Jurisprudence : CA Bordeaux, 02-04-2015, n° 13/07080, Confirmation



COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
ARRÊT DU 02 AVRIL 2015 gtr
(Rédacteur Madame Véronique ..., Conseillère) PRUD'HOMMES
N° de rôle 13/07080
SA KEOLIS BORDEAUX
c/
Monsieur Marc Y
CFDT SNTU
Nature de la décision AU FOND
Notifié par LRAR le
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le
à
Décision déférée à la Cour jugement rendu le 31 octobre 2013 (R.G. n° F 11/01470) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 06 décembre 2013,

APPELANTE
SA KEOLIS BORDEAUX, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
demeurant BORDEAUX
représentée par Me Stéphanie BERTRAND, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS
Monsieur Marc Y
né le 27 Février 1960
de nationalité Française
Sans profession, demeurant HOSTENS
CFDT SNTU, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
PARIS CEDEX 19
représentés par Me Stanislas LAUDET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 février 2015 en audience publique, devant la Cour composée de
Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente
Madame Catherine MAILHES, Conseillère
Madame Véronique LEBRETON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats Gwenaël TRIDON DE REY,
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSÉ DU LITIGE
M. Marc Y a été engagé par la CGFTE, délégataire de service public du réseau de transports en commun de la communauté urbaine de Bordeaux, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3 mai 1993 en qualité de conducteur receveur.
Le 1er mai 2009, la SA Keolis Bordeaux s'est vue confier cette délégation de service public et le contrat de travail de M. Y lui a été transféré.
Un préavis de grève a été déposé au sein de l'entreprise pour le 27 novembre 2009 et M. Y a participé à ce mouvement de grève.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 décembre 2009, M. Y a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire fixé au 17 décembre 2009.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 décembre 2009, un blâme a été notifié à M. Y en raison de son 'attitude délibérée lors de ces événements, constituant une entrave à la liberté de travail'.
Un blâme a également été adressé à six autres salariés ayant refusé de libérer la voie, obstruant l'entrée et la sortie du dépôt, la CGT ayant contesté ces sanctions le 5 janvier 2010.
La société Keolis Bordeaux a refusé de retirer les sanctions appliquées par courrier du 19 février 2010.
Contestant cette décision, M. Y a saisi le conseil de Prud'hommes de Bordeaux (section commerce) le 12 mai 2011 aux fins d'annuler la sanction disciplinaire et d'obtenir des dommages et intérêts sur le fondement des articles L.2141-8, L.1132-2 et L.2132-3 du code du travail.
La SA Keolis Bordeaux a formé une demande reconventionnelle aux fins de voir condamner solidairement M. Y et la CFDT-SNTU au paiement d'une amende sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Par jugement en date du 31 octobre 2013, le conseil de Prud'hommes de Bordeaux a
· annulé le blâme notifié le 24 décembre 2009 à M. Y par la SA Keolis Bordeaux,
· condamné la SA Keolis Bordeaux à payer à M. Y les sommes suivantes
· 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée,
· 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
· débouté M. Y du surplus de ses demandes,
· constaté l'intervention volontaire du syndicat CFDT-SNTU et l'a déclarée recevable et bien fondée,
· condamné la SA Keolis Bordeaux à payer au syndicat CFDT-SNTU la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,
· débouté la SA Keolis Bordeaux de ses demandes reconventionnelles et l'a condamné aux entiers dépens.

La SA Keolis Bordeaux a régulièrement interjeté appel de cette décision le 6 décembre 2013. M. Marc Y a fait appel incident sur le montant des dommages-intérêts.
