La lettre juridique n°708 du 27 juillet 2017

La lettre juridique - Édition n°708

Ohada

[Doctrine] La saisie des droits d'associés et des valeurs mobilières dans le droit uniforme OHADA

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N9000BWA

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par Yaya Bodian, Agrégé des facultés de droit, Directeur du Centre de Recherche, d'Etude et de Documentation Sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA)

Le 27 Juillet 2017

L'analyse des dispositions de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution (AURVE) (N° Lexbase : L0546LGC) autorise deux interrogations. La première consiste à savoir s'il est possible d'envisager la saisie des droits d'associés émis par les sociétés de personne eu égard au caractère intuitu personae qui prévaut dans ce type de sociétés commerciales et aux groupements dépourvus de personnalité morale. La seconde interrogation s'attache aux valeurs mobilières, surtout lorsqu'elles sont dématérialisées. La saisie de ces valeurs mobilières résoudra-t-elle les difficultés découlant de l'identification des teneurs de comptes ? Introduction

Trop de biens ne devrait pas nuire ; en tout cas pas au créancier saisissant ! Telle devrait être la devise des créanciers en quête de recouvrement de ce qui leur est dû. Il est tout aussi vrai que la consistance du patrimoine du débiteur n'étant pas facile à apprécier, le droit de recouvrer ce qui lui est dû, comme l'écrivait un illustre professeur, risque de s'en trouver bien limité (1) au point de prendre les allures d'une sorte de droit ne pas payer ses dettes ! Cette image se rapproche de la réalité des patrimoines de nos jours, lorsqu'il faudrait les apprécier en tenant compte des droits du débiteur qu'il tient en qualité d'associé.

Le droit uniforme des voies d'exécution n'est malheureusement pas d'un secours adéquat pour le créancier saisissant les droits d'associés et les valeurs mobilières de son débiteur. L'emploi simultané des concepts de valeurs mobilières et de droits d'associés, ajouté à la pauvreté des textes, ne fait que rendre la tâche plus ardue à ce malheureux créancier dont le seul espoir repose sur ces titres.

Les difficultés de réalisation de la saisie s'apprécient en effet en tenant compte de la spécificité de certains groupements d'affaires, considérés comme marqués par la prise en compte de la personne des associés et à l'égard desquels la mise en oeuvre des saisies peut susciter bien des réflexions.

L'on ne manquera certainement pas de se demander ce qu'une réflexion sur la saisie des droits d'associés et des valeurs mobilières peut bien apporter de plus. D'éminents auteurs ont eu en effet à réfléchir sur ce sujet en abordant certaines problématiques susceptibles d'être envisagées, notamment dans le contexte du droit français (2).

L'ambition nourrie dans cette réflexion sera ainsi très modeste. Il ne s'agira pas de procéder à une présentation détaillée et méthodique des différentes saisies qui peuvent être mises en oeuvre pour appréhender les droits que le débiteur détient sur ces catégories de biens assez particuliers.

La réflexion procède d'une analyse de la possibilité, pour un créancier, d'appréhender les droits d'un associé pour le recouvrement de ce qui lui est dû. Elle a la particularité de mettre en relation les dispositions de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution avec le droit uniforme des sociétés commerciales (3).

A priori, cette réflexion aboutit à conclusion que le droit uniforme ne résout pas certaines difficultés déjà rencontrées, notamment en droit français, en ce qui concerne la saisie des droits d'associés.

Il faut du reste préciser que la réglementation applicable aux valeurs mobilières ne procède pas exclusivement du droit uniforme OHADA. Elle fait partie de ces matières dont certains aspects font l'objet d'une réglementation spécifique, en l'espèce par le Conseil régional de l'épargne public et des marchés financiers (CREMAF).

Les droits d'associés et les valeurs mobilières renvoient à des réalités multiples et complexes à cerner (4), résultant de la réforme du droit uniforme des groupements d'affaires (5).

L'on peut ainsi s'interroger sur le contenu des concepts de "droits d'associés" visés, notamment par le droit des voies d'exécution. Ne recouvre-t-il pas la notion de valeurs mobilières ? Autrement dit, ces valeurs ne constituent-elles pas des droits reconnus aux associés ou à certains d'entre eux ?

Au sens large, en effet, un associé est une personne qui est membre d'une société et qui, en contrepartie d'un apport, reçoit des droits sociaux ou titres sociaux représentant ses droits au sein de cette société : droit de vote, droit au dividende, droit au boni de liquidation, etc.. Au regard de l'article 4 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique (AUSCGIE) (N° Lexbase : L0647LG3), les associés conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. La distinction entre ces concepts de droits d'associés et de valeurs mobilières est néanmoins nécessaire à tout le moins pour tenir compte du statut des groupements de personnes.

Les droits d'associés correspondent dès lors aux droits détenus par les associés dans les sociétés de personnes et les valeurs mobilières aux titres qui, selon l'article 744, alinéa 2, de l'AUSCGIE, "confèrent des droits identiques à une quotité du capital de la société émettrice, ou à un droit de créance général sur son patrimoine". Les parts sociales émises par les SARL devraient relever de la première catégorie, en raison de l'importance de l'intuitu personae qui affecte leur régime.

La distinction est opportune ; elle permet d'aborder la saisie de ces biens de manière à faire ressortir des problématiques différentes, selon que cette saisie vise à appréhender les parts sociales ou les valeurs mobilières. La réflexion permet de s'interroger sur la question de savoir si la nature de la saisie peut être différente selon qu'elle porte sur les parts sociales ou les valeurs mobilières du débiteur. En fonction de la nature de ces biens dont la saisie est envisagée, les effets de celle-ci peuvent également être différents.

Certes, la question de la saisissabilité des parts sociales ne se pose plus. Elle est tranchée par le législateur communautaire qui "a admis la possibilité de pratiquer une saisie non seulement sur les valeurs mobilières, mais aussi sur les parts sociales" (6). L'expression "parts sociales" n'est visée, certes, que de manière indirecte (7) au sujet des mentions de l'acte de saisie. Mais il y a, en plus, la référence, souvent faite dans l'Acte uniforme relatif aux voies d'exécution, à la saisie des droits d'associés.

Des interrogations subsistent cependant au sujet des mesures visant à la réalisation de l'exécution forcée. La nature de certains groupements ou de certains titres sociaux suscite parfois des doutes sur le type de saisie ou les modalités requises en matière de saisies.

Malgré un tel doute, l'on peut se hasarder à mener la réflexion en s'attachant à certains éléments qui permettent de confronter le droit des saisies au statut des groupements émetteurs (I) ; et on pourrait procéder au même exercice par rapport aux droits appréhendés par le créancier poursuivant (II).

I - La saisissabilité et le statut des groupements émetteurs

Les droits d'associés sont émis par des groupements dont le statut peut être marqué par la prise en compte, plus ou moins importante, de la personne de ses membres.

L'analyse combinée des dispositions de l'AURVE et celles de l'AUSCGIE conduit, au moins, à s'interroger sur la saisissabilité des droits d'associés ou parts sociales (8) d'une part (A) et, d'autre part, sur l'incidence du statut du groupement émetteur sur la saisie elle-même (B).

A - La saisissabilité des droits d'associés émis par les sociétés de personnes

Le droit uniforme des sociétés commerciales joue la même partition que celui des voies d'exécution, ce qui contribue à mieux les articuler, notamment au sujet de la possibilité de saisir ou de nantir les parts des sociétés de personnes. Les deux textes optent en effet pour la saisissabilité des "droits d'associé", expression certainement choisie de façon calculée. Telle que formulée en effet, l'on pourrait voir dans cette nuance la permission de saisir des droits d'associé dans une société en participation, voire dans une société créée de fait. L'absence de personnalité morale, dans ces types de groupements d'affaires, doit-elle constituer un obstacle à la saisie ? De prime abord, la réponse est négative. Le problème résiderait plutôt au niveau des formalités de la procédure de saisie.

Dépourvue de la personnalité juridique, la société en participation émet-elle des parts sociales ? Rien ne semble a priori s'opposer à une réponse positive (9). Il apparaît des dispositions de l'Acte uniforme relatif au droit des groupements d'affaires que les associés jouissent de droits d'associés, qui comportent diverses prérogatives. L'article 855 de l'AUSCGIE envisage en ce sens l'émission de droits d'associés, dans ce type de société, lorsqu'il prévoit que "les associés conviennent librement de l'objet, de la durée, des conditions de fonctionnement, des droits d'associés, [...] sous réserves de ne pas déroger aux règles impératives des dispositions communes aux sociétés [...]". Cette disposition nous conduit à admettre que la société en participation peut bien émettre des parts sociales. La question se pose alors de la saisissabilité de ces parts et ; notamment des formalités requises pour la mise en oeuvre de la saisie.

La saisissabilité de certains droits d'associés, qui sont aussi strictement personnels à leur titulaire, suscite des interrogations. La question peut être posée de savoir si les parts sociales représentant un apport en industrie (10) constituent des droits d'associés, saisissables.

La réponse semble également affirmative au vu des termes de l'Acte uniforme qui envisage les droits d'associés sans distinction. On sait qu'il est un principe de droit non écrit qu'on ne peut distinguer, là où la loi ne distingue pas. La notion de droit d'associé, utilisée par l'Acte uniforme, doit être entendue de manière large à défaut de précision contraire.

Il y a cependant une objection majeure : l'article 50-4 de l'AUSCGIE dispose que "les titres sociaux résultant d'apports en industrie ne sont ni cessibles ni transmissibles". Ces droits étant incessibles ils ne devraient donc pas être saisissables ; la saisie s'analysant en effet comme une cession forcée. Dans ce cas, seuls les produits de ces parts devraient être saisissables. Reste à savoir si la saisie à mettre en oeuvre sera la saisie des rémunérations du travail ou la saisie-attribution (11).

Lorsque la saisie est opérée, l'associé saisi ne va perdre sa qualité d'associé à l'égard des tiers qu'à partir du moment où la publicité de la cession sera complètement réalisée. Il s'agit à travers cette mesure de protéger les tiers qui ne sont censés connaître la perte de la qualité d'associé qu'à compter de la publication.

S'il est personnellement tenu au passif de la société, son obligation de couverture des dettes sociales cessera à ce moment, alors que subsistera l'obligation de régler les dettes antérieures à son départ.

En outre, le démembrement d'une part sociale a pour conséquence de mettre l'usufruitier à l'abri de la saisie, dans la mesure où il n'a pas la qualité d'associé. De plus, le droit de l'indivision interdit aux créanciers personnels des indivisaires de saisir les parts indivises, qui ne sont à la portée que des créanciers de l'indivision. On peut transposer ces dernières solutions au cas des valeurs mobilières.

A - L'incidence du statut de l'émetteur sur la procédure de saisie

Une objection de nature technique à la saisie des droits dans une société en participation peut être soulevée. En effet, l'on voit mal comment mettre en oeuvre l'article 236 de AURVE, qui impose de saisir "auprès de la société", alors que celle-ci n'a pas la personnalité morale, elle n'existe pas en tant que personne morale.

La mise en oeuvre de la saisie ne peut donc se faire que si l'on oublie quelque peu les termes du texte, pour trouver des équivalents : on pourrait ainsi envisager de procéder à la saisie soit auprès du gérant de la société en participation, soit auprès de chaque associé. Dans cette hypothèse et en raison du caractère occulte d'une telle forme de groupement, il y a lieu de veiller à connaître l'un et les autres, pour espérer obtenir quelque chose d'une telle poursuite.

L'efficacité de la saisie pourrait également être affectée dans lorsque l'on envisage une situation quelque peu différente, celle où la saisie des droits d'associés et valeurs mobilières n'est envisagée que de manière subsidiaire, lorsque un créancier social se heurte à la défaillance de la société débitrice dans laquelle les associés sont solidaires tenus du passif social. En effet, le créancier ne disposant en principe que d'un titre exécutoire à l'égard de la société, peut-il sur ce fondement envisager de poursuivre les associés pour la dette contractée par la société ? Il nous semble que cette poursuite se heurtera à l'obstacle résultant de l'absence d'indication du nom du débiteur dans le titre exécutoire qui constitue une condition à la régularité de la saisie (12). Certes, la saisie des droits d'associés est pourra dans ce cas être dirigée contre les associés pour les droits qu'ils détiennent dans la société, mais à la condition que le créancier soit nanti d'un titre exécutoire contre l'associé. Toute exécution forcée implique, en effet, que le créancier soit nanti d'un titre exécutoire à l'égard de son débiteur dont les droits d'associés (ou les valeurs mobilières) sont saisis.

La question fait penser au cas des dettes sociales, dans une société en nom collectif lorsque, après mise en demeure restée infructueuse, le créancier désire poursuivre un associé. Lorsqu'il envisage d'appréhender ces biens, il faudrait, dans ce cas, qu'il veille à se munir d'un titre exécutoire contre cet associé ; le seul titre émis contre la société ne saurait suffire.

La jurisprudence française considère que le titre délivré à l'encontre de la société n'emporte pas le droit de saisir les biens des associés, même lorsque ceux-ci sont tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales, à défaut d'un titre exécutoire émis contre eux (13). A ce sujet, droit uniforme des sociétés et droit uniforme des voies d'exécution se séparent, à tout le moins momentanément (14).

La question pourrait par ailleurs se poser dans le cadre des groupes de sociétés. Il s'agira dans cette hypothèse de rechercher l'incidence éventuelle de la saisie des droits détenus par la société mère sur sa filiale ou dans le cadre des participations réciproques (15). Il est normal que la saisie soit faite entre les mains de la filiale selon les termes de l'article 231 de l'AURVE. Aux termes de l'article 179 de l'AURVE, "une société est une société mère d'une autre société quand elle possède dans la seconde plus de la moitié du capital. La seconde société est la filiale de la première". La saisie des droits de la société mère, notamment lorsqu'elle est l'associé unique, devrait conduire à la rupture du lien de filiation ou, tout au moins, à une redistribution du pouvoirs, lorsque la saisie ne porte que sur une partie des droits sociaux ou lorsque la société mère n'est pas associée unique (16).

Ces difficultés de mise en oeuvre des voies d'exécution, suscitées par le statut des groupements d'affaires, se prolongent pour concerner également la saisie des valeurs mobilières.

II - La saisissabilité et la nature particulière des valeurs mobilières

En principe, ce sont les sociétés par actions qui sont habilitées à émettre des valeurs mobilières dans les conditions prévues afin de garantir une meilleure transparence financière pour les souscripteurs. Il résulte de l'article 58 de l'AUSGIE que "les sociétés par actions émettent des titres négociables". L'émission de ces titres est interdite pour les autres sociétés.

Selon l'article 741-1 de l'AUSCGIE, quelle que soit leur forme, les valeurs mobilières doivent être inscrites en compte au nom de leur propriétaire, ce qui est problématique pour le créancier saisissant.

A - La problématique de la dématérialisation des valeurs mobilières

L'obligation d'inscrire en compte les valeurs mobilières est une innovation de taille. Elle conduit à dématérialiser toutes les valeurs mobilières et quel que soit leur objet, et s'inscrit certainement dans la logique de l'article 111, alinéa 2 du Règlement général du Conseil régional de épargne publique et des marchés financiers (CREMAF).

Ce texte exige, à compter de l'application du Règlement général, que toutes les nouvelles émissions et les titres cotés à la Bourse régionale des valeurs mobilières soient dématérialisés et conservés chez le Dépositaire central/Banque de règlement (17).

Les valeurs mobilières peuvent être soit matérialisées par un document appelé certificat d'actions, soit traduites par une inscription en compte ouvert auprès d'un établissement habilité.

L'établissement teneur des comptes titres est souvent différent de la société émettrice pour sauvegarder l'anonymat que confèrent, notamment les titres au porteur. Il est ainsi possible, dans ce cas, de recourir à plusieurs établissements intermédiaires dans la tenue des comptes titres de sorte à renforcer la préservation de l'anonymat.

Lorsque le titre est en forme nominative matérialisée par un certificat, la société tient un registre dans lequel sont inscrites l'identité du propriétaire ainsi que les références des titres détenus. Ce registre constitue la base légale du transfert de propriété du titre entre le cédant et le cessionnaire.

L'inscription en compte ne constitue pas un simple moyen de preuve ou une simple mesure d'opposabilité ou de publicité. Elle doit être considérée comme la valeur mobilière, ce qui conduit à envisager la saisie auprès de l'établissement tiers, teneur de compte. La dématérialisation ne semble pas cependant avoir changé la nature du droit entre l'émetteur et le titulaire d'un titre inscrit en compte. Ce dernier dispose à l'encontre de la société émettrice d'un droit de créance pour les titres de créance, ou d'associé pour les titres de capital. Un lien direct est maintenu entre les titulaires de titres et l'émetteur, que les titres soient détenus directement ou par l'intermédiaire d'un établissement teneur de compte.

C'est toutefois la question de la nature du droit du titulaire de compte à l'encontre de son teneur de compte conservateur qui peut se poser : droit réel ou droit personnel.

La qualification de l'inscription en compte de droit réel semble faire l'objet d'un consensus. C'est ainsi que René Roblot écrivait : "Le titulaire n'a pas réellement seulement contre l'émetteur ou l'intermédiaire habilité un droit de créance qui assujettit le teneur de comptes à un certain nombre d'obligations rigoureuses. Il a, par la valeur représentée par l'inscription, un droit qui se rattache à la catégorie des droits réels, par les pouvoirs qu'il confirme en vue de son utilisation directe et immédiate et par son opposabilité absolue" (20).

Dans ce contexte de dématérialisation, le créancier poursuivant le recouvrement forcé devra être suffisamment informé, notamment sur les droits de son débiteur à l'égard de la société ou de ses mandataires, pour mettre en oeuvre, de manière utile, des mesures d'exécution forcée.

B - La détermination de la mesure d'exécution appropriée : saisie-attribution ou saisie-vente ?

La mise en oeuvre de la saisie ne pose aucune difficulté particulière, lorsque les titres sont gérés par la société émettrice qui tient les comptes titres. Il suffira de procéder à la saisie entre les mains de la société. Encore qu'à ce sujet apparaît une originalité de la saisie des droits d'associés et des valeurs mobilières. Cette saisie est notifiée, non pas à l'associé, débiteur du créancier poursuivant, mais à la société.

Elle fait intervenir un tiers entre les mains duquel est procédée la saisie. C'est ce qu'exige l'article 236 qui dispose que la saisie est effectuée auprès de l'émetteur. L'intervention de celui-ci s'explique par le fait que la saisie ne vise à affecter que les droits pécuniaires attachés aux titres sociaux. Ce qui suscite une hésitation sur le point de savoir si c'est la saisie-vente ou la saisie attribution qui sera mise en oeuvre.

A priori, l'Acte uniforme n'envisage de manière spécifique que la saisie qui aboutit à la vente des titres sociaux. L'on songe à l'hypothèse où le créancier souhaite appréhender, non pas les titres sociaux, mais les dividendes auxquels ils donnent lieu. Cette possibilité aurait pu être envisagée par l'Acte uniforme, qui réduirait les conséquences de la saisie sur la propriété des titres sociaux.

La tentation est grande pour la saisie des obligations. En effet, les valeurs obligataires sont des "titres représentatifs de créance" ; or il s'agit clairement de créances de somme d'argent. Par conséquent, la tentation peut exister de pratiquer sur elles non une saisie-vente de valeurs mobilières, mais une saisie-attribution, qui, comme chacun sait, est beaucoup plus efficace (21).

La question est fondamentale, car elle revient à se demander si l'obligation est distincte de la créance qu'elle représente. Récemment, un auteur faisait valoir que la dématérialisation avait corrompu la notion de titre, et rapproché les valeurs mobilières des créances (22). Il reste cependant incontestable que les valeurs mobilières demeurent soumises à un régime de cession simplifié qui leur est particulier.

La saisie risque également de se heurter à des difficultés, lorsque les titres sont gérés par un mandataire de la personne morale émettrice. Il faudra identifier celle-ci avant de procéder à la saisie. Le choix du mandataire teneur de compte étant libre, cette identification peut s'avérer difficile d'autant que celui-ci peut confier à un autre mandataire la tenue des comptes. Les difficultés sont particulièrement importantes relativement aux titres au porteur.

En effet, l'anonymat est une arme qui peut s'avérer déloyale (23). Si les titres sont au porteur, il est prévu que la saisie devra s'effectuer auprès de l'intermédiaire financier en charge de leur conservation et gestion. Or, cette procédure est quasi impossible à mettre en pratique en raison de l'anonymat des titres et de la difficulté à identifier les teneurs de comptes, et la société émettrice ne peut davantage renseigner le créancier puisqu'elle ignore les titulaires et les gestionnaires des titres au porteur (24).

L'Acte uniforme sur les voies d'exécution ne met aucune obligation spécifique d'information à la charge de la société émettrice (25). Il appartiendra dès lors à l'huissier de justice d'effectuer les éventuelles recherches. Ces recherches seront d'autant plus délicates que la désignation d'un mandataire n'est pas non plus soumise à une publication au Registre du commerce et du crédit mobilier.

Certes, l'on pourrait envisager l'application de l'article 38 de l'AURVE pour faire peser sur la société émettrice une obligation de concours dont la sanction est assez dissuasive. Encore que, sur cette question, une décision de justice semble donner une lecture critiquable de l'article 38 (26).

La saisie doit être signifiée directement au mandataire comme l'exige l'article 236 de l'AURVE et l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires de l'associé (27).

Mais la mise en oeuvre de la saisie-vente devrait conduire à la vente des titres sociaux (28). L'adjudicataire se trouvera certainement dans une situation moins favorable que celle d'un cessionnaire proposé par un associé. Sa situation sera marquée par le fait qu'il ne peut pas négocier avec le vendeur et obtenir, notamment, une garantie de passif ou d'actif; il ne peut que se fier à l'information qui lui est délivrée ; tout au plus sera-t-il créancier d'une obligation de non-concurrence à l'égard du débiteur saisi, dans la mesure où celle-ci peut peser sur un associé. En revanche, si son admission lui est refusée notamment en vertu d'une clause d'agrément ou d'un pacte de préférence, l'adjudicataire se verra évincé (29), il aura au moins été informé du risque qu'il court en raison de l'insertion de la clause dans le cahier des charges.

Etant donné les risques que présente la situation de l'adjudicataire -lenteurs, incertitudes, difficultés de procédure -, on peut penser que les candidats à une telle acquisition ne seront guère nombreux ; l'activité économique a besoin de sécurité et de rapidité... Que se passera-t-il si aucun enchérisseur ne se présentait ?

Aucune disposition n'oblige le créancier saisissant à acquérir lui-même à sa mise à prix. Il pourra éventuellement organiser une nouvelle vente forcée, à des conditions certainement moins élevées. Le risque de ne trouver aucun acquéreur pour des parts minoritaires est tout à fait réel, et peut conduire à abandonner la poursuite.

