La lettre juridique n°687 du 9 février 2017

La lettre juridique - Édition n°687

Arbitrage

[Brèves] Arbitrage international : fondement contractuel de la nature solidaire de l'obligation des parties au paiement des frais et honoraires des arbitres

Réf. : Cass. civ. 1, 1er février 2017, n° 15-25.687, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7000TAI)

Lecture: 2 min

N6562BWX

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par Aziber Seïd Algadi

Le 09 Février 2017

Après avoir relevé le caractère international de l'arbitrage, la cour d'appel, qui n'avait pas à se référer à une loi étatique, en a exactement déduit, par une décision motivée, que la nature solidaire de l'obligation des parties au paiement des frais et honoraires des arbitres résultait du contrat d'arbitre, de sorte que cette dernière, non discutée en son montant, n'était pas sérieusement contestable. Telle est la substance d'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 1er février 2017 (Cass. civ. 1, 1er février 2017, n° 15-25.687, FS-P+B+I N° Lexbase : A7000TAI). Dans cette affaire, la société française G. et la République de Guinée ont conclu un contrat de concession portuaire. Un différend étant né de sa résiliation par la seconde, elles ont désigné MM. X, Y et Z comme arbitres dans l'arbitrage ouvert, en application de la clause compromissoire, devant la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA. En cours de procédure, les parties ont accepté de fixer à une certaine somme le montant total des honoraires des arbitres. Le tribunal arbitral a rendu sa sentence le 29 avril 2014. La République de Guinée ayant refusé de payer la part lui incombant, MM. X, Y et Z ont assigné en référé la société G. en paiement d'une provision égale à la part impayée. Cette dernière a ensuite fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes aux arbitres à titre de provision alors que, selon elle, la solidarité ne se présumant pas, elle ne peut résulter que d'une disposition légale expresse ou d'une clause contractuelle non équivoque. Or, il n'y a aucune disposition légale, ni clause expresse de solidarité entre les litigants, quant au paiement des honoraires définitifs des arbitres. Par ailleurs, a-t-elle soutenu, c'est seulement dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable que le juge des référés peut accorder une provision au créancier. La cour d'appel aurait ainsi violé notamment les articles 873, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0850H4A) et 1202 du Code civil (N° Lexbase : L0919KZ3). La Haute juridiction ne retient pas son argumentation et rejette le pourvoi, après avoir énoncé le principe susvisé (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E7340ETZ).

newsid:456562

Contrôle fiscal

[Brèves] Charte du contribuable vérifié et sanctions fiscales : pas d'obligation de réponse pour l'administration

Réf. : CAA Lyon, 3 janvier 2017, n° 15LY01834, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3776SZU)

Lecture: 2 min

N6612BWS

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par Jules Bellaiche

Le 17 Février 2017

Aucune énonciation de la charte du contribuable vérifié n'impose à l'administration de répondre aux observations du contribuable sur les sanctions qu'elle envisage de mettre à la charge de ce dernier, ni, par suite, que l'inspecteur principal fournisse des éclaircissements supplémentaires sur ces sanctions ou qu'il soit fait appel à l'interlocuteur départemental sur des divergences sur ces dernières. Telle est la solution retenue par la cour administrative d'appel de Lyon dans un arrêt rendu le 3 janvier 2017 (CAA Lyon, 3 janvier 2017, n° 15LY01834, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3776SZU). En l'espèce, la société requérante a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a adressé deux propositions de rectification, tous les rehaussements étant assortis de pénalités. La SARL a alors présenté à l'administration le 15 novembre 2010 des observations dans lesquelles elle contestait certains rehaussements qui lui avaient été notifiés et demandait que lui soient remises les pénalités pour manquement délibéré. Dans la réponse aux observations du contribuable du 8 décembre 2010, le vérificateur a partiellement fait droit aux demandes de la SARL sur les rappels et les pénalités y afférentes et maintenu certains rehaussements et les pénalités y afférentes. Par un courrier du 12 janvier 2011, la SARL a demandé au vérificateur "de bien vouloir accepter de revenir sur l'application des pénalités pour manquement délibéré, au besoin par la voie d'une transaction, et à défaut, de bien vouloir saisir votre supérieur hiérarchique en vue de lui soumettre, le cas échéant cette demande de modération des pénalités". Après avoir été reçue par le supérieur hiérarchique du vérificateur le 15 février 2011, la SARL a adressé un courrier à celui-ci, sollicitant la saisine de l'interlocuteur départemental. Toutefois, pas plus que le précédent courrier, le courrier du 15 mars 2011 de la SARL, reçu le 30 mars 2011 par l'administration fiscale, ne faisait état de divergences sur les rehaussements envisagés par l'administration, il n'évoquait que les pénalités. Ainsi, pour les magistrats lyonnais, selon la solution dégagée, l'administration fiscale n'était pas tenue de donner suite à la demande de la SARL de saisine de l'interlocuteur départemental avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses .

newsid:456612

Discrimination et harcèlement

[Brèves] Nullité du licenciement de la salariée invoquant sa religion chrétienne pour refuser de prêter serment

Réf. : Cass. soc., 1er février 2017, n° 16-10.459, FS-P+B (N° Lexbase : A4203TBB)

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N6608BWN

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par Charlotte Moronval

Le 22 Février 2017

Est nul le licenciement pour faute grave d'un agent de la RATP aux motifs qu'il n'avait pas obtenu son assermentation devant le tribunal, ce salarié ayant proposé, lors de sa prestation de serment, une formule de serment différente de celui prêté habituellement, conformément à sa religion chrétienne, et ce alors que l'article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer dispose que le serment des agents de surveillance exerçant au sein des entreprises visées par cette disposition peut être reçu selon les formes en usage dans leur religion. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 1er février 2017 (Cass. soc., 1er février 2017, n° 16-10.459, FS-P+B N° Lexbase : A4203TBB ; sur l'interprétation de l'article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, voir Cass. QPC, 13 juillet 2016, n° 16-10.459, FS-P+B N° Lexbase : A2075RX7).
En l'espèce, une salariée est admise dans le cadre permanent de la RATP. Son entrée en fonction nécessite que la salariée obtienne son assermentation devant le tribunal de grande instance. Lors de la prestation de serment, elle propose une formule de serment différente, conformément à sa religion chrétienne. Le président du tribunal de grande instance refuse cette formule et fait acter que la salariée avait refusé de prêter serment. Elle est licenciée pour faute grave aux motifs qu'elle n'avait pas obtenu son assermentation devant le tribunal.
La salariée est déboutée de ses demandes d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par le conseil des prud'hommes de Paris et la cour d'appel. Elle forme alors un pourvoi en cassation.
En énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris au visa de l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4799AQS), ensemble l'article L. 1132-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2682LBX). En statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9235EST).

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Entreprises en difficulté

[Brèves] Créance des organismes de Sécurité sociale : défaut de réponse à la lettre du mandataire invitant l'organisme à produire le titre exécutoire et possibilité de produire le titre devant la cour d'appel

Réf. : Cass. com., 31 janvier 2017, n° 15-17.296, F-P+B+I (N° Lexbase : A6856TA8)

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N6529BWQ

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par Vincent Téchené

Le 09 Février 2017

D'une part, la lettre par laquelle un mandataire judiciaire invite un organisme de Sécurité sociale à produire le titre exécutoire constatant sa créance et lui précisant qu'à défaut, il proposera son rejet, n'est pas une lettre de contestation au sens de l'article L. 622-27 du Code de commerce (N° Lexbase : L7291IZ3), de sorte que le défaut de réponse à cette lettre n'interdit pas à la cour d'appel de prononcer l'admission de la créance. D'autre part, si la créance d'un organisme de Sécurité sociale ne peut être admise lorsque ce dernier n'a pas émis le titre exécutoire constatant cette créance dans le délai fixé par le tribunal dans le jugement d'ouverture pour l'établissement par le mandataire judiciaire de la liste des créances, ce créancier peut produire le titre devant la cour d'appel, statuant en matière de vérification et d'admission des créances. Tels sont les enseignements d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 31 janvier 2017 (Cass. com., 31 janvier 2017, n° 15-17.296, F-P+B+I N° Lexbase : A6856TA8). En l'espèce, après les mises en redressement puis liquidation judiciaires d'une société, le juge-commissaire a rejeté les créances déclarées par la Caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde (la MSA), faute par cette dernière d'avoir produit les contraintes correspondant aux créances déclarées. La cour d'appel a néanmoins infirmé cette ordonnance et a prononcé l'admission des créances (CA Bordeaux, 10 février 2015, n° 14/03166 N° Lexbase : A1931NB7). Le liquidateur de la débitrice a alors formé un pourvoi en cassation. Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation rejette ce dernier : ayant constaté que la MSA produisait la contrainte correspondant aux créances dont elle demandait l'admission définitive, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas allégué que la contrainte avait été émise après l'expiration du délai fixé dans le jugement d'ouverture pour l'établissement par le mandataire judiciaire de la liste des créances, a, à bon droit, prononcé l'admission de ces créances (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0390EXQ et N° Lexbase : E0536EX7).

newsid:456529

Filiation

[Brèves] Délai de forclusion de l'action en contestation de paternité lorsque la possession d'état est conforme au titre : réalité sociologique versus vérité biologique

