La lettre juridique n°763 du 29 novembre 2018

La lettre juridique - Édition n°763

Construction

[Brèves] CCMI : quid des effets d’une nullité pour violation des règles d’ordre public sur le droit du constructeur à être remboursé des sommes engagées ?

Réf. : Cass. civ. 3, 22 novembre 2018, n° 17-12.537, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3876YMI)

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par June Perot

Le 28 Novembre 2018

► Le maître de l’ouvrage qui est débouté de sa demande de remise en état des lieux par la démolition d’un ouvrage pourtant quasiment achevé, reste redevable, par le jeu des restitutions réciproques, du coût de la construction réalisée, sous déduction des malfaçons et moins-values et des sommes déjà versées.

 

Telle est la solution d’un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 22 novembre 2018 (Cass. civ. 3, 22 novembre 2018, n° 17-12.537, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3876YMI).

 

Dans cette affaire, un particulier a confié à une société la construction d’une maison individuelle. Le chantier a été interrompu pour diverses raisons invoquées par les parties. Le constructeur, prise en la personne de son liquidateur, a, après expertise, assigné le maître de l’ouvrage en paiement de sommes. Le maître de l’ouvrage a assigné en intervention forcée l’assureur du constructeur et le gérant de la société, en sollicitant la requalification du contrat en contrat de construction de maison individuelle, sa résiliation aux torts exclusifs du constructeur et la condamnation du gérant à réparer le préjudice lié au défaut de garantie de livraison.

 

En cause d’appel, les juges ont confirmé la décision de première instance ayant fait droit à la demande de requalification du contrat en CCMI sans fourniture de plan, prononcé la nullité du contrat pour violation des règles d’ordre public et débouté le maître de l’ouvrage de sa demande de remise en état des lieux, au motif que cela constituerait une sanction disproportionnée eu égard aux travaux réalisés (89,5 % d’achèvement) (CA Nîmes, 8 décembre 2016, n° 15/04475 N° Lexbase : A5263SYL).

 

Saisie de l’affaire par un pourvoi du maître de l’ouvrage, la Haute juridiction approuve les juges du fond qui ayant retenu que les désordres constatés consistaient en une erreur d’implantation de l’angle du bâtiment, une erreur de réalisation des trémies de l’escalier rendant l’aménagement prévu au-dessous impossible, un défaut d’enrobage de certains fers des ouvrages en béton armé, un défaut d’aspect des poteaux ronds et une mauvaise réparation de l’angle d’un chapiteau en pierre, un oubli de la réservation de la cheminée et une dégradation de murs enterrés, que le montant total des travaux réalisés s’élevait à 280 313 euros pour des malfaçons à reprendre pour un coût évalué à 27 695 euros, les travaux réalisés par le constructeur ayant été évalués à 89,5 % du gros-oeuvre, et que les photographies versées au débat attestaient que la maison était à ce jour quasiment terminée, ont justifié leur décision en déduisant que la mesure de remise en état des lieux était disproportionnée compte tenu de l’avancement des travaux.

 

Ce chef de demande étant rejeté, le maître de l’ouvrage, comme énoncé dans la solution susvisée, reste donc redevable du coût de la construction réalisée sous déduction des malfaçons et moins-values et des sommes déjà versées.

 

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Copropriété

[Brèves] Promesse de vente dépourvue de la mention de superficie «Carrez» : la signature ultérieure d’un certificat de mesurage ne vaut pas régularisation conventionnelle !

Réf. : Cass. civ. 3, 22 novembre 2018, n° 17-23.366, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3878YML)

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N6533BXA

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 28 Novembre 2018

Lorsque la promesse de vente ne comporte pas la mention de la superficie de la partie privative des lots vendus, seule la signature de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente mentionnant la superficie de la partie privative du lot ou de la fraction de lot entraîne la déchéance du droit à engager ou à poursuivre une action en nullité de la promesse ou du contrat qui l’a précédée, fondée sur l’absence de mention de cette superficie.

Voilà la précision d'importance apportée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 22 novembre 2018 (Cass. civ. 3, 22 novembre 2018, n° 17-23.366, FS-P+B+I N° Lexbase : A3878YML).

 

En l’espèce, par acte sous seing privé du 5 décembre 2013, un couple avait acquis deux appartements et une cave d’un immeuble en copropriété, la réitération par acte authentique étant fixée au plus tard le 2 avril 2014 ; les acquéreurs n’ayant pas comparu devant le notaire pour signer l’acte authentique de vente, les vendeurs les avaient assignés en paiement de la clause pénale ; le coacquéreur avait sollicité reconventionnellement la nullité de la promesse de vente.

 

Pour rejeter la demande en nullité, les juges d’appel avaient retenu que, si l’alinéa 5 de l’article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4853AH9) précise que la signature de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente et mentionnant la superficie de la partie privative du lot ou de la fraction de lot entraîne la déchéance du droit à engager ou poursuivre une action en nullité de l’avant-contrat qui l’a précédée, il doit être admis que les parties peuvent également convenir de compléter, par un additif de même valeur juridique, un avant-contrat dans lequel le vendeur aurait omis de déclarer la superficie réglementaire ; aussi, nonobstant le défaut de mention de la superficie réglementaire dans l’instrumentum de l’avant-contrat litigieux, le premier juge devait être approuvé d’avoir retenu que les signatures des coacquéreurs, après mention de la formule «pris connaissance», aux côtés de celles du représentant des vendeurs, sur le certificat de mesurage valait régularisation conventionnelle de celui-ci, lequel formait avec le certificat signé un ensemble manifestement indissociable et un même contrat, étant indifférentes les circonstances que la signature du certificat de mesurage ne porte pas de date et que l’avant-contrat ne mentionne pas avoir annexé ce certificat et qu’il ne pouvait être soutenu dans ces conditions que le certificat de mesurage aurait été remis en mains propres aux coacquéreurs, après qu’ils en eurent pris connaissance, sans que ceux-ci eussent renoncé à se prévaloir de l’irrégularité de l’avant-contrat.

 

A tort, selon la Cour régulatrice, qui censure la décision des juges d’appel, après avoir énoncé la solution précitée (sur La sanction de l'absence de mention de la superficie de la partie privative du lot vendu, cf. l’Ouvrage «Droit de la copropriété» N° Lexbase : E5644ET9).

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Douanes

[Brèves] Conformité à la Constitution de l’amende pour défaut de déclaration de transfert international de capitaux

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-746 QPC, du 23 novembre 2018 (N° Lexbase : A3979YMC)

Lecture: 1 min

N6543BXM

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par Marie-Claire Sgarra

Le 28 Novembre 2018

Les dispositions de l’article L. 152-4 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4929K83), issu des rédactions de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 (N° Lexbase : L1768DP8) et de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 (N° Lexbase : L9270HTI) sont conformes à la Constitution.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision du 23 novembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-746 QPC, du 23 novembre 2018 N° Lexbase : A3979YMC).

 

En application des articles L. 152-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5907LCR) et de l’article 1649 quater A du Code général des impôts (N° Lexbase : L4680ICC), les personnes physiques doivent déclarer en douane, les sommes, titres ou valeurs, d’un montant au moins égal à 10 000 euros, qu’elles transportent en provenance ou à destination d’un Etat de l’Union européenne ou de l’étranger. La méconnaissance de cette obligation déclarative est sanctionnée par une amende égale au quart de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou sa tentative. Cette sanction est prévue par l’article L. 152-4 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4929K83).

 

La Cour de cassation a, par un arrêt du 12 septembre 2018 (Cass. crim., 12 septembre 2018, n° 18-90.019 FS-P+B N° Lexbase : A7763X4B), renvoyé ces dispositions devant le Conseil constitutionnel.

 

Le Conseil constitutionnel considère dans un premier temps que cette obligation vise à assurer l’efficacité et la surveillance des mouvements financiers internationaux par l’administration. Le législateur a entendu lutter contre le blanchiment de capitaux, la fraude fiscale et les mouvements financiers portant sur des sommes d'origine frauduleuse. Il a ainsi poursuivi l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi que celui de sauvegarde de l'ordre public. Par ailleurs, en retenant un taux de 25 %, qui ne constitue qu'un taux maximal pouvant être modulé par le juge sur le fondement de l'article 369 du Code des douanes (N° Lexbase : L1699IZX), le législateur a retenu une sanction qui n'est pas manifestement hors de proportion avec la gravité de l'infraction (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X7598ALY).

 

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Droit de la famille

[Doctrine] L’autorité parentale en droit béninois de la famille

Lecture: 35 min

N6509BXD

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par Félix Fanou, Docteur en droit privé, Enseignant-chercheur à la Faculté de Droit et de Sciences Politiques, Université d’Abomey-Calavi (Bénin)

Le 28 Novembre 2018

Autorité parentale - Famille - Droit béninois

Qui du mari ou de la femme est le chef de famille ? [1] Telle est l’interrogation qui relève de la dialectique de l’évolution [2] des rapports entre les conjoints au sein de la famille. La famille est la cellule de base de la société et le lieu d’épanouissement de la personne [3]. Il est reproché à la structure familiale de dépendre d’un droit privé souvent dépassé [4] et de constituer dans le cadre du droit moderne et favorable au développement, le domaine [5] dans lequel les attentes sont nombreuses en ce qui concerne les rapports [6] des époux.

Les rapports entre époux dans la famille présentent un lien très étroit avec l’autorité parentale. Cette étroitesse des liens dans les rapports entre époux et l’autorité parentale a conduit le législateur béninois à consacrer, dans le Code des personnes et de la famille, la notion d’autorité parentale qui fait l’objet de cette réflexion.

Les prérogatives attachées par la loi n° 2002-07 portant Code des personnes et de la famille du 24 août 2004 à l’autorité parentale sont conférées aux conjoints [7]. La loi béninoise sur la famille apparaît comme un nouveau cadre de vie et de rapports juridiques pour les époux et leurs enfants à travers l’autorité parentale. Les rapports entre époux tels qu’aménagés par le législateur béninois à travers l’autorité parentale correspondent selon un auteur, à la «distinction faite en droit français entre les rapports d’égalité et les rapports hiérarchiques ou d’autorité» [8].

L’autorité vient de «auteur» qui renvoie à la reconnaissance des parents comme auteurs de leurs enfants. Elle est définie par le vocabulaire juridique comme le pouvoir de commander [9]. Elle évoque un terme moins fort et suggère une fonction attribuée dans l’intérêt d’autrui. Le radical «parentale» permet de désigner les père et mère et renvoie à l’ensemble des droits et devoirs qui appartiennent aux père et mère et que ceux-ci exercent en commun relativement à la personne de leurs enfants mineurs non émancipés et aux biens de ceux-ci [10]. Aucune définition de la notion de l’autorité parentale n’est donnée par le Code béninois des personnes et de la famille qui a prévu néanmoins que l’autorité parentale a pour but d’assurer, la sécurité de l’enfant, sa santé, son plein épanouissement, sa moralité [11]. Elle comporte le droit de garder, de surveiller, d’entretenir, d’éduquer, de faire prendre à l’égard de l’enfant toute mesure d’assistance éducative, d’assurer la jouissance et l’administration légale des biens de l’enfant.

Les rapports entre époux avant le Code des personnes et de la famille étaient marqués par des rapports d’autorité ou des rapports hiérarchiques. La famille béninoise était organisée autour de l’existence d’un chef [12] qui était le premier responsable du «Gouvernement de la famille» [13].

Les prérogatives attachées à la qualité de chef de famille étaient reconnues au mari à l’image des législations de plusieurs Etats africains [14], comme la Côte d’Ivoire [15], le Mali [16] et le Sénégal [17]. En Côte d’ivoire, la femme ne pouvait se substituer au mari dans sa fonction de chef de famille que lorsque ce dernier était hors d’état de manifester sa volonté en raison d’une incapacité, de son absence ou encore de son éloignement [18]. Le Mali a adopté une solution originale en raison de la coexistence [19] de la polygamie et de la monogamie. Dans le mariage monogamique, la femme était autorisée à remplacer le mari dans ses fonctions de chef de famille. En cas de polygamie, le chef de famille était remplacé par la première épouse ou la personne qu’il aurait désigné au préalable [20].

Au Bénin à l’instar de certains Etats africains, il était, auparavant, intolérable de songer à remettre en cause la fonction de chef de famille du mari [21]. Le droit de la famille, inspiré des coutumes [22] ancestrales et du modèle français de la famille, était fortement influencé par la discrimination [23] des individus selon le sexe, l’âge ou l’origine. Les rapports entre l’homme et la femme étaient marqués par l’incapacité juridique de la femme jugée comme une personne faible, entièrement sous la protection du mari. C’est seulement cinquante (50) ans après les indépendances que les rapports entre les époux ont fait l’objet d’une attention relativement aux revendications portant sur la relecture de l’autorité parentale. La promotion croissante de la femme lui a donné des droits égaux à ceux de l’homme [24]. Le père et la mère sont donc, en toute égalité [25], titulaires de l’autorité parentale avec une vocation égale à l’exercer.

Le Code béninois des personnes et de la famille, à l’instar des Codes [26] togolais et burkinabé, lui a réservé une place de choix. L’autorité parentale apparaît en droit béninois de la famille comme un support, une substance des rapports entre époux dont l’insertion dans le droit béninois de la famille obéit à un mouvement dialectique [27], marqué par des alternances de continuité et de discontinuité [28] dans les rapports entre époux.

La loi n° 2002-07 portant Code des personnes et de la famille, a introduit dans le droit béninois indiscutablement l’autorité parentale qui a redistribué les pouvoirs [29] entre les conjoints. Le droit béninois de la famille caractérisé par le pluralisme [30] juridique du fait de la coexistence [31] du Droit coutumier du Dahomey et du Code civil version applicable au Bénin, a été profondément révisé. La doctrine a conclu à la réciprocité des droits et des obligations des époux et à la collégialité dans la direction du ménage. Une voix autorisée en relevant la nature des rapports entre l’homme et la femme dans le ménage a, affirmé le caractère décisif de «l’aménagement des rapports des parents vis-à-vis de leurs enfants […] et l’égalité parfaite entre le père et la mère pour l’exercice de l’autorité parentale sur la base de l’égalité des sexes» [32]. Le juge constitutionnel béninois s’est aussi penché sur les rapports entre époux dans trois de ses décisions [33] majeures qui ont orienté dans le sens de l’égalité, les rapports des époux. Le législateur béninois a voulu mettre les époux sur un pied d’égalité dans l’exercice de l’autorité parentale, mais ; on note encore, dans le Code, des institutions qui portent atteinte à l’égal droit des époux dans l’exercice de l’autorité parentale. Au nombre de ces institutions, nous avons les règles relatives à l’attribution du nom à l’enfant, la dot, la détermination du domicile conjugal. L’importance des mutations [34] enregistrées par le droit béninois de la famille concernant les rapports entre les époux du fait de la consécration de l’autorité parentale conduit à s’interroger sur l’impact réel de cette notion sur l’ensemble du droit béninois des personnes et de la famille. L’autorité parentale en tant que droit fonction à vocation égalitaire a-t-elle permise au législateur béninois de tirer toutes les conséquences de son introduction dans le Code des personnes et de la famille ? A-t-elle produit tous les résultats escomptés ? Quelle est sa contribution en termes d’évolution des rapports entre les conjoints pour mériter ou justifier qu’on s’y attarde ? Qu’a-t-elle de spécifique en droit béninois de la famille ?

Cette série de questions fait la lumière sur l’intérêt de cette réflexion qui vise à apprécier les spécificités de l’autorité parentale en droit béninois de la famille. Sur le plan théorique, cette réflexion mettra en lumière les spécificités attachées à la notion d’autorité parentale en droit béninois dont l’intérêt pratique révèlera les difficultés de sa mise en œuvre.

Le sujet tel qu’il est libellé, laisse entrevoir d’explorer quelques développements sur les rapports parents et enfants ; mais ce serait faire œuvre non utile, plusieurs auteurs [35] ayant conduit des réflexions sur ces points.

Dans le cadre de cette réflexion, nous apprécierons à la différence de ce qu’ont affirmé les études précédentes [36], l’impact de l’autorité parentale dans les nouveaux rapports des époux suite, au remplacement de la puissance maritale héritée des coutumes ancestrales béninoises et du droit colonial tout au moins dans sa dénomination, par l’autorité parentale qui révèle plus d’égalité [37] dans les rapports des conjoints (I) en dépit de la survivance de la puissance maritale antinomique à l’autorité parentale (II).

 

I - L’autorité parentale, un égalisateur des rapports des conjoints

 

Dans le Code des personnes et de la famille, les rapports personnels et pécuniaires entre époux constituent un terrain fertile à l’établissement de l’égalité entre époux en droit de la famille. En matière personnelle, la notion d’autorité parentale consacrée fait l’ombre à l’omniprésence de la puissance maritale. L’obligation faite aux époux de contribuer de manière respective et chacun en fonction de ses facultés aux charges du ménage fait reculer la forte autorité du mari dans le ménage. Le recul de la puissance maritale par la consécration de l’autorité parentale participe à l’égalité des conjoints dans les rapports personnels (A) et dans les rapports patrimoniaux (B).

 

A - L’égalité dans les rapports personnels des conjoints

 

La suppression de la puissance maritale (1) et la consécration de l’autorité parentale (2) par le Code des personnes et de la famille participent à l’égalité des conjoints dans leurs rapports personnels.

 

1 - La suppression de la puissance maritale

 

La puissance maritale et l’incapacité juridique de la femme mariée étaient deux institutions fondatrices de l’inégalité entre l’homme et la femme en droit béninois de la famille. L’article 213 du Code civil version applicable au Bénin prévoyait que «Le mari est le chef du gouvernement de la famille». La disposition de cet article 213, faisait de l’homme, le mari, le seul décideur dans le ménage et à ce titre, il avait l’obligation de veiller sur sa famille, de pourvoir à ses besoins et de contrôler les mœurs de son épouse.

La suppression [38] de la puissance maritale en droit béninois de la famille introduit l’affaiblissement ou la réduction de l’autorité de ce dernier. Le législateur crée des devoirs mutuels entre les époux. Il s’agit du devoir de communauté de vie qui laisse entrevoir la communauté de toit, la communauté de lit et la communauté de table. En effet, la communauté de lit fait l’obligation aux époux de respecter le devoir charnel. La communauté de table exige du couple qui vit sous le même toit (communauté de toit), l’unité à la participation aux charges du ménage.

La communauté est un devoir nouveau qui traduit l’égalité [39] dans les rapports des conjoints en droit béninois de la famille. Les relations personnelles entre époux sont un terrain fertile de l’établissement de l’égalité en droit béninois de la famille. En matière personnelle, la consécration de la notion d’autorité parentale en lieu et place de la puissance maritale porte atteinte à l’omniprésence du mari dans la famille. L’affaiblissement [40] de la «puissance du mari» dans le droit béninois est le signe de la démocratie familiale. Les relations de pouvoir, de puissance et d’autorité qui caractérisaient la famille béninoise avant le Code des personnes et de la famille ont fait place à la réciprocité, à la collégialité [41], à l’égalité. Désormais, la puissance du mari, chef du gouvernement de la famille, est atténuée par l’autonomie de la femme consacrée par l’autorité parentale.