Ces obstacles qui se dressent sur la route de l'adjudicataire sont de nature à dissuader les créanciers de provoquer une vente forcée des parts ; la crainte de saisir des biens invendables protège le débiteur (30)... à moins que le recours à la saisie-attribution lui apparaisse salutaire !

Lorsque la mesure d'exécution est une saisie-attribution (31), la question récurrente va nécessairement se poser. Il s'agira en effet de savoir si la notification de la saisie-attribution, lorsque le créancier l'utilise pour appréhender les droits de son débiteur, aura pour effets d'affecter les droits pécuniaires que l'associé devrait percevoir ultérieurement à la saisie.

Autrement dit, la saisie-attribution, qui a un effet attributif immédiat, a-t-elle pour conséquence de faire entrer dans le patrimoine du créancier, la créance à exécution successive, portant sur les droits pécuniaires du débiteur associé ? Cette question renvoie à la date de naissance de la créance de dividendes. Si l'on estime que la créance de dividende nait au fur et à mesure que ceux-ci seront distribués, il est certain que la saisie-attribution ne peut permettre d'appréhender la partie des dividendes postérieurement dus.

Par contre, si l'on considère que cette créance naît de manière globale avec les droits d'associés, la solution sera plus intéressante pour le créancier. Celui-ci pourra se faire attribuer, sans concours et sans subir d'éventuels effets de l'ouverture d'une procédure collective, du fait de la saisie, les droits pécuniaires à verser successivement au débiteur. L'on considère que la saisie-attribution signifiée avant l'ouverture d'une procédure collective, produit ses effets même à l'égard des dividendes à verser postérieurement. Il faut néanmoins reconnaitre que cette analyse présente plus d'intérêt pour le droit des obligations.

La réflexion sur la saisie des droits d'associés et des valeurs mobilières se nourrit encore des idées développées par des auteurs (32). Elle présente des intérêts certains lorsqu'elle est posée dans le contexte du droit uniforme OHADA. Il s'agira de savoir, dans la mise en oeuvre de ce droit, quelle peut être la date de naissance des créances à exécution successive (33), notamment dans la perspective d'une plus grande efficacité des voies d'exécution.


(1) Jacques Mestre, Le droit pour le créancier de recouvrer son dû... et ses limites, RTDCiv., 1990, p. 477.
(2) Voir, par exemple : E. Putman, La saisie des droits d'associés et des valeurs mobilières, JCP éd. G., 1993, I, 3689 ; M-L. Coquelet, Mesures d'exécution forcées sur valeurs mobilières et droits d'associés, JurisClasseur Banque-Crédit-Bourse, 2004, fasc. 2121.
(3) S. Thomasset-pierre, La coexistence réussie du droit des sociétés et des nouvelles procédures civiles d'exécution, JCP éd. E, 1995, I, 467.
(4) Cf. E. Putman, précité, n° 16.
(5) On peut remarquer que la réforme a été riche en innovations relatives aux valeurs mobilières. Elle a notamment introduit de manière spécifique les notions d'action de préférence (articles 778-1 à 778-15) ou de valeurs mobilières composées (articles 822-1-822-21).
(6) N. Diouf, Commentaires de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, introduction au Titre VII relatif aux dispositions particulières à la saisie des droits d'associés et des valeurs mobilières, Recueil OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, 4ème Juriscope, 2014, p. 1087.
(7) AUSCGIE, art. 237, 5°.
(8) Cette assimilation est partagée par des auteurs ; voir en ce sens P. Le Cannu, Saisie -vente des droits d'associé et des valeurs mobilières non cotées, Bull. Joly, 1992, p. 1275.
(9) Certains auteurs sont d'avis contraire, estimant qu'une telle société n'émet pas de parts sociales.
(10) La réforme du droit uniforme des sociétés commerciales a permis de remédier aux insuffisances de la réglementation des apports. L'article 40 AUSCGIE a ainsi été reformulé pour préciser la notion d'apport en industrie qui est constitué "des connaissances techniques ou professionnelles ou des services" que l'associé apporte à la société. Cette définition semble plus précise que celle antérieure qui ne visait l'"apport de main d'oeuvre". Elle reste cependant restrictive en ce qu'elle exclue la possibilité d'effectuer d'autres types d'apports.
(11) La saisie des rémunérations ne semble pas possible à mettre en oeuvre d'autant que l'associé en industrie n'est pas un travailleur au sens de la législation sociale. Seule la saisie-attribution s'impose au créancier.
(12) Cette condition est sous entendue dans l'article 31 de l'AURVE qui dispose que "l'exécution forcée n'est ouverte qu'au créancier justifiant d'une créance certaine, liquide et exigible".
(13) Cass. civ. 2, 19-05-1998, n° 96-12.944, P+B (N° Lexbase : A2660ACI), Bull. Joly, 1998, p. 1182, note J.-J. Daigre.
(14) Le droit uniforme des sociétés commerciales est plus rigoureux que celui des voies d'exécution à l'égard de l'associé tenu indéfiniment et solidairement.
(15) Sur les problèmes posés par les groupes de sociétés, voir Abdoulaye Sakho, Les groupes de sociétés en Afrique (Droit, pouvoir et dépendance économique), Kartala, CRES, 2010, pp.77 à 138 et ss.
(16) Les difficultés peuvent aboutir à la dissolution de la société filiale en raison de la considération plus ou moins importante de la personne des associés.
(17) La désignation du dépositaire central/banque de règlement a fait l'objet de contestations par les banques qui se voient devoir partager avec cette structure la tenue des comptes de titres. C'est pourquoi, sur instruction du CREMAF, les banques ont été habilitées à tenir des comptes titres (Instruction de 1998).
(18) En ce sens, P. Le Cannu, Droit des sociétés, Montchrestien 2002, n° 1033, p. 621.
(19) Une tendance de la doctrine a soutenu que ce droit pouvait être considéré comme un droit personnel. Cette thèse constate que, à la suite de la dématérialisation, le titre a disparu et avec lui l'idée d'incorporation du droit dans le titre et de propriété de titres. Selon cette thèse, l'inscription ne serait pas un meuble corporel susceptible de propriété et de possession. Dans ce même courant de pensées, les droits constitués par les titres sont des droits de nature personnelle qui ne peuvent pas faire l'objet de propriété ou de dépôt.
(20) R. Roblot, La dématérialisation des valeurs mobilières, n° 185/1994, nos 1 et suiv..
(21) On pourrait néanmoins objecter qu'il ne s'agit plus d'une saisie de droits d'associé, mais simplement d'une saisie de créance, ce qui excéderait les termes du sujet.
(22) D. R. Martin, Du titre et de la négociabilité (à propos des pseudo-titres de créance négociables), D., 1993, Chron., p. 20.
(23) Cf. par Marie-Anne Frison-Roche, Pourquoi existe-t-il encore des titres au porteur ?, JCP éd. E, n° 12, 24 mars 1994, 344.
(24) Cette crainte doit être relativisée, notamment avec l'existence de titres au porteur identifiables.
(25) Il résulte simplement de l'article 237 6) que l'acte de saisie doit contenir, à peine de nullité "la sommation de faire connaitre, dans un délai de 8 jours, l'existence d'éventuels nantissements ou saisies et d'avoir à communiquer au saisissant copie des statuts".
(26) Dans une ordonnance inédite, un juge TGI de Dakar, statuant sur les difficultés d'exécution, se refuse à condamner aux causes de la saisie, dès lors que les sommes appréhendées par la saisie et détenues par le tiers saisi seraient largement inférieures au montant de la créance.
(27) AURVE, art. 239. Les droits d'associé autres que les droits pécuniaires ne sont dès lors pas atteints par l'indisponibilité. Aussi, est-il important de faire la différence entre droits pécuniaires et droits non pécuniaires.
(28) L'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution envisage la saisie-vente des droits d'associés et valeurs mobilières, sans toutefois exclure la possibilité d'user d'une saisie-attribution.
(29) L'article 241 de l'AURVE dispose cependant que "les conventions instituant un agrément ou créant un droit de préférence au profit des associés ne s'imposent à l'adjudicataire que si elles figurent dans le cahier des charges". Il s'y ajoute que, selon l'article 244 de l'AURVE, "les éventuelles procédures légales et conventionnelles d'agrément, de préemption ou de substitution sont mises en oeuvre conformément aux dispositions propres à chacune d'elles".
(30) Ces handicaps ne devraient pas exister lorsque les droits saisis sont négociables sur un marché organisé.
(31) Dans ce cas toutefois, il n'agira plus d'une saisie de droits d'associés ou de valeurs mobilières, mais d'une simple saisie de créances de sommes d'argent.
(32) A. Bikek Mbang, La saisie des droits d'associés et des valeurs mobilières de la législation OHADA : une réforme inadaptée au droit des sociétés commerciales, Penant n° 886, 2013, Doctr., p. 5.
(33) Cette problématique a suscité d'intéressantes réflexions en droit français. Cf. notre Thèse, La situation de l'Etat dans les procédures civiles d'exécution, UCAD, 2012, p. 170 et ss..

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Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Construire une Force Solidaire : rencontre avec Christiane Féral-Schuhl, candidate à la présidence du CNB

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 27 Juillet 2017

Bâtonnier de Paris en 2012 et 2013, Christiane Féral-Schuhl exerce, depuis près de 30 ans, dans le secteur du droit de l'informatique, des nouvelles technologies, des données personnelles et de la propriété intellectuelle, dont elle est un acteur reconnu. Alors que le Conseil national des barreaux devra choisir fin 2017 le ou la présidente à même de conduire pendant trois années des projets d'envergure nationale, Christiane Féral-Schuhl, qui doit d'abord être élue sur la liste du collège ordinal Paris (1), est candidate à cette élection. Lexbase : Qu'est-ce qui vous motive à présenter votre candidature à cette élection à la présidence du CNB ?

Christiane Féral-Schuhl : Je considère que les cinq prochaines années seront décisives pour notre profession. La nouvelle donne politique au niveau national, les projets portés par notre Président de la République vont radicalement impacter la vie professionnelle des avocats. Je veux voir dans cette nouvelle ère qui s'ouvre, un champ de nouvelles opportunités pour notre profession.

L'un de mes tous premiers objectifs est de faire en sorte que, nous, avocats, devenions des acteurs clé de l'innovation.

Nous avons la compétence et la légitimité pour développer des outils innovants au service des justiciables. Si certaines start-up ont su, avant nous, se positionner sur ce terrain, nous pouvons faire bien mieux, tout simplement parce que nous avons l'expertise et le savoir-faire. Le CNB peut fédérer les 65 000 avocats autour de projets innovants pour leur permettre de proposer de nouveaux services au bénéfice de leurs clients, voire de leurs confrères.

Je souhaite également que les avocats soient plus que jamais au coeur de la Justice du XXIème siècle, qu'ils soient des interlocuteurs incontournables des autorités publiques dans tous les projets de justice numérique actuellement à l'ordre du jour. N'oublions pas que l'avocat est à la fois le garant des droits des justiciables et le partenaire privilégié des juridictions.

En parallèle, il est indispensable que le CNB s'impose comme protecteur des avocats, tout particulièrement pour aider les jeunes avocats à trouver leur place dans la profession ou encore pour lutter sans relâche contre les inégalités et les discriminations. Il doit également continuer à affirmer le rôle central de l'avocat comme défenseur des droits et libertés et promoteur du droit continental.

Lexbase : Comment proposez-vous d'aider l'avocat à prendre sa place dans la société du numérique ? Dans cette Justice du XXIème siècle ?

Christiane Féral-Schuhl : Pour déployer efficacement une stratégie de l'innovation, il faut des moyens concrets. On observe beaucoup de réalisations innovantes, à l'initiative de barreaux, de syndicats, d'associations, d'avocats individuels... Le CNB doit permettre de mutualiser ces initiatives, ces savoir-faire au bénéfice de tous, les mettre en lumière, relayer et aider à leur déploiement. Concrètement, il faut faciliter le financement de ces projets. Le CNB pourrait négocier avec la BPI, voire avec des banques qui pourraient accompagner ces initiatives.

Par ailleurs, il faut insuffler un véritable esprit d'innovation au sein de notre profession. Cela pourrait commencer par la création, au sein du CNB, d'un "laboratoire de l'innovation" pour tester des nouveaux outils ou encore diffuser les méthodes innovantes provenant de cabinets-pilotes ? Dans l'immédiat, il faut former, sensibiliser, accompagner, convaincre...

Nous avons besoin de toutes les bonnes volontés pour accompagner le changement qui s'impose.

Lexbase : La justice prédictive s'annonce comme incontournable. Ne pensez-vous pas qu'elle va réduire le champ d'intervention des avocats ?

Christiane Féral-Schuhl : La justice prédictive, c'est la capacité d'analyse au moyen de l'intelligence artificielle, de données (décisions judiciaires notamment) permettant d'anticiper l'issue d'un litige. Aujourd'hui, nous conseillons, analysons nos dossiers à partir de la jurisprudence publiée. L'open data, en donnant accès à toute la jurisprudence, offre des capacités nouvelles et des possibilités immenses. Des algorithmes, à partir de mots clés, vont pouvoir traiter des millions de données accessibles à tous.

Mais les statistiques ne permettent pas de tout prévoir et la justice robotisée a des limites qu'il nous appartient de mettre en avant. A nous de veiller à ce que la justice reste toujours "humaine".

La justice prédictive, si nous en gardons la maîtrise, peut devenir un axe de développement de notre profession. Elle doit permettre à l'avocat de se placer au coeur du dispositif pour au moins trois raisons.

D'abord, nous sommes les premiers contributeurs de ces bases de données gigantesques. C'est nous, par nos écritures, qui alimentons, avec les magistrats, les décisions. C'est à nous de donner l'impulsion pour rester maîtres du jeu. C'est maintenant qu'il faut le faire, d'autant que cela pourrait constituer une source de revenus importants pour notre profession.

Ensuite, rien ne remplacera l'expertise et la valeur ajoutée d'un avocat car celui-ci est seul à même d'analyser le résultat, de mesurer le risque et de conseiller son client, avec toutes les garanties du secret professionnel. Cela ne changera pas et il faut le rappeler.

Enfin, si la justice prédictive permet de développer de formidables outils au profit des magistrats et des avocats, en aucun cas ces outils ne doivent constituer une intrusion dans la vie privée des justiciables. Cette règle justifie à elle seule que les algorithmes soient maîtrisés, voire développés sous le contrôle de nos institutions.

Donc non, je ne pense pas qu'elle va réduire l'activité des avocats. En revanche, elle peut créer une fracture numérique entre les avocats qui accepteront de se doter d'un accès à la justice prédictive et les autres.

Le CNB peut veiller à ce que chaque avocat puisse bénéficier d'un accès à des outils labellisés et sous contrôle de qualité. Il peut jouer un rôle déterminant qui, ici encore, placera l'avocat comme un acteur incontournable de la justice du XXIème siècle.

Lexbase : Comment anticipez vous la question de la formation ?

Christiane Féral-Schuhl : Les avocats doivent disposer d'une formation plus adaptée à leurs besoins et davantage axée sur l'entrepreneuriat et les outils technologiques qui permettent d'accroître la productivité.

Je pense même qu'ils devraient apprendre à maîtriser les applications et les outils logiciels de leur cabinet. Je rappellerai qu'il y a 30 ans, on considérait invraisemblable qu'un avocat puisse tapoter sur un clavier. Aujourd'hui, c'est chose courante et normale. Il faut, dans la même logique, anticiper ce qui va arriver dans les 10 années qui viennent.

Il faut dans tous les cas revoir le cadre de la formation initiale qui représente un coût exorbitant, ceci alors même que beaucoup d'élèves-avocats se plaignent et/ou font le choix d'aller en entreprise. Il faut ouvrir un chantier de réflexion et explorer des solutions qui permettent un retour sur investissement. Il faut que nous soyons fiers de notre enseignement, que les intervenants soient fiers d'y enseigner et que les élèves-avocats soient fiers de leur diplôme.

Dans cet objectif, j'aimerais inviter à réfléchir à certaines questions, tout particulièrement pour aider les jeunes avocats. Par exemple, pourquoi ne pas prévoir, sous le format d'une formation continue, l'accompagnement d'un projet d'installation ou de création de cabinet ? Ne faudrait-il pas privilégier une formation commune avec les magistrats ? Je sais que la formation aux modes amiables de règlement des différends (MARD) est désormais obligatoire mais ne faudrait-il pas amplifier la part donnée à cet enseignement ? De même, si le droit européen est également désormais présent dans la formation, il devrait à mon sens irriguer tous les enseignements et ne pas constituer une discipline distincte.

Enfin, n'oublions pas que la formation en ligne apporte une réponse pertinente et économique. Certains exemples sont très concluants et nous devrions nous en inspirer.

En marge de ces actions, il me semblerait utile d'élargir les missions de l'Observatoire de la profession du CNB pour inclure une mission d'information sur les besoins et les attentes de notre profession. Cela permettrait aux étudiants, aux élèves-avocats de mieux orienter leurs choix professionnels vers des spécialités ou des zones géographiques où ils pourront exercer leurs talents. Je ne pense pas qu'il y ait trop d'avocats en France. Je pense en revanche qu'il y a trop d'avocats qui font la même chose au même endroit.

Par ailleurs, il faut que la justification de la formation et de la pratique facilite l'accès à la spécialité. Il faut permettre aux avocats d'être identifiés et le dispositif doit être plus fluide.

S'il appartiendra toujours au CNB de réglementer, il faut que lui-même fasse sa révolution, pour qu'il soit dès demain en mesure d'accompagner les avocats dans le changement.

Lexbase : Vous pratiquez la médiation depuis longtemps. Elle progresse mais difficilement. Pourquoi ?

Christiane Féral-Schuhl : La résistance principale des avocats tient à deux raisons : d'une part, ceux qui ont été formés pour le "combat judiciaire" ont du mal à se convertir à la médiation ; d'autre part, l'échec d'une médiation a des effets pérennes et provoque le refus de renouveler l'expérience.

Sur le premier point, la médiation doit s'inscrire très naturellement dans l'analyse des différentes solutions à mettre en oeuvre pour résoudre un différend. De la même manière qu'on préconise à son client de prendre des mesures conservatoires ou d'opter pour un référé avant de saisir le juge du fond, on devrait pouvoir recourir à la médiation pour tout ou partie du litige. Par ailleurs, il faut développer l'apprentissage des modes amiables de règlement des litiges et acculturer tous les avocats à ces outils qu'il est aujourd'hui indispensable de connaître. Enfin, il faut davantage communiquer sur les succès, les résultats, les témoignages de clients satisfaits...

Sur le deuxième point, il est impératif que tous les acteurs -le médiateur et les avocats des parties médiées- soient bien formés. Le rôle des avocats aux côtés des parties médiées est tout particulièrement décisif, tout comme la capacité du médiateur à les accompagner.

Même si j'observe de grandes avancées, c'est un champ gigantesque d'opportunités dont les avocats sont en train de se priver au profit d'autres professions. C'est d'autant plus dommage qu'ils sont les plus légitimes, par leur expertise et leur expérience. Ils sont les plus à même de proposer des solutions innovantes, à formuler les accords amiables, à leur donner autorité avec l'acte d'avocat... C'est ici encore un virage à prendre avec détermination, par exemple en imposant la présence des avocats aux côtés des parties médiées comme c'est le cas en Italie, dans certaines matières.

Lexbase : Que pensez vous de la proposition présentée lors de l'AG du CNB du 7 juillet 2017 sur la réforme de l'article 11 du règlement intérieur du CNB ?

Christiane Féral-Schuhl : Cette réforme de l'article 11.1 prévoit que le nouveau Bureau du CNB, les nouveaux présidents des commissions permanentes, les membres de la commission institutionnelle de formation soient désignés avant le début de leur mandat par les nouveaux élus au CNB et que tous prennent leurs fonctions dès le 1er janvier suivant. Auparavant, le mode d'élection conduisait à une période de "carence" dans le fonctionnement du CNB puisque ces élections n'avaient lieu qu'à la fin du mois de janvier.

En l'état, je comprends que le Bureau, que le futur président va diriger, sera composé sans lui. Mais c'était déjà le cas précédemment.

Le vrai problème, c'est qu'il faut un projet partagé par le bureau et le nouveau Président avec des objectifs clairs et assumés par tous. Notre profession doit avoir à la tête de son institution nationale une "task force" soudée et tendue vers l'action pour faire gagner les avocats. C'est tout ce qui m'importe. La défense d'intérêts catégoriels a trop souvent empêché le CNB d'avancer. Il faut changer de logiciel.

Lexbase : Globalement, quel est votre avis sur ce que devrait être la gouvernance de la profession ?

Christiane Féral-Schuhl : C'est une question récurrente et difficile qu'il faudrait résoudre une fois pour toute pour répondre aux attentes des confrères quant à l'avenir de la profession et aux différentes mutations qu'elle traverse.

Je préfère dans l'immédiat me concentrer sur les réformes que le Gouvernement prépare et qu'il convient de suivre de très près et sur les grands chantiers qui nous attendent : accompagnement des cabinets dans leur transformation numérique, financement de services innovants fournis par les avocats, réforme de la formation, sans oublier la grande profession du droit, la place de l'Europe, la réforme de la carte judiciaire, l'aide juridictionnelle etc..

Le CNB présente l'image d'une institution qui manque d'agilité. Il faut lui donner toute la fluidité dont il a besoin pour bien fonctionner. Est-ce que cela passe par un changement de l'organisation du CNB ? Si l'assemblée est prête à réformer l'organisation de la profession, à repenser l'organisation de notre institution nationale, je serais d'avis d'aller plus loin dans une réflexion d'envergure nationale, par exemple dans le cadre d'assises nationales, voire même d'Etats généraux. Je serai alors à l'écoute de toute proposition qui permettrait de faire progresser le CNB dans le sens d'une plus grande agilité et d'une plus grande efficacité, tout ceci dans l'objectif de mieux servir nos confrères. Beaucoup se disent être prêts à cette mutation. Je ne peux pour ma part qu'inviter à une réflexion en profondeur. Dans l'intervalle, il faut parvenir à fédérer toutes les énergies et capitaliser sur les bonnes volontés.

Lexbase : On dit que la profession est fragmentée. Le Barreau de Paris d'un côté. Les autres barreaux de l'autre. Comment créer l'unité ?

Christiane Féral-Schuhl : Plus les actions seront d'envergure nationale, plus elles seront audibles et fédératrices et plus nous serons entendus par les pouvoirs publics. Il est possible de montrer un front uni.

Lorsque j'étais Bâtonnier de Paris, j'ai beaucoup travaillé avec la Conférence des Bâtonniers. Nous avons porté ensemble des projets d'envergure nationale comme Praeferentia, AvosActes ou encore l'assurance perte de collaboration... des projets certes compliqués et difficiles mais tous tournés vers l'intérêt commun et solidaire des avocats de France.