Par conclusions déposées au greffe le 27 janvier 2015 et développées oralement à l'audience, la SA Keolis Bordeaux sollicite de la Cour qu'elle
· juge pleinement justifiée la sanction de blâme en date du 24 décembre 2009 prise à l'encontre de M. Y,
· infirme le jugement prud'homal en ce qu'il a annulé le blâme pris à l'encontre de M. Y et condamné la société Keolis Bordeaux au versement de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée,
· infirme le jugement prud'homal en ce qu'il a condamné la société Keolis Bordeaux au versement de dommages et intérêts au bénéfice du syndicat CFDT-SNTU pour préjudice à l'intérêt de l'ensemble de la profession,
· confirme le jugement pour le surplus en ce qu'il a débouté M. Y de sa demande fondée sur une prétendue discrimination syndicale,
· juge que les faits reprochés à M. Y en date du 27 novembre 2009 étaient constitutifs d'une faute lourde,
· juge que la demande d'annulation de cette sanction est injustifiée,
· déboute M. Y de l'ensemble de ses demandes,
· déboute le syndicat CFDT de sa demande de dommages et intérêts,
· condamne M. Y au paiement d'une amende sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
· condamne M. Y à verser à la société Keolis Bordeaux la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil,
· condamne M. Y au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA Keolis Bordeaux fait valoir les moyens suivants
* la sanction appliquée à M. Y ne relève pas d'une discrimination syndicale mais est la conséquence d'une entrave à la liberté du travail car le fait d'empêcher par quelque moyen que ce soit l'exécution d'une tâche par les autres salariés est constitutif d'une faute lourde et aurait pu justifier le licenciement de M. Y, dès lors, le blâme qui lui a été infligé est parfaitement justifié et il y a lieu de réformer le jugement sur ce point,
* la société Keolis n'avait aucune connaissance de l'affiliation syndicale de M. Y et le blâme infligé n'a eu aucune répercussion sur son travail au sein de la société ; ainsi, les demandes de M. Y au titre de la discrimination syndicale et de la discrimination pour exercice du droit de grève ne sont pas fondées, la société ayant laissé M. Y exercer son droit de grève, l'ayant seulement sanctionné pour avoir entravé l'accès à l'entrepôt,
* M. Y a saisi le conseil de Prud'hommes plus d'un an après les faits dans le seul but de battre monnaie auprès de son employeur, la sanction ne lui ayant porté aucun préjudice ; dès lors, la procédure engagée est abusive et dilatoire.
Par conclusions déposées au greffe le 17 février 2015 et développées oralement à l'audience, M. Y et le syndicat CFDT-SNTU sollicitent de la Cour qu'elle
· confirme le jugement déféré en ce qu'il a annulé la sanction prononcée à l' encontre de M. Y le 24 décembre 2009,
· statue à nouveau pour le surplus,
· et condamne la société Keolis à payer à M. Y les sommes de 1500 euros au titre des dommages-intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée, 1500 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L2141-8 du code du travail, 1500 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L1132-2 du code du travail, 500 euros au titre des dommages-intérêts sur le fondement de l'article L2132-3 du code du travail au bénéfice de la CFDT-SNTU, 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils sollicitent également le bénéfice des intérêts au taux légal et de la capitalisation prévue à l'article 1154 du code civil.
Ils font valoir les moyens suivants
* l'appartenance syndicale de M. Y depuis 2009 était connue de l'employeur qui l'a sanctionné alors qu'il exerçait son droit légitime de faire la grève compte tenu de la dégradations des conditions de travail, seuls 7 salariés sur les 20 présents devant le dépôt ont été sanctionnés, il a donc été sanctionné en raison de son appartenance syndicale,
* 78 % du personnel conducteur était en grève de sorte que le plan de transport adapté ne pouvait pas être respecté, aucun bus ne devait donc sortir des locaux de la société pour des raisons de sécurité, c'est la raison pour laquelle, malgré l'alerte qui avait été lancée à laquelle le président du CHSCT a répondu que les conditions étaient sécuritaires, des grévistes se sont opposés à la mise en place de deux lignes de bus, il a donc été sanctionné en raison de cet exercice du droit de grève,