Réf. : Cass. civ. 1, 1er février 2017, n° 15-27.245, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7001TAK)

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N6567BW7

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 09 Février 2017

Si le délai de forclusion prévu par l'article 333, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L5803ICW) -auquel est soumis l'action en contestation de paternité lorsque la possession d'état est conforme au titre-, peut être interrompu par une demande en justice, conformément à l'alinéa premier de l'article 2241 du même code (N° Lexbase : L7181IA9), l'action en contestation de paternité doit, à peine d'irrecevabilité, être dirigée contre le père dont la filiation est contestée et contre l'enfant ; au-delà de ce délai, la prééminence de la vérité biologique ne saurait être invoquée, le législateur ayant choisi de faire prévaloir la réalité sociologique à l'expiration d'une période de cinq ans pendant laquelle le père légal s'est comporté de façon continue, paisible et non équivoque comme le père de l'enfant, ce qui ne saurait être considéré comme contraire à l'intérêt supérieur de celui-ci. Tels sont les deux enseignements délivrés par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 1er février 2017 (Cass. civ. 1, 1er février 2017, n° 15-27.245, FS-P+B+I N° Lexbase : A7001TAK). En l'espèce, Noé A avait été inscrit sur les registres de l'état civil comme étant né le [...] de M. A et Mme Y, qui l'avaient reconnu avant sa naissance ; M. X avait assigné M. A en contestation de paternité le 14 novembre 2012, puis la mère de l'enfant, en qualité de représentante légale, le 28 février 2013 ; un jugement du 17 décembre suivant avait désigné un administrateur ad hoc aux fins de représenter l'enfant. Mme Y et M. X faisaient grief à l'arrêt de déclarer l'action en contestation de paternité irrecevable, invoquant, tout d'abord, l'interruption du délai par l'assignation délivrée le 14 novembre 2012. L'argument est écarté par la Cour suprême qui, après avoir énoncé la première des deux règles précitées, et relevé que l'enfant n'avait pas été assigné dans le délai de cinq ans suivant sa naissance, en déduit que l'action était irrecevable, l'assignation du 14 novembre 2012, dirigée contre le seul père légal, à l'exclusion de l'enfant, n'ayant pu interrompre le délai de forclusion ; par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7861I4W), à ceux critiqués, la décision se trouvait légalement justifiée de ce chef. S'agissant du second moyen où il était encore fait grief à l'arrêt de déclarer l'action en contestation de paternité irrecevable, la Haute juridiction relève ensuite que M. X s'était borné, dans ses conclusions d'appel, à invoquer la prééminence de la vérité biologique. L'argument est balayé par les Hauts magistrats qui rappellent la ratio legis, ainsi qu'il a été énoncé plus haut (cf. l’Ouvrage "La filiation" N° Lexbase : E4375EYP).

newsid:456567

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Censure constitutionnelle de la réforme du report des déficits fiscaux : retour fiscal vers le futur

Réf. : Cons. const., 17 janvier 2017, n° 2016-604 QPC (N° Lexbase : A0499S9D)

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N6623BW9

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par David Chrétien, Avocat et Directeur associé chez Ernst & Young

Le 09 Février 2017

Le Conseil constitutionnel a été saisi (1) d'une question prioritaire de constitutionnalité touchant à l'un des points-clefs issus des assez nombreuses (quatre) lois de finances rectificatives qui avaient jalonné l'année 2011 (2). Etait effectivement en cause la réforme législative du mécanisme d'imputation, sur des bénéfices réalisés antérieurement, de déficits fiscaux ; en d'autres termes le mécanisme dit de carry back régi par l'article 220 quinquies du CGI (N° Lexbase : L3976I3N). A l'origine de cette saisine, se trouve une entreprise à laquelle l'administration a dénié la validité de l'option, présentée sous la forme d'une réclamation, pour la mise en oeuvre du régime du carry back qu'elle avait formulé en octobre 2011 pour l'imputation du déficit fiscal de son exercice 2010 (lequel déficit avait été déclaré quelques mois plus tôt en 2011). L'administration ayant rejeté cette option au motif qu'elle intervenait après une prétendue date-couperet instituée par le législateur et en violation d'une nouvelle règle de procédure, prétendument d'application immédiate, selon laquelle les demandes de carry back devaient dorénavant être présentées au plus tard avec la déclaration de résultats de l'exercice déficitaire.

L'affaire a été portée devant la juridiction administrative, jusqu'à la cour administrative d'appel de Versailles (CAA Versailles, 19 juillet 2016, n° 14VE00855), au motif notamment que la réforme législative ainsi opérée en 2011 porte atteinte à certains droits fondamentaux de valeur constitutionnelle, et touchant notamment à la sécurité juridique (3).

Nous présenterons, dans un premier temps, les modalités de la réforme législative incriminée en matière de carry back (I) avant d'examiner pourquoi le Conseil constitutionnel a sanctionné cette réforme et de voir quelles sont les conséquences pratiques à en tirer pour les entreprises gérant des déficits fiscaux (II).

I - Modalités de la réforme législative incriminée

A - Rappel du régime de carry back antérieur à la réforme de 2011

Les entreprises soumises à l'IS qui constatent un déficit au titre d'un exercice ont le choix entre deux régimes :

- un régime de droit commun, dit de report "en avant", qui permet d'imputer les déficits sur les bénéfices des exercices suivant l'exercice déficitaire ;

- et un système optionnel de report "en arrière" des déficits ("carry back") sur les bénéfices des exercices précédents.

Dans cette dernière modalité, une entreprise pouvait reporter en arrière un déficit fiscal constaté à la clôture d'un exercice en l'imputant sur les bénéfices des trois exercices précédents. Le report en arrière des déficits était alors subordonné à l'exercice d'une option, généralement matérialisée par la souscription d'un imprimé spécial joint au relevé de solde de l'IS.

L'option pouvait porter non seulement sur le déficit constaté au titre de l'exercice, mais aussi sur les déficits des exercices antérieurs encore reportables, ce qui ressortait d'une jurisprudence bien établie (4), adoptée par l'administration. Par ailleurs, l'absence d'option pour le carry back du déficit de l'exercice et/ou des déficits des exercices antérieurs au stade de la liquidation de l'IS de l'exercice n'empêchait pas pour autant l'entreprise de se placer sous ce régime, mais alors par voie de réclamation au sens du LPF. Aux yeux du Conseil d'Etat, en effet, l'option pour le carry back constituait une réclamation au sens de l'article L. 190 du LPF (N° Lexbase : L9530IYM) qui devait s'exercer dans les formes, conditions et délais prévus par ce même livre (5). Une entreprise soumettant une telle réclamation contentieuse devait alors la présenter au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation du déficit.

Un intérêt fort de ce régime est que, lorsqu'il est valablement mis en oeuvre, il permet la constatation comptable d'une créance, non imposable à l'IS, sur le Trésor correspondant à l'excédent d'impôt antérieurement versé. Cette créance de carry back constitue une "monnaie fiscale" car elle peut être utilisée en paiement de l'IS dû au titre des exercices clos au cours des cinq années suivant celle au cours de laquelle l'exercice déficitaire a été clos (6). Au terme du délai de cinq ans, l'entreprise peut demander le remboursement de la fraction de la créance qui n'a pas été utilisée. Alternativement, si la créance issue d'un carry back est inaliénable et incessible (7), elle peut néanmoins être cédée en garantie à un établissement bancaire ou être remise à l'escompte (8).

Dans un groupe fiscalement intégré, seule la société tête de groupe peut opter pour le carry back d'un déficit fiscal d'ensemble, l'imputation étant effectuée, ici également, sur les bénéfices du groupe constatés lors des trois exercices précédents ou, si ces exercices sont antérieurs au premier exercice d'application du régime de l'intégration, sur les bénéfices propres déclarés par la société mère au titre de ces exercices. Les filiales intégrées ne sont pas autorisées à reporter en arrière leurs déficits propres ; cette interdiction s'applique même si la société ne faisait pas partie du groupe au titre des exercices antérieurs à celui au titre duquel le déficit a été constaté par la société.

En revanche, les dispositions de l'article 223 G, 2 du CGI (N° Lexbase : L5700IRK) interdisent aux sociétés filiales du groupe d'exercer l'option pour le report en arrière des pertes. Cette interdiction s'applique même si la filiale ne faisait pas partie du groupe au titre des exercices antérieurs à celui au titre duquel le déficit a été constaté par la société (9).

B - La teneur et les étapes de la réforme de 2011

Jugé trop généreux pour les entreprises et trop dispendieux pour les finances publiques, le régime du carry back fut réformé, pour subir une importante restriction par la loi n° 2011-1117, de finances rectificative pour 2011.

L'article 2 de la loi limite drastiquement le montant du déficit qui peut être reporté en arrière et restreint le bénéfice d'imputation. Il prévoit, en outre, que l'option pour le report en arrière ne peut être exercée qu'au titre de l'exercice au cours duquel le déficit est constaté. La portée de la réforme est quantitative, sous plusieurs aspects :

- l'option pour le report en arrière doit désormais être exercée au titre de l'exercice au cours duquel le déficit est constaté et dans les mêmes délais que ceux prévus pour le dépôt de la déclaration de résultats de l'exercice. Il n'y a donc plus de faculté, pour une entreprise, d'exercer une option pour le carry back lors d'exercices ultérieurs à celui de la constatation-déclaration du déficit fiscal ;

- l'option pour le report en arrière n'est désormais plus admise que dans la limite du montant le plus faible entre un montant d'un million d'euros et le bénéfice fiscal de l'exercice précédent. Par ailleurs, le bénéfice d'imputation est limité au bénéfice de l'exercice précédent.

