La lettre juridique n°388 du 25 mars 2010

La lettre juridique - Édition n°388

Avocats

[Questions à...] Refonte du régime des spécialisations des avocats - Questions à Jean-François Leca, Président délégué de la commission Formation du CNB et ancien Bâtonnier d'Aix-en-Provence

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

"Offrir la possibilité d'une spécialisation accessible et utile à tous, tant au bénéfice des justiciables qu'à celui des avocats, [était] une priorité du Conseil national des barreaux" (CNB) (1). Celui-ci s'est exécuté. Le 13 mars 2010, l'assemblée générale du CNB entérinait les règles, proposées par la commission Formation, de refonte du régime des spécialisations. A l'exception du point sur la publicité -qui reste à trancher-, les préconisations du rapport d'étape présenté les 11 et 12 décembre 2009 à l'assemblée générale du Conseil ont toutes été majoritairement approuvées, les quelques discussions n'ayant porté que sur de menus détails. Ce vote a mis fin à plus de trois années de travaux et quelques péripéties (le rapport présenté en avril 2008 sous l'ancienne mandature n'avait, en effet, pas abouti). "Trois ans, cela peut paraître long, mais c'est finalement court, eu égard à la complexité du sujet et à ses imbrications", souligne Jean-François Leca, Président délégué de la commission Formation du CNB et ancien Bâtonnier d'Aix-en-Provence. Celui-ci nous a fait l'honneur d'une rencontre, afin de nous présenter les grandes lignes d'une réforme attendue par tous. Lexbase : Quel est le régime actuellement en vigueur ?

Jean-François Leca : D'un régime à l'origine déclaratif, nous sommes passés à un dispositif d'obtention des spécialisations conditionné par une pratique professionnelle et la réussite à un examen.

Ainsi, aux termes de l'article 12-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires ou juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), la spécialisation est :

- acquise par une pratique professionnelle continue d'une durée de quatre ans, justifiée par un dossier transmis au préalable par l'avocat ;

- sanctionnée par un contrôle de connaissances véritable examen universitaire composé d'une épreuve écrite et d'une discussion orale devant un jury ; et

- attestée par un certificat délivré par un Centre régional de formation professionnelle.

En application du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID), la liste des spécialisations (au nombre de quinze) a été fixée par arrêté du Garde des Sceaux du 8 juin 1993, sur proposition du Conseil national des barreaux (CNB). Celui-ci, par décision du 7 septembre 2002, a subdivisé les spécialisations en soixante "champs de compétence".

Chaque avocat ne peut acquérir plus de trois spécialisations ou champs de compétence.

Parallèlement à cela, l'avocat exerce dans des domaines d'activités qu'il détermine librement, sous réserve du respect des règles essentielles régissant la profession et la déontologie. L'Ordre exerce un contrôle sur la véracité des domaines d'activités sur lequel l'avocat déclare intervenir, dont la mise en oeuvre est de plus en plus difficile, compte tenu de la multiplication des supports de communication et de publicité (notamment, sur internet).

Lexbase : Pourquoi refondre ce régime ?

Jean-François Leca : Nous avons constaté que le dispositif actuellement en vigueur ne répondait plus aux objectifs poursuivis, à savoir, favoriser une information claire du public et apporter une plus-value à l'avocat.

Au contraire, les usagers du droit se perdent entre les notions de spécialisations, champs de compétences et domaines d'activités et les avocats, qui peuvent, aujourd'hui, utiliser indifféremment les mêmes intitulés qu'il s'agisse de l'un ou l'autre de ces trois "niveaux", boudent l'examen de spécialisation. La compétence n'est finalement plus valorisée. Par ailleurs, le contrôle des ordres sur les activités autoproclamées est difficile à réaliser et se doit d'être facilité.

Enfin, nous avons souhaité revoir l'examen d'obtention de la spécialisation, pour deux raisons. En premier lieu, il n'apparaissait pas pertinent d'obliger le confrère à un nouvel examen de type universitaire. Les études de droit sont, déjà, suffisamment longues pour en rajouter, d'autant que le succès ou l'échec à cet examen ne représente pas la réalité d'une pratique professionnelle, condition essentielle de la spécialisation. En outre, il arrive, parfois, que le jury fasse "barrage", notamment pour des motifs de concurrence, à l'accès aux spécialisations.

Lexbase : Quelles règles ont été entérinées par l'assemblée générale du CNB du 13 mars 2010 ?

Jean-François Leca : La refonte du régime des spécialisations, telle qu'entérinée par l'assemblée générale du CNB du 13 mars dernier, porte sur quatre lignes directrices :

- l'actualisation de la liste des spécialités ;

- la modification des conditions d'obtention du certificat de spécialisation ;

- un renforcement du rôle du CNB ; et

- la péremption des mentions de spécialisations en l'absence de formation continue.

Sur le premier axe, nous avons décidé de supprimer la distinction, qui prêtait à confusion, entre les spécialités et les champs de compétence. Nous avons préféré retenir vingt-neuf spécialités, étant précisé que l'avocat peut, toutefois, au titre de l'obtention d'une spécialité, demander à bénéficier d'une mention particulière, sur autorisation du CNB. Ainsi, un confrère qui sera spécialisé en droit immobilier, mais dont le principal champ d'intervention tiendra au droit de la copropriété, pourra solliciter le bénéfice de cette dernière mention et la réalité de sa pratique dans ce domaine fera, également, l'objet de l'épreuve. La détermination de l'intitulé de la mention sollicitée est contrôlée par le CNB. Cette mention doit correspondre à un domaine de la spécialisation.

Le choix des spécialisations et leur intitulé n'ont pas posé de difficultés particulières, à l'exception du "droit de l'Union européenne" et du "droit de la médiation". Dans le premier cas, certains ont souligné la transversalité de la matière, qui empêchait d'en faire une spécialité. Mais, la majorité a, cependant, considéré qu'il s'agissait d'une matière à part entière. Dans le second cas, la question s'est posée de savoir si la médiation était une pratique ou un droit. Considérer qu'il s'agissait d'une pratique revenait à supprimer la médiation de la liste des spécialisations, afin de laisser la matière ouverte à tous. Au contraire, si on estime qu'il s'agit d'un droit, son maintien en tant que spécialité est justifié. L'assemblée a tranché en ce sens.

Alors qu'un avocat pouvait jusqu'à présent revendiquer trois spécialités, il sera, désormais, limité à deux. Eu égard au foisonnement des règles et à la complexité du droit, cette restriction nous semble justifiée et mieux correspondre à la pratique, d'autant que rien empêche des confrères de se regrouper s'ils veulent "offrir" un plus grand nombre de spécialisations. Par ailleurs, la possibilité de revendiquer des mentions "complémentaires" permet d'afficher, si l'avocat le souhaite, plus finement ses compétences. Néanmoins, les confrères qui disposent, aujourd'hui, de trois spécialités seront autorisés à les conserver.

Le point essentiel de la réforme concerne la modification des conditions d'obtention des spécialités. L'épreuve écrite est supprimée, l'examen étant, désormais, exclusivement constitué par l'analyse du dossier du candidat par le jury (afin de vérifier l'existence d'une vraie pratique professionnelle) et d'une discussion orale permettant de contrôler la maitrise pratique de la spécialisation demandée.

Dans ce cadre, le CNB se voit confier un rôle central : il reçoit le dossier du candidat, contrôle son exhaustivité, requiert, le cas échant, les pièces complémentaires et l'adresse, enfin, à l'école concernée. La compétence de celle-ci était, jusqu'à présent, territoriale. Dans le cadre de la réforme, le candidat pourra demander au CNB de passer l'examen dans un autre centre de formation qui lui sera indiqué, en fonction de la spécialisation pour laquelle il postule.

Le Conseil tiendra, également, une liste nationale des avocats spécialisés ; la revendication par les confrères d'une spécialisation étant conditionnée par l'inscription de leur nom sur cette liste.

Une fois la spécialité obtenue, l'avocat se devra de la maintenir dans le cadre de la formation continue. Il validera dix heures de formation minimum par an et par spécialité, soit :

- s'il détient une spécialité, 20 heures par an minimum de formation dont 10 relatives à cette spécialisation ;

- s'il en détient deux, il validera 20 heures minimum de formation "spécialisée" (soit, 10 heures minimum par spécialité).

La question s'est posée d'obliger le confrère, outre cette formation "spécialisée" (de 10 ou 20 heures minimum) à valider 10 heures de plus de formation "générale". Nous avons, cependant, abandonné cette idée. L'effort de formation à fournir est, déjà, suffisamment important. Nous sommes, en outre, convaincus que l'avocat qui estimera avoir besoin d'une formation complémentaire la suivra de toutes les façons.

