La lettre juridique n°707 du 20 juillet 2017

La lettre juridique - Édition n°707

Contrats et obligations

[Brèves] Contrats de location financière : interdépendance et sort des contrats en cas de résiliation

Réf. : Cass. com., 12 juillet 2017, deux arrêts, n° 15-23.552 (N° Lexbase : A6548WMH) et n° 15-27.703 (N° Lexbase : A6550WMK), FP-P+B+R+I

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N9455BW4

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par June Perot

Le 20 Juillet 2017

Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et la résiliation de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute. Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans deux arrêts rendus le 12 juillet 2017 (Cass. com., 12 juillet 2017, deux arrêts, n° 15-23.552 N° Lexbase : A6548WMH et n° 15-27.703 N° Lexbase : A6550WMK, FP-P+B+R+I ; à rapprocher de : Cass. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.768, P+B+R+I N° Lexbase : A4414KDT).

Dans la première affaire, une société B., dans le cadre d'un contrat de prestation de surveillance électronique, avait souscrit un contrat de location de matériels. La prestation de location avait été résiliée. Estimant qu'en l'absence de résiliation, le contrat de prestation avait été reconduit, le prestataire a mis en demeure le locataire d'accepter l'installation d'un nouveau matériel ou de payer l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée, avant de l'assigner en paiement de cette indemnité.

Dans la seconde espèce, une SCP de notaires avait conclu un contrat de fourniture et d'entretien de photocopieur et, le même jour, un contrat de location financière de ces matériels. Le contrat de fourniture avait été résilié et la SCP a informé le fournisseur de sa décision de résilier le contrat de prestations de service. La société K. l'a assignée en paiement de l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée.

En cause d'appel, la société B. et la SCP avaient été condamnées au paiement de l'indemnité, motif pris, pour la première, que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'indivisibilité entre les contrats en cause permettait de considérer que la résiliation anticipée du contrat de location avait nécessairement provoqué la résiliation du contrat de prestation de services, dès lors qu'il ressort des énonciations mêmes de ce dernier contrat, conclu pour une durée fixe et irrévocable, qu'une telle résiliation était contraire à la loi convenue entre les parties. Pour la seconde, au motif que les conditions générales du contrat de location ne font dépendre ni la conclusion, ni l'exécution, ni la résiliation du contrat d'un quelconque contrat de service, lequel a été conclu indépendamment du contrat de location financière puisqu'aucune clause du contrat de location du matériel ne fait référence à l'obligation pour le souscripteur de conclure un contrat d'entretien pour celui-ci, ni ne fait dépendre les conditions de résiliation du contrat de location de celles du contrat d'entretien. A tort selon la Haute juridiction qui, énonçant la solution précitée, au visa de l'article 1134 ancien du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), censure les deux arrêts (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E7707EQI).

newsid:459455

Contrat de travail

[Brèves] Action en revendication du transfert d'un contrat de travail : droit exclusivement attaché à la personne du salarié

Réf. : Cass. soc., 12 juillet 2017, n° 16-10.460, FS-P+B (N° Lexbase : A9886WM4)

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par Blanche Chaumet

Le 21 Juillet 2017

Si la violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0840H9Y) ayant pour objet le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert de leur contrat de travail porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, de sorte que l'intervention de ce dernier au côté du salarié à l'occasion d'un litige portant sur l'applicabilité de ce texte est recevable, l'action en revendication du transfert d'un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 juillet 2017 (Cass. soc., 12 juillet 2017, n° 16-10.460, FS-P+B N° Lexbase : A9886WM4 ; voir en ce sens également : Cass. soc., 11 septembre 2012, n° 11-22.014, FS-P+B N° Lexbase : A7461IS7).

La société A gère un centre de tri et d'aiguillage au sein de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle par lequel transitent et sont redistribués des colis. En septembre 2009, elle a confié la sécurisation de son site à la société B. Le 21 novembre 2014, la société A a mis fin à ce contrat pour confier le marché à la société C, à compter du 15 mars 2015. Les 8, 11 et 19 décembre 2014, la société B a transmis à la société C la liste des salariés affectés à l'activité et les dossiers de chacun d'entre eux en vue de leur transfert. Par lettre du 22 décembre 2014, la société C lui a répondu qu'elle n'entendait reprendre que 29 salariés sur 84, étant précisé que par un courrier ultérieur du 3 mars 2015, elle lui notifiera qu'elle n'en reprendra en définitive que 23. Par assignations à jour fixe des 2 et 3 mars 2015 délivrées aux sociétés B et C, un syndicat a saisi au fond le tribunal de grande instance (TGI) aux fins de voir juger que les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail étaient applicables et que les contrats de travail des salariés de la société B devaient être repris par la société C.

Pour déclarer le syndicat recevable à agir et faire droit à ses demandes, la cour d'appel (CA Paris, Pôle 6, 2ème ch., 12 novembre 2015, n° 15/02910 N° Lexbase : A5812NW8) retient que les syndicats professionnels peuvent notamment agir devant le TGI en vue de faire appliquer une disposition légale non-respectée ou en exécution d'une Convention collective, dès lors que l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent est en cause et qu'au cas présent, la violation des dispositions de l'article L. 1224-1, si elle s'avère caractérisée, porte atteinte à l'intérêt collectif des salariés concernés. A la suite de cette décision, la société C s'est pourvue en cassation.

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel au visa des articles L. 2132-3 (N° Lexbase : L2122H9H) et L. 1224-1 du Code du travail (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3755ETA).

newsid:459558

Droit des étrangers

[Brèves] Réintroduction du contrôle aux frontières et placement en GAV : la Cour de cassation interroge la CJUE

Réf. : Cass. civ. 1, 12 juillet 2017, n° 16-22.548, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6553WMN)

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N9460BWB

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par Marie Le Guerroué

Le 20 Juillet 2017

Est-il possible, en cas de réintroduction du contrôle à ses frontières intérieures par un Etat (paralysant ainsi partiellement l'application de la Directive 2008/115/CE dite Directive "retour" N° Lexbase : L3289ICS) de contrôler une personne entrée irrégulièrement en France selon les dispositions de l'article 78-2, alinéa 4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1023LDA) et de la placer en garde à vue ? Telle est, en substance, la question renvoyée par la Cour de cassation à la CJUE le 12 juillet 2017 (Cass. civ. 1, 12 juillet 2017, n° 16-22.548, FS-P+B+I N° Lexbase : A6553WMN).

En l'espèce, pendant la période de réintroduction temporaire en France d'un contrôle aux frontières intérieures de l'espace Schengen, M. X, de nationalité marocaine, a été contrôlé, le 15 juin 2016 dans les Pyrénées-Orientales, dans la zone comprise entre la frontière terrestre séparant la France de l'Espagne et une ligne tracée à vingt kilomètres en deçà. Suspecté d'être entré irrégulièrement sur le territoire français, délit prévu à l'article L. 621-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1717I3Y), il a été placé en garde à vue. Le lendemain, le préfet a pris à son encontre un arrêté d'obligation de quitter le territoire français et ordonné son placement en rétention administrative. La premier président de la cour d'appel a estimé que la Directive "retour" restait entièrement applicable et qu'en conséquence une mesure de garde à vue ne pouvait être exercée à l'encontre de M. X. Le préfet forme un pourvoi en cassation.

La Haute juridiction se pose, alors, la question de savoir si un Etat qui a rétabli le contrôle aux frontières intérieures peut se prévaloir de l'article 2, § 2, sous a) de la Directive "retour", pour soustraire à cette Directive le ressortissant d'un pays tiers qui franchit irrégulièrement la frontière et n'a pas encore séjourné sur le territoire national et, si, dans l'affirmative, l'article 4, § 4, qui encadre l'application de l'article 2 de la Directive, doit être interprété en ce sens qu'il ne fait pas obstacle à l'emprisonnement de ressortissants de pays tiers, dans les circonstances de fait de l'espèce.

Elle renvoie trois questions à la CJUE et sursoit à statuer dans l'attente de sa décision (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E4047EYK).

newsid:459460

Égalité des chances

[Brèves] Discrimination positive : un accord collectif peut prévoir au seul bénéfice des femmes une demi-journée de repos à l'occasion de la journée internationale pour les droits des femmes

Réf. : Cass. soc., 12 juillet 2017, n° 15-26.262, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A6549WMI)

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N9453BWZ

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par Blanche Chaumet

Le 20 Juillet 2017

Un accord collectif peut prévoir, au seul bénéfice des salariées de sexe féminin, une demi-journée de repos, à l'occasion de la journée internationale pour les droits des femmes, dès lors que cette mesure vise à établir l'égalité des chances entre les hommes et les femmes en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 juillet 2017 (Cass. soc., 12 juillet 2017, n° 15-26.262, F-P+B+R+I N° Lexbase : A6549WMI ; voir également la note explicative).

En l'espèce, un salarié engagé à compter du 3 novembre 2008 en qualité de conducteur de bus, a été licencié le 26 octobre 2012. Il s'était porté candidat aux élections professionnelles du 5 avril 2012. Estimant subir une discrimination à raison de son activité syndicale ainsi qu'une inégalité de traitement, il a saisi la juridiction prud'homale.

La cour d'appel (CA Aix-en-Provence, 1er septembre 2015, n° 14/07534 N° Lexbase : A3265NNA) ayant limité à une certaine somme le montant des dommages-intérêts alloués pour non-respect du principe de l'égalité de traitement, le salarié s'est pourvu en cassation.