 

2 - La consécration de l’autorité parentale

 

L’autorité parentale est l’autorité des auteurs, père et mère. Celle-ci révèle deux sens possibles. Elle s’entend de l’autorité des auteurs, père et mère sur la personne de leur enfant.  Ainsi définie, elle a pour but d’assurer la sécurité, la santé, la moralité et le plein épanouissement de l’enfant [42]. Elle peut aussi s’entendre de l’autorité invitant les auteurs, père et mère, à la collaboration dans leurs rapports. Dans l’un ou l’autre sens, la consécration de l’autorité parentale en droit béninois de la famille est un gage d’égalité et de plus de démocratie dans les relations des conjoints. Lucien de Samosate racontant son enfance dans un fragment intitulé «Songe», affirmait que la démocratie s’oppose à l’autorité. Selon l’auteur, à une époque de l’antiquité, l’on pouvait a priori conjecturer que les relations entre parents et entre parents et enfants s’établissaient sur un mode autoritaire [43].

L’égalité dans les rapports des conjoints s’étend aux relations entre parents et aux relations entre parents et enfants. Il s’agit d’une mutation de l’autorité en égalité dans les relations entre les conjoints dans le ménage. Le professeur Catherine Labrusse-Riou qualifiait cette mutation de l’autorité en égalité dans les rapports entre les conjoints de décadence de l’autorité parentale. Selon l’auteur, il y a un glissement des relations égalitaires entre parents vers les enfants [44].

L’intérêt de l’enfant [45] est un critère d’appréciation de l’autorité parentale. Il est au centre de l’autorité parentale. La notion de l’intérêt de l’enfant [46] est au cœur de l’appréciation de la garde de l’enfant. Le Code béninois des personnes et de la famille prévoit que la garde de l’enfant est confiée à l’un ou l’autre des époux en tenant compte de l’intérêt de la famille [47].

Des obligations du mariage issues du Code béninois des personnes et de la famille, on relève respectivement ce qui suit : «Les époux s’obligent à une communauté de vie. Ils se doivent respect, secours et assistance» [48]. «Les époux se doivent mutuellement fidélité» [49]. «Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille…» [50]. Les groupes de mots «les époux s’obligent», «ils se doivent respect», «secours et assistance», «mutuellement fidélité», «assurent ensemble» sont un indicateur de la réciprocité des devoirs, de la mutualité d’actions [51], de la collégialité [52] et surtout de la recherche d’égalité dans les rapports des conjoints dans le ménage. Avec le Code des personnes et de la famille, mutualité, fidélité et réciprocité sont le ciment des rapports des conjoints en droit béninois de la famille. Il ressort des obligations précitées que le mariage en droit béninois impose une mutualité d’actions parce que les époux se donnent l’un à l’autre. En droit français, la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 est un bel exemple en matière de mutualité d’actions des époux dans le couple. Elle a modifié le célèbre article 212 du Code civil français en ajoutant aux droits et devoirs des époux «le respect».

La mutualité des obligations issues du mariage et l’indifférenciation des rôles des pères et mères témoignent de l’égalité entre les époux. Il s’agit de l’égalité parfaite des sexes. En droit français l’indifférenciation des rôles des conjoints peut se lire dans la résidence alternée ou la garde alternée. Il s’agit là de l’identité des droits et devoirs des époux.

L’égalité entre les conjoints dans le ménage, c’est aussi le refus de distinguer maternité et paternité. L’utilisation de la terminologie «parents» [53] par le Code des personnes et de la famille en est une illustration majeure qui met l’accent sur la notion de l’intérêt de la famille.

La famille n’a d’existence que par la juxtaposition d’intérêts communs portés par l’affectio familias. La conciliation des intérêts individuels aboutit à l’établissement de l’égalité qui participe à l’équilibre des intérêts [54] au sein de la famille. Le sexe n’est plus un critère qui fonde la garde de l’enfant. Si l’intérêt de l’enfant le commande, le juge peut confier indifféremment l’autorité parentale à l’un ou l’outre des parents. Dans une affaire relative à la problématique de l’égalité des conjoints, le Tribunal de grande instance de Versailles le 24 septembre 1962, a jugé qu’en l’absence de majorité légale religieuse, il convient de rechercher l’intérêt de l’enfant non pas en se penchant d’un point de vue religieux, mais ; en adoptant un critère psychologique fondé uniquement sur l’intérêt de l’enfant. De ce qui précède, on peut déduire que la recherche de l’intérêt de l’enfant conduit à plus d’égalité et de dignité [55] entre les parents.

Le couple «dignité [56] égalité» se convoque dans la problématique d’égalité dans les rapports des conjoints en droit béninois de la famille. L’homme devient juridiquement [57] l’égal de la femme.

La position du juge constitutionnel béninois à travers plusieurs décisions en droit de la famille, confirme la tendance à plus d’égalité dans les rapports personnels des conjoints. Les décisions DCC 02-144 du 23 décembre 2002 [58], DCC 09-81 du 30 juillet 2009 [59] et DCC 14-172 du 16 septembre 2014 [60] par lesquelles le juge constitutionnel béninois est revenu sur des questions touchant à l’égalité aussi importante comme la puissance maritale, la fidélité et les successions constituent de belles illustrations[61]. L’appréciation du juge constitutionnel a conduit à la consécration de la capacité juridique de la femme mariée et à la réciprocité des obligations nées du mariage [62].

La réciprocité et l’égalité préoccupent le législateur béninois comme celui du Sénégal qui fait du principe d’égalité un principe qui ne doit pas être un obstacle à la garantie des droits fondamentaux de l’homme dans la famille [63]. C’est ce qu’a retenu la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’une de ses décisions en faveur de la démocratie dans le couple. Selon la Cour, l’exigence d’une preuve matrimoniale ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de la préservation de la vie privée [64].

L’égalité recherchée dans les rapports des conjoints en droit béninois de la famille ne l’est pas seulement au plan des rapports personnels. Elle l’est aussi dans les rapports patrimoniaux des conjoints [65].

 

B - L’égalité dans les rapports patrimoniaux des conjoints

 

La famille béninoise est désormais organisée autour d’un nouveau cadre de vie juridique en ce qui concerne les rapports patrimoniaux entre époux devenus égalitaires en matière de contribution aux charges du ménage (1) et en matière successorale (2).

 

1 - L’égalité en matière de contribution aux charges du ménage

 

Le mariage crée une obligation de communauté de vie [66] à laquelle s’ajoute à l’égard des époux l’obligation de nourrir, d’entretenir, d’élever et d’éduquer leur enfant. Avant l’avènement du Code des personnes et de la famille, l’homme était le chef de famille et à ce titre, il était le principal ou exclusif contributeur aux dépenses liées à la nourriture, à l’entretien et à l’éducation de la famille. Désormais, avec le Code des personnes et de la famille il est consacré une contribution des conjoints aux charges du ménage. L’article 158 du Code prévoit que «le mariage crée une famille légitime. Les époux contractent ensemble par leur mariage, l’obligation de nourrir, entretenir, élever et éduquer leurs enfants». Quant à l’article 159, il dispose que «nonobstant toutes conventions contraires, les époux contribuent aux charges du ménage à proportion de leurs facultés respectives. Chacun des époux s’acquitte de sa contribution par prélèvement sur les ressources dont il a l’administration et la jouissance et/ou par son activité au foyer».

L’article 174 renchérit en disposant que «si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du ménage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. Chacun des époux perçoit ses gains et salaires mais ne peut en disposer librement qu’après s’être acquitté des charges du ménage».

Des dispositions des articles 158, 159 et 174 du Code des personnes et de la famille, il ressort les idées de facultés respectives des époux aux charges [67] du ménage, de contribution participative des conjoints aux charges du ménage relative à l’éducation et à l’entretien des enfants. Les charges du ménage ne relèvent plus, avec le Code béninois des personnes et de la famille, de l’obligation exclusive ou principale du mari. Les époux contractent ensemble [68], chacun des époux s’acquitte de sa contribution aux charges du ménage [69], les époux y contribuent à proportion de leurs facultés respectives [70]. Les dispositions des articles 158 et159 cumulées renvoient à l’obligation de mutualité ou de collégialité dans la gestion patrimoniale du ménage.  

Les conjoints sont ainsi placés dans une situation de stricte égalité et de cotitularité de l’autorité parentale aussi bien en ce qui concerne les droits et les devoirs qu’en ce qui concerne leurs pouvoirs. La loi n° 2002-07 portant Code béninois des personnes et de la famille rompt avec l’omniprésence de la puissance maritale au détriment de la notion d’autorité parentale. Le néologisme d’autorité parentale marque un double changement de perspective. La notion d’autorité a été consacrée en lieu et place de la puissance, car le mot puissance évoquait un pouvoir sans limite, sans partage, propre à son auteur, à son titulaire. Le terme autorité (qui vient de ‘’auteur’’ étymologiquement) est moins fort et suggère une fonction attribuée dans l’intérêt d’autrui. Parentale car cette fonction n’est plus le monopole du père. Elle appartient à égalité aux conjoints qui, en principe, l’exercent en commun [71].

L’égalité des conjoints s’étend aussi aux dettes du ménage. L’article 179 prévoit que «chacun des époux a le pouvoir pour passer seul, les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage et l’éducation des enfants…». Les dettes contractées par l'un des conjoints, oblige l’autre. Le législateur béninois consacre la solidarité autour de l’autorité parentale en prévoyant que les dettes contractées par l’un des époux pour l’entretien du ménage et l’éducation des enfants qui ne sont pas manifestement excessives eu égard au train de vie de la famille engage l’autre époux. En lieu et place du pouvoir exclusif du mari d’engager la famille sur le plan patrimonial, il est consacré un mandat domestique au profit de la femme à qui le pouvoir est reconnu de «passer seule [72] les contrats» qui portent sur l’entretien du ménage et l’éducation des enfants.

La loi béninoise n° 2002-07 portant Code des personnes et de la famille a totalement refondu les règles organisant la famille en redistribuant les pouvoirs entre les conjoints et en substituant à la puissance maritale hérités des coutumes africaines ancestrales et le code civil version applicable au Bénin, une autorité parentale plus égalitaire pour les conjoints et plus protectrice pour les enfants sur le plan de la gestion du ménage que celui des successions.

 

2 - L’égalité en matière successorale

 

En matière de succession, le partage successoral est aussi un domaine dans lequel l’égalité se révèle selon un auteur [73] en droit béninois des personnes et de la famille. D’après un principe fixé dès 1789, «tous les individus ont, sans distinction de personne, de race ou de naissance, de religion, de classe ou de fortune, ni, aujourd’hui, de sexe, la même vocation juridique au régime, charges et droits que la loi établit» [74]. Le principe ci-dessus énoncé dégage l’idée d’égalité qui transparaît dans le droit béninois de la famille à travers la consécration des conjoints au rang de successibles indifféremment du sexe d’une part et l’égalité du conjoint survivant en matière de partage indifféremment du sexe d’autre part.

Cette évolution contraste avec la pratique qui prévalait avant le Code béninois des personnes et de la famille. En effet, dans un passé récent, l’inégalité caractérisait les successions en droit béninois. La femme mariée était écartée de la succession conformément au droit coutumier [75]. Le conjoint survivant ne pouvait prétendre à aucun droit dans la succession de l’époux prédécédé. Seuls les héritiers descendants même du défunt pouvaient prendre part à la succession [76]. Le conjoint survivant avait seulement droit à l’usufruit en présence de certains héritiers selon le Code civil rendu applicable au Bénin en son article 767. Cette situation d’inégalité décrite est remise en cause par le Code des personnes et de la famille qui consacre une vocation successorale universelle. Désormais, la femme n’est plus un bien successible [77]. Elle est élevée au rang de successible à part entière avec la vocation successorale du conjoint survivant qui devient un héritier réservataire [78]. La veuve en tant que conjoint survivant a une part dans la succession de son époux prédécédé sur le fondement de l’article 632 du Code des personnes et de la famille qui prévoit que lorsque le défunt laisse des enfants, le conjoint survivant a droit au quart de la succession. L’article 633 renchérit en prévoyant qu’à défaut de descendant et en présence d’ascendants, et/ou des collatéraux, le conjoint survivant indifféremment du sexe a droit à la moitié de la succession. La volonté du législateur béninois d’établir une vocation successorale égalitaire ne s’arrête pas aux dispositions des articles 632 et 633 relatifs au conjoint survivant. L’article 634 va plus loin en prévoyant qu’«à défaut de descendants et de parents au degré successible, la succession est dévolue en totalité au conjoint survivant». L’égalité est ici consacrée non seulement sur le fondement de l’indifférenciation du sexe mais aussi dans le partage successoral des descendants prédécédés. En témoignent les articles 622 et 623 du Code.

Le premier article prévoit que si le défunt n’a laissé ni postérité, ni frère, ni sœur, ni descendant d’eux, la succession se divise par moitié entre les ascendants de la ligne paternelle et ceux de la ligne maternelle. Le second, dispose quant à lui que «lorsque les père et mère d’une personne morte sans postérité lui ont survécu, si elle a laissé des frères, sœurs, ou descendants d’eux, la succession se divise en deux portions égales dont moitié seulement est déférée au père et à la mère qui le partagent entre eux également». Les conjoints, indifféremment du sexe se retrouvent assujettis à la même part successorale peu importe le cas de figure [79].

La vocation successorale universelle et l’égalité du partage ne sont pas les seules institutions fondement de l’égal droit des époux dans les successions ab intestat en droit béninois. L’institution du rapport successoral et l’aménagement des règles relatives à l’allotissement témoignent eux aussi de l’égalité en matière successorale en droit béninois.

Le partage est l’opération qui met fin à une indivision, en substituant aux droits indivis sur l’ensemble des biens, une pluralité de droits privatifs sur les biens déterminés [80]. Ainsi défini, le partage est une opération qui pourrait susciter chez tout indivisaire en droit de demander le partage un avantage, particulier en fraude aux droits des autres cohéritiers. Pour éviter tout comportement frauduleux de cette nature, le législateur a institué la garantie de l’égalité par l’exigence d’établissement d’un rapport successoral. Tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession est tenu de rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du de cujus par donation entre vifs, directement ou non [81].

L’héritier ne peut retenir les dons à lui faits, à moins qu’il ne lui ait été expressément consenti par préciput et hors part, ou avec dispense de rapport.

L’obligation de rapport pèse aussi à la charge de l’héritier qui n’en était pas un lors d’une donation antérieure à l’ouverture de la succession [82]. Toutefois, les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’installation, les frais de noce et présents d’usage à l’exception des frais employés pour l’établissement d’un des cohéritiers ou pour le paiement de ses dettes ne doivent pas être rapportés [83]. Comme on peut le noter, le rapport vise à établir l’égalité entre les successibles lors du partage successoral. La volonté du législateur à établir l’égalité formellement entre les successibles l’amène à qualifier de receleur, le cohéritier qui s’est approprié ou a tenté de s’approprier de mauvaise foi un effet [84] de la succession. La sanction [85] du recel successoral renforce efficacement par son caractère dissuasif, la garantie de l’égalité à laquelle l’héritier receleur a porté atteinte [86] ; l’égalité étant l’âme du partage.

Le législateur ne s’en est pas dérobé au moment de l’aménagement des règles relatives à l’allotissement [87]. Il a établi l’égalité entre les héritiers [88] copartageant, l’égalité entre les souches [89] et l’égalité entre les lignes [90].

L’égalité entre les héritiers se traduit par la succession à égales portions et par tête. Les enfants et leurs descendants succèdent à leurs pères et à leurs mères sans considération ni du sexe ni de l’âge. Ils succèdent à égales portions et par tête lorsqu’ils sont au premier degré et sont appelés de leur propre chef. Ils succèdent par souche en cas de représentation. En la matière, l’égalité est de mise car le partage se fait par souche et les lots se répartissent en nombres égaux aux souches copartageantes [91].

Par le mécanisme de la fente, l’égalité est établie entre la ligne paternelle et la ligne maternelle [92] d’une personne décédée sans postérité dont les père et mère ont survécu, si elle a laissé des frères et sœurs ou des descendants d’eux. Les successions constituent en droit béninois des personnes et de la famille, un terrain fertile [93] de la consécration des rapports d’égalité entre conjoints qui se trouvent contrastée par la survivance de la puissance maritale antinomique à l’autorité parentale.

 

II - La survivance de la puissance maritale antinomique à l’autorité parentale

 

L’objectif recherché par le législateur béninois en introduisant le principe d’égalité en droit béninois de la famille nécessitait la suppression des piliers de l’inégalité entre l’homme et la femme du droit antérieur de la famille qui consacrait la puissance maritale et l’incapacité juridique de la femme.  Malgré son objectif d’introduire l’égalité en droit béninois de la famille, le législateur dans son affirmation du principe, a laissé subsister une réticence à tirer toutes les conséquences attachées à son objectif à cause de la transposition dans le Code des personnes et de la famille, d’une part, des traditions liées au mariage (A) et, d’autre part, des traditions liées à l’identification de la personne (B).

 

A - La survivance liée aux traditions du mariage

 

La primauté du mari dans la détermination du domicile conjugal (1) et le maintien de deux exigences, témoins des traditions ancestrales (2) participent de la survivance de la puissance maritale en droit béninois de la famille.

 

1 - La primauté du mari dans la détermination du domicile conjugal

 

Le droit béninois antérieur au Code des personnes et de la famille était constitué du code civil français rendu applicable au Bénin et des coutumes ancestrales. Il était fortement marqué par des dispositions inégalitaires prônant l’omniprésence du mari qui était chef du gouvernement de la famille et l’incapacité juridique de la femme mariée.

Avec l’avènement du Code des personnes et de la famille, le législateur en dépit de sa volonté de marquer du sceau de l’égalité le nouveau droit de la famille a transposé dans le Code des institutions traditionnelles. Au nombre de ces institutions, nous avons le choix du domicile conjugal.

Le domicile conjugal est le lieu dans lequel une personne est censée demeurer en permanence [94]. Le Code béninois des personnes et de la famille prévoit que la personne est domiciliée au lieu de son principal établissement [95]. A la lecture des dispositions qui aménageaient la détermination du domicile en droit béninois avant le Code des personnes et de la famille, on pouvait noter que la femme mariée «était» obligée d’habiter avec son mari et devait le suivre partout où il jugeait à propos de vivre [96]. La prépondérance du mari dans le droit béninois de la famille antérieur au Code est le fait de la conception patriarcale de la famille très ancrée dans la société béninoise et dans la plupart des Etats africains au sud du Sahara [97].

Le législateur à la recherche de l’égalité n’est pas resté insensible à la prépondérance du rôle du mari dans la famille. Il a, lors de l’institution du domicile de la famille, établi l’équilibre en faveur de la femme en reconnaissant aux époux un droit commun de choisir le domicile conjugal [98]. La première ligne de l’article 156 du Code des personnes et de la famille qui consacre la collégialité des époux dans la détermination du domicile conjugal est trompeuse. Le législateur porte lui-même atteinte à la collégialité annoncée en prévoyant dans la même disposition, qu’«en cas de désaccord, le domicile est fixé par le mari…» [99], sous réserve que la femme obtienne une autorisation judiciaire de domicile séparé si elle rapporte la preuve que celui choisi par le mari présente un danger d’ordre matériel ou moral pour elle ou pour ses enfants. On en déduit que le désaccord devient le critère ou la justification de la fixation du domicile conjugal par le mari qui, à nouveau, devient le chef qui a la primauté pour la fixation du domicile de la famille sans aucune autre condition en dehors du désaccord alors que la femme, quant à elle, doit prouver, pour obtenir en justice l’autorisation de domicile séparé, que celui choisi par le mari présente un danger d’ordre matériel ou moral pour elle ou pour ses enfants [100].

La preuve exigée de la femme pour obtenir en justice un domicile séparé suscite tout de même la question suivante : comment un domicile choisi par le mari peut présenter un danger d’ordre matériel ou moral pour la femme ou pour ses enfants sans l’être pour le mari ? Cette question d’intérêt pratique relève la difficulté que la femme pourrait rencontrer à rapporter la preuve d’un danger d’ordre moral ou matériel pour elle ou ses enfants. Il s’agit là d’un autre point en défaveur de la femme au sujet de la fixation du domicile conjugal.