Si l'avocat ne remplit pas ses obligations de formation par spécialisation, il pourra en perdre le bénéfice. Pour y avoir droit de nouveau, il devra reprendre le processus au début et adresser au CNB un dossier en vue de repasser l'examen.

Lexbase : La question de la publicité n'a pas été tranchée par la dernière assemblée générale. Sur quels points portent les dissensions ?

Jean-François Leca : Pour comprendre le problème, il faut, tout d'abord, rappeler qu'il est envisagé par la commission Formation de refuser au non-titulaire d'un certificat de spécialisation d'utiliser l'intitulé des spécialités dans le cadre de sa communication et/ou de sa publicité personnelle ; ceci, dans un souci de valorisation des spécialisations et de lisibilité pour le public. Pour ces deux raisons, la commission Formation tient à ce principe.

Mais, certains redoutent que la règle ferme des portes, dans le sens où, actuellement, les confrères utilisent indifféremment les intitulés des spécialisations pour informer le public sur leurs domaines d'activités.

Nous estimons, qu'en l'état de la réforme, il suffira au confrère qui peut revendiquer une pratique professionnelle de quatre années, de requérir l'obtention de la spécialité. Cela devrait être incitatif. Ce point sera débattu lors de la prochaine assemblée générale du CNB à tenir courant avril 2010.

Lexbase : Comment s'organise la transition entre les deux régimes ?

Jean-François Leca : Une table de concordance sera établie entre les anciens intitulés des spécialisations et champs de compétence et les nouvelles dénominations retenues.

Dans l'hypothèse où les avocats devraient "convertir" l'appellation de leur spécialité, il leur sera demandé de déclarer sur l'honneur que leur activité correspond toujours aux spécialités qu'ils avaient préalablement obtenues.

Enfin, ainsi que je l'ai mentionné, les confrères qui disposent de trois spécialités seront autorisés à les maintenir toutes les trois, dès lors qu'elles correspondent encore à une pratique effective.


(1) Phrase introductive du rapport d'étape sur la refonte du régime des spécialisations des avocats, présenté à l'assemblée générale du CNB des 11 et 12 décembre 2009.

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Éditorial

Congé paternité : si maman bis en avait... elle s'appellerait papa !

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N6099BN9

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"Parce que les parents jouent un rôle essentiel, nous avons voulu renforcer la fonction parentale en modernisant notre droit de la famille. Nous continuons, cette année, avec la création d'un congé de paternité de deux semaines, en vue de revaloriser le rôle des pères. Pour nous, il n'existe pas de modèle familial idéal qu'on pourrait imposer à toute la société. Nous avons donc supprimé certaines mesures injustes, rompant ainsi avec la politique de l'ancienne majorité" confessait Elisabeth Guigou, alors ministre de l'Emploi et de la Solidarité, en présentant, dans le cadre de la loi financement de la Sécurité sociale pour 2002, son projet de créer un congé paternité, devant une Assemblée nationale fortement empreinte de testostérone.

Mais force est de constater que ce congé paternité, dont nous abandonnerons, à nos éminents auteurs universitaires, le soin de dresser les contours juridiques, s'intègre dans un "modèle familial idéal", si l'on s'attarde quelque peu sur cet arrêt du 11 mars 2010, à travers lequel la deuxième chambre civile de la Cour de cassation retient que le bénéfice du congé de paternité est ouvert au père de l'enfant uniquement, à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique, de sorte que le refus du bénéfice de ce congé à la compagne de la mère n'est constitutif ni d'une discrimination selon le sexe ou l'orientation sexuelle, ni d'une atteinte au droit à une vie familiale.

Alors bien sûr, les juges du Quai de l'Horloge, comme ceux de la cour d'appel de Rennes et ceux du Tass de Nantes, avant eux, arguent, à juste titre, de l'absence de "lien de filiation juridique" pour exclure les "mères bis" du bénéfice du congé paternité. Et, il n'appartient pas au juge, et encore moins au juge social, de forcer la loi, en reconnaissant la possibilité pour la femme qui désire, accompagne la grossesse, et protège l'enfant à sa naissance, un congé complémentaire. Ce serait implicitement reconnaître un lien juridique quelconque entre la mère homosexuelle non génitrice et l'enfant.

"L'accueil enthousiaste réservé à cette mesure montre que cette reconnaissance concrète du rôle du père est en harmonie avec l'évolution des mentalités. Nous trouvons en tout cas dans ces chiffres un début de récompense à notre volonté de faire en sorte que des éléments matériels ne constituent plus un obstacle à l'arrivée d'un bébé par ailleurs tellement désiré" confiait Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles pour la famille, lors du vote de la mesure en 2001. Alors, effectivement, si le congé paternité doit être envisagé comme un facteur de promotion de la natalité, on comprend que les couples homosexuels et leurs relations affectives avec leurs enfants sont la dernière roue du carrosse familial idéal.

Mais au-delà du lien juridique, au-delà des politiques natalistes, le congé paternité n'est-il pas surtout une avancée des moeurs plus qu'une avancée sociale ? Enfin quoi ! S'il s'agit de prendre onze jours de congé pour s'occuper de son enfant à sa naissance et récupérer des nuits hachées par la tétée ou les biberons, il n'y a pas de quoi en faire tout un plat. Elle serait belle la révolution parentale ! Le congé paternité ne serait-il pas, plus volontiers, deux siècles après l'Emile de Rousseau, la reconnaissance de l'affection naturelle que porte un père à son enfant, et le besoin que ce père a de vivre en communion avec celui-ci, si fragile, au moins durant les premiers jours de son existence, avant d'être à nouveau happé par ses obligations professionnelles. Et, je dis "père", par commodité de langage... Je devrais dire "papa", du latin pappus qui signifie "aïeul", ce qui chez les romains n'a très souvent que peu de lien avec la réalité génétique ou juridique, mais traduit un rôle et une affection paternel. "Les beaux sentiments ne sont-ils pas les poésies de la volonté ?" me susurre à l'oreille Balzac, dans son père Goriot. Alors soit, soyons réservé, et gardons le vocable de "père", entendu comme le mâle reconnaissant juridiquement l'enfant d'une femme -"Vénérez la maternité, le père n'est jamais qu'un hasard", à lire Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra-, et non comme la personne qui a désiré et inspiré la vie de ce même enfant, la figure du père, en soit !

Mais attention, "plus d'Etats ont péri parce qu'on a violé les moeurs que parce qu'on a violé les lois" nous met en garde Montesquieu. Aphorisme sibyllin s'il en est, mais qui cristallise, pourtant bien, la croisée des chemins à laquelle nous nous trouvons. S'agit-il des "moeurs" entendues comme les habitudes sociales ou individuelles ? Auquel cas les moeurs de la société évoluent vers l'égalité juridique entre les couples quelle que soit leur orientation sexuelle. Ou s'agit-il des "moeurs" entendues comme les prescriptions morales édictées par la société ? Auquel cas on comprendra que le statu quo soit de rigueur et qu'un père reste un père et ne pourra en aucun cas revêtir les atours de cette "mère bis". Mais, la loi doit-elle être morale ? Vaste question, pour des logorrhées scripturales incessantes...

Enfin, pour revenir à cette décision du 11 mars dernier, n'oublions pas que s'il est un fait que la compagne homosexuelle de la mère n'est pas la génitrice de l'enfant ; s'il est un droit que cette même compagne n'a pas de lien juridique avec l'enfant (sauf à lire une certaine jurisprudence naissante en matière d'adoption [CEDH, 22 janvier 2008, req. n° 43546/02 et TA Besançon, 10 novembre 2009, n° 0900299]) ; il est un droit fondamental au-dessus des lois et au-dessus des moeurs : l'intérêt supérieur de l'enfant. Et, c'est sans doute par le prisme de ce droit, de plus en plus invoqué auprès de nos juridictions, qu'il faudra lire cette décision de la Cour de cassation et plus globalement les conditions d'octroi du congé paternité. Par ailleurs, si toute discrimination selon le sexe ou l'orientation sexuelle et l'atteinte au droit à une vie familiale sont écartées par les juges suprêmes, il n'en convient pas moins que, si la "mère bis" était un homme, elle bénéficierait de ce congé paternité !

Guitry avait, là, déjà les prémices d'une solution : "Les femmes sont faites pour être mariées et les hommes pour être célibataires. De là vient tout le mal". Et s'il s'agissait de conjurer le mal !