Il allègue que le principe d'égalité interdit de traiter de manière différente des situations comparables, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée et soutient qu'il faisait l'objet d'une différence de traitement injustifiée au regard de l'octroi aux seules femmes de l'entreprise d'une demi-journée de repos à l'occasion de la journée de la femme. Il estime qu'en jugeant la différence de traitement justifiée par la nécessité de favoriser la lutte des femmes dans leur combat pour une égalité avec les hommes non acquise dans le milieu professionnel quand rien ne justifie que les hommes soient exclus de ce combat pour l'égalité hommes/femmes, la cour d'appel a violé l'article L. 3221-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0794H9B).

Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi en application des articles L. 1142-4 (N° Lexbase : L0702H9U), L. 1143-1 (N° Lexbase : L5662KGS) et L. 1143-2 (N° Lexbase : L0709H97) du Code du travail, interprétés à la lumière de l'article 157, paragraphe 4, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (N° Lexbase : L2459IPR). Par cet arrêt important, la Chambre sociale prend en compte l'évolution du droit de l'Union européenne résultant tant du droit matériel que de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne en ce qui concerne les discriminations positives en faveur des femmes (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5350EXG).

newsid:459453

Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique de droit des entreprises en difficulté - Juillet 2017

Réf. : Cass. com., 28 juin 2017, n° 16-10.591, F-P+B+I (N° Lexbase : A6375WKC) ; Cass. com., 28 juin 2017, n° 16-12.382, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6376WKD)

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N9478BWX

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Nice Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Droit des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Côte d'Azur

Le 21 Septembre 2017

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Nice Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Droit des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre CERDP (EA 1201), Avocat au barreau de Nice, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Côte d'Azur, Co-directrice du Master 2 Droit des entreprises en difficulté, Membre du CERDP (EA 1201), Avocat au barreau de Nice, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Le Professeur Le Corre commente un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 28 juin 2017 qui retient l'irrecevabilité de la demande d'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué en liquidation judiciaire, mettant ainsi fin à une controverse doctrinale (Cass. com., 28 juin 2017, n° 16-10.591, F-P+B+I) Le second arrêt, sélectionné par Emmanuelle Le Corre-Broly, également rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 28 juin 2017, statue sur les conséquences de l'absence de réponse à la contestation de créance portant sur le fond de la créance et sur la régularité de sa déclaration (Cass. com., 28 juin 2017, n° 16-12.382, FS-P+B+I).
  • Irrecevabilité de la demande d'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué en liquidation judiciaire (Cass. com., 28 juin 2017, n° 16-10.591, F-P+B+I N° Lexbase : A6375WKC ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0844GAI)

De longue date, notre droit connaît un mode particulier de réalisation du gage, l'attribution judiciaire, autrefois réglementé par l'article 2078 du Code civil (N° Lexbase : L2316ABE) et, depuis l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 ayant réformé le droit des sûretés (N° Lexbase : L8127HHH), par l'article 2347 du Code civil (N° Lexbase : L1174HIC). L'ordonnance du 23 mars 2006 a innové considérablement en permettant au créancier hypothécaire de demander l'attribution judiciaire de l'immeuble en paiement, comme le ferait un créancier gagiste pour un bien gagé. La solution résulte explicitement de l'article 2458 du Code civil (N° Lexbase : L6532HWT). La solution ne vaut que pour les immeubles autres que ceux qui assurent la résidence principale du débiteur.

Dans le domaine du gage, l'attribution judiciaire permet au créancier de demander en justice que le bien gagé lui soit attribué en paiement. Ce mode de réalisation est analysé en une dation en paiement judiciaire et c'est pourquoi il est, par principe, interdit après ouverture de la procédure collective. Par exception, il est autorisé par le législateur en situation de liquidation judiciaire du débiteur.

Que faut-il décider, dans le silence des textes du droit des entreprises en difficulté, quant à la possibilité pour un créancier de solliciter en liquidation judiciaire l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué ?

Deux thèses doctrinales se sont opposées sur la question.

Selon le premier courant, que l'on qualifiera de montpelliérain (1), l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué est possible en liquidation judiciaire. Certes, observe-t-on, les textes sur la liquidation judiciaire ne le prévoient pas, mais font remarquer les tenants de cette thèse, lors de la rédaction des dispositions du Code de commerce régissant l'attribution judiciaire, l'attribution de l'immeuble hypothéqué n'existait pas. En outre, ajoutent-ils, l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué n'aurait guère d'utilité s'il fallait l'interdire en liquidation judiciaire. Françoise Pérochon, après n'avoir guère émis de réserve sur la possibilité de l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué en liquidation judiciaire (2), a ensuite indiqué que l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué en liquidation judiciaire aurait l'avantage de la cohérence tout en prenant des libertés avec la lettre des textes (3).

Selon un second courant que l'on dénommera niçois (4), l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué est clairement impossible en liquidation judiciaire. L'attribution judiciaire est une demande en justice qui a pour objet l'obtention d'un paiement réalisé sous la forme de l'attribution du bien objet de la sûreté. Cette attribution judiciaire paraît pouvoir être qualifiée de dation en paiement judiciaire ; dation en paiement parce que le créancier reçoit autre chose que ce qui lui était dû ; judiciaire, parce que c'est la décision du tribunal, et non la volonté du débiteur qui est la source du transfert de propriété (5).

Cette analyse de l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué en une dation judiciaire en paiement permet immédiatement d'apercevoir que le mécanisme viole ouvertement deux règles essentielles du droit des entreprises en difficulté, qui s'inscrivent dans ce que l'on dénomme la discipline collective : celle de l'arrêt des poursuites individuelles et celle de l'interdiction des paiements. Or ces règles ne peuvent être tenues en échec que par des textes d'exception, lesquels méritent tous, comme tels, une interprétation restrictive.

Tel est le cas de l'attribution judiciaire du gage, énoncée par l'article L. 642-20-1, alinéa 2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3466ICD) : "le créancier gagiste, même s'il n'est pas encore admis, peut demander au juge-commissaire, avant la réalisation, l'attribution judiciaire". Le texte n'existe que dans la liquidation judiciaire et c'est pourquoi la Cour de cassation exclut le jeu de l'attribution judiciaire du gage en période d'observation (6). La solution est aisée à comprendre. L'attribution judiciaire du gage viole la règle de l'interdiction des poursuites individuelles et des voies d'exécution. Rappelons en effet que l'attribution judiciaire suppose une demande en justice ayant pour objet le paiement d'une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective. La violation de la règle posée par l'article L. 622-21, I du Code de commerce (N° Lexbase : L3452ICT) est manifeste. En outre, l'attribution judiciaire emporte paiement. A ce titre, elle viole tout aussi ouvertement la règle de l'interdiction des paiements. Posée exclusivement en liquidation judiciaire, la solution n'est donc pas exportable dans une autre procédure collective. L'interprétation stricte des exceptions commande la solution.

Or l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué n'est pas prévue en liquidation judiciaire. La conclusion semblait donc s'imposer : l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué est exclue en liquidation judiciaire.

La première décision portée à notre connaissance sur la question, l'arrêt de la cour d'appel de Bastia étant passé inaperçu faute de diffusion, avait refusé au créancier inscrit l'attribution judiciaire de l'immeuble, au motif que l'autoriser reviendrait à permettre au créancier de confisquer un actif essentiel de la liquidation judiciaire, alors que son privilège spécial est primé par le privilège des frais de justice et par le super privilège des salaires (7).

Si la solution nous avait semblé mériter approbation, sa motivation n'était guère convaincante, en ce que le tribunal avait clairement pris l'effet pour la cause. En effet, l'attribution judiciaire est par nature indépendante de l'ordre dans lequel s'exercent les privilèges. Cet effet ne peut donc justifier la solution. Il est plus juste, en revanche, comme le fait le tribunal, de refuser le jeu de l'attribution judiciaire sur l'observation qu'elle vaut paiement.

C'est au second courant doctrinal que se rattache très clairement la Cour de cassation, qui énonce que "la demande d'un créancier hypothécaire tendant à ce que l'immeuble lui demeure en paiement, en application de l'article 2458 du Code civil, tend au paiement d'une somme d'argent, au sens de l'article L 622-21 du Code de commerce ; à défaut de disposition autorisant, par dérogation au principe de l'interdiction des paiement posé par ce texte, la présentation d'une telle demande en cas de procédure collective, comme il en existe pour l'attribution judiciaire du gage, la demande d'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué est irrecevable".

Nous ne pouvons évidement qu'approuver la solution. L'analyse de l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué est la même que celle posée pour l'attribution judiciaire du gage. Il s'agit d'une dation judiciaire en paiement. Faute de texte particulier autorisant son utilisation après ouverture de la procédure, la règle de l'interdiction des paiements des créances antérieures et le caractère strict des exceptions à ce principe doivent conduire à en interdire l'exercice au cours d'une procédure collective, même si cette procédure est une liquidation judiciaire.

La décision de la Cour de cassation se rattache au courant général qui considère que la possibilité pour un créancier d'obtenir paiement après jugement d'ouverture d'une créance antérieure ne peut exister sans texte. C'est ce principe de solution qui avait adopté il y maintenant une dizaine d'années lorsque la Cour avait statué sur la problématique de la levée d'option d'achat du crédit-bail.