Je considère que toutes les bonnes initiatives, qu'elles émanent d'un barreau, quel que soit le nombre des avocats inscrits, d'un syndicat, d'une association, d'un avocat individuel, doivent être mises en lumière et que le rôle d'une institution comme celle du CNB, c'est de faciliter leur déploiement. Les incubateurs qui se multiplient ici et là en sont un exemple. Mais il faudrait aller plus loin car une bonne idée peut être portée, enrichie, améliorée... et profiter au plus grand nombre. Je pense à l'Avocat dans la Cité, un projet qui pourrait trouver une résonance nationale avec des effets très positifs en terme d'image pour tous les avocats de France.

C'est un CNB collaboratif et bienveillant qui doit émerger rapidement. Ce serait la démonstration de la force solidaire et de la vitalité de notre institution nationale.

L'unité, c'est aussi s'inscrire dans la réalité européenne avec l'harmonisation des valeurs éthiques, tout particulièrement notre secret professionnel qui est aujourd'hui -encore plus qu'hier- menacé. Un travail important et formidable est réalisé par le Conseil des barreaux européens (CCBE). Il faut également le mettre en lumière. Il faut aussi encourager les relations bilatérales, le mouvement des avocats d'un pays européen à l'autre, privilégier l'approche "avocat européen". La formation est, sur ce point, essentielle pour sensibiliser et convaincre.

Lexbase : Vous avez incontestablement une vision pour la profession d'avocat. Croyez-vous pour autant convaincre l'ensemble de vos confrères ?

Christiane Féral-Schuhl : Je le pense. Mais j'ai également tout à fait conscience qu'il me faut d'une part illustrer cette vision par un programme et d'autre part évoquer des problématiques qui concernent au quotidien les avocats (leur place dans le monde économique, les droits de la défense, le secteur assisté, autant de sujets délicats et importants...). C'est la raison pour laquelle je constitue un groupe de travail composé d'avocats de différents barreaux et d'experts afin d'être à même de formuler, dès le mois de septembre, des propositions concrètes pour la profession.


(1) La date de scrutin pour les prochaines élections en vue du renouvellement des membres du Conseil national des barreaux pour la mandature 2018-2020 est fixée au mardi 21 novembre 2017 pour les deux collèges. Les élections se dérouleront le même jour dans chaque barreau.

Date limite de dépôt des candidatures. Les candidatures individuelles pour le collège ordinal et par listes pour le collège général doivent être remises contre récépissé au président du Conseil national des barreaux au siège de l'institution avant le vendredi 29 septembre 2017 à 18 heures, ou adressées par lettre recommandée avec avis de réception, le cachet de la poste faisant foi, au plus tard le samedi 30 septembre 2017. Nul ne peut être candidat sur plus d'une liste ou dans deux collèges.

Collège ordinal. Sont éligibles par ce collège, au scrutin uninominal majoritaire à un tour, les Bâtonniers, anciens Bâtonniers, vices-Bâtonniers, anciens vices-Bâtonniers et membres et anciens membres des conseils de l'Ordre exerçant la profession d'avocat, ainsi que les présidents et membres des anciennes commissions nationale et régionales des conseils juridiques exerçant la profession d'avocat. Ces qualités doivent être précisées à l'appui de chaque candidature. La moitié des sièges à pourvoir au sein de chacune des deux circonscriptions est réservée à des candidats de sexe féminin, l'autre moitié à des candidats de sexe masculin.

newsid:459648

Avocats/Périmètre du droit

[Brèves] Annulation du contrat conclu entre une commune et une société de conseil ayant pour objet l'assistance à maîtrise d'ouvrage en vue de la réalisation d'une zone d'aménagement concertée (ZAC)

Réf. : TA Rennes, 15 juin 2017, n° 1600383 (N° Lexbase : A7870WNS)

Lecture: 2 min

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par Anne Laure Blouet Patin

Le 27 Juillet 2017

Est annulé le contrat conclu à l'issu d'un appel d'offre, entre une commune et une société de conseil ayant pour objet l'assistance à maîtrise d'ouvrage en vue de la réalisation d'une zone d'aménagement concertée (ZAC), en considérant que les prestations prévues par le contrat portent pour l'essentiel sur une activité de consultation juridique. Telle est la solution d'une décision du tribunal administratif de Rennes, rendue le 15 juin 2017 (TA Rennes, 15 juin 2017, n° 1600383 N° Lexbase : A7870WNS). Dans cette affaire, une commune a lancé un projet de zone d'aménagement concerté (ZAC). Pour confier ce marché à un aménageur, elle a souhaité avoir recours à une assistance à maîtrise d'ouvrage pour définir ses besoins puis lancer une consultation par appel d'offres. A cet effet un contrat a été conclu le 1er décembre 2015 entre la commune et la société E. au terme d'une procédure adaptée ayant pour objet l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour la consultation d'aménageurs en vue de la réalisation de la ZAC. Une société d'avocats qui s'était portée candidate à l'attribution de ce marché a été informée par un courrier du 23 octobre 2015 de la commune que son offre, classée deuxième, avait été rejetée. La société d'avocats et l'Ordre des avocats au barreau de Rennes demandaient au tribunal d'annuler le marché litigieux. Le tribunal constate le prestataire devait rédiger le règlement et le cahier des charges de la consultation, établir les projets des délibérations municipales nécessaires notamment au lancement de la consultation, à l'approbation du traité de concession et à l'élaboration des documents de publicité du marché ; ce faisant, il devait absolument disposer de compétences en matière juridique (droit de l'urbanisme) afin d'apporter des conseils et une assistance très fiable à la collectivité (avocat, conseil juridique, juriste). Or, le candidat retenu l'a été en contravention avec les dispositions précitées des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 ("périmètre du droit" N° Lexbase : L6343AGZ), le marché litigieux, s'il portait pour partie sur l'évaluation des risques financiers, comprenait une part de conseil juridique personnalisé prépondérante pour sécuriser la procédure de passation du marché (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E6288ET3).

newsid:459713

Collectivités territoriales

[Brèves] Rejet des recours contre le décret fixant le nom de la région Occitanie

Réf. : CE Ass., 19 juillet 2017, n° 403928, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2077WNA)

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N9582BWS

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par Yann Le Foll

Le 27 Juillet 2017

Les recours contre le décret fixant le nom de la région Occitanie sont rejetés, l'autorité administrative ayant fixé les modalités de la concertation dans le respect, d'une part, des règles fixées par la loi, d'autre part, des principes d'égalité et d'impartialité, dont il découle que la consultation doit être sincère. Telle est la solution d'une décision rendue par le Conseil d'Etat le 19 juillet 2017 (CE Ass., 19 juillet 2017, n° 403928, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2077WNA).

Etait demandée l'annulation du décret n° 2016-1264 du 28 septembre 2016 (N° Lexbase : L3011LAR), par lequel le Premier ministre a donné le nom Occitanie à la région issue du regroupement des régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. Le Conseil d'Etat juge que la région pouvait légalement, pour rendre son avis, procéder à une consultation ouverte dans le cadre défini par l'article L. 131-1 du Code des relations entre le public et l'administration (N° Lexbase : L1802KN3), lequel prévoit que l'administration peut décider d'associer le public à la conception d'une réforme ou à l'élaboration d'un projet ou d'un acte, selon des modalités qu'elle définit, si les conditions précitées sont remplies. En l'espèce, la Haute juridiction estime que la consultation organisée par la nouvelle région n'était pas irrégulière.

Il estime notamment que le périmètre du public consulté n'était pas dénué de pertinence au regard de l'objet de la consultation. Elle relève que le conseil régional a exigé des personnes exprimant leur avis sur Internet qu'elles indiquent un numéro de portable français et une adresse électronique, dont la validité était vérifiée.

Enfin, le Conseil d'Etat estime qu'en retenant le nom Occitanie pour la région issue du regroupement entre les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, le Premier ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, ce nom évoquant une langue et une culture historiques dont l'aire géographique et historique inclut la majeure partie du territoire de la région.

newsid:459582

Discrimination et harcèlement

[Brèves] Non-discrimination en raison de l'âge : licenciement justifié d'un salarié atteignant l'âge de vingt-cinq ans

Réf. : CJUE, 19 juillet 2017, aff. C-143/16 (N° Lexbase : A0738WNN)

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N9566BW9

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par Aurélia Gervais

Le 27 Juillet 2017

L'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX), ainsi que l'article 2, paragraphe 1, l'article 2, paragraphe 2, sous a), et l'article 6, paragraphe 1, de la Directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4), doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une disposition, telle que celle en cause au principal, qui autorise un employeur à conclure un contrat de travail intermittent avec un travailleur âgé de moins de vingt-cinq ans, quelle que soit la nature des prestations à effectuer, et à licencier ce travailleur dès que celui-ci atteint l'âge de vingt-cinq ans, dès lors que cette disposition poursuit un objectif légitime de politique de l'emploi et du marché du travail et que les moyens prévus pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. Telle est la solution retenue, le 19 juillet 2017, par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 19 juillet 2017, aff. C-143/16 N° Lexbase : A0738WNN).

En l'espèce, en juillet 2012, un salarié italien, magasinier de nuit, a reçu un courriel de son responsable lui faisant savoir que sa relation de travail avec son employeur prenait fin le jour de son vingt-cinquième anniversaire, dès lors que, à cette date, "la condition d'âge n'était plus remplie".

Saisie d'un recours par le salarié, tendant à ce que soit établi le caractère illicite, pour discrimination en raison de l'âge, de son contrat de travail intermittent à durée déterminée ainsi que de son licenciement, la Cour de cassation italienne a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE une question préjudicielle ainsi rédigée : "la règle nationale italienne contenue à l'article 34 du décret législatif n° 276/2003, selon laquelle le contrat de travail intermittent peut porter dans tous les cas sur des prestations exécutées par des personnes âgées de moins de vingt-cinq ans, est-elle contraire au principe de non-discrimination en raison de l'âge, qui est consacré par la Directive 2000/78 et l'article 21, paragraphe 1, de la Charte ?"

La CJUE en déduit que, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, ces dispositions doivent être interprétés selon la règle susvisée (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2589ET3).

newsid:459566

Procédure pénale

[Brèves] QPC sur l'accès administratif en temps réel aux données de connexion : non-conformité partielle à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-648 QPC du 4 août 2017 (N° Lexbase : A2517WPW)

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par Marie Le Guerroué

Le 31 Août 2017

Le législateur, en permettant que fasse l'objet de la technique de renseignement de recueil en temps réel des données de connexion un nombre élevé de personnes, sans que leur lien avec la menace soit nécessairement étroit et, faute d'avoir prévu que le nombre d'autorisations simultanément en vigueur doive être limité, n'a pas opéré une conciliation équilibrée entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée. Le Conseil constitutionnel censure donc la seconde phrase de l'article L. 851-2 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L4484K9X) dans une décision du 4 août 2017 (Cons. const., décision n° 2017-648 QPC du 4 août 2017 N° Lexbase : A2517WPW).

Le Conseil avait été saisi le 23 mai 2017 par le Conseil d'Etat d'une QPC posée par les associations "La Quadrature du Net", "French Data Network" et la Fédération de fournisseurs d'accès à internet associatifs. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 851 2 du Code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 (N° Lexbase : L4410K99), prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste (N° Lexbase : L6821KQP). Ces dispositions permettent à l'administration, pour la prévention du terrorisme, d'être autorisée à obtenir le recueil en temps réel des données de connexion relatives à deux catégories de personnes. La première catégorie désigne les personnes, préalablement identifiées, susceptibles d'être en lien avec une menace et, la seconde, les personnes appartenant à l'entourage d'une personne concernée par une autorisation, lorsqu'il y a des raisons sérieuses de penser qu'elles sont susceptibles de fournir des informations au titre de la finalité qui motive l'autorisation.

Pour retenir la conformité des dispositions relatives à la première catégorie de personne, le Conseil s'est fondé sur l'encadrement de la mesure prévu par le législateur. La technique de renseignement en cause ne peut, en effet, être mise en oeuvre que pour la prévention du terrorisme, l'autorisation est d'une durée de quatre mois renouvelable, celle-ci est délivrée par le Premier ministre après avis préalable de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, cette commission contrôle la réalisation de la technique de renseignement et, enfin, toute personne souhaitant vérifier qu'elle n'est pas irrégulièrement mise en oeuvre peut saisir le Conseil d'Etat.

Si le Conseil considère ces premières dispositions conformes à la Constitution, il estime, en revanche, que les dispositions qui permettent de recueillir les données de connexion de la seconde catégorie sont contraires à la Constitution en retenant la solution susvisée. Il reporte au 1er novembre 2017 la date de cette abrogation.

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Filiation

[Jurisprudence] La GPA devant la Cour de cassation : dernier acte

Réf. : Cass. civ. 1, 5 juillet 2017, quatre arrêts, n° 15-28.597 (N° Lexbase : A7470WLA), n° 16-16.901 (N° Lexbase : A7473WLD), n° 16-16.455 (N° Lexbase : A7471WLB) et n° 16-16.495 (N° Lexbase : A7472WLC), FS-P+B+R+I

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP, Directrice scientifique des Encyclopédies de droit de la famille

Le 27 Juillet 2017

Les arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation le 5 juillet 2017 constituent sans doute le dernier acte de la relation tumultueuse entre la Cour de cassation et la gestation pour autrui, les prochaines évolutions du droit relatif à cette question ne pouvant désormais provenir que du législateur. Ces différentes décisions qui s'articulent entre elles, permettent d'accorder enfin un statut aux enfants nés de convention de GPA à l'étranger. On rappellera qu'après la condamnation dans plusieurs arrêts ("Menesson" et "Labassée" c/ France du 26 janvier 2014 (1) ; "Foulon et Bouvet" c/ France du 21 juillet 2016 (2)) par la Cour européenne des droits de l'Homme, du refus des juridictions françaises de transcrire sur l'acte de naissance français, la filiation de l'enfant à l'égard de son père d'intention, qui était aussi, son père biologique, l'Assemblée plénière avait enfin admis cette transcription en 2015 (3), après plusieurs années de résistance (4). Cette solution était fondée sur l'article 47 du Code civil (N° Lexbase : L1215HWW), selon lequel "tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité". Il s'agissait ainsi d'admettre que les conditions de conception de l'enfant, dans le cadre d'une convention de gestation pour autrui, étaient indifférentes au regard de la reconnaissance de sa filiation paternelle dès lors que celle-ci correspondait à la réalité biologique. Mais cette évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation laissait en suspens la question de la filiation maternelle de l'enfant. En effet, ni la Cour européenne ni la Cour de cassation ne s'étaient prononcées sur la question et leurs analyses, essentiellement fondées sur l'existence d'un lien biologique entre l'enfant et son père, permettaient plutôt de penser que la reconnaissance de la filiation de l'enfant à l'égard de sa mère d'intention, inscrite sur l'acte de naissance étranger, ne connaîtrait pas le même sort que la filiation paternelle.

Les arrêts rendus par la Cour de cassation le 5 juillet 2017 répondent à cette question de la filiation maternelle de l'enfant (III) mais traitent également et même préalablement de l'adoption de l'enfant par le conjoint de son père (II), dont elle rappelle que la filiation peut être reconnue en France (I) fournissant ainsi une réponse globale au problème récurrent du statut en France de l'enfant né d'une convention de gestation par autrui à l'étranger.

I - La reconnaissance de la filiation paternelle de l'enfant

Dans les arrêts de 2017, la Cour de cassation reprend la solution énoncée en 2015 et considère pour acquis (affaire n° 16-16.455) ou rappelle (affaires n° 15-28.597 et n° 16-16.901) que la filiation de l'enfant à l'égard de son père d'intention, qui est également son père biologique, établie à l'étranger, peut faire sans difficulté désormais, l'objet d'une transcription sur les actes d'état civil français.

Dans l'affaire n° 16-16.901, elle rejette le moyen du pourvoi relatif à la transcription en France de la filiation paternelle d'un enfant né d'une convention de gestation pour autrui conclue entre une mère porteuse et un couple hétérosexuel, inscrits comme les parents de l'enfant sur son acte de naissance étranger. La Cour de cassation affirme que "la cour d'appel, qui était saisie d'une action aux fins de transcription d'actes de l'état civil étrangers et non d'une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, a constaté que les actes de naissance n'étaient ni irréguliers ni falsifiés et que les faits qui y étaient déclarés correspondaient à la réalité, s'agissant de la désignation du père ; qu'elle en a déduit, à bon droit [...] que la convention de gestation pour autrui conclue ne faisait pas obstacle à la transcription desdits actes".

Dans l'affaire n° 15-28.597 concernant des jumeaux nés en Californie et dont les actes de naissance, dressés conformément à un jugement de la cour supérieure de l'Etat de Californie, mentionnaient les père et mère d'intention comme parents, la Cour de cassation reprend la solution énoncée dans les arrêts du 3 juillet 2015 tout en précisant expressément que la transcription de la filiation paternelle de l'enfant n'est pas subordonnée à la preuve expresse de la réalité de la filiation biologique. En l'espèce, la cour d'appel avait refusé la transcription des actes de naissance étrangers en ce qu'ils désignaient le père d'intention en qualité de père, au motif "qu'en l'absence de certificat médical délivré dans le pays de naissance attestant de la filiation biologique paternelle, d'expertise biologique judiciaire et d'éléments médicaux sur la fécondation artificielle pratiquée, la décision rendue le 17 septembre 2010 par une juridiction californienne déclarant [le père d'intention] parent légal des enfants à naître, est insuffisante à démontrer qu'il est le père biologique". La Cour de cassation casse l'arrêt au visa des articles 47 du Code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4798AQR), en considérant "d'une part, que la transcription des actes de naissance sur les registres de l'état civil français n'était pas subordonnée à une expertise judiciaire, d'autre part, que la cour d'appel constatait que le jugement californien énonçait que le patrimoine génétique de M. X. avait été utilisé, sans relever l'existence d'éléments de preuve contraire, de sorte que ce jugement avait, à cet égard, un effet de fait et que la désignation de M. X dans les actes comme père des enfants était conforme à la réalité". La Cour de cassation semble ainsi poser une présomption de vraisemblance de l'affirmation selon laquelle le père d'intention est également le père biologique sans exiger qu'elle soit démontrée. Elle paraît cependant admettre que la preuve contraire soit rapportée.

II - L'adoption de l'enfant par le conjoint de son père

Les quatre arrêts du 5 juillet 2017 traitent directement ou non, de l'adoption de l'enfant par le conjoint de l'homme qui est à la fois son géniteur et son père d'intention, qu'il s'agisse de son mari (A) ou de sa femme (B)

A - L'adoption de l'enfant par le mari de son père

La question de savoir si le mari du père de l'enfant né d'une convention de gestation pour autrui est l'objet d'un des arrêts rendus par la Cour de cassation le 5 juillet 2017 (affaire n° 16-16.455).

En l'espèce, l'enfant était né en Californie, d'une mère porteuse américaine qui avait conclu avec un français une convention de gestation pour autrui. L'enfant a été reconnu par la mère porteuse et le père d'intention dont on suppose qu'il était également son père biologique. Le mari de ce dernier, avec qui il vivait depuis dix ans, a déposé une requête en adoption simple de l'enfant. La cour d'appel de Dijon, dans un arrêt du 24 mars 2016 (6), a rejeté la demande d'adoption au motif que la naissance de l'enfant résulte d'une violation de l'article 16-7 du Code civil (N° Lexbase : L1695ABE), aux termes duquel toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle d'une nullité d'ordre public. L'arrêt est cassé pour violation de la loi au visa des articles 353 (N° Lexbase : L0251K7G) et 361 (N° Lexbase : L8016IWS) du Code civil et 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL). La Cour de cassation affirme que "le recours à la gestation pour autrui à l'étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l'adoption, par l'époux du père, de l'enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l'adoption sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant". La formule est proche de celle utilisée en matière de PMA à l'étranger (Cass. avis, 22 septembre 2014, n° 15010 N° Lexbase : A9175MWQ), JCP éd. G, 2014, p. 1650 obs. P. Murat), ce qui n'est sans doute pas un hasard. La Cour de cassation accorde en effet aux couples d'hommes, par le biais de la GPA, la même possibilité d'établir un lien juridique entre l'enfant et le conjoint de son parent, qu'elle a accordé aux couples de femmes par le biais de la PMA. Sans doute était-il difficile de faire autrement sans encourir la critique d'inégalité, même si on ne redira jamais assez que le recours à la PMA n'implique pas les mêmes difficultés que le recours à la GPA. On notera cependant qu'il s'agit dans cette hypothèse d'une adoption simple, ce qui s'explique par le fait que la mère porteuse avait dans cette hypothèse reconnu l'enfant. Ce lien de filiation maternelle excluait en vertu de l'article 345-1 (N° Lexbase : L8008IWI) l'adoption plénière de l'enfant par le conjoint de son père.

La cour d'appel avait également rejeté l'adoption au motif quelque peu curieux selon lequel "le consentement initial de [la mère de l'enfant] dépourvu de toute dimension maternelle subjective ou psychique, prive de portée juridique son consentement ultérieur à l'adoption de l'enfant dont elle a accouché, un tel consentement ne pouvant s'entendre que comme celui d'une mère à renoncer symboliquement et juridiquement à sa maternité dans toutes ses composantes et, en particulier, dans sa dimension subjective ou psychique". Là encore, la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel en affirmant "qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle constatait l'existence, la sincérité et l'absence de rétractation du consentement à l'adoption donné par la mère de l'enfant, la cour d'appel a violé les textes susvisé". On peut penser que la cour d'appel considérait qu'on ne peut admettre qu'une femme consente à l'adoption de son enfant avant même qu'il soit conçu. Mais dès lors que la Cour de cassation considère que les conditions de la conception de l'enfant sont indifférentes à la possibilité pour celui-ci d'être adopté, l'argument ne saurait prospérer.

B - L'adoption de l'enfant par la femme de son père

La Cour de cassation fait en outre référence dans les arrêts de 2017 relatifs à la transcription de la filiation maternelle (n° 15-28.597 et n° 16-16.901, cf. infra), à la possibilité pour la femme d'un couple ayant eu recours à la GPA, d'adopter l'enfant né de cette convention, dont la filiation ne sera reconnue en France qu'à l'égard de son mari. La Cour de cassation affirme en effet clairement dans ces deux décisions que "l'adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l'épouse de leur père".

Comme dans le cadre de l'adoption par le mari du père de l'enfant né de gestation pour autrui, la Cour de cassation est indifférente aux conditions de la conception de l'enfant. Le fait que la candidate à l'adoption serait par ailleurs la mère d'intention de l'enfant n'a aucune influence sur la solution entièrement fondée sur l'intérêt de l'enfant. Sans le dire clairement, la Cour de cassation admet donc que l'intérêt de l'enfant né d'une GPA est bien d'être rattaché juridiquement à la femme qui a été à l'origine du projet parental et qui est affectivement et socialement sa mère. La Cour de cassation ne fournit pas de précision sur la nature de l'adoption qui peut être envisagée. Si, dans le cadre de l'adoption de l'enfant par le mari du père visée par l'affaire n° 16-16.455, une adoption simple avait été envisagée, c'est parce que la mère porteuse avait reconnu l'enfant. Or, dans les affaires n° 15-28.597 et n° 16-16.901, les parents d'intention étaient les seuls mentionnés sur l'acte de naissance étranger de l'enfant, la filiation de ce dernier à l'égard de la mère porteuse n'étant pas établie. L'adoption plénière de l'enfant est donc possible en vertu de l'article 345-1. Reste à savoir si elle sera admise par les juridictions.

