une promotion pour les femmes que pour les hommes. S’agissant du premier indicateur, visant à inciter les managers à récompenser les salariés qui le méritent, le maximum de points (20 points) est accordé si l’entreprise a augmenté autant d’hommes que de femmes, à 2 % près. S’agissant du second indicateur, tendant à contrer le phénomène du «plafond de verre», le maximum de points (15 points) est accordé si l’entreprise a promu autant de femmes que d’hommes, à 2 % près. Pour ces indicateurs, seuls les groupes comprenant au moins dix femmes et dix hommes sont pris en compte.

Un autre indicateur tient au fait que toutes les salariées doivent être augmentées à leur retour de congé maternité, dès lors que des augmentations ont été données en leur absence. Ce rattrapage salarial n’est pas nouveau puisqu’il est inscrit dans la loi depuis 2006 [9]. Il permet à l’entreprise, lorsqu’il est respecté, de récolter 15 points.

Enfin, l’indicateur relatif au nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations vise à assurer à tous les échelons hiérarchiques, et notamment aux postes de direction, une représentation plus équilibrée des deux sexes.

 

B - Des méthodes de calcul des indicateurs précisées par le décret

 

Les indicateurs sont calculés selon une période de référence, de 12 mois consécutifs, que l’employeur peut choisir. Ils sont calculés chaque année par l'employeur, au plus tard le 1er mars de l'année en cours, à partir des données de la période de référence annuelle choisie par l'employeur qui précède l'année de publication des indicateurs. Une spécificité concerne les entreprises comprenant entre 50 et 250 salariés, puisque l'employeur peut décider de calculer l'indicateur relatif aux augmentations individuelles sur une période de référence pluriannuelle, à partir des données des deux ou trois années précédentes. Son caractère pluriannuel peut, en outre, être révisé tous les trois ans. A noter que, dans un objectif de stabilité, le choix de la période annuelle de référence engage l’employeur d’une année sur l’autre.

Le décret envisage également les salariés à prendre en compte pour le calcul de l’indicateur, sachant que l'effectif de ces salariés est apprécié sur la période de référence annuelle choisie par l'employeur. Certains salariés ne sont toutefois pas pris en compte dans l’effectif, à l’instar des apprentis, des titulaires d'un contrat de professionnalisation, des salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, des salariés expatriés, ainsi que des salariés absents plus de la moitié de la période de référence annuelle considérée. Sur ce dernier point, il est utile de noter que cette période de présence d’au moins six mois peut être continue ou discontinue et vise à exclure notamment les salariés dont le contrat de travail a été suspendu pendant plus de six mois au cours de cette période, ou ceux dont la durée du contrat était inférieure à six mois. Les caractéristiques individuelles des salariés (âge, niveau ou coefficient hiérarchique en application de la classification de branche ; niveau selon la méthode de cotation des postes de l'entreprise ; catégorie socio-professionnelle) sont appréciées au dernier jour de la période de référence annuelle choisie par l'employeur ou au dernier jour de présence du salarié dans l'entreprise.

Egalement, les annexes envisagent les éléments de rémunération à prendre en compte pour le calcul des indicateurs. Au sens de l’article L. 3221-3 du Code du travail (N° Lexbase : L0799H9H), la rémunération visée comprend non seulement le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, mais également tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier.

Les indicateurs sont calculés et évalués selon un barème allant de 0 à 100 points. Chaque indicateur fait l’objet d’une méthode précise de calcul. Le niveau de résultat obtenu par l'entreprise au regard des indicateurs correspond à la somme des points obtenus pour chacun des indicateurs en application du barème. Il est entendu que certains indicateurs ne sont parfois pas calculables. Les autres indicateurs sont alors calculés et le nombre total de points ainsi obtenus est ramené sur cent en appliquant la règle de la proportionnalité.

Pour simple illustration, sur la base du premier indicateur (commun aux deux types d’entreprises visées par les annexes), l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes est calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d'âge et par catégorie de postes équivalents. Seuls les groupes comprenant au moins trois hommes et au moins trois femmes sont pris en compte. Pour le calcul de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, et s’agissant des catégories de postes équivalents, l'employeur peut répartir les salariés, après consultation du comité social et économique, par niveau ou coefficient hiérarchique, en application de la classification de branche ou d'une autre méthode de cotation des postes. La méthode de cotation des postes ne doit pas aboutir à une construction des catégories par métier ou par fonction. Cette méthode de cotation des postes est adoptée après avis du comité social et économique. A défaut, ce sont les quatre catégories socio-professionnelles qui sont utilisées (ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise, ingénieurs et cadres). Les quatre tranches d’âge sont définies dans le décret (- moins de 30 ans ; - de 30 à 39 ans ; - de 40 à 49 ans ; - et 50 ans et plus) et il n’apparait pas possible d’opter pour des tranches d’âge plus fines. A titre d’exemple, on comparera les écarts de salaire des femmes et des hommes cadres entre 30 et 40 ans, ou encore des femmes et des hommes employés de plus de 50 ans. La rémunération moyenne des femmes et des hommes est calculée pour chacun des groupes ainsi constitué en calculant le salaire en équivalent temps plein pour chaque salarié puis en en faisant la moyenne.

Au-delà, le texte suit une logique de transparence en envisageant les modalités de publication des indicateurs.

 

II - Un impératif de transparence : les modalités de publication

 

Aussi complexe qu’elle puisse paraître, la méthode de calcul devra être appréhendée par les entreprises rapidement. En effet, les entreprises de plus de 250 et de moins de 1 000 salariés peuvent publier leur niveau de résultat jusqu'au 1er septembre 2019 et les entreprises de 50 à 250 salariés jusqu'au 1er mars 2020. Toutefois, les entreprises d’au moins 1 000 salariés ont jusqu’au 1er mars 2019 pour publier leur premier niveau de résultat en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Si une unité économique et sociale (UES) a été reconnue comme telle et comprend au moins 1 000 salariés, elle est aussi soumise à cette obligation de publication au 1er mars 2019, peu important la taille des entreprises qui la composent.

Par suite, le niveau de résultat fait l’objet d’une publication annuelle, au plus tard le 1er mars de l'année en cours, au titre de l'année précédente. Cette publication est prioritairement portée sur le site internet de l'entreprise lorsqu'il en existe un. A défaut, il est porté à la connaissance des salariés par tout moyen [10]. Cette obligation de publicité concerne toutefois uniquement la note globale.

Le détail des indicateurs est réservé au comité social et économique (CSE) et aux services de l’inspection du travail. Rappelons, en effet, que les indicateurs et le niveau de résultat sont mis à la disposition du comité social et économique annuellement [11]. Si certains indicateurs ne peuvent pas être calculés, cette information du comité social et économique s’accompagne de toutes les précisions expliquant les raisons pour lesquelles les indicateurs n'ont pas pu être calculés. La note doit également être transmise à l’inspection du travail. Un objectif de transparence est ainsi poursuivi puisque l’index est rendu public et communiqué aux partenaires sociaux.

De plus, la possibilité de mesures adéquates et pertinentes de correction est précisée.

 

III - Un impératif de progressivité : la possibilité de mesures adéquates et pertinentes de correction

 

Dans les entreprises où sont désignés un ou plusieurs délégués syndicaux, l’employeur engage au moins une fois tous les quatre ans une négociation sur la rémunération (notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise) et une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail [12]. Par application de l’article L. 1142-9 du Code du travail (N° Lexbase : L9802LLM), dans les entreprises d'au moins 50 salariés, lorsque les résultats obtenus par l'entreprise se situent en-deçà d’un certain seuil, la négociation sur l'égalité professionnelle porte également sur les mesures adéquates et pertinentes de correction et, le cas échéant, sur la programmation, annuelle ou pluriannuelle, de mesures financières de rattrapage salarial. Ce seuil est fixé à 75 points [13].

En l’absence d’accord prévoyant de telles mesures, celles-ci sont déterminées par décision de l’employeur, après consultation du comité social et économique. La décision est déposée auprès de l’autorité administrative. Celle-ci peut présenter des observations sur les mesures prévues par l'accord ou la décision de l'employeur [14].