Le législateur n'avait, sous l'empire de législation du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW), pas réglé la question de la levée d'option d'achat d'un contrat de crédit-bail en liquidation judiciaire. Un obstacle s'élevait contre la possibilité de lever l'option d'achat par le liquidateur : l'existence de loyers antérieurs au jugement d'ouverture. Le liquidateur ne peut tourner l'interdiction de payer les créances antérieures, qui n'est tenue en échec, par le biais d'une autorisation du juge-commissaire, que dans les seules situations envisagées par l'article L. 621-24, alinéa 3 du Code de commerce (N° Lexbase : L6876AII), devenu l'article L. 622-7, alinéa 3, du même code (N° Lexbase : L7285IZT), sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT). Ces textes sont des exceptions au principe d'interdiction du paiement des créances antérieures et méritent à ce titre une interprétation stricte, qui interdit la levée d'option du contrat de crédit-bail par le liquidateur. La solution a été posée en ces termes par la Cour de cassation : "la faculté prévue à l'article L. 621-122, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L6974AI7), d'interprétation stricte en ce qu'il déroge à l'interdiction de payer les créances antérieures au jugement d'ouverture, ne permet pas de s'opposer à la restitution du bien, objet d'un contrat de crédit-bail, en payant les échéances antérieures au jugement d'ouverture restées impayées" (8).

Le législateur, à l'occasion de l'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L2777ICT), a dû régler cette difficulté, en insérant un texte autorisant le liquidateur à payer les loyers antérieurs au jugement d'ouverture pour lever l'option d'achat.

Cette question de la levée d'option avait en tout cas permis de se convaincre de la force de la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures, par une technique autre que celles des répartitions liquidatives.

Par rapport à ce principe très fort, on mesure bien que la portée très mesurée de l'argument selon lequel "l'article L. 642-18 a été écrit à une époque où l'attribution contractuelle et judiciaire était exclue en matière immobilière", pour soutenir que l'absence de texte exprès autorisant l'attribution judiciaire de l'immeuble n'est pas un obstacle à son jeu en liquidation judiciaire (9), apparaissait bien insuffisant à autoriser cette solution. En effet, rien n'aurait interdit au législateur, à l'occasion de l'ordonnance du 18 décembre 2008, dont l'un des axes forts a été de coordonner le droit des sûretés et le droit des entreprises en difficulté, de régir spécifiquement l'utilisation de l'attribution judiciaire de l'immeuble hypothéqué après ouverture de la procédure collective. Il ne l'a pas fait. Ce mutisme ne peut donc qu'invalider la possibilité d'attribution en liquidation judiciarise, du fait de la violation que la technique emporte au principe d'interdiction du paiement des créances antérieures : pas d'exception sans texte ; pas d'extension par analogie des textes d'exception.

On retiendra en conclusion que depuis l'insaisissabilité légale de la résidence principale, le dernier vestige de l'effet réel des procédures collectives en matière immobilière est représenté par les immeubles autres que ceux assurant la résidence principale du débiteur. Il importe, à notre sens, de le protéger si l'on ne veut pas que les procédures collectives liquidatives n'aient de collectives que le nom et ne se réduisent à une exécution individuelle sous l'oeil d'un liquidateur impuissant!

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Nice Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Droit des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre CERDP (EA 1201), Avocat au barreau de Nice

  • Conséquence de l'absence de réponse à la contestation de créance portant sur le fond de la créance et sur la régularité de sa déclaration (Cass. com., 28 juin 2017, n° 16-12.382, FS-P+B+I N° Lexbase : A6376WKD ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0392EXS)

En matière de vérification des créances déclarées, l'article L. 622-27 du Code de commerce (N° Lexbase : L7291IZ3) dispose que "s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance [...], le mandataire judiciaire en avise le créancier en l'invitant à faire connaître ses explications". Ce courrier de contestation contient les motifs de la contestation ainsi que le montant pour lequel le mandataire judiciaire entend proposer au juge-commissaire d'admettre la créance (C. com., art. R. 624-1, al. 2 N° Lexbase : L6267I3I). La lettre de contestation de créance invite également le créancier à y apporter une réponse dans le délai de trente jours prévu à l'article L. 622-27. Le respect de ce délai de réponse par le créancier est essentiel si ce dernier n'est pas d'accord avec la contestation. En effet, l'article L. 622-27 précise que "le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins" -comme l'a précisé l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 (N° Lexbase : L7194IZH)- "que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances".

Il résulte de cette disposition que deux éléments doivent être parfaitement distingués.

Le premier tient à ce que, si la contestation de créance porte sur l'existence, le montant, ou encore la nature de la créance, et que le créancier n'apporte pas de réponse au courrier de contestation qui lui est adressé, il lui sera impossible de contester ultérieurement la proposition du mandataire judiciaire. Cela se traduit, sur le plan procédural, par l'impossibilité pour le créancier d'interjeter appel de l'ordonnance du juge-commissaire admettant la créance dans les termes de la proposition faite par le mandataire judiciaire. En effet, relever appel de l'ordonnance reviendrait alors à contester la proposition du mandataire judiciaire entérinée par le juge-commissaire.

A contrario, si le juge-commissaire rend une ordonnance qui n'est pas conforme à la proposition formulée par le mandataire judiciaire (décision d'admission ou de rejet plus clémente ou, au contraire, moins clémente par rapport à la proposition du mandataire), le créancier conserve le droit d'exercer une voie de recours à l'encontre de cette ordonnance.

Le second élément qui ressort clairement de l'article L. 622-27 est que, si la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance, le créancier conserve le droit de contester la proposition du mandataire judiciaire. Ainsi, si la contestation a trait à l'existence d'un pouvoir pour déclarer, à la forme ou au respect du délai de déclaration de la créance, le créancier qui n'aura pas répondu au courrier de contestation de créance conservera la possibilité d'interjeter appel de l'ordonnance du juge-commissaire même si celle-ci elle est conforme à la proposition du mandataire judiciaire contestant la régularité de la déclaration. Cette solution a d'abord été posée en jurisprudence (10) avant d'être consacrée par l'ordonnance du 12 mars 2014 (11). L'article 30 de cette ordonnance a en effet complété l'alinéa 2 de l'article L. 622-27, lequel prévoit que le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, par le membre de phrase suivant : "à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créance".

Le texte étant désormais mis au diapason de la jurisprudence, les difficultés soulevées par l'application de l'article L. 622-27 semblaient aplanies... C'était sans compter sur le fait que la pratique est toujours plus riche que la théorie ! En effet, une difficulté non résolue par le texte est apparue : lorsque le courrier de contestation du mandataire judiciaire a trait non seulement à la régularité de la déclaration de créance, mais encore à l'existence et au montant de la créance, et que le créancier ne répond pas au courrier de contestation de créance dans le délai imparti, le créancier est-il privé du droit d'interjeter appel à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire ?

Telle est la question sur laquelle la Chambre commerciale de la Cour de cassation s'est penchée dans une espèce ou un créancier avait été rendu destinataire d'une lettre de contestation de créance par laquelle le mandataire judiciaire, contestant non seulement la régularité de la déclaration de créance, mais aussi la créance elle-même, avait proposé au juge-commissaire l'admission de la créance "pour zéro euro". Le créancier qui avait omis de répondre au courrier de contestation de créance avait cependant interjeté appel de l'ordonnance du juge-commissaire entérinant la proposition du mandataire. La cour d'appel (12) avait déclaré recevable l'appel et admis la créance déclarée à concurrence de diverses sommes. Le mandataire judiciaire avait alors formé pourvoi contre l'arrêt d'appel en considérant que le défaut de réponse à contestation aurait dû priver le créancier de la possibilité d'interjeter appel, car la discussion ne portait pas exclusivement sur la régularité de la déclaration de créance. La Cour de cassation, dans un arrêt qu'elle affiche clairement comme étant de principe (arrêt P+B+I), rejette le pourvoi formé par le mandataire judiciaire en jugeant "qu'après avoir relevé que la lettre de contestation envoyée par le mandataire judiciaire à la banque concernait, à la fois, la régularité de la déclaration de créance pour défaut de justification d'un pouvoir et le montant de la créance déclarée, l'arrêt retient exactement qu'une disposition privant une partie d'une voie de recours est d'interprétation stricte et que l'article L. 622-27 du Code de commerce n'exige pas que la discussion porte exclusivement sur la régularité de la déclaration de créance pour autoriser le créancier, qui n'a pas répondu à la lettre de contestation du mandataire judiciaire, à exercer un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire confirmant la proposition du mandataire".

Quelle appréciation porter sur cette solution ? Maintenir, par principe, au profit du créancier, la possibilité d'interjeter appel, malgré l'absence de réponse au courrier de contestation de créance, semble à l'abri de toute critique dès lors que la régularité de la déclaration de créance est contestée. De prime abord, il pourrait pourtant être tentant de considérer que, dans le cadre de l'appel diligenté par le créancier, ce dernier ne pourrait, au regard de l'article L. 622-27 in fine, soulever que des arguments ayant trait à la régularité de la déclaration de créance, sans pouvoir discuter de questions relatives à l'existence, au montant ou encore au caractère privilégié de la créance.