* s'il était présent le jour de la grève, il ne s'est rendu coupable d'aucune voie de fait à l'occasion du mouvement de grève de sorte que la faute lourde ne peut pas être retenue contre lui, sachant que l'employeur ne prouve pas sa participation personnelle au fait reproché, à savoir le blocage du dépôt pendant des heures et qu'il ne peut y avoir entrave à la liberté du travail dans une configuration où la société Keolis était dans l'obligation de ne mettre aucune ligne de bus en service,
* le délai de saisine du conseil des prud'hommes est consécutif au temps nécessaire à l'intervention du syndicat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article 1332-1 du code du travail aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé dans le même temps et par écrit des griefs retenus contre lui. Selon l'article L1333-1 du code du travail en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, à la suite de l'entretien préalable du 17 décembre 2009 la SA Keolis Bordeaux a adressé à M. Marc Y un courrier daté du 24 décembre 2009 libellé de la façon suivante " (..) le 27 novembre 2009, un préavis de grève ayant été déposé pour cette journée, vous vous trouviez à 6 h 30 à l'entrée du dépôt du CEL, situé rue de Bougainville à Bordeaux. Faisant partie d'un groupe d'une vingtaine de personnes, vous empêchiez alors physiquement la sortie des bus. Vous n'avez pas accepté de libérer le passage lorsque des représentants syndicaux vous l'ont demandé. Vous avez persisté dans votre comportement lorsque la direction vous a fait la même demande. Vous avez enfin refusé d'obtempérer à la sommation de libérer le passage faite par l'huissier qui a constaté les faits. Ainsi, vous avez, à titre individuel, activement fait obstruction au passage, sur la voie publique, des bus qui devaient être mis en service ce jour là et qui étaient conduits par des conducteurs non grévistes. Votre attitude délibérée lors de ces événements constitue une entrave à la liberté de travail que nous ne saurions tolérer. Les explications que vous nous avez fournies lors de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Aussi en application de l'article 22 du règlement intérieur, nous vous notifions par la présente un blâme qui sera porté à votre dossier personnel. (..)".
La SA Keolis Bordeaux produit à l'appui des griefs faits à M. Marc Y un procès-verbal de constat établi le 27 novembre 2009 par l'étude d'huissier de M° Jean ..., qui relate des constatations réalisées par le clerc Mme ... de 4h 55 à 6h 30, puis par M°Casimiro lui même de 6h 30 à 8h 30, dont il ressort
· que dès 4h 55 un groupe d'une vingtaine de personnes se trouvait à l'entrée du dépôt à environ dix mètres du seul portail d'entrée et de sortie, deux bus étant stationnés en parallèle et étant impossibles à déplacer, l'huissier ayant constaté que les clefs nécessaires au démarrage étaient manquantes,
· que trois bus de nuit n'ont pu rentrer dans le dépôt les conducteurs ayant été dans l'obligation de garer les bus à l'extérieur du site,
· qu'à 6 h 30 après déplacement des deux bus empêchant l'entrée par un conducteur non gréviste et un des cadres, un groupes de personnes a pris place sur la voie publique à l'entrée du site afin d'interdire tout passage, de sortie et d'entrée dans le dépôt,
· qu'à 6 h 30, l'huissier a fait sommation aux délégués syndicaux CGT et CFDT de demander aux personnes présentes de libérer le passage, ce qu'elles ont alors refusé à haute voix de faire,
· qu'après négociation entre la direction et ces délégués, ces derniers ont accepté de demander aux personnes bloquant le passage de libérer la circulation au plus tard pour 8 h 30, ce que les délégués ont fait,
· qu'à 8 h 30, alors que ceux ci s'étaient retirés, les personnes présentes devant l'entrée ont refusé de libérer le passage pour la sortie d'un bus conduit par un conducteur non gréviste, puis à la sommation qui leur a été faite directement par l'huissier,
· que celui-ci a relevé l'identité des personnes présentes, qui avaient refusé de la donner, avec l'aide de deux membres du personnel d'encadrement et qu'ainsi l'identité de 7 personnes est notée dans le procès-verbal, dont celle de M. Marc Y.
L'employeur produit les attestations des deux membres du personnel d'encadrement dont s'agit, soit M. ... et M. ..., qui confirment tous deux avoir reconnu M. Marc Y parmi le groupes de personnes qui bloquaient l'entrée et la sortie du dépôt du CEL le 27 novembre 2009, de sorte que l'absence d'identification des deux membres du personnel d'encadrement dans le procès-verbal de constat est sans incidence sur la valeur probatoire de ce dernier.