Au titre des mesures correctives, l’entreprise devra envisager, par exemple, de diminuer l’écart de rémunération entre femmes et hommes en allouant une enveloppe de rattrapage salarial, d’appliquer réellement la loi concernant le congé de maternité, de donner et assurer des augmentations individuelles et promotions de manière équitable entre femmes et hommes et de mettre en place un vivier permettant d’assurer une juste représentation des deux sexes à la tête de l’entreprise.

Il est intéressant de constater que les efforts consentis par l’employeur pourront être pris en considération. L’article L. 1142-10 du Code du travail (N° Lexbase : L9803LLN) affirme qu’«en fonction des efforts constatés dans l'entreprise en matière d'égalité salariale entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance, un délai supplémentaire d'un an peut lui être accordé pour se mettre en conformité». Pour atteindre le niveau de résultat obtenu, il peut ainsi être tenu compte des mesures prises par l'entreprise en matière d'égalité salariale entre les femmes et les hommes, de la bonne foi de l'employeur, ainsi que des motifs de défaillance dont il a justifiés [15]. Au titre des motifs de défaillance, seront notamment prises en compte les difficultés économiques de l'entreprise, les restructurations ou fusions en cours ou l'existence d'une procédure collective.

Il n’empêche qu’une procédure de sanction est mise en place dans certaines hypothèses précisées par le décret.

 

IV - Un impératif de sanction : les pénalités

 

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsque les résultats obtenus par l’entreprise se situent en dessous de 75 points, l’entreprise dispose d’un délai de trois ans pour se mettre en conformité [16]. Si l’entreprise atteint un niveau de résultat au moins égal à 75 points avant l’expiration de ce délai, un nouveau délai de trois ans lui est accordé pour mettre en œuvre des mesures de correction à compter de l’année où est publié un niveau de résultat inférieur à ce nombre [17].

Une procédure particulière de sanction est mise en place si le résultat obtenu pendant trois ans consécutifs est inférieur à 75 points. A ce titre, il revient, tout d’abord, à l'agent de contrôle de l'inspection du travail de transmettre au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi un rapport sur cette situation [18].

Conformément à l’article L. 1142-10 du Code du travail, une pénalité peut être envisagée. A noter que si cette pénalité lui est appliquée, l'employeur ne peut se voir appliquer la pénalité financière prévue à l'article L. 2242-8 (N° Lexbase : L0335LMD) [19]. Si le directeur régional l’envisage, il en informe l'employeur, par tout moyen permettant de conférer date certaine de sa réception par le destinataire, dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de transmission du rapport mentionné précédemment. L’employeur est alors invité à présenter ses observations et à justifier, le cas échéant, des motifs de sa défaillance dans un délai d'un mois. Ce délai peut être prorogé d'un mois à la demande de l'intéressé, si les circonstances ou la complexité de la situation le justifient. Pour déterminer le montant de la pénalité, il peut être tenu compte des mesures prises par l'entreprise en matière d'égalité salariale entre les femmes et les hommes, de la bonne foi de l'employeur, ainsi que des motifs de défaillance dont il a justifiés [20].

Le montant de la pénalité est fixé à 1 % de la masse salariale. Il s’agit toutefois d’un maximum. Cette pénalité est calculée sur la base des revenus d'activité dus au cours de l'année civile précédant l'expiration du délai de trois ans laissé à l'entreprise pour se mettre en conformité [21]. Le taux de pénalité est notifié à l’employeur et motivé. Ce dernier doit communiquer en retour les revenus d'activité servant de base au calcul de la pénalité. A défaut, la pénalité est calculée sur la base de deux fois la valeur du plafond mensuel de la Sécurité sociale, par salarié de l'entreprise et par mois compris dans l'année civile. Un titre de perception est établi. Le produit de cette pénalité est affecté au fonds de solidarité vieillesse.

Présentée comme une «arme dissuasive», notamment pour les grosses entreprises, cette mesure ne pourra démontrer son efficacité qu’avec le temps. Pour aboutir à des résultats conformes aux objectifs affichés, le Gouvernement envisage un renforcement des contrôles de l’inspection du travail sur l’égalité salariale. Ils passeraient à 7 000 par an pour les entreprises de plus de 250 salariés, et à 30 000 pour celles de 50 à 249 salariés, soit une multiplication par quatre de ces contrôles [22]. Salué pour son pragmatisme par les organisations patronales, «l’index de l’égalité» questionne toutefois sur certains points. Notamment, certaines organisations syndicales regrettent qu’une entreprise puisse ne pas être sanctionnée, malgré un écart de rémunération de 15 %, dans l’hypothèse où les autres critères sont remplis.

A titre subsidiaire, le décret du 8 janvier 2019 revient sur un point relatif à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail.

 

V - Un impératif d’information : les violences sexistes et sexuelles au travail

 

L’accompagnement des salariés en matière de violences sexuelles et sexistes au travail est au cœur de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel. La mesure phare est sans doute, à ce titre, la mise en place de référents. Un nouvel article L. 1153-5-1 dans le Code du travail (N° Lexbase : L9804LLP) prévoit ainsi la désignation, dans toute entreprise employant au moins 250 salariés, d’un référent chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Par ailleurs, le législateur prévoit que tout CSE devra désigner un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes parmi ses membres pour une durée prenant fin avec celle du mandat des membres élus. Cette désignation prendra la forme d'une résolution adoptée à la majorité des membres présents [23].

Mais l’information des salariés se trouve aussi renforcée. Là où le texte de l’article L. 1153-5 du Code du travail (N° Lexbase : L0338LMH) prévoyait que «dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche, les personnes mentionnées à l'article L 1153-2 sont informées par tout moyen du texte de l'article 222-33 du Code pénal», la loi nouvelle complète le texte et précise que les salariés, personnes en formation ou en stage, ou candidats à un recrutement, à un stage ou à une formation dans entreprise seront informés des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents. Cette adjonction répondait au constat de l’absence d’éléments d’information opérationnels visant à permettre à toute personne victime de tels agissements de connaître les voies de recours qui lui sont ouvertes et l’ensemble des interlocuteurs adéquats. L’étude d’impact proposait ainsi que les services compétents en matière de harcèlement sexuel soient la médecine du travail, le Défenseur des droits et l’inspection du travail [24]. Par application du décret, cette information doit préciser l'adresse et le numéro d'appel du médecin du travail ou du service de santé au travail compétent pour l'établissement ; de l'inspection du travail compétente ainsi que le nom de l'inspecteur compétent ; du Défenseur des droits ; du référent RH prévu dans toute entreprise employant au moins 250 salariés et du référent CSE [25].

Ainsi, par la méthodologie mise en place et les précisions apportées, le décret du 8 janvier 2019 poursuit de multiples objectifs afin d’atteindre une égalité professionnelle entre les femmes et les hommes affichée comme une priorité depuis près de 50 ans. Espérons que ces dispositions puissent faire l’effet, tant attendu, d’un électrochoc.

 

[1] Décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019, portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l'entreprise et relatives à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail (N° Lexbase : L8693LNB).

[2] C. trav., art. D. 1142-7 (N° Lexbase : L0534LPH). Une liste actualisée des référents est publiée sur le site du ministère du Travail.

[3] Instruction DGT n° 2019/03 du 25 janvier 2019, relative aux nouvelles dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes (N° Lexbase : L2775LPH).

[4] C. trav., art. L 1142-8 (N° Lexbase : L9801LLL).

[5] C. trav., art. D. 1142-3 (N° Lexbase : L0530LPC).

[6] C. trav., art. D. 1142-2 (N° Lexbase : L0528LPA).

[7] La notion d'augmentation individuelle correspond à une augmentation individuelle du salaire de base du salarié concerné tandis que la notion de promotion retenue correspond au passage à niveau ou un coefficient hiérarchique supérieur.

[8] Loi n° 72-1143 du 22 décembre 1972, relative à l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes (N° Lexbase : L7707I49), JORF du 24 décembre 1972, p. 13411.

[9] Selon l’article L. 1225-26 du Code du travail (N° Lexbase : L0900H99). En l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles mentionnées dans le présent article, cette rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 (N° Lexbase : L0799H9H), est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise.