Cependant, cette dichotomie ne peut matériellement pas être opérée. Certes, dans le courrier du mandataire, la créance est contestée au regard d'arguments portant, d'une part, sur le fond de la créance et, d'autre part, sur la régularité de la déclaration. Pourtant, la proposition d'admission ou de rejet formulée par le mandataire judiciaire est monolithique : il ne propose pas le rejet à hauteur d'un certain montant sur le fondement de motifs de fond et le rejet à hauteur d'un autre montant sur le fondement d'un motif de forme. L'argument portant sur la régularité de la déclaration de créance, tenant en l'espèce au défaut de pouvoir pour déclarer la créance, aura nécessairement un impact sur le quantum (en l'espèce "zéro euro" !) pour lequel la créance est admise par le juge-commissaire. Puisque, à l'image de la proposition du mandataire judiciaire, la décision d'admission de la créance est d'un seul bloc, l'appel qui en est fait l'est également, c'est-à-dire qu'il n'est pas possible d'interjeter appel sur une partie seulement de la décision d'admission au passif, contrairement à ce qui est, par exemple, possible pour le cocontractant judiciairement cédé en application de l'article L. 642-7 (N° Lexbase : L7333IZM), recevable à interjeter appel de la seule partie du plan de cession qui emporte cession judiciaire de son contrat.

En conséquence, la Cour de cassation ne pouvait que considérer, comme elle l'a fait, que dès lors que la contestation de créance portait, notamment, sur la régularité de la déclaration de créance, le créancier était recevable à interjeter appel de l'ordonnance du juge-commissaire entérinant la proposition du mandataire. Puisque l'effet dévolutif de l'appel de l'ordonnance du juge-commissaire aura pour effet de laisser le soin au juge d'appel de fixer le montant de la créance, ce dernier pourra, comme le pouvait le juge-commissaire, entériner ou non la proposition du mandataire judiciaire, peu important le défaut de réponse à contestation du créancier.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Côte d'Azur, Co-directrice du Master 2 Droit des entreprises en difficulté, Membre du CERDP (EA 1201), Avocat au barreau de Nice


(1) M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, 9ème éd., LexisNexis, 2010, n° 1095.
(2) F. Pérochon, Les sûretés immobilières classiques, in Colloque Sûretés réelles et droit des entreprises en difficulté, Nice, 20 mars 2010, LPA ,11 février 2011, n° 30, p. 49 et s., spéc. p. 53, n° 23.
(3) F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10ème éd., Lgdj - Lextenso, 2014, n° 1209.
(4) D. Boustani, note sous T. mixte com. Saint-Pierre, 1er mars 2016, n° 2015003678 (N° Lexbase : A1871Q7G), D., 2016, 1185 ; nos notes sous T. mixte com. Saint-Pierre, 1er mars 2016, préc., D., 2016, pan. 1902 et Gaz. Pal., 12 avril 2016, n° 14, p. 55 ; E. Le Corre-Broly, note sous T. mixte com., Saint-Pierre, 1er mars 2016, préc., in Chron., Lexbase, éd. aff., 2016, n° 458 (N° Lexbase : N1782BWW). Adde notre ouvrage, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 9ème éd., 2017/2018, n° 621.79.
(5) L. Aynès et P. Crocq, Les sûretés - la publicité foncière, LGDJ, Lextenso Editions, 9ème éd., 2015, n° 686.
(6) Cass. com. 28 mai 1996, n° 94-16.269, publié (N° Lexbase : A2473AB9), Bull. civ. IV, n° 144 ; D., 1996, Somm. 385, obs. S. Piedelièvre ; RD banc. et bourse, 1996, 211, obs. M.-J. Campana et J.-M. Calendini.
(7) T. mixte com. Saint-Pierre, 1er mars 2016, préc. et les obs. préc. ; adde Rev. proc. coll., 2016, comm. 120, note F. Macorig-Venier.
(8) Cass. com., 19 juin 2007, n° 06-15.447, FS-P+B (N° Lexbase : A8791DWI), Bull. civ. IV, n° 166 ; D., 2007, jur. 2363, note E. Le Corre-Broly ; D., 2007, AJ 1878, obs. A. Lienhard ; D., 2008, pan. 576, nos obs. ; Gaz. proc. coll., 2007/4, p. 46, note Ph. Roussel Galle ; Act. proc. coll., 2007/13, n° 151, note J. Vallansan ; RTDCom., 2007, 818, n° 10, obs. D. Legeais ; RTDCom., 2008, 198, n° 5, obs. A. Martin-Serf ; JCP éd. E, 2008, Chron, 1207, n° 6, p. 30, obs. M. Cabrillac ; nos obs., Lexbase, éd. priv. 2007, n° 269 (N° Lexbase : N9341BBL).
(9) M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, préc., n° 1095.
(10) Cass. com., 7 juillet 1998, n° 95-18.984, publié (N° Lexbase : A5329ACD), Bull. civ. IV, n° 219, D. Affaires, 1998, 1322, obs. A. Lienhard, JCP éd. E, 1998, pan. 1231, D., 1998, IR 209, RJDA, 1998/11, p. 945, n° 1260 ; Cass. com., 5 janvier 1999, n° 95-16.360, inédit (N° Lexbase : A0049AUD), Act. proc. coll. 1999/4, n° 51 ; Cass. com., 16 octobre 2001, n° 98-19.316, FS-P (N° Lexbase : A4776AWS), Bull. civ. IV, n° 168, Rev. proc. coll. 2002, p. 95, n° 7, obs. M.-N. Legrand ; CA Reims, 3 juillet 2001, JCP éd. E, 2002, pan. 1015, p. 1120.
(11) Ordonnance n° 2014-326, 12 mars 2014, art. 30 (N° Lexbase : L7194IZH).
(12) CA Toulouse, 16 décembre 2015, n° 15/04013 (N° Lexbase : A4446NZP).

newsid:459478

Environnement

[Brèves] Pollution de l'air : le Conseil d'Etat enjoint au Gouvernement d'agir pour améliorer la situation

Réf. : CE 1° et 6° ch.-r., 12 juillet 2017, n° 394254, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6547WMG)

Lecture: 1 min

N9476BWU

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par Yann Le Foll

Le 20 Juillet 2017

Le Gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires pour ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines "PM10" sous les valeurs limites. Tel est le sens d'une décision rendue par le Conseil d'Etat le 12 juillet 2017 (CE 1° et 6° ch.-r., 12 juillet 2017, n° 394254, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6547WMG).

Le dépassement persistant des valeurs limites de concentration en particules fines et en dioxyde d'azote dans plusieurs zones du territoire national au cours des trois années ayant précédé celle des décisions attaquées constitue une méconnaissance des articles L. 221-1 (N° Lexbase : L1249KZB) et R. 221-1 (N° Lexbase : L2515INH) du Code de l'environnement, qui transposent l'article 13 de la Directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 (N° Lexbase : L9078H3M), l'Etat ayant à ce titre une obligation de résultat et non de moyens (CJUE, 19 novembre 2014, aff. C-404/13 N° Lexbase : A4426M3C).

Le Conseil d'Etat constate ensuite que les plans de protection de l'atmosphère établis dans les zones concernées n'ont pas permis d'assurer, dans un délai raisonnable, le respect des valeurs limites et en déduit que de nouvelles mesures doivent être prises afin que soient respectées les obligations fixées par la directive et reprises dans le Code de l'environnement. Il annule en conséquence le refus de prendre des mesures supplémentaires. Il enjoint en outre au Premier ministre et au ministre chargé de l'Environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soient élaborés et mis en oeuvre, pour chacune des zones énumérées au point 9 de la décision dans lesquelles les valeurs limites étaient encore dépassées en 2015, dernière année pour laquelle des données ont été produites par l'administration en réponse à la mesure supplémentaire d'instruction diligentée par le Conseil d'Etat, des plans relatifs à la qualité de l'air permettant de ramener, dans ces zones, les concentrations de dioxyde d'azote et de particules fines "PM10" en dessous des valeurs limites dans le délai le court possible. Le délai imparti par la Haute juridiction aux autorités compétentes pour prendre ces mesures et les transmettre à la Commission européenne est de neuf mois et expire le 31 mars 2018.

newsid:459476

Fiscalité des entreprises

[Brèves] "Google" échappe au fisc français !