Ainsi, la Cour de cassation permet à l'enfant d'être rattaché aux deux membres du couple dont provient le projet parental, par la reconnaissance d'un lien de filiation charnel pour l'un et par une filiation adoptive pour l'autre, ce qui constitue à n'en pas douter, une avancée pour ces enfants à qui un statut familial complet est désormais accordé, et ce quel que soit le type de couple dans lequel ils sont accueillis.

Cette possibilité pour la mère de l'enfant d'adopter l'enfant né de la convention de gestation pour autrui permet à la Cour de cassation de justifier le refus de transcription de la filiation de l'enfant à l'égard de la mère d'intention, contenue dans l'acte de naissance étranger.

III - Le refus de reconnaître la filiation maternelle de l'enfant

Comme on pouvait s'y attendre, la Cour de cassation refuse, dans les affaires n° 15-28.597 et n° 16-16.901 (7), relatifs à des enfants nés de convention de gestation pour autrui en Californie et en Ukraine, la transcription, pour ce qui est de la filiation maternelle, de l'acte de naissance mentionnant les parents d'intention comme père et mère. La Cour de cassation se fonde sur l'article 47 du Code civil et affirme que "concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l'accouchement". En conséquence, dès lors que la cour d'appel a constaté que la mère d'intention n'avait pas accouché des enfants, elle en a exactement déduit, selon la Cour de cassation, que "les actes de naissance étrangers n'étaient pas conformes à la réalité en ce qu'ils la désignaient comme mère, de sorte qu'ils ne pouvaient, s'agissant de cette désignation, être transcrits sur les registres de l'état civil français".

Après avoir validé le refus de transcription de la filiation maternelle, la Cour de cassation procède à un contrôle de proportionnalité de ce refus au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme en respectant scrupuleusement les étapes de ce contrôle telles qu'établies par la Cour européenne (8).

Elle considère tout d'abord que "le refus de transcription de la filiation maternelle d'intention, lorsque l'enfant est né à l'étranger à l'issue d'une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu'il tend à la protection de l'enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du Code civil". La Cour de cassation conforte ainsi la prohibition de la gestation pour autrui par le droit français.

Elle ajoute ensuite que ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants, au regard du but légitime poursuivi car "l'accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n'est pas remis en cause par les autorités françaises, qui délivrent des certificats de nationalité aux enfants nés d'une gestation pour autrui à l'étranger".

Enfin la Cour de cassation considère que cette solution est conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant né d'une convention de gestation pour autrui puisque sa filiation paternelle est désormais reconnue et que l'adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l'épouse de leur père.

Le raisonnement est difficilement contestable et il faut bien reconnaître que malgré la différence de traitement entre la filiation paternelle et la filiation maternelle qu'elle implique, la solution globale qui ressort des arrêts de 2017 permet d'accorder à l'enfant né de gestation pour autrui un statut sécure sans remettre en cause la prohibition des conventions de mère porteuse par le droit français. En effet, la Cour de cassation par ces différents arrêts qui s'articulent entre eux permet de répondre aux difficultés concrètes maintes fois exposées auxquelles étaient confrontés les enfants du fait de l'absence de reconnaissance des effets en France des conventions de gestation pour autrui étrangères.


(1) CEDH, 26 juin 2014, 2 arrêts, Req. 65192/11 (N° Lexbase : A8551MR7) et Req. 65941/11 (N° Lexbase : A8552MR8) ; JCP éd. G, 2014, 877, A. Gouttenoire ; JCP éd. G, 2014, act. 827, obs. B. Pastre-Belda.
(2) CEDH, 21 juillet 2016, Req. 9063/14 (N° Lexbase : A6741RXX).
(3) Ass. plén., 3 juillet 2015, deux arrêts, n° 14-21.323 (N° Lexbase : A4482NMX) et n° 15-50.002 (N° Lexbase : A4483NMY), P+B+R+I, et nos obs., Lexbase, éd. priv., n° 620, 2015 (N° Lexbase : N8350BUS) ; JCP éd. G, 2015, p. 965, nos obs..
(4) Cass. civ. 1, 6 avril 2011, trois arrêts, n° 09-66.486 (N° Lexbase : A5705HMA), n° 10-19.053 (N° Lexbase : A5707HMC) et n° 09-17.130 (N° Lexbase : A5704HM9), FP-P+B+R+I ; Dr. fam., 2011, Etude 14, obs. C. Neirinck ; Cass. civ. 1, 13 septembre 2013, 2 arrêts, n° 12-18.315 (N° Lexbase : A1669KLE), et n° 12-30.138 (N° Lexbase : A1633KL3), FP-P+B+I+R, et nos obs., Lexbase, éd. priv., n° 542, 2016 (N° Lexbase : N8755BTG) ; RJPF, 2013, n° 11, p. 6, obs. M.-C. Le Boursicot, D., 2014, 1171, obs. F. Granet-Lambrechts ; Cass. civ. 1, 19 mars 2014, n° 13-50.005, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0784MHI), RJPF, 2014 n° 5, obs. I. Corpart ; D., 2014, 905, obs. H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon.
(5) CA Rennes, 28 septembre 2015, n° 14/07321 (N° Lexbase : A9264NRK).
(6) CA Dijon, 24 mars 2016, n° 15/00057 (N° Lexbase : A7635Q9N).
(7) L'affaire n° 16-16.495 évoque également la question de la reconnaissance de la filiation maternelle de la mère d'intention mais il s'agissait en l'espèce d'une affaire dans laquelle cette dernière avait fourni de faux certificats d'accouchement pour que son nom soit mentionné dans l'acte de naissance ; l'annulation de ce dernier relevait de l'évidence...
(8) F. Sudre, Le contrôle de proportionnalité de la Cour européenne des droits de l'Homme. De quoi est-il question ?, JCP éd. G, 2017 p. 502.

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Finances publiques

[Jurisprudence] Chronique de finances locales - Juillet 2017

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par Jérôme Germain, Maître de conférences HDR en droit public, Faculté de droit de Metz, IRENEE/Université de Lorraine

Le 27 Juillet 2017

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver cette semaine la chronique de finances locales de Jérôme Germain, Maître de conférences HDR en droit public Faculté de droit de Metz, IRENEE/Université de Lorraine. Cette nouvelle chronique se penchera sur les réformes annoncées par la nouvelle majorité, l'actualité du contentieux des emprunts toxiques et la tarification solidaire devant les tribunaux. En effet, la campagne présidentielle a figé la prise de décisions législatives ou réglementaires importantes en matière de finances locales. La nouvelle majorité a cependant commencé à préparer un train de réformes attendues dans ce domaine (I). L'actualité des finances locales a aussi été rythmée par des décisions jurisprudentielles intéressantes (II). I - Des réformes attendues

De nombreuses réformes assez consensuelles n'ont pu être menées à terme au cours du précédent quinquennat. Ces inachèvements s'expliquent en partie par le manque de popularité de l'ancienne majorité mais aussi par le manque de place au sein d'un ordre du jour parlementaire en permanence trop chargé (1). Il n'est donc pas étonnant de voir réapparaître des idées et des propositions déjà évoquées pendant la législature 2012-2017.

En matière de finances locales, comme dans d'autres domaines, la nouvelle majorité s'inscrit ainsi en partie dans la continuité de la précédente, même si elle fait en même temps entendre sa propre sensibilité, plus centriste. Ce "changement dans la continuité" ou "rupture par la synthèse" s'observe notamment à travers la formalisation d'un pacte quinquennal de financement des collectivités locales destiné à rétablir la confiance financière entre l'Etat et les collectivités locales. Il est toutefois douteux que ce pacte soit négocié entre les parties, l'Etat ayant tendance à imposer ses choix et sélectionner ses concessions. Les diminutions de dépenses locales seront imposées unilatéralement par l'exécutif à des collectivités ayant souvent du mal à boucler leur budget en ces temps d'austérité. Le degré de négociation qui imprègnera ce pacte sera plus que faible. A cette aune, il est légitime de se demander si ce nouvel instrument rétablira la confiance entre l'Etat et les élus locaux.

Ce contrat financier entre l'Etat et les territoires est destiné à être décliné chaque année dans une loi de financement des collectivités territoriales (LFCT). La force juridique du pacte quinquennal sera néanmoins nulle. Les lois de financement des collectivités territoriales ne devraient elles-mêmes pas se voir octroyer une force juridique supérieure aux lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS). Les LFSS fixent, entre autres, des objectifs non impératifs de dépenses et d'équilibre. Les LFCT devraient définir pour chaque exercice l'ODEDEL (objectif d'évolution de la dépense locale) fixé dans le pacte quinquennal et les lois de programmation des finances publiques (LPFP) (2). Sans une révision constitutionnelle prévoyant un renforcement de la normativité des LPFP, il semble difficile de dépasser le caractère indicatif de cet objectif (3). Une telle révision constitutionnelle ouvrirait en effet la voie à un contrôle constitutionnel des LFCT par rapport aux LPFP (4).

Le pacte quinquennal de confiance financière Etat-collectivités sera préparé tous les cinq ans et évalué chaque semestre par une Conférence nationale des territoires présidée par le Premier ministre. Dans le cadre de cette évaluation semestrielle, l'ODEDEL pourra être ajusté. Les spécialistes se demandent si un suivi si fin est techniquement possible en raison du caractère annuel des comptes publics, y compris locaux. En effet, le principe d'annualité financière n'est pas seulement lié à la bonne information des organes délibérants et à la limitation des pouvoirs des exécutifs locaux. Il traduit aussi les délais nécessaires à la construction des comptes publics.

Cette Conférence nationale des territoires ressemble, par ailleurs, au Haut-Conseil des territoires refusé par le Sénat en 2013, lors de la discussion de la loi "MAPTAM", puis à l'occasion de l'adoption de loi "NOTRe" en 2015 (5). Elle prolonge des instances de concertation Etat-collectivités locales plus anciennes et sera, espérons-le, plus durable qu'elles. La Conférence nationale des finances publiques et le Comité d'orientation des finances publiques créés par un décret de 2006 ne se sont plus réunis depuis 2008 (6). La Conférence des finances locales du 12 mars et du 16 juillet 2013 n'avait pas vocation à être pérennisée. Il n'est pas sûr que le Conseil stratégique de la dépense publique issu du décret de 2014 survive au dernier quinquennat (7). Il est aussi possible que cette Conférence nationale des territoires entre en concurrence avec les conférences territoriales de l'action publique mises en place au niveau régional par la loi "MAPTAM" du 27 janvier 2014 (8). Cette Conférence nationale semble, en outre, prendre la suite de l'instance de Dialogue national des territoires créée en 2015 après avoir été proposée par le rapport Lambert-Malvy en 2014.

Une des principales ambitions de ce pacte quinquennal de confiance financière est de permettre de concilier l'austérité et la visibilité. Il ne s'agit donc pas de rompre avec les baisses de financement des collectivités locales du quinquennat précédent. L'ancienne majorité a certes réduit les déficits publics pendant son mandat (9). La courbe de la dette publique, quant à elle, n'a toutefois connu qu'un ralentissement, et non une inversion. Elle dépasse les 98 % du PIB. Nos engagements européens et notre dangereux endettement public nous obligent donc à prolonger nos efforts pour réduire les déficits (10). Comme le secteur local relève des administrations publiques, il doit aussi participer à la lutte contre l'endettement excessif des administrations nationales. Cette contribution à la réduction de l'endettement public français sera cependant adoucie par plus de visibilité et de stabilité. Les élus avaient déploré la brutalité des baisses de dotations sous l'ancienne majorité. Ils ont été entendus en partie. Cette stabilité et cette prévisibilité dans les réductions sont censées aider les élus locaux à préparer leur budget et planifier leurs investissements dans un contexte contraint mais moins incertain.

A cette stabilité s'ajoute aussi un adoucissement par le rythme. Les coupes dans les transferts financiers ne devraient plus atteindre 3,5 milliards par an comme en 2015 et 2016. Elles devraient se cantonner à environ 1,5 millard par an, soit le niveau de baisse de 2014.

Il n'est donc pas encore question de sortir de l'austérité. Une baisse de dix milliards de la dépense locale sur cinq ans a été annoncée pendant la campagne présidentielle. Elle s'inscrit dans un nouveau plan de soixante milliards d'économies budgétaires (dix milliards pour la Sécurité sociale, quinze pour l'indemnisation du chômage, vingt-cinq pour l'Etat et ses satellites). Rappelons pour mémoire que François Hollande a aussi réduit de onze milliards les dotations des collectivités locales entre 2014 et 2017 (1,5 en 2014 + 3,5 en 2015 + 3,5 en 2016 + 2,5 en 2017) dans le cadre d'un Pacte de confiance et de solidarité proposé par l'Etat aux collectivités locales en 2013. Ces onze milliards d'euros s'inscrivaient déjà dans un plan plus large de cinquante milliards d'économies. Ces coupes budgétaires avaient été promises à Bruxelles en échange d'un délai supplémentaire avant d'ouvrir une Procédure pour déficit excessif (PDE) contre la France (11). L'amende due par un Etat membre à la suite d'une PDE (volet budgétaire) peut atteindre un montant maximal de 0,5 % de son PIB. Le PIB de la France s'élevant à environ 2 200 milliards d'euros en 2015, l'amende payée par notre pays atteindrait environ onze milliards d'euros. En d'autres termes, l'amende pour déficits excessifs aurait eu un coût voisin de l'effort demandé aux seules collectivités locales sous François Hollande ou Emmanuel Macron (onze puis dix milliards en huit ans) (12).

En ce qui concerne le levier d'action, la diminution des dotations des collectivités territoriales semble être une voie abandonnée (13). Si l'Etat n'agit pas sur la manette des dotations locales, l'autre grand levier à sa disposition vis à vis des finances locales est la réduction des effectifs publics. La nouvelle majorité a prévu de supprimer 120 000 emplois publics par le biais des départs à la retraite ou de non-renouvellements de contrats. 70 000 suppressions d'emplois devraient concerner le secteur local. Cette proposition converge avec les analyses de la Cour des comptes dans ses rapports annuels sur les finances locales (14). L'augmentation du temps de travail avait été proposée par François Fillon durant la campagne présidentielle afin de compenser ces baisses d'effectifs. Il est possible que l'actuelle majorité s'en inspire en partie. A l'instar des évolutions connues par les Universités, la gestion de la fonction publique territoriale devrait connaître une nouvelle décentralisation. Cette autonomie locale pour gérer les personnels devrait permettre, même à loi inchangée, de décider des augmentations de la durée du travail sans que l'Etat ne prenne directement la décision. La Cour des comptes a par exemple recommandé dans son audit de juin 2017 (pp. 149-150) la suppression de jours de congés dérogatoires dans les collectivités locales.

Un autre levier sur lequel entend jouer le Gouvernement est celui de la fiscalité locale. La diminution de la dépense locale devrait donc passer par des baisses d'impôts locaux. L'espoir caressé par l'exécutif est bien évidemment de rendre l'austérité locale plus populaire auprès des habitants qui sont aussi des contribuables locaux. L'argument des élus locaux d'être asphyxiés par les coupes budgétaires de l'Etat devrait ainsi perdre en sympathie et en efficacité chez des électeurs rarement fâchés de payer moins d'impôts.

Plus concrètement, la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des contribuables aura pour conséquence de réduire la dépense locale. Elle devrait concerner les contribuables situées en dessous de 20 000 euros de part fiscale. Cela représente environ 5 000 euros par mois de revenus pour un couple avec 2 enfants. Le programme du nouveau président promet par ailleurs une compensation pour les collectivités locales de cette exonération fiscale. Cette compensation sera cependant de façade. Elle est vouée à diminuer au fil des ans. Comme on le voit, on est loin des transferts d'impôts nationaux aux régions demandés par Régions de France, l'Assemblée des régions françaises (15). Cette suppression de la taxe d'habitation devait s'étaler jusqu'en 2020. Le Premier ministre a toutefois annoncé dans son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale un allongement de l'étalement de cette réforme emblématique de la nouvelle majorité.

La recentralisation du RSA (revenu de solidarité active) constitue aussi un instrument envisagé pour alléger la dépense locale. Le coût abyssal du RSA pour les départements signifie que l'échec des négociations de 2016 pour le retransférer à l'Etat ne pouvait être définitif. En revanche, l'idée d'une journée hebdomadaire de bénévolat en contrepartie du RSA n'est pas reprise. Le département du Haut-Rhin avait tenté de l'instaurer avant que le juge administratif ne mette fin à cette politique (16). Dans la perspective d'un revenu minimum d'existence viable, cette exigence d'une certaine contrepartie d'utilité publique contribuerait pourtant à en asseoir la légitimité.

L'observation empirique des politiques de réduction rapide des déficits publics menées en Italie, en Espagne, au Portugal et en Irlande montre qu'une austérité excessive casse la croissance, augmente le chômage, démultiplie les dépenses sociales et in fine... aggrave les déficits. Il en ressort que pour être efficace la lutte contre les déficits doit en même temps soutenir la croissance. Un équilibre difficile doit être trouvé entre suppression de certaines dépenses ou recettes (notamment de fonctionnement) et relance de l'investissement public. Ce souci explique, par exemple, la création de fonds d'investissements pour soutenir l'investissement local dès le quinquennat précédent (17). Cette préoccupation est encore plus présente aujourd'hui. Elle prend corps à travers le vaste plan d'investissement de cinquante milliards d'euros promis par le nouveau président.

En réalité, de nombreuses voix plaident depuis la crise de l'euro pour un plan européen de relance de l'investissement. Même la Banque centrale européenne y serait favorable afin d'appuyer au niveau budgétaire sa politique monétaire d'assouplissement quantitatif (quantitative easing). En effet, l'austérité budgétaire annihile en partie ses efforts pour ramener l'inflation à 2 % dans l'ensemble de la zone euro. Sur ce point, François Hollande s'était d'ailleurs heurté en 2012 au veto allemand et n'avait pu obtenir qu'un plan d'investissement de la BEI (Banque européenne d'investissement) en échange du Pacte budgétaire européen. Ce plan étant financé par des ressources européennes propres, il ne correspondait pas à des crédits nouveaux et n'a donc apporté aucun investissement supplémentaire (18).

Ce nouveau plan national, voire européen, d'investissement devrait largement concerner les collectivités locales. Il portera principalement sur le numérique, le transport et l'économie verte.

II - Des jurisprudences intéressantes

Les jurisprudences récentes relatives aux finances locales ont surtout amené des précisions en matière d'emprunts toxiques (A) et des clarifications en matière de stationnement (B).

A - Des précisions en matières d'emprunts toxiques

Nous signalerons ici les principales décisions jurisprudentielles ayant précisé le contentieux des emprunts toxiques.

1 - L'absence de devoir de mise en garde des banques

La commune de Sassenage (11 000 habitants), située dans l'Isère avait souscrit des emprunts structurés auprès de Dexia entre 2006 et 2010. Deux prêts s'élevant respectivement à 4,28 et 4,35 millions d'euros n'ont pas été encore totalement remboursés. Dans l'espoir d'une victoire contentieuse, le maire a refusé l'aide du Fonds de soutien (19). La chambre régionale des comptes (CRC) d'Auvergne-Rhône-Alpes, dans son avis du 31 mai 2012, l'a autorisé à provisionner les intérêts des emprunts et donc à ne pas les payer avant que ne soit rendue la décision du TGI (20). Le TGI de Nanterre a rejeté le 13 mai 2016 les arguments de la commune (jugement n° 12/00343). La nullité pour dol ainsi que le manquement de la banque à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde ont été refusés par le tribunal sur la base de l'article 1338 du Code civil (N° Lexbase : L0982KZE). Il considère que les collectivités ne sont pas des emprunteurs non avertis. Le maire a fait appel. Au vu du traitement jurisprudentiel que connaît la notion d'emprunteur averti, il est peu probable qu'il obtienne gain de cause.

2 - La qualité d'emprunteur averti des collectivités locales

Dans quatre affaires liées, n°s 14/06388 (N° Lexbase : A5250R3T), 15/04767 (N° Lexbase : A5091R3X), 15/06770 (N° Lexbase : A5144R3W), 15/07046 ( N° Lexbase : A5206R39), la cour d'appel de Versailles a en effet confirmé le 21 septembre 2016 sa jurisprudence relative aux emprunteurs avertis. Le taux d'intérêt de ces emprunts était indexé sur le franc suisse ou le dollar américain.

Les communes invoquaient le dol afin d'obtenir soit la nullité du contrat, soit la réduction des intérêts dus. Les banques les auraient insuffisamment prévenus des risques que présentaient de tels produits financiers. Le juge observe au contraire que les banques ont correctement informé leurs clients. Même si les simulations fournies par la banque n'évoquent pas les scenarii les plus pessimistes en matière de cours de l'euro par rapport au franc suisse, ces manques sont insuffisants pour être qualifiés de manoeuvre dolosive. L'argument de la violence économique a aussi été rejeté par le juge. Les communes concernées étaient indépendantes des banques au moment des faits et auraient pu souscrire des prêts avec d'autres instituts de crédit.

Pour justifier l'absence de vices du consentement, le juge estime plus généralement que les communes sont des emprunteurs avertis. Ce caractère d'emprunteur averti ne se présume pas. Il s'apprécie in concreto. Le juge passe en revue la taille de la commune, l'expérience du maire, la qualification de ses personnels et la pratique de sa collectivité en matière d'emprunt pour dégager ou non la qualité d'emprunteur averti. L'absence d'utilisation du service de la préfecture spécialisé en contrat de prêt renforce cette présomption. Il découle de cette qualité d'emprunteur averti que seul un devoir d'information et non de mise en garde pèse sur la banque vis à vis de son client. Même la modeste commune de Saint-Cast le Guildo, avec ses 3 500 habitants, se voit qualifier d'emprunteur averti en raison de ses précédents emprunts. Même avec leur population d'environ 15 000 habitants, il nous semble exagéré de qualifier d'emprunteur averti les plus grandes communes ici concernées.

Dans ce cas, la complexité de la formule de calcul du taux d'intérêt ne saurait constituer un dol. La cour d'appel contredit ce faisant le TGI de Nanterre qui en première instance avait considéré cette commune de petite taille comme un emprunteur non averti (21). Le juge judiciaire profite de ces affaires pour rejeter d'autres arguments développés par les communes.

En premier lieu, il refuse l'invocation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH). Les communes avaient crû pouvoir attaquer la loi de validation des emprunts structurés sur le fondement du droit européen.