Là où le bât blesse, c'est le silence gardé par la loi sur ses conditions d'entrée en vigueur, sujet éminemment important dès lors que le sujet concerné a un lien intime avec les questions de temporalité (naissance du déficit, actes de gestion du déficit, gestion d'un stock dans le temps, définition du bénéfice d'imputation dans le cadre d'une intégration fiscale). Selon les principes de droit commun de l'entrée en vigueur des lois, cette loi de finances rectificative s'est appliquée à compter du lendemain de sa publication au Journal officiel, à savoir le 21 septembre 2011.

L'encre du Journal officiel à peine sèche, l'espoir avait pu être nourri à l'époque selon lequel les entreprises qui avaient constaté un déficit au titre d'un exercice clos avant ce 21 septembre n'auraient pas à souffrir d'une entrée en vigueur rétroactive de la loi n° 2011-1117 et qu'elles pourraient garder la possibilité de placer un tel déficit sous le régime du carry back d'avant-réforme, c'est-à-dire notamment avec une capacité d'imputation sur les bénéfices des trois exercices précédents, et y compris si le délai de dépôt de déclaration dudit exercice déficitaire était expiré.

Espoir balayé par la loi de finances rectificative pour 2011 n° 2011-1978 qui est venue compléter la réforme, en précisant notamment les conditions d'entrée en vigueur de la loi n° 2011-1117 qui se trouve confirmée au 21 septembre 2011 et avec un effet rétroactif en ce qui concerne le carry back, affectant ainsi le stock de déficits encore en report à la clôture de l'exercice précédent cette date. Parachevant l'édifice législatif, la loi n° 2011-1978 enfonce ainsi le clou en restreignant le carry back au seul déficit constaté au titre de l'exercice, à l'exclusion (comme c'était le cas avant la réforme) des déficits antérieurs encore reportables.

Il apparaissait ainsi clairement que l'intention du législateur aboutissait à priver les entreprises qui ont constaté un déficit au titre d'un exercice clos avant le 21 septembre 2011 de la faculté de le placer sous le régime du carry back (10).

C'est précisément la constitutionalité des dispositions de la loi de finances rectificative pour 2011 n° 2011-1978 en matière d'entrée en vigueur de la réforme du carry back (telle qu'initiée par loi n° 2011-111) qui est déférée au Conseil constitutionnel.

II - Les motifs de censure et ses conséquences pratiques

A - Les raisons de l'inconstitutionnalité de la réforme du carry back

Les motifs invoqués par l'entreprise à l'origine de cette QPC consistait en deux griefs faits aux dispositions législatives, en ce qu'elles définissent les conditions d'application dans le temps de la réforme du régime du carry back.

D'une part, en rendant cette réforme applicable aux déficits restant à reporter avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-1117, ces dispositions porteraient une atteinte inconstitutionnelle à des situations légalement acquises.

D'autre part, en privant les entreprises de la possibilité d'opter pour le report en arrière de ces déficits, ces dispositions seraient contraires au droit à un recours juridictionnel effectif.

Dans ce cadre, la décision prise par le Conseil constitutionnel rappelle en premier lieu que le législateur a la capacité de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; ce faisant, il ne doit néanmoins pas porter atteinte "aux situations légalement acquises, ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations", sans motif d'intérêt général suffisant.

Concentrant ses critiques sur la loi n° 2011-1978, et notamment le fait que son dispositif était de nature à remettre en cause les options pour le carry back exercées postérieurement au 21 septembre 2011 pour les déficits encore reportables à la clôture de l'exercice précédant le premier exercice clos à compter de cette date, le Conseil constitutionnel retient qu'une situation légalement acquise, identifiée en l'occurrence à la naissance juridique d'une créance sur l'Etat au profit de l'entreprise qui opte pour le carry back, se trouvait remise en cause.

Ne constatant pas davantage un motif d'intérêt général, il en résultait une atteinte au principe de garantie des droits tel que protégé par la Déclaration de 1789.

B - La portée pratique de la censure de la réforme du carry back

S'il est, bien entendu, acquis que la décision d'inconstitutionnalité profite à la société qui a contesté devant la juridiction administrative la remise en cause de son option pour le carry back formulée après le 21 septembre 2011, la question de la portée de cette décision pour les tiers et, notamment, pour les entreprises ayant à gérer des déficits fiscaux de millésime 2009 ou 2010, est posée.

A ce sujet, après avoir rappelé les prérogatives que lui donne la Constitution pour moduler les impacts dans le temps d'une décision d'inconstitutionnalité (11), les juges de la rue Montpensier retiennent qu'"aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision [le 17 janvier 2017]. Elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites et non jugées définitivement à cette date".

La première difficulté porte précisément sur ce qu'il convient d'entendre par "instances en cours". S'il est clair qu'une requête valablement introduite devant une juridiction et non-encore tranchée à la date de la décision du Conseil constitutionnel constitue valablement une instance en cours au sens de la présente décision de QPC, la question est en revanche ouverte pour une réclamation fiscale adressée à l'administration, toujours pendante et non-suivie d'un contentieux juridictionnel à cette date du 17 janvier 2017. Si certains éléments peuvent émerger pour dénier la caractéristique contentieuse d'une démarche de réclamation préalable (absence de force de la chose jugée conférée à une décision administrative prise sur une réclamation préalable, possibilité pour le contribuable de présenter plusieurs réclamations successives dans le délai légal), la jurisprudence n'en considère pas moins qu'une réclamation constitue, effectivement, en matière fiscale une "instance ressortissant à la juridiction contentieuse" (12).

Dans ce cadre, il sera donc requis à tout le moins d'avoir introduit une réclamation préalablement au 17 janvier 2017, encore pendante ou suivie d'un recours juridictionnel valablement introduit, et revendiquant la possibilité de placer des déficits fiscaux restant à reporter à la clôture de l'exercice précédant le premier exercice clos à compter du 21 septembre 2011 sous le régime, plus libéral, du carry-back qui prévalait jusqu'à sa réforme.

A défaut d'une telle réclamation, la présente décision d'inconstitutionnalité ne pourra pas produire d'effets pour le passé.

On aurait pu songer précisément que, même en l'absence d'instance en cours au sens explicité, l'intervention de cette décision du Conseil constitutionnel soit un évènement de nature à ré-ouvrir un délai de réclamation.

Il n'en est rien. En effet, si les décisions du Conseil d'Etat ou les arrêts de la Cour de cassation, du Tribunal des conflits ou de la Cour de justice européenne qui révèlent la non-conformité d'une disposition fiscale avec une norme de droit supérieure confèrent au contribuable un nouveau délai pour contester l'application qui lui avait été faite de telles dispositions, une décision du Conseil constitutionnel n'a pas, juridiquement, la même portée (13). On ne peut davantage considérer que c'est à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat que la présente non-conformité constitutionnelle de la réforme du carry-back a été mise en exergue ; on rappelle que la QPC ici commentée s'inscrit dans le cadre d'une instance pendante devant une cour administrative d'appel.

Il ne devrait donc pas y avoir de possibilités d'introduire une réclamation nouvelle, à la suite de la décision de QPC du Conseil constitutionnel, pour tenter de "ressusciter" le régime de carry back d'avant-réforme, l'enjeu étant de surcroît, on le rappelle, limité sur le plan pratique aux déficits fiscaux en cours de report, en avant, à la clôture des exercices 2010 ou 2009.

En ce qui concerne l'avenir maintenant, on rappelle que les effets d'une déclaration d'inconstitutionnalité consistent en la disparition de la disposition légale concernée de l'ordre juridique, sans besoin de formalités complémentaires.

En l'occurrence, ce que le Conseil constitutionnel censure est limité aux dispositions, rétroactives, d'entrée en vigueur de la réforme du carry back de 2011, réforme qui, sur cette question précise, se trouve, après la présente décision de QPC, ramenée aux termes même de la loi n° 2011-1117, débarrassée des dispositions complémentaires qui lui avaient été apportées par la loi n° 2011-1978. Compte tenu de ce que cette dernière loi visait essentiellement à produire des effets juridiques antérieurement à son entrée en vigueur (la loi n° 2011-1978 ne se voulait d'ailleurs qu'interprétative de la loi n° 2011-1117) (14), l'effet abrogatif de la déclaration d'inconstitutionnalité sera lui-même sans incidence future.