Réf. : TA Paris, 12 juillet 2017, cinq jugements, n° 1505113 (N° Lexbase : A6559WMU), n° 1505126 (N° Lexbase : A6560WMW), n° 1505147 (N° Lexbase : A6561WMX), n° 1505165 (N° Lexbase : A6562WMY) et n° 1505178 (N° Lexbase : A6563WMZ)

Lecture: 2 min

N9456BW7

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par Jules Bellaiche

Le 20 Juillet 2017

Une personne résidente de France contrôlée par une société résidente d'Irlande ne peut constituer un établissement stable de cette dernière que si elle ne peut être considérée comme un agent indépendant de la société résidente d'Irlande et si elle exerce habituellement en France des pouvoirs lui permettant d'engager cette société dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant les activités propres de cette société. Telle est la solution retenue par le tribunal administratif de Paris dans cinq jugements rendus le 12 juillet 2017 (TA Paris, 12 juillet 2017, cinq jugements, n° 1505113 N° Lexbase : A6559WMU, n° 1505126 N° Lexbase : A6560WMW, n° 1505147 N° Lexbase : A6561WMX, n° 1505165 N° Lexbase : A6562WMY et n° 1505178 N° Lexbase : A6563WMZ).
En l'espèce, une société irlandaise (SI) filiale du groupe américain "Google", commercialise, en France notamment, un service payant d'insertion d'annonces publicitaires en ligne corrélé au moteur de recherche Google. La société filiale française (SF) fournit, aux termes d'un contrat conclu avec la société irlandaise, assistance commerciale et conseil à la clientèle française constituée d'annonceurs ayant souscrit à son service. La SI contestait les redressements fiscaux dont elle avait fait l'objet en matière d'IS, retenue à la source, TVA, cotisation minimale de taxe professionnelle et CVAE, à raison des prestations de publicité qu'elle facture à ses clients français.
Le tribunal parisien a donc donné raison à la SI. S'agissant de l'IS et de la retenue à la source, l'administration fiscale s'était fondée sur l'alinéa 9-c de l'article 2 de la Convention fiscale franco-irlandaise qui prévoit l'imposition en cas de présence d'un établissement stable en France (N° Lexbase : L6703BHQ). Le tribunal a jugé que la SI ne disposait pas en France, en la personne morale de la SF, d'un tel établissement stable.
En effet, son existence est subordonnée à deux conditions cumulatives : la dépendance de la SF vis-à-vis de la SI et le pouvoir de la SF d'engager juridiquement la SI. Or, le tribunal a estimé que la SF ne pouvait engager juridiquement la SI car les salariés de la SF ne pouvaient procéder eux-mêmes à la mise en ligne des annonces publicitaires commandées par les clients français, toute commande devant en dernier ressort faire l'objet d'une validation de la SI.
S'agissant de la TVA, la jurisprudence communautaire soumet l'imposition à l'existence d'une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à réaliser des prestations de manière autonome, ce qui n'est pas le cas dans cette affaire.
S'agissant de la cotisation minimale de taxe professionnelle et de la CVAE, le tribunal a jugé que la SI ne disposait en France d'aucune immobilisation corporelle placée sous son contrôle, utilisable matériellement pour la réalisation des prestations de publicité litigieuses (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X8810ALU et l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E3565EUL).

newsid:459456

[Brèves] Action de la caution en responsabilité contre une banque pour non respect de son obligation de mise en garde : pas d'application des dispositions de l'article L. 650-1 du Code de commerce

Réf. : Cass. com., 12 juillet 2017, n° 16-10.793, F-P+B+I (N° Lexbase : A6551WML)

Lecture: 2 min

N9475BWT

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par Vincent Téchené

Le 20 Juillet 2017

Les dispositions de l'article L. 650-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3503ICQ) régissent, dans le cas où le débiteur fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, les conditions dans lesquelles peut être recherchée la responsabilité d'un créancier en vue d'obtenir la réparation des préjudices subis du fait des concours consentis. Elles ne s'appliquent pas à l'action en responsabilité engagée contre une banque par une caution non avertie qui lui reproche de ne pas l'avoir mise en garde contre les risques de l'endettement né de l'octroi du prêt qu'elle cautionne, cette action tendant à obtenir, non la réparation d'un préjudice subi du fait du prêt consenti, lequel n'est pas nécessairement fautif, mais celle d'un préjudice de perte de chance de ne pas souscrire ledit cautionnement. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 juillet 2017 (Cass. com., 12 juillet 2017, n° 16-10.793, F-P+B+I N° Lexbase : A6551WML).

En l'espèce, afin de financer la création d'un commerce, une banque a, par un acte du 5 octobre 2010, consenti à une société un prêt d'un montant de 81 000 euros, garanti par le cautionnement souscrit le même jour par la gérante de cette société, dans la limite de 48 600 euros et pour une durée de neuf ans. Le 6 mai 2011, la banque a consenti à la société une facilité de caisse d'un montant de 8 400 euros, en garantie de laquelle la gérante s'est rendue caution, dans la limite de cette seule somme et pour une durée de vingt-quatre mois. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque, après avoir déclaré ses créances, a assigné en paiement la caution, qui a recherché sa responsabilité.

La banque a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt d'appel (CA Aix-en-Provence, 19 novembre 2015, n° 13/12975 N° Lexbase : A1681NXK) qui l'a condamnée à payer à la caution la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Tout d'abord, la Cour de cassation relève que c'est par une appréciation souveraine que les juges du fond ont retenu que la qualité de caution avertie ne saurait résulter de son seul statut de dirigeante de la société quand il n'était pas démontré qu'elle disposait des compétences pour mesurer les enjeux réels et les risques liés à l'octroi du prêt ainsi que la portée de son engagement de caution, peu important qu'elle eût recours à un cabinet extérieur pour établir des documents prévisionnels. Ensuite, énonçant la solution précitée et relevant, en outre, que les juges du fond ont fait ressortir que si elle avait été mise en garde, la caution ne se serait pas nécessairement engagée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. les Ouvrages "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0643EX4 et "Droit des sûretés" N° Lexbase : E3566E4T).

newsid:459475

Licenciement

[Jurisprudence] PSE successifs et égalité de traitement : la Cour de cassation consacre l'autonomie de chaque plan

Réf. : Cass. soc., 29 juin 2017, deux arrêts, n° 15-21. 008 (N° Lexbase : A1625WLR) et n° 16-12.007 (N° Lexbase : A1626WLS), FS-P+B+R+I

Lecture: 9 min

N9483BW7

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 20 Juillet 2017

Des salariés peuvent-ils réclamer, au nom du principe d'égalité de traitement, des avantages compris dans un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) adopté par l'entreprise après leur licenciement, sous prétexte que le plan en vertu duquel ils ont été licenciés leur était moins favorable ? C'est à cette question inédite que répond, par la négative, la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans deux décisions en date du 29 juin 2017, largement publiées. Si la réponse doit être approuvée (I), il nous semble que le raisonnement pêche (II).
Résumé

Il n'y a pas de violation du principe d'égalité de traitement lorsque deux procédures de licenciement économique collectif ont été successivement engagées dans l'entreprise accompagnées de PSE distincts, le salarié licencié dans le cadre de la première procédure n'étant pas dans une situation identique à celle des salariés licenciés dans le cadre de la seconde procédure au cours de laquelle a été élaboré, après information et consultation des institutions représentatives du personnel, le plan prévoyant les avantages revendiqués.

I - Des droits distincts pour des plans distincts

Contexte. Le PSE doit respecter l'ordre public et à ce titre le principe d'égalité de traitement. Depuis 2001, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait indiqué que "si un PSE peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise, placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause, puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu'une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables" (1).

Jusqu'à présent, les contentieux avaient été initiés par des salariés concernés par un seul et même plan, et qui contestaient les restrictions mises au bénéfice de certains avantages dans le plan lui-même. Mais, jamais encore, la Cour de cassation n'avait eu à se prononcer sur le sort de salariés relevant de plans différents, adoptés successivement dans la même entreprise, dans une période rapprochée, et qui se plaignaient de n'avoir pas bénéficié des avantages de l'autre plan. C'est tout l'intérêt de ces deux arrêts, fortement médiatisés, qui conduisent à rendre les plans presque totalement étanches l'un à l'autre.

Première affaire (n° 15-21.008). Un salarié du laboratoire Fabre, licencié le 7 juin 2010 dans le cadre d'un PSE adopté courant 2009, avait contesté le bien-fondé de son licenciement, et demandé la condamnation de son employeur à lui verser une indemnité pour violation du principe d'égalité de traitement, en se prévalant d'une différence injustifiée de montant de l'indemnité complémentaire et de la durée du congé de reclassement prévus dans un autre plan adopté quatre jours après avoir reçu sa lettre de licenciement.

La cour d'appel de Montpellier lui avait donné raison et lui avait accordé plus de quarante mille euros au titre de la violation du principe d'égalité de traitement (2). Elle avait considéré que "la différence de traitement entre les salariés relevant du PSE arrêté en 2010 et ceux qui avaient fait l'objet d'un licenciement dans le cadre du plan de l'année précédente ne repose sur aucune raison objective et étrangère à toute discrimination prohibée" et que, "pour justifier ces différences de traitement d'un plan par rapport à l'autre, il n'est allégué aucune difficulté particulière de reclassement professionnel, ni de niveau de qualification différent des salariés concernés ou d'une dégradation de la situation de l'emploi [...]. Le seul fait de procéder à une réorganisation de l'entreprise en deux licenciements collectifs avec négociation de plans de sauvegarde de l'emploi ne constitu[ant] pas une raison objective justifiant une différence de traitement".

Seconde affaire (n° 16-12.007). Il s'agissait, ici, de soixante-neuf salariés licenciés en janvier 2006 par la société Géodis logistics ouest dans le cadre d'un PSE adopté en décembre 2005, à la suite d'une réduction significative des prestations confiées par son principal donneur d'ordre courant 2005, et qui prévoyait la suppression de deux cent vingt-quatre postes sur deux cent quatre-vingt-cinq dans son établissement situé à Saint-Berthevin. A la suite de la rupture définitive des relations commerciales avec ce même donneur d'ordre, la fermeture du site avait été décidée, entraînant la mise en place d'une nouvelle procédure de licenciement économique collectif emportant la suppression de cinquante-sept nouveaux postes de travail sur les soixante-quatre restant sur le site, et l'adoption d'un PSE, le 10 avril 2007, prévoyant, notamment, une indemnité spécifique de fermeture de site de 12 030 euros au bénéfice de l'ensemble des salariés visés par cette seconde procédure.

S'estimant lésés par le fait qu'une telle indemnité n'avait pas été prévue par le PSE du 16 décembre 2005 dont ils avaient bénéficié, les soixante-neuf licenciés de la première vague ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir notamment le paiement d'une telle indemnité, sur le fondement du principe d'égalité de traitement.