La lecture de l’article 156 peut laisser penser qu’en cas de désaccord entre les époux et si la preuve de l’existence d’un danger d’ordre matériel ou moral pesant sur la femme ou ses enfants est rapportée, le juge autorisera en faveur de la femme le domicile séparé. Il n’en est rien. L’article 153 relatif aux obligations du mariage prévoit que «les époux s’obligent à une communauté de vie» qui implique la communauté de toit et la communauté de lit et communauté de table. L’idée de domicile séparé serait alors en contrariété avec les dispositions de l’article 153 du Code des personnes et de la famille, ce qui laisse croire que le juge, une fois saisi, tranchera dans le sens de l’obligation de cohabitation prévue par l’article 153. Les chances de la femme d’obtenir en justice un domicile séparé se trouve ainsi réduites par l’article 153 du code. La primauté du mari, indice de l’inégalité entre l’homme et la femme se trouve ainsi renforcée dans le choix de la fixation du domicile conjugal. Le maintien de deux autres exigences témoigne de la primauté du mari en droit béninois de la famille du fait d’un retour aux traditions ancestrales.

 

2 - Le maintien de deux exigences, témoins des traditions ancestrales

 

Les deux référents, signes d’un retour aux traditions ancestrales sont la dot [101] et le délai de viduité [102]. La dot est une somme d’argent et/ou un ensemble de biens en nature que le futur mari remet à la famille de la future épouse en vue de la validité du mariage. Il est inspiré des coutumes ancestrales africaines. Un auteur l’a qualifié de l’institution familiale négro-africaine «la plus décriée» et dont la polygamie est une conséquence [103]. L’institution de la dot du fait des mutations [104] successives s’est éloignée de ses origines et de sa vocation devenant ainsi la contrepartie [105] du départ de la femme de sa famille.

Dans les coutumes africaines en général et celles du Bénin en l’occurrence, la dot est une condition importante [106] voire impérative [107] pour la célébration du mariage. Avec la propension de l’argent et la généralisation du gain facile dans l’institution du mariage, qualifiée de déformation [108], la dot semble devenir «le prix d’achat de la femme» [109] contrairement à ce qu’elle était à son origine c’est-à-dire destiné à rétablir l’équilibre rompu [110] du fait du départ de la jeune fille donnée en mariage.

Dans les coutumes béninoises, la dot représentait une condition de validité du transfert de l’autorité du chef de famille de la jeune fille au chef de famille de l’homme. Elle est la preuve de la régularité de l’échange de consentement des deux familles au sujet de la validité du mariage [111].

Avec le Code des personnes et de la famille, la dot n’est plus «le prix de l’achat de la femme» [112]. Elle ne vise plus à rétablir un quelconque équilibre rompu du fait du départ de la jeune fille donnée en mariage. Elle a un caractère symbolique[113]. Le caractère symbolique de la dot laisse-t-il entrevoir que le futur mari peut s’en passer ? Le caractère symbolique signifie-t-il que la dot est facultative ?

La réponse est négative. Il ressort des dispositions [114] du Code que la dot est une condition de forme du mariage. Avant la célébration du mariage, l’officier de l’état civil dans un interrogatoire procède à la vérification [115] du paiement de la dot par le futur mari et inversement, à la réception de la dot par la future épouse.

La dot apparaît comme une exigence importante de forme du mariage et non une faculté offerte au futur mari. En dépit de son caractère symbolique, la dot reste une exigence principale dont le principal débiteur est le futur mari ou sa famille. Le législateur béninois a, malgré la consécration du caractère symbolique de la dot, maintenu celle-ci comme une preuve de l’implication des consentements des deux familles [116].

Conformément aux traditions béninoises [117], le maintien [118] de la pratique de la dot, en dépit de l’objectif d’égalité et de modernité [119] recherché, peut s’expliquer par la place qu’elle occupe dans la conscience collective béninoise et le choix d’une politique législative adossée aux traditions ancestrales béninoises. La dot est une exigence unilatérale pour le mari. Elle participe à ce titre, dans un contexte d’égalité des droits et des obligations des conjoints, à une inégalité avérée dans les rapports des conjoints. L’exigence unilatérale de paiement de la dot dont le mari est le débiteur est liée intimement à l’institution du délai de viduité qui est en défaveur de la femme.

Le délai de viduité est un délai que devrait respecter la veuve ou la femme divorcée avant de se remarier [120]. Ce délai avait pour but d’éviter l’incertitude relative à la paternité de l’enfant qui doit maître. La sémantique du délai de viduité renvoie au veuvage. Il représentait dans les traditions africaines ancestrales un moyen d’aménagement du veuvage. Le délai de viduité tire sa source d’une tradition africaine lointaine qui faisait à la femme mariée ayant perdu son mari le devoir d’observer un temps avant de se remarier.

La conception du délai de viduité selon les traditions africaines se rapproche d’un autre point de vue qui laisse entendre que le délai de viduité est imposé à toute personne dont le conjoint serait décédé pour lui permettre de faire le deuil [121]. Le sexe est donc inopérant dans l’organisation du délai de viduité. 

Dans le Code des personnes et de la famille, le délai de viduité est un délai de trois cents jours à compter de la dissolution du précédent mariage avant l’expiration duquel la femme ne peut se remarier [122]. En droit béninois, le délai de viduité permet d’éviter la confusion de paternité et reste exclusivement une exigence pour la femme [123]. De ce qui précède, on peut déduire que dans l’entendement du législateur béninois, le délai de viduité n’a pas pour but d’organiser le veuvage. S’il avait pour but d’organiser le veuvage, il serait la preuve d’une inégalité à l’égard de la femme dans la mesure où, il reste une exigence unilatérale pour elle.

Si l’on s’accorde que l’aménagement du délai de viduité en droit béninois de la famille ne vise pas l’organisation du veuvage, son but lié à l’incertitude relative à la paternité de l’enfant à naître est-il fondé ?

Pour la célébration du mariage, le Code des personnes et de la famille fait des examens médicaux une condition de forme. L’examen permet de connaître l’état de santé des époux. Les examens médicaux peuvent révéler l’état de grossesse éventuelle ou non de la femme qui souhaite se remarier. En sus, l’état actuel de l’art médical et les équipements sanitaires du Bénin sont en mesure de révéler un état éventuel de grossesse de la femme qui souhaite se remarier.

Au vu de ce qui précède, on peut noter que l’exigence de certificat prénuptial pour les candidats au mariage ne justifie aucunement le maintien du délai de viduité. Ce maintien est douteux et discutable. En effet, le législateur béninois impose à la femme qui souhaite se remarier le respect de la période qui s’étend du trois centièmes (300ème) au cent quatre vingtième (180ème) jour. Cette période qui s’étend du trois centièmes au cent quatre vingtième jour avant la naissance d’un enfant correspond à cent vingt (120) jours ou précisément quatre (4) mois au cours desquels l’enfant est présumé avoir été conçu.

L’aménagement d’un délai de viduité de quatre mois suffit à établir la paternité d’un enfant. Un enfant qui naît le 181ème jour suivant la rupture d’une femme divorcée et remariée a pour père le nouveau mari [124]. L’aménagement d’un délai de viduité de 300ème jours au 181ème n’est pas consistant car cette période suffit même en l’absence de preuve médicale à connaître la paternité d’un enfant. En définitive, les justifications possibles au maintien du délai de viduité et la confusion de paternité ne sont pas pertinentes et laissent transparaitre à l’égard de la femme une inégalité. Il s’agit là d’une transposition des traditions liées au mariage qui témoigne de leur survivance en droit béninois de la famille à l’image des traditions d’identification de la personne.

 

B - La survivance liée aux traditions d’identification de la personne

 

En droit béninois de la famille, la référence aux exigences anciennes liées à la filiation patrilinéaire (1) et la pratique de l’usage du nom du mari par la femme mariée (2) témoignent de la survivance de la puissance maritale.

 

1 - Le maintien des exigences anciennes liées à la filiation patrilinéaire

 

 La problématique de la survivance de l’inégalité liée aux traditions d’identification de la personne était dans un passé récent, le fait des conditions d’attribution du nom d’une part et celles liées à la transmission de la nationalité d’autre part. L’inégalité du fait de la transmission de la nationalité a été réglée par le juge constitutionnel dans sa décision DCC 14-172 du 16 septembre 2014 dans laquelle, la haute juridiction a déclaré les articles 8, 12.2, 13 et 18 de la loi n°65-17 du 27 juin 1965 portant attribution de la nationalité béninoise contraires à la constitution du Bénin et par conséquent inapplicables [125]. En la matière, le juge constitutionnel avait relevé que l’article 8 du Code de nationalité béninoise en offrant à l’enfant qui était né au Bénin d’une mère béninoise, la faculté de répudier la nationalité béninoise acquise d’elle, alors que l’article 7 du même Code n’offrait pas la même faculté à l’enfant qui était né d’un père béninois dans les mêmes conditions, introduisait une inégalité fondée sur le sexe. Les articles 12.2 et 13 du même Code qui établissaient des réserves [126] quant à la transmission de la nationalité de la mère béninoise à son enfant ont été déclarés par le juge constitutionnel de discriminatoires. Enfin, le juge constitutionnel avait aussi déclaré contraire à la constitution l’article 18 qui offrait à la femme étrangère qui épouse un homme béninois la possibilité d’acquérir la nationalité béninoise sans que la même possibilité n’ait été offerte à l’homme étranger qui épouse une femme béninoise.

La survivance liée aux traditions d’identification de la personne fondée sur la transmission ou l’acquisition de la nationalité ayant été réglée par le juge constitutionnel, seule celle relative à l’attribution du nom retiendra notre attention.   

Le nom est un vocable servant à distinguer une personne [127]. Il est l’élément de l’état des personnes et de la famille qui est attaché aux coutumes anciennes dites patrilinéaires [128] qui intègrent par sa naissance, tout enfant à la famille de son père. Dans la culture patrilinéaire, ce sont les liens de parenté, que ces liens soient ceux de la communauté ou l’expression des relations sociales n’impliquant pas nécessairement la communauté de sang, qui déterminent le statut juridique de l’enfant et indique la famille à laquelle les coutumes l’appellent à s’intégrer [129] .

Dans les systèmes patrilinéaires, la descendance est exclusivement paternelle [130]. La transmission du nom de l’enfant y est liée, d’où la prédominance de l’homme au détriment de la femme.

Le Code des personnes et de la famille prévoit en son article 6 alinéa 1er que «l’enfant légitime porte le nom de famille de son père». En son alinéa 3, la même disposition prévoit qu’en cas de reconnaissance simultanée des deux parents, l’enfant porte le nom de son père [131]. L’alinéa 4 de la même disposition confirme la prédominance du père à transmettre son nom en renchérissant que «si le père reconnaît l’enfant en dernière position…», ce dernier prendra son nom.

Des différents alinéas de l’article 6 du Code des personnes et de la famille convoqués, il ressort de manière évidente, la volonté du législateur béninois d’accorder en priorité le nom du père à l’enfant. Une fois de plus, la primauté du mari est révélée en ce qui concerne la transmission du nom à l’enfant.

Suivant l’objectif d’égalité visé par le législateur béninois dans l’élaboration du Code des personnes et de la famille, l’homme devrait dépouiller de «ses anciens attributs» de primauté liés à la puissance maritale. On assiste là, à une survivance des exigences anciennes liées à la filiation patrilinéaire du fait du retour de la prééminence masculine dans la transmission du nom à l’enfant. La maternité est subsidiaire en la matière.  La supériorité n’est pas donnée à l’homme seulement du fait de la transmission du nom à l’enfant. Elle l’est aussi du fait de l’usage du nom du mari par la femme mariée.

 

2 - Le maintien de la pratique de l’usage du nom du mari

 

Il ressort de l’article 12, alinéa 1 que «la femme mariée garde son nom de jeune fille auquel elle ajoute le nom de son mari». L’article 261, quant à lui, prévoit que la femme qui avait l’usage du nom de son mari le perd par le divorce. Il ressort des dispositions des articles 12 et 261 que la femme dispose d’un droit d’usage du nom de son mari ; droit auquel sont attachées des obligations pour la femme mariée. Celle-ci pourrait perdre ce droit d’usage du nom du mari par le divorce ou par un jugement de séparation de corps [132].

Le divorce fait perdre [133] à la femme mariée le nom de son mari. La femme divorcée peut faire l’objet d’un changement de nom. L’homme, lui peut divorcer une ou plusieurs fois sans jamais faire l’objet de changement de nom et sans que sa vie privée [134] ne soit révélée du fait du port ou du changement de nom.  Dans l’esprit du législateur la perte du nom du mari après le divorce s’explique par le fait que le divorce entraine la rupture du lien conjugal et par voie de conséquence la rupture de l’alliance avec la famille du mari. Effet, le législateur béninois a estimé «anormal qu’une femme divorcée puisse conserver le nom même avec le consentement de celui-ci. Le patronyme du mari est un attribut commun de toute la famille, une femme divorcée qui continuerait de porter le nom de cette famille, peut avoir des comportements désobligeants de nature à causer des préjudices moraux à toute la communauté avec laquelle elle a rompu tous liens» [135]. Le législateur béninois a suivi sur ce point la jurisprudence française qui a relevé que «le nom, patrimoine moral individuel, est aussi un bien de famille et le droit de le défendre appartient à tous ceux qui le portent et même à des descendants de ceux qui l’ont porté, quoi qu’ils ne le portent pas eux-mêmes» [136].

Le mariage et le divorce révèlent le statut matrimonial de la femme du fait du port ou du changement de nom ; ce qui n’est pas le cas chez l’homme. L’exigence du port du nom du mari par la femme mariée n’est pas conforme à l’objectif d’égalité voulu par le législateur béninois [137]. Elle constitue une exigence à l’égard de la femme.

Le juge constitutionnel béninois s’est prononcé sur le problème d’égalité créé par l’article 12 du Code des personnes et de la famille dans sa décision DCC 02-144 du 23 décembre 2002, en précisant que la disposition de l’article 12 alinéa 1 «ne permet pas à la femme de conserver son nom de jeune fille à l’instar du mari. Elle est donc contraire à l’article 26 de la Constitution. En outre, elle n’est pas en harmonie avec les dispositions contenues dans l’article 26 de la constitution […]. Le mariage ne devant pas faire perdre son identité à la femme mariée, celui-ci doit pouvoir garder son nom de jeune fille auquel elle ajoute le nom de son mari» [138].

La solution d’adjonction du nom du mari au nom de la jeune fille devenue femme mariée préconisée par le juge constitutionnel ne règle pas définitivement le problème de l’inégalité, car l’adjonction reste et demeure une exigence unilatérale à l’égard de la femme [139]. Le juge constitutionnel atténue la situation par une clarification [140] importante, mais l’atteinte au principe d’égalité des époux demeure.

En définitive, la pratique du port ou de l’adjonction du nom du mari exclusivement [141] par la femme, une pratique ancienne qui permettait de prévenir l’infidélité de la femme mariée, n’est plus justifiée [142] en droit béninois, car la fidélité est désormais une obligation réciproque dans le mariage.

   

Le droit béninois de la famille a supprimé les piliers ancestraux qui constituent le fondement de l’inégalité entre l’homme et la femme. C’est ce qui ressort de la consécration de la notion de l’autorité parentale en lieu et place de la puissance maritale qui était, l’un des piliers du droit béninois antérieur au Code des personnes et de la famille. L’autorité parentale consacrée établie une égalité des époux dans les rapports personnels et pécuniaires. En dépit de la consécration de l’autorité parentale qui constitue le fondement de l’égalité des conjoints, il subsiste en droit béninois des personnes et de la famille, des reliques de l’ancienne puissance maritale antinomique à l’autorité parentale.

 

 

[1] Cf. L. Mazeaud et J. Mazeaud, Leçon de droit civil, Tome I, 4ème éd., Montchrestien, Paris, 1967, pp. 438 et s.

[2] Parlant de l’évolution, Bruno Oppetit relève que «les temps modernes ne paraissent pas avoir favorisé  son épanouissement : les révolutions tant politiques qu’économiques ou technologiques  des deux siècles écoulés depuis la fin de l’Ancien Droit se  sont conjuguées pour concentrer la production des règles de droit entre les mains du législateur, du juge ou du technocrate et donner à la coutume l’image d’une notion anachronique en un temps qui n’est plus des lentes consolidations : le droit coutumier serait ainsi « la cité qui a les morts pour princes, selon l’opinion la plus répandue. Le mouvement des idées parait à cet égard en harmonie avec l’évolution institutionnelle et factuelle, et, selon certains, le déclin de la coutume, tout au moins dans l’ordre interne, serait l’un des phénomènes les plus marquants de l’évolution juridique de notre époque». Cf. B. Oppetit, Droit et modernité, PUF., 1998, p.41.

[3] Selon le Professeur Catherine Labrusse-Riou, la famille a aussi un rôle plus nettement économique comme unité de production. Cf. C. Labrusse-Riou, De la famille en générale, in Jean Carbonnier, «Ecrits», éd. PUF, 2008, p. 1001.

[4] C’est le dépassement du droit dans le temps que Jean-Louis Bergel qualifie de «stigmates de l’époque». Selon l’auteur, «le droit se transforme sans cesse au rythme de l’époque, freine ou encourage l’évolution si bien qu’il traduit les conditions de son temps. Cf. J.-L. Bergel, Théorie générale du droit, Dalloz, 2003, p. 120.

[5] La famille relève d’un domaine dont le spécifié tient à son objet. Selon le professeur Gbaguidi, cette spécificité relève de la notion de la famille qui est la cellule naturelle de base de la société composée des personnes unies par un lien de sang, d’alliance et de droit.  Cf. N. A. Gbaguidi, Les spécificités du droit de la famille, in dix (10) ans d’application du code des personnes et de la famille du Bénin : Bilan & Perspectives, Bulletin d’information des droits de l’Homme, décembre 2014, p.37.

[6] Les rapports entre les époux sont le gage de l’affirmation de la famille conjugale. Cf. G. A. Kouassigan, Quelle est ma loi ? Tradition et modernisme dans le droit privé de la famille en Afrique noire francophone, Paris, éd. Pedone, 1974, pp. 235 et s. 

[7] Le Professeur N. A. Gbaguidi qualifie le conjoint d’un «autre soi-même». Nous partageons ce point de vue qui milite en faveur d’un traitement égalitaire des conjoints. Cf. N. A. Gbaguidi, op. cit., p.31.

[8] G. A. Kouassigan, op.cit., p. 236. Selon l’auteur, la famille conjugale africaine se crée à l’image de la famille européenne et repose sur des droits et des devoirs réciproques.

[9] G. Cornu, Vocabulaire juridique, 9ème éd. PUF, 2011, p. 108.

[10] Ibidem

[11] Cf. Article 407 du Code des personnes et de la famille.

[12] Les prérogatives attachées à la qualité de chef de famille reposent sur des rapports hiérarchiques entre époux. Cf. G. A. Kouassigan, op. cit., p. 237.  La notion de chef est le référent de l’autorité en Afrique noire sur lequel «repose tout l’édifice politico-social». G. A. Kouassigan, L’homme et la terre Droits fonciers coutumiers et droit de propriété en Afrique occidentale, éd. ORSTOM, Paris, VI éd., 1966, p. 80. Selon l’auteur le chef est «le pivot autour duquel s’organisent et s’équilibrent les institutions politiques traditionnelles, et son importance est telle qu’on a pu dire que l’Afrique noire porte naturellement des chefs».    