(1) Saisine suite au filtre du Conseil d'Etat (CE 8° et 3° ch.-r., 13 octobre 2016, n° 401696, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8128R78).
(2) Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de finances rectificative pour 2011 (N° Lexbase : L0278IRQ) ; loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011, de finances rectificative pour 2011 (N° Lexbase : L1269IRG) ; loi n° 2011-1416 du 2 novembre 2011, de finances rectificative pour 2011 (N° Lexbase : L2210IRB) ; loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, de finances rectificative pour 2011 (N° Lexbase : L4994IRE).
(3) DDHC, art. 16 (N° Lexbase : L1363A9D).
(4) CE 8° et 9° s-s-r., 30 juin 1997, n° 178742, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0501AEB).
(5) "Considérant qu'en jugeant qu'en application de ces dispositions, une déclaration d'option pour le report en arrière d'un déficit constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du LPF, qui doit s'exercer dans les formes, conditions et délais prévus par ce même livre, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que c'est également sans erreur de droit qu'elle a jugé que si, en vertu des dispositions précitées de l'article 46 quater-0 W de l'annexe III au CGI (N° Lexbase : L8531HLK), cette déclaration doit être en principe souscrite en même temps que la déclaration des résultats de cet exercice dans le délai légal de déclaration, ces dispositions ne peuvent avoir eu pour effet d'interdire à une entreprise, dans le cas où elle aurait souscrit sa déclaration de résultats après l'expiration de ce délai, de régulariser sa déclaration d'option pour le report en arrière d'un déficit jusqu'à l'expiration du délai de réclamation prévu par les dispositions de l'article R. 196-1 du LPF (N° Lexbase : L6486AEX)", CE 3° et 8° s-s-r., 23 décembre 2011, n° 338773, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8195H8Z).
(6) Les sociétés en redressement ou liquidation judiciaire, ou faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, peuvent demander le remboursement anticipé de leur créance sous déduction d'un intérêt.
(7) CGI, art. 220 quinquies et Cass. com., 15 décembre 2009, n° 08-13.419, FP-P+B (N° Lexbase : A7103EPR). Sauf cas de fusions et de cession à la société mère tête d'un groupe intégré.
(8) Rép. Albertini, AN, 13 avril 1998, n° 3791, non reprise au BoFip.
(9) D. adm. 4 H-6632, n° 34 et 35, 12 juillet 1997.
(10) Toutefois, par tolérance administrative, les sociétés qui ont clôturé leur exercice comptable entre le 20 juin 2011 et le 20 septembre 2011 ont pu opter pour le report en arrière du déficit constaté au titre de cet exercice dans les conditions applicables antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 septembre 2011 précitée, à la condition que l'option ait été exercée dans le délai de dépôt du relevé de solde de l'impôt sur les sociétés, et sous forme de réclamation contentieuse (BOIIS-DEF-20-10 n° 310 à 330 N° Lexbase : X9104ALR). Dans le même sens : Projet Inst., 8 décembre 2011, n° 53 à 55.
(11) Const., art. 62 (N° Lexbase : L0891AHH) : "Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 (N° Lexbase : L5160IBQ) est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause".
(12) CE Ass., 31 octobre 1975, n° 97234, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1377B9U).
(13) LPF, art. L. 190, al. 3 et 5 et LPF, art. R. 196-1, c.
(14) Loi n° 2011-1978, art. 31, III, préc..

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Licenciement

[Jurisprudence] De la difficulté pour l'employeur qui licencie pour faute grave de mettre en cause ultérieurement la responsabilité pécuniaire du salarié

Réf. : Cass. soc., 25 janvier 2017, n° 14-26.071, FS-P+B (N° Lexbase : A5474TAY)

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N6577BWI

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 23 Février 2017

Rarement un contentieux aura opposé de manière aussi franche la Cour de cassation et les juridictions du fond. Alors que la Cour de cassation a construit, ces dernières décennies, un régime extrêmement protecteur des salariés, dont l'employeur recherche la responsabilité pécuniaire, les juridictions du fond semblent, en effet, bien plus réceptives aux arguments des employeurs, ce qui conduit fréquemment la Haute juridiction à censurer des décisions s'écartant du cadre prétorien. C'est ce que confirme cette nouvelle décision publiée en date du 25 janvier 2017 : le juge qui décide que le licenciement d'un salarié est fondé sur une faute grave ne peut engager la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur sans retenir l'existence de faits, distincts de ceux visés par la lettre de licenciement, susceptibles de caractériser une faute lourde (I). L'employeur qui licencie un salarié pour faute grave n'est donc pas totalement privé de la faculté de poursuivre, ensuite, la responsabilité pécuniaire du salarié, mais la voie sera étroite (II).
Résumé

Le juge qui décide que le licenciement d'un salarié est fondé sur une faute grave ne peut engager la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur sans retenir l'existence de faits, distincts de ceux visés par la lettre de licenciement, susceptibles de caractériser une faute lourde.

Commentaire

I - L'exigence de la faute lourde "pécuniaire" dans le contexte d'un licenciement pour faute grave "disciplinaire"

Contexte. La Cour de cassation subordonne, depuis 1958, la mise en cause de la responsabilité civile des salariés en raison de fautes commises dans l'exécution de leur contrat de travail, à la preuve qu'ils ont commis une faute lourde (1), laquelle doit témoigner de leur intention de nuire à l'employeur, ou à l'entreprise (2).

Pour tenter de lutter contre la tendance des cours d'appel à se montrer plus compréhensives à l'égard des entreprises en proie à des malversations commises par des salariés peu scrupuleux, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu deux arrêts le 22 octobre 2015 (3) dans lesquels elle a précisé que "l'intention de nuire à l'employeur [...] implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif [et] ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise", dans des hypothèses de salariés ayant abusé de leurs fonctions pour détourner de l'argent de l'entreprise pour leur profit, ou celui de proches. Cette nouvelle affirmation, dans une affaire qui intéressait la défunte faute lourde privative de l'indemnité compensatrice de congés payés (4), allait être reprise quelques mois plus tard, s'agissant de la faute lourde exigée pour engager la responsabilité pécuniaire des salariés (5).

La Cour adresse, ainsi, un message fort aux juges du fond qui pourraient être tentés d'admettre trop facilement la faute lourde des salariés : s'ils veulent la retenir, ils devront non seulement la qualifier de faute intentionnelle, mais également établir la preuve de cette intention de nuire à l'aide d'éléments qui ne se confondent pas avec le caractère volontaire des actes commis, le salarié devant avoir eu la volonté délibérée, non pas seulement de s'enrichir, ou de favoriser les siens, mais bien de porter préjudice à l'employeur ou à l'entreprise, ce qui, à tout le moins à en croire la Cour de cassation, n'irait pas nécessairement de paire.

Cette sévérité ne concerne, toutefois, que la faute lourde dans le cadre de la responsabilité pécuniaire des salariés et non la faute lourde exigée pour justifier le licenciement des grévistes où l'intention de nuire peut, également, être vérifiée, au regard des salariés non grévistes, ce qui sera le cas lorsqu'ils ont été empêchés d'accéder à leur poste de travail par un piquet de grève (6).

C'est dans ce contexte que s'inscrit cette nouvelle décision rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Les faits. Un salarié, employé en qualité de conducteur poids lourd, a été victime d'un accident du travail et licencié pour faute grave quelques jours plus tard pour avoir, antérieurement, conduit son véhicule pendant un mois, alors que son permis de conduire PL n'était plus valable, faute de renouvellement du certificat médical d'aptitude, et ce, en contradiction avec les dispositions claires et précises, sur ce point, de son contrat de travail.

Lors du contentieux qui s'en est suivi, le conseil de prud'hommes a condamné ce salarié, sur demande reconventionnelle de son employeur, à 5000 euros de dommages et intérêts pour "inexécution déloyale du contrat de travail".

En appel, le salarié fut également débouté de ses demandes et la cour confirma sa condamnation pour faute lourde, la somme étant, toutefois, ramenée à 2500 euros, la juridiction lyonnaise considérant que le salarié avait exposé "délibérément l'employeur aux conséquences gravissimes de la conduite d'un véhicule poids lourd de l'entreprise par un conducteur dépourvu d'un permis de conduire valable", traduisant ainsi l'exécution "déloyale" de son contrat de travail.

La cassation. C'est cette condamnation du salarié qui vaut, à la cour d'appel de Lyon, d'être censurée. Pour la Haute juridiction, en effet, cette dernière a violé "le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde" en ne retenant pas "l'existence de faits, distincts de ceux visés par la lettre de licenciement, susceptibles de caractériser une faute lourde [...] alors qu'elle décidait, par un chef de dispositif que le rejet du premier moyen rend définitif, que le licenciement du salarié était fondé sur une faute grave".

II - Mise en jeu de la responsabilité pécuniaire du salarié licencié pour faute, mode d'emploi

Ce que dit l'arrêt. La Cour de cassation considère donc que l'employeur qui licencie un salarié pour faute grave ne peut justifier la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire de ce dernier que s'il se fonde sur d'autres faits que ceux qu'il a visés dans la lettre de licenciement. La solution semble logique ; elle n'est, toutefois, pas exempte de critique, singulièrement au regard des dernières évolutions du droit du travail.

L'unité de la notion de faute lourde. En premier lieu, la faute lourde du salarié qui engage sa responsabilité pécuniaire présente un indéniable caractère disciplinaire. Même si elle a été formellement déconnectée de toute référence formelle aux dispositions du Code civil qui régissent la question (7), elle constitue, normalement, un manquement aux obligations qui naissent du contrat de travail, ce qui suffit à établir leur caractère disciplinaire.