Ils ont également obtenu gain de cause auprès de la cour d'appel d'Angers (3). Pour cette dernière, en effet, "la circonstance que le second PSE et la procédure de licenciement collectif pour motif économique qu'il accompagnait se soient inscrits dans le cadre d'une fermeture du site de Saint-Berthevin alors que le premier PSE et la première procédure de licenciement collectif pour motif économique se sont inscrits dans le cadre de la suppression d'un grand nombre d'emplois au sein de cet établissement ne suffit pas, en soi, à caractériser une différence de situation propre à justifier le versement de l'indemnité litigieuse aux seuls salariés licenciés en 2007". Par ailleurs, la cour a considéré "qu'au regard de l'avantage en cause, les salariés concernés par le premier PSE et licenciés en 2006 étaient placés dans une situation identique à ceux concernés par le second PSE et licenciés en 2007" et que "la rupture anticipée du contrat du 7 septembre 2005, la fermeture du site, les possibilités de reclassement et de nouvel emploi, ne constituent pas des raisons objectives et pertinentes propres à justifier la différence de traitement litigieuse caractérisée par le versement aux seuls salariés licenciés en 2007 d'une indemnité de rupture anticipée de contrat et de fermeture de site".

Une double cassation pour un même motif. Dans les deux affaires, les deux arrêts d'appel sont cassés de manière absolument identique, au visa du principe d'égalité de traitement, la Haute juridiction considérant que les salariés ne se trouvaient pas dans la même situation selon qu'ils relevaient de l'un ou l'autre des plans considérés.

Dans les deux cas, les magistrats du fond sont cassés pour "fausse application" du principe d'égalité de traitement, c'est-à-dire pour en avoir fait une application inexacte "au regard de leurs constations". Dans ces deux affaires, en effet, les salariés du premier PSE réclamaient les avantages conférés aux licenciés du second, et les juges avaient considéré que tous les salariés concernés par ces deux plans se trouvaient dans la même situation (perte d'emploi) au regard des avantages en cause (indemnité complémentaire et durée de congé de reclassement pour les deux plans du laboratoires Fabre, et indemnité de perte d'emploi dans l'affaire Géodis). Les deux cours d'appel n'avaient pas considéré que la situation des salariés était différente selon qu'ils avaient été licenciés lors de la première vague ou de la seconde, ce qui n'est pas du goût de la Cour de cassation qui considère le contraire.

II - La volonté de ne pas accabler les entreprises en difficultés

Une double cassation discutable. Le moins que l'on puisse dire est que l'argumentation retenue par la Haute juridiction ne convainc guère.

Dans la première affaire qui concernait le laboratoire Fabre, aucun élément (notamment dans l'arrêt d'appel) ne permettait de dire que les salariés se seraient trouvés dans des situations différentes, alors que tous perdaient leur emploi dans le cadre de l'un ou l'autre plan. On aurait pu admettre que les droits accordés aux salariés dans les différents plans n'avaient pas le même objet, ce qui rendait une comparaison avantage par avantage délicate, mais que précisément la variété des droits conférés les plaçaient dans une situation différente au regard des avantages concernés. Mais rien de tel ne ressortait de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, et la lecture de la décision ne met en lumière aucune donnée distinctive tirée des caractéristiques des salariés, qu'il s'agisse de leur âge, leur ancienneté (4), leur statut (5) ou leurs fonctions.

Dans la seconde affaire, c'est l'entreprise qui ne se trouvait pas dans la même situation économique, puisque le premier plan faisait suite à une très importante baisse des commandes du principal fournisseur d'activité de l'entreprise, alors que le second faisait suite à la rupture définitive des relations commerciales avec celui-ci et à la fermeture du site. Mais, pour les salariés, et au regard des avantages en cause, rien ne semblait devoir justifier la différence de traitement.

Alors pourquoi avoir cassé et donné raison aux entreprises ?

Deux explications, l'une propre au principe d'égalité de traitement, l'autre propre au régime des PSE, peuvent être avancées.

Des différences de traitement justifiables, mais autrement. On sait qu'il y a deux manières de "justifier" une différence de traitement, soit en amont, en considérant que les demandeurs ne sont pas dans la même situation que les autres personnes avec lesquelles ils se comparent (ce qui était le cas ici), soit en aval du raisonnement, en établissant que les différences de traitement sont justifiées.

La seconde manière de justifier est, de notre point de vue, préférable, dans la mesure où elle élargit le spectre des motifs admissibles, notamment à la situation de l'entreprise, à sa taille, à sa situation économique et financière, à son appartenance à un groupe ou une UES, voire à des éléments extérieurs tenant au coût de la vie locale (6), à l'évolution du contexte économique et social, ou encore au comportement de tiers (dans l'affaire Géodis, le principal client de l'entreprise avait cessé toute commande).

La lecture de la note explicative qui accompagne ces deux arrêts, et qui préfigure le commentaire au rapport annuel, montre bien, selon nous, la confusion entretenue entre situation des salariés (données personnelles) et situation de l'entreprise, et donc entre ces deux manières de justifier la différence de traitement : "en effet, dans une même entreprise, la succession dans le temps de procédures de licenciement économique collectif implique, de fait, une évolution du contexte économique et social ayant donné lieu à ces procédures. Les PSE, établis par l'employeur dans le cadre de ces procédures successives en fonction des besoins des salariés concernés par chacune des procédures et des moyens de l'entreprise ou du groupe évalués au moment de leur élaboration, et soumis à chaque fois à la consultation des institutions représentatives du personnel qui peuvent en demander l'amélioration, répondent à des circonstances particulières et présentent nécessairement un équilibre qui leur est propre. Aussi, d'une procédure de licenciement économique collectif à une autre dans une même entreprise, les salariés licenciés ne sont pas placés dans une situation identique propre à leur permettre de revendiquer les avantages d'un PSE élaboré dans le cadre d'une procédure qui ne les a pas concernés".

Au final, cette confusion n'est pas véritablement problématique, dans la mesure où elle ne change en rien la conclusion du raisonnement : les différences entre les plans ne sont pas remises en cause et les salariés sont déboutés de leurs demandes. Mais, il nous semble qu'elle affaiblit la solution, en la rendant moins compréhensible, et qu'elle pourrait donc susciter un vague de résistance devant les juridictions du fond, tant il semble incompréhensible, précisément du point de vue des salariés, de considérer que la perte d'emploi lors d'un premier plan serait moins grave que lors d'un second.

Des différences de traitement présumées justifiées ? Reste une autre justification, tirée de ce qu'on pourrait appeler l'autonomie des PSE. Il s'agirait de raisonner, ici, comme la Cour de cassation le fait depuis janvier 2015 en matière de différences de traitement résultant de l'application d'un (7) ou plusieurs accords collectifs (8), où ces dernières sont présumées être justifiées, sauf à démontrer un hypothétique détournement de pouvoirs des parties à l'accord.

On s'est évidemment interrogé sur la portée de ces décisions s'agissant d'un PSE "négocié", car leur légitimité semble supérieure encore à celle des accords de droit commun (9) puisque depuis 2013, leur validité est subordonnée à un accord ayant recueilli la signature d'un ou de plusieurs syndicats ayant obtenu au moins la moitié des suffrages exprimés en faveur des organisations reconnues représentatives à l'issu des dernières élections professionnelles (10).

Mais qu'en est-il pour les plans adoptés dans le cadre d'une élaboration unilatérale par l'employeur dans le respect de la procédure d'information/consultation ad hoc du comité d'entreprise ? Dans cette hypothèse, il semble difficile de défendre l'idée d'une autonomie comparable du plan, dans la mesure où les mesures arrêtées dans le plan de reclassement (ou dans le plan de départ volontaire) sont uniquement contrôlées par l'autorité administrative qui en vérifie la légalité, et donc, à ce titre, le respect du principe d'égalité de traitement (11). Il semble donc logique de laisser au juge (administratif) le soin de vérifier que l'employeur a bien respecté l'égalité entre les salariés, tout comme d'ailleurs le juge judiciaire continue de vérifier la légitimité des différences de traitement résultant d'actes unilatéraux ou de pratiques d'entreprises, depuis 2015.

On pourrait tout de même être tenté de lire dans ces deux décisions la volonté du juge ne pas se substituer aux acteurs pour imposer "sa" vision du "juste", et de se contenter de sanctionner les comportements manifestement abusifs. Fondée sur les valeurs de la démocratie sociale depuis 2015, cette modestie du contrôle du juge, singulièrement du juge de cassation, doit être saluée, surtout lorsque le législateur a fait le choix de confier des prérogatives à l'administration pour gérer avec les entreprises ses phases délicates de règlement des difficultés économiques. Il faudra voir, maintenant, comment le Conseil d'Etat statuera s'agissant de plans adoptés après l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi ([LXB=L0394IXUi]).