[13] Cf. article 214 du Code civil version applicable au Bénin

[14] Cf. la loi malienne du 3 février 1962.

[15] Cf. article 58 de la loi ivoirienne n° 64-375 du 7 octobre 1964 relative à la famille.

[16] Le législateur malien de 2011 a maintenu certaines institutions anciennes. Il est aisé de lire respectivement aux articles 316 et 319 du Code des personnes et de la famille que «la femme doit obéissance à son mari». «Le mari est le chef de famille». Le nouveau code malien de la famille de 2011 a maintenu la notion d’autorité maritale tout comme celui de 1962. L’avancée concerne l’exercice à titre subsidiaire de cette autorité par la femme en cas d’empêchement du mari.

[17] Cf. l’article 152 du Code sénégalais de la famille qui n’autorise pas que la femme puisse remplacer le mari dans sa fonction de chef de famille. L’article 152 relatif à la puissance maritale, prévoit : «Le mari est le chef de la famille, il exerce ce pouvoir dans l’intérêt commun du ménage et des enfants».

[18] La loi ivoirienne en son article 58 paragraphe 7 qui reprend la formule de l’article 213 paragraphe 3 du Code civil prévoyant que «la femme remplace le mari dans sa fonction de chef de famille s’il est hors d’état de manifester sa volonté en raison de son incapacité, de son silence, de son éloignement ou de tout autre cause».

[19] Au sujet de la coexistence de systèmes juridiques, on peut se référer au droit sénégalais de la famille qui consacre en matière successorale, deux systèmes successoraux différents. Il s’agit du système successoral de droit moderne dont le droit français est la source principale et le système successoral de droit musulman dont la source classique est le droit musulman.  Sur ces points cf. A. Sow Sidibe, Pluralisme juridique en Afrique (l’exemple du droit successoral sénégalais), Paris, LGDJ, 1991, pp. 49 et s. ; F. Jault-Seseke, Le regroupement familial en droit comparé français et allemand, paris LGDJ, 1996, p.73 et s. Pour l’auteur, le monde musulman donne de la famille une image tout à fait différente du modèle européen.

[20] Pour les développements relatifs à la spécificité malienne, cf. l’article 41 de la loi du 3 février 1962. La puissance maritale occupe une place de choix dans le droit malien de la famille du fait de son influence par le droit musulman qui accorde une place de choix à la puissance paternelle (wilaya) dans les fondements du mariage. Cf. M. A. Al-midani, La famille musulmane et la sharia, in Le droit de la famille en Europe son évolution depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, (Dir.) Roland Ganghofer, Presses Universitaires de Strasbourg, 1992, p. 34.

[21] Selon le professeur A. N. Gbaguidi, «quand on parle de règles discriminatoires dans le domaine du droit de la famille, cela ne concerne pas seulement le droit traditionnel, ‘’bastion imprenable’’ de l’omniprésence du masculine. Il y a également le droit moderne qui, en effet, contient un nombre impressionnant de règles discriminatoires vis-à-vis de la femme mariée […] alors que l’interdiction de la discrimination quelle que soit sa forme fait aussi partie du droit positif béninois». Cf. N. A. Gbaguidi, Egalité des époux, égalité des enfants et le projet de code de la famille et des personnes du Bénin, RBSJA, n° spéc. octobre, 1995, p.3-24.

[22] J. Poirier, La rédaction des coutumes juridiques en Afrique d’expression française », in John Gilissen (dir.), La rédaction des coutumes dans le passé et dans le présent, Bruxelles, éd. de l’Institut de Sociologie, 1962, pp. 275-277.

[23]A. N. Gbaguidi, op. cit. pp. 5 et s.

[24] Cf. article 153 et s. du Code des personnes et de la famille.

[25] E. Yededji Gnanvo, Un exemple de droit écartelé entre tradition et modernité : le nom de la femme mariée au Bénin, RBSJA.

[26] Les codes béninois et togolais des personnes et de la famille ont consacré le titre VI à la notion de l’autorité parentale qui figue dans le chapitre III du code burkinabé des personnes et de la famille.

[27] Voy. sur ce point, les développements de Hens Kelsen sur les normes de type statique et les normes de type dynamique. Cf. H. Kelsen, Théorie pure du droit, Paris, Dalloz, 1962, pp. 258-259. 

[28] Cf. B. Oppetit, Droit et modernité, pp. 114 et s.

[29] P. T. Fall, Les droits de l’Homme dans la famille, in Dix (10) ans d’application du Code des personnes et de la famille du Bénin : Bilan & Perspectives, Bulletin d’information des droits de l’Homme, déc. 2014, p. 143. Selon l’auteur, «la question de la direction du ménage soulève la problématique des pouvoirs dans les relations entre époux et à l’égard des enfants. L’enjeu des pouvoirs renvoie à la question de l’égalité des époux. Et on n’observera qu’il y a encore des véritables inégalités au détriment de la femme mariée».

[30] Cf. A. Sow sidibe, Le pluralisme juridique en Afrique [L’exemple du droit successoral sénégalais], Paris, LGDJ, 1991, pp.21 et s. ; Cf. C. Eberhard, L’impact méthodologique de l’analyse plurale dans l’étude anthropologique des cultures juridiques, in Ghislain OTIS (dir.), Méthodologie du pluralisme juridique, Ed. Karthala, 2010, p.53.

Selon Ghislain Otis le pluralisme se traduit par l’affranchissement «du dogme […] réduisant le droit à la norme « étatique…». Pour l’auteur, le pluralisme renvoie à l’idée d’accoler le qualificatif «juridique» aux normes dont l’effectivité se manifestait sous des formes diverses pour les acteurs concernés. G. Otis, Les figures de la théorie pluraliste dans la recherche juridique, in Ghislain Otis (dir.), Méthodologie du pluralisme juridique, éd. Karthala, 2010, p. 10.

[31]  Parallèlement à l’application du Code civil version appliquée au Bénin, le Coutumier du Dahomey était aussi appliqué jusqu’ à une période récente précédent la publication du Code des personnes et de la famille. Le Code des personnes et de la famille illustre bien la coexistence du Coutumier du Dahomey et le Code civil version appliquée au Bénin avant son avènement en ces termes «les dispositions du présent Code s’appliquent aux actes et fait juridiques postérieurs à son entrée en vigueur ainsi qu’aux conséquences que la loi tire des actes et faits antérieurs ayant créé une situation juridique régulière au regard de la coutume et de la loi». cf. article 1018 du Code des personnes et de la famille ; L’article 146 du Code de la famille du Sénégal laisse entrevoir la coexistence entre le régime du mariage coutumier et le mariage selon les règles de droit moderne lorsqu’il prévoit que le mariage coutumier non célébré et non constaté par un officier de l’état civil est valable. Cf.  L. Sidime, Le régime du mariage coutumier dans le Code de la famille du Sénégal, Annales Africaines, 1983-1984, 1985, première partie, p. 314.

[32] A. N. Gbaguidi, op. cit., pp. 9-10. Le professeur Gbaguidi pour marquer l’état d’évolution de la nature des rapports des conjoints en droit béninois de la famille précise qu’«à la place de la suprématie du mari, le projet de réforme institue une collégialité dans la direction du ménage. Sur cette base, la femme participe à égalité au choix de la résidence de la famille». Ibidem. p. 7.

[33] Ce sont les décisions DCC 02-144 du 23 décembre 2002, la DCC 09- 081 du 30 juillet 2009 et la DCC 14-172 du 16 septembre 2014. Dans ces trois décisions, le juge constitutionnel a imposé une nouvelle lecture orientée dans le sens de l’égalité des rapports entre époux dans la famille.

[34] A qui veut s’intéresser à la problématique des mutations en droit béninois de la famille, c’est d’abord l’histoire qui fournit la matière. J. Djogbenou, Les personnes et la famille en République du Bénin : de la réalité sociale à l’actualité juridique, in les personnes, la famille et le droit en République du Bénin, contribution à l’étude du code des personnes et de la famille, Cotonou, éd. Juris Ouanilo, 2007, pp. 21 et s..     

[35] Cf. N. A. Gbaguidi, op. cit., pp. 9-10. Selon le professeur Gbaguidi, l’autorité des parents sur leurs enfants encore mineurs est une institution de protection qui laisse entrevoir «une égalité totale du père et de la mère …» dans son exercice. C. Agossou, L’autorité parentale d’enfant confié à un tiers au Bénin : heurs et malheurs d’une notion nouvellement adoptée, in dix (10) ans d’application du Code des personnes et de la famille du Bénin : bilan & perspectives, Bulletin d’information des Droits de l’Homme, décembre 2014, pp.  251- 292. G. Dohou Acclassato, L’enfant dans la famille recomposée, in dix (10) ans d’application du Code des personnes et de la famille du Bénin : bilan & perspectives, Bulletin d’information des Droits de l’Homme, décembre 2014, pp. 240-241. ; S. Odoubou, Réflexion sur l’autorité parentale en droit positif béninois, mémoire DEA, Cotonou, 2009, pp. 11 et s. Dans son analyse, l’auteur a apprécié l’autorité parentale au regard de la personne de l’enfant d’une part et l’autorité parentale quant aux biens de l’enfant d’autre part.

[36] Cf.  note n° 27.

[37] Les rapports d’égalité reposent sur les droits et devoirs réciproques des époux. Cf. G. A. Kouassigan, op. cit. au sujet des rapport d’égalité dans la famille, p. 236.

[38] Le Code béninois des personnes et de la famille a institué la collégialité dans la direction du ménage en lieu et place de l’omniprésence du mari. Un auteur a estimé que «de suppléant du mari dans la direction de la famille, la femme en devient l’alter ego». N. A. Gbaguidi, op. cit., p. 7. ; S. N. Zinzindohoue, L’égalité des époux dans le code des personnes et de la famille, in ‘’La personne, la famille et le droit en République du Bénin : contribution à l’étude du code des personnes et de la famille’’, Cotonou, éd. Juris Ouanilo, 2007, pp. 113-114.

[39] Les obligations relatives au mariage témoignent de l’égalité recherchée par le législateur dans les rapports des conjoints. Cf., les articles 153 et s. du Code des personnes et de la famille. La réciprocité des obligations du mariage renvoie à ce que M. Jean-François Aarghi qualifie «contrat d’amour entre un homme et une femme…». cf. J.-F. Aarghi, L’avenir de l’humanité passe à travers la famille (familiaris Consortio)», in Le droit de la famille en Europe son évolution depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, (dir.) Roland Ganghofer, Presses Universitaires de Strasbourg, 1992, p. 20   

[40] N. A. Gbaguidi, op. cit., pp. 7-8.

[41] Danièle Huet-Weiller a qualifié ce changement de «pouvoir individuel à l’autorité partagée». Cf. D.  Huet-Weiller, De la puissance paternelle à l’autorité parentale », in Le droit de la famille en Europe son évolution depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, (Dir.) Roland Ganghofer, Presses Universitaires de Strasbourg, 1992, pp. 406 et s. 

[42] Cf. article 407 du Code des personnes et de la famille.

[43] C. Labrusse-Riou, op. cit. PUF, 2008, p. 113.

[44] Ibidem, p. 111.

[45] Selon Hughes Fulchiron, l’intérêt de l’enfant est le plus grand bien de l’enfant qui doit guider le juge, dans le sens du meilleur avantage pour l’enfant quant à son mode de vie, son épanouissement, son développement, son avenir, son bonheur, son équilibre. H. Fulchiron, Autorité parentale et parents désunis, éd. CNRS, Paris, 1985, p. 34. Pour l’auteur, l’intérêt de l’enfant est utilisé comme un double critère. Il représente un critère de surveillance de l’exercice de l’autorité parentale sans remettre en cause l’existence des droits des parents.  Il est aussi utilisé comme un critère de solution, en ce sens qu’en cas de divorce, il intervient comme un critère de l’attribution de l’autorité parentale.

[46] Dans une affaire relative à la cotitularité de la garde de l’enfant, le juge français a été amené à préciser que l’autorité parentale est un droit fonction, orienté uniquement vers l’intérêt de l’enfant et sa représentation personnelle. Dans l’exercice de ce droit, seul le préjudice subi par l’enfant qui peut être invoqué.  Ce fut la position de la cour de cassation française en sa 1re chambre civile du 27 février 2007. En l’espèce, la mère d’un enfant de 12 ans, cotitulaire de l’autorité parentale avec le père, personnalité très connue du monde du cinéma, fait défense à deux hebdomadaires d’avoir publié la photographie de l’enfant sans son consentement. Pour cette raison, elle demande une réparation du préjudice personnel résultant de la méconnaissance de ses droits d’autorité parentale. La cour d’appel accueille favorablement sa demande et le pourvoi le lui reproche sur le fondement de de la reconnaissance de l’autorité parentale comme un droit fonction. Selon la cour, les droits de l’autorité parentale seraient accordés dans le but de l’intérêt de l’enfant. Les représentants ne peuvent invoquer un préjudice qui leur est propre du fait de la méconnaissance de leur droit de cotitularité de l’autorité parentale. Cf. J. Hauser, La finalité de l’autorité parentale, RTDCiv., 2007, p.327 ; Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 06-14.273, F-P+B (N° Lexbase : A4205DUB), Dr. et patr., n° 646.

[47] Cf. article 265 du Code des personnes et de la famille

[48] Cf. article 153 du Code des personnes et de la famille.

[49] Cf. article 154 du Code des personnes et de la famille.

[50] Cf. article 155 du Code des personnes et de la famille.

[51] L’expression «le caractère mutuel du don» de Mme Mélina Douchy -Oudot, traduit bien la mutualité d’actions des conjoints.  Selon l’auteur, le don en mariage est particulier parce que les époux se donnent l’un à l’autre. Il y a mutualité du don des personnes, l’un donne et l’autre reçoit et réciproquement. Cf. M. Douchy -Oudot, Propos impertinents sur l’amour conjugal, in Mélanges en l’honneur de Jean Hauser, Paris, Dalloz, 2012, p.90.

[52] J. Domat traduit bien la collégialité d’actions en disant que «par la naissance, DIEU forme l’amour mutuel qui unit parents à l’enfant …». Selon l’auteur le fondement du devoir des parents se trouve dans cet ordre de la naissance ». Cf. J. Domat, Les lois civiles dans leur ordre naturel, p. 5.

[53] Cf. article 407 du Code des personnes et de la famille

[54] Au sujet de la conciliation des intérêts individuel dans la famille, cf. D.N. d’Almeida, La femme mariée togolaise et les conditions légales d’accès à la profession commerciale, Penant, n° 820, janvier- avril, 1996, pp. 17 et s.

[55] P. T. Fall, Les droits de l’Homme dans la famille, in dix (10) ans d’application du Code des personnes et de la famille du Bénin : Bilan & Perspectives, Bulletin d’information des droits de l’Homme, décembre 2014, p.138. ; sur le concept de la dignité en tant que droit de la personne, cf. F. Borella, Le concept de dignité de la personne humaine, in Ethique, droit et dignité de la personne, Mélanges en l’honneur de Ch. Bolze, pp. 30 et s.

[56] Selon un auteur, l’institution de la dot porte atteinte à la liberté matrimoniale de la femme et porte ainsi atteinte à sa dignité. L’auteur considère que l’institution de la dot dénie à la femme le droit de se marier à la personne de son choix mais aussi qu’elle contribue grandement à la maintenir dans une position de subordination à l’égard du mari qui, par le versement de la dot, réalise un «achat» de la femme. Cf. M. A. Dabo, La protection du consentement au mariage en Afrique noire francophone : le cas burkinabé», in Dix (10) ans d’application du code des personnes et de la famille du Bénin : bilan & perspectives, Bulletin d’information des droits de l’Homme, décembre 2014, pp. 97 et s.   

[57] Cf. article 173 du Code des personnes et de la famille. «Chaque époux à la pleine capacité juridique…».

[58] Cf. Décision DCC 02-144 du 23 décembre 2002. Le juge précise que : «Il y a un traitement inégal entre l’homme et la femme en ce sens que l’option prévue à l’alinéa 2 de l’article 143 permet à l’homme d’être polygame alors que la femme ne peut être que monogame». La suppression de la polygamie au Bénin est le fait du juge constitutionnel qui avait subordonné la promulgation du Code à sa mise en conformité avec la constitution. Cf. Affaire S. Bolle, Le Code des personnes et de la famille devant le juge constitutionnel du Bénin, Afrilex n° 4, p. 315 et s.

[59] Cf. Décision DCC 09-81 du 30 juillet 2009.

[60] Cf. DCC 14-172 du 16 septembre 2014.

[61]   S. N. Zinzindohoue, L’égalité des époux dans le code des personnes et de la famille, in La personne, la famille et le droit en République du Bénin, Contribution à l’étude du Code des personnes et de la famille, Cotonou, Ed. Juris Ouanilo, 2007, pp. 120 et s. ; J. Djogbenou, Les personnes et la famille en République du Bénin : de la réalité sociale à l’actualité juridique, in La personne, la famille et le droit en République du Bénin, Contribution à l’étude du Code des personnes et de la famille, Cotonou, éd. Juris Ouanilo, 2007, p. 21. ;

S. K. Honvou, Regard du juge constitutionnel béninois sur le principe d’égalité en droit de la famille, in La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 : un modèle pour l’Afrique, Mélanges en l’honneur de Maurice Ahanhanzo-Glele, Paris, L’Harmattan, 2012, pp. 567-586. ; S. I. B. Guedegbe, L’égalité du partage successoral dans le code des personnes et de la famille du Bénin, in Dix (10) ans d’application du Code des personnes et de la famille du Bénin : bilan et perspectives, Bulletin d’information des Droits de l’Homme, Décembre 2014. pp. 324 et s.

[62] Sur les points des obligations nées du mariage, Cf. article 153 et s.. Sur le point de la capacité juridique de la femme voy. les articles 173, 177 et 178.

[63] La Constitution du Sénégal énonce l’attachement de l’Etat à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et aux instruments internationaux adoptés par l’Organisation des Nations Unies et l’Organisation de l’Unité Africaine. Il s’agit de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 Décembre 1948, la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes du 20 novembre 1989 et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples du 27 juin 1981. Il en est de même de la constitution béninoise en son 26 qui consacre l’égalité au rang de principe à valeur constitutionnelle.

[64] Cf. Cour européenne de Strasbourg au sujet de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L4799AQS).

[65] Cf. article 173 et s du Code des personnes et de la famille.

[66] L’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie est aussi un témoignage constant de la communauté de vie que requiert tout mariage. Cf. Canon 1055 du Code de droit canonique, 3ème éd. Gralianus, 2009, p. 915. Selon le canon 1055, «L’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants, a été élevée […] à la dignité de sacrement».

[67] Sur ce point cf. A. F. Saironou - Bedie, La contribution aux charges du ménage », in dix (10) ans d’application du code des personnes et de la famille du Bénin, Bulletin d’information des droits de l’Homme, décembre 2014, pp. 127 et s.

[68] Cf. article 158 du Code des personnes et de la famille.

[69] Cf. article 159 et 174 du Code des personnes et de la famille.

[70] Cf. article 174 du Code des personnes et de la famille.

[71] Certains auteurs estiment que la notion de responsabilité rend mieux compte de la fonction de l’autorité parentale. Selon les tenants cette thèse, l’autorité parentale s’apparente sur certains aspects similaires à la responsabilité parentale anglaise instituée par le Children act de 1989. Sur ces points, cf. René David, préface à la thèse de M. Craffe, La puissance paternelle en droit anglais, LGDJ, 1971. Jacqueline Flauss-Diem, Le children act. de 1989 ou le passage des droits parentaux à la responsabilité parentale en droit anglais, PUS, 1992, p. 418.  