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Fiscalité des particuliers

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine - mars 2010

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N6060BNR

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par Daniel Faucher, Consultant au Cridon de Paris

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en matière de fiscalité du patrimoine, réalisée par Daniel Faucher, Consultant au Cridon de Paris. Tout d'abord, la prise en compte, dans le calcul du plafonnement, de pensions perçues des Communautés européennes est contraire au Protocole des privilèges et immunités nous enseigne la Cour de cassation (Cass. com., 19 janvier 2010, n° 09-11.174, F-P+B). Ensuite, même si la solution demande à être confirmée par le Conseil d'Etat, un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris fait le "printemps" des associations sans secteur lucratif qui peuvent remplacer un revenu mobilier imposable par un gain en capital non imposable (CAA Paris, 5ème ch., 9 décembre 2009, n° 07PA02657). Enfin, la circonstance qu'une transaction ait mis à la charge du propriétaire une partie des travaux d'agrandissement du local loué est sans influence sur leur déduction. De tels travaux restent non déductibles (CAA Douai, 2ème ch., 17 novembre 2009, n° 08DA00473).

I - ISF et calcul du plafonnement : Cass. com., 19 janvier 2010, n° 09-11.174, F-P+B (N° Lexbase : A4789EQG)

La prise en compte, dans le calcul du plafonnement, de pensions perçues des Communautés européennes est contraire au Protocole des privilèges et immunités.

A - Plafonnement de l'ISF

L'article 885 V bis du CGI (N° Lexbase : L8876HLC) précise que tout redevable domicilié en France peut réduire sa cotisation d'ISF de la différence entre, d'une part, le total formé par cet impôt et les impôts dus en France et à l'étranger au titre de ses revenus et produits de l'année précédente et, d'autre part, 85 % du total des revenus et produits de l'année précédente. On remarquera que les effets de ce plafonnement peuvent être limités en application des dispositions de l'article 885 U du CGI (N° Lexbase : L1124IED) et qu'à coté de ce dispositif existe celui du "bouclier fiscal".

B - Plafonnement et pensions des agents des organismes internationaux

La question posée à la Haute juridiction était la suivante : les pensions ou indemnités perçues par d'anciens fonctionnaires des Communautés européennes exonérées d'impôt sur le revenu en France peuvent-elles être écartées de la seconde branche du calcul du plafonnement ? La Cour répond positivement en relevant que l'article 13 du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes exempte d'impôts nationaux les traitements, salaires et émoluments versés par les Communautés européennes à leurs fonctionnaires et anciens fonctionnaires. Par suite, le juge national, chargé d'appliquer les dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire de la législation nationale. Or, inclure les pensions d'un ancien fonctionnaire des Communautés dans les revenus pris en compte par l'article 885 V bis du CGI revient à mettre indirectement une imposition sur ces revenus à la charge des bénéficiaires des privilèges institués par le Protocole. Cette décision rendue, sans que la Cour ait jugé opportun de saisir la cour de justice de Communautés européennes d'une question préjudicielle, doit pouvoir être étendue chaque fois que le règlement de l'organisation internationale prévoit une exemption sur les pensions au profit de ses anciens collaborateurs. Or, la plupart des organisations internationales limite l'exonération aux traitements et émoluments et de surcroît, en restreigne expressément le champ à l'impôt sur le revenu. Tel est le cas de l'ONU, l'OIT, l'UNESCO. Ainsi, les anciens fonctionnaires de l'UNESCO ne peuvent pas, par exemple, revendiquer le bénéfice de cette décision puisque seuls leurs traitements et émoluments sont exonérés d'impôt, ce qui ne vise pas les pensions de retraite. De même un ancien greffier de la Cour internationale de justice (fonctionnaire de l'ONU) ne peut bénéficier d'aucune exemption pour ses pensions versées après sa cessation d'activités (CAA Lyon, Plénière, 5 avril 1993, n° 91LY00251, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9133BEY).

II - Organismes sans but lucratif (OSBL) et profit sur titres de créances : CAA Paris, 5ème ch., 9 décembre 2009, n° 07PA02657 (N° Lexbase : A5069EQS)

La cession de certificats de dépôt la veille de leur échéance relève du régime des plus-values et non des revenus mobiliers. Lorsque cette opération est réalisée par un OSBL, aucune imposition n'est donc due.

A - Principe de taxation des produits de titres de créances

Les produits de titres de créances négociables sur un marché réglementé sont hors champ de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis 1, alinéa 2, du CGI (N° Lexbase : L3387IGK), mais assujettis à l'impôt au taux de 10 %. On remarquera que ce taux reste inchangé, les modifications apportées aux revenus patrimoniaux des OSBL par la troisième loi de finances rectificative pour 2009 (loi n° 2009-1674 N° Lexbase : L1817IGE) ne visant que les dividendes. Les placements concernés sont les titres de créances non susceptibles d'être cotés, tels que, notamment, les certificats dépôt, les billets de trésorerie, bons du Trésor en compte courant. Les produits soumis à l'impôt sont les intérêts reçus par le créancier.

B - Absence de taxation des gains en capitaux réalisés par un OSBL

Lorsque l'organisme limite son activité à la poursuite de son objet et qu'il n'exerce pas d'activité lucrative, il n'est imposable que sur les seuls revenus visés à l'article 206-5 du CGI (N° Lexbase : L3232IGS). Ainsi, sont notamment exonérés les profits retirés de la cession de valeurs mobilières.

C - La nature de la cession d'un certificat de dépôt la veille de son échéance

Dans l'affaire soumise à la cour administrative d'appel de Paris, une association avait souscrit auprès d'un établissement bancaire des certificats de dépôts en vue de placer à court terme ses excédents de trésorerie. La veille de leur échéance, elle avait rétrocédé ces certificats à l'établissement émetteur qui avait donc remboursé le nominal, majoré d'un complément égal au montant de la rémunération prévue initialement au contrat. Le litige portait sur la qualification de cette opération : plus-value ou simple revenu de titres de créances négociables. La cour décide que les sommes perçues de la banque par le souscripteur, en sus de la valeur nominale des titres, à l'occasion de leur rétrocession, avant la date normale d'échéance, ne pouvaient être assimilées à un revenu, de la même manière que lorsque les titres sont cédés sur le marché. Le bénéfice réalisé constituait une plus-value exonérée. La seule motivation pour contester cette opération aurait été d'invoquer l'abus de droit ou la fraude à la loi. Conclusion provisoire puisque l'administration peut encore invoquer l'erreur de droit en cassation, pour transformer un revenu imposable en gain en capital exonéré, une association peut céder quelques jours avant l'échéance ses certificats de dépôts à court terme à l'établissement qui les lui a fait souscrire !

III - Revenus fonciers et travaux non déductibles : CAA Douai, 2ème ch., 17 novembre 2009, n° 08DA00473 (N° Lexbase : A5094EPD)

La circonstance qu'une transaction ait mis à la charge du propriétaire une partie des travaux d'agrandissement du local loué est sans influence sur leur déduction. De tels travaux restent non déductibles.

A - Principe de non-déduction des travaux de construction, reconstruction et d'agrandissement

La déduction des charges de la propriété est subordonnée à diverses conditions. Parmi ces conditions, outre le fait que les revenus de l'immeuble soient imposables dans la catégorie des revenus fonciers et que les travaux soient engagés pour l'acquisition ou la conservation du revenu, il est exigé que les dépenses soient effectivement supportées par le propriétaire (Doc. adm. 5 D 2221, n° 1 du 10 mars 1999). Mais, même si cette dernière condition est remplie, les dépenses afférentes à des travaux de construction, reconstruction et agrandissement sont, sauf deux exceptions, non déductibles (BOI 5 D-2-07 N° Lexbase : X8382ADS). Le motif invoqué est le fait que de telles dépenses entraînent une augmentation de la valeur de l'immeuble. Deux exceptions sont prévues, l'une en faveur des propriétés rurales (construction d'un nouveau bâtiment destiné à remplacer un bâtiment de même nature, vétuste ou inadapté aux techniques modernes de l'agriculture), l'autre en faveur des logements pour lesquels l'option pour l'une des déductions au titre de l'amortissement a été exercée (dispositifs "Périssol", "Besson neuf", "Robien"). Au cas particulier de l'affaire soumise à la cour administrative d'appel de Douai, le principal argument invoqué par le bailleur pour revendiquer la déduction malgré l'interdiction de principe était le fait que les travaux avaient été réglés, non pas à raison d'une décision volontaire du bailleur, mais pour respecter une transaction signée avec son locataire. Cette circonstance a été jugée inopérante par la cour.