L'absence de taux effectif global (TEG) dans certains contrats définitifs d'emprunt, prenant par exemple la forme d'un fax, avait permis au juge de première instance de faire prévaloir le taux légal à la place du taux contractuel (22). Cette victoire des collectivités locales a été vue avec inquiétude par l'Etat, principal détenteur de Dexia. Le Gouvernement a alors fait adopter par le Parlement la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014, relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public (N° Lexbase : L8472I38), afin de valider l'oubli du TEG dans les contrats de prêt déjà signés (23). Afin de protéger ses finances, l'Etat voulait empêcher la justice de libérer les collectivités locales des taux exorbitants des emprunts toxiques.

Dans le but de contourner la loi de validation du 29 juillet 2014, les collectivités locales ont tenté d'invoquer la CESDH devant la cour d'appel. L'Etat ayant visiblement détourné ses pouvoirs législatifs pour protéger ses intérêts financiers et non poursuivre l'intérêt général, la loi de validation manque de justification suffisante. La cour d'appel rappelle toutefois aux communes que l'article 34 de la CESDH (N° Lexbase : L4769AQP) les empêche de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme (24). Cette exclusion des personnes publiques de la garantie des droits fondamentaux provient de l'idée classique selon laquelle les pouvoirs publics doivent respecter les libertés et n'ont pas à être protégés contre leur violation. L'invocation des droits fondamentaux par les pouvoirs publics conduirait en effet à la neutralisation des droits fondamentaux des particuliers avec lesquels ils devraient se concilier. Sur le fondement de l'article 34 de la CESDH, le juge judiciaire interdit ainsi aux collectivités locales d'invoquer la CESDH devant lui. La cour d'appel ne fait ici que suivre la jurisprudence de la Cour de cassation (25). Ce raisonnement est toutefois triplement contestable, peut-être par le biais d'une QPC ultérieure. D'une part, il ne semble pas faire droit au principe de libre administration des collectivités locales. In fine, les communes parties au litige sont soumises aux lois de validation avec plus de rigueur et moins de moyens de défense que les particuliers qui, eux, auraient pu invoquer la CESDH. Elles sont ramenées par ce raisonnement à des services sous tutelle étatique. D'autre part, cette exclusion des collectivités locales de son champ d'application dispense de façon injustifiée les banques de respecter la CESDH dans leurs relations avec les collectivités locales. Les prêts ici contestés n'auraient pu être conclus avec des particuliers. Face à des personnes privées, les banques n'auraient pas été protégées par la loi de validation. Enfin, s'il est conforme à leur finalité protectrice que seuls les particuliers puissent invoquer les droits fondamentaux contre les pouvoirs publics, les communes, ici sont assimilables à des particuliers. Les contrats de prêt sont en effet des contrats de droit privé n'exprimant aucune prérogative de puissance publique. Les collectivités locales, en l'espèce, ne se sont pas comportées comme des pouvoirs publics mais comme des personnes privées.

En second lieu, le juge confirme que les emprunts structurés n'étaient pas des opérations spéculatives, interdites aux collectivités locales parce que poursuivant le profit et non l'intérêt général. Notons tout d'abord que la circulaire du 15 septembre 1992, relative aux contrats de couverture du risque de taux d'intérêt offerts aux collectivités locales et aux établissements publics locaux (N° Lexbase : L1586K9M), invoquée par les communes ne possède pas de caractère normatif parce qu'il s'agit justement d'une circulaire. Ensuite, la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013, de séparation et de régulation des activités bancaires (N° Lexbase : L9336IX3), et le décret n° 2014-984 du 28 août 2014, relatif à l'encadrement des conditions d'emprunt des collectivités territoriales, de leurs groupements et des services départementaux d'incendie et de secours (N° Lexbase : L1451I4I), qui interdisent clairement les emprunts spéculatifs aux collectivités territoriales ne s'appliquent pas rétroactivement aux affaires ici commentées. Par ailleurs, la présence d'un aléa dans ces contrats recherchant l'intérêt général (le financement d'investissements publics) ne suffit pas à leur donner un caractère spéculatif. Les contrats contestés ne visaient pas, de surcroît, l'enrichissement de la commune mais le refinancement d'investissements locaux justifiés par l'intérêt général. Enfin, et peut-être surtout, la jurisprudence administrative empêche les personnes publiques d'invoquer leur propres turpitudes pour échapper à leurs obligations contractuelles (26).

B - Une clarification en matière de stationnement

Le juge administratif a apporté en matière de stationnement sur la voie publique une clarification étonnante. Par une délibération du 20 juin 2016, la ville de Grenoble a mis en place une modulation du tarif du ticket de stationnement de résident mensuel en fonction du quotient familial des intéressés. En d'autres termes, les administrés devaient fournir en plus de la carte grise et du justificatif du domicile, une attestation de leur quotient familial. Sur cette base, le ticket de stationnement de résident mensuel passait de douze euros à une fourchette allant de dix à trente euros. Cette modulation du tarif, appelée tarification solidaire, permet de prendre en compte les revenus et les charges du foyer lors de l'acquittement du ticket de stationnement de résident mensuel. Le tribunal administratif de Grenoble a mis fin à cette expérience innovante. Dans sa décision n° 1603667 du 14 février 2017 (N° Lexbase : A4827T38), le juge administratif estime que le stationnement n'est pas un service public (27). Le législateur et la jurisprudence n'acceptent des modulations de tarifs en fonction de considérations sociales ou redistributives qu'en matière de service public administratif (SPA) facultatif (28). Comme la réglementation du stationnement sur la voie publique n'est pas un service public, la commune doit respecter le principe d'égalité devant les charges publiques entre les usagers. Le juge reconnaît certes que les résidents et les non-résidents sont placés dans une situation suffisamment différente pour justifier un tarif réduit pour les résidents. En revanche, des modulations de tarif sur critères sociaux sont impossibles entre résidents en ce domaine. Ceux-ci sont effet, d'après le juge, sans lien avec la réglementation du stationnement sur la voie publique.


(1) Un cercle vicieux doit être signalé. Des lois trop nombreuses à être votées sont aussi des lois porteuses d'oublis ou d'erreurs qu'il faut corriger en surchargeant davantage l'ordre du jour parlementaire...
(2) Les LFCT pourraient décliner chaque année l'ODEDEL par catégorie de collectivité locale et par grand poste budgétaire. Elles évalueraient les coûts des décisions de l'Etat pour les finances locales, ainsi que les recettes des collectivités locales. Elles pourraient aussi prévoir des plafonds d'évolution de la dette des collectivités locales et de l'emploi local. Voir Cour des comptes, Les finances locales, octobre 2016, p. 100 sq.
(3) Deux exemples illustrent l'absence d'impérativité des LPFP. En 2014, le Gouvernement a déposé un nouveau projet de LPFP au Parlement en raison de l'aggravation du déficit structurel constatée dans la loi de règlement pour 2013 alors que la logique de la programmation aurait commandé une correction de la dérive. En avril 2015, le programme de stabilité transmis par le gouvernement à la Commission européenne a promis une réduction des déficits plus rapide que celle prévue dans la LPFP de décembre 2014 afin de correspondre aux recommandations de la Commission.
(4) Un autre des mérites des LFCT serait de désencombrer les débats budgétaires d'automne et de permettre aux parlementaires de se consacrer à ce moment aux finances étatiques et sociales. Il faudrait naturellement pour cela que les finances locales soient discutées par les députés et les sénateurs avant l'été...
(5) Tirant les conséquences de la fin du cumul des mandats, les députés souhaitaient instaurer une instance permanente de dialogue entre l'État et les élus locaux. Ce Haut Conseil des territoires aurait englobé le Comité des finances locales, le Conseil national des normes et l'observatoire des finances locales. A juste titre, le Sénat y a vu un concurrent. C'est justement afin de dissiper ces doutes sur la représentation des collectivités locales par les sénateurs que le Professeur Carcassonne proposait de faire des principaux présidents d'exécutifs locaux les seuls membres du Sénat.
(6) Décret n° 2006-515 du 5 mai 2006 (N° Lexbase : L5202HII). Citée par l'article 6 IV de la LPFP n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 (N° Lexbase : L2842I7E), la Conférence nationale des finances publiques a été abrogée par le décret n° 2016-1843 du 23 décembre 2016 (N° Lexbase : L9587LBP). La Conférence nationale des finances publiques n'a été réunie qu'en 2008 puis, sous le nom de Conférence nationale des déficits publics, en 2010. Le Comité d'orientation des finances publiques a été supprimé par l'article 3 du décret n° 2013-144 du 18 février 2013 (N° Lexbase : L2171IWC), instaurant le Haut Conseil des finances publiques.
7) Décret n° 2014-46 du 22 janvier 2014 (N° Lexbase : L2780IZY). Il ne s'est plus réuni depuis 2015.
(8) CGCT, art. L. 1111-9-1 (N° Lexbase : L1332LDP).
(9) L'audit de la Cour des comptes du 29 juin 2017 a montré que cette réduction des déficits publics par rapport à 2012 est moins forte que prévue. Le déficit public de l'ensemble des administrations publiques en restant au-dessus des 3 % du PIB (3,2 contre 2,8 % annoncé) continue de violer les critères du Traité de Maastricht et du Pacte de stabilité et de croissance. Le Gouvernement doit trouver six milliards d'euros d'économie afin de respecter la barre des 3 % ou neuf milliards pour tenir la promesse d'un déficit à 2,8 %. La Cour des comptes a proposé de couper des dépenses dans la fonction publique, notamment territoriale, afin de redresser nos finances publiques (gel de l'échelon et du point d'indice). Voir Cour des comptes, Situation et perspectives des finances publiques, juin 2017, p. 48 sq. et 140 sq..
(10) Il s'agit ni plus ni moins d'éloigner le risque de défaut souverain, c'est à dire de faillite de nos finances publiques. La probable remontée des taux directeurs de la Banque centrale européenne en raison du retour actuel de l'inflation ne fait qu'exacerber ce danger. Les intérêts de la dette de l'Etat pèsent chaque année une quarantaine de milliards d'euros, soit un poids voisin du budget de la Défense. La remontée des taux d'intérêts pourrait coûter entre cinq et dix milliards d'euros supplémentaires.
(11) En cas de violation persistante des critères de Maastricht, qui interdisent un déficit public supérieur à 3 % du PIB ou un endettement public excédant 60 % du PIB, un Etat membre pourrait être condamné par le Conseil de l'Union à payer une amende. Cette amende aggraverait cependant les déficits...
(12) Réduire ses déficits (50 puis 60 milliards d'économies) s'apparente ainsi à payer plusieurs fois l'amende (au maximum une dizaine de milliards d'euros). Du strict point de vue de la rationalité économique, ne serait-il pas plus efficace de s'acquitter de l'amende pour déficits excessifs ? Que se passerait-il une fois l'amende payée ? L'Etat visé par la procédure pour déficit budgétaire excessif aurait acquis le droit de demeurer en déficit budgétaire excessif sans pouvoir être à nouveau sanctionné. Nous n'avons pas la place d'appliquer ici au volet dette de la PDE ce raisonnement.
(13) La Cour des comptes cependant appelle dans son audit à poursuivre la baisse des transferts financiers de l'Etat aux collectivités locales sur une base plus large que la seule DGF (dotation générale de fonctionnement) utilisée ces dernières années. Espérons que la réforme manquée de la DGF sous le précédent quinquennat sera rapidement remise sur le métier. Voir Cour des comptes, Situation et perspectives des finances publiques, juin 2017, op. cit., p. 168 sq.
(14) Cour des comptes, Les finances publiques locales, octobre 2016, op. cit., p. 153 sq..
(15) Il s'agit de la troisième des huit propositions adressées aux candidats à l'élection présidentielle le 8 février 2017.
(16) TA Strasbourg, 5 octobre 2016, n° 1601891 (N° Lexbase : A8089R4D).
(17) Lire nos obs., Chronique de finances locales - Février 2016 (N° Lexbase : N1126BWM), Lexbase éd. pub. n° 403, 2016.
(18) Peut-être que le Président Emmanuel Macron aura plus de réussite que son prédécesseur pour réformer l'UEM (Union économique et monétaire). L'Allemagne est en tout cas plus ouverte qu'en 2012 en raison des actuelles évolutions internationales anxiogènes qui la conduisent à vouloir renforcer ses alliés.
(19) Lire nos obs., Chronique de finances locales - Juillet 2016 (N° Lexbase : N3537BWW), Lexbase éd. pub. n° 423, 2016.
(20) Le préfet avait saisi la CRC après une demande de mandatement d'office d'une dépense obligatoire émanant de Dexia.
(21) TGI Nanterre, 6ème ch., 26 juin 2015,  n° 11/07236 (N° Lexbase : A0523NMC). L'arrêt de la cour d'appel ici commenté annule ce jugement.
(22) TGI Nanterre, 8 février 2013, n°s 11/03778 (N° Lexbase : A6629I7N), 11/03779 (N° Lexbase : A6630I7P) et 11/03780 (N° Lexbase : A6631I7Q).
(23) Le Conseil Constitutionnel avait censuré auparavant la loi de finances pour 2014 qui avait tenté de contrer cette jurisprudence favorable aux collectivités locales (Cons. const., décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013 N° Lexbase : A9152KSR).
(24) CEDH, 23 novembre 1999, Req. 45129/98 (N° Lexbase : A3781WND).
(25) Cass. civ. 2, 11 juillet 2013, n° 12-20.528, F-P+B (N° Lexbase : A8631KII).
(26) CE, 28 décembre 2009, n° 304802 (N° Lexbase : A0493EQC).
(27) Dans sa version applicable à l'espèce, l'article L. 2333-87 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L3267IZZ) semble en faire un pouvoir de police administrative. On peut toutefois se demander si la police administrative n'est pas un service public.
(28) L'article 147 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998, d'orientation relative à la lutte contre les exclusions (N° Lexbase : L9130AGA), réserve aux SPA facultatifs les modulations de tarif sur la base des revenus et du nombre de personnes à charge du foyer.

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Licenciement

[Brèves] Respect du caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspecteur du travail dans le cadre du licenciement d'un salarié protégé

Réf. : CE, 4° et 5° ch.-r., 19 juillet 2017, n° 389635, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2033WNM)

Lecture: 2 min

N9591BW7

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par Charlotte Moronval

Le 27 Juillet 2017

L'enquête contradictoire de l'inspecteur du travail, prévue par les articles R. 2421-4 (N° Lexbase : L0057IAD) et R. 2421-11 (N° Lexbase : L0039IAP) du Code du travail, est entachée d'irrégularité lorsque le salarié n'a pas pu prendre connaissance des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement alors que, faute d'y avoir eu accès, il en avait demandé copie à l'administration. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 19 juillet 2017 (CE, 4° et 5° ch.-r., 19 juillet 2017, n° 389635, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2033WNM ; voir déjà CE, 24 novembre 2006, n° 284208, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5482DST).

Dans cette affaire, l'inspecteur du travail autorise un employeur à licencier un salarié protégé pour un motif disciplinaire tenant notamment à la souffrance au travail de ses collaborateurs. Le salarié forme un recours contre cette décision qui est rejeté par le ministre du Travail. Le salarié demande alors au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision de l'inspecteur du travail autorisant son employeur à le licencier et la décision du ministre du Travail rejetant son recours hiérarchique.

Le tribunal administratif décide d'annuler la décision de l'inspecteur du travail et celle du ministre du Travail. La cour administrative d'appel (CAA Paris, 3ème ch., 19 février 2015, n° 14PA01583 N° Lexbase : A1115NQD) rejette l'appel formé par l'employeur contre ce jugement. A la suite de cette décision, l'employeur forme un pourvoi en cassation.

En énonçant la règle susvisée, le Conseil d'Etat rejette le pourvoi de l'employeur. Elle rappelle que l'accès, dans le cadre de l'enquête contradictoire, à l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, dans des conditions et des délais permettant de présenter utilement sa défense, constitue une garantie pour le salarié protégé. La cour administrative d'appel, qui a souverainement estimé, que le déroulement de l'enquête contradictoire n'avait pas permis l'accès du salarié aux pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la décision litigieuse de l'inspecteur du travail était, par suite, entachée d'illégalité (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9561ESW).

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Procédure administrative

[Manifestations à venir] Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de l'Université de Lille 2 : La justice administrative en habits neufs, nouvelles procédures, nouveaux recours

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N9697BW3

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Le 27 Juillet 2017

Les troisièmes rencontres interrégionales de droit public, sous la coordination de Jacques Lepers, vice-président du tribunal administratif de Lille, Professeur associé, Université Lille 2, et de Benjamin Marcilly, Avocat, responsable de la commission de droit public, Barreau de Lille, et en partenariat avec les éditions juridiques Lexbase, se dérouleront le 15 septembre 2017 à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de l'Université de Lille 2.
  • Programme :

8h45 : café d'accueil

9h15 : allocutions d'ouverture

Xavier Vandendriessche, Président de l'Université Lille 2
Patrick Meunier, Professeur des Universités, co-directeur de l'équipe de recherche en droit public de la faculté de droit de Lille 2
Stéphane Dhonte, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Lille
Olivier Couvert-Castéra, Président du tribunal administratif de Lille

9h45 : Présidence de M. Didier Mésognon, président du tribunal administratif d'Amiens

Le décret du 2 novembre 2016 dit "Jade": genèse d'une réforme et son aboutissement, par Odile Piérart, Conseiller d'Etat, présidente de la mission d'inspection des juridictions administratives (MIJA)

Les réformes pour la juridiction administrative issues de la loi "Justice du 21ème siècle", par David Moreau, Maître des requêtes, secrétaire général adjoint du Conseil d'Etat

Regards croisés sur l'action de groupe et l'action en reconnaissance de droit, telles qu'issues de la loi "Justice du 21ème siècle", par Arnaud Sée, Professeur de droit public, Université de Paris-X et Léo Combrade, Maître de conférences, Université de Picardie

L'action de groupe telle qu'elle existe actuellement dans le domaine de la santé, par Georgina Bénard, doctorante à la Faculté de droit de Lille 2

11h50 : débats avec la salle

12h15 : buffet déjeunatoire

13h30 : travaux en ateliers (Salles de l'école des avocats IXAD)

1. Eloignement des étrangers, le nouveau contentieux du placement en rétention : Cécile Vrignon-Villalba, vice-présidente tribunal administratif de Lille, Ludovic Duprey, vice-président TGI de Lille, Mathias Venet, Ordre de Malte, Myriam Hentz, avocate, barreau de Lille

2. Action de groupe et en reconnaissance de droit, l'exemple de la fonction publique et de l'environnement : Olivier Yeznikian, 1er vice-président cour administrative d'appel de Douai, Paul-Louis Albertini, président de chambre cour administrative d'appel de Douai, Laurie Freger, avocate, Barreau de Valenciennes, David Deharbe, avocat, Barreau de Lille

3. Incidences des réformes procédurales récentes en contentieux indemnitaire : Patrick Minne, vice-président, tribunal administratif de Rouen, Clémence Barray, premier conseiller, tribunal administratif de Rouen, Sandrine Gillet, avocate, barreau de Rouen

4. La revisitation de l'intérêt à agir dans le contentieux des autorisations d'urbanisme : Samuel Thérain, Rapporteur public, tribunal administratif d'Amiens, Alain Vamour, avocat, barreau de Lille

15h15 : pause

15h30 : reprise en séance plénière, résidence de M. Etienne Quencez, Conseiller d'Etat, président de la cour administrative dappel de Douai

Restitution des travaux en ateliers & débats

16h30 : éléments de droit comparé sur les pouvoirs du juge administratif allemand

Matthias Keller, président de chambre du tribunal administratif d'Aix-la-Chapelle (Verwaltungsgericht Aachen)

17h15 : clôture et cocktail final

  • Inscriptions et renseignements :

contact@avocats-lille.com

newsid:459697

Procédure pénale

[Brèves] QPC sur l'accès administratif en temps réel aux données de connexion : non-conformité partielle à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-648 QPC du 4 août 2017 (N° Lexbase : A2517WPW)

Lecture: 2 min

N9760BWE

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par Marie Le Guerroué

Le 31 Août 2017

Le législateur, en permettant que fasse l'objet de la technique de renseignement de recueil en temps réel des données de connexion un nombre élevé de personnes, sans que leur lien avec la menace soit nécessairement étroit et, faute d'avoir prévu que le nombre d'autorisations simultanément en vigueur doive être limité, n'a pas opéré une conciliation équilibrée entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée. Le Conseil constitutionnel censure donc la seconde phrase de l'article L. 851-2 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L4484K9X) dans une décision du 4 août 2017 (Cons. const., décision n° 2017-648 QPC du 4 août 2017 N° Lexbase : A2517WPW).

Le Conseil avait été saisi le 23 mai 2017 par le Conseil d'Etat d'une QPC posée par les associations "La Quadrature du Net", "French Data Network" et la Fédération de fournisseurs d'accès à internet associatifs. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 851 2 du Code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 (N° Lexbase : L4410K99), prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste (N° Lexbase : L6821KQP). Ces dispositions permettent à l'administration, pour la prévention du terrorisme, d'être autorisée à obtenir le recueil en temps réel des données de connexion relatives à deux catégories de personnes. La première catégorie désigne les personnes, préalablement identifiées, susceptibles d'être en lien avec une menace et, la seconde, les personnes appartenant à l'entourage d'une personne concernée par une autorisation, lorsqu'il y a des raisons sérieuses de penser qu'elles sont susceptibles de fournir des informations au titre de la finalité qui motive l'autorisation.

Pour retenir la conformité des dispositions relatives à la première catégorie de personne, le Conseil s'est fondé sur l'encadrement de la mesure prévu par le législateur. La technique de renseignement en cause ne peut, en effet, être mise en oeuvre que pour la prévention du terrorisme, l'autorisation est d'une durée de quatre mois renouvelable, celle-ci est délivrée par le Premier ministre après avis préalable de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, cette commission contrôle la réalisation de la technique de renseignement et, enfin, toute personne souhaitant vérifier qu'elle n'est pas irrégulièrement mise en oeuvre peut saisir le Conseil d'Etat.