[72] Cf. article 173, 177 et 178 du Code des personnes et de la famille.

[73] S. I. B. Guedegbe, L’égalité du partage successoral dans le code des personnes et de la famille du Bénin, in Dix (10) ans d’application du code des personnes et de la famille du Bénin : bilan et perspectives, Bulletin d’Information des Droits de l’Homme (BIDH), octobre 2015, pp. 324 et s. 

[74] Cf. G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 9ème éd, 2011, p. 386.

[75]  T. Olawale Elias, La nature du droit coutumier africain, paris, Présence Africaines, 1961.

[76] Cf. article 256 du Coutumier juridique du Dahomey. La disposition prévoit que «le mode de répartition des biens particuliers varie avec les coutumes ; la règle générale est que seuls héritent les descendants même du défunt».

[77] Cf. l’institution du lévirat dans les coutumes en Afrique au sud du Sahara. Au Bénin, le Code des personnes et de la famille a dès son adoption, marqué un pas vers une évolution législative. Le nouveau droit mettait fin à de nombreuses année de discrimination instituée par le coutumier du Dahomey et le code civil version applicable au Bénin. Le coutumier du Dahomey apparaissait comme discriminatoire en instituant la femme comme «faisant toujours partie du patrimoine de son époux». cf. R.- F. Sodjedo Hounton, La solidarité intergénérationnelle : leçons de l’application du code des personnes et de la famille, in dix (10) ans d’application du Code des personnes et de la famille du Bénin : bilan et perspectives, Bulletin d’information des droits de l’Homme, décembre 2014, p. 60. Voy. article 127 du Coutumier du Dahomey qui prévoit que «la femme n’a aucun pouvoir juridique. La pratique seule lui donne quelque importance. Elle a ainsi souvent l’administration du ménage ; elle peut se constituer un pécule avec le produit de la vente de certains objets de sa fabrication. Elle fait partie des biens de l’homme et de son héritage».

[78] Les héritiers réservataires ont droit de prendre part au partage de la réserve héréditaire. La réserve héréditaire a pour fondement la protection de certains successibles contre les actes de disposition à titre gratuit, particulièrement néfastes pour les héritiers. Elle est une partie de la succession qui est destinée à certains héritiers et dont ils ne peuvent être privés par des libéralités excessives du défunt.

[79] Il en est ainsi dans le cas des droits successoraux des ascendants, du cas des droits successoraux du conjoint survivant et dans une certaine mesure des droits successoraux des veuves en cas de pluralité d’épouses.

[80] Cf. Lexique des termes juridiques, (dir.) Serge Guinchard et Thierry Bebard, 20ème éd. Dalloz, 2013.

[81] Cf. article 708 du Code des personnes et de la famille.

[82] Cf. article 713 du Code des personnes et de la famille.

[83] Cf. articles 710, 711, 713 et 714 du Code des personnes et de la famille. Les donations prélevées sur les fruits et les revenus du défunt sont, présumées avec dispense de rapport à moins qu’elles n’aient été manifestement excessives, cf. art. 712 du Code des personnes et de la famille. Les dons et les legs faits au fils d’un successible à l’ouverture de la succession sont dispensés de rapport, cf. article 714 du Code des personnes et de la famille.

[84] Les faits constitutifs du recel successoral sont : l’enlèvement de meubles ou leur aliénation à l’insu des autres héritiers, la dissimulation, par un héritier de l’existence d’une dette dont il est redevable envers la succession, la fabrication d’un faux acte de vente indépendamment du fait que le prix stipulé soit insuffisant ou simulé etc.

[85] Le législateur sénégalais, lui aussi sanctionne le recel d’un bien successoral. En la matière, il ne prévoit pas la possibilité de repentir du successible. Cf. A. Sow Sidibe, op. cit., p.68.

[86] Cf. I. S. G., op. cit., p. 324.

[87] L’allotissement est l’opération de partage consistant à former des lots en vue d’attribuer à chaque copartageant la part qui lui revient. 

[88] Cf. article 619 du Code des personnes et de la famille.

[89] Cf. article 617 du Code des personnes et de la famille.

[90] Cf. article 623 du Code des personnes et de la famille.

[91] Il en est de même de la répartition des lots des branches, cf. article 617 du Code des personnes et de la famille.

[92] La succession est divisée en deux portions égales dont la moitié est déférée au père et à la mère qui la partagent entre eux également. Cf. article 623 du Code des personnes et de la famille.

[93] La fertilité se lit à travers la diversité des institutions qui consacrent l’égalité des successions ab intestat en droit béninois. On peut ajouter aux institutions déjà évoquées l’institution de l’allotissement qui traduit l’exigence de l’égalité en valeur qui est relativisée par l’impossibilité de réaliser une égalité en nature, cf. S. I. Guedegbe, op. cit., pp. 330 et s.

Le principe de l’égalité en valeur est aussi consacré en droit sénégalais par l’article 474 du Code de la famille. L’égalité en nature présente un caractère subsidiaire. En droit sénégalais, lorsqu’un immeuble n’est pas susceptible de partage en nature, selon un auteur, on peut l’octroyer intégralement à l’un des héritiers avec la possibilité de compenser l’attribution par des soultes. Cf. A. Sow Sidibe, op. cit., pp. 306 et s.

[94] Cf.  Lexique des termes juridiques, (dir) Serge Guinchard et Thierry Debard, Dalloz, 20ème éd., 2013.

[95] Cf. article 14 du Code des personnes et de la famille.

[96] Cf. article 214 du Code civil, version applicable au Bénin.

[97] G. A. Kouassigan, op. cit., pp. 195 et s.

[98] Cf. article 156 du Code des personnes et de la famille : «Le choix du domicile du ménage incombe aux époux ».

[99] Cette disposition marque un retour aux traditions anciennes en reconnaissant d’une manière détournée le droit pour le mari de choisir le domicile conjugal au nom du devoir de cohabitation. C’est un retour à l’article 215 du Code civil applicable au Bénin qui conférait au mari le droit le droit de choisir le domicile conjugal avec la réserve que, la femme pouvait obtenir par la voie judicaire, l’autorisation de résidence séparée à condition que celle choisie par le mari présente pour elle et pour ses enfants des dangers d’ordre physique ou d’ordre moral».

[100] En cas de désaccord, le domicile conjugal est fixé par le mari. Toutefois, la femme peut obtenir l’autorisation judiciaire de domicile séparé si elle rapporte la preuve que le domicile choisi par le mari présente un danger d’ordre matériel ou moral pour elle ou pour ses enfants.

[101] La dot fait l’objet d’approches législatives différentes dans les Etats africains. Elles vont de la règlementation à la suppression. Les Etats comme la Côte d’Ivoire et le Gabon l’on supprimé. En Côte d’Ivoire, l’institution de la dot est supprimée depuis la loi n° 64-381 du 7 octobre 1964, relative au mariage. De même, la dot est supprimée au Gabon en 1963. Cf. N. Okouma, La polygamie dans le code civil gabonais de 1992, thèse Montpellier 1, 1981, p.25. Les Etats comme le Bénin et le Sénégal l’on maintenu. En droit Sénégalais, la dot reste une condition de fond du mariage. L’article 132 du code de la famille prévoit que «Les futurs époux peuvent convenir que la fixation d’une somme d’argent, ou la détermination de biens à remettre en partie ou en totalité par le futur époux à la future épouse, sera une condition de fond du mariage. Cette dot ne peut dépasser la valeur maximum fixée par la loi. Elle est la propriété exclusive de la femme qui en a la libre disposition. Il est fait mention dans l’acte de mariage du montant de la dot, de la part stipulée payable d’avance et de ce qui a été perçu par la femme au moment de la célébration du mariage».

[102] Cf. article 173 du Coutumier du Dahomey qui prévoit que «dans toutes les coutumes, il existe un délai de viduité qui va de 6 mois à 1an». Dans la tradition béninoise, le délai de viduité servait à organiser le veuvage du conjoint survivant.

[103] Cf. G. A. Kouassigan, op. cit., pp. 211 et s.

[104] Selon le Professeur Samba Traore, le droit coutumier africain, a connu, selon les époques, différentes fortunes. Il était tantôt droit traditionnel, tantôt coutume, tantôt droit local. Cf. S. Traore, Droit coutumier et coutume Réflexions sur le langage du juriste des institutions traditionnelles africaines (quelques exemples de concepts tirés du droit Soninké du Gajaaga-Sénégal), Annales Africaines, 1ère partie, 1989, 1990, 1991, pp. 47 et s.

[105] Henri Solus est allé dans ce sens dans son analyse en affirmant que la dot «se présente bien plutôt comme un prix d’achat de la femme que verse le mari à celui qui exerce puissance et autorité, lesquelles étaient à l’origine absolues, puisque le consentement de la femme audit mariage n’était jusqu’à ces dernières années, nullement requis, c’était en effet le chef de famille qui disposait à son gré des filles, et ceci dès leur plus bas âge et même avant leur naissance,  […] le versement d’une somme d’argent que le futur époux fait au père de famille en vue d’obtenir sa fille prend de plus en plus le caractère juridique d’un prix d’achat […]. L’expression courante : acheter une femme devient synonyme de l’épouser». H. Solus, Le problème actuel de la dot en Afrique Noire, revue juridique et politique de l’Union, 1950/1959, p. 459.  Selon un auteur, cette conception qui appréhende la dot comme le prix d’achat n’a pas été altérée par le temps. Cf. I. A. Anani, La dot dans le Code des personnes et de la famille au bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire et Togo, in Les droits de la femme & de l’enfant, Réflexions Africaines, éd. Karthala, 2011, p. 230. 

[106] La dot en Afrique, est emprunte d’une forte valeur symbolique. Elle puise ses sources dans une tradition multiséculaire, qui laisse entrevoir pourquoi sa pratique demeure vivace. Dans les cultures noires africaines, la dot présente une particularité d’être payée par l’homme, au profit de la femme, contrairement à la pratique occidentale à une époque donnée. Sous l’empire du Code civil de 1804, la France a connu un régime dotal suivant lequel la femme remettait au mari des biens dits «dotaux» qui étaient soumis à l’administration et à la jouissance de celui-ci, mais frappés aussi d’inaliénabilité. De nos jour, l’institution de la dot en Afrique est considérée comme contradictoire à la liberté matrimoniale de la femme. Cf. M. A. Dabo, La protection du consentement au mariage en Afrique noire francophone : le cas burkinabé, in dix (10) ans d’application du Code des personnes et de la famille du Bénin : bilan et perspectives, bulletin d’information des droits de l’Homme», décembre 2014, pp. 96 -97

[107] Le caractère impératif des coutumes africaines en matière en matière de célébration du mariage s’apparente à l’idée que l’on se fait de la coutume dans la théorie romano-canonique qui appréhende la coutume sous deux éléments : un élément matériel qui est la pratique répétée et un élément psychologique, la conviction du caractère obligatoire de cette pratique (opinio necessitatis). Cf. J. Carbonnier, Flexible droit Pour une sociologie du droit sans rigueur, 7ème, Paris, LGDJ, 1992, p. 97.

[108] Ibidem, pp. 215 et s.

[109] M. Kone et N. Kouame, Cocio-anthropologie de la famille en Afrique : Evolution des modèles en Côte d’Ivoire, éd. du CERAP, 2005, p. 84.

[110] Ibidem, p. 216.

[111] L’accord de la jeune fille ne jouait qu’un rôle secondaire en matière de la validité du mariage.

[112] cf. R.- F. Sodjedo Hounton, op. cit., p.60 ; Selon l’article 127 du Coutumier du Dahomey, la femme «fait partie des biens de l’homme et de son héritage».

[113] Cf. article 142 du Code des personnes et de la famille.

[114] Cf. articles 126 et suivants du Code des personnes et de la famille relatifs aux conditions de forme du mariage. Dans les coutumes africaines, la dot n’est pas l’affaire exclusive de l’homme et de la femme mais celle des deux familles.

[115] Au cours de la célébration du mariage, l’officier de l’état civil est amené à constater solennellement l’existence et la réalité du consentement matrimonial. Cette exigence demeure importante car, elle constitue la matérialisation du consentement matrimonial et le reflet d’un mariage consenti librement par les parties. Le mariage dans les sociétés africaines est caractérisé par une forte dimension d’ordre social qui parait indispensable. La persistance de la dimension sociale du mariage dont la dot est le témoin dans les sociétés africaines entraine, une interconnexion entre la dimension d’ordre social et la dimension d’ordre volontaire et fait apparaitre le mariage comme l’union de deux familles. Le mariage devient un engament consenti par la famille de l’époux et celle de l’épouse. Cf. E. L. Kangambega, Le consentement matrimonial à l’épreuve des réalités burkinabé, in Les droit de la femme & de l’enfant, éd. Karthala, 2011, pp. 187-188.

[116] Voy. sur ces points, le Doyen Jean Carbonnier au sujet des notions de mariage d’amour qui est un élan instinctif de deux individus et le mariage de raison qui se négocie entre deux familles. J. Carbonnier, p. 202.

[117] La dot est la preuve dans la tradition béninoise d’une alliance sacrée entre deux familles ; celle du mari et celle de la jeune fille donnée en mariage.

[118] Un auteur a qualifié la tendance au maintien de ‘’statut quo ante’’. Cf. G. A. Kouassigan, op. cit., p. 93.

[119] Le balancement du droit béninois de la famille entre tradition et modernité est qualifié E. Yededji Gnanvo de «droit écartelé entre tradition et modernité…».  Cf. E. Yededi Gnanvo, op. cit.,  p.33.

[120] Cf. Lexique des termes juridiques, (dir.) Serge Guinchard et Thierry Babard, Dalloz, 2013.

[121] Un point de vue tout autre, soutient que le délai de viduité est le fruit d’une rencontre entre la culture africaine et celle occidentale. Elle a pour but d’éviter la confusion de paternité.

[122] Cf. article 124 du Code des personnes et de la famille.

[123] D’aucuns prêtent au délai de viduité en droit béninois une conception européenne ou française selon laquelle il permettrait d’éviter la confusion de paternité.

[124] Le Canon 1138 paragraphe 2 nous semble assez illustratif sur le point lorsqu’il prévoit que «sont présumés légitimes les enfants qui sont nés au moins cent quatre-vingts jours après la célébration du mariage, ou dans les trois cents jours qui suivent la dissolution de la vie conjugale».  cf. article 1138, paragraphe 2 du Code de droit canonique, 3ème éd., Gralianus, 2009, p. 1004.

[125] E. Montcho Agbassa, La nationalité de la femme mariée en droit béninois », in Dix (10) ans d’application du Code des personnes et de la famille du Bénin : bilan & perspectives, Bulletin d’information des Droits de l’Homme, décembre 2014, pp.318-319.

[126] La nationalité de la mère n’était transmise que lorsque le père était inconnu ou n’avait pas de nationalité connue d’une part et l’enfant qui était né à l’étranger d’un père de nationalité étrangère pouvait répudier la nationalité béninoise de sa mère avant sa majorité alors que, pour le père béninois, la transmission de la nationalité était automatique sans aucune réserve d’autre part. cf. articles 12.2 et 13 du Code de nationalité béninoise.

[127] Cf. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2013.

[128] Cf. A.  Sow Sidibe, op. cit., pp. 111 et s. A côté, du système patrilinéaire, nous avons la parenté matrilinéaire et la parenté bilatérale ou bilinéaire. Dans la parenté matrilinéaire, le statut juridique de l’individu est déterminé dans une large mesure par ses liens avec sa mère. L’enfant est, par sa naissance, intégré dans la famille de sa mère. Dans la parenté bilatérale ou bilinéaire, les liens juridiques sont noués dans les lignes maternelle et paternelle. L’individu est alors intégré dans les familles de ses deux parents.   

[129] G. A. Kouassigan, op. cit., p.206.

[130] Ibidem.

[131] Article 6 al. 3 du Code des personnes et de la famille.

[132] La femme peut perdre le droit d’usage du nom du mari par un jugement de séparation de corps ou un jugement postérieur peut le lui interdit. Toutefois, elle pourra en conserver l’usage avec l’accord du mari ou sur autorisation du juge. Cf. Articles 261 et 278 Code des personnes et de la famille.

[133] Cf. E. Yededi Gnanvo, op. cit., p.42.

[134] La vie privée est un phénomène social. Elle ne devient un intérêt juridique qu’à partir du moment où se manifeste la volonté de protéger la personne humaine dans sa dignité et sa tranquillité contre les atteintes qui pourraient y être portées par l’Etat ou par les particuliers. Cf. J.- C. Saint-Pau, Introduction au droit de la vie privée, in Mélanges en l’honneur de Jean Hauser, Paris, Dalloz, 2012, pp.639 et s.

[135] Cf. Rapport de la commission des lois, de l’administration et des droits de l’Homme de l’Assemblée Nationale sur le Code des personnes et de la famille, 2ème session ordinaire de 1998, p.5

[136] Sur ce point voir, Raymond Lindon, Note de jurisprudence du 15 janvier 1980, TGI, Paris, Recueil Dalloz-Sirey, 1980, p. 194.  Lorsque le nom porté par la femme divorcée a acquis une notoriété commerciale ou artistique, les tribunaux autorisent la femme divorcée à continuer à le porter. Cf. Tribunal de Toulouse, 1886, Dalloz, 1893, t. 11, p.40 

[137] La disposition de l’article 12 du Code des personnes et de la famille telle que libellée dégage des velléités inégalitaires. Elles se traduisent par le fait que la femme à l’obligation d’adjonction du nom de son mari à son nom d’une part et la possibilité pour le mari de s’opposer à ce que la femme continue de porter son nom après le divorce. Article 12 du Code, «la femme mariée garde son nom de jeune fille auquel elle ajoute le non de son mari […] La femme divorcée peut continuer à porter le nom de son mari avec le consentement de ce dernier … ».  Il convient de noter que le port du nom du mari par la femme mariée a été favorisé par la pratique sociale qui révèle l’intérêt des femmes à porter le nom de leur mari quand bien même, la loi n’en fait pas une obligation. Au Sénégal, le mariage  ‘’Tack Souf’’ conclu avec une femme âgée, illustre l’idée protectrice à l’origine du port du nom devenu une obligation.  Sur ce point Voy. M. M. M’backe, De la protection de la femme et de l’enfant dans le Code Sénégalais de la famille, revue Sénégalaise de droit, juin 1973, n° 13, p. 26 ; La grande majorité des femmes mariées souhaitent qu’on le sache. Le titre de «madame» est reçu favorablement par la société à telle enseigne que souvent, certaines femmes le réclament avec fermeté. De même, «des mères célibataires souhaitent être appelées ‘’Mme’’ plutôt que ‘’Mlle ‘’ sans se soucier du signe d’aliénation au mari que cela pourrait constituer. Sur ce point, voy. M.-C. Rivier, Question de noms : famille, patronyme, usage, naissance et jeune fille, in Point de vue, Dalloz, 2002, n° 24, pp. 1915-1916.

[138] Décision DCC 02-144 du 23 décembre 2002.

[139] Un auteur voit en l’adjonction du nom, une injonction faite à la femme de porter nécessairement le nom de son mari. Selon cet auteur, le législateur aurait pu garder le libellé que comportait le projet de Code qui prévoyait que la femme «peut ajouter le nom de son mari» à son nom. cf. E. Yededji Gnanvo, op. cit., p. 57.

[140] La clarification est relative à la précision du juge constitutionnel selon laquelle le mariage ne doit pas faire perdre à la femme mariée son identité. Celle-ci peut garder son nom de jeune fille auquel elle ajoute le nom de son mari.

[141] Selon E. Yededji Gnanvo, L’adjonction ou le port du nom n’est pas une faculté. C’est une obligation, une injonction pour la femme mariée. Cf.  E. Yededji Gnanvo, op. cit., p. 36.