M. Marc Y quant à lui produit l'attestation de M. ..., délégué CFDT, qui indique "lors de la grève du mois de novembre 2009, particulièrement le 27 novembre 2009, vers 6
heures du matin alors que je me trouvais devant le dépôt de bus rue de Bougainville en compagnie de M. ..., et qu'un groupe de salariés se trouvait devant le dépôt, l'huissier de justice nous demanda de nous adresser à ce groupe pour leur demander de se déplacer ce que je fis mais sans succès. Je précise que le n'ai pas remarqué la présence de M. Marc Y comme faisant partie du groupe en question. Je ne lui ai donc jamais demandé de se déplacer".
Le procès-verbal d'huissier est corroboré par les deux attestations produites par la SA Keolis Bordeaux et les constatations qui y figurent ne sont pas contredites par l'attestation de M. .... En effet celui-ci se contente d'indiquer qu'il s'est adressé à un groupe de personnes dans lequel il n'a pas "remarqué" la présence du salarié vers 6 heures du matin alors que le constat se déroule entre 4h 55 et 6h 30 puis entre 6h30 et 8h 30 et que le relevé des identités se déroule après un refus d'obtempérer à la sommation de l'huissier en fin de constat à 8h 30, de sorte que l'attestation de M. ... ne couvre pas toute la période de constatation.
Il convient donc de considérer comme établi qu'au moment où le groupe de personnes bloquant l'entrée et la sortie du dépôt refuse d'obtempérer à la sommation de l'huissier de libérer le passage, M. Marc Y était présent dans le groupe en question.
Il résulte de la pièce 6 produite par la SA Keolis Bordeaux intitulée "dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres réguliers des voyageurs" datée du 10 juin 2008, la pièce 7 destinée à la consultation du comité d'entreprise du 14 juin 2010 étant postérieure au 27 novembre 2009 étant inopérante, que l'accord prévoit un niveau d'offre de service garanti proposé lors de conflits sociaux proportionnel au nombre de conducteurs roulants non grévistes et stipule quatre niveau de desserte soit pour un taux de grévistes de 25 % une offre à 75 %, pour un taux de 50 % une offre à 50 %, pour un taux de 70 % une offre à 30 % et pour un taux supérieur à 70 % une absence de desserte sur le réseau bus et une mise en exploitation partielle du réseau tramway selon les circonstances.
Par ailleurs il résulte de la pièce 2 produite par M. Marc Y intitulée "annexe n°20, plans de transport adapté (PTA) et d'information des usagers (PIU) en cas de perturbation"que le PTA est défini, en cas de perturbation liée à un conflit social, en fonction de
l'ensemble des personnels chargés de la conduite, de la sécurité, de la régulation réseau et des dépannages pouvant être opérationnels, le document précisant qu'en deçà du niveau de 30 % des moyens humains et matériels de l'entreprise disponibles pour l'exploitation aucun plan de transport adapté ne peut être mis en oeuvre.
Or, étant observé que l'évaluation du nombre de grévistes lors de la grève du 27 novembre 2009 fait état pour l'ensemble du personnel d'un taux global de grévistes de 68, 20 %, dont un taux de 78, 10 % pour les conducteurs receveurs et que l'offre de desserte des lignes de bus pouvait être égale à 30 % ou être nulle selon le chiffre pris en considération et que les parties ne précisent pas quel était l'accord applicable au moment de la grève, il appartenait en tout état de cause à la direction de déterminer si les conditions de mise en oeuvre du PTA étaient ou non réunies. A cet égard le 27 novembre 2009 les représentants syndicaux ont alerté le CHSCT pour indiquer, en s'appuyant sur le premier document, que 80 % des effectifs conducteur-bus étant en grève aucun service ne pouvait être mis en oeuvre et le président du CHSCT a répondu le jour même en indiquant que l'alerte n'avait pas lieu d'être puisqu'aucun bus n'était sorti le jour dont s'agit et a précisé que rien n'empêchait le délégataire de faire mieux que ce prévoit le PTA qui est un engagement de service minimum à l'égard de l'autorité délégante à partir du moment où le délégataire estime que les conditions de sécurité du personnel sont normalement respectée, ce qui était le cas pour le président du CHSCT le 27 novembre 2009 sur la ligne bus qu'il était envisagé de mettre en oeuvre dans des conditions de sécurité d'un niveau supérieur au niveau habituel.