B - Nature des travaux de construction, reconstruction et agrandissement

Les dépenses de construction, reconstruction ou d'agrandissement s'entendent, notamment, de celles qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros-oeuvre de locaux existants, des travaux d'aménagement interne qui par leur importance équivalent à une reconstruction ou encore de ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants. Ainsi, sont notamment considérés comme des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement, les travaux de démolition partielle d'un immeuble en vue de sa reconstruction, des travaux ayant pour objet l'aménagement à usage d'habitation de dépendances d'un local d'habitation sans être eux-mêmes habitables (combles, garages, remises...). De même, les travaux consistant en la création d'une chambre et de deux salles de bains à l'étage d'une maison constituent des travaux d'agrandissement, dès lors que le contribuable n'établit pas que cet étage était antérieurement habitable (CAA Bordeaux, 2ème ch., 12 décembre 1994, n° 93BX00390 N° Lexbase : A2165BEW). Enfin, les travaux correspondant à une restructuration complète après démolition intérieure d'une unité d'habitation, suivie de la création d'aménagements neufs, doivent être considérés comme des dépenses de construction, reconstruction et agrandissement. Il en est, ainsi, notamment, lorsque des opérations de cette nature aboutissent à une augmentation du nombre d'unités de logement (CE Contentieux, 28 mai 1980, n° 11405 N° Lexbase : A7780AIY).

C - Dépenses de nature différentes effectuées simultanément

Lorsqu'une opération de rénovation d'un bien donné en location entraîne la réalisation de travaux de nature différente, travaux de reconstruction et travaux d'améliorations, le caractère déductible de ces derniers dépend de leur caractère dissociable ou non.

Ainsi, il est de jurisprudence constante que les travaux d'amélioration n'ouvrent pas droit à déduction, lorsqu'ils sont effectués, non en vue d'améliorer des locaux existants, mais à l'occasion de travaux de construction, reconstruction et agrandissement dont ils sont indissociables et auxquels ils doivent être assimilés (CE Contentieux, 18 novembre 1987, n° 66974 N° Lexbase : A3105APP, CE Contentieux, 7 décembre 1987, n° 70406 N° Lexbase : A3163APT ; CAA Nancy, 9 juillet 1991, n° 89NC01105 N° Lexbase : A4642A8G ; CAA Lyon, 6 mars 1991, n° 89LY00513 N° Lexbase : A2565A8I ; CE Contentieux, 10 juillet 1996, n° 137789 N° Lexbase : A0201AP7). De la même façon, qu'elles soient réalisées simultanément ou postérieurement à la construction ou à la reconstruction d'un immeuble, les dépenses d'équipement ne peuvent être admises en déduction lorsqu'il apparaît que ces dépenses font, en réalité, partie du coût de réalisation du nouvel immeuble. Tel est le cas, par exemple, de l'installation d'un ascenseur ou d'une chaudière de chauffage central intervenant peu de temps après l'achèvement de l'immeuble et son affectation à l'habitation.

newsid:386060

Interprofessionnalité

[Projet, proposition, rapport législatif] Ce qu'il faut retenir du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées

Réf. : Projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées

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N6155BNB

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

Michèle Alliot-Marie a présenté au Conseil des ministres du 17 mars 2010 le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées, dont l'objectif affiché est de "moderniser et renforcer les professions du droit et de les inciter à travailler ensemble, pour mieux répondre aux besoins des Français et relever les défis de la concurrence internationale dans le domaine du droit". Le texte est sans surprise. Les contours sont annoncés depuis longtemps : essentiellement, rejet de la profession unique, création de l'acte d'avocat et quelques mesures visant à favoriser l'interprofessionnalité... Mais, alors que l'exposé des motifs indique expressément mettre en oeuvre un certain nombre des propositions les plus importantes du rapport "Darrois", force est de constater que ce nombre est finalement limité : pour exemple, aucun mot n'est soufflé sur le statut d'avocat en entreprise et le sort du juriste, la gouvernance, la formation commune ou encore le financement de l'aide juridictionnelle (par les avocats ?). Ainsi, si le projet de loi préparé par la Chancellerie concerne toutes les professions juridiques et judiciaires réglementées (avocats, notaires, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires, huissiers de justices, greffiers etc.), l'ampleur de la réforme est variable pour les principaux concernés et, du moins pour l'instant, moins importante que certains avaient pu le craindre.

Restons, toutefois, prudents, "d'autres mesures de modernisation des professions juridiques et judiciaires réglementées [doivent le] compléter". Il faut dire qu'au sein même des professions, les avis divergent toujours, et souvent fortement. Instituer l'acte contresigné par un avocat n'étant, par ailleurs, pas une mince affaire, peut-être la Chancellerie a-t-elle aussi opté pour l'introduction progressive d'une réforme d'envergure, histoire de "faire passer la pilule". Faut-il, alors, attendre d'autres bouleversements (et réactions en chaîne des principaux concernés) ? Les cartes ne sont pas toutes distribuées et la question se pose encore de la teneur du dispositif final.

Faute de pouvoir, pour l'heure, déterminer si "la montagne a accouché d'une souris", s'il s'agit d'une couche supplémentaire dans l'empilement des textes inappliqués ou, au contraire, si ce projet de loi est une des pierres de l'édifice en construction des "Nouvelles professions du droit", analysons ce qui vient de nous être mis sous la dent.

Le projet de loi comporte trois séries de dispositions : celles spécifiques à chaque profession (I), celles relatives aux structures d'exercice (II) et, enfin, des dispositions communes à tous (III).

I - Dispositions spécifiques à certaines professions

Certaines dispositions aux enjeux variables concernent spécifiquement les avocats (A), les notaires (B) et les administrateurs et mandataires judiciaires (C).

A - Dispositions relatives aux avocats

La mesure phare du projet de loi est celle instituant l'acte d'avocat. Le chapitre 1 du projet de loi vise, en effet, à conférer à l'acte sous seing privé, lorsqu'il est contresigné par un avocat, une efficacité juridique renforcée.

"La signature de l'avocat manifestera l'engagement de la responsabilité de ce professionnel" (déjà pleinement reconnue par la loi -notamment, par l'article 9 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat N° Lexbase : L6025IGA- et par la jurisprudence) et fera pleine foi de l'écriture et de la signature des parties ; sans, toutefois, avoir la même force probante renforcée qu'un acte authentique. Cette réforme est présentée comme une conséquence logique de l'activité de conseil de l'avocat (premiers rédacteurs d'actes sous seing privé, parmi les professions judiciaires et juridiques).

Le texte insère les articles 66-3-1 à 66-3-3 à la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), visant à :

- réaffirmer le devoir de conseil et d'information qui incombe à l'avocat contresignataire à l'égard de la ou des parties qu'il conseille ; et

- instituer une présomption, du fait des diligences accomplies par l'avocat, et à la différence des autres actes sous seing privé, qu'un tel acte émane des parties signataires.

La signature de l'avocat (qui aura, au préalable, vérifié l'identité des parties) attestera de l'origine de l'acte. L'écriture et la signature des parties ne pourront, alors, plus faire l'objet d'une contestation par la procédure de vérification d'écriture (applicable aux actes sous seing privé). Toutefois, comme pour tout acte juridique, la preuve d'une fraude pourra permettre de remettre en cause l'origine de l'acte, en vertu de l'adage selon lequel "la fraude corrompt tout". N'étant pas un acte authentique, la contestation de l'acte d'avocat ne sera, en outre, pas soumise à la procédure "d'inscription de faux", mais à la procédure de "faux" applicable aux actes sous seing privé. Enfin, le texte prévoit, pour les parties à l'acte, une dispense de la formalité de la mention manuscrite, lorsque celle-ci est normalement exigée par la loi (dans le cas de l'engagement de caution notamment).

L'article 2 du projet de loi permet, quant à lui, à un avocat n'exerçant pas en France (mais au sein de l'UE ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse) d'être associé à une structure d'exercice d'avocats de droit français. Enfin, l'article 3 modifie des dispositions applicables aux régimes de retraite de base et complémentaire des avocats.

B - Dispositions relatives aux notaires

Sûrement pour rassurer les notaires quant à la création de l'acte d'avocat, le texte réaffirme, tout d'abord, le rôle essentiel de ce professionnel et de l'acte authentique.

Le projet de loi comprend, ensuite, des dispositions visant à simplifier les formalités entourant la conclusion d'un pacte civil de solidarité (PACS), lorsque les partenaires ont choisi de passer entre eux une convention par acte authentique. Le notaire ayant rédigé cet acte pourra procéder lui-même à l'enregistrement de la déclaration des partenaires, sans qu'il soit nécessaire d'aller au greffe du tribunal d'instance. Il sera, également, chargé d'enregistrer les éventuelles modifications du PACS ou sa dissolution et de faire procéder aux formalités y afférentes.