[142] Sur ce point, on peut se référer à la décision du juge constitutionnel béninois qui a relevé que tout traitement différencié entre l’homme et la femme est contraire à l’article 26 de la Constitution béninoise et aux article 2 et 3 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.  Cf. Décision DCC 09-081 du 30 juillet 2009. Cf. M. Adamou, Nouvel éclairage sur l’adultère au regard de l’évolution du droit positif béninois in Dix (10) ans d’application du Code des personnes et de la famille du Bénin : bilan & perspectives, Bulletin d’information des Droits de l’Homme, Cotonou, décembre 2014, pp. 187 et s.

 

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Droit pénal fiscal

[Brèves] Phobie administrative : suite (et presque fin ?) d’une affaire peu glorieuse

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-745 QPC, du 23 novembre 2018 (N° Lexbase : A3978YMB)

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N6531BX8

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par Marie-Claire Sgarra

Le 28 Novembre 2018

Une personne sanctionnée sur le fondement de l’article 1728 du Code général des impôts (N° Lexbase : L9389LH9) est susceptible de faire également l’objet de poursuites pénales sur le fondement de l’article 1741 du Code général des impôts (N° Lexbase : L6015LMQ).

 

Par cette décision du 23 novembre 2018, le Conseil constitutionnel rejette ainsi le recours de l’ancien secrétaire d’Etat Thomas Thévenoud.

 

La Cour de cassation (Cass. crim., 12 septembre 2018, n° 18-81.067 FS+P+B N° Lexbase : A7806X4U) avait renvoyé la question de l’application combinée des articles 1728 et 1741 du Code général des impôts, les avocats du prévenu estimant le cumul de sanctions pénales et fiscales inconstitutionnel. Thomas Thévenoud soutenait qu’omettre de déclarer ses revenus n’était pas suffisamment grave pour justifier à la fois de sanctions pénales et fiscales.

 

Les dispositions de l’article 1728 du Code général des impôts permettent à l'administration fiscale d'infliger des sanctions pécuniaires aux contribuables en cas de défaut de dépôt ou de dépôt tardif de la déclaration ou de l'acte demandé, que ces manquements soient ou non intentionnels. Ces sanctions, dont le niveau varie selon la nature de l'infraction et en proportion des droits éludés, s'ajoutent à l'impôt dû et sont recouvrées suivant les mêmes règles. Elles visent à garantir la perception de la contribution commune et à préserver les intérêts financiers de l'Etat. Elles assurent le bon fonctionnement du système fiscal, qui repose sur la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites par les contribuables. Les dispositions de l'article 1741 du Code général des impôts répriment quant à elles l'omission frauduleuse de déclaration dans les délais prescrits, principalement par des peines d'amende et d'emprisonnement. Elles visent ainsi à garantir l'accomplissement volontaire par les contribuables de leurs obligations fiscales. L'article 1741 du Code général des impôts permet également de recouvrer la contribution commune dès lors que toute personne ayant fait l'objet d'une condamnation sur son fondement est, par application de l'article 1745 du même Code, solidairement tenue avec le redevable légal au paiement de l'impôt fraudé et des majorations afférentes.

 

Le Conseil constitutionnel a déclaré ces deux articles conformes à la Constitution, validant le possible cumul de sanctions dans les plus graves d’omission déclarative frauduleuse.

 

Le Conseil constitutionnel (Cons. const., 24 juin 2016, décisions n° 2016-545 QPC N° Lexbase : A0909RU9 et n° 2016-546 N° Lexbase : A0910RUA) avait déjà eu à se prononcer sur le cumul des sanctions pénales et fiscales dans les affaires Cahuzac et Wildenstein en assortissant sa décision de plusieurs réserves d’interprétation. Ce régime ne saurait permettre qu’un contribuable qui a été déchargé de l’impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond puisse être condamné pour fraude fiscale. Les sanctions pénales ne doivent s’appliquer qu’aux cas les plus graves. «Cette gravité peut résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention», avait précisé le Conseil constitutionnel.

 

Il appartient désormais à la Cour de cassation de se prononcer qui pourra soit valider définitivement la condamnation ou renvoyer le dossier devant une nouvelle cour d’appel.

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Durée du travail

[Jurisprudence] L’effet direct, mais fort limité, de la Convention n° 106 de l’OIT sur le repos hebdomadaire

Réf. : Cass. soc., 14 novembre 2018, n° 17-18.259, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1463YLR)

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N6566BXH

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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 28 Novembre 2018

Repos dominical • dérogations • Convention n° 106 de l’Organisation internationale du travail

 

Résumé

 

Les dispositions de l’article 7 § 4 de la Convention n° 106 de l’OIT concernant le repos hebdomadaire dans les commerces et les bureaux ne créent d’obligations de consultation des partenaires sociaux, dès lors que les dérogations au travail dominical critiquées résultent de la loi, qu’à la charge de l’Etat, de sorte que le moyen tiré de ce que la procédure ayant conduit à l’adoption de la loi n’est pas conforme à ces dispositions ne peut être accueilli.

 

Les dispositions de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (N° Lexbase : L7006H3U), dite loi «Chatel», ne sont pas incompatibles avec celles des articles 6 et 7 § 1 de la Convention n° 106, le rapport du Comité de l’OIT chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par la France de la Convention n° 106, des 10 et 24 mars 2016, ayant noté que la commission d’experts, après analyse complète et détaillée de la législation en cause, n’a pas considéré que les dispositions en question étaient contraires aux dispositions de la Convention n° 106, et ayant fait ressortir que les dérogations concernées étaient justifiées par la nature du travail, la nature des services fournis par l’établissement, l’importance de la population à desservir et le nombre des personnes employées et se fondaient sur des considérations économiques et sociales répondant à un besoin du public, en ce que l’aménagement de la maison participe l’ameublement relève d’une activité pratiquée plus particulièrement en dehors de la semaine de travail.

 

Alors que le Conseil d’Etat a, à plusieurs reprises déjà, eu l’occasion de se prononcer sur l’effet direct des dispositions de la Convention n° 106 de l’OIT concernant le repos hebdomadaire dans les commerces et les bureaux, la Chambre sociale de la Cour de cassation était pour la première fois saisie d’un contrôle de conventionnalité des dispositions législatives françaises à l’égard de ce texte. Par une décision rendue le 14 novembre 2018, elle juge que les dispositions de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 ayant institué une dérogation permanente de droit au profit des établissements de vente au détail dans le secteur de l’ameublement sont conformes à cette convention (I), aussi bien s’agissant des conditions de fond exigées par la Convention pour déroger au repos hebdomadaire (II) que des conditions procédurales que la Convention paraît imposer au législateur (III).

 

Commentaire

 

I - L’affaire

 

Dérogation permanente au repos dominical dans les établissements de commerce de détail d’ameublement. Un salarié, engagé par une célèbre enseigne de meubles suédoise, saisit le juge prud’homal d’une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte par l’employeur au principe du repos dominical après l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008. Son raisonnement s’appuie sur la contrariété de cette loi, qui autorise la dérogation au repos dominical dans le secteur de l’ameublement, aux articles 6 et 7 de la Convention n° 106 de l’OIT concernant le repos hebdomadaire dans les commerces et les bureaux.

 

L’article 6, 3° de la convention prévoit que «la période de repos hebdomadaire coïncidera, autant que possible, avec le jour de la semaine reconnu comme jour de repos par la tradition ou les usages du pays ou de la région». L’article 7, 1° dispose toutefois que «lorsque la nature du travail, la nature des services fournis par l'établissement, l'importance de la population à desservir ou le nombre des personnes employées ne permettent pas l'application des dispositions de l'article 6, des mesures pourront être prises, par l'autorité compétente ou par l'organisme approprié dans chaque pays, pour soumettre, le cas échéant, des catégories déterminées de personnes ou des catégories déterminées d'établissements comprises dans le champ d'application de la présente convention à des régimes spéciaux de repos hebdomadaire, compte tenu de toute considération sociale et économique pertinente». A ces conditions de fond, qui justifient les dérogations au repos dominical, s’ajoutent les conditions procédurales établies par l’article 7, 4° qui énonce que «toute mesure portant sur l'application des dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 du présent article devra être prise en consultation avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs intéressées, s'il en existe».

 

L’article 11 de la loi du 3 janvier 2018 ajoutait une nouvelle dérogation permanente de droit au profit des établissements de commerce de détail d'ameublement [1]. Le salarié considérait que cette loi contrevenait aux dispositions de la Convention n° 106, d’abord parce que la procédure de consultation préalable des partenaires sociaux n’a pas été menée par les pouvoirs publics préalablement à l’adoption de la loi, ensuite parce que les conditions de fond n’auraient pas été respectées.

 

Conformité de la loi française à la Convention n° 106 de l’OIT. Débouté en appel, il forme un pourvoi en cassation qui n’est pas davantage couronné de succès. Par un arrêt rendu le 14 novembre 2018, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

 

Elle juge, s’agissant de la violation des règles procédurales, que «les dispositions de l'article 7 § 4 de la Convention n° 106 de l'Organisation internationale du travail concernant le repos hebdomadaire dans les commerces et les bureaux ne créent d'obligations de consultation des partenaires sociaux, dès lors que les dérogations au travail dominical critiquées résultent de la loi, qu'à la charge de l'Etat». Elle considère, ensuite, s’agissant des conditions de fond, que «le rapport du Comité de l'Organisation internationale du travail chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par la France de la Convention n° 106, des 10 et 24 mars 2016, a noté que la commission d'experts, après analyse complète et détaillée de la législation en cause, n'a pas considéré que les dispositions en question étaient contraires aux dispositions de la Convention n° 106, et ayant fait ressortir que les dérogations concernées étaient justifiées par la nature du travail, la nature des services fournis par l'établissement, l'importance de la population à desservir et le nombre des personnes employées et se fondaient sur des considérations économiques et sociales répondant à un besoin du public, en ce que l'aménagement de la maison auquel participe l'ameublement relève d'une activité pratiquée plus particulièrement en dehors de la semaine de travail».

 

Si l’analyse des conditions de fond posées par la Convention n° 106 de l’OIT ne surprend guère, il y a, sans doute, plus à dire des conditions procédurales que ce texte impose.

 

II - Conditions de fond aux dérogations au repos dominical

 

Appui sur les décisions des organes de l’Organisation internationale du travail. Il peut être observé que c’est, à notre connaissance, la première fois que la Chambre sociale de la Cour de cassation s’appuie expressément sur une recommandation formulée par les organes internes de l’Organisation internationale du travail. En l’espèce, il s’agit d’un rapport du 10 et 24 mars 2016 émis par un comité d’expert désigné par le conseil d’administration du Bureau international du travail sur demande du syndicat Force ouvrière [2]. Le comité n’a pas considéré «après analyse complète et détaillée de la législation et des divers documents fournis […] que les dispositions en question étaient contraires aux dispositions de la Convention n° 106» [3], ses conclusions étant reprises mot pour mot par la Chambre sociale.

 

D’autres décisions ou recommandations des organes internes de l’OIT ont, on le sait, déjà eu une influence importante sur les décisions de la Chambre sociale. On se souviendra, par exemple, de l’incidence d’observations émises par la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations en 2007 [4] sur la décision de la Chambre sociale écartant les dispositions législatives relatives au contrat «nouvelles embauches» en raison de leur contrariété à la Convention n° 158 de l’OIT [5].

 

La prise en considération formelle des arguments délivrés par les organes internes de l’OIT est toutefois remarquable et ouvre de nombreuses perspectives tant il est fréquent que ceux-ci soient saisis et statuent sur des dispositions législatives françaises.

 

Dérogation conforme aux exigences de fond de la Convention n° 106. Formellement, la Chambre sociale avalise le raisonnement des juges du fond sur le seul fondement de l’avis délivré par le comité d’experts de l’OIT.

 

Seule la notice d’information publiée sur le site de la Cour de cassation permet de mieux comprendre le contrôle effectivement réalisé par les juges de la Chambre sociale [6]. Après avoir énoncé que la Chambre sociale «prend acte de l’évolution des autorités de l’Organisation internationale du travail en ce qui concerne le travail le dimanche», la notice précise qu’elle prend également en compte «l’évolution des habitudes de consommation, spécialement dans les populations urbaines» et que les juges ont analysé et considéré «les dérogations concernées étaient justifiées par la nature du travail, la nature des services fournis par l’établissement, l’importance de la population à desservir et le nombre des personnes employées et se fondaient sur des considérations économiques et sociales répondant à un besoin du public, en ce que l’aménagement de la maison dont participe l’ameublement relève d’une activité pratiquée plus particulièrement en dehors de la semaine de travail».

 

On retrouve ici un argumentaire qui avait déjà été développé à propos de l’ouverture dominicale des établissements de vente au détail dans le secteur du bricolage par le Conseil d’Etat qui jugeait, en 2015, que la satisfaction du besoin de procéder le dimanche aux achats de fournitures nécessaire à l'activité de bricolage «constitue une considération sociale pertinente au regard des stipulations de l'article 7 de la Convention internationale du travail n° 106» [7].

 

La note d’information relève, par ailleurs, qu’il résulte «de l’économie des articles 6, 7 et 8 de la Convention n° 106 que, si les dérogations au repos hebdomadaire doivent être contrôlées de manière particulièrement strictes, en revanche, s’agissant des dérogations au caractère dominical de ce repos hebdomadaire, la marge d’appréciation des Etats signataires de la Convention est plus large». Ainsi, l’article 6, 3° de la Convention dispose que «la période de repos hebdomadaire coïncidera, autant que possible, avec le jour de la semaine reconnu comme jour de repos par la tradition ou les usages du pays ou de la région» [8], ces termes offrant une latitude au juge, notamment dans la détermination des «usages» de notre pays, ce qui correspond exactement à l’argumentation choisie par la Chambre sociale. De la même manière, l’article 8 de la Convention autorise très clairement les Etats parties à déroger au repos hebdomadaire «compte tenu de toute considération sociale et économique pertinente».

 

Il n’y a, en définitive, rien de choquant à ce que la Chambre sociale juge les dispositions de la loi du 3 janvier 2008 conformes à la Convention n° 106 sur le fond. Sur les aspects procéduraux d’adoption de la loi, la solution sollicite davantage la discussion.

 

III - Conditions de forme aux dérogations au repos dominical

 

Applicabilité directe d’une convention internationale et procédure d’adoption de la loi. Le Conseil d’Etat a notablement précisé les conditions d’applicabilité directe d’une convention ou d’un traité international dans un arrêt «Gitsi» rendu en 2012 [9]. Les conventions sont directement applicables «dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir ; […] une stipulation doit être reconnue d'effet direct par le juge administratif lorsque, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elle n'a pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requiert l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers».

 

Une question s’est rapidement posée s’agissant des dispositions d’un traité ou d’une convention internationale exigeant qu’une procédure spécifique soit respectée par les Etats membres lors de l’adoption de tel ou tel dispositif en droit interne [10].

 

Elle a d’abord concerné les dispositions de l’article 7, 4° de la Convention n° 106 de l’OIT qui, rappelons-le, exigent que toute dérogation au repos dominical soit préalablement soumise à consultation des partenaires sociaux, auxquelles étaient confrontées les dispositions de la loi n° 2009-974 du 10 août 2009 [11] qui n’a précisément pas été soumise à une telle concertation [12]. Le Conseil d’Etat semblait alors ne pas admettre l’effet direct de l’article 7, 4° en jugeant que le syndicat ne pouvait «en tout Etat de cause utilement soulever, à l'encontre de cette circulaire, le moyen tiré de ce que l'adoption de la loi dont elle entend donner une interprétation n'aurait pas été précédée des mesures de consultation des organisations représentatives d'employeurs et de salariés prévues par la convention n° 106».

 

Toujours s’agissant de la Convention n° 106, une nouvelle décision du Conseil d’Etat rendue en 2013 permettait implicitement de contrôler que la procédure conventionnelle avait bien été respectée par le législateur [13]. La Haute juridiction relevait qu’«en tout Etat de cause, les organisations représentatives d'employeurs et de salariés ont été mises en mesure d'exprimer leur avis au cours de la procédure d'élaboration de la loi sur l'ensemble des questions traitées par cette dernière», ce qui paraissait faire de la condition procédurale posée par la Convention une exigence à laquelle le législateur français s’était soumis et, implicitement, devait se soumettre.

 

La Haute juridiction a finalement clarifié sa position dans un arrêt «Allenbach» rendu en 2015 [14]. «En vertu de l'article 55 de la Constitution (N° Lexbase : L0884AH9), le juge […] ne peut être utilement saisi d'un moyen tiré de ce que la procédure d'adoption de la loi n'aurait pas été conforme aux stipulations d'un tel traité ou accord».

 

Le ralliement logique de la Chambre sociale à la jurisprudence administrative. La décision en elle-même n’informe qu’assez peu sur les raisons pour lesquelles la Chambre sociale refuse de contrôler la constitutionnalité de la loi du 3 janvier 2008 à l’égard de l’article 7, 4° de la Convention n° 106 de l’OIT. Elle juge, en effet, de manière un peu péremptoire, que le moyen ne peut être accueilli parce que les dispositions de la Convention «ne créent d'obligations de consultation des partenaires sociaux, dès lors que les dérogations au travail dominical critiquées résultent de la loi, qu'à la charge de l'Etat».

 

Il faut, une nouvelle fois, se reporter à la notice d’information pour comprendre que la Chambre sociale choisit de s’aligner sur la position du Conseil d’Etat, ce qui est globalement de bonne politique pour éviter des distorsions d’appréciation de la Convention entre ordre judiciaire et ordre administratif.

 

La notice nous informe, par ailleurs, que «la Chambre sociale juge implicitement que les dispositions de l’article 7 § 4 sur l’obligation de consultation des partenaires sociaux sont suffisamment précises et inconditionnelles pour être reconnues comme étant d’effet direct, ainsi que le Conseil d’Etat l’a récemment reconnu également» et s’appuie, pour raisonner ainsi, sur un arrêt rendu par la Haute juridiction administrative qui constate que l’adoption d’un projet de décret créant une dérogation au repos dominical a bien été précédée d’une consultation de la Commission nationale de la négociation collective [15].

 

La loi ne peut donc être contrôlée ni par le juge judiciaire, ni par le juge administratif, ni par le juge constitutionnel qui, on s’en souviendra, refuse d’apprécier la conformité des lois françaises aux stipulations de traités internationaux [16], à l’exception notable des cas dans lesquels une procédure est imposée par le droit de l’Union européenne [17]. Il est toutefois très troublant que l’ordre juridique interne soit conduit à accepter, par la ratification, les dispositions d’une convention internationale «suffisamment précises et inconditionnelles» et, dans le même temps, refuse de s’y soumettre en évinçant toute voie de recours contre une loi adoptée au mépris de cette convention.

 

La notice de la Cour de cassation évoque l’hypothèse d’une dérogation au repos dominical instituée par accord collectif qui resterait soumis à la procédure conventionnelle. L’argument est cependant tautologique puisque, comme la cour l’admet d’ailleurs elle-même, les partenaires sociaux peuvent être considérés comme ayant été consultés dès lors que la dérogation résulte d’une négociation collective.

 

L’effet direct conféré à ces dispositions conventionnelles est donc extrêmement limité et ne pourra, en réalité, concerner que l’adoption de dispositions réglementaires, dont n’aura en principe pas à connaître le juge judiciaire. L’effet direct, affirmé par principe, ne déploiera ses potentialités qu’à l’égard des conditions de fond posées par la Convention dont nous avons vu qu’elles sont très relatives et largement laissées à l’appréciation des Etats membres. La décision ne devrait donc pas avoir d’influence notable à l’avenir sur les règles dérogeant au repos dominical et c’est, en définitive, le seul appui formel sur la recommandation des organes de l’OIT qui semble porteur de nombreuses potentialités.