[10] C. trav., art. D. 1142-4 (N° Lexbase : L0531LPD).

[11] C. trav., art. D. 1142-5 (N° Lexbase : L0532LPE).

[12] C. trav., art. L. 2242-1 (N° Lexbase : L7820LGQ).

[13] C. trav., art. D. 1142-6 (N° Lexbase : L0533LPG).

[14] C. trav., art. L. 1142-9 (N° Lexbase : L9802LLM).

[15] C. trav., art. D. 1142-11 (N° Lexbase : L0538LPM).

[16] C. trav., art. D. 1142-8 (N° Lexbase : L0535LPI).

[17] C. trav., art. D. 1142-8.

[18] C. trav., art. D. 1142-9 (N° Lexbase : L0536LPK).

[19] C. trav., L. 1142-10 (N° Lexbase : L9803LLN). Selon l’article L. 2242-8 du Code du travail (N° Lexbase : L0335LMD), les entreprises d'au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur en l'absence d'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou, à défaut d'accord, par un plan d'action. Cette pénalité peut également être appliquée, dans des conditions déterminées par décret, en l'absence de publication des indicateurs ou en l'absence de mesures définies dans les conditions prévues à l'article L. 1142-9.

[20]  C. trav., art. D. 1142-11 (N° Lexbase : L0538LPM).

[21] C. trav., art. D. 1142-13 (N° Lexbase : L0540LPP).

[22] Instruction DGT n° 2019/03 du 25 janvier 2019, relative aux nouvelles dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

[23] C. trav., art. L. 2314-1 (N° Lexbase : L0337LMG).

[24] Etude d’impact, Projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

[25] C. trav., art. D. 1151-1 (N° Lexbase : L0527LP9).

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Investissement

[Pratique professionnelle] Cadre règlementaire et juridique de l’investissement au Benin

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par Aurélie Chazai, Avocate aux barreaux du Cameroun et de Paris, Managing partner du cabinet Chazai & Partners, Freddy Mooh Edinguele, Juriste collaborateur au sein du cabinet Chazai & Partners, Aurélien Djoufain, Juriste collaborateur au sein du cabinet Chazai & Partners

Le 27 Février 2019

La République du Bénin est située en Afrique de l’Ouest. Bordé à l’Ouest par le Togo, à l’Est par le Nigéria, au Nord-Ouest par le Burkina Faso et au Sud par l’Océan Atlantique, le Bénin possède un débouché de 121 kilomètres de long sur le Golfe de Guinée. Sa population était estimée à environ 10,9 millions d’habitants en 2016.

 

Ses importantes ressources naturelles se conjuguent parfaitement avec des facteurs politiques, économiques et sociaux, dont l’articulation ingénieuse est susceptible d’impulser un développement global réel. De plus, l’ambitieux programme «Bénin Révélé» lancé par l’exécutif pour le quinquennat 2016-2021, et qui ambitionne «agir simultanément sur les leviers institutionnels, économiques et sociaux», se matérialise par 45 projets importants dans les secteurs clés de l’économie. Le volume d’investissement qu’il entend drainer participe ainsi à faire du Bénin, une destination attractive pour les investisseurs. 

Il s’agira, pour nous, de présenter le cadre réglementaire et juridique de l’investissement au Bénin. Cette présentation a pour vocation de servir de guide pratique aux potentiels investisseurs ainsi qu’à leurs conseils.

1. Cadre général

 

En pleine croissance économique, le Bénin dispose d’atouts phares qu’il doit à la stabilité politique qui le caractérise. Nous présenterons successivement son système monétaire et la taille du marché interne, afin de mieux appréhender son potentiel économique.

 

1.1. La monnaie

 

Le Bénin est membre de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine («UEMOA»). Il partage avec les autres Etats de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest le Franc CFA, dont la parité est adossée sur l’Euro, sur la base d’un taux de change fixe : 1 Euro = 655,957 Francs CFA (F CFA). Dans la vie quotidienne, le plus simple est d’avoir à l’esprit que 1 000 Francs CFA équivalent à 1,50 euro.

 

2.1. La taille du marché

 

Le Bénin offrait un marché intérieur d’environ 10,9 millions d’habitants en 2016, pour une population estimée à près de 11 millions d’habitants en 2018. Le revenu national brut par habitant s’élevait en 2017 à 2 260 dollars US par an, selon la Banque Mondiale.

A ce marché intérieur croissant, s’ajoute celui des autres pays membres de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest («CEDEAO»). En effet, en optant progressivement pour la libre circulation des personnes et des biens, l’espace communautaire a favorisé l’intensification des échanges, faisant ainsi du marché commun un facteur de développement. L’élargissement du tarif extérieur commun (TEC) [1] à l’ensemble de la CEDEAO depuis le 1er janvier 2015 a renforcé les échanges dans la sous-région.

Outre l’accès privilégié au marché régional, le Bénin dispose d’un accès au marché international grâce au statut de Pays Moins Avancé (PMA) dont il bénéficie. Grâce à l’initiative «Tout Sauf les Armes» (TSA) de l’Union européenne, il bénéficie du libre accès au marché européen en franchise de droit et de contingent.

 

2. Contexte économique

 

2.1. Economie nationale

 

Ouvert sur le Golfe de Guinée, le Bénin est considéré comme une porte d’entrée maritime pour les pays enclavés de l’hinterland tels que le Niger, le Burkina Faso et le Mali. Il jouit de ce fait, d’une position géostratégique particulièrement avantageuse en Afrique de l’Ouest.

La croissance économique s’est accélérée en 2017, pour passer de 4 % à 5,6 % en 2018 (soit un taux de croissance du PIB par habitant de 2,7 %), grâce au dynamisme du secteur agricole notamment, et en particulier d’une production record de coton, du secteur industriel (+6,7 %), tiré par les usines d’égrenage (+18 %) et du secteur du bâtiment et travaux publics (+8,5 %). Le secteur des services a progressé de 7,5 % grâce au dynamisme des transports, des postes et des télécommunications (+10,6 %), des banques et autres institutions financières (+9,5 %), du commerce et des industries alimentaire et hôtelière (+6,9 %). L’économie béninoise reste cependant fortement dépendante du commerce informel de réexportation et de transit avec le Nigéria voisin (qui représente environ 20 % du PIB selon la Banque Mondiale) [2].

Le Bénin est cependant exposé aux chocs exogènes, dont le plus significatif est la fluctuation des termes de l’échange [3] (prix du coton et du pétrole) et la situation de son premier partenaire commercial qu’est le Nigéria. La reprise de l’activité au Nigéria, officiellement sorti de la récession en septembre 2017, aura eu un effet d’entraînement sur la croissance béninoise.

Dans le cadre du Plan stratégique de développement du secteur agricole 2017-2025 et du Plan national d’investissement agricole, de sécurité alimentaire et nutritionnelle 2017-2021, sept pôles de développement agricole ont été créés en 2017. La stratégie de promotion de plusieurs sous-secteurs -maïs, riz, coton, noix de cajou, manioc et ananas- se poursuit.

Le Bénin se situe au 153ème rang sur 190 pays dans le classement Doing Business de la Banque mondiale. Cette position est en voie de s’améliorer, considérant la récente progression nationale en matière de création d’entreprise et de raccordement à l’électricité. Des efforts supplémentaires doivent être faits sur le plan de l’accès au crédit et du paiement des impôts.

 

L’accord triennal d’un montant de 111,42 millions de DTS (environ 154,2 millions de dollars US) approuvé le 7 avril 2017 par le Fonds Monétaire International (FMI), a pour objectif de soutenir le programme des réformes économiques et financières du pays, et cherche principalement à relever le niveau de vie et à préserver la stabilité macroéconomique.

 

2.2. Commerce extérieur

 

En tant que membre de la CEDEAO et de l’UEMOA, le Bénin est fortement intégré au marché régional. Ses exportations sont principalement destinées à l’espace CEDEAO notamment vers le Nigeria.