Il semble, dès lors, logique de considérer que ce sont bien les mêmes faits qui fondent la sanction disciplinaire et la demande de réparation, et qu'on doit donc raisonner de la même manière (8). Or, on sait que la lettre de licenciement fixe le cadre du litige et que l'employeur ne pourra plus, ultérieurement, changer de motif de licenciement. S'il vise la faute grave dans la lettre de licenciement, il ne pourra donc plus, par la suite, prétendre invoquer la faute lourde, pas plus que le juge d'ailleurs (9).

L'employeur qui licencie un salarié pour faute grave, et non pour faute lourde, s'interdit donc, en principe, toute possibilité de mettre en cause, en cas de contentieux, la responsabilité pécuniaire de ce dernier. Il pourra, toutefois, viser d'autres faits qui n'auraient pas été mentionnés dans la lettre de licenciement, comme l'indique logiquement la Haute juridiction en visant "l'existence de faits, distincts de ceux visés par la lettre de licenciement, susceptibles de caractériser une faute lourde".

Comme ces faits ne sont pas invoqués au soutien d'une sanction disciplinaire mais d'une action en responsabilité civile, ils relèvent de la prescription biennale de droit commun de l'article L. 1471-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0620IXA), et non de la très courte prescription de deux mois de l'article L. 1332-4 (N° Lexbase : L1867H9Z).

Une solution discutable après la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours, dite loi "Travail" (N° Lexbase : L8436K9C). Ainsi exposée, la solution se comprend ; elle ne nous semble, toutefois, pas dépourvue de reproches.

Désormais, en effet, et exception faite du licenciement d'un gréviste où la faute lourde conditionne la validité même de la rupture prononcée, l'employeur n'a plus aucun intérêt à qualifier de faute "lourde" le comportement du salarié qui motive son licenciement, puisque la perte de l'indemnité compensatrice du droit à congés payés a été supprimée par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (10). On peut donc considérer qu'à défaut d'intérêt, et puisque seule la faute grave produit des effets sur le régime indemnitaire de la rupture du contrat de travail, certains employeurs écarteront la qualification de faute lourde, non pas par volonté de ne pas invoquer cette qualification, mais tout simplement par pragmatisme. Est-il alors justifié de leur opposer la lettre de licenciement, qui constitue l'une des composantes de la procédure disciplinaire, dans un contentieux d'une autre nature, et dont les régimes divergent désormais également quant aux conditions de la mise en cause du salarié ? Cette solution ne vient-elle pas finalement... trop tard ?


(1) Cass. soc., 27 novembre 1958, D., 1959, p. 20, note R. Lindon.
(2) Cass. soc., 29 novembre 1990, n° 88-40.618 (N° Lexbase : A9254AAY), cf. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E9192ESA). Sur ce régime, voir B. Bossu, La faute lourde du salarié : responsabilité contractuelle ou responsabilité disciplinaire, Dr. soc., 1995, p. 26 ; G. Couturier, La faute lourde du salarié, Dr. soc., 1991, p. 105 ; J. Savatier, La nullité de la reconnaissance par un salarié de sa responsabilité civile envers l'employeur en l'absence de faute lourde, Dr. soc., 1995, p. 651 ; P. Adam, La faute lourde, entre intention et conscience de nuire, RDT, 2016, p. 100.
(3) Cass. soc., 22 octobre 2015, deux arrêts, n° 14-11.291, FP-P+B (N° Lexbase : A0160NUH) et n° 14-11.801, FP-P+B (N° Lexbase : A0259NU7), nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 632, 2015 (N° Lexbase : N9833BUQ) ; RDT, 2016, p. 100, obs. P. Adam. Dans le même sens, voir Cass. soc., 19 octobre 2016, n° 15-10.854, F-D (N° Lexbase : A6559R9S).
(4) Défunte car non reprise par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours, dite loi "Travail" (N° Lexbase : L8436K9C).
(5) Cass. soc., 22 juin 2016, n° 15-16.880, F-D (N° Lexbase : A2369RUB), nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 663, 2016 (N° Lexbase : N3533BWR).
(6) Cass. soc., 18 janvier 2017, n° 15-19.309, F-D (N° Lexbase : A7029S99) : "ayant constaté que l'employeur avait décidé de maintenir en service une ligne de bus malgré le taux de participation du personnel à la grève et que le salarié faisait partie du groupe de grévistes bloquant l'entrée et la sortie du dépôt et refusant d'obtempérer à la sommation de l'huissier de justice de libérer le passage, la cour d'appel (CA Bordeaux, 2 avril 2015, n° 13/07080 N° Lexbase : A8993NES) a pu en déduire qu'il avait entravé le travail des salariés non grévistes et commis ainsi une faute lourde justifiant un blâme" (voir également, Cass. soc., 19 décembre 2007, n° 06-43.739, F-D N° Lexbase : A1338D3X et Cass. soc., 10 février 2009, n° 07-43.939, F-D N° Lexbase : A1276EDM ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2526ETQ).
(7) La consécration d'un principe fondamental du droit du travail non rattaché à une disposition législative est problématique car, en l'état actuel de la doctrine de la Chambre sociale de la Cour de cassation, cela s'oppose à ce qu'une QPC puisse la contester.
(8) Et sous réserve de la question des juridictions pénales statuant sur les intérêts civils d'une victime d'infraction pénale dans la mesure où elles appliquent des règles particulières, en l'occurrence des articles 2 (N° Lexbase : L9908IQZ) à 5-1 (N° Lexbase : L9882IQ3) du Code de procédure pénale. On pourrait, toutefois, souhaiter, s'agissant du sort des infractions commises par les salariés au détriment de leurs employeurs, que les juridictions répressives exigent, également, la preuve d'une intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise.
(9) Cass. soc., 26 juin 2013, n° 11-27.413, FS-P+B (N° Lexbase : A3190KIY), nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 546, 2013 (N° Lexbase : N9242BTH).
(10) L'article L. 3141-28, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L6921K99) dispose, désormais, seulement que "l'indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur".

Décision

Cass. soc., 25 janvier 2017, n° 14-26.071, FS-P+B (N° Lexbase : A5474TAY)

Cassation partielle sans renvoi (CA Lyon, 3 septembre 2014, n° 12/06897 N° Lexbase : A9220MUZ)

Règle : principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde.

Mots-clés : responsabilité pécuniaire du salarié ; faute lourde. 

Lien base : (N° Lexbase : E9195ESD)

newsid:456577

Licenciement

[Brèves] Extension de la protection prévue par le Code du travail pour les délégués syndicaux en cas de licenciement aux salariés membres des commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif

Réf. : Cass. soc., 1er février 2017, n° 15-24.310, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6999TAH)

Lecture: 2 min

N6569BW9

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par Blanche Chaumet

Le 09 Février 2017

Le législateur a entendu accorder aux salariés membres des commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif, en application de l'article L. 2234-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0148H9D), la protection prévue par le Code du travail pour les délégués syndicaux en cas de licenciement ; ces dispositions, qui sont d'ordre public en raison de leur objet, s'imposent, en vertu des principes généraux du droit du travail, à toutes les commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif, y compris celles créées par des accords antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8). Telle est la solution dégagée par un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 1er février 2017 (Cass. soc., 1er février 2017, n° 15-24.310, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6999TAH). M. X, exerçant les fonctions de technicien géomètre, a été licencié en 2013. Soutenant bénéficier du statut de salarié protégé en sa qualité de membre des commissions paritaires nationales de la négociation collective et pour l'emploi et de la formation professionnelle, il a saisi en référé la juridiction prud'homale de demandes tendant à constater la nullité de son licenciement et à sa réintégration. Pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel retient que ce dernier, qui n'était investi d'aucun des mandats énumérés par l'article L. 2421-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0199H9A), ne peut se prévaloir de la protection instituée par cet article, et que l'article 12.3.1.2 relatif aux commissions paritaires régionales de la Convention collective nationale des cabinets ou entreprises de géomètres-experts, géomètres-topographes, photogrammètres et experts fonciers (N° Lexbase : X2036AKM), selon lequel "les représentants des syndicats de salariés ne devront subir aucune entrave dans l'exercice de leur mission. Ils bénéficieront de la protection prévue à l'article L. 412-18 du Code du travail [devenu l'article L. 2411-3], dans les conditions définies par celui-ci, dès lors qu'ils sont salariés des professions relevant de la présente convention", est conforme aux dispositions légales qui ne confèrent aucune protection aux salariés mandatés pour être membres d'une commission paritaire nationale. La cour considère donc qu'à la date de son licenciement, le salarié ne bénéficiait d'aucune protection, l'avis rendu par la commission d'interprétation saisie de son cas postérieurement au prononcé de cette mesure ne pouvant avoir aucune incidence. Elle juge que son employeur pouvait le licencier sans avoir à solliciter une autorisation administrative de licenciement. Le salarié s'est pourvu en cassation. En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel au visa des articles L. 2251-1 (N° Lexbase : L2406H9Y) et L. 2234-3 (N° Lexbase : L2344H9P) du Code du travail (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0143GAK).