Si le Conseil considère ces premières dispositions conformes à la Constitution, il estime, en revanche, que les dispositions qui permettent de recueillir les données de connexion de la seconde catégorie sont contraires à la Constitution en retenant la solution susvisée. Il reporte au 1er novembre 2017 la date de cette abrogation.

newsid:459760

Procédure pénale

[Brèves] Conformité à la Constitution des dispositions admettant de droit le huis clos pour la "victime partie civile" dans le cadre de certaines infractions pénales

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-645 QPC du 21 juillet 2017 (N° Lexbase : A3324WNG)

Lecture: 2 min

N9603BWL

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par Aziber Seïd Algadi

Le 27 Juillet 2017

Les dispositions du troisième alinéa de l'article 306 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7000K7E), permettent à une "victime partie civile" d'obtenir de droit le prononcé du huis clos devant la cour d'assises pour le jugement des crimes de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d'agressions sexuelles, de traite des êtres humains ou de proxénétisme aggravé. En réservant cette prérogative à cette seule partie civile, le législateur a entendu assurer la protection de la vie privée des victimes de certains faits criminels et éviter que, faute d'une telle protection, celles-ci renoncent à dénoncer ces faits. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général. Cette dérogation au principe de publicité ne s'applique que pour des faits revêtant une particulière gravité et dont la divulgation au cours de débats publics affecterait la vie privée de la victime en ce qu'elle a de plus intime. Le législateur a ainsi défini les circonstances particulières justifiant cette dérogation. Ainsi, le grief tiré de la méconnaissance du principe de publicité des débats du procès pénal doit être écarté.
Aussi, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées est justifiée par l'objectif poursuivi par le législateur. Elle ne modifie pas l'équilibre des droits des parties pendant le déroulement de l'audience et ne porte pas atteinte au respect des droits de la défense.
Enfin, les dispositions contestées, en évoquant la "victime partie civile", désignent la partie civile ayant déclaré avoir subi les faits poursuivis. Il ne s'en déduit pas une présomption de culpabilité de l'accusé. Le grief tiré de la méconnaissance de la présomption d'innocence doit donc être écarté.
Par conséquent, les mots "le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles le demande ; dans les autres cas" figurant au troisième alinéa de l'article 306 du Code de procédure pénale qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution.
Tels sont les enseignements d'un arrêt du Conseil constitutionnel rendu le 21 juillet 2017 (Cons. const., décision n° 2017-645 QPC, du 21 juillet 2017 N° Lexbase : A3324WNG).

En l'espèce, selon le requérant, les dispositions figurant au troisième alinéa de l'article 306 du Code de procédure pénale méconnaîtraient le droit à un procès équitable et rompraient l'équilibre entre la partie civile, l'accusé et le ministère public. Le requérant a également argué que les dispositions susvisées, qui qualifient la partie civile de "victime" avant toute décision définitive de condamnation de l'accusé, iraient à l'encontre de la présomption d'innocence.

Après avoir énoncé les principes susvisés, le Conseil constitutionnel déclare les dispositions de l'article 306 conformes à la Constitution (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E1764EUU).

newsid:459603

Entreprises en difficulté

[Doctrine] La réforme des procédures collectives OHADA : quelle avancée pour le traitement des difficultés de l'entreprise ?

Lecture: 30 min

N9140BWG

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par Sara Nandjip Moneyang, Maître de conférences, Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Douala (Cameroun)

Le 28 Juillet 2017

Contrairement aux lois de la physique qui sont des lois de causalité parce qu'elles expliquent le pourquoi des choses, les règles juridiques quant à elles, sont des lois de finalité, visant à atteindre des objectifs (1). Adopté le 10 Avril 1998, l'Acte uniforme organisant les procédures collectives d'apurement du passif (AUPCAP) (N° Lexbase : L0547LGD) avait pour ambition de se substituer aux législations vétustes et disparates qui avaient cours antérieurement dans les Etats membres de l'OHADA (2). Pour cela, il s'était assigné des objectifs d'intérêt général que sont la sauvegarde de l'entreprise (et donc de l'emploi), le paiement des créanciers (qui sont eux-mêmes très souvent des employeurs) et la punition du débiteur, dirigeant fautif. Mais, au fil du temps, fort de la délicatesse des problèmes des entreprises, de la recherche permanente des solutions toujours plus adaptées aux réalités économiques et de la recherche d'un équilibre entre les intérêts de l'entreprise et ceux du créancier, l'AUPCAP s'est montré très limité, appelant des nécessaires refontes. En effet, au fil des temps, les pays membres de l'OHADA se sont vus confronter à une double préoccupation, celle des entités susceptibles d'être soumises à une procédure collective, et celle de l'adaptation des procédures non seulement à la taille des entreprises, mais aussi au traitement des difficultés rencontrées (3). Par ailleurs, il fallait se pencher sur les causes de l'échec des procédures collectives déjà existantes. La situation est tellement soucieuse que la banque mondiale dans son rapport sur les opportunités d'affaires en Afrique (Doing Business) constatait en 2012 que "Les coûts de fermeture d'une entreprise dans les Etats membres de l'OHADA s'élèvent à 25 % de la valeur des biens du débiteur, les délais moyens sont de 3,75 ans et le taux de créance recouvrée est d'environ 20 % du montant des créances" (4). Ce constat alarmant va perdurer puisque le 25 mai 2015 se tenait à Yaoundé au Cameroun, une concertation sur les modes de prévention des difficultés des entreprises (5). Mais en réalité, la situation était préoccupante depuis 2007, lorsque des experts ont noté la lenteur des procédures et les coûts excessifs qu'elles engendraient ; autant d'arguments qui confortaient à soutenir qu'il n'est pas possible pour le législateur des procédures collectives d'atteindre son objectif de sauvegarde de l'entreprise et de désintéressement des créanciers. La pertinence de ces constats va conduire inéluctablement à une réforme de l'Acte Uniforme OHADA organisant les procédures collectives d'apurement du passif le 10 septembre 2015, aux termes des travaux du 40ème Conseil des ministres de l'OHADA tenu à Grand Bassam en Côte d'Ivoire. L'AUPCAP fait alors peau neuve en recevant 120 nouvelles dispositions, portant ainsi l'arsenal initial de 258 à 378 articles. C'est donc un texte fort ambitieux qui, dès son article 1er, affiche des objectifs concrets, à savoir :

- la préservation des activités économiques et les niveaux d'emplois des entreprises débitrices ;

- le redressement rapide des entreprises viables et la liquidation des entreprises non viables dans les conditions propres à maximiser la valeur des actifs des débiteurs pour augmenter les montants recouvrés par les créanciers et d'établir un ordre précis de paiement des créances garanties ou non garanties ;

- la définition de la réglementation applicable aux mandataires judiciaires ;

- la définition des sanctions patrimoniales, professionnelles et pénales relatives à la défaillance du débiteur, applicables aux dirigeants de toute entreprise débitrice et aux personnes intervenant dans la gestion de la procédure ;

- l'institution de la faculté pour toute entreprise de demander, avant toute cessation de ses paiements, l'ouverture d'une procédure de médiation ;

- l'institution d'une procédure simplifiée de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens pour les petites entreprises (6).

De prime abord, ces objectifs dénotent d'une avancée sérieuse dans la prise en compte des difficultés de l'entreprise, mais aussi dans sa sauvegarde (7). Cette sauvegarde qui est à cheval entre les intérêts du débiteur et ceux des créanciers que le législateur tente si bien que mal à concilier, n'est pas une oeuvre aisée pour ce dernier, qui recherche absolument le juste équilibre entre le maintien du débiteur sur la scène économique et la satisfaction du créancier. Ce qui nous a conduit à nous interroger sur les apports de cette réforme au regard des objectifs qu'elle s'est assignée. Nul ne peut nier que le nouvel Acte uniforme a le mérite de repréciser les personnes concernées par les procédures collectives OHADA (I) dans le but non seulement d'assainir l'atmosphère économique et de repenser la prévention des difficultés des entreprises (8), mais aussi de permettre à toute entreprise quelle que soit sa taille, de bénéficier des procédures juridiques pour régler ses difficultés. Cette réforme s'accompagne conséquemment de la simplification des procédures pour tenir compte justement de la taille de l'entreprise et du niveau des difficultés qu'elle rencontre (II), d'où la nécessité de certains ajustements qui permettront de réaliser les ambitions du législateur.

I - L'extension matérielle et personnelle des procédures collectives

Les procédures collectives étaient initialement réservées aux commerçants et aux sociétés commerciales (9). Une nette évolution avait été opérée par le législateur de 1998 avec l'extension aux personnes morales de droit privé non commerçantes, telles que les sociétés civiles, les associations et les syndicats, et même aux entreprises de droit public ayant la forme de personne morale de droit privé (10). Le législateur de 2015 va considérablement élargir le champ d'application des procédures collectives OHADA en les étendant aux personnes morales de droit privé, quelle que soit leur forme et leur objet, ayant un but lucratif ou non. Dans cette optique, l'article 1-1 de l'AUPCAP révisé énonce clairement que "le présent acte uniforme est applicable à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, à toute personne morale de droit privé, ainsi qu'à toute entreprise publique ayant la forme d'une personne morale de droit privé...". L'AUPCAP révisé opère alors une révolution significative dans l'appréciation des personnes soumises aux procédures collectives OHADA, en intégrant les personnes exerçant une activité indépendante, artisanale ou agricole, ce qui appelle des observations (A) et entraîne des conséquences sérieuses sur la gouvernance de certaines entités (B).

A - La soumission des activités professionnelle indépendante, agricole ou artisanale aux procédures collectives OHADA

Si la prise en compte par le législateur OHADA de l'entreprenant dans l'Acte uniforme portant droit commercial général révisé (N° Lexbase : L3037LGL) peut faciliter la compréhension de sa soumission aux procédures collectives OHADA, cette admission n'est pas tout aussi évidente pour ce qui est des professions libérales.

1 - L'extension compréhensible des artisans et agriculteurs aux procédures collectives OHADA

L'article 2 de l'AUPCAP de 1998 déterminait les personnes qui sont soumises à la législation sur les procédures collectives. Cet article visait "toute personne physique ou morale commerçante et toute personne morale de droit privé non commerçante ; toute entreprise publique ayant la forme d'une personne morale de droit privé". Etaient donc exclues les personnes exerçant les activités civiles, notamment les agriculteurs et les artisans et de manière générale, les entreprenants n'exerçant pas d'activité commerciale (11). Or, même de par leur définition, les artisans (12) et les agriculteurs (13), mènent bien des activités qui conduisent à la commercialisation et qui peuvent de ce fait créer la relation créancier-débiteur, avec toutes ses conséquences juridiques. Ainsi, pour mettre en accord tous les actes uniformes et rester dans son ambition de modernisation de la législation des affaires, le législateur OHADA qui a ajouté un autre acteur de la scène commerciale aux côtés du commerçant se devait de prévoir aussi l'éventualité des difficultés de l'entreprenant et d'envisager leur règlement par des procédures collectives. Aux termes de l'article 1-1 nouveau, le nouvel Acte uniforme organisant les procédures collectives s'applique "à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, à toute personne morale de droit privé ainsi qu'à toute entreprise publique ayant la forme d'une personne morale de droit privé". Cette extension rationae personae du champ d'application de l'Acte uniforme qui peut sembler redondante (14), présente toutefois l'avantage de lever toute ambiguïté sur les personnes concernées par l'Acte uniforme, et surtout de viser essentiellement l'activité et non la qualité de commerçant (15).

Il convient de remarquer que le législateur OHADA, est resté longtemps influencé par l'ancien droit français (16), alors que la législation africaine instituant les procédures collectives d'apurement du passif, notamment, la loi gabonaise dans son article 2, la loi Béninoise dans son article 100, incluaient déjà les artisans et agriculteurs.

Le législateur estimait alors qu'il était inopportun d'étendre les procédures collectives aux artisans et aux agriculteurs dont les professions sont peu ou mal organisées et qui ne donnent généralement pas naissance à un passif important. C'est d'ailleurs cette idée qui présidait à la non-soumission des sociétés coopératives aux procédures collectives car alors, le législateur n'envisageait ces dernières que sous l'angle des groupements exerçant une activité civile. Il a fallu que l'acte uniforme organisant les sociétés coopératives vienne lever les équivoques d'abord par la définition du groupement, et ensuite par la soumission de celles-ci à une procédure particulière de liquidation (19). En effet, lorsque le législateur envisage la société coopérative comme un groupement de personnes qui, au moyen d'une entreprise commune cherche à satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, il ne distingue pas selon que l'entreprise est civile ou commerciale, de telle sorte que ce sont seuls les principes coopératifs qui vont distinguer les sociétés coopératives de toutes autres sociétés.

Il est clair aujourd'hui qu'en légiférant sur l'entreprenant, l'acte uniforme portant droit commercial a levé tout obstacle à soumettre les entreprises agricoles et artisanales aux procédures collectives, d'autant plus que le législateur a pris le soin de tenir compte de la taille de l'entreprise (20) par la simplification de la procédure collective qui lui serait applicable. Par ailleurs, c'est une réelle avancée pour permettre aux petites entités de bénéficier également des règles juridiques de traitement des difficultés qui les poussent très souvent à la fermeture et à quitter prématurément la scène économique parce que lesdites difficultés n'ont pas connues une prévention ou un traitement adapté.

Cependant, l'interrogation demeure pour les personnes exerçant une profession libérale.

2 - L'assujettissement douteux des professions indépendantes aux procédures collectives OHADA

Lorsque le législateur envisage les professions libérales, il vise certainement les avocats, les notaires, les agents d'affaires, les conseils juridiques, les médecins, les architectes, et de manière générale, toutes ces personnes qui ne sont régies ni par la loi sur l'activité commerciale au Cameroun (22), ni par l'Acte uniforme OHADA portant droit commercial général, encore moins par l'acte uniforme OHADA organisant les sociétés commerciales et les GIE. Il s'agit pour le législateur de protéger les créanciers de cette catégorie de débiteurs qui dans la pratique usent de leur qualité pour se soustraire à leurs obligations sans que les créanciers aient toujours les moyens de les poursuivre pour rentrer dans leurs droits. Cependant, ces professions sont pour la plupart organisées en Ordre avec des textes particuliers qui gouvernent leur fonctionnement et leurs obligations. Pour nous en convaincre, nous nous sommes référés à la loi n° 90/059 du 19 décembre 1990, portant organisation de la profession d'avocat (23), dont certaines dispositions ont fondé notre analyse. La seule obligation de droit commun à laquelle est assujetti l'avocat et qui est relative à l'exercice d'une profession, est l'obligation de tenir une comptabilité prévue par les articles 33 à 36 (24). L'avocat est aussi tenu à l'ouverture d'un compte, mais pas au même titre qu'un commerçant car il doit ouvrir un compte spécial intitulé "compte-clients" et qui ne peut faire l'objet d'une saisie (25). Il est d'ailleurs précisé que "l'avocat ne doit verser à ce compte aucun fonds personnel" (26). Par ailleurs, aux termes de l'article 72 de la même loi, "le cabinet d'un avocat est incessible et insaisissable, sous réserve des dispositions du Code général des impôts". Ces dispositions nous permettent de douter de l'effectivité et même de l'efficacité d'une procédure collective ouverte contre un avocat dont les biens ne peuvent être saisis et vendus à ce titre. Le doute est renforcé par le fait qu'en cas de manquement à ses obligations, l'avocat est passible de sanction disciplinaire prononcé par le conseil de l'Ordre.

La seule possibilité de liquidation du cabinet d'avocat envisagée par la loi régissant la profession se trouve dans le cas de décès de l'avocat. Dans ce cas, l'article 71 prévoit que "...le Bâtonnier fait apposer immédiatement les scellées sur le cabinet et désigne dans les quinze (15) jours, un ou plusieurs confrères pour liquider sous son contrôle, les affaires en cours". L'acte qui désigne le ou les liquidateurs est communiqué au procureur général, à la famille de l'avocat concerné et au ministre chargé de la Justice. La loi ne mentionne nulle part les clients de l'avocat, potentiels créanciers de ce dernier, qui auraient des revendications. L'on pense donc que ces derniers s'adresseront simplement au liquidateur qui prendra des décisions qui seront arbitrées par le conseil de l'Ordre. Il convient de noter ici que l'hypothèse de contestation prévue par le législateur est celle portant sur les honoraires (27). Quid donc des autres créanciers de l'avocat ?

D'un autre point de vue, le conseil de l'Ordre des avocats est l'instance suprême de prise des décisions concernant un avocat et prononce des sanctions disciplinaires contre ce dernier. Le conseil n'a pas de pouvoir juridictionnel car ses décisions doivent obligatoirement être notifiées dans les 10 jours de leur prononcé au procureur général près la cour d'appel dans le ressort duquel l'avocat est installé, qui en surveille l'exécution (28). Ainsi, tout litige opposant un avocat doit être préalablement porté devant le conseil de l'Ordre qui doit mettre en jeu sa procédure de censure, et donc seule la radiation (29) de l'avocat ouvre apparemment droit à l'exercice contre lui de toute autre procédure de droit commun. Cette radiation permettra alors de le soumettre à l'une des procédures collectives de l'OHADA.

La difficulté exposée ci-dessus n'est toutefois pas insurmontable. A titre de droit comparé, l'article L. 621-1, alinéa 2, du Code de commerce français (N° Lexbase : L2762LBW) prévoit que l'Ordre professionnel doit être entendu ou dûment appelé lorsque le tribunal statue sur l'ouverture d'une procédure collective contre une personne exerçant une profession réglementée (profession libérale). En application de l'art. L. 621-1, alinéa 2, précité, le juge de la cour de cassation décida que l'extension de procédure pour confusion de patrimoine à une filiale qui exerçait la même activité ne pouvait s'opérer sans que l'Ordre professionnel soit entendu (30). Le juge relève cependant un élément essentiel ici qui nous intéresse et qui justifie cette extension , à savoir la confusion de patrimoine (31). En effet, l'ouverture d'une procédure collective contre un débiteur indépendant interpelle inéluctablement l'ordre professionnel auquel il est affilié et ce dernier doit être entendu comme n'ayant pas en amont exercé correctement sa fonction de contrôleur de l'activité de son membre. Cet appel de l'Ordre constitue un véritable appel en garantie et met en jeu la responsabilité de l'Ordre qui peut être amené à répondre des défaillances du débiteur à l'égard des créanciers. Autrement dit, l'Ordre professionnel n'est pas à l'abri des réclamations des créanciers des professionnels libéraux à l'occasion des procédures collectives ouvertes contre ces derniers. Cette piste doit être exploitée par notre législation.

Ce qui est indéniable, c'est l'influence pratique de l'extension des procédures collectives sur la vie de certaines activités.

B - Les conséquences de l'extension des procédures collectives sur la gouvernance de certaines entreprises

L'extension des procédures collectives à tous les acteurs de la scène économique, traduit en effet le souci du législateur de la réforme de préserver les activités économiques, d'abord par la prévention des difficultés, et ensuite par le redressement des entreprises viables et la liquidation de celles qui sont irrémédiablement compromises.

Seulement, la nouvelle législation pourrait se heurter à des législations particulières régissant spécialement certaines activités ou même à une autre réglementation de l'OHADA. C'est le cas notamment des sociétés coopératives qui, au regard de leur spécificité marquée par la solidarité et l'entraide est régie par un Acte uniforme qui lui est propre et dont les modalités de liquidation sont régies par ledit acte (32). En effet, la dissolution de la société coopérative peut se faire de manière amiable ou être prononcée par la juridiction compétente. Dans le premier cas, il s'agit de la liquidation amiable et dans le second, la liquidation judiciaire. La mise en oeuvre de l'AUPCAP dans le cas des sociétés coopératives créerait certainement un conflit, car le processus de liquidation envisagé pour la société coopérative est aussi influencé par les principes coopératifs qui gouvernent ces organisations.

C'est aussi le cas des associations et autres petites structures qui prévoient très souvent dans leurs statuts les règles de leur dissolution et même les suites de celle-ci. L'application de l'AUPCAP ne sera pas aisée. Cependant, il s'agit pour le législateur OHADA d'une main tendue à toutes les entreprises qui souhaiteraient se voir appliquer l'une des procédures collectives proposées par la loi et surtout aux créanciers qui peuvent demander l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de leur débiteur sans qu'il soit forcément commerçant, personne physique ou une société commerciale.

C'est enfin le cas des sociétés commerciales soumises à un régime particulier, pourvu que les textes qui les gouvernent les excluent du champ de l'OHADA. L'article 1-1 in fine envisage ici les établissements de crédit au sens de la loi bancaire, les établissements de micro finance, les acteurs des marchés financiers et des sociétés d'assurance et de réassurance. S'agissant des établissements de crédit, certains relèvent de la législation CEMAC et d'autres de la législation de l'UEMOA (33). Par ailleurs, la République démocratique du Congo dispose d'une législation nationale relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, la loi du 2 février 2002. En ce qui concerne les établissements de micro finance, ils connaissent le même sort que les établissements de crédit, certains relevant de la CEMAC (34) et d'autres de l'UEMOA, sous le vocable de "systèmes financiers décentralisés'' (35). Les entreprises d'assurance et de réassurance sont gouvernées par le Code CIMA (36) dont les articles 321, 321-1 à 321-3 traitent des procédures de redressement et de sauvegarde des entreprises d'assurance.

II - La simplification des procédures comme réponse à l'élargissement du champ d'application des procédures collectives

Comme nous le relevions plus haut, la création du statut d'entreprenant par l'Acte uniforme OHADA portant droit commercial général révisé et adopté le 15 décembre 2010 a normalement suscité l'adaptation du droit des procédures collectives aux réalités que ce nouvel acteur de la scène économique pourrait engendrer (37). Il s'agit en réalité d'une catégorie fort peuplée d'"entrepreneurs" africains que le caractère informel de leurs activités laisse très souvent hors du champ du droit qu'ils méconnaissent ou ignorent. Or, leur appréhension désormais par le droit des procédures collectives leur permet de bénéficier des instruments juridiques simples de prévention à l'instar de la procédure de conciliation qui vient renforcer la procédure de règlement préventif afin de saisir rapidement la difficulté et d'y apporter une prompte solution (A). Le législateur a aussi pensé à favoriser les entreprises de petite taille qui connaissent ou non un état de cessation des paiements (38), mais qui n'ont pas de moyens d'engager une procédure normale de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens qui serait lourde et longue (B).

A - Le renforcement de la prévention des difficultés par la procédure de conciliation et le réaménagement du règlement préventif

La conciliation est définie par l'Acte uniforme organisant les procédures collectives révisé, comme "une procédure préventive, consensuelle et confidentielle, destinée à éviter la cessation des paiements de l'entreprise débitrice afin d'effectuer, en tout ou partie, sa restructuration financière ou opérationnelle pour la, sauvegarder..." (39). Envisagée sous l'angle de ses conditions et de ses caractères, il est difficile d'assimiler la conciliation à une procédure collective. En effet, cette procédure peut ne concerner qu'une petite partie des créanciers ou même un seul créancier, qui déclenche la procédure contre son débiteur. Comme le règlement préventif, elle est déclenchée par le débiteur qui saisit le tribunal pour une conciliation avec son client ou conjointement par le débiteur et un ou plusieurs de ces créanciers (40). Mais, à la différence de la conciliation, le débiteur doit justifier des difficultés financières sérieuses (41). En amont de la procédure de règlement préventif, la conciliation est une procédure dont l'importance (1) se heurte aux errements dans sa mise en place, lesquels remettent en cause son efficacité (2). En revanche, le règlement préventif semble connaître un toilettage qui pourrait contribuer plutôt à son alourdissement (3).