Il exporte essentiellement des produits tels que le coton, les noix de cajou, des noix de coco, les noix du Brésil, du karité, du ciment, des produits textiles et des fruits de mer à destination de l’Inde, du Niger, de la Malaisie, de Singapour, du Vietnam et du Bangladesh. Les principaux produits importés sont les denrées alimentaires (riz, viande), les produits pétroliers, l’électricité, les médicaments et les biens d'équipement en provenance de la France, de Chine, d’Inde, de la Thaïlande, et des Pays-Bas. Le Bénin est également très actif en matière de réexportation vers le Nigeria.

Le port de Cotonou reste un couloir de transit pour les pays de l’hinterland comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Le Bénin est également intégré dans les marchés de capitaux régionaux et accueille des filiales de groupes bancaires régionaux. Les principaux défis pour le pays sont la diversification des exportations et la modernisation des services commerciaux et des services de commerce et de transport.

Le démarrage officiel des activités du commerce extérieur via le Guichet unique du commerce extérieur permettra à tout individu désirant faire du commerce vers ou depuis le Bénin, d’obtenir clairement la marche à suivre, ainsi qu’un soutien adéquat, afin de mener à bien ses opérations commerciales en ligne.

 

2.3. Infrastructures et facteurs de production

 

2.3.1. Transport

 

En 2014, le réseau routier couvrait 15 700 km, dont un peu plus de 6 000 km de chaussées bitumées, entre les routes inter-Etats et les nationales. Le réseau routier se répartit comme suit : 2 211 km de routes bitumées, 3 732 km de routes en terre, 55 km de voirie urbaine, et environ 1 865 km de routes de desserte rurale couramment entretenues [4].

Le maillage a été resserré autour des principaux corridors qui relient Cotonou aux différentes capitales sous régionales.

 

2.3.2. Transport ferroviaire

 

Le transport ferroviaire béninois autrefois assuré par l’entreprise bi-étatique OCBN (Organisation Commune Bénin-Niger des Chemins de Fer et des Transports) aujourd’hui dissoute, devait être réalisé par la société BENIRAILS du Groupe Bolloré, suite à l’accord de concession signé le 13 août 2015 à Niamey.

A la suite d'un contentieux entre BENIRAILS et la société Pétrolin de Monsieur Samuel Dossou, l'option a été prise par le pouvoir exécutif de confier à la Chine la construction d’une partie de la grande boucle ferroviaire d’Afrique de l’Ouest. Ce grand projet de 3 000 km de voies ferrées, dont un tiers est à construire et le reste à réhabiliter, doit relier la ville de Cotonou à celle d’Abidjan en passant par Niamey et Ouagadougou.

Il y a nécessité d’investir dans les lignes ferroviaires Cotonou–Pobé et Cotonou-Sègbohoué, actuellement mises hors exploitation. Celles-ci sont appelées à participer à la liaison des Etats-membres de la CEDEAO.

La vétusté et l’insuffisance des matériels de transport de l’entreprise BENIRAILS ne lui permettent plus de satisfaire les besoins enregistrés, engendrant ainsi une inadéquation entre l’offre et la demande.

 

2.3.3. Transport aérien

 

Le Bénin dispose d’un aéroport international, celui de Cotonou Cadjehoun, desservi par environ 15 compagnies aériennes opérant des vols internationaux. Cet aéroport dispose d’un potentiel de plus de 500 000 passagers par an (croissance annuelle > 10 %).

Dans le but de doter le Bénin d’infrastructures aéroportuaires modernes répondant aux normes internationales, ont été lancés le 10 mars 2017, les travaux de construction de l’aéroport international de Glo Djigbé. Ce dernier sera notamment doté d’une piste longue de 4 250 m, de voies de sortie rapide et de bretelles de raccordement, d’aires de stationnement, une aérogare pour traiter plus de 900 passagers par heure de pointe tant à l’arrivée qu’au départ et d’une aérogare fret pouvant traiter 12 000 tonnes par an [5].

De plus, le Conseil des Ministres a adopté en sa séance hebdomadaire du 12 septembre 2018, le décret portant création de la Société des Aéroports du Bénin. Cette structure permettra de réaliser un recensement exhaustif du patrimoine aéroportuaire national dans le cadre de la mobilisation de financement, en vue du développement des infrastructures du secteur et de leur mise aux normes. En outre, elle aura la gestion de l’ensemble des aéroports et aérodromes du Bénin.

 

2.3.4. Transport maritime

 

Le Bénin est géographiquement bien situé pour tirer profit de sa position à travers la logistique maritime et les services portuaires. Il dispose d’un grand accès à la mer pour ses besoins propres en matière de flux d’importation et d’exportation et ceux des pays dont il est voisin.

L’activité maritime s’effectue quasi-exclusivement au travers du Port Autonome de Cotonou, situé au sein de la capitale économique. En 2017, ce port a traité 9,4 millions de tonnes, dont 85 % représentaient des importations de marchandises.

Cette infrastructure essentielle est appelée à faire sa mue très bientôt, grâce au plan d’investissements initié qui prévoit d’importants travaux d’extension du domaine portuaire. Au nombre de ces travaux, l’on peut énumérer le prolongement du quai Nord de 154 m vers l’Ouest, la construction d’un nouveau quai dédié aux hydrocarbures et l’aménagement de la traverse Est. Cet édifice se composera d’un brise-lame côté mer, de 2 postes à quai de 500 m avec un tirant d’eau de -15 m. Ces travaux vont entrainer la démolition de la traverse actuelle et le dragage du bassin.

Dans le souci de désengorger le Port de Cotonou et de créer un pôle de développement dans le septentrion, le Gouvernement a décidé la construction sur une superficie d’environ 100 ha d’un port sec à Parakou, ville du nord Bénin et la construction d’un second port en eau profonde à Sèmè-Kpodji, près de la frontière nigériane [6].

 

3. Cadre règlementaire et législatif

 

3.1. Organisation des pouvoirs

 

L’organisation des pouvoirs de l’Etat est régie par la Constitution du 11 décembre 1990, qui définit le Bénin comme une république indépendante et souveraine. De plus, cette république est décrite comme étant une et indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle a pour principe : «le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple». La souveraineté nationale appartient au peuple, aucune fraction du peuple, aucune communauté, aucune corporation, aucun parti ou association, ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.

 

3.1.1. Le pouvoir exécutif

 

Le pouvoir exécutif est détenu exclusivement par le Président de la République. A ce titre, il est le chef de l’Etat, chef du Gouvernement, il est l’élu de la nation, incarne l’unité nationale et veille au respect des engagements internationaux. Il est élu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans, renouvelable une seule fois au cours d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Le premier tour du scrutin à lieu 30 jours au moins et 40 jours au plus avant la date d’expiration des pouvoirs du Président en exercice.  

Le Président de la République détermine et conduit la politique de la nation. Il exerce le pouvoir règlementaire. Il nomme après avis consultatif du bureau de l’Assemblée nationale les membres du Gouvernement et met fin à leur fonction. Ces derniers sont responsables devant lui et doivent contresigner les actes du président qu’ils auront la charge d’exécuter [7].

 

3.1.2. Le pouvoir législatif

 

Le pouvoir législatif est détenu uniquement par l’Assemblée Nationale qui est composé de députés[8]. Les députés exercent le pouvoir législatif et contrôlent l’action du Gouvernement.

Les députés sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de 4 ans. Chaque député est le représentant de la nation toute entière. L’Assemblée Nationale se réunit de plein droit en deux sessions ordinaires par an. La première session s’ouvre dans le cours de la première quinzaine du mois d’avril et la deuxième session dans le cours de la seconde quinzaine du mois d’octobre. Chacune des sessions ne peut excéder trois mois.

L’assemblée nationale vote la loi et consent l’impôt. L’initiative des lois appartient concurremment au Président de la République et aux membres de l’Assemblée Nationale. Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander à l’Assemblé Nationale de voter une loi l’autorisant à prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Cette autorisation ne peut être accordée qu’à la majorité des deux tiers de l’Assemblée nationale.

 

3.1.3. Le pouvoir judiciaire

 

Le pouvoir judiciaire, qui est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, est exercé au nom du peuple béninois par la Cour Suprême, les cours et les tribunaux, conformément à la Constitution. Les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles [9].