Les notaires se voient, par ailleurs, attribuer des fonctions d'assistance consulaire, afin de répondre aux besoins des Français de l'étranger qui s'adressent aux consulats pour l'établissement d'un acte notarié. Les agents diplomatiques et consulaires pourront, désormais, à la demande des usagers, faire appel à des notaires, un décret en Conseil d'Etat devant fixer les modalités de leur rémunération.

Sont, également, prévues par le texte des dispositions portant sur :

- la dispense de la mention manuscrite pour les actes authentiques reçus par les notaires ;

- le transfert au notaire de la compétence du juge d'instance pour délivrer l'acte de notoriété destiné à suppléer l'acte de naissance, lors de la constitution du dossier de mariage (proposition de la commission "Guinchard") ; et

- l'instauration d'une cotisation sur les pensions de retraite servies par la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN), dont le taux reste à être fixé par décret.

C - Dispositions relatives aux administrateurs judiciaires et aux mandataires judiciaires

La composition de la Commission nationale chargée de statuer en matière d'inscription sur la liste des administrateurs judiciaires ou des mandataires judiciaires est modifiée. Afin d'écarter toute suspicion sur l'objectivité de ses décisions, la participation de ces professionnels est supprimée, sauf lorsque l'organe statue en matière de discipline ou de retrait de la liste tenant à l'inaptitude à assurer l'exercice normal des fonctions. La diminution du nombre de membres serait, en partie, compensée par le siège d'un professeur ou maître de conférences de droit, de sciences économiques ou de gestion.

Le texte précise, également, le délai de prescription applicable à l'action disciplinaire exercée à l'égard d'un administrateur ou d'un mandataire judiciaire. Il réduit, en outre, cette prescription de dix à deux ans, lorsque le professionnel est l'auteur de faits ayant donné lieu à une condamnation pénale, étant précisé que, dans ce cas, la prescription ne commencera à courir qu'à compter de la date à laquelle la condamnation sera devenue définitive.

Enfin, les administrateurs et mandataires judiciaires sont, désormais, tenus de l'obligation qui pèse sur les autorités constituées, les fonctionnaires et les officiers publics, de révéler au procureur de la République les crimes ou des délits dont ils apprennent l'existence dans l'exercice de leurs fonctions. La règle devrait, notamment, prendre tout son sens en matière de procédures collectives.

II - Dispositions relatives aux structures d'exercice

La modernisation des professions du droit passe, aussi, par la modernisation de leurs structures d'exercice. En particulier, leur transmission doit être facilitée. Le texte comprend une série de dispositions à cette fin.

D'abord, il serait permis aux associés des SCP et des SEL d'opter pour une dénomination sociale de fantaisie ou pour l'usage, sans limitation temporelle, du nom d'un ou de plusieurs des associés. Par ailleurs, les statuts de la SCP pourraient, désormais, fixer le mode d'évaluation des parts et il serait possible d'exclure la clientèle civile de l'évaluation des droits sociaux (ceci, afin de favoriser l'entrée des jeunes professionnels au capital). Enfin, le caractère solidaire de la responsabilité des associés de la SCP et de la SEL (perçu comme un obstacle au développement de l'entreprise) serait supprimé, au profit de la responsabilité conjointe.

Le projet de loi entend, ensuite, favoriser l'interprofessionnalité, en élargissant les perspectives des sociétés de participation financière libérale (SPFL). Est, ainsi, dorénavant, autorisée la détention minoritaire du capital d'une SEL par une SPFL, même dans l'hypothèse où elle n'est pas exclusivement composée d'associés exerçant dans cette SEL. La majorité des droits de vote de la SEL sera, de cette façon, toujours détenue, directement ou indirectement, par des associés y exerçant. Le projet de loi envisage, en outre, de faire porter l'agrément, non plus sur la constitution de la SPFL, mais sur la prise de participations.

Enfin et surtout, le texte permet aux personnes physiques ou morales exerçant plusieurs professions libérales juridiques ou judiciaires réglementées de constituer des SPFL détenant droits sociaux dans des sociétés dont l'objet est l'exercice de deux ou plusieurs des professions d'avocat, d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire et de notaire. Ces sociétés pourront, par ailleurs, participer à tout groupement de droit étranger ayant pour objet l'exercice d'une des professions précitées. Une limite est toutefois posée : plus de la moitié du capital et des droits de vote devra être détenue par des professionnels en exercice au sein des structures "cibles".

III - Autres dispositions

Le projet de loi comporte deux séries de dispositions applicables à toutes les professions judiciaires et juridiques réglementées.

D'une part, le chapitre V précise l'étendue et les modalités de la participation des professions judiciaires et juridiques à la lutte contre le blanchiment de capitaux.

D'autre part, le chapitre VI permet aux organes chargés de la représentation de ces professions de se constituer partie civile dans une affaire pénale, relatives à des faits de nature à porter préjudice directement ou indirectement aux intérêts de la profession.

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Sociétés

[Jurisprudence] L'obligation d'un associé aux dettes d'une société civile dont la liquidation est clôturée

Réf. : Cass. civ. 3, 10 février 2010, n° 09-10.982, Société coopérative Caisse méditerranéenne de financement (CAMEFI), FS-P+B (N° Lexbase : A7811ERQ)

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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique, Université Toulouse 1 Capitole

Le 07 Octobre 2010

L'obligation indéfinie et conjointe aux dettes sociales à l'égard des tiers s'attache de plein droit à la qualité d'associé d'une société civile de droit commun (1). L'intéressé ne saurait s'en affranchir par une clause statutaire. Sauf renonciation expresse de poursuivre les associés ou concession d'une remise de dette à la société (2), les créanciers peuvent saisir les biens personnels de ces derniers en cas d'insuffisance du patrimoine social, encore faut-il avoir préalablement et vainement poursuivi la société (3). La situation diffère notablement de celle rencontrée dans la société en nom collectif (4), la société civile de construction-vente (5) et la société civile professionnelle (6) pour lesquelles une simple mise en demeure restée vaine pendant huit jours suffit aux créanciers pour agir directement contre les associés. Les associés civils trouvent un avantage évident dans la subsidiarité de leur obligation au passif social : non seulement elle leur permet de se préparer à assumer ce passif ou à organiser leur insolvabilité, mais encore, n'étant tenus qu'à proportion de leur part dans le capital social à la date d'exigibilité de la dette sociale ou au jour de la cessation des paiements, ils y trouvent un excellent instrument de gestion du risque encouru. L'apparente clarté des dispositions textuelles relatives à l'obligation au passif social des associés d'une société civile, la qualité des études doctrinales qui lui sont consacrées et surtout l'importante jurisprudence qui s'y rapporte ne suffisent pas toujours aux intéressés (créanciers, débiteurs et juges) pour venir à bout des difficultés soulevées par cette question. Nous en voulons pour preuve l'arrêt très significatif rendu le 10 février 2010, après de nombreuses péripéties, par la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

I - L'origine de l'affaire est assez lointaine. Elle prend naissance dans un prêt garanti par une hypothèque consenti par une caisse de financement à une société civile immobilière. Celle-ci n'ayant pas respecté les échéances du remboursement du prêt, ladite caisse avait fait procéder à une saisie sur l'immeuble donné en garantie, mais n'avait recouvré qu'une partie de sa créance. Par la suite, cette société avait été dissoute et liquidée. Le 1er avril 1999, la caisse avait donc assigné un des associés de la SCI débitrice en paiement du solde de sa créance à proportion de sa part dans le capital social.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant le 1er octobre 2003 avait accueilli cette demande. Elle avait fondé sa décision sur la régularité de la procédure de saisie diligentée par la caisse. Celle-ci n'ayant eu connaissance de l'insuffisance du prix d'adjudication qu'à une date très proche de celle de la dissolution de la SCI, l'exercice de toutes autres nouvelles poursuites était vain, car le patrimoine de cette société avait été entièrement réalisé.

Par un arrêt du 6 juillet 2005 (7), la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait annulé cette décision et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Montpellier, au motif que les éléments relevés ne suffisaient pas pour établir que d'autres poursuites contre la SCI auraient été privées d'efficacité du fait de l'insuffisance du patrimoine social.