1 - L'importance de la procédure de conciliation

La conciliation est une procédure dont le but est de permettre au débiteur de trouver une solution aux problèmes de son entreprise en passant par la conclusion d'un accord avec un ou plusieurs créanciers et, éventuellement ses cocontractants. C'est une procédure préventive, consensuelle et confidentielle. Elle est préventive parce qu'elle doit être déclenchée avant la cessation des paiements, dès que le débiteur ressent une difficulté à laquelle il ne peut faire face avec les moyens dont il dispose, laquelle difficulté risque de nuire à la poursuite normale de son activité. Il est dès lors judicieux de rechercher une solution amiable (42). Vue sous cet angle, la conciliation va donc se rapprocher de l'accord amiable que le débiteur conclut très souvent avec ses créanciers (le plus souvent les banquiers), à la seule différence qu'il n'y a pas d'intermédiaire entre le débiteur et le créancier, et qu'il n'est pas besoin de faire homologuer l'accord en justice comme dans le cas d'une conciliation. Il s'agit donc de rendre plus crédible, plus officielle, l'entente entre débiteur et créancier en passant par devant une autorité assermentée, à savoir, le juge.

Les articles 2 et 5-1 in fine présentent la conciliation comme une procédure confidentielle, laquelle confidentialité s'impose à toute personne qui en a connaissance. En effet, la publicité d'une telle procédure serait contradictoire à l'esprit du législateur qui souhaite préserver l'image de l'entreprise éprouvée en trouvant rapidement et discrètement une solution fiable. L'alerte des partenaires, clients ou fournisseurs n'ayant pas été appelés à la procédure participerait à jeter un discrédit sur l'entreprise.

La conciliation se veut aussi être une procédure rapide dont la durée est de trois (3) mois seulement ; ce délai pouvant être prorogé d'un (1) mois. Il convient de relever que dans le cas d'espèce, cette tendance du législateur à proroger les délais n'est pas la bienvenue pour une procédure dont la souplesse et la rapidité sont les maîtres-mots. Il est vrai que cet allongement exceptionnel des délais peut se justifier par le souci d'une bonne administration de la justice en cas de surcharge des magistrats ou d'incidents de procédure pouvant retarder l'intervention de la décision, mais il convient d'être très prudent car cela pourrait constituer l'un des éléments pouvant entraver l'efficacité de la procédure.

2 - L'efficacité mitigée de la procédure de conciliation

Il n'est pas surabondant de revenir sur la réticence affichée par certains pays membres de l'OHADA par rapport à la capacité de la conciliation à prévenir efficacement la difficulté de l'entreprise (44). Un auteur relève aussi que "l'idée de résoudre des difficultés des entreprises par une négociation privée [et donc amiable] avec les créanciers a longtemps été entourée en France d'un voile de suspicion. Cette hostilité s'explique pour l'essentiel par les atteintes que ce mode de négociation porte au principe d'égalité des créanciers, ainsi que le risque de fraude ou d'un engagement pris à la légère par le débiteur prêt à tout pour obtenir l'allègement de ses dettes" (45). L'on pourrait aussi remettre en cause l'efficacité de la procédure de conciliation eu égard à la distinction faite par le législateur entre les différents types de créanciers du débiteur (46). En effet, il oppose les cocontractants aux principaux créanciers qui semblent être les fournisseurs et les clients (47). Or, le créancier étant toute personne pouvant réclamer l'exécution d'une obligation parce qu'elle est devenue exigible (48), le cocontractant pourrait bien être créancier. Cette conception est de nature à affaiblir l'importance de la procédure de conciliation. La distinction qui, à notre avis mérite d'être opérée, est celle qui oppose les cocontractants dont les contrats sont exigibles et doivent être exécutés à ceux qui ne le sont pas encore. De la sorte, la négociation doit porter logiquement sur les contrats exigibles et qui présentent une difficulté à exécuter. Cette analyse découle des conditions même d'ouverture de la procédure de conciliation prévues par l'article 5-1 qui envisage des difficultés avérées ou prévisibles. Autrement dit, le débiteur qui, connaissant sa situation d'insolvabilité (confirmée par sa trésorerie et sa situation patrimoniale ou présumable au regard de certains engagements pris), n'attend pas d'être mis en demeure de payer et prend les devants pour déclencher une procédure de conciliation.

Par ailleurs, la condition d'ouverture de la conciliation, qui consiste pour le débiteur à présenter des difficultés avérées ou prévisibles ; peut conduire à un réel souci d'appréciation de la situation du débiteur, à qui on risque de refuser l'ouverture de la procédure. En effet, non seulement la difficulté doit être identifiée, mais constatée et de nature à permettre facilement d'en mesurer les conséquences sur la continuité par le débiteur, de son activité (49). Il en sera par exemple ainsi lorsque le débiteur redoute l'impossibilité pour son fournisseur de matières premières de le livrer à temps pour confectionner des produits attendus par un créancier dans un certain délai, et qui pourrait entraîner un contentieux sérieux. S'agissant de la prévisibilité, elle renverrait aux indices de difficultés qui pourraient se confirmer ou non. Il faut dire que cette indétermination portant sur la principale condition d'ouverture d'une procédure de conciliation peut faire conjecturer sur les difficultés du débiteur et c'est fort de cela que certains auteurs pensent qu'elle (la condition d'ouverture), "impose une recherche délicate et parfois quasi -divinatoire, sur les conséquences d'un fait lui-même imparfaitement connu" (50). Il va s'en dire que cette complexité d'appréciation de la condition d'ouverture, peut amener le débiteur à choisir plutôt la procédure de règlement préventif dont la condition semble plus discernable, pouvant aisément se rapporter à partir de certains indices tels que les arriérés de salaires par exemple.

D'un autre point de vue, l'exigence des pièces à verser au dossier de demande de la conciliation (51), qui sont par ailleurs les mêmes que pour les procédures de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation, sont de nature à alourdir la procédure. L'on ne voit par exemple pas à quoi cela servirait d'exiger au demandeur à la procédure de conciliation de produire "les états financiers de synthèse comprenant le bilan, le compte de résultat, un tableau financier des ressources et des emplois, l'état annexé et, en tout état de cause, le montant du chiffre d'affaires et des bénéfices ou des pertes des trois derniers exercices" (52), alors même qu'il doit produire "un état de la trésorerie et un état chiffré des créances et des dettes avec indication des dates d'échéance" (53). La même remarque pourrait être faite au sujet de l'exigence du "...document indiquant le nombre des travailleurs déclarés et immatriculés à la date de la demande" (54). Or, à ce stade de la procédure, il convient de simplifier au maximum la procédure pour permettre au débiteur de relancer assez rapidement ses activités et d'éviter ainsi la cessation des paiements. La quantité des documents à examiner par le juge conciliateur peut être une cause de ralentissement de la procédure, qui n'atteindrait pas alors l'objectif envisagé par le législateur. L'exigence de la preuve de l'existence légale de l'entreprise, l'état de trésorerie et un état chiffré des créances et des dettes, ajouté à la liste des créanciers qui sont parties à la procédure nous semble être des éléments suffisants pour apprécier la situation du débiteur et le concilier avec ses créanciers dans les plus brefs délais. Cela conduit à nous interroger sur les enjeux de la simplification des procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens. Mais avant, analysons la nouvelle procédure de règlement préventif et son impact sur la situation du débiteur.

3) L'impact de la nouvelle procédure de règlement préventif sur le traitement des difficultés

Le nouvel Acte uniforme issu de la réforme de 2015 a profondément aménagé la procédure de règlement préventif. Mais, ce réaménagement a contribué le plus souvent à alourdir considérablement la procédure, nous conduisant à nous interroger sur les intentions réelles du législateur qui semble donner dans son esprit, et reprendre dans sa lettre. Le règlement préventif étant une procédure destinée à éviter la cessation des paiements et donc la cessation d'activité du débiteur en lui permettant de mettre en place un plan d'apurement de son passif au moyen d'un concordat préventif, il nous semble que la réforme de 2015 s'est, à certains points importants, éloigné de cet objectif. En effet, celui-ci ne peut être atteint si la procédure est trop longue et trop lourde, au point d'entraîner l'enlisement du débiteur et la persistance ou même l'aggravation de ses difficultés financières d'une part, et d'autre part, le maintien des créanciers dans une incertitude préjudiciable quant à l'issue de leurs créances.

Ainsi, si les effets du règlement préventif ont été aménagés dans le sens d'une plus grande satisfaction des créanciers, il convient de relever que le chemin pour y arriver est jonché d'obstacles. Ceux-ci sont constitués en prime des documents qui doivent être versés au dossier pour l'ouverture de la procédure, dont le nombre passe de dix à quatorze et qui doivent dater de moins d'un mois. Or, certains documents à produire par le débiteur doivent être établis par certaines administrations. Il en est ainsi par exemple de l'attestation d'immatriculation qui doit être délivrée au greffe du tribunal de première instance où l'entreprise a été immatriculée, ou encore du document indiquant le nombre de travailleurs et le montant des salaires, qui doit être authentifié à la caisse nationale de prévoyance sociale. Toutes ces procédures de constitution des pièces à verser au dossier de demande d'ouverture peuvent contribuer à coup sûr à stresser le débiteur qui court après les délais, à peine d'irrecevabilité de la demande ou d'irrégularité des pièces à fournir.

Toujours au chapitre des freins à l'efficacité du règlement préventif, notons l'extension du délai donné à l'expert pour déposer son rapport et qui a pour corollaire l'allongement de la durée de la suspension des poursuites individuelles, effet majeur de l'ouverture d'une procédure de règlement préventif. A ce propos, et condamnant cette prorogation, un auteur fait remarquer justement que "...l'expert effectue son rapport sur la base de l'offre de concordat déposée avant sa nomination... Du reste, la célérité que requiert la procédure milite en faveur d'un bref délai pour faire un travail de qualité" (59). Autrement dit, l'expert, dès sa nomination dispose déjà des éléments pour faire son rapport ; il n'a donc pas besoin de délai plus long. Par ailleurs, et de manière générale, le législateur ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect des délais légaux par les organes de procédure. L'objectif à atteindre ici étant la célérité, la sanction jouerait un rôle dissuasif indéniable, permettant de mettre en jeu la responsabilité notamment du juge compétent, de l'expert ou du syndic (60).

Les procédures simplifiées avaient également suscité beaucoup d'espoir pour le traitement des difficultés des petites entreprises. Il est peut-être tôt d'en faire une évaluation, mais la lettre de ces procédures ne permet pas d'assurer leur efficacité.

B - L'ambiguïté du champ d'application des procédures collectives simplifiées

La création du statut d'entreprenant par le législateur OHADA appelait nécessairement l'institution des mesures encadrant ce nouvel acteur de la scène commerciale. Pour répondre à cette préoccupation, le législateur lui donne la possibilité de régler ses difficultés par la mise en place des procédures collectives simplifiées adaptées aux petites entreprises, qu'il prend la peine de définir. Cependant, l'appréhension de la petite entreprise et celle de l'entreprenant ne se recoupe pas toujours, ce qui peut susciter quelques limites sur l'applicabilité des procédures simplifiées à l'entreprenant. A cet égard, la détermination de la petite entreprise peut créer une ambiguïté (1). De même, certains éléments de simplification de la procédure risquent de constituer plutôt des blocages à l'atteinte de l'objectif lié à la simplification (2).

1 - L'ambiguïté tenant à la détermination de la petite entreprise

Aux termes de l'article 1-3 AUPCAP, qui procède à la définition des termes et expressions utilisés par le législateur, la petite entreprise s'entend de "toute entreprise individuelle, société ou autre personne morale de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieure ou égal à vingt et dont le chiffre d'affaires n'excède pas cinquante millions de francs CFA, hors taxes au cours des douze mois précédant la saisine de la juridiction compétente conformément au présent acte uniforme".

La notion de "petite entreprise" part, pour ce qui est des pays membres de l'OHADA, de la création du statut d'entreprenant, dont la prise en compte sur la scène économique devait s'accompagner des mesures de viabilité et de traitement de ses difficultés. Cette notion englobe dès lors aussi bien l'entreprise individuelle que l'entreprise sociétale qui répond aux critères posés par l'article 1-3 nouveau.

Cependant, l'article 30 de l'Acte uniforme révisé portant droit commercial général (AUDCG) qui définit l'entreprenant comme un entrepreneur individuel, qui exerce une activité professionnelle civile, commerciale, artisanale ou agricole et qui en fait la déclaration au registre du commerce et du crédit mobilier, le fait rentrer opportunément dans la sphère de la petite entreprise, mais soumise à l'exigence d'un système minimal de trésorerie qui varie selon le chiffre d'affaires annuel généré par l'activité concernée pendant les deux derniers exercices successifs. Ce chiffre d'affaires ne doit pas excéder un certain seuil fixé par l'article 13 de l'Acte uniforme relatif à la comptabilité des entreprises, notamment, trente millions pour les entreprises de négoce, vingt (20) millions pour les entreprises artisanales et dix millions pour les entreprises de service. Il s'agissait pour le législateur de soumettre l'entreprenant à une comptabilité allégée qui rende moins contraignante les règles juridiques applicables à l'entrepreneur individuel, et qui tienne compte de la fragilité de l'activité de ce dernier.

L'Acte uniforme organisant les procédures collectives, qui définit la petite entreprise comme celle dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas cinquante millions, semble mettre la barre très haute et bien qu'englobant les seuils fixés par l'acte uniforme relatif à la comptabilité des entreprises, risque de poser quelques difficultés d'application. En effet, lorsque l'entreprenant dépasse l'un des seuils fixés par la loi pour son activité, il n'est plus éligible au statut d'entreprenant. Autrement dit, il pourrait ne plus être éligible aux procédures collectives simplifiées ouvertes aux petites entreprises sans même atteindre le seuil de cinquante millions. Il suffirait alors par exemple que l'entreprenant qui fait dans le négoce dépasse le seuil de trente millions de francs CFA pour ne plus être candidat à une procédure collective simplifiée (alors même qu'il n'atteint pas le seuil des cinquante millions), puisque l'article 13 de l'Acte uniforme sur la comptabilité des entreprises n'a pas été abrogé (61). Il s'agit donc là d'une importante faille législative qu'il faut envisager de corriger pour permettre à l'AUPCAP révisé de jouer son plein effet. Le législateur aurait été plus expressif en s'exprimant en ces termes : "La petite entreprise est toute entreprise individuelle, société ou autre personne de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieure ou égal à vingt et dont le chiffre d'affaires n'excède pas cinquante millions de francs CFA, hors taxes au cours des douze douze mois précédant la saisine de la juridiction compétente conformément au présent acte uniforme, sous réserve des seuils prévus par l'article 13 de l'Acte uniforme organisant la comptabilité des entreprises pour les activités exercés par l'entreprenant".

Cette réécriture est d'autant plus indiquée que l'entreprenant qui dépasse le seuil qui lui est imposé par la loi, perd cette qualité et devient un commerçant au sens de l'article 2 de l'Acte uniforme portant droit commercial général. Bien entendu, il pourra toujours bénéficier de la procédure simplifiée, mais en perdant le statut d'entreprenant qui lui confère d'autres avantages. Par ailleurs, l'acquisition de la qualité de commerçant ne sera pas automatique. Pour devenir petite entreprise commerciale, il devra accomplir les formalités pour être commerçant (62), ce qui constitue pour lui un effort supplémentaire, et donc un blocage pour accéder à la procédure simplifiée, alors même qu'il connaît déjà des difficultés.

Ainsi, partageant l'avis d'un auteur qui relève à juste titre que le nombre de vingt salariés maximum comme critère pour bénéficier d'une procédure collective simplifiée semble élevé dans le contexte africain (63), nous ne sommes cependant pas du même avis que lui lorsqu'il ajoute que le critère du chiffre d'affaires est assez bas. L'analyse qui précède montre bien que ce critère peut créer une ambiguïté parce qu'il heurte d'autres seuils prévus par une autre législation OHADA sur les "petites entreprises". En effet, dans le contexte économique actuel des pays membres de l'OHADA marqué par la pauvreté et les niveaux de rémunérations assez faibles, une entreprise qui réalise un chiffre d'affaires d'au moins cinquante millions accomplit un exploit et ne s'accommoderait même plus à l'appellation de "petite entreprise". D'un autre point de vue, les petites entreprises à proprement parler, se recrutent dans le secteur informel où les travailleurs ne sont pas systématiquement déclarés, certains travaillant à la tâche ou même à l'heure (65), d'autres étant liés par un contrat temporaire ou occasionnel ; ce qui rend ardue la réalisation du critère du nombre de salariés et même celui de chiffre d'affaires.

2 - Les limites de la procédure simplifiée

La simplification des procédures pour les adapter aux petites entreprises figurent parmi les innovations majeures de la réforme des procédures collectives intervenue en 2015. Un an seulement après son entrée en vigueur, il est difficile de faire un bilan de son application. S'agissant des procédures simplifiées, celles-ci connaissent effectivement dans leur écriture, des éléments de facilitation de la procédure, d'accélération et d'efficacité (66). Mais l'on peut craindre que l'allègement dans certains cas entraîne une violation des règles d'égalité qui doivent gouverner les procédures collectives. C'est ainsi que dans le cas du redressement judiciaire simplifié, on peut déplorer l'homologation du concordat sans vote des créanciers qui rencontre pourtant la faveur de certains auteurs qui justifient cela par l'inadaptation du vote au regard de la réduction du concordat au strict minimum (67). Etant donné que les remises de dettes ne peuvent être imposées aux créanciers, lesquels doivent également accepter les délais de paiements et ne peuvent se voir imposer que les délais de moins de deux ans, le vote des créanciers semble nécessaire pour maintenir un certain équilibre entre les intérêts du débiteur et ceux du créancier, même dans le cadre d'une procédure simplifiée. En effet, il faut veiller à ce que la simplification ne constitue en aucun cas, la violation des droits des parties.

Pour ce qui est de la liquidation des biens simplifiée, l'une des conditions sine qua non, en dehors de la qualité de "petite entreprise" est l'absence d'actif immobilier (68). La réalisation d'actifs ne peut dès lors concerner que les meubles. Or, certains biens meubles ne sont pas tout aussi faciles à réaliser. Il en sera ainsi de certains meubles incorporels de valeur immobilière comme le fonds de commerce par exemple ou encore le stock de marchandises. Ce qui peut constituer un blocage à l'application de la procédure simplifiée et obliger le débiteur à se soumettre au régime normal qu'il n'a pas choisi au départ et qui ne lui est certainement pas favorable.

Par ailleurs, la suppression de la tutelle du juge-commissaire et l'exclusion du débiteur dans la vente de ses biens ne saurait se justifier par le souci de simplification de la procédure car, la seule présence de ces deux personnes n'aurait pas pour effet d'alourdir la procédure (la vente se faisant de gré à gré et dans un délai de 3 mois), mais, à notre avis, de la rendre efficace. Aux termes de l'article 39, alinéa, 1 de l'AUPCAP, le juge-commissaire veille au déroulement régulier et rapide (69) de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, à la protection des intérêts en présence et à l'atteinte des objectifs poursuivis. Il nous semble que ce rôle du juge-commissaire est a fortiori requis dans la procédure simplifiée qui touche la petite entreprise dont il faut préserver les avoirs afin de faciliter la liquidation. Sur le plan pratique, il faut craindre que l'absence du débiteur lors de la vente ne suscite quelque légèreté avec au bout, son appauvrissement.

Enfin, la simplification des procédures n'exclut pas l'intervention des organes de procédure que sont les mandataires de justice dont la rémunération peut poser un réel problème au bénéficiaire de la procédure collective, a fortiori, à celui d'une procédure simplifiée qui est la petite entreprise. En effet, aux termes de l'article 4-18 nouveau de l'AUPCAP "la juridiction compétente peut accorder à l'expert au règlement préventif, dans la décision le désignant ou dans une décision ultérieure, une provision sur sa rémunération qui ne saurait excéder quarante pour cent (40 %) du montant prévisionnel de celle-ci. En tout état de cause, une partie de cette rémunération au moins égale à soixante pour cent (60 %) ne peut être versée qu'à compter de la remise du compte-rendu...".

L'on peut relever ici, l'imprécision des contours de la rémunération des mandataires de justice, laquelle imprécision peut être source de difficulté pour l'entreprise qui subit une procédure collective. En effet, la rémunération des mandataires de justice telle que prévue par l'article 4-17 tient compte de deux arguments, le temps passé et le nombre de créanciers concernés par la procédure de règlement préventif simplifié, étant entendu que le législateur prévoit que chaque membre peut y ajouter des critères supplémentaires. L'analyse du temps passé permet de le définir comme l'intervalle de temps écoulé entre la désignation de l'expert par le tribunal et le jour où il rend son rapport. S'agissant du nombre de créanciers, nous ne voyons pas un impact véritable sur la rémunération de l'expert, puisqu'il rend un seul rapport quel que soit le nombre de créanciers concernés par la procédure. Ce malaise se ressent aussi dans les modalités de la rémunération qui, dans le cadre du règlement préventif simplifié, peut consister en un montant forfaitaire fixé par l'Etat partie. Il faudrait dès lors établir tout de même les critères de ce forfait. L'exigence du chiffre d'affaires et du nombre de salariés peut permettre de canaliser la rémunération dans une fourchette raisonnable et de ne pas proposer une rémunération pouvant entrainer la chute de l'entreprise ou l'aggravation de ses difficultés. On ne comprendrait par exemple pas que des créanciers ne soient pas payés à cause de la rémunération trop élevée d'un mandataire de justice. L'inquiétude sur la simplification des procédures est encore plus grande lorsque le législateur laisse le barème de rémunération à la discrétion des pays membres de l'OHADA (70).

En guise de conclusion, et pour tenter de répondre à la question que nous nous sommes posée, constatons que le traitement des difficultés des entreprises est au coeur des procédures collectives et la réforme de 2015 que nous saluons, en a fait une fois de plus, une question centrale : elle innove aussi bien sur les personnes concernées par les procédures collectives OHADA, que sur les procédures elles-mêmes pour lesquelles elle prévoit un modèle simplifié pour les entreprises de petite taille. Cependant, s'il est tôt de faire un bilan de l'application de la réforme, il n'est pas tôt d'en relever quelques défaillances. L'assujettissement des professions libérales aux procédures collectives ne sera pas aisée car celles-ci sont déjà régies par des règles professionnelles ; la notion de petite entreprise doit être reprécisée en tenant compte des différents textes de l'OHADA qui s'intéressent à la notion, notamment , l'acte uniforme portant droit commercial général et l'acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises (71) révisés le 15 décembre 2010 ; l'efficacité de la conciliation comme innovation majeure est mitigée, à côté d'une procédure de règlement préventif simplifié ; la simplification des procédures, perçue comme la thérapie des petites entreprises souffre aussi de quelques lacunes, tenant d'une part aux documents requis pour l'ouverture de la procédure et d'autre part, à son déroulement.