Le Président de la République est garant de l’indépendance de la justice et est assisté dans cette tâche par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Les magistrats sont nommés par le Président de la République sur proposition du Garde des Sceaux, ministre de la Justice après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature. Les magistrats sont garants du respect de l’égalité de tous devant la justice, de la non-rétroactivité des lois et du respect de la présomption d’innocence.

Le Bénin, en sa qualité de membre de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires («OHADA»), reconnaît la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage («CCJA»). De plus, il abrite l’Ecole Régionale Supérieure de Magistrature (« ERSUMA »), une institution de l’OHADA. Le Bénin est en outre considéré comme le premier pays de l’espace OHADA ayant mis en œuvre le statut de l’entreprenant [10].    

 

3.1.4. La Cour constitutionnelle

 

La Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est composée de 7 membres dont 4 sont nommés par le Bureau de l’Assemblée Nationale et 3 par le Président de la République, tous pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois [11]

La Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la constitutionnalité des lois organiques et des lois en général avant leur promulgation. Elle veille à la régularité de l’élection du Président de la République, examine les réclamations, statue sur les irrégularités qu’elle aurait pu, par elle-même, relever et proclame les résultats du scrutin. Le Président de la Cour constitutionnelle est compétent pour recevoir le serment du Président de la République et assure l’intérim en cas de mise en accusation du Président de la République devant la Haute Cour de Justice.     

 

3.2. Création d’entreprises 

 

Le Bénin est membre de l’OHADA et cela rend applicable un ensemble de règles modernes et appropriées aux réalités du monde des affaires. Ces règles, consignées dans des Actes Uniformes, sont régulièrement mises à jour. À titre illustratif, la dernière réforme de l’Acte Uniforme sur les Sociétés Commerciales et le Groupement d’Intérêt Economique («AUSCGIE») a introduit une nouvelle forme de société : la Société par Actions Simplifiées («SAS»). Elle offre beaucoup de liberté sur le nombre d’actionnaires, mais également sur le montant du capital social. Ce corpus donne à l’investisseur une grande liberté de choix, en ce qu’il a le choix entre plusieurs autres sociétés notamment la Société à Responsabilité Limitée («SARL») (capital social minimum de 100 000 F CFA ; possibilité d’établir les statuts de la société par acte sous seing privé, il n’est plus impératif d’avoir recours à un notaire [12] et la Société Anonyme («SA») (capital social minimum de 10 millions FCFA). 

L’ouverture d’une succursale est possible, mais soumise à l’obligation d’immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier («RCCM»). De même, lorsque la succursale appartient à une personne étrangère elle doit être apportée à une société de droit béninois préexistante ou à créer, dans un délai de deux ans après sa création, sauf dérogation accordée par le Ministre en charge du commerce.

De façon générale, la création d’une société au Bénin est réalisable dans un délai de huit jours en respectant un minimum de six procédures [13].

Le Bénin a mis en place, au travers de l’Agence de Promotion des Investissements et des Exportations («APIEX») le Guichet Unique de Formalisation des Entreprises («GUFE»). Ce guichet est chargé de faciliter les formalités administratives de création des entreprises. Le GUFE est logé au sein de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) et dans toutes les antennes départementales de la CCI. S’agissant des procédures à respecter, dans le cadre de la constitution d’une personne morale au Bénin, il s’agit notamment de :

 

- l’enregistrement des statuts, procès-verbal de constitution et autres actes ;

- immatriculation au registre du commerce et de crédit mobilier ;

- publication en ligne sur le site internet du GUFE et dans un journal d’annonces légales ;

- immatriculation à l’identifiant fiscal unique ;

- obtention de la carte d’importateur d’une durée de deux ans, si applicable.

 

S’agissant des pièces à fournir, ce sont les suivantes :

 

- trois copies originales des statuts de la société dûment signées et timbrées par les associés ;

- une copie de l’extrait de l’acte naissance et de la pièce d’identité ou tout autre document justifiant de l’identité de chaque associé ;

- deux photos d’identité du dirigeant ;

- une photo d’identité de chaque associé ;

- un extrait du casier judiciaire du dirigeant datant de moins de trois mois ou une déclaration sur l’honneur ;

- une copie du titre de séjour pour les promoteurs de nationalité étrangère.

 

Notons que la procédure sus-décrite ne coûte que 17 000 Francs CFA.

 

3.3. Fiscalité

 

3.3.1. Fiscalité interne

 

  • Impôts sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP)

 

La loi de finances de 2018 a consacré une profonde modification du mode d’imposition de l’impôt sur le revenu. L’ancien mode d’imposition superposait les impôts cédulaires [14] à un impôt général sur le revenu. Désormais, le mode d’imposition est assis sur l’ensemble des revenus de la personne physique.  

Cinq catégories de revenus rentrent dans le calcul d’imposition à l’IRPP. Il s’agit des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices non commerciaux (BNC), des revenus fonciers (RF), des traitements et salaires (TS) et enfin des revenus des capitaux mobiliers (RCM).

A ce stade, il convient de souligner que l’IRPP calculé sur les revenus des catégories TS et RCM fait l’objet d’une retenue à la source et cette retenue est libératoire à l’égard des titulaires des revenus dans ces catégories. L’IRPP catégorie TS est déterminé par un barème à taux progressifs variant de 0 % à 35 % [15]. En ce qui concerne l’IRPP catégorie RCM, il est calculé au moyen de taux proportionnels qui varient en fonction de la nature du RCM. Ces taux sont compris entre 3 % et 15 %.

Au regard de ce qui précède, il convient de noter qu’à l’exception de ces deux catégories de revenus, la base de l’IRPP est déterminée à partir des revenus catégoriels BIC, BNC et RF. L’agrégation de ces revenus génère le revenu brut global. Le revenu net global est obtenu après distraction des charges déductibles de ce revenu brut global [16]. Le revenu net global arrondi au millier de franc inférieur forme la base de l’IRPP qui est soumise à un barème à taux progressifs qui varient de 0 % à 45 % [17]. Une réduction d’impôt est prévue et varie en fonction du nombre d’enfants à charge [18].

Il est utile de savoir que pour les personnes ne disposant que de RF dont le montant annuel reste inférieur ou égal à 3 millions de Francs CFA, il est institué un régime de micro foncier. Ainsi, l’impôt auquel elles sont soumises est obtenu par application d’un taux proportionnel de 20 % à leur revenu locatif abattu de 30 % [19].

 

  • Impôt sur les sociétés (IS)

 

Au Bénin, les personnes morales exerçant une activité commerciale, industrielle ou toute autre activité à caractère lucratif sont, de droit, soumises à l’IS à l’exclusion des sociétés de personnes, des SARL et SA unipersonnelles à associé personne physique qui n’y sont assujetties que par option parce que relevant de droit de l’IRPP.

La base d’imposition de l’IS résulte du résultat comptable auquel sont apportées des corrections fiscales appropriées ; toutes les charges enregistrées en comptabilité n’étant pas fiscalement déductibles et tous les produits n’étant pas non plus imposables. La base imposable est toujours arrondie au millier de francs inférieur.

Les taux d’imposition varient en fonction de la nature de l’exploitation. Les industries sont imposées à un taux proportionnel de 25% tandis que les autres personnes morales sont soumises à un taux d’imposition de 30 % [20].

Quant aux bénéfices tirés des activités de recherche, d’exploitation, de production et de vente d’hydrocarbures naturels, y compris les opérations de transport qui en constituent l’accessoire, le taux de l’IS est compris entre 35% et 45% selon les clauses contractuelles.

L’impôt minimum légalement prévu est obtenu par application d’un taux de 0,75 % aux produits encaissables et ne saurait, en aucun cas, être inférieur à 200 000 Francs CFA. Mais, pour les stations-services, l’impôt minimum est obtenu par application d’un taux unique de 0,60 franc par litre au volume des produits pétroliers vendus.

Il importe de signaler que pour les sociétés nouvelles régulièrement créées au Bénin, une réduction exceptionnelle d’IS leur est accordée selon le dispositif suivant [21] :

- 25% au titre de la première année d’activités ;

- 25% au titre de la deuxième année d’activités ;

- 50% au titre de la troisième année d’activités. 