En dehors de l'alerte sus énoncée lancée par les syndicats représentatifs, les salariés ne peuvent donc justifier par le PTA l'obstruction à la mise en oeuvre d'un service minimum de bus décidée par la direction. Or il résulte d'une part de la note de service du 26 novembre 2009 que lors de la journée de grève du 27 novembre 2009, sur un taux de grévistes estimé à 84 % sur le réseau bus, la SA Keolis Bordeaux avait décidé de maintenir le ligne de bus 9 et d'autre part du message électronique du 27 novembre 2009 du président du CHSCT aux délégués syndicaux qu'aucun bus n'est sorti du dépôt.
L'ensemble de ces circonstances et considérations démontre que le groupe de personnes dont il est prouvé que M. Marc Y faisait partie a bien entravé la liberté de travail du personnel non gréviste le 27 novembre 2009, ceci étant constitutif d'une faute lourde susceptible d'être sanctionnée disciplinairement.
La SA Keolis Bordeaux établit par les pièces qu'elle produit que tous les salariés présents sur le site dont l'identité est notée sur le procès-verbal de constat d'huissier ont été sanctionnés pour le même motif et de la même manière. M. Marc Y ne rapporte en outre aucune pièce de nature à établir qu'il a été sanctionné à raison de son appartenance syndicale dont il n'établit pas au demeurant qu'elle était connue de la SA Keolis Bordeaux qui avait pris la suite du précédent employeur de M. Marc Y depuis six mois. Il n'est donc pas prouvé qu'il a été victime de discrimination syndicale.
Par ailleurs la sanction prononcée à l'encontre de M. Marc Y étant postérieure par définition à la journée de grève incriminée, elle n'a pu constituer une entrave à l'exercice de son droit de grève. De plus M. Marc Y n'a pas été sanctionné parce qu'il était lui même gréviste mais parce qu'il a fait obstruction à la possibilité pour les non grévistes de travailler conformément à la décision de la direction. Il n'est donc pas établi qu'il a été sanctionné en raison de l'exercice du droit de grève.
Les demandes de M. Marc Y sur le fondement des articles L2141-8 et L 1132-2 du code du travail ne sont par conséquent pas fondées, et par suite celle de syndicat CFDT-SNTU sur le fondement de l'article L2132-3 du code du travail ne l'est pas davantage.
Dans ces conditions, le blâme qui est une sanction proportionnée au fait reproché à M. Marc Y étant justifié, la cour réformera le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a annulé la sanction, a condamné la SA Keolis Bordeaux à payer à M. Marc Y des dommages-intérêts pour sanction injustifiée et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné la SA Keolis Bordeaux à payer au syndicat CFDT-SNTU des dommages-intérêts sur le fondement de l'article L2132-3 du code du travail et le confirmera en ce qu'il a débouté M. Marc Y du surplus de ses demandes. Statuant à nouveau sur les chefs réformés, la cour déboutera M. Marc Y et syndicat CFDT-SNTU de l'ensemble de leurs demandes.
S'agissant des demandes de la SA Keolis Bordeaux, aucune des pièces produites n'est de nature à démontrer que M. Marc Y a fait un usage abusif de son droit d'ester en justice en exerçant la voie de recours dont s'agit. La SA Keolis Bordeaux sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
Il n'y pas lieu en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile pour les mêmes motifs.
Le jugement déféré sera confirmé sur ces deux points.
Il convient de mettre à la charge du salarié qui succombe au principal les dépens d'appel. Il n'apparait pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de leurs frais irrépétibles respectifs, elles seront déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a annulé la sanction disciplinaire prononcée à l'encontre de M. Marc Y, a condamné la SA Keolis Bordeaux à payer à M. Marc Y des dommages-intérêts pour sanction injustifiée et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné la SA Keolis Bordeaux à payer au syndicat CFDT-SNTU des dommages-intérêts sur le fondement de l'article L2132-3 du code du travail,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs réformés,
Déboute M. Marc Y et syndicat CFDT-SNTU de l'ensemble de leurs demandes,
Déboute la SA Keolis Bordeaux de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Marc Y aux dépens.
Signé par Madame Elisabeth ..., Présidente, et par Gwenaël ... ... ..., greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
G. ... ... ... Elisabeth LARSABAL

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