La décision prise par cette juridiction de seconde instance, le 23 mai 2006, avait été censurée à son tour par la Chambre commerciale de la Cour de cassation statuant le 20 novembre 2007 (8) laquelle avait déféré le litige devant cette cour d'appel autrement composée. La cour d'appel de Montpellier avait rejeté la demande de paiement au motif que la caisse n'avait pas pris en temps utile les mesures requises alors qu'elle savait que le prix d'adjudication serait insuffisant pour la désintéresser et que le 22 mars 1994, date du jugement d'adjudication de l'immeuble, la SCI était propriétaire d'un immeuble qui n'avait été vendu que les 31 août et 9 septembre 1994, l'inscription hypothécaire qui le grevait partiellement ayant fait l'objet d'une mainlevée amiable. La caisse qui ne s'était pas procuré d'autres possibilités de se garantir ne s'était pas conformée aux indications de l'article 1858 du Code civil ([LXB=2055ABQ]) relatives à des poursuites préalables et vaines. La Chambre commerciale, faisant grief à la cour d'appel de Montpellier d'avoir porté atteinte aux dispositions de ce texte, avait censuré sa décision et l'avait conviée, dans une composition différente, à se prononcer à nouveau sur cette affaire.

C'est cette dernière décision de la cour d'appel de Montpellier du 18 novembre 2008 qui est cassée en l'espèce par la troisième chambre civile. C'est dire que ce feuilleton judiciaire en plusieurs épisodes ne connaît pas encore son épilogue. En effet, dans l'actuelle décision du 10 février 2010, la Cour de cassation remet la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient préalablement et les renvoie pour être fait droit encore une fois auprès de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait été initialement saisie du litige.

II - Pour déclarer irrecevable la demande de paiement faite à l'encontre de l'associé de la SCI, la cour d'appel de Montpellier avait retenu que, dès le 22 mars 1994, date du jugement d'adjudication de l'immeuble sur lequel avait été prise une garantie hypothécaire, la caisse savait que sa créance ne serait pas intégralement payée. Pour autant, elle n'avait pas poursuivi la société débitrice qui, à l'époque était in bonis, percevait des loyers et était propriétaire d'un autre bien immobilier. Aussi, selon la juridiction d'appel, faute d'avoir préalablement et vainement poursuivi la société civile, la caisse n'était plus habilitée à agir en paiement du passif social contre l'un de ses associés.

La Cour régulatrice fustige les juges du second degré pour ne pas avoir tiré les conséquences légales de leurs propres constatations. A l'appui de son dispositif, la Haute juridiction invoque l'argument suivant : si la personnalité morale d'une société dissoute survit tant que ses droits et obligations n'ont pas été liquidés, la clôture de la liquidation dispense le créancier d'établir l'insuffisance du patrimoine social pour le désintéresser.

Sa décision ne laisse place à aucun doute, de sorte qu'il y a lieu de s'étonner que la procédure ait été si longue et qu'une solution, pas nécessairement définitive d'ailleurs, ait été si tardive à se dessiner.

L'article 1858 du Code civil qui figure au visa du présent arrêt de censure et sur lequel se fonde la Cour de cassation subordonne la poursuite des créanciers sociaux à l'encontre des associés d'une société civile au caractère vain et préalable de celle-ci. Les associés apparaissent donc comme des débiteurs subsidiaires et non comme des débiteurs conjoints du passif social (9). Aussi, l'inefficacité des poursuites diligentées contre la société doit être constatée avant d'agir en paiement contre les associés (10). Elle suppose que les créanciers poursuivants aient, auparavant, procédé à l'exécution du jugement de condamnation de la société.

C'est le cas du créancier qui, après avoir vendu tous les actifs immobiliers de la société par voie de saisie immobilière, le prix d'adjudication n'ayant pas suffi à le désintéresser, a tenté sans succès une saisie-vente des biens meubles de la société (11). Il en va pareillement du créancier d'une SCI qui, malgré la vente d'un terrain appartenant à celle-ci, n'a pu recouvrer qu'une faible part de sa créance et n'a pu exercer une autre poursuite contre ladite société laquelle n'a disposé d'aucun autre bien immobilier ou mobilier (12).

Néanmoins, par exception, l'action introduite contre les associés d'une société en liquidation judiciaire avant que soit constatée l'inefficacité des poursuites contre la société peut être régularisée par la déclaration régulière de la créance à la procédure de liquidation judiciaire (13). Cette déclaration suffit donc sans que le créancier ait à attendre la clôture des opérations de liquidation ou à établir que l'actif social est insuffisant pour le désintéresser.

Si la liquidation judiciaire facilite la preuve de l'insolvabilité de la société débitrice, il n'est nullement besoin que celle-ci ait fait l'objet d'une pareille procédure pour établir l'inanité des poursuites. L'actuel arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation l'atteste. Il a d'ailleurs été auparavant décidé qu'après la liquidation et le partage de la société, les créanciers peuvent agir directement contre les associés (14). En outre, le procès-verbal de recherches infructueuses auquel a donné lieu la tentative d'assignation d'une société liquidée constitue une vaine et préalable poursuite qui autorise le créancier à agir contre les associés (15).

A cet égard, l'arrêt du 10 février 2010 franchit un pas décisif profitable aux créanciers qui n'ont pas à attendre l'établissement d'un tel procès-verbal et encore moins le partage de la société pour poursuivre les associés, la clôture de la liquidation suffisant à leur permettre d'intenter l'action en justice. Par ailleurs, nul n'ignore qu'indépendamment des dispositions de l'article 1844-8, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L2028ABQ), assurant le maintien de la personnalité morale pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci (16), la jurisprudence permet la réouverture de la liquidation malgré la publication de sa clôture, tant que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés. D'où la nécessité de nommer un mandataire ad hoc pour procéder aux opérations de liquidation, puisque, par hypothèse, le liquidateur a perdu tout pouvoir.

Si, au terme de cette poursuite, la société est condamnée à payer un créancier et si, avant la clôture des opérations de liquidation, son patrimoine était suffisant pour régler le montant de la condamnation, les associés qui ont reçu le boni de liquidation vont désintéresser ce créancier. Si, en revanche, le patrimoine ne suffisait pas, le créancier pourrait agir contre les associés. Quelle que soit donc l'issue de la procédure, la dette sociale sera directement assumée par les associés. Rien ne sert alors d'infliger aux créanciers des poursuites longues et coûteuses contre la société pour parvenir au même résultat.

Le présent arrêt se situe dans le prolongement de ce principe protecteur des intérêts des créanciers sociaux. En cela, la troisième chambre civile, traditionnellement plus sévère en matière de preuve de l'insolvabilité de la société civile débitrice, assouplit notablement sa position. Elle évite toute attente superflue ou dilatoire préjudiciable aux créanciers, dès lors qu'au stade de la clôture de la liquidation, il ne reste pertinemment plus rien à partager entre eux. Sans toutefois la réduire à une simple mise en demeure de la société par le créancier, au risque de nuire à la subsidiarité de l'engagement de l'associé, l'exigence du respect de la condition de vaines et préalables poursuites ne présente plus aucun sens. Elle ne s'avère pas non plus conciliable avec l'idée d'une responsabilité indéfinie des associés de société civile.

Ladite chambre restreint en l'espèce la portée de l'article 1858 du Code civil en faisant fi de l'exigence de poursuites préalables et vaines de la société dont la liquidation vient d'être clôturée. Elle offre aux créanciers sociaux la possibilité de faciliter l'exercice de leurs recours contre les associés, tentés de dissiper entre temps leur patrimoine, qui peuvent donc être poursuivis sans une quelque autre formalité. Elle va plus loin que la Chambre commerciale habituellement plus encline au réalisme économique. A propos de la société in bonis, elle vient utilement compléter le principe auparavant posé par la Cour de cassation réunie en Chambre mixte en ce qui concerne société confrontée à une procédure de liquidation judiciaire, selon lequel "la déclaration de la créance à la procédure dispense le créancier d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser" (17). Aussi, bien que l'arrêt du 10 février 2010 ne revête pas les aspects d'une décision de principe, éventuellement signalés par la référence P+B+R+I, il est incontestablement d'une grande importance.

Par extension à la SNC du principe posé en l'espèce pour la société civile, si la déclaration de créance au passif équivaut à une mise en demeure, la clôture de la liquidation devrait dispenser les créanciers de la mettre en demeure de payer, avant de se retourner contre les associés.

Quoiqu'il en soit, les difficultés des créanciers sociaux ne sont pas complètement résolues, car ils ne sont pas seuls à pouvoir convoiter le patrimoine des associés ; ils vont éventuellement entrer en concurrence avec les créanciers personnels de ces derniers.