 

  • Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA)

 

Le mécanisme de fonctionnement de la TVA oblige tout redevable légal à collecter la taxe lors de ses opérations de vente de biens et services, à imputer sur la TVA collectée le montant de la TVA supportée en amont sur ses opérations d’achat de biens et services et à reverser au guichet des impôts la TVA nette qui en résulte. Ce principe universel est également appliqué au Bénin avec cependant quelques particularités. En effet, le Bénin a adopté un taux unique de 18% en matière de TVA [22]. Toutefois, par dérogation, un taux de 0% est applicable aux opérations d’exportation pour rendre compétitifs les produits béninois à l’étranger.

Pour les livraisons de biens meubles corporels, la TVA est exigible lors de la livraison du bien même si le prix n’a pas été payé. Pour ces opérations le fait générateur et l’exigibilité coïncident.

La TVA sur les prestations de services est exigible dès l’accomplissement du service et cette exigibilité ne saurait en aucun cas être postérieure à la facturation, contrairement à d’autres systèmes fiscaux dans lesquels l’exigibilité de la TVA en matière de prestation de services est fixée au paiement.

Pour les affaires réalisées avec l’Etat et ses démembrements, l’exigibilité de la TVA est fixée au paiement et le montant de la TVA est en partie retenu à la source conformément au taux fixé par arrêté du Ministre chargé des finances et en vigueur lors du visa du marché ou du contrat. Le taux de retenue à la source actuellement en vigueur est de 40 % [23].

Un mécanisme de remboursement du crédit de la TVA est prévu pour les producteurs, les exportateurs, les agréés au Code d’investissement communautaire et tout assujetti qui acquiert des investissements ouvrant droit à déduction pour un montant supérieur à 40 millions de Francs CFA.

 

  • Fiscalité de porte

 

Il s’agit principalement des droits d’accises qui sont constitués de différentes taxes qui frappent certains produits et sont calculés sur la valeur de ces produits. Les produits concernés sont notamment les produits pétroliers, les consommations d’eau, les boissons alcoolisées et les tabacs.

Les tarifs sont les suivants [24]:

- pour les produits pétroliers : de 17 FCFA à 65 FCFA par litre selon les produits pétroliers concerné ;

- pour la farine de blé : 1% du prix de vente sortie usine à l’exclusion de la TVA ;

- pour les produits de parfumerie et de cosmétiques : 7% du prix de vente sortie usine à l’exclusion de la TVA ;

- pour le café : 5% du prix de vente sortie usine à l’exclusion de la TVA ;

- pour les boissons : de 7 à 10% pour les boissons non alcoolisées et de 20 à 45% du prix de vente sortie usine à l’exclusion de la TVA selon le type de boissons ;

- pour les tabacs : 40% du prix de vente sortie usine à l’exclusion de la TVA.

 

3.3.3 Régimes fiscaux incitatifs

 

L’une des principales mesures incitatives de ces dernières années est l’instauration de la Taxe Professionnelle Synthétique («TPS»). Il s’agit d’un impôt à l’endroit des micros et petites entreprises («MPE»). Au Bénin, sont reconnues comme MPE, les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur ou égal à 50 millions de Francs CFA. Les moyennes entreprises, sont celles dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 50 millions de Francs CFA mais reste inférieur ou égal à 500 millions de Francs CFA et enfin, les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 500 millions de Francs CFA constituent les grandes entreprises.

Le chiffre d’affaires retenu pour la détermination de la TPS est l’ensemble des recettes réalisées du 1er janvier ou de la date de création au 31 décembre de l’année précédente [25].

Cependant, les entreprises dont le capital social à la constitution est supérieur à 500 millions de Francs CFA ne sont pas soumises à la TPS.

Quant aux professions libérales, elles ne sont pas rangées parmi les MPE.

La gestion des MPE relève de la compétence des Centres des Impôts des Petites Entreprises (CIPE). Les moyennes et les grandes entreprises relèvent quant à elles respectivement des Centres des Impôts des Moyennes Entreprises (CIME) et de la Direction des Grandes Entreprises (DGE).

La TPS est payée en un seul versement au plus tard le 30 avril de chaque année, selon les barèmes suivants :

 

Tranches de chiffres d’affaires (FCFA)

Tarif de l’impôt (FCFA)

0 à 1 000 000

10 000

1 000 001 à 2 500 000

35 000

2 500 001 à 5 000 000

75 000

5 000 001 à 10 000 000

150 000

10 000 001 à 15 000 000

250 000

15 000 001 à 20 000 000

350 000

 

 

Pour les petites entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions de Francs CFA, la TPS est déterminée par application au montant du chiffre d’affaires réalisé, un taux de 2 % quelle que soit la nature de l’activité. Dans ce cas précis, le minimum de perception s’élève à 400 000 Francs CFA.

 

3.4. Règlementation des investissements

 

3.4.1. Partenariat Public Privé et marchés publics

 

Le Partenariat Public-Privé («PPP») est un contrat conclu entre une personne publique et une ou plusieurs autres personnes publiques et/ou privées dans le cadre d’un projet d’une très grande envergure technique et financière. L’Etat confie à un tiers, pour une durée déterminée et en fonction de la durée d’amortissement des investissements, la conception d’ouvrages ou équipements nécessaires au service public.

Le Bénin a récemment amorcé une nouvelle dynamique de gestion et de réalisation des infrastructures. Les PPP ont fortement été mis à contribution dans la réforme de certaines sociétés d’Etat et certaines infrastructures publiques. C’est notamment le cas de la Société Béninoise d’Energie Electrique (SBEE), du Centre hospitalier et universitaire de Cotonou, du Parc de la Pendjari et du Port autonome de Cotonou.

Le cadre juridique est dorénavant régi par la loi n° 2016-24 du 11 octobre 2016.

 

3.4.2. Le droit de la propriété intellectuelle

 

Le Bénin a ratifié une pléiade de traités et protocoles protégeant la propriété intellectuelle et industrielle, notamment le Traité de coopération en matière de brevets [26] et la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle [27]. Le Bénin est à la fois membre de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) dont le siège est à Yaoundé et de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).

 

3.4.3. Droit social

 

Les rapports entre travailleurs et employeurs sont régis par la loi n° 98-004 du 27 janvier 1998 portant Code du travail. En outre, on peut également relever la convention collective générale du travail applicable aux entreprises relevant des secteurs privés et parapublics signée le 30 décembre 2005. Ce corpus a récemment été complété par la loi n° 2017-05 du 29 aout 2017 fixant les conditions et la procédure d’embauche, de placement de la main d’œuvre et de résiliation du contrat de travail en République du Bénin.   

Tout contrat de travail conclu pour être exécuté au Bénin est soumis au Code du travail béninois, indépendamment de son lieu de conclusion ou du lieu de résidence des parties. Le Code du travail béninois consacre également la survivance de tous les contrats de travail à la suite d’une modification de la situation juridique de l’employeur.  

 Le Bénin a fait le choix de la flexibilité dans le droit du travail et cela se manifeste notamment par (i) la possibilité du renouvellement illimité du contrat à durée déterminée, (ii) l’extension de la période d’essai au gré des parties, (iii) le plafonnement des indemnités en cas de rupture du contrat de travail et (iv) l’introduction du travail à temps partiel.

Concernant le travailleur de nationalité étrangère, il est admis qu’au Bénin son contrat puisse être à durée déterminée ou à durée indéterminée. Cependant préalablement à son embauche, le contrat doit être visé par le directeur du travail sur présentation du permis de travail délivré par le ministre en charge du travail.

En cas de différend individuel entre l’employeur et le travailleur, l’inspecteur du travail doit être saisi en vue d’une tentative de règlement amiable. Si la tentative de règlement amiable échoue, l’action peut être portée devant le tribunal du travail par la partie la plus diligente.  

Concernant les différends collectifs de travail, ils doivent être notifiés par la partie la plus diligente à l’inspecteur du travail lorsque le conflit est limité au ressort d’une inspection départementale du travail et au directeur du travail lorsque le conflit s’étend sur les ressorts de plusieurs inspections départementales du travail.  

 

3.4.4. Energie et eau

 

  • Energie

 

Le secteur de l’énergie est un secteur stratégique pour le Gouvernement béninois et c’est dans ce cadre qu’il a entrepris depuis un certain temps déjà, un ensemble de réformes sectorielles.