 

Décision

 

Cass. soc., 14 novembre 2018, n° 17-18.259, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1463YLR)

 

Rejet, CA Versailles, 17 mars 2017, n° 14/04068 (N° Lexbase : A3791UCE)

 

Textes concernés : Convention n° 106 de l’OIT concernant le repos hebdomadaire dans les commerces et les bureaux, art. 7 § 4 ; loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (N° Lexbase : L7006H3U).

 

Lien base : (N° Lexbase : E0315ETT).

 

 

[1] Dérogation qui figure, depuis la recodification, dans la partie règlementaire du Code du travail (C. trav., art. R. 3132-5 N° Lexbase : L5435IGE) mais reste prise en application d’une disposition législative, l’article L. 3132-12 du Code du travail (N° Lexbase : L0466H97).

[2] Rapport du comité chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par la France de la Convention n° 106 sur le repos hebdomadaire (commerce et bureaux), des 10 et 24 mars 2016.

[3] Rapport préc., point 47.

[4] Observation (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008).

[5] Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 07-44.124, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A4245D94) et les obs. de Ch. Willmann, Après le législateur, la Cour de cassation invalide à son tour le CNE, Lexbase, éd. soc., n° 315, 2008 (N° Lexbase : N6964BGZ) ; RJS, 10/08, p. 775, rapp. J.- M. Béraud ; D., 2008, p. 1986, obs. S. Maillard.

[6] V. la notice.

[7] CE, 1° et 6° s-s-r., 24 février 2015, n° 374726 (N° Lexbase : A0772NCL) et nos obs., Le Conseil d'Etat et le bricoleur du dimanche, Lexbase, éd. soc., n° 604, 2015 (N° Lexbase : N6356BUX).

[8] Nous soulignons.

[9] CE, ass., 11 avril 2012, n° 322326 (N° Lexbase : A4127IIP) ; Lebon p. 142, concl. G. Dumortier ; Dr. soc., 2012, p. 1014, étude J.-F. Akandji-Kombé ; Constitutions 2012, p. 297, obs. A. Levade.

[10] Sur ces questions, voir les études éclairantes de R. Sermier, Le Conseil d'Etat refuse d'appliquer les dispositions d'un traité international imposant des contraintes procédurales au législateur, Constitutions 2015, p. 540 et de J. David, Le Conseil d'Etat et le contrôle de la conventionalité procédurale de la loi : autopsie d'un refus, AJDA, 2018, p. 1255.

[11] Loi n° 2009-974 du 10 août 2009, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations (N° Lexbase : L6524IED) et nos obs., Le paradoxe de la loi du 10 août 2009 : réaffirmation du principe du repos dominical et extension des hypothèses dérogatoires, Lexbase, éd. soc., n° 362, 2009 (N° Lexbase : N7432BLT).

[12] CE, 1° et 6 s-s-r., 2 décembre 2011, n° 333472, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1017H33).

[13] CE, 13 février 2013, n° 335640, 337195 et 337196 (N° Lexbase : A1746I88) ; AJDA, 2013, 377 ; RFDA, 2013, 891, chron. C. Santulli.

[14] CE, 3° et 8° s-s-r., 27 octobre 2015, n° 393026, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2296NUL) ; Constitutions 2015, p. 540 ; AJDA, 2015, p. 2374, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet.

[15] CE, 1° et 6° ch.-r., 28 juillet 2017, n° 394732, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9024WNK).

[16] Cons. const., décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 (N° Lexbase : A7913AC3).

[17] Ce qui s’explique par la rédaction de l’article 88-1 de la Constitution aux termes duquel «la République participe à l'Union européenne constituée d'Etats qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences». Le juge administratif accepte alors de vérifier que la loi française a bien été adoptée en respectant la procédure communautaire, v. CE 3° et 8° s-s-r., 21 décembre 2006, n° 288562 (N° Lexbase : A1461DTB) ; AJDA, 2007, p. 1105, chron. L. Richer, P.-A. Jeanneney et S. Nicinski.

newsid:466566

Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Les difficultés suscitées par la déclaration et l’admission de la créance d’intérêts au titre d’un prêt

Réf. : Cass. com., 7 novembre 2018, n° 17-22.194, F-P+B (N° Lexbase : A6754YKD)

Lecture: 6 min

N6559BX9

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par Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université Côte d'Azur, Co-directrice du Master 2 Administration et liquidation des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre du CERDP (EA 1201), Avocate au barreau de Nice

Le 28 Novembre 2018

Déclaration de créance / Admission de créance / Prêt / Créance d'intérêts / Montant des intérêts dont le cours n’est pas arrêté 

La déclaration [1] et l’admission de la créance d’intérêts au titre d’un prêt suscitent des difficultés dont a connaissance, de façon récurrente, la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Un récent arrêt, rendu le 7 novembre 2018, en est encore le témoignage.

 

Dans l’espèce ayant donné lieu à cette décision publiée au Bulletin, une société avait fait l’objet d’une procédure de sauvegarde ayant débouché sur l’arrêté d’un plan. Une banque avait déclaré au passif une créance au titre d’un prêt à concurrence d’une somme totale comprenant un montant échu et un montant à échoir, lequel incluait le montant du capital restant dû et des intérêts contractuels à échoir pour un montant déjà calculé. Cette créance avait été admise au passif pour un certain montant à titre échu, pour un autre à titre à échoir, cette créance à échoir incluant celle des intérêts contractuels, en l’occurrence la «coquette» somme de 352 838,62 euros.

 

La société débitrice et le commissaire à l’exécution du plan reprochaient aux juges du fond [2] d’avoir admis ainsi la créance de la banque et arguaient, au soutien de leur pourvoi, que l’impossibilité de connaître, au jour de la déclaration de créance, le montant des intérêts dont le cours n’est pas arrêté, qui ne pourra être connu qu’au jour de l’arrêt du cours des intérêts, fait obstacle à la possibilité pour le juge-commissaire de liquider la créance correspondante lors de sa décision d’admission. Selon le pourvoi, en ce cas, le juge-commissaire peut seulement admettre le montant des échéances impayées avant l’ouverture de la procédure ainsi que celui du capital restant à échoir, en précisant les modalités de calcul des intérêts restant à courir au taux contractuel sans pouvoir immédiatement en fixer le montant. Il était également soutenu dans le pourvoi qu’en se bornant à fixer la créance au titre des intérêts à échoir sans réserver la possibilité d’une modification ultérieure de ce montant, en fonction d’événements susceptibles d’influer sur le cours des intérêts restant à payer, la cour d’appel aurait violé les articles L. 622-25 (N° Lexbase : L3745HBC) et R. 622-23 (N° Lexbase : L0895HZ8) du Code de commerce.

 

La Chambre commerciale rejette cependant le pourvoi au motif «que l’article R. 622-23 du Code de commerce exige l’indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté que dans le cas où leur montant ne peut être calculé au jour de la déclaration de la créance ; que la déclaration litigieuse incluant le montant, déjà calculé, des intérêts à échoir, la cour d’appel, qui n’avait, dans sa décision d’admission, ni à préciser les modalités de calcul de la créance d’intérêt à échoir, ni à réserver la possibilité d’une modification ultérieure du montant de cette créance en raison d’événements susceptibles d’influer sur le cours des intérêts, n’a pas méconnu les exigences des articles L. 622-25 et R. 622-23, 2° du Code de commerce».

 

Il nous semble cependant que cette absence de méconnaissance des exigences des articles L. 622-25 et R. 622-23, 2° est sujette à discussion et que la position ici adoptée par la Chambre commerciale prête le flanc à la critique.

 

Rappelons que l’article L. 622-25 énonce que «la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances». Cette disposition n’a pas vocation à concerner spécifiquement le contrat de prêt mais toutes les créances à échoir comme le serait, par exemple, une créance de prix d’une vente à crédit dont l’échéance serait postérieure au jugement d’ouverture. Cependant, en matière de prêt, il faut corréler cette disposition avec l’article R. 622-23 qui énonce que «outre les indications prévues à l’article L. 622-25, la déclaration de créance contient : […] 2° Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté». Il nous semble donc que, dans toutes les hypothèses où le cours des intérêts n’est pas arrêté, le créancier devrait -même si ce n’est pas une exigence de la Cour de cassation [3]- indiquer les modalités de calcul des intérêts dont le montant, ainsi que le précise le 2° de l’article R. 622-23, devra être ultérieurement arrêté.

 

Si la procédure est une liquidation judiciaire, la date à laquelle ces intérêts devront être arrêtés est marquée par la date des répartitions liquidatives.

Si la procédure débouche sur un plan de redressement ou de sauvegarde, le montant des intérêts devra être calculé au moment du versement de chaque dividende du plan. En pratique, ce montant sera calculé par le commissaire à l’exécution du plan mais, pour respecter la lettre de l’article R. 622-23, ce montant, puisqu’il devra être «arrêté», devrait, en cas de discussion, être fixé par le juge.

 

S’il n’est pas procédé de la sorte, c’est-à-dire si, comme dans l’espèce rapportée, la créance d’intérêt est intégrée dans les sommes à échoir et admise au passif, une difficulté surgit car, contrairement à ce que semble considérer l’arrêt 7 novembre 2018, le montant définitif des intérêts ne peut pas être calculé au jour de la déclaration de créance. En effet, comme nous l’avions précédemment relevé [4], tout au plus est-il possible, au jour de la déclaration de créance, de calculer le montant des intérêts comme si le prêt allait mener son cours sans subir la déchéance du terme, ni connaître un allongement de sa durée de remboursement. En pratique, tel sera rarement le cas. En effet, il subira le plus souvent la déchéance du terme du fait du prononcé de la liquidation (C. com., art. L. 643-1, al. 1er N° Lexbase : L3504ICR), de sorte que le capital devenu échu ne produira plus d’intérêts autres que les intérêts moratoires. L’admission du créancier au titre des échéances à échoir intégrant à la fois capital et intérêts se traduirait ainsi en un avantage indu pour le créancier.

 

A l’inverse, si la procédure débouche sur un plan de sauvegarde ou de redressement prévoyant le remboursement du créancier sur une durée supérieure à la durée du prêt contractuellement prévue, le créancier sera pénalisé s’il est admis pour le montant des échéances à échoir car cela signifiera que le montant des intérêts qu’il percevra sera plafonné au montant des intérêts calculés sur la durée du prêt initialement prévue. Il faut en outre ajouter que si le plan est résolu et qu’est ouverte une procédure de liquidation judiciaire, le créancier serait au contraire avantagé. En effet, il serait, sous réserve de la déduction des dividendes déjà perçus, admis au passif de la seconde procédure pour le montant admis au passif de la première procédure, lequel serait trop élevé puisqu’il correspondrait aux échéances incorporant capital et intérêts jusqu’au terme contractuel du prêt alors que les intérêts ne devraient être calculés que jusqu’à la date des répartitions liquidatives.

 

Il ne nous semble donc pas opportun que la créance d’intérêts soit admise en étant incorporée dans les échéances à échoir. La juste méthode consiste semble-t-il à admettre le capital en faisant mention du taux (ou du mode de calcul) des intérêts lesquels, dans les prévisions de l’article R. 622-23, 2°, seraient ultérieurement arrêtés.

 

Cela se justifie également au regard de la nature de la créance d’intérêts. Rappelons que la créance d’intérêts, accessoire de la créance de capital, est considérée comme une créance antérieure au jugement d’ouverture dès lors que la créance de remboursement du capital est née avant jugement d’ouverture [5]. Cependant, cette créance d’intérêts est née sous condition résolutoire d’absence de remboursement anticipé du prêt (en l’occurrence, celle intervenue dans le cadre des répartitions de la procédure de liquidation ayant emporté déchéance du terme). Puisqu’il est impossible pour le juge-commissaire d’admettre une créance conditionnelle, il ne devrait donc admettre que le montant des intérêts échus au jour du jugement d’ouverture et, parallèlement, mentionner dans son ordonnance d’admission les modalités de calcul des intérêts dont le montant sera ultérieurement arrêté.

 

Dans son arrêt du 28 février 2018 [6], la Chambre commerciale avait jugé que «si aucun texte n’oblige le créancier à distinguer, dans la déclaration de créance, le montant des intérêts à échoir du montant du capital restant dû, il est loisible au juge commissaire d’admettre la créance d’intérêt de manière distincte et de substituer à leur montant déclaré les modalités de calcul qui résulte du contrat de prêt». Il serait préférable, à notre sens, que cette façon de procéder ne soit pas une simple liberté -empreinte d’arbitraire, alors que les conséquences peuvent être lourdes- mais une obligation pour le juge-commissaire. 

 

[1] Sur la question V. not. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 10ème éd., 2019/220, n° 668.412 et s..

[2] CA Pau, 30 mars 2017, n° 16/02117 (N° Lexbase : A4430USU).

[3] Cass. com., 5 mai 2015, n° 14-13.213, F-P+B (N° Lexbase : A7070NHC) ; Gaz. Pal., 21 juillet 2015, n° 200, p. 22, note P.-M. Le Corre ; JCP éd. E, 2015, 1339, note B. Brignon ; Rev. sociétés, 2015, 547, note L.-C. Henry ; RTDCom., 2015, 582, n° 1, note A. Martin-Serf ; Rev. proc. coll., 2016, comm. 5, note F. Legrand et M.-N. Legrand.

[4] Nos obs., Lexbase, éd. aff.,  2018, n° 546 (N° Lexbase : N3218BXH), sous Cass. com., 28 février 2018, n° 16-24.867, F-P+B+I (N° Lexbase : A6545XE7).

[5] CA Paris, 15ème ch., sect. B, 4 octobre 2007, n° 05/05227.

[6] Cass. com., 28 février 2018, n° 16-24.867, F-P+B+I, préc. ; Act. proc. coll., 2018, comm. 100, note Rubellin ; nos obs., préc..

newsid:466559

Environnement

[Brèves] Obligation d’information du vendeur d’un terrain pollué : une installation classée doit avoir été implantée, en tout ou partie, sur le terrain vendu

Réf. : Cass. civ. 3, 22 novembre 2018, n° 17-26.209, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3879YMM)

Lecture: 1 min

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par Yann Le Foll

Le 28 Novembre 2018

► Dès lors qu'aucune des installations classées implantées sur le site industriel n'avait été exploitée sur les parcelles cédées et qu'il n'était pas établi qu'une installation de nature, par sa proximité ou sa connexité, à en modifier les dangers ou inconvénients y eût été exploitée, il ne peut être reproché au vendeur de ne pas avoir informé l'acquéreur des terrains pollués que ceux-ci faisaient partie d'un site industriel sur lequel l’activité exercée avait inclut des installations classées pour la protection de l'environnement. Ainsi statue la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 novembre 2018 (Cass. civ. 3, 22 novembre 2018, n° 17-26.209, FS-P+B+I N° Lexbase : A3879YMM).

 

En outre, si une pollution du sol avait bien été constatée dans un rapport ultérieur, rien ne permettait d'établir avec certitude que cette pollution avait existé antérieurement, ces documents n'excluant pas que des polluants en provenance d'autres sites à risques eussent été transportés par les eaux souterraines.

 

La responsabilité délictuelle de la société à l’origine propriétaire ne pouvait être retenue.

newsid:466573

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Non-conformité à la Constitution des dispositions régissant l’assujettissement à l’impôt sur le revenu des rentes viagères servies en réparation d’un préjudice corporel

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-747 QPC, du 23 novembre 2018 (N° Lexbase : A3980YMD)

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N6541BXK

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par Marie-Claire Sgarra

Le 28 Novembre 2018

Les termes «en vertu d’une condamnation prononcée judiciairement», figurant au 9° bis de l’article 81 du Code général des impôts (N° Lexbase : L9118LKW) sont contraires à la Constitution.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision du 23 novembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-747 QPC, du 23 novembre 2018 N° Lexbase : A3980YMD).

 

Pour rappel, ces dispositions prévoient que les rentes viagères, visant à réparer un préjudice corporel ayant entraîné une incapacité permanente totale sont exonérées d’impôt sur le revenu lorsqu’elles sont versées en exécution d’une décision de justice. Pour l’application de ce texte, il est admis que l’exonération s’applique aux victimes bénéficiant d’une pension de 3ème catégorie au sens de l’article L. 341-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5080ADI), ainsi qu’aux victimes auxquelles a été reconnu un taux d’incapacité permanente d’au moins 80 % à condition qu’elles soient dans l’obligation d’avoir recours à une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, elles sont soumises à l'impôt sur le revenu.

 

Le Conseil d’Etat avait par un arrêt du 19 septembre 2018 (CE 8° et 3° ch.-r., 19 septembre 2018, n° 422059, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6144X7P), renvoyé la question de la conformité à la Constitution de ce texte.

 

Selon le Conseil constitutionnel, les dispositions contestées instituent une différence de traitement entre les victimes d’un même préjudice corporel, qui est sans rapport avec l’objet de la loi, qui est de faire bénéficier d’un régime fiscal favorable les personnes percevant une rente viagère en réparation d’un préjudice né d’une incapacité permanente totale. En l’espèce, aucun motif ne justifie de reporter la prise d’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité qui a pris effet à compter de la date de la publication de la décision le 24 novembre 2018 (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X8352ALW).

newsid:466541

Fiscalité internationale

[Brèves] Retenue à la source sur le montant brut des dividendes d’origine nationale versés à des sociétés non-résidentes : la CJUE condamne la France

Réf. : CJUE, 22 novembre 2018, aff. C-575/17 (N° Lexbase : A0191YNE)

Lecture: 2 min

N6560BXA

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par Marie-Claire Sgarra

Le 28 Novembre 2018

Les articles 63 (N° Lexbase : L2713IP8) et 65 (N° Lexbase : L2715IPA) du TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un Etat membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente font l’objet d’une retenue à la source lorsqu’ils sont perçus par une société non-résidente, alors que, lorsqu’ils sont perçus par une société résidente, leur imposition selon le régime de droit commun de l’impôt sur les sociétés ne se réalise à la fin de l’exercice au cours duquel ils ont été perçus qu’à la condition que le résultat de cette société ait été bénéficiaire durant cet exercice, une telle imposition pouvant, le cas échéant, ne jamais intervenir si ladite société cesse ses activités sans avoir atteint un résultat bénéficiaire depuis la perception de ces dividendes.

 

Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt du 22 novembre 2018 (CJUE, 22 novembre 2018, aff. C-575/17 N° Lexbase : A0191YNE).

 

Pour rappel, le Conseil d’Etat avait renvoyé à la CJUE la question de la compatibilité avec le droit communautaire de la retenue à la source appliquée aux dividendes versés à une société déficitaire résidente d’un autre Etat membre (CE 9° ch., 12 décembre 2016, n° 398662, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0382SYS).

 

En l’espèce, des sociétés requérantes belges ont demandé la restitution des retenues prélevées, au motif qu'étant déficitaires et n'étant, par suite, redevables en Belgique d'aucune cotisation d'impôt sur leurs résultats, elles étaient, en violation de la liberté de circulation des capitaux, moins favorablement traitées qu'une société française déficitaire, qui n'est effectivement imposée sur les dividendes de source française qu'elle perçoit que lorsque son résultat imposable redevient bénéficiaire. Elles indiquent que leur résultat était négatif au cours des exercices en litige tant en application des règles belges qu'en application des règles françaises de calcul du résultat imposable.