(1) C. civ., art. 1857 (N° Lexbase : L2054ABP). V., pour les études les plus récentes sur la question, L. Nurit-Pontier, L'obligation aux dettes sociales des associés des sociétés à risque illimité, Bull. Joly Sociétés, 2008, p. 152 ; J.-F. Barbiéri, L'évolution des relations entre les associés de société civile et les tiers, Bull. Joly Sociétés, 2008, p. 1054.
(2) Cass. com., 14 janvier 2004, n° 01-15.770, Banque populaire du Nord c/ M. Philippe Martin, F-D (N° Lexbase : A8696DAC), RJDA, 5/2004, n° 579, à propos d'une SNC mais transposable aux sociétés civiles.
(3) C. civ., art. 1858 (N° Lexbase : L2055ABQ).
(4) C. com., art. L. 221-1, al. 1er (N° Lexbase : L7263ABM).
(5) CCH, art. L. 221-2, al. 2 (N° Lexbase : L7264ABN).
(6) Loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, art 15 (N° Lexbase : L3123AII).
(7) Cass. civ. 3, 6 juillet 2005, n° 04-12.175, M. Pierre Filippi c/ Caisse méditerranéenne de financement (CAMEFI), FS-P+B (N° Lexbase : A8968DIY), D., 2005, act. jur. p. 2001, obs. A. Lienhard ; Dr. sociétés, novembre 2005, n° 191, obs. F.-X. Lucas ; Bull. Joly Sociétés, 2006, p. 110, note J.-P. Garçon.
(8) Cass. com., 20 novembre 2007, n° 06-17.469, Caisse méditerranéenne de financement (CAMEFI), F-D (N° Lexbase : A7113DZH).
(9) Cass. civ. 3, 10 juillet 1996, n° 94-10.552, M. Joseph Ferstler c/ Société d'expertise comptable économique et financière (SECEF), société anonyme, inédit (N° Lexbase : A9698CQA), RJDA 3/1997, n° 373.
(10) Cass. com., 20 novembre 2001, n° 98-22.648, M. Le receveur divisionnaire des Impôts d'Ajaccio c/ Mme Marie Félicité Farinacci, épouse Biancucci, FS-P (N° Lexbase : A2113AXK), Bull. Joly Sociétés, 2002, p. 527, note P. Scholer ; JCP éd. G 2002, II, 10092, note D. Ammar ; JCP éd. E, 2002, n° 27, 1046, note H. Berthoud-Ribaute.
(11) CA Orléans, 13 décembre 2001, n° 00/02873, Madame Michèle Rio épouse Barbat c/ Crédit Lyonnais (N° Lexbase : A9295A7E) RJDA, 4/2002, n° 395.
(12) CA Paris, 1ère ch., sect. G, 5 mars 2003, n° 2002/01809, M. Alberto Sequeira Roque (N° Lexbase : A3879C9K), RJDA 12/2004, n° 1342.
(13) Cass. mixte, 18 mai 2007, n° 05-10.413, M. Yves Prenat c/ M. Pierre Pasquon, P+B+R+I (N° Lexbase : A3178DWM), Defrénois 2007, p. 1571, nos obs. ; JCP éd. E, 2007, n° 39, 2157, note A. Cerati-Gauthier ; JCP éd. N, 2007, n° 43, 1271, note H. Guyader ; Dr. sociétés, juillet 2007, n° 130, obs. F.-X. Lucas ; LPA, 14 août 2007, n° 162, p. 18, note F. Vinckel ; A. Besançon, Obligations aux dettes des associés d'une société civile soumise à une procédure collective, RJDA, 8-9/2007, p. 766 ; Q. Urban, Un coup de pouce en faveur des créanciers des sociétés civiles en difficulté, RLDA, juin 2007, n° 999. V., auparavant, Cass. civ. 3, 6 janvier 1999, n° 97-10645, Société Alain Chevalier Conseil c/ M. Travert et autres, publié (N° Lexbase : A2757CG9), Bull. civ. III, n° 5, Bull. Joly Sociétés, 1999, p. 455, note P. Le Cannu, selon lequel malgré la mise en liquidation judiciaire d'une société civile, un créancier n'était pas recevable à agir contre les associés sans établir l'insuffisance du patrimoine social pour le désintéresser ; Cass. com., 6 décembre 2005, n° 04-14.352, Société Négociation achat de créances contentieuses (NACC) c/ Société Promofi, F-D (N° Lexbase : A9212DLR), Dr. sociétés, février 2006, n° 18, obs. F.-X. Lucas.
(14) Cass. civ. 3, 31 mars 2004, n° 01-16.971, M. Rajko Koprivica c/ société Solive, FS-P+B (N° Lexbase : A7462DBY), BRDA 8/2004, n° 4 ; RJDA 7/2004, n° 850 ; Bull. Joly Sociétés, 2004, p. 998, note J.-P. Garçon ; Dr. sociétés, juillet 2004, n° 123, obs. F.-X. Lucas.
(15) Cass. com., 25 septembre 2007, n° 06-11.088, M. Michel Mosser, F-P+B (N° Lexbase : A5791DY7), JCP éd. E, 2007, n° 50, 2554, note A. Cerati-Gauthier ; Dr. sociétés, mars 2008, n° 49, obs. R. Mortier ; Bull. Joly Sociétés, 2008, p. 31, note F.-X. Lucas.
(16) A. Bouilloux, La survie de la personnalité morale pour les besoins de la liquidation, Rev. sociétés, 1994, p. 393 ; E. Boronad-Lesoin, La survie de la personne morale dissoute, RTDCom., 2003, p. 1..
(17) Cass. mixte, 18 mai 2007, préc..

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par Fany Lalanne, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

A priori, emploi et orientation sexuelle ne sont pas liés. Les préférences sexuelles relèvent du domaine privé et l'employeur ne doit pas les prendre en considération lors d'un recrutement, comme dans l'évolution de carrière. Les termes de la loi sont tout à fait clairs à cet égard. Pour autant, le sujet n'en reste pas moins délicat et les affaires portées devant les tribunaux témoignent de la difficulté, non seulement à faire respecter la loi, mais surtout à faire reconnaître une discrimination, car le problème essentiel est de le prouver... ce qui n'est pas évident, puisque la discrimination, comme le harcèlement, se font dans l'ombre et s'affichent rarement au grand jour...
Le 21 janvier 2010, le conseil de prud'hommes de Lille condamnait un employeur à verser à l'un de ses salariés victime de harcèlement moral en raison de son homosexualité, puis licencié, 10 000 euros d'indemnités (1). Le salarié, qui venait d'être promu chef de service, avait saisi la Halde car il estimait avoir été victime de harcèlement moral et d'injures à caractère homophobe dès la révélation de son homosexualité. Il avait finalement été licencié pour cause réelle et sérieuse. Si la décision rendue par le CPH de Lille le 21 janvier ne peut être qu'approuvée, elle révèle, pour autant, la fragilité d'un édifice qui, s'il existe et est consacré par les textes, reste confronté à une difficulté fondamentale qu'est celle de la preuve. D'ailleurs, dans cette affaire, la société a été condamnée pour discrimination, non pour licenciement abusif... Pour lever le voile sur une situation pour le moins complexe, Lexbase Hebdo - édition sociale a rencontré Maître Christine Segard-Deleplanque, Avocate, Cabinet Carnot Juris, consultante pour la Halde. Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les faits de l'espèce et la procédure suivie dans cette affaire ?