S’agissant des reformes législatives et règlementaires, il a été instruit la réforme du Code bénino-togolais d’électricité notamment en matière de production d’énergie. Relevons, que la Communauté Electrique du Bénin (CEB) est l’organisme international de production et de transport d’énergie électrique au Togo et au Bénin. La CEB facilite la conclusion, en cas de nécessité, d’accords d’exportation d’énergie électrique excédentaire entre les deux Etats.   

Les réformes relatives à l’Autorité de Régulation de l’Electricité (ARE) visent à doter cet organe du pouvoir d’approuver les tarifs applicables. S’agissant de la SBEE, la réforme vise la mise en place d’un conseil d’administration, le recrutement des organes dirigeants par appels à candidatures et la mise en conformité des statuts de cette société avec les dispositions du droit OHADA.    

 

  • Eau

 

Le secteur de l’eau est encadré par le Document sur la politique nationale de l’eau et la loi n° 2010-44 du 21 octobre 2010 portant gestion de l’eau au Bénin. Ces documents sont complétés par trois principaux décrets d’application. Il s’agit notamment du décret n° 2011-094 du 20 février 2001 fixant les normes de qualité de l’eau potable au Bénin, du décret n° 2011-623 du 29 septembre 2011 fixant la procédure de détermination des limites des dépendances du domaine public de l’eau et du décret n° 2011-573 du 31 août 2011 portant instauration du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux.

Les acteurs du secteur sont le Ministère de l’Energie, de l’Eau et des Mines, la Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB) et le Centre de Formation aux Métiers de l’Eau (CFME).    

 

3.4.5. Droit des assurances

 

Le secteur des assurances au Bénin est régi par les lois et règlements édictés par (i) la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances («CIMA»), (ii) l’OHADA et (iii) l’État béninois.

Le marché est donc soumis au respect (i) du Traité CIMA qui institue une organisation intégrée de l’industrie des assurances dans les États africains, (ii) du Code CIMA qui est le code communautaire des assurances organisant le secteur dans les États ayant ratifié le Traité, entré en vigueur depuis le 15 février 1995 (iii) l’AUSCGIE et (iv) les textes nationaux organisant le secteur tel que :

- le décret n° 2007-617 du 11 décembre 2007 fixant le régime financier du fonds de garantie automobile au Bénin ;

- la loi n° 65-01 du 4 mars 1965 rendant obligatoire la souscription d’assurance pour tout utilisateur d’un véhicule terrestre ;

Les principaux acteurs du secteur sont le Ministère de l’Economie et des Finances («MEF») en sa qualité d’acteur institutionnel, l’Association des Sociétés d’Assurances («ASA») et toutes les sociétés d’assurances qui exercent dans le pays à l’instar de l’Africaine des assurances, Allianz, NSIA, etc..

 

3.4.6. Droit foncier et domanial

 

La question de l’accès à la terre est une préoccupation majeure des pouvoirs publics qui ont souhaité mettre un terme à l’insécurité foncière née des faiblesses des institutions et des mauvaises articulations entre acteurs du foncier.

Pour ce faire, l’Etat béninois a mis en place l’Agence Nationale du Domaine et du Foncier (ANDF) afin d’assurer un accès équitable au foncier, la sécurisation des investissements et la gestion efficace des conflits fonciers.

Suivant les dispositions de la loi n° 2017-15 du 10 août 2017 modifiant et complétant la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial, il est institué une période transitoire jusqu’au 14 août 2020. Durant cette période transitoire, pour acquérir du foncier au Bénin il faudra s’adresser à un notaire pour faire établir un acte notarié ou établir un acte sous seing privé déposé chez un notaire pour authentification, et se faire établir un procès-verbal d’affirmation de propriété auprès de la mairie de la localité concernée.

Au terme de la période transitoire, l’exigence de l’établissement d’un procès-verbal d’affirmation de propriété disparaîtra.

Au Bénin, l’acquisition du foncier est ouverte à tout citoyen de nationalité béninoise et tout citoyen non-béninois originaire d’un pays ou le principe de réciprocité est de mise. Les étrangers sont admis à conclure des baux pour une durée maximale de 50 ans non renouvelable.

 

3.4.7. Règlement des différends

 

Au-delà de la voie judiciaire, le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges en général et aux procédures d’arbitrage et de médiation en particulier, est encouragé au Bénin.

Le Bénin a adhéré, le 16 mai 1974, à la Convention de New-York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères.

De plus, le nouvel Acte Uniforme OHADA relatif à la Médiation et l’Acte Uniforme révisé portant droit de l’Arbitrage s’appliquent au Bénin, membre de l’OHADA.

Le Bénin a également ratifié, en 1993, la Convention sur la création de l’agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA).

 

4 - Domaines propices à l’investissement

 

Le Bénin renferme tous les facteurs nécessaires au développement notamment dans le secteur industriel, le secteur minier et pétrolier et le secteur agricole. Les secteurs suivants sont propices à l’investissement :

  • Economie numérique et Technologies de l’Information et de la Communication ;
  • Agriculture, élevage et pêche ;
  • Tourisme et culture ;
  • Infrastructures de transport, de logistique et de commerce ;
  • Energies et mines ;
  • Industries de transformation ;
  • Agroalimentaire.

 

Liens utiles :

 

 

 

 

 

[1] Le TEC consiste à appliquer les mêmes droits et taxes aux marchandises entrant dans l’espace CEDEAO indépendamment de leurs points d’entrée et de leur destination. 

[3] Il s’agit pour un produit donné, du rapport entre l'indice du prix des exportations et celui des importations, indices exprimés selon une même année de base.

[4] Cf. Rapport exposant l'état du secteur des transports de la République du Bénin.

[5] Cf. site du programme "Benin révélé".

[6] Cf. site du forum.

[7] Il s’agit notamment des actes n’ayant pas été prévu par les articles 60 et 115 de la Constitution.

[8] Initialement au nombre de 83 depuis l’élection de 2015, ils sont aujourd’hui au nombre de 82 après le décès d’un député qui ne sera  remplacé qu’au cours de la prochaine élection législative qui se tiendra le 28 avril 2019. 

[9] De ce fait, le magistrat du siège ne peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement.

[10] Statut adapté aux micros et petites entreprises, il s’agit d’un régime juridique simplifié, gratuit, ouvert à toute personne exerçant une activité civile, commerciale, artisanale ou agricole et qui souhaite se déclarer au registre du Commerce.

[11] L’actuel président de la Cour Constitutionnelle est le Pr. Joseph Djogbenou.

[12] Le Bénin a adopté le décret n° 2014-220 du 26 mars 2014 portant modalités de création des Sociétés à Responsabilité Limitée en République du Bénin. Selon l’article 2 de ce texte, qui déroge à l’article 10 de l’AUSCGIE, les statuts des SARL unipersonnelle et pluripersonnelle peuvent être établis par acte sous seing privé. Ces statuts devront ensuite être déposés au Guichet Unique de Formalisation des Entreprises pour la suite de la Procédure de constitution de la société.

[13] Banque mondiale. 2017. Doing Business dans les Etats membres de l'OHADA 2017. Washington. Dans ce rapport, le Bénin est présenté comme le deuxième Etat de la zone OHADA où il est plus aisé de créer une entreprise.

[14] Impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, impôt sur les bénéfices non commerciaux et taxe immobilière sur loyer.

[15] Article 142 du Code Général des Impôts béninois (CGI).

[16] CGI, art. 10.

[17] CGI, art. 138.

[18] CGI, art. 139.

[19] CGI, art. 143.

[20] CGI, art. 156.

[21] CGI, art. 156 bis.

[22] CGI, art. 232.

[23] CGI, art. 230.

[24] CGI, art. 249 bis nouveau à 280.

[25] CGI, art. 1084-21.

[26] Signé à Washington le 19 juin 1970 et à ce jour successivement modifié jusqu’au 3 octobre 2001, ce traité permet de demander la protection d'un brevet pour une invention simultanément dans un grand nombre de pays en déposant une demande «internationale» de brevet. Le Bénin y a adhéré le 30 avril 1991.