(1) Cass. soc., 10 juillet 2001, n° 99-40.987, publié (N° Lexbase : A1731AUN) ; Dr. soc., 2001, p. 1012, obs. Ch. Radé ; Cass. soc., 12 juillet 2010, n° 09-15.182, FS-P+B (N° Lexbase : A6782E4X).
(2) CA Montpellier, 6 mai 2015, n° 12/02135 (N° Lexbase : A7331NHY).
(3) CA Angers, 17 décembre 2015, n° 13/02031 (N° Lexbase : A9163NZE).
(4) Cass. soc., 28 octobre 2015, n° 14-16.115, FS-P+B (N° Lexbase : A5287NUD).
(5) Cass. soc., 16 décembre 2015, n° 14-11.294, FS-P+B (N° Lexbase : A8705NZG) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 639, 2016 (N° Lexbase : N0779BWR).
(6) Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-11.386, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7920RZD) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 670, 2016 (N° Lexbase : N4436BW9).
(7) Cass. soc., 27 janvier 2015, trois arrêts, n° 13-22.179, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3401NA9), n° 13-25.437, FS-P+B (N° Lexbase : A6934NA3) et n° 13-14.773, FS-P+B (N° Lexbase : A7024NAE) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 600, 2015 (N° Lexbase : N5806BUL) ; Dr. soc., 2015, p. 237, étude A. Fabre ; RDT, 2015, p. 339, obs. E. Peskine.
(8) Cass. soc., 3 novembre 2016, n° 15-18.844, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A4697SCX).
(9) Sauf en matière de durée du travail et de congés où l'exigence d'un accord majoritaire (plus de 50 %, ou de 30 % avec ratification par la majorité des salariés) s'applique depuis le 1er janvier 2017 ; loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), art. 21, IX.
(10) C. trav., art. L. 1233-24-1 (N° Lexbase : L0630IXM).
(11) En toute hypothèse c'est le juge administratif qui doit apprécier le respect de ce principe pour les plans élaborés depuis la loi de sécurisation de l'emploi, ce qui n'était pas le cas ici.

Décisions

1/ Cass. soc., 29 juin 2017, n° 15-21. 008, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1625WLR)

Cassation (CA Montpellier, 6 mai 2015, n° 12/02135 N° Lexbase : A7331NHY)

2/ Cass. soc., 29 juin 2017, n° 16-12.007, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1626WLS)

Cassation (CA Angers, deux arrêts, 17 décembre 2015, n° 13/01983 N° Lexbase : A9181NZ3 et n° 13/02031 N° Lexbase : A9163NZE)

Textes concernés : Néant.

Mots clés : principe d'égalité de traitement ; procédures de licenciement économique collectif ; PSE successifs.

Lien base : (N° Lexbase : E9336ESL).

newsid:459483

Procédure pénale

[Brèves] Exit la récusation de magistrats en raison de la qualité de membre de la Légion d'honneur !

Réf. : Cass. crim., 20 juin 2017, n° 16-80.935, F-P+B (N° Lexbase : A8279WL9)

Lecture: 1 min

N9354BWD

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par Aziber Seïd Algadi

Le 20 Juillet 2017

La qualité de membre de l'Ordre de la Légion d'honneur, conférée à des magistrats, en raison de services civils ou sous les armes, ne saurait, à elle seule, avoir pour effet de les faire participer, avec l'ensemble des personnes, civiles ou militaires, également distinguées dans le même ordre, à une communauté de vues et d'esprit, y compris sur les sujets concernant la défense, de sorte qu'il pourrait en résulter un soupçon de partialité à leur encontre lorsqu'est en cause, dans l'affaire qu'ils ont à juger, un acte accompli au nom de la France et dans l'exercice de ses fonctions, par un agent de l'Etat bénéficiaire de la même distinction. Telle est la solution retenue par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, rendu le 20 juin 2017 (Cass. crim., 20 juin 2017, n° 16-80.935, F-P+B N° Lexbase : A8279WL9).

Selon les faits de l'espèce, MM. S. et B. et la société E. ont déposé une requête en récusation de M. G., président, ainsi que de Mme D., conseiller, celle-ci implicitement, appelés à connaître, en ces qualités, de la procédure suivie contre eux, sur la plainte de M. S., du chef de diffamation publique envers un dépositaire ou agent de l'autorité publique.

Enonçant le principe susvisé, la Haute juridiction juge la requête non fondée, sous le visa des articles 668 (N° Lexbase : L5593DYS) à 674-1 du Code de procédure pénale (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2322EUK).

newsid:459354

Procédures fiscales

[Jurisprudence] Une interprétation stricte des réserves du Conseil constitutionnel en matière de cumul des sanctions fiscales et pénales

Réf. : Cass. crim., 31 mai 2017, n° 15-82.159, FS-P+B (N° Lexbase : A2684WGI)

Lecture: 10 min

N9471BWP

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par Thierry Lamulle, Maître de conférences HDR en droit public à l'Université de Caen-Normandie et Membre de l'Institut Demolombe (EA 967)

Le 20 Juillet 2017

La réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel en matière de cumul des sanctions fiscales et pénales concernant une décision de décharge de l'impôt par le juge administratif sur le fond de l'affaire entraînera une relaxe du prévenu sur le plan pénal seulement en cas de dissimulation de sommes sujettes à l'impôt et d'identité de l'impôt (Cass. crim., 31 mai 2017, n° 15-82.159, FS-P+B). Le requérant a été poursuivi du chef de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité en qualité de gérant de fait de l'établissement stable d'une société britannique. Il n'avait pas souscrit de déclaration de résultats pour l'exercice clos au 30 septembre 2006. Son manquement concernait l'impôt sur les sociétés.

Celui-ci affirmait que la société britannique ne disposait pas d'établissement stable (une installation fixe d'affaires) dans les locaux de la société B en France. La société britannique était spécialisée dans la vente par correspondance de produits minceurs et de compléments alimentaires et disposait d'une adresse postale à Paris auprès de la société B qui enregistrait les commandes des clients. Le requérant était aussi le gérant de droit de la société C, de droit belge, chargée du stockage et de l'expédition des commandes et d'une société responsable des campagnes publicitaires. Les règlements des clients étaient versés sur des comptes bancaires français et les fournisseurs de produits étaient des sociétés françaises. Un cycle commercial complet était effectué en France ce qui rendait la société imposable à l'impôt sur les sociétés en France. En vertu des dispositions de la Convention fiscale franco-britannique (N° Lexbase : L5161IEU), l'administration des impôts a estimé que la société britannique disposait d'un établissement stable en France par le biais d'une installation fixe d'affaires dans les locaux de la société B à Paris.

Parallèlement à la procédure pénale, s'est déroulée une procédure fiscale à l'encontre du requérant, résidant fiscalement en France ; après reconstitution du chiffre d'affaires, le montant des droits éludés est de 106 083 euros. Ce redressement en matière d'impôt sur le revenu, mis à la charge du requérant en tant que maître de l'affaire est assorti de pénalités de 80 % pour manoeuvres frauduleuses. Ce redressement a été confirmé par un jugement du tribunal administratif de Paris le 22 février 2012. Ayant interjeté appel, l'intéressé est déchargé des impôts mis à sa charge car la société ne disposait pas d'un établissement stable en France à savoir un agent dépendant disposant de pouvoirs exercés habituellement en France lui permettant de conclure des contrats au nom de la société britannique en vertu de l'article 4, 4° de la Convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968.

Devant la Cour de cassation, le requérant contestait l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui avait refusé de prendre en compte la décision de la cour administrative d'appel de Paris devenue définitive. Le requérant avait été finalement condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis et était solidaire avec la société britannique du paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes. Le requérant reprochait à la cour d'appel de Paris la non-application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel issue des décisions "Wildenstein" et "Cahuzac" en matière de droits de succession d'impôt de solidarité sur la fortune (Cons. const., 24 juin 2016, n° 2016-545 QPC N° Lexbase : A0909RU9 et n° 2016-546 QPC N° Lexbase : A0910RUA ; jurisprudence confirmée par la suite dans une décision n° 2016-556 QPC du 22 juillet 2016 N° Lexbase : A7432RXK).

Le Conseil constitutionnel admet le cumul des sanctions fiscales et des sanctions pénales sous trois réserves d'interprétation, notamment le fait que le contribuable soit déchargé de l'impôt par une décision devenue définitive et portant sur des motifs de fond par les juridictions administratives. La Cour de cassation refuse d'appliquer cette réserve d'interprétation qui ne concerne que la dissimulation de sommes sujettes à l'impôt et non l'omission de souscrire des déclarations. De plus, le requérant avait été déchargé de l'impôt sur le revenu par la cour administrative d'appel de Paris alors que la condamnation pénale a été prononcée en matière d'impôt sur les sociétés.

La lecture de cet arrêt de la Chambre criminelle conduit à s'interroger sur la notion d'établissement stable (I) et sur l'interprétation des réserves du Conseil constitutionnel à propos de la règle non bis in idem (sanctions fiscales et sanctions pénales) par la Cour de cassation (II).

I - La notion d'établissement stable

Tout d'abord, avant d'appliquer les dispositions de la Convention fiscale franco-britannique, il convient de s'assurer que la société britannique est bien imposable à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209-I du CGI (N° Lexbase : L2929LCH). En l'occurrence, l'administration des impôts a relevé qu'il s'agissait d'un cycle complet d'opérations réalisées en France (prise de commandes, livraison des produits minceurs et de compléments alimentaires aux clients français, les fournisseurs sont aussi domiciliés en France, encaissement des produits des ventes sur des comptes ouverts auprès de banques françaises). Cependant, le critère du cycle complet d'opérations réalisées en France est inconnu du droit conventionnel et ne se retrouve pas dans la définition de l'établissement stable.