 

Les conclusions de l’avocat général invitaient la Cour à juger que le droit français était incompatible avec le droit de l’Union européenne et constituait une restriction à la libre circulation des capitaux en prévoyant une imposition manifestement moins favorable des dividendes versés à des sociétés non résidentes déficitaires. Il estimait de plus que l’exclusion pour les seuls non-résidents, de la déduction des frais directement liée à la perception des dividendes, ne peut être justifiée ni par l’écart entre le taux d’imposition de droit commun mis à la charge de résidents, au titre d’un exercice ultérieur et la retenue à la source prélevée sur les dividendes versés aux non-résidents, ni par la nécessité de garantir l’efficacité du recouvrement de l’impôt (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X5049ALL).

newsid:466560

Impôts locaux

[Jurisprudence] La validation partielle de l’exonération de CFE au profit des installations portuaires gérées par les collectivités publiques, une décision en trompe l’œil

Réf. : Cons. const., 21 septembre 2018, n° 2018-733 QPC (N° Lexbase : A3795X7P)

Lecture: 7 min

N6538BXG

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par Ludovic Lombard, Docteur en droit à l'Université Toulouse-Capitole

Le 30 Novembre 2018

Dans une décision n° 2018-733 QPC du 21 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a été amené à valider les dispositions du 2° de l’article 1449 du Code général des impôts (N° Lexbase : L2972IG8), relatif à l’exonération de cotisation foncière dont bénéficient «les grands ports maritimes, les ports autonomes, ainsi que les ports gérés par des collectivités territoriales, des établissements publics ou des sociétés d’économie mixte».

La société d’exploitation des moyens de carénage (SEMCAR), une SARL, gère les installations de carénage du port de Concarneau. A la suite d’un contrôle de l’administration fiscale, la société a été considérée comme redevable de la cotisation foncière des entreprises. Elle a donc été contrainte de verser des rappels de cet impôt. Sa réclamation ayant été rejetée, elle a saisi le tribunal administratif de Rennes. A cette occasion, elle a présenté une QPC, estimant que le 2° de l’article 1449 du Code général des impôts créait une inégalité devant les charges publiques. Par une ordonnance du 5 mars 2018, le tribunal administratif de Rennes a transmis la QPC au Conseil d’Etat. Ce dernier l’a renvoyée au Conseil constitutionnel par une décision du 29 juin 2018.

 

La décision du Conseil constitutionnel repose exclusivement sur le respect du principe d’égalité devant les charges publiques. De manière classique désormais, ce principe s’appuie sur deux fondements, dégagés de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Tout d’abord, il s’agit de l’article 6 (N° Lexbase : L1370A9M) qui présente l’égalité devant la loi, dont la loi fiscale. La jurisprudence constitutionnelle est bien établie sur ce principe. Elle prévoit que «le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit». Ce considérant de principe est à nouveau rappelé dans la décision commentée. Ensuite, il s’agit de l’article 13 de la DDHC ([LXB=L1360A9A]), qui porte sur l’égalité en fonction des capacités contributives du contribuable. Le Conseil rappelle, à nouveau, que «en vertu de l’article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1360A9A), il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose».

 

La décision n° 2018-733 s’inscrit donc pleinement dans la ligne jurisprudentielle du Conseil. Il n’en reste pas moins que sa décision demeure à la fois ambivalente (I) et probablement peu opportune (II).

 

 

I - Une décision ambivalente

 

Si le Conseil constitutionnel rappelle les deux fondements servant de base à sa jurisprudence en matière d’égalité devant les charges publiques, en réalité sa décision ne repose que sur l’égalité prise en son sens d’égalité devant la loi. Cela est logique dans la mesure où ne sont pas concernées les facultés contributives.

Pour examiner la validité du dispositif prévu à l’article 1449 du Code général des impôts, le Conseil suit un raisonnement qui paraît incontestable.

 

Conformément à sa jurisprudence, il détermine d’abord l’existence d’un intérêt général justifiant la rupture d’égalité devant la loi. Une fois décelé, au regard des travaux préparatoires de la loi dont sont reprises les dispositions contestées, il ne lui restait plus qu’à examiner si la «la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit».

 

Dans un premier temps, donc, le Conseil décèle un intérêt général relatif à l’investissement public dans les ports. Dès lors, dans un second temps, le Conseil ne pouvait que constater que l’exonération de cotisation foncière des entreprises dont bénéficient les organismes publics est conforme à l’objectif d’intérêt général. Il est toutefois étonnant que le Conseil constitutionnel ait indiqué qu’«en excluant du bénéfice de l’exonération les sociétés, autres que les sociétés d’économie mixte, dont le capital est privé, le législateur s’est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l’objet de la loi». A en croire la position de principe du Conseil, la rupture de l’égalité peut être fondée sur un objectif d’intérêt général si la différence de traitement est en rapport avec l’objet de la loi. Elle peut aussi être fondée sur les capacités contributives des contribuables, à condition que les règles déterminant ces capacités reposent sur des critères objectifs et rationnels. Il est donc tout à fait étonnant que, malgré le rappel préalable de ces fondements, le Conseil crée une confusion entre eux.

 

La décision est toutefois équilibrée, en apparence. Ainsi, la découverte de l’objectif d’intérêt général relatif à l’investissement public conduit le Conseil à censurer l’exonération dont bénéficient les sociétés d’économie mixte. Toutefois, il ne les censure pas parce que les capitaux sont des capitaux privés, mais parce que des sociétés similaires, telles que les sociétés publiques locales ne bénéficient pas d’un même traitement.

 

La décision peut cependant apparaître contestable. Il est d’abord notable que le Conseil choisit d’identifier un objectif d’intérêt général. Il aurait pu opter pour la détermination de situations différentes, qui paraissait plus simple. Il aurait alors simplement considéré que les organismes publics et les organismes privés sont placés dans des situations différentes, selon un critère organique. Dans une décision du 14 novembre 2014, Société Mutuelle Saint-Christophe, le Conseil avait ainsi simplement précisé, au sujet de la taxe sur les contrats d’assurance que, «le principe d’égalité devant l’impôt et les charges publiques n’impose pas que les personnes privées soient soumises à des règles d’assujettissement à l’impôt identiques à celles qui s’appliquent aux personnes morales de droit public»[1]. Il pourrait alors implicitement avoir renoncé à ce critère, estimant donc que les entités publiques et les entités privées doivent être traitées de manière identique lorsqu’elles exercent une même activité. Le Conseil constitutionnel tente alors de déceler un objectif d’intérêt général, puisque les entités ne peuvent être placées dans des situations différentes d’après leur nature publique ou privée. Il découvre cet intérêt général dans la volonté de favoriser l’investissement public. Pourtant, le Conseil ne justifie pas en quoi cet intérêt est un intérêt général et il réintroduit, en la légitimant, la distinction fondée sur un critère organique. Cela dit, le critère ne dépend plus d’une différence absolue de situation, mais simplement d’une différenciation contingente.

 

La décision du Conseil constitutionnel apparaît difficilement lisible et discutable. Elle montre, par ailleurs, une opportunité ratée pour faire prévaloir une norme nationale face au risque de requalification de la mesure fiscale en aide d’Etat.

 

 

 

II - Une décision opportune ?

 

Il convient de rappeler que les mesures fiscales favorables peuvent être qualifiées d’aide d’Etat par la commission européenne. L’article 107 du Traité (N° Lexbase : L2404IPQ) stipule en effet que «sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions». Or, la communication relative aux aides d’Etat de la Commission européenne précise que «le fait de renoncer à des recettes d'Etat suffit. La renonciation à des recettes qui auraient normalement été versées à l'Etat constitue un transfert de ressources d'Etat. Par exemple, un "manque à gagner" en matière de recettes fiscales et de sécurité sociale qui résulterait d'exonérations ou de réductions d'impôts ou de charges sociales accordées par l'Etat membre, […] satisfait à l'exigence relative aux ressources d'Etat énoncée à l'article 107, paragraphe 1, du traité»[2]. Cette solution est classiquement dégagée, d’ailleurs par la Cour de justice[3].

 

Par ailleurs, il est notable que l’article 107 vise les faveurs accordées aux entreprises. Or, la Cour de justice définit l’entreprise en fonction de l’activité économique exercée et non d’un point de vue organique[4].

 

Dès lors, il apparaît que l’exonération de cotisation foncière des entreprises dont bénéficient certains ports, gérés par des collectivités publiques, pourrait être qualifiée d’aides d’Etat. D’ailleurs, les ports maritimes ont récemment subi une telle reconnaissance d’aides d’Etat pour des exonérations d’impôt sur les sociétés dont ils bénéficiaient. Dans une décision du 27 juillet 2017[5], la Commission européenne a ainsi «demandé à la Belgique et à la France de mettre fin aux exemptions de l’impôt sur les sociétés accordées à leurs ports, de manière à aligner leurs régimes fiscaux sur les règles de l’UE en matière d’aides d’Etat». En effet, pour elle, «les bénéfices des opérateurs portuaires doivent être taxés selon les lois nationales normales relatives à l’impôt sur les sociétés afin d’éviter les distorsions de concurrence»[6].

 

Cette position des institutions de l’Union européenne en concerne d’ailleurs pas seulement les impôts dits commerciaux. Dans un arrêt du 9 octobre 2014, la CJUE a ainsi précisé qu’est «susceptible de constituer une aide d’Etat, prohibée au titre de cette disposition, l’exonération de la taxe foncière d’une parcelle de terrain appartenant à l’Etat et mise à la disposition d’une entreprise dont ce dernier détient la totalité du capital et qui produit, à partir de cette parcelle, des biens et des services pouvant faire l’objet d’échanges entre les Etats membres sur des marchés ouverts à la concurrence». Etait en cause la volonté de l’Etat espagnol de faire bénéficier une entreprise publique d’une exonération de taxe foncière pour la disposition… d’un chantier naval.

 

L’exonération de cotisation foncière des entreprises ne pourra vraisemblablement pas bénéficier de l’exemption de notification ni de l’exemption de récupération de l’aide. En effet, les aides existantes avant l’entrée en vigueur du Traité de Rome bénéficie d’une procédure d’examen favorable. Or, l’exonération de cotisation foncière des entreprises, même si le Conseil constitutionnel tente de l’encrer dans l’exonération de taxe professionnelle obtenue en 1975, sera probablement perçue comme nouvelle par la commission européenne. Dès lors, les ports bénéficiaires pourraient être contraints de rembourser le montant de l’aide perçu.

 

 

La décision du Conseil semble équilibrée. Pourtant, elle apparaît critiquable sur ses fondements. Le Conseil aurait pu aller au bout d’une logique introduisant un rapprochement des modes d’exploitation public et privé des ports. De plus, elle marque une opportunité manquée par le Conseil d’anticiper une possible sanction des institutions de l’Union européenne, au regard de la règlementation en matière d’aide d’Etat.

 

 

[1] Cons. const., 14 novembre 2014, décision n° 2014-425 QPC (N° Lexbase : A0177M3X) ; note Franck Lafaille, Lexbase, éd. Fisc., n° 597, 2015.

[2] Commission européenne, Communication relative à la notion d’aides d’Etat visée à l’article 107, paragraphe 1, du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, n° 2016/C 262/01, 19 juillet 2016, pt. 51.

[3] Voir en ce sens, par exemple, CJCE, 15 mars 1994, aff. C-387/92 (N° Lexbase : A9488AUX), Rec. CJCE p.I-877 ; point 14.

[4] CJCE, 23 avril 1991, aff. C-41/90 (N° Lexbase : A0092AWC), conclusions Francis Geoffrey Jacobs ; Rec. CJCE p. I-1979 ; point 21 ; CJCE, 16 novembre 1995, aff. C-244/94 (N° Lexbase : A9643AUP), conclusions Giuseppe Tesauro, Rec. CJCE p.I-4013 ; point 21 ; CJCE, 18 juin 1998, aff. C-35/96 (N° Lexbase : A1741AWE), conclusions Georges Cosmas, Rec. CJCE p.I-3851 ; point 36 ; CJCE, 1er juillet 2008, aff. C-49/07 (N° Lexbase : A4101D9R), conclusions Juliane Kokott ; Rec. CJCE p. I-4863 ; point 27.

[5] Voir pour le cas français, décision de la Commission, C (2017) 5176 final, concernant le régime d’aide mis à exécution par la France-fiscalité des ports en France, 27 juillet 2017.

[6] Commission européenne, Communiqué de presse, «Aides d’Etat : la commission demande à la Belgique et à la France de mettre fin aux exemptions fiscales pour les ports», 27 juillet 2017.

newsid:466538

Licenciement

[Brèves] Appréciation du respect de l’obligation de reclassement en matière de licenciement économique collectif : répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif

Réf. : Cass. soc., 21 novembre 2018, n° 17-16.766, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2530YMN)

Lecture: 2 min

N6516BXM

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par Charlotte Moronval

Le 28 Novembre 2018

► L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8600LGM), le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4 (N° Lexbase : L8642LG8), le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 (N° Lexbase : L0642IX3) et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4 (N° Lexbase : L8638LGZ) ; que ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Si le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le respect par l’employeur de l’obligation individuelle de reclassement, cette appréciation ne peut méconnaître l’autorité de la chose décidée par l’autorité administrative ayant homologué le document élaboré par l’employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi.

 

Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 21 novembre 2018 (Cass. soc., 21 novembre 2018, n° 17-16.766, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2530YMN, lire la note explicative relative à l’arrêt).

 

Dans cette affaire, une association est placée en redressement judiciaire par jugement d’un tribunal de grande instance. Celui-ci arrête un plan de cession de l’association et ordonne le transfert de 320 contrats à durée indéterminée ainsi que le licenciement des salariés non repris. Le document élaboré par l’administrateur judiciaire et fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, homologué par la Direccte, indiquait, en ce qui concerne les "mesures d’aide au reclassement dans les autres sociétés du "groupe" destinées à limiter le nombre de licenciements envisagés", que l’employeur "étant une association, aucun reclassement interne ne peut être envisagé". A la suite de leur licenciement pour motif économique, deux salariées saisissent la juridiction prud’homale.

 

Pour juger établie l’absence de recherche individualisée, sérieuse et loyale de reclassement, la cour d’appel (CA Douai, 17 février 2017, n° 15/02438 N° Lexbase : A6707TDR et n° 15/02436 N° Lexbase : A6389TDY) s’est fondée, presque exclusivement, sur les dispositions du plan, en retenant, d’une part, qu’il excluait, à tort, toute recherche de reclassement au motif de la forme associative de l’entreprise, et, d’autre part, qu’il mentionnait l’existence d’un groupe, ajoutant seulement que les parties ne donnaient aucun élément dans le cadre de la procédure sur la consistance de ce groupe. La cour d’appel a ainsi retenu que les licenciements devaient être jugés sans cause réelle et sérieuse, tant en raison de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi que de l’absence de recherche individualisée, sérieuse et loyale de reclassement.

 

Enonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. Elle considère que viole les dispositions citées ainsi que la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs, une cour d’appel qui, pour juger des licenciements dénués de cause réelle et sérieuse, se fonde sur une insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi alors que le contrôle du contenu de ce plan relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative (sur La compétence résiduelle du judiciaire résultant du bloc de compétences créé par la loi du 14 juin 2013, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E9339ESP)

newsid:466516

Rel. collectives de travail

[Brèves] Précisions de la notion d’unité économique et sociale au sein d’un groupe

Réf. : Cass. soc., 21 novembre 2018, n° 16-27.690, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2529YMM)

Lecture: 2 min

N6508BXC

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par Charlotte Moronval

Le 28 Novembre 2018

Au sein d’un groupe, une unité économique et sociale peut être reconnue par convention ou par décision de justice entre des entités juridiquement distinctes qu’elles soient ou non dotées de la personnalité morale, dès lors qu’est caractérisée entre ces structures, d’une part, une concentration des pouvoirs de direction à l’intérieur du périmètre considéré ainsi qu’une similarité ou une complémentarité des activités déployées par ces différentes entités, d’autre part, une communauté de travailleurs résultant de leur statut social et de conditions de travail similaires pouvant se traduire en pratique par une certaine mutabilité des salariés.

 

Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 21 novembre 2018 (Cass. soc., 21 novembre 2018, n° 16-27.690, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2529YMM, lire la note explicative relative à l’arrêt ; voir aussi Cass. soc., 7 mai 2002, n° 00-60.424, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6130AYP).

 

En l’espèce, une UES avait été créée par accord collectif du 16 novembre 2012 entre les sociétés françaises d’un groupe international (UES France). A la suite d’un arrêt de la Chambre sociale (Cass. soc., 14 novembre 2013, n° 13-12.712, FS-P+B+R N° Lexbase : A6092KPC), le périmètre de cette unité économique et sociale avait été redessiné par un accord du 26 novembre 2015, du fait de la disparition d’une des sociétés et de l’entrée dans le périmètre de l’unité économique et sociale d’une nouvelle société du groupe.

 

Parallèlement, le groupe s’était réorganisé en créant une société, implantée en Italie, Etat du siège de la maison mère, à laquelle étaient rattachés tous les salariés assurant en Europe des fonctions en matière de gestion des infrastructures informatiques. Dans ce cadre, une des sociétés du groupe appartenant à l’UES France avait mis à disposition de cette société italienne 165 salariés, en charge de ces fonctions, lesquels continuaient à les assurer pour le compte des filiales françaises composant l’UES France, au sein d’une succursale française de la société italienne dont le responsable exerçait par ailleurs des responsabilités hiérarchiques au sein d’une des sociétés de l’UES France.

 

Saisi par deux syndicats d’une demande visant à inclure cette succursale dans l’UES France, le tribunal d’instance puis la cour d’appel avaient écarté cette prétention, au motif que chacune des personnes juridiquement distinctes composant une unité économique et sociale devait être dotée de la personnalité morale et que tel n’était pas le cas de la succursale française de la société italienne.

 

Enonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 2322-4 du Code du travail (N° Lexbase : L6227ISG) alors en vigueur. En se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les salariés employés par la succursale n’étaient pas intégrés à la communauté de travail formée par les salariés de l’UES France, et s’il n’existait pas une unité économique et sociale entre la succursale française de la société italienne en charge des infrastructures du groupe et l’UES France, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision (sur La création d'un comité d'entreprise dans le cadre d'une unité économique et sociale, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E1902ETM)

newsid:466508

Urbanisme

[Brèves] Publication de la loi «Elan» : les principales dispositions en matière d’urbanisme

Réf. : Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (N° Lexbase : L8700LM8)

Lecture: 2 min

N6550BXU

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par Yann Le Foll

Le 28 Novembre 2018

Publiée au Journal officiel du 24 novembre 2018, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (N° Lexbase : L8700LM8), contient de multiples dispositions en matière d’urbanisme.

 

► Parmi ces nouvelles dispositions figurent : l’accélération du traitement du contentieux d’urbanisme, mais aussi la modification de la loi «littoral». Concernant la conciliation des exigences de la préservation des paysages littoraux et les nécessités du développement des territoires, le texte dispose que «des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau […] à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti». En outre, des aménagements légers peuvent dorénavant être implantés dans les espaces remarquables et milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public, et qu'ils ne portent pas atteinte au caractère remarquable du site.

 

Concernant l’amélioration du traitement du contentieux de l'urbanisme, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. En outre, lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance.

 

Afin de simplifier et d’améliorer les procédures d'urbanisme, les communes dont le nombre total d'habitants est supérieur à 3 500 disposeront dorénavant d'une téléprocédure spécifique leur permettant de recevoir et d'instruire sous forme dématérialisée les demandes d'autorisation d'urbanisme déposées à compter du 1er janvier 2022. Cette téléprocédure pourra être mutualisée au travers du service en charge de l'instruction des actes d'urbanisme.

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