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Maritime

[Panorama] Panorama de droit maritime année 2016

Lecture: 11 min

N6579BWL

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par Gaël Piette, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux"

Le 09 Février 2017

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine le panorama de droit maritime pour l'année 2016 de Gaël Piette, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique des Ouvrages "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux". Le présent panorama est destiné à présenter les principaux textes et décisions de justice intervenus en droit maritime au cours de l'année 2016. I - Les textes

L'année 2016 a été particulièrement riche de ce point de vue.

Loi sur l'économie bleue. La loi n° 2016-816 du 20 juin 2016, pour l'économie bleue (N° Lexbase : L7550K87), se veut un texte important en matière maritime. Ses deux principaux objectifs (et c'est d'ailleurs le plan retenu par le texte) sont de renforcer la compétitivité des exploitations maritimes et des ports de commerce, et de soutenir la pêche maritime et les cultures marines.

S'agissant du renforcement de la compétitivité, la loi s'efforce de simplifier les procédures administratives, de moderniser la gouvernance des ports, de renforcer l'employabilité et la protection des gens de mer, de renforcer l'attractivité du pavillon français, d'améliorer les mesures relatives à la sûreté et à la sécurité, et enfin de favoriser l'essor du nautisme, de la plaisance et des loisirs de plage. Ce rapide tour d'horizon révèle la très large perspective dans laquelle se place la loi du 20 juin 2016. Le texte, par exemple, simplifie le jaugeage des navires de moins de 24 mètres (C. transports, art. L. 5000-5 N° Lexbase : L8696K8L), établit une contribution de sécurité de la propriété maritime qui taxe l'inscription ou le renouvellement d'une hypothèque (C. douanes, art. 254 N° Lexbase : L8706K8X), accorde l'autorisation d'ouvrir des casinos à bord des navires (C. sécu. int., art. L. 321-3 N° Lexbase : L8796K8B), etc.. Enfin, le texte s'achève par un article 97, qui contient deux dispositions très intéressantes : l'habilitation du Gouvernement en vue de la publication d'une ordonnance visant à "regrouper, ordonner et mettre à jour" les dispositions relatives aux espaces maritimes (cf. infra), et la remise au Parlement d'un rapport sur la création d'un Code de la mer (1). Un tel Code permettrait, assurément, d'améliorer l'accessibilité du droit maritime et du droit de la mer, et aurait une grande portée symbolique, révélant l'intérêt porté par la France aux questions maritimes (2).

Ordonnance relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française. Cette ordonnance, n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 (N° Lexbase : L6263LBL), prise sur habilitation de la loi du 20 juin 2016, regroupe en un seul texte les dispositions françaises de droit de la mer. C'est donc désormais ce texte qui définit les espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction française (eaux intérieures, mer territoriale, zone contiguë, ZEE, etc.), et qui régit l'exploration et l'exploitation de la ZEE et du plateau continental. Ce texte apparaît comme un préalable important à l'élaboration du Code de la mer, envisagé par la loi du 20 juin 2016 (cf. supra).

Codification de la partie réglementaire du code des transports. "Cadeau de fin d'année" du gouvernement pour les maritimistes (3), le décret n° 2016-1893 du 28 décembre 2016, , relatif aux dispositions du livre Ier, du livre IV, à l'exception de son titre IV, ainsi que des chapitres Ier et IV des titres Ier à IX du livre VII de la cinquième partie réglementaire du Code des transports, et portant diverses mesures d'adaptation relatives à l'outre-mer (N° Lexbase : L0099LCN), porte partie réglementaire du Code des transports pour sa partie maritime. Six ans après l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010, relative à la partie législative du Code des transports (N° Lexbase : L2799INY), la plupart du droit maritime est donc regroupée dans le Code des transports. Si la codification de la partie réglementaire était attendue depuis 2010 et semblait indispensable, il est permis d'y voir, ici aussi et pour des raisons de calendrier, un préalable à l'élaboration du Code de la mer (cf. supra). Le décret codifie successivement des dispositions relatives au statut des navires (C. transports, art. D. 5111-1 N° Lexbase : L1400LCT et s.), aux régimes de responsabilité et obligations d'assurance (C. transports, art. R. 5121-1 N° Lexbase : L1506LCR et s.), à la réparation des accidents de navigation (C. transports, art. R. 5131-1 N° Lexbase : L1579LCH et s.), aux navires abandonnés et épaves (C. transports, art. R. 5141-1 N° Lexbase : L1584LCN et s.), à l'entreprise d'armement maritime (C. transports, art. R. 5411-1 N° Lexbase : L1620LCY et s.), aux contrats relatifs à l'exploitation du navire (C. transports, art. R. 5421-1 N° Lexbase : L1636LCL et s.), et enfin les habituelles dispositions relatives à l'outre-mer.

La plupart des textes réglementaires nouveaux sont une reprise, à droit plus ou moins constant, des textes anciens, à savoir les décrets d'application des lois "Rodière" de la seconde moitié des années 1960. Il y en a toutefois certains qui contiennent des dispositions nouvelles, en particulier en matière de construction des navires (C. transports, art. D. 5113-1 N° Lexbase : L1413LCC et s. : obligations du fabricant, conformité du produit, etc.) et de navires de plaisance (C. transports, art. D. 5111-5 N° Lexbase : L1404LCY et s., par exemple).

Ce décret est important. Il était nécessaire. Il est cependant permis de regretter qu'il soit incomplet. En effet, l'article 4 du décret du 28 décembre 2016 déclare abrogés les anciens textes réglementaires, désormais codifiés. Mais cette abrogation n'est que partielle, car certains articles de certains décrets n'ont pas été codifiés, donc pas abrogés. Ainsi, par exemple, le décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966, sur les contrats d'affrètement et de transport (N° Lexbase : L1198IUW), voit quatre de ses articles subsister (art. 3, 12, 32 et 44) ! Le décret n° 68-65 du 19 janvier 1968, relatif aux événements de mer (N° Lexbase : L8399LC3), conserve un seul article (art. 2), tout comme le décret n° 69-679 du 19 juin 1969, relatif à l'armement et aux ventes maritimes (N° Lexbase : L8400LC4) (art. 9)... Le plus démuni est assurément le décret n° 61-1547 du 26 décembre 1961, fixant le régime des épaves maritimes (N° Lexbase : L8398LCZ), qui ne se maintient que pour deux alinéas, qui ne se suivent même pas, d'un article (2ème et 6ème alinéas de l'article 6) ! Cette méthode présente au moins deux inconvénients. D'une part, elle oblige le juriste maritimiste à effectuer une gymnastique constante de va-et-vient entre la partie réglementaire du Code des transports et les anciens décrets. D'autre part, elle nuit singulièrement au rayonnement du droit maritime français à l'étranger. Que pensera le maritimiste belge, danois ou néerlandais qui consultera le décret du 26 décembre 1961, et qui constatera qu'il ne subsiste que deux alinéas d'un article ?

CMI 2016, New York City. En mai 2016, s'est tenue à New York la 42ème conférence du Comité maritime international. A cette occasion, un certain nombre de points importants ont été abordés : le financement des navires, l'assurance maritime, la question des réfugiés, la navigation polaire, etc.. L'un des points les plus importants, pour le droit maritime commercial, est la révision des Règles d'York et d'Anvers (RYA), relatives à l'avarie commune (4). La version précédente, datant de 2004, n'avait pas fait consensus, en raison du désaccord des armateurs. La version 2016 semble promise à un meilleur avenir, puisque le BIMCO, principal regroupement d'armateurs au monde, a déjà annoncé qu'il proposerait l'intégration de ces nouvelles règles dans les connaissements et les chartes-parties types qu'il élabore. L'objectif des RYA 2016 est notamment de faciliter et d'accélérer la gestion du processus d'avarie commune. L'Association française du droit maritime, en tant que membre du CMI, a néanmoins exposé, dans le cadre d'une déclaration orale, que les RYA 2016 poseraient certainement encore quelques problèmes d'interprétation ou d'application.

II - La jurisprudence

Pour demeurer dans des proportions raisonnables, seules les décisions de la Cour de cassation les plus marquantes sont ici recensées.

Notion de navire. La notion de navire, élément central du droit maritime puisque déterminante de l'application des règles spécifiques du livre V du Code des transports, continue de susciter des difficultés, ainsi qu'en atteste un arrêt de la Chambre criminelle (Cass. crim., 2 février 2016, n° 15-80.927, FS-P+B N° Lexbase : A3149PKT, DMF, 2016, 352, obs. S. Miribel).

A la suite d'une collision entre un navire de plaisance et une planche à voile, les juges d'appel, approuvés par la Cour de cassation, ont estimé qu'une "planche à voile, qui est un moyen de transport sur l'eau, est un engin flottant de plaisance assimilable à un navire, dont la pratique est soumise aux règles de la circulation maritime, notamment celles destinées à prévenir les abordages en mer" (dont le RIPAM). Ce n'est pas la première fois que les règles de circulation maritime sont appliquées à des véliplanchistes (5). Cette solution se comprend : pratiquant la navigation maritime, il est logique que le véliplanchiste soit soumis aux règles relatives à l'abordage et à sa prévention, spécifiquement conçues pour la navigation maritime. Il est en revanche important de souligner que la Cour de cassation, comme la cour d'appel de Rennes dans son arrêt du 7 mai 1991, prend soin de préciser que la planche à voile est assimilable à un navire. C'est, sur le plan des principes, plus opportun que ce qu'avait retenu cette même cour d'appel dans son arrêt du 4 mai 1982, dans lequel elle avait retenu que "la planche à voile constitue un navire à voile". En effet, la planche à voile ne remplit pas l'un des critères fondamentaux du navire, à savoir l'aptitude à affronter les périls de la mer. Ainsi, si la planche à voile peut être assimilée à un navire pour l'application de certains textes, il n'en demeure pas moins qu'il ne s'agit pas d'un navire (6). Pour reprendre l'affirmation marquante d'un éminent maritimiste, "ce n'est pas parce qu'un cycliste doit respecter les prescriptions du Code de la route que son engin devient, ipso facto, une automobile" (7).