La réforme des procédures collectives a permis une avancée louable du traitement des difficultés, mais qui pourrait être freinée par quelques blocages qui n'ont pas été perçus par le législateur, mais qui peuvent être rattrapés sur le terrain par la diligence du juge compétent et les organes des procédures collectives dont le rôle est sensible en cas notamment de procédure simplifiée.


(1) M. Niamba, F.-M. Sawadogo, Le droit OHADA des entreprises en difficulté : prévention, procédures collectives, sanctions. Formation des magistrats et assesseurs des tribunaux de commerce du Burkina-Faso, Ersuma, 8-19 février 2010, p. 5.
(2) Code de commerce français de 1807 qui organisait les procédures collectives, modifié et complété par les lois du 28 mai 1838 et 4 mars 1889, qui instituaient deux procédures, la liquidation judiciaire pour les commerçants malheureux et de bonne foi, et la faillite pour les commerçants fraudeurs ou malhonnêtes. Il faut y ajouter les reformes consacrées par le décret-loi du 30 octobre 1935 (N° Lexbase : L2969AIS) modifiant de nombreuses dispositions du Code de commerce, le décret du 20 mai 1955 (N° Lexbase : L6821KQP) la loi du 25 janvier 1985 et la loi du 10 juin 1994 qui marquent une remarquable évolution dans le droit des sociétés et du traitement des difficultés des entreprises. L'AUPCAP de 1998 est fortement inspiré des lois françaises de 1967, 1984 et 1985.
(3) Au Cameroun, l'on constate que le recours aux procédures collectives sont rares et celles qui y recourent finissent par fermer boutique. Quant aux petites entreprises, elles sont dissuadées par le coût des procédures.
(4) Banque mondiale, Rapport Doing Business 2012 dans les Etats-membres de l'OHADA, 2012, p. 77.
(5) Lire le quotidien Cameroon Tribune du 25 mai 2015, p. 5.
(6) La notion de "petite entreprise" est consacrée par l'article 1-3 de l'AUPCAP révisé qui la définit comme "toute entreprise individuelle, société ou autre personne morale de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieur ou égal à vingt (20) et dont le chiffre d'affaires n'excède pas cinquante millions (50 000 000) Franc CFA hors taxe, au cours des douze (12) mois précédant la saisine de la juridiction compétente".
(7) Bon nombre de ces objectifs sont en réalité ceux qui ont toujours animés le législateur des procédures collectives, mais dont l'esprit n'avait pas été suffisamment été traduit dans l'ancien texte. Par exemple, le mandataire existait déjà, c'est son statut qui n'était pas clarifié ; de même, les sanctions étaient aussi prévues à l'encontre de certaines personnes impliquées dans les procédures collectives, notamment le dirigeant personne physique dont la sanction se trouve étendue au dirigeant personne morale. Voir les articles 230 à 233 ; 240, 243 et 244 anciens de l'AUPCAP.
(8) L'on se souvient que le 25 mai 2015, une concertation avait eu lieu à Yaoundé (Cameroun), à l'effet de discuter de l'adaptation des procédures collectives à certaines institutions, notamment, les établissements financiers, les micro finances... (voir Cameroon Tribune du 25 mai 2015).
(9) Cf. Code de commerce français de 1807, qui organisait les procédures collectives, et ses textes subséquents, applicables au Cameroun.
(10) AUPCAP, art. 2-1 et 2-4 , version de 1998.
(11) L'entreprenant est défini par l'art. 30 de l'Acte uniforme portant droit commercial général comme un "entrepreneur individuel, personne physique qui, sur simple déclaration... exerce une activité professionnelle civile, commerciale artisanale ou agricole".
(12) Il ressort de l'article 42 du Code général des impôts camerounais, que l'artisan est un fabriquant ou un ouvrier travaillant chez lui, avec ou sans force motrice, utilisant le concours de cinq employés, compagnons ou apprentis au maximum et ne vendant que le produit de son propre travail. Sont également considérés comme artisans, les mariniers, chauffeurs ou cochers n'ayant qu'un bateau ou véhicule qu'ils conduisent eux-mêmes ; les pêcheurs se livrant personnellement à la pêche sans autre concours que celui de deux aides. L'article 2 de la loi n° 2007/004 du 13 juillet 2007, régissant l'artisanat au Cameroun sans définir directement l'artisan, définit l'artisanat comme "l'ensemble des activités d'extraction, de production, de transformation, d'entretien, de réparation ou de prestation de service essentiellement manuels et exercées à titre principal".
(13) L'agriculteur peut être définie comme une personne qui travaille sur un fond rural et qui se livre habituellement à une activité professionnelle de culture ou d'élevage ou même des deux, et qui peut donner lieu à commercialisation.
(14) Cette redondance se traduit par la formule trop large du législateur qui après avoir visé l'exercice d'une activité professionnelle indépendante, était-il encore nécessaire d'ajouter "civile, commerciale, artisanale ou agricole", "ainsi qu'à toute personne morale de droit privé". Lire Ph. Roussel Galle, Les débiteurs dans l'AUPC révisé : la modernisation du droit de l'insolvabilité dans la continuité in Dossier Modernisation de l'Acte Uniforme sur les procédures collectives OHADA, Revue Droit et patrimoine n° 253, p. 55 -58.
(15) Voir à ce sujet, S. Nandjip Moneyang, le nouveau visage de l'activité commerciale au Cameroun : le clair-obscur de la loi n° 2015/18 du 21 décembre 2015, régissant l'activité commerciale, Revue électronique Lenemro n° 1.
(16) Selon la loi française de 1967 abrogeant celle de 1867 régissant les sociétés commerciales, seules les personnes physiques ayant la qualité de commerçant étaient concernées par les procédures collectives d'apurement du passif. Malgré l'évolution législative française de 1985 et de 1988 qui étendait les procédures aux artisans dans un premier temps et aux agriculteurs ensuite, le législateur OHADA de 1998 s'est limité aux personnes physiques commerçantes, alors que le contexte africain exigeait même cette extension.
(17) Voir, F. M. Sawadogo, in Commentaire de L'AUPC du 10 Avril 1998 ; J. O OHADA n° 7, p.1 et suivants.
(18) Aux termes de l'article 4 de L'AUSCOOP, "la société coopérative est un groupement autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs, au moyen d'une entreprise dont la propriété et la gestion sont collectives et où le pouvoir est exercé démocratiquement et selon les principes coopératifs".
(19) AUSCOOP, art. 182 et 196.
(20) Le nouvel AUPCAP a pris le soin de distinguer l'entreprise de la petite entreprise. Cette dernière est "toute entreprise individuelle, société ou autre personne morale de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieure ou égal à vingt (20), et dont le chiffre d'affaires n'excède pas cinquante millions (50 000 000) de francs cfa, hors taxe, au cours des douze (12) mois précédant la saisine de la juridiction compétente..." (AUPCAP, art. 1-3).
(21) A côté des procédures collectives classiques, nous avons désormais les procédures collectives simplifiées.
(22) Loi n° 2015/018 du 21 décembre 2015, régissant l'activité commerciale au Cameroun.
(23) La profession d'avocat nous semble mieux matérialiser le caractère libéral, les professions de notaire, expert-comptable, architecte, huissier de justice...étant fortement imprégnées dans leur exercice par diverses réglementations des pouvoirs publics.
(24) Aux termes de l'article 33 "Les opérations de chaque avocat sont retraces dans les documents comptables ci-après: un livre journal; un grand livre ; un carnet à souches. Ces livres sont côtés et paraphés par le président du tribunal de première instance dans le ressort duquel est situé le cabinet de l'avocat". Les articles 34 à 36 précisent les rôles de chacun de ces documents.
(25) Loi du 19 décembre 1990, portant organisation de la profession d'avocat, art. 37.
(26) Loi organisant la profession d'avocat précitée, art. 37, al. 2.
(27) Loi organisant la profession d'avocat, art. 71, al. 3 "Le conseil de l'Ordre arbitre les contestations relatives aux honoraires dus à l'avocat liquidateur. Toutefois, tout intéressé peut, lorsqu'il n'est pas satisfait de la décision du conseil, saisir le président du tribunal de première instance de la résidence du cabinet liquidé..."
(28) Loi organisant la profession d'avocat précitée, art. 56, al 3.
(29) Aux termes de l'article 57 de la loi de 1990, organisant la profession d'avocat, le conseil de l'Ordre prend les sanctions suivantes, par ordre de gravité: le rappel à l'ordre ; l'avertissement ; le blâme ; la suspension temporaire pendant une période ne pouvant excéder un an et la radiation du tableau de l'ordre.
(30) C'est en application de cet article que la Cour de cassation a rendu l'arrêt du 5 novembre 2013 (Cass. com., 5 novembre 2013, n° 12-21.799, FS-P+B N° Lexbase : A2098KPE). En l'espèce, une société ayant pour activité l'expertise comptable et le commissariat aux comptes avait été placée en redressement puis en liquidation judiciaires et le liquidateur avait demandé l'extension de cette procédure pour confusion de patrimoine, à une filiale de celle-ci qui exerçait la même activité. Mais la chambre commerciale a cassé l'arrêt d'appel au motif que "le tribunal ne peut se prononcer sur l'extension de la procédure collective qu'après avoir entendu ou appelé l'ordre professionnel...".
(31) AUSCOOP, art. 182 ; AUSCOOP, art. 196 ; AUSCOOP, art. 191 in fine AUSCOOP, art. 188 à 190.
(32) Règlement du 25 avril 2014, relatif aux établissements de crédit en difficultés.
(33) Loi bancaire de 1990, portant loi uniforme dans l'UEMOA.
(34) Voir du Règlement du 25 avril 2014, art. 5, al. 2 qui étend son application aux EMF implantés sur le territoire des Etats membres de la CEMAC.
(35) Les systèmes financiers décentralisés (SFD) sont régis par la loi "Parmec" (Programme d'Appui à la Réglementation des Mutuelles d'Epargne et de Crédit).
(36) Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance.
(37) D. Bakary, Des procédures adaptées aux petites entreprises : les procédures simplifiées in Dossier Modernisation de l'acte uniforme sur les procédures collectives, Revue droit et patrimoine, n° 253, décembre 2015, p. 44-48.
(38) La définition de la cessation des paiements a d'ailleurs été reprécisée. La cessation des paiements s'entend désormais de "l'état où le débiteur se trouve dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible , à l'exclusion des situations où les réserves de crédit ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible" ; AUPCAP, art. 25 nouveau.
(39) AUPCAP, art. 2.
(40) AUPCAP, art. 5-2, nouveau.
(41) AUPCAP, art. 6.
(42) AUPC, art. 4 al. 2 nouveau.
(43) En effet, se concilier voulant signifier aussi "s'allier'', il est impératif que l'accord qui naît entre les personnes concernées (parties à la conciliation), ne soit pas ouvert, au risque de faire perdre à l'accord son essence et la conséquence souhaitée, à savoir, sauvegarder son entreprise et continuer à susciter la confiance de ses partenaires.
(44) Cette procédure avait été trouvée "inutile, superfétatoire, sans pertinence" par l'avis n° 0001 du 17 juin 2015 de la Cour commune de justice et d'arbitrage qui considérait alors qu'elle devait être supprimée.
(45) M.-C., Coquelet Entreprises en difficultés et instruments de paiement et de crédit, éd. Dalloz, 2015, n° 48.
(46) AUPCAP, art. 4-1 ; art. 5-5.
(47) Lire à ce sujet, F.-M.Sawadogo, Les procédures de prévention dans l'AUPCAP révisé : la conciliation et le règlement préventif, in Revue Droit et Patrimoine n° 253 ; Dossier "Modernisation de l'Acte uniforme sur les procédures collectives'' p. 32-38.
(48) A la condition d'exigibilité qui consiste à vérifier que la créance est arrivée à échéance, il faut bien entendu, lui adjoindre deux autres conditions, celle de liquidité (évaluable en argent) et celle de certitude (pouvant être justifiée).
(49 ) Lire Y. R. Kalieu Elongo, Le droit des procédures collectives de l'OHADA, PUA , 2016, p. 66-67.
(50) A. Jacquemont et R. Vabres (R ), Droit des entreprises en difficultés, Lexis Nexis, 9ème éd, Paris 2015 ; cité par Y. R. Kalieu Elongo , p. 67.
(51) AUPCAP, art. 5-2.
(52) AUPCAP, art. 5-2 (2).
(53) AUPCAP, art. 5-2 (3).
(54) AUPCAP, art. 5-2 (4).
(55)La suspension des poursuites tendant à obtenir le paiement des créances nées antérieurement à la décision d'ouverture s'étend désormais à toutes les créances et non plus seulement à celles visées dans la requête comme dans l'ancien texte (AUPCAP, art. 9 nouveau). L'on peut aussi relever le rôle de l'expert qui se trouve renforcé, puisqu'il peut être désigné comme syndic pour surveiller l'exécution du concordat en cas d'homologation (AUPCAP, art. 16 al. 1 nouveau). Il faut en effet garantir l'exécution effective du concordat dont le président de la juridiction est désormais chargé d'en apprécier le caractère sérieux (AUPCAP, art. 8 nouveau).
(56) AUPCAP, art. 6-1 nouveau.
(57) Ce délai passe de deux à trois mois (AUPCAP, art. 9 et 13 nouveaux).
(58) Or, il ressort du compte rendu de la réunion du Conseil des ministres de l'OHADA qui s'est tenue à Grand Bassam en Côte d'Ivoire les 9, 10 et 11 septembre 2015, que "l'AUPCAP ainsi révisé tend à renforcer la célérité et l'efficacité des procédures collectives, à favoriser le sauvetage des entreprises viables et le paiement substantiel des créanciers".
(59) F.-M. Sawadogo, précité p.37.
(60) Lire en ce sens, C. Moukala-Moukoko, Rôle et responsabilité du juge et des autres organes intervenant dans les procédures collectives, 8-11 Juillet 2013, Porto-Novo sur le site : www. Ohada.com/.../ Etude-Moukala -Moukoko.PDF.
(61) Cet acte uniforme emploie d'ailleurs l'expression : "très petites entreprises".
(62) L'entreprenant devra s'immatriculer au RCCM (AUDCG, art. 44, 49 à 59), qui est une procédure plus coûteuse et plus longue que la simple déclaration à laquelle il est astreint (AUDCG, art. 62).
(63) D. Bakary, Des procédures adaptées aux petites entreprises : les procédures simplifiées, in Dossier Modernisation de l'Acte Uniforme sur les Procédures collectives, Revue Droit & Patrimoine, n° 253, Décembre 2015, pp. 44-48.
(64) Lire en ce sens D. Bakary, précité, p. 45.
(65) Situation fréquente dans les secteurs d'activités comme l'artisanat, l'agriculture, la couture, la mécanique etc..
(66) Quelques exemples de simplification peuvent relevés pour appuyer nos propos. S'agissant du règlement préventif, le débiteur n'est pas obligé de fournir un projet de concordat lors de sa demande, il peut le présenter plus tard, à tout moment de la procédure ; et son contenu est limité aux délais de paiements, remises de dettes et garanties éventuelles que le chef d'entreprise souscrit pour en assurer l'exécution (articles 24-2 à 24-5)). Dans le redressement judiciaire, le délai de 60 jours pour présenter le projet de concordat est réduit à 45 jours. Pour ce qui est de la liquidation des biens, la réalisation des éléments d'actifs du débiteur ne porte que sur les meubles ; la vérification de créances est allégée et ne concerne que les créances susceptibles de venir en rang utile ; un projet de répartition doit être établi et la clôture de la procédure est accélérée. Voir les articles 179-7 à 179-9.
(67) AUPCAP, art. 24-5 nouveau. Lire aussi D. Bakary, précité, p. 47.
(68) AUPCAP, art. 179-4 nouveau.
(69) C'est nous qui soulignons.
(70) A ce jour, aucun pays membre de l'OHADA n'a encore mis en place ce barème.
(71) Etant donné que le nouvel Acte uniforme organisant la comptabilité des entreprises, bien qu'adopté n'est pas encore entré en vigueur.

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Responsabilité

[Manifestations à venir] Actualité du droit de la responsabilité et des assurances : colloque organisé par le cabinet PHPG Avocats

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Le 27 Juillet 2017

Le cabinet PHPG avocats organise le mardi 13 septembre 2017, de 8h30 à 12h30, à la Maison de l'Amérique latine, un colloque traitant de l'actualité du droit de la responsabilité et des assurances, autour de trois tables rondes consacrées aux thèmes suivants.

- Avis de tempête sur les polices responsabilité civile, que reste-t-il de l'exclusion du produit ?

- Comment indemniser le temps passé par les salariés à reprendre les conséquences d'un sinistre ?

- Une nouvelle source de responsabilité : le devoir de vigilance des sociétés sur leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs.

Ces tables rondes seront animées par des professionnels du secteur (courtiers, risks managers, avocats, experts judiciaires...).

http://www.phpg-avocats.com

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Responsabilité médicale

[Brèves] Affaire "Vincent Lambert" : le Conseil d'Etat juge illégale la suspension de la deuxième procédure d'examen de l'interruption des traitements

Réf. : CE, 2° et 7° ch.-r., 19 juillet 2017, n° 402472 (N° Lexbase : A1691WNX)

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Vincent Lambert" : le Conseil d'Etat juge illégale la suspension de la deuxième procédure d'examen de l'interruption des traitements - par June Perot">

par June Perot

Le 27 Juillet 2017

Le Conseil d'Etat a jugé que la décision du 11 janvier 2014 de mettre fin à l'alimentation et l'hydratation artificielles de M. Lambert ne peut plus recevoir application dès lors que le médecin qui l'a prise n'est plus en charge du patient. Il juge que l'existence d'éventuelles menaces pour la sécurité de M. Lambert et de l'équipe soignante n'est pas un motif légal pour justifier l'interruption d'une procédure engagée en vue d'évaluer si la poursuite de l'alimentation et de l'hydratation artificielles traduit une obstination déraisonnable. Il en résulte que le médecin actuellement en charge de M. Vincent Lambert devra à nouveau se prononcer sur l'engagement d'une procédure d'examen de l'arrêt des traitements de l'intéressé. Telle est la solution d'un arrêt du Conseil d'Etat rendu le 19 juillet 2017 (CE, 2° et 7° ch.-r., 19 juillet 2017, n° 402472 N° Lexbase : A1691WNX).

Le 11 janvier 2014, le docteur H., alors médecin en charge de M. Lambert a, au terme d'une procédure collégiale conduite conformément aux dispositions de l'article R. 4127-37 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5241IG9), décidé de mettre fin à l'alimentation et l'hydratation artificielles du patient. Le tribunal administratif a suspendu l'exécution de la décision du 11 janvier 2014. Le Conseil d'Etat, le 24 juin 2014, après avoir, avant dire droit, ordonné une expertise médicale, a dit que la décision du 11 janvier 2014 du Docteur H. ne pouvait pas être tenue pour illégale et a annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu'il avait suspendu l'exécution de cette décision. Saisie de la question, la CEDH a dit qu'il n'y aurait pas violation de l'article 2 de la CESDH (N° Lexbase : L4753AQ4) en cas de mise en oeuvre de la décision du Conseil d'Etat du 24 juin 2014 (CEDH, 5 juin 2015, Req. 46043/14 N° Lexbase : A1981NKL). Une nouvelle procédure collégiale a été engagée, puis suspendue. Par un jugement, le tribunal administratif a rejeté la demande que lui avait soumise le neveu tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 7 juillet 2015 d'engager une nouvelle procédure collégiale et de la décision révélée par un communiqué de presse de suspendre cette procédure et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier universitaire de mettre en oeuvre la décision du 11 janvier 2014 (TA Châlons-en-Champagne, 9 octobre 2015, n° 1501768 N° Lexbase : A0639NTT). Par un arrêt du 16 juin 2016, la cour administrative d'appel a annulé ce jugement en tant qu'il avait statué sur les conclusions dirigées contre la décision de suspension de la procédure collégiale révélée par le communiqué de presse et a annulé cette décision (CAA Nancy, 3ème ch., 16 juin 2016, n° 15NC02132 N° Lexbase : A7745RTZ). Le Conseil d'Etat rejette les pourvois dont il est saisi. Il en résulte que le médecin nouvellement en charge de M. Lambert devra se prononcer sur l'engagement d'une procédure d'examen du maintien de son alimentation et son hydratation artificielles .

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Taxes diverses et taxes parafiscales

[Brèves] QPC : validation de la compensation du transfert de la Tascom aux communes et aux EPCI à fiscalité propre

Réf. : Cons. const., 21 juillet 2017, n° 2017-644 QPC (N° Lexbase : A3323WNE)

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N9649BWB

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par Jules Bellaiche

Le 27 Juillet 2017

Les arrêtés préfectoraux validés qui avaient pour objet d'appliquer la règle de compensation financière du transfert de la taxe sur les surfaces commerciales aux communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont conformes à la Constitution. Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 21 juillet 2017 (Cons. const., 21 juillet 2017, n° 2017-644 QPC N° Lexbase : A3323WNE).

En l'espèce, la communauté de communes requérante et les parties intervenantes soutiennent qu'en validant les arrêtés préfectoraux constatant le prélèvement opéré sur la dotation de compensation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale au titre des exercices 2012 à 2014, les dispositions contestées méconnaîtraient les exigences constitutionnelles découlant de l'article 16 de la DDHC (N° Lexbase : L1363A9D) applicables aux lois de validation.

Pour le Conseil, l'intention du législateur, lors de l'adoption de l'article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, de finances pour 2010 (N° Lexbase : L1816IGD), était d'assurer de manière pérenne la neutralité financière du transfert du produit de la taxe sur les surfaces commerciales. Les dispositions contestées visent donc à remédier, pour les années 2012 à 2014, au défaut de base légale de la compensation de ce transfert révélé par une décision du Conseil d'Etat (CE 3° et 8° s-s-r., 16 juillet 2014, n° 369736, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5510MUM).

Ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu mettre un terme à l'important contentieux fondé sur la malfaçon législative révélée par la décision précitée du Conseil d'Etat. Il a aussi entendu prévenir les importantes conséquences financières qui en auraient résulté pour l'Etat. Dans ces conditions, l'atteinte portée par les dispositions contestées est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général.

Egalement, les arrêtés préfectoraux ne sont validés qu'en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de ce qu'il aurait été fait application au-delà de 2011 des dispositions du paragraphe 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 et de l'article L. 2334-7 du CGCT (N° Lexbase : L1056LDH), dans leur rédaction antérieure à la loi du 29 décembre 2014 de finances. Par conséquent, le législateur a précisément défini et limité la portée de la validation.

Enfin, les arrêtés préfectoraux validés, qui avaient pour objet d'appliquer la règle de compensation financière du transfert de la Tascom aux communes et EPCI à fiscalité propre ne méconnaissent ni les principes constitutionnels de la libre administration et de l'autonomie financière des collectivités territoriales, ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X9148ALE).

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