Christine Segard-Deleplanque : Dans cette affaire, j'ai été mandatée par la Haute autorité pour formuler des observations devant le conseil de prud'hommes dans le cadre de la procédure qui opposait M. X à son employeur. En effet, il faut savoir que la loi autorise la Haute autorité à intervenir dans un procès de ce type pour formuler des observations (2). La Haute autorité a pris une délibération (3) qui retient que les propos, suspicions et accusations répétées, qui ont précédé la procédure de licenciement, ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. A ce titre, ils constituent des faits de harcèlement moral discriminatoire prohibés par le Code du travail. Par ailleurs, selon la même délibération, ces faits de harcèlement moral sont indissociables des éléments ayant présidé à la procédure de licenciement et permettent de présumer le fondement discriminatoire de ce licenciement.
Rappelons que, dans cette affaire, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité avait été saisie, le 22 janvier 2007, par M. X, d'une réclamation relative à des faits de harcèlement moral discriminatoire en raison de son orientation sexuelle, ayant conduit, selon lui, à son licenciement. Il avait saisi conjointement le conseil de prud'hommes de Lille.
Le réclamant, salarié d'une association depuis 2002, a été promu, le 1er septembre 2006, chef de service. Au cours d'un dîner à la mi-octobre 2006, il révèle son homosexualité au directeur de l'association et à deux collègues de travail. A la suite de cette révélation, il est victime de faits de harcèlement moral. Le 23 octobre 2006, il est convoqué dans le bureau du directeur en présence de la présidente et le Directeur lui aurait annoncé qu'il ne voulait pas de problèmes de moeurs au sein d'un séjour de vacances qui devait avoir lieu quelques jours plus tard. Choqué par l'objet de cet entretien, il exprime son mal être auprès de collègues de bureau et, en date du 25 octobre 2006, il écrit à la présidente et au directeur de l'association pour exprimer son désarroi sur cette situation. Il s'en suivra des arrêts maladie pour problèmes de santé divers, notamment le stress et l'anxiété. Le 29 décembre 2006, toujours en arrêt maladie, il reçoit une convocation à un entretien préalable au licenciement. L'entretien préalable a lieu le 3 janvier 2007. Le 8 janvier 2007, l'employeur notifie son licenciement au motif d'un manque de loyauté et pour des actes délictueux. Compte tenu qu'à cette date, le salarié est toujours salarié protégé, l'association sollicite l'autorisation de licencier auprès de l'inspecteur du travail, qui refuse, le 5 février 2007, le licenciement, au motif d'absence de preuve sur les faits incriminés. Le 12 février 2007, il écrit à la présidente de l'association pour se plaindre du directeur, notamment sur des propos à caractère homophobe qu'il aurait tenus. Entre février et mars 2007, M. X reçoit de nombreux courriers lui demandant la communication de ses mots de passe, de rendre les cachets de l'association. Il est également informé qu'il ne participera pas à la campagne 2007 de formation des animateurs. Par courrier du 19 mars 2007, soit quatre jours après l'expiration de la protection dont il bénéficiait, M. X, en arrêt maladie, est de nouveau convoqué à un entretien préalable. Il lui est reproché les mêmes fautes que celles ayant donné lieu à la première procédure de licenciement et ce, malgré la décision de l'inspection du travail, en date du 5 février 2007, devenue définitive. Par courrier du 29 mars 2007, la présidente de l'association dénonce à la Direction régionale et départementale de la jeunesse et des sports (DRDJS) des fautes prétendument commises par M. X en août 2003 et août 2004. Le 10 avril 2007, l'intéressé se voit notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse, fondé sur les mêmes faits que ceux invoqués en février 2007.
Le CPH a, dans sa décision du 21 janvier, pris en compte la délibération et les observations de la Halde, puisqu'il juge que M. X a subi une discrimination prohibée par l'article L. 1132-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6053IAG), au regard de ses orientations sexuelles et condamne ainsi l'employeur à verser à M. X la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi dû à des actes de discrimination dans le cadre de la relation de travail et sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ). En revanche, il s'en écarte concernant le licenciement, puisqu'il retient, ici, que l'ensemble des faits incriminés sont complètement étrangers à tout fait de discrimination vraie ou supposée sur son orientation sexuelle et/ou activité syndicale. Dès lors, les juges du fond jugent que le licenciement est fondé et en dehors de tout acte de discrimination et que M. X doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lexbase : La décision n'est-elle pas surprenante lorsqu'elle retient que "l'ensemble des faits sont complètement étrangers à tout fait de discrimination vraie ou supposée sur son orientation sexuelle et/ou activité syndicale" ?

Christine Segard-Deleplanque : Dans sa délibération du 14 septembre 2009, la Halde a effectivement souligné le fait que, depuis son embauche, le réclamant n'avait fait l'objet d'aucun reproche de la part de sa hiérarchie jusqu'à ce qu'il annonce son homosexualité à son supérieur hiérarchique. A la suite de cette révélation, elle a remarqué que le réclamant avait été victime de harcèlement moral de la part de son directeur en raison de son orientation sexuelle. Selon la Haute autorité, les faits de harcèlement moral étaient dès lors indissociables des éléments ayant présidé à la procédure de licenciement et permettent de présumer le fondement discriminatoire de ce licenciement. En effet, toujours selon la Halde, l'enquête a permis d'établir que la révélation de l'homosexualité de M. X a été le fait déclencheur du harcèlement moral dont il a été victime à partir d'octobre 2006. Les attitudes et les propos injurieux à caractère homophobe de la part du directeur sont intervenus à plusieurs reprises, comme en attestent plusieurs salariés. Et c'est cette attitude, les rumeurs de pédophilie et les soupçons incessants qui ont eu pour effet de porter atteinte à la santé et à la dignité du réclamant, qui s'est vu prescrire plusieurs arrêts de travail du fait d'un état dépressif lié. Ces faits ont été portés à la connaissance de la présidente de l'association, sans qu'aucune mesure n'ait été prise pour faire cesser cette situation. Au vu de ces éléments, il apparaît que les propos, suspicions et accusations répétées visant M. X qui ont précédé la procédure de licenciement ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. A ce titre, ils constituent des faits de harcèlement moral discriminatoire. Par ailleurs, ces faits de harcèlement moral sont indissociables des éléments ayant présidé à la procédure de licenciement et permettent de présumer, toujours selon la Haute autorité, le fondement discriminatoire de ce licenciement.
Le conseil de prud'hommes n'a pas, dans cette affaire, suivi le même raisonnement que la Halde. S'il estime que le salarié a effectivement fait l'objet d'une discrimination au regard de son orientation sexuelle, il considère, en revanche, que le licenciement ne saurait être fondé sur la révélation de son homosexualité, mais se fonde sur des faits autres. D'ailleurs, dans cette affaire, une grande partie du jugement concernait d'autres faits et, notamment, des faits de manquement. Ce sont ces faits de manquement qui, selon les juges du fond, justifient le licenciement. Un appel a été interjeté.

Lexbase : Tout ceci peut paraître très "subjectif". Quel est le corpus juridique aujourd'hui applicable en matière de discrimination liée à l'orientation sexuelle ? Est-il efficace ?

Christine Segard-Deleplanque : Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39), "constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable". Le Code du travail, en son article L. 1132-1 (N° Lexbase : L6053IAG), emprunte la même définition, en retenant qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. L'article 225-1 du Code pénal (N° Lexbase : L3332HIA) retient la même définition.
Par ailleurs, il faut ici préciser que, selon la Directive communautaire 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4), le harcèlement moral est considéré comme une forme de discrimination lorsqu'il est lié à l'un des critères prohibés par la loi. Or, parmi ces critères, l'on retrouve celui lié à l'orientation sexuelle du salarié.
Les textes sont donc suffisants et efficaces. Le problème n'est pas dans le manque de textes, au contraire, il se trouve davantage dans la difficulté d'apporter la preuve de la discrimination pour le salarié.

Lexbase : La discrimination peut apparaître à trois stades de la relation de travail. Au moment de l'embauche, pendant l'exécution du contrat de travail et, enfin, au moment de sa rupture. Dans cette affaire, la discrimination est pointée à deux moments, celui de l'exécution du contrat de travail, puis sur celui de la rupture du contrat, dans cette hypothèse, quel moyen d'action choisir ?

Christine Segard-Deleplanque : Si vous me consultez en ma qualité d'avocat de la Halde, sachez que celle-ci a la possibilité de favoriser une solution amiable en désignant un médiateur.
Je peux confirmer, m'étant vu confier également plusieurs médiations par la Halde, que les résultats sont excellents, car même si celui-ci est toujours en cours, les parties ont la possibilité d'apprendre à dire et à écouter leurs points de vue réciproques dans un contexte plus apaisé. Bien évidemment, si cette médiation n'aboutit pas, la Halde a la possibilité de prendre d'autres mesures, et le salarié de continuer sa procédure devant le conseil des prud'hommes...
Surtout, il faut souligner, ici, que lorsqu'elle constate des faits constitutifs d'une discrimination la Halde peut, si ces faits n'ont pas déjà donné lieu à la mise en mouvement de l'action publique, proposer à l'auteur des faits une transaction consistant dans le versement d'une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 3 000 euros s'il s'agit d'une personne physique et 15 000 euros s'il s'agit d'une personne morale et, s'il y a lieu, dans l'indemnisation de la victime.

Lexbase : L'on sent bien que la difficulté va être de prouver avoir été victime d'un licenciement en raison de son orientation sexuelle. Quelles sont les preuves à apporter ?

Christine Segard-Deleplanque : En matière de harcèlement comme en matière de discrimination, le problème essentiel reste effectivement celui de la preuve.
La charge de la preuve est traditionnellement répartie entre le salarié et l'employeur. Le Code du travail est tout à fait clair à cet égard, lorsqu'il dispose que le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles (C. trav., art. L. 1134-1 N° Lexbase : L6054IAH).
La Cour de cassation a, par ailleurs, récemment admis qu'il était suffisant que les éléments de preuve fournis par le salarié laissent supposer la discrimination alléguée (4). Il semble ainsi que la Chambre sociale de la Cour de cassation soit plus favorable au salarié. Pour autant, il n'est pas toujours facile de rapporter la preuve de la discrimination, car elle se fait rarement ouvertement et elle est ensuite souvent contestée, comme c'était le cas dans ce dossier.

Lexbase : Les poursuites