Créance maritime au sens de la Convention de 1952. La Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, sur la saisie conservatoire des navires, limite ce type de mesure conservatoire aux titulaires d'une créance maritime. Afin d'éviter de trop importantes divergences d'appréciation entre juges nationaux, l'article 1.1 de la Convention énumère limitativement les créances maritimes. Certains oublis sont à regretter, notamment les primes impayées des compagnies d'assurance ou les créances résultant de la vente d'un navire. La jurisprudence française parvient parfois à contourner ces carences, en particulier celle concernant la vente d'un navire, en rattachant ce type de créance à la question de la propriété contestée d'un navire, créance expressément qualifiée de maritime par l'article 1.1, o) de la Convention. Un arrêt de 2016 en fournit encore une illustration (Cass. com., 28 juin 2016, n° 15-18.618, F-P+B N° Lexbase : A2132RWU, "navire Karl", DMF, 2016, 892, obs. S. Sana-Chaillé de Néré). Il s'agissait en l'espèce d'un vendeur qui, au lieu de livrer le navire à l'acheteur l'avait remis en vente. L'acheteur avait donc diligenté une saisie conservatoire du navire en question. La créance était-elle maritime, au sens de la Convention de 1952 ? La réponse sera négative si l'on estime qu'il s'agissait d'un problème d'exécution du contrat de vente par le vendeur, celui-ci manquant à son obligation essentielle. La réponse sera à l'inverse positive si l'on considère qu'en remettant en vente le navire, le vendeur niait le transfert de propriété du bien à l'acquéreur, et donc contestait la propriété du navire (ce que vise précisément la lettre o de l'article 1. 1).

Saisie conservatoire de navire. L'épineuse question de la saisie des navires apparentés (8) continue d'occuper la jurisprudence (Cass. com., 14 juin 2016, n° 14-18.671, F-P+B N° Lexbase : A5672RTA, "navire Ag Vartholomeos", DMF, 2016, 1014, rapp. J. Lecaroz, obs. J.-S. Rohart et S. Lootgieter). La question est celle de savoir s'il est possible pour un créancier de saisir un navire appartenant, non au débiteur lui-même, mais à une société qui lui serait liée. Après avoir admis de telles saisies sur le critère de l'apparence, c'est-à-dire lorsque les sociétés avaient une apparente communauté d'intérêts (9), la jurisprudence s'est tournée vers un autre critère : celui de la fictivité. Le créancier peut saisir un navire appartenant à une autre société que la société débitrice, s'il établit la fictivité de cette dernière (10). Dans l'affaire "Ag Vartholomeos", les juges du fond (11) et la Cour de cassation vont se référer au critère de l'apparence que l'on croyait disparu. Ce faisant, la jurisprudence peut combiner les deux critères, celui de l'apparence et celui de la fictivité, pour déterminer si le créancier peut saisir un navire n'appartenant pas à son débiteur. L'objectif est de ne pas laisser des débiteurs de mauvaise foi utiliser l'ingénierie des sociétés pour nuire à leurs créanciers, sans pour autant fragiliser la sécurité juridique en ouvrant trop largement les saisies conservatoires de navires dits apparentés.

Responsabilité du commissionnaire de transport. Le commissionnaire de transport, en ce qu'il organise le transport de bout en bout, est garant de l'arrivée des marchandises dans les délais prévus (C. com., art. L. 132-4 N° Lexbase : L5636AIL) et des avaries subies par celles-ci (C. com., art. L. 132-5 N° Lexbase : L5637AIM). Lorsque des manquants sont constatés dans un conteneur à l'arrivée, si le commissionnaire entend s'exonérer de sa responsabilité, il lui appartient de rapporter la preuve que ces manquants existaient dès le chargement. Ainsi, selon la Cour de cassation, une cour d'appel ne saurait présumer, au vu d'un faisceau d'indices, qu'ils sont imputables au chargeur (Cass. com., 13 décembre 2016, n° 14-28.332, F-D N° Lexbase : A2268SXB, "navire Carmen", DMF, 2017, à paraître avec nos obs.). Cette solution est parfaitement fondée au regard des articles L. 132-5 du Code de commerce et L. 5422-12 du Code des transports (N° Lexbase : L6840INN). Il n'en demeure pas moins que le commissionnaire peut alors être placé face à une probatio diabolica, en raison des difficultés à établir des faits s'étant déroulés dans un port lointain (en Chine en l'espèce).

Transporteur et clause de grève. Les stipulations contractuelles peuvent parfois se retourner contre la partie qu'elles sont censées avantager (Cass. com., 13 décembre 2016, n° 14-20.804, F-D N° Lexbase : A2278SXN, "navires Kuo Chang et Buxlagoon"). CMA CGM devait acheminer deux conteneurs, chargés de gingembre et de litchis, jusqu'au port de Marseille. En raison d'une grève affectant le port de la citée Phocéenne, le transporteur n'a pu décharger les conteneurs qu'avec retard. Il est résulté de ce retard l'endommagement de la cargaison des conteneurs. La CMA CGM entendait se prévaloir de l'article 4.2, j) de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, qui énonce que le transporteur n'est pas responsable des pertes ou dommages résultant de grèves. La Cour de cassation refuse cette analyse, et confirme la condamnation du transporteur à indemniser les assureurs facultés, en raison d'une stipulation contractuelle. En effet, le connaissement CMA CGM contient une clause aux termes de laquelle le transporteur est autorisé, en cas d'événement affectant le transport tel qu'une grève, à décharger la marchandise dans un autre port qu'il considèrera comme sûr et approprié. Ce qui est reproché au transporteur dans cette décision est, par conséquent, le fait de ne pas avoir usé de cette faculté de décharger dans un autre port.


(1) Sur lequel, v. nos obs., Un Code de la mer ?, DMF, 2016, 922.
(2) P. Bonassies, Pour une nouvelle ordonnance de la Marine, Mélanges Breton-Derrida, Dalloz, 1991, p. 23, spéc. p. 25.
(3) P. Bonassies, Enfin, le décret vint, ou en attendant le Code de la mer..., DMF, 2017.
(4) F. Denefle, Vers de nouvelles Règles d'York et d'Anvers?, DMF, 2016, 297 ; Quelques considérations sur certaines modifications des RYA 2016 approuvées lors de la conférence générale du CMI à New York en 2016, DMF, 2016, 771.
(5) CA Rennes, 4ème ch., 4 mai 1982, DMF, 1983, 40 et les obs. de Y. Tassel et Y.-M. Le Jean ; CA Rennes, 7ème ch., 7 mai 1991, DMF, 1992, 243, obs. R. Le Brun.
(6) En ce sens, v. égal. S. Miribel, Qu'est-ce qu'un navire ?, Mélanges Scapel, PUAM 2013, p. 279.
(7) A. Vialard, Droit maritime, PUF, 1997, n° 281.
(8) P. Bonassies et Ch. Scapel, Traité de droit maritime, LGDJ, 3ème éd., 2016, n° 601 et s.; Ph. Delebecque, Droit maritime, Dalloz 2014, n° 252.
(9) Cass. com., 12 février 1991, n° 89-16.771 (N° Lexbase : A8170CRZ), "navire Brave Mother", DMF, 1991, 315 ; Cass. com., 27 novembre 1991, n° 90-16.214, publié (N° Lexbase : A2611CKW), "navire Osiris I", DMF, 1992. 488 ; CA Rouen, 28 novembre 1991, "navire Yumuri", DMF, 1992, 689.
(10) Cass. com., 15 novembre 1994, n° 92-19.155 (N° Lexbase : A3948AC9), "navire Osiris I", DMF, 1995, 135, rapp. X. Nicot, obs. Y. Tassel ; Cass. com., 19 mars 1996, n° 94-10.838 (N° Lexbase : A2394ABB), "navire Alexander III", DMF, 1996, 503, obs. A. Vialard.
(11) CA Rennes, 4 février 2014, DMF, 2014, 517, nos obs.