Cette dernière relève d'une approche synthétique de l'imposition des revenus dégagés par une entreprise. Le concept a été forgé dès la fin du XIXème siècle en Allemagne et en Autriche. Il permet d'imposer une activité réalisée en France par une société étrangère lorsque l'activité a pris une certaine consistance et s'exerce dans des conditions similaires à celle d'une entreprise française. L'article 7 de la Convention modèle OCDE (N° Lexbase : L6769ITU) précise que "les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé". Dans le contexte de la mondialisation marquée par une forte évasion fiscale, les Etats, pour s'assurer de la matière imposable, n'hésitent pas à démontrer l'existence d'établissements stables sur leur territoire. Les non déclarations de résultats par les sociétés étrangères sont sanctionnées par les juridictions administratives et les juridictions pénales (Cass. crim., 18 janvier 2017, n° 15-82.940, F-D N° Lexbase : A7052S93 ; Cass. crim., 14 mai 2003, n° 02-85.667 ; Cass. crim., 18 septembre 1997, n° 96-84.624, inédit au bulletin N° Lexbase : A5643CWW).

Le critère de l'établissement stable se subdivise en deux branches, "une installation fixe d'affaires et un agent dépendant".

Une installation fixe d'affaires : différentes catégories d'établissements stables sont répertoriées à l'article 5 de la Convention modèle OCDE. Cette liste n'est pas limitative. Un certain degré de permanence est nécessaire, ainsi qu'une activité effective.

C'est le critère retenu par les juridictions pénales et le tribunal administratif de Paris. En ayant une adresse et disposant de locaux au sein de la société B à Paris, la société britannique dispose d'une installation fixe d'affaires à partir de laquelle elle pouvait réaliser des ventes par correspondance en France. Pour pouvoir retenir cette définition, les juridictions pénales et le tribunal administratif de Paris ont estimé que le requérant était gérant de fait de la société britannique. La cour d'appel de Paris relève que le requérant était l'unique interlocuteur des fournisseurs. Il prenait en charge les relations avec les clients et assurait la maîtrise du cycle commercial complet. En outre, il était dirigeant de droit des principaux partenaires de la société britannique, à savoir la société C belge (stockage et expédition des commandes) et la société responsabilité des campagnes publicitaires.

A contrario, la cour administrative d'appel de Paris, en retenant le critère de l'agent dépendant, a estimé que la société britannique ne disposait pas d'un établissement stable en France. Le requérant ne disposait pas de pouvoirs exercés habituellement en France lui permettant de conclure des contrats au nom de la société. En conséquence, le requérant était déchargé du redressement d'impôt sur le revenu qui lui avait été infligé par l'administration des impôts.

Les juridictions pénales et les juridictions administratives ont retenu le critère de l'établissement stable à travers ses deux branches pour aboutir à un résultat diamétralement opposé et difficilement compréhensible pour le contribuable. Condamnation sur le plan pénal et décharge de l'impôt sur le plan fiscal. Cette décharge sur le plan fiscal n'a donc eu aucune conséquence sur le plan pénal.

II - Les réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel à propos de la règle non bis in idem et la jurisprudence de la Cour de cassation

Les suites de l'affaire "Cahuzac" ( le ministre fut traduit devant le tribunal correctionnel sur le fondement du délit de fraude fiscale), et de l'affaire "Wildenstein" (les héritiers avaient omis de déclarer lors de la succession une part importante du patrimoine laissé par le défunt et furent poursuivis aussi sur le fondement du délit général de fraude fiscale), ont conduit à la saisine du Conseil constitutionnel dans la cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les prévenus à propos du cumul des sanctions fiscales (CGI, art. 1729 N° Lexbase : L4733ICB) et des sanctions pénales de non-déclaration de sommes imposables (CGI, art. 1741 N° Lexbase : L9491IY8). La pénalisation de la fraude fiscale revenait ainsi au premier plan de l'actualité. Le Conseil constitutionnel a estimé que les sanctions fiscales et les sanctions pénales étaient complémentaires en matière de lutte contre la fraude fiscale. Elles sont déclarées conformes au principe de nécessité des délits et des peines avec des réserves d'interprétation. Le Conseil constitutionnel se refuse à donner une valeur constitutionnelle au principe non bis in idem.

Le cumul des sanctions fiscales et pénales ne doit pas excéder "le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues" (§ 8 de la QPC n° 2016-545 du 24 juin 2016). Deux autres réserves d'interprétation ont été retenues par le Conseil constitutionnel :

- la gravité de l'infraction qui justifie les poursuites pénales "ce principe impose néanmoins que les dispositions de l'article 1741 ne s'appliquent qu'aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l'impôt. Cette gravité peut résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention" ;

- l'abandon des poursuites pénales lorsque le contribuable a été déchargé de l'imposition par le juge de l'impôt au fond de l'affaire ("un contribuable qui a été déchargé de l'impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond ne peut pas être condamné pour fraude fiscale").

La Chambre criminelle (Cass. crim., 22 février 2017, n° 16-82.047, FS-P+B N° Lexbase : A2441TP4) a précisé que l'application combinée de l'article 1729 du CGI et de l'article 1741 du CG ne vise que les poursuites pénales pour dissimulation de sommes sujettes à l'impôt et non les omissions volontaires de souscrire une déclaration. En outre, l'engagement d'une procédure administrative sur le fondement de l'article 1729 du CGI doit être justifié.

Le Conseil constitutionnel n'avait retenu que la dissimulation de sommes sujettes à l'impôt car il avait été saisi uniquement sur ce cas de fraude fiscale dans le cadre des QPC "Wildenstein" et "Cahuzac". L'article 1741 vise trois autres cas : l'omission d'effectuer des déclarations dans les délais prescrits, les obstacles mis au recouvrement de l'impôt, notamment en organisant son insolvabilité, et enfin tout autre agissement frauduleux : se placer sous un régime fiscal indu (entreprises nouvelles par exemple). L'application de la réserve uniquement aux dissimulations de sommes sujettes à l'impôt si elle apparaît logique du fait de la non saisine du Conseil constitutionnel pour les trois autres cas laisse planer néanmoins un sentiment d'insatisfaction puisque les omissions de déclarations représentent une part non négligeable des poursuites pénales pour fraude fiscale. Dans la présente espèce, la Chambre criminelle confirme sa jurisprudence du 22 février 2017 mais apporte un élément important en précisant que la décharge de l'impôt devenue définitive devant le juge fiscal ne peut entraîner une relaxe sur le plan pénal uniquement en cas d'impôt identique. Les poursuites pénales visaient l'impôt sur les sociétés, alors que le redressement fiscal mis en place par l'administration des impôts, puis annulé par la cour administrative d'appel de Paris à l'encontre de l'intéressé, avait trait à l'impôt sur le revenu.

Il n'y a donc pas de sanctions pénales si le contribuable a été déchargé de l'impôt par une décision rendue sur le fond de l'affaire.

La CEDH (15 novembre 2016, n° 24130/11 et n° 29758/11 N° Lexbase : A9900SGR) a finalement admis le cumul des sanctions fiscales et pénales dans le cadre du droit norvégien en matière de fraude fiscale. Les procédures étaient imbriquées et la sanction pénale tenait compte de la sanction fiscale.

La CJUE (5 avril 2017, aff. C-217/15 et C-350/15 N° Lexbase : A6071UWR) a jugé aussi que l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux ne s'oppose pas à "une réglementation nationale qui permet de diligenter des poursuites pénales pour omission de verser la TVA, après l'infliction d'une sanction fiscale pour les mêmes faits, lorsque cette sanction a été infligée à une société ayant la personnalité morale tandis que les poursuites pénales sont engagées contre une personne physique".

Ces jurisprudences confirment que le cumul des sanctions fiscales et des sanctions pénales est possible et ne s'oppose pas au principe non bis in idem.

Par sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel a voulu préserver le caractère d'exemplarité du délit de fraude fiscale vis-à-vis de l'opinion publique face à deux affaires emblématiques.

La stigmatisation de la fraude fiscale se traduirait alors pleinement. Cependant, la complémentarité des sanctions fiscales et pénales invoquée par le Conseil constitutionnel masque en fait un cumul d'impositions qui n'ose dire son nom. Lorsque des pénalités pour manquement délibéré ou pour manoeuvres frauduleuses sont infligées, elles sont cumulables avec des poursuites pénales. Pourtant les agissements réprimés sont semblables. Dans le cas des pénalités pour manquement délibéré, le juge administratif vérifie le caractère volontaire des infractions commises qu'il peut puiser notamment dans l'importance des redressements effectués par rapport au chiffre d'affaires. Ces redressements résultent d'une minoration systématique des recettes ou d'une déduction des charges indues. La profession exercée par le contribuable : expert-comptable ou notaire renforce le caractère volontaire des infractions commises. Une recherche qui peut être rapprochée de celle de l'élément intentionnel par le juge pénal. Les manoeuvres frauduleuses en droit fiscal traduisent une fraude sophistiquée qui s'opère par le biais de montages agressifs ou astucieux et l'utilisation d'opérations fictives. Les agissements poursuivis en droit fiscal et en droit pénal présentent donc la même configuration. La solution réside, maintenant que l'amende pénale a été substantiellement relevée (un nouveau relèvement de cette dernière est parfaitement envisageable) de faire un choix entre les sanctions fiscales et les sanctions pénales. Les règles en la matière seraient clairement établies, des décisions contradictoires ne seraient plus rendues et le sentiment de frustration du contribuable disparaîtrait.

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