[27] Signée à Paris en 1883 et à ce jour successivement modifiée jusqu’au 28 septembre 1979, elle a créé l’Union pour la protection de la propriété industrielle. Le Bénin y a adhéré le 9 août 1963.

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Procédure pénale

[Brèves] Affaire «Grégory» : la Cour de cassation tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et annule une garde à vue

Réf. : Cass. crim., 19 février 2019, n° 18-83.360, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4969YXC)

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N7810BXK

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par June Perot

Le 27 Février 2019

► La garde à vue d’une des protagonistes de l’affaire «Grégory» qui a eu lieu en 1984 est annulée dans la mesure où le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 novembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-744 QPC, du 16 novembre 2018 N° Lexbase : A2029YLQ), a déclaré que sont inconstitutionnelles les dispositions des articles 8 et 9 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, relative à l’enfance délinquante (N° Lexbase : L4662AGR), dans leur rédaction résultant de la loi n° 74-631 du 5 juillet 1974 (N° Lexbase : L4010AMH), qui permettent que tout mineur soit placé en garde à vue pour une durée de 24 heures renouvelable avec comme seul droit celui d’obtenir un examen médical en cas de prolongation de la mesure.

 

Ainsi statue la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 19 février 2019 (Cass. crim., 19 février 2019, n° 18-83.360, FS-P+B+I N° Lexbase : A4969YXC).

 

Dans l’affaire tristement célèbre dite «Grégory», en novembre 1984, une jeune femme, mineure à l’époque, avait été entendue dans un premier temps sous le statut de témoin puis placée en garde à vue. Après plusieurs décisions de non-lieu, un arrêt du 3 décembre 2008 a ordonné la réouverture sur charges nouvelles de l’affaire et prescrit un supplément d’information confié au président de la chambre de l’instruction aux fins de procéder à une mesure technique puis de réaliser toutes autres investigations utiles à la manifestation de la vérité. Le 28 janvier 2016, le fils du magistrat à qui avait été confié un supplément d’information, après avoir appris la réouverture de l’information judiciaire, a remis à la justice des carnets intimes de son père décédé en 1994, contenant des annotations personnelles qui ont été retranscrits à la demande du juge d’instruction.

 

Un arrêt du 24 mai 2017 a également ordonné la réouverture, sur charges nouvelles, d’une information suivie des chefs de complicité d’assassinat, non-opposition à la réalisation d’un crime, non-assistance à personne en danger, non-dénonciation d’un crime, close par arrêt du 11 octobre 1988, et ordonné la jonction de ladite procédure avec la procédure en cours du chef d’assassinat.

 

La jeune femme, mineure à l’époque, et entre temps bien évidemment devenue majeure, avait été mise en examen le 16 juin 2017 du chef d’enlèvement de mineur de quinze ans suivi de mort et avait déposé deux requêtes en annulation de pièces de la procédure le 1er décembre suivant. Il avait été notamment demandé l’annulation du placement en garde à vue de 1984 et des auditions au cours de cette mesure, celle des actes de procédure diligentés par le magistrat de l’époque, ainsi que la nullité des actes accomplis par le président de la chambre de l’instruction.

 

La chambre de l’instruction saisie avait rejeté le moyen présenté par l’intéressée tendant à l’annulation de son placement en garde à vue en 1984 et des auditions effectuées au cours de cette mesure, prise de l’absence de notification du droit de se taire, d’assistance d’un avocat, de notification du droit à un examen médical et d’avis à sa famille.

 

Or, la Haute juridiction énonce, au visa des articles 61-1 (N° Lexbase : L1327A9Z) et 62 (N° Lexbase : L0891AHH), qu’une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution est abrogée à compter de la publication de la décision ou d’une date ultérieure fixée par cette décision ; que le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites.

 

Ici, le Conseil constitutionnel ayant pas différé les effets de l’inconstitutionnalité prononcée, il en résulte que la garde à vue effectuée en application des dispositions inconstitutionnelles doit être annulée (sur l’arrêt du Conseil constitutionnel, lire J.-B. Perrier, Garde à vue des mineurs et rétroactivité des principes constitutionnels, in Lexbase Pénal, décembre 2018 N° Lexbase : N6839BXL).

 

L’intéressé soulevait également devant la chambre de l’instruction la nullité des actes de procédure diligentés par le magistrat désigné, au motif que ses notes personnelles démontraient l’existence d’un doute manifeste quant à son impartialité. Elle demandait notamment l’annulation ou la cancellation des actes effectués sur commission rogatoire délivrée par ce magistrat, celle des procès-verbaux d’audition ou de déposition de témoin la concernant et celle des procès-verbaux la mentionnant ainsi, enfin, que l’annulation de l’arrêt de non-lieu rendu le 3 février 1993. La Haute juridiction approuve la chambre de l’instruction sur ce point, énonçant, notamment, que «les pensées et les impressions subjectives au sujet de l’affaire en cours, du contexte de son déroulement ou des parties concernées, consignées par M. D. dans son carnet intime, lequel était destiné à demeurer confidentiel n’eût été l’initiative d’un de ses héritiers d’en révéler la teneur, ne constituent pas la manifestation d’un manque d’impartialité dans sa conduite du supplément d’information que la chambre de l’instruction avait délégué à M. D., dès lors que, d’une part, il n’est pas allégué qu’il aurait fait preuve de parti pris ou de préjugé personnel dans l’exécution d’un ou de plusieurs actes d’investigation qu’il a effectués, d’autre part, la Cour de cassation est en mesure de s’assurer que le magistrat a instruit à charge et à décharge, conformément à l’article 81 du Code de procédure pénale, sans manifester aucune conviction lors de l’ audition en tant que témoin de Mme Y du 21 octobre 1987, et qu’ aucune mesure n’a été prise à son encontre par M. D. ni par la chambre d’accusation à l’issue de ce supplément d’information».

 

Elle rajoute qu’il n’appartient pas aux juridictions d’apprécier, a posteriori, ce que pensait un juge en son for intérieur et qui relève de sa liberté de pensée, à partir de notes confidentielles établies par ce magistrat, dès lors qu’elles ne se sont pas traduites par une manifestation extérieure de partialité dans ses propos ou son comportement au cours de la procédure qui lui a été confiée.

newsid:467810

Urbanisme

[Brèves] Illégalité d'un certificat d'urbanisme se bornant à réitérer un PLU illégal

Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 18 février 2019, n° 414233, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4051YXC)

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N7809BXI

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par Yann Le Foll

Le 12 Mars 2019

Est entaché d’illégalité un certificat d'urbanisme se bornant à réitérer un PLU lui-même illégal. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 18 février 2019 (CE 1° et 4° ch.-r., 18 février 2019, n° 414233, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4051YXC).

 

En cas d’illégalités affectant les documents d'urbanisme, à l'exception des illégalités résultant de vices ne pouvant plus être invoqués, l’autorité chargée de délivrer des certificats d'urbanisme ou des autorisations d'utilisation ou d'occupation des sols doit alors se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur ou, dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d'une illégalité dont la nature ferait obstacle à ce qu'il en soit fait application, sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 (N° Lexbase : L2238KIQ) et suivants et R. 111-1 (N° Lexbase : L8638LDB) et suivants du Code de l'urbanisme.

 

En l’espèce, la cour administrative d'appel a relevé que le terrain litigieux avait été illégalement classé pour partie en zone UEb par le plan local d'urbanisme (PLU), alors que, situé dans la bande des cent mètres à partir du rivage, il ne pouvait être regardé comme un espace urbanisé au sens du III de l'article L. 146-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L8907IMT).

 

Il résulte du principe précité qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant l'illégalité du certificat d'urbanisme délivré par le maire, qui faisait mention de ce classement, alors même que le certificat, délivré sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 410-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L9997LM9), avait vocation non à préciser si le terrain pouvait être utilisé pour la réalisation d'une opération particulière mais seulement à indiquer les dispositions d'urbanisme applicables au terrain, ainsi que les limitations administratives au droit de propriété, le régime des taxes et participations d'urbanisme et l'état des équipements publics existants ou prévus (cf. l’Ouvrage "Droit de l'urbanisme" N° Lexbase : E2613GAZ).

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