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Procédure administrative

[Brèves] Juge des référés ayant préjugé l'issue du litige : irrégularité de la procédure

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 30 janvier 2017, n° 394206, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4342TBG)

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N6591BWZ

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par Yann Le Foll

Le 09 Février 2017

Dans le cas où un magistrat statuant comme juge des référés a préjugé l'issue du litige, ce magistrat ne peut, sans méconnaître le principe d'impartialité, se prononcer ultérieurement comme juge du principal. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 30 janvier 2017 (CE 2° et 7° ch.-r., 30 janvier 2017, n° 394206, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4342TBG, voir aussi CE Sect., avis, 12 mai 2004, n° 265184 N° Lexbase : A2214DCY). Par un arrêté du 28 mars 2014, le maire d'Aix-en-Provence a autorisé M. et Mme C., propriétaires d'une parcelle bâtie, à modifier la maison construite sur cette parcelle. M. B., propriétaire d'un immeuble mitoyen situé sur une autre parcelle, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille sur le fondement de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS) d'une demande de suspension du permis de construire. Il a, en outre, saisi le tribunal d'une demande au fond tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire. Par une ordonnance du 13 août 2014, la présidente de la deuxième chambre du tribunal, statuant comme juge des référés, a rejeté la demande de suspension en raison de la tardiveté de la requête au fond. Par ordonnance du 30 septembre 2015, prise en application du 4° de l'article R. 222-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L9925LAT), la même présidente a rejeté pour irrecevabilité manifeste la demande au fond en raison de sa tardiveté. L'ordonnance de référé se prononce sur le caractère régulier de l'affichage du permis de construire sur le terrain au regard des articles R. 424-15 (N° Lexbase : L7571HZG) et A. 424-18 (N° Lexbase : L9871HZM) du Code de l'urbanisme et en déduit que le délai de recours de deux mois était expiré à la date d'enregistrement de la requête au fond. Le juge des référés a, ainsi, statué sur la question de la tardiveté de cette dernière requête et préjugé l'issue du litige. Dès lors, le requérant est fondé à soutenir que, le juge du fond étant le même magistrat que le juge des référés, l'ordonnance du 30 septembre 2015, contestée par le présent pourvoi, a été rendue dans des conditions irrégulières (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E3107E4T).

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Procédures fiscales

[Brèves] Obligation d'information du contribuable : application stricte de ce principe concernant des relevés du compte bancaire

Réf. : CE 3° s-s., 30 janvier 2017, n° 391844, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6987TAZ)

Lecture: 2 min

N6619BW3

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par Jules Bellaiche

Le 16 Février 2017

Alors que l'administration possède déjà des relevés de comptes bancaires transmis par le contribuable concernant une période donnée, celle-ci doit tout de même informer l'intéressé si d'autres relevés concernant d'autres périodes sont utilisés pour établir un redressement. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 30 janvier 2017 (CE 3° s-s., 30 janvier 2017, n° 391844, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6987TAZ). En l'espèce, le requérant a été imposé au titre des années 2004 à 2007, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle et d'une vérification de comptabilité, sur des sommes, dont les montants ont été inscrits sur un compte bancaire qu'il détenait au Luxembourg, rémunérant une activité non déclarée d'instructeur sur simulateur de vol et de consultant en matière d'aéronautique civile. En principe, lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents en sa possession qu'elle a obtenus auprès de tiers et qu'elle a utilisés pour établir les redressements, même si le contribuable a pu avoir par ailleurs connaissance de ces renseignements. Pour la cour administrative d'appel (CAA Paris, 3 mars 2015, n° 15PA00045 N° Lexbase : A6269NQA), les relevés du compte bancaire qu'il détenait au Luxembourg n'avaient pas à lui être communiqués par l'administration, dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 76 B du LPF (N° Lexbase : L7606HEG), dès lors qu'il en avait nécessairement connaissance puisqu'il les avait lui-même produits au cours du contrôle. Toutefois, pour la Haute juridiction, si le contribuable avait communiqué à l'administration fiscale les relevés bancaires des années 2006 et 2007, il n'avait pas produit de relevés pour les années 2004 et 2005. Par conséquent, si la cour pouvait légalement juger régulière la procédure d'imposition suivie au titre des années 2006 et 2007, s'agissant de documents obtenus par l'administration du contribuable lui-même et non de tiers, elle a en revanche commis une erreur de droit en la jugeant régulière au titre des années 2004 et 2005 dès lors qu'il n'est pas établi que les documents sur lesquels s'est fondée l'administration n'ont pas été obtenus de tiers et que le contribuable, même s'agissant de relevés de son compte bancaire, était en droit d'en vérifier l'exactitude et l'authenticité .

newsid:456619

Sociétés

[Brèves] Scission d'une société : absence de transmission de la garantie autonome

Réf. : Cass. com., 31 janvier 2017, n° 15-19.158, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6857TA9)

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N6495BWH

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par Vincent Téchené

Le 09 Février 2017

Sauf convention contraire, la garantie autonome, qui ne suit pas l'obligation garantie, n'est pas transmise en cas de scission de la société bénéficiaire de la garantie. Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 31 janvier 2017 bénéficiant de la plus large publicité (Cass. com., 31 janvier 2017, n° 15-19.158, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6857TA9). En l'espèce, par contrat des 26 octobre et 9 novembre 2004, une société a donné son fonds de commerce d'hôtel-bar-restaurant en location-gérance. La locataire a, en exécution du contrat, remis à la bailleresse une garantie à première demande consentie le 3 novembre 2004 par une banque. La société bailleresse du fonds a, pendant le cours du contrat de location-gérance, fait l'objet d'une scission emportant transmission de sa branche d'activité de l'hôtel donné en location-gérance. La locataire du fonds ayant résilié le contrat de location-gérance, la société ayant recueille la branche d'activité scindée, après avoir vainement mis cette dernière en demeure d'exécuter ses obligations, a, par lettre du 30 juin 2011, demandé à la banque de mettre en oeuvre la garantie, puis l'a assignée en paiement. La cour d'appel (CA Pau, 19 mars 2015, n° 15/1148 N° Lexbase : A0544NEU) a jugé qu'elle était en droit de revendiquer le bénéfice de la garantie à première demande qui lui a été consentie par la banque : avoir retenu que, sauf clause contraire, la transmission universelle du patrimoine qui résulte d'une opération de fusion ou de scission n'est pas incompatible avec le caractère intuitu personae de cette garantie, la cour constate que la société qui a bénéficié de la garantie originaire a fait l'objet d'une scission ayant eu pour effet de transférer la totalité de sa branche d'activité hôtelière à compter du 1er novembre 2005, et que la garantie à première demande accordée au titre de la location-gérance de l'hôtel se rattache à l'activité hôtelière cédée. L'arrêt d'appel en a, alors, déduit qu'il n'y avait lieu ni de mentionner l'existence de cette garantie dans l'acte de scission, ni de recueillir le consentement exprès de la banque sur le transfert de garantie. Mais énonçant le principe précité, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel au visa des articles 2321 du Code civil (N° Lexbase : L1145HIA) et L. 236-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L6353AI7 ; cf. les Ouvrages "Droit des sociétés" N° Lexbase : E2499AWH et "Droit des sûretés" N° Lexbase : E7495CDX).

newsid:456495

Urbanisme

[Brèves] Inapplicabilité aux travaux réalisés sans permis de construire de la prescription décennale relative aux infractions aux règles d'urbanisme

Réf. : CE 1° et 6° ch.-r., 3 février 2017, n° 373898, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4617TBM)

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N6645BWZ

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par Yann Le Foll

Le 10 Février 2017

La prescription décennale de la méconnaissance du droit de l'urbanisme par une construction pour l'octroi d'une nouvelle autorisation d'urbanisme ne s'applique pas aux travaux réalisés sans permis de construire alors que celui-ci était requis. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 3 février 2017 (CE 1° et 6° ch.-r., 3 février 2017, n° 373898, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4617TBM). Il résulte de l'article L. 111-12 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1021HPI), dans sa rédaction alors en vigueur issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement (N° Lexbase : L2466HKK), et dont les dispositions ont été reprises à l'actuel article L. 421-9 du même code (N° Lexbase : L2773KIK), que peuvent bénéficier de la prescription administrative définie par cet article les travaux réalisés, depuis plus de dix ans, lors de la construction primitive ou à l'occasion des modifications apportées à celle-ci, sous réserve qu'ils n'aient pas été réalisés sans permis de construire alors que celui-ci était requis en vertu des prescriptions légales alors applicables. A la différence des travaux réalisés depuis plus de dix ans sans permis de construire, alors que ce dernier était requis, peuvent bénéficier de cette prescription ceux réalisés sans déclaration préalable. La cour administrative d'appel (CAA Marseille, 1ère ch., 3 octobre 2013, n° 11MA02625 N° Lexbase : A4354TBU) n'a pas entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant qu'un bâtiment édifié au dix-neuvième siècle, avant que les lois et règlements ne soumettent les constructions à un régime d'autorisation d'urbanisme, ne pouvait être regardé comme ayant été réalisé sans permis de construire pour l'application des dispositions du e) de l'article L. 111-12 précité. Elle a toutefois relevé que la construction litigieuse avait fait l'objet plus de dix ans avant l'édiction de l'arrêté litigieux de modifications qui étaient soumises à permis de construire à la date à laquelle elles ont été réalisées. Pour juger que ces travaux pouvaient néanmoins bénéficier de la prescription prévue à l'article L. 111-12 alors applicable, la cour administrative d'appel s'est fondée sur la circonstance qu'ils avaient revêtu une ampleur limitée et n'avaient, dès lors, pas conduit à la réalisation d'une nouvelle construction. Ce faisant, elle a méconnu le principe précité et ainsi commis une erreur de droit (cf. l’Ouvrage "Droit de l'urbanisme" N° Lexbase : E1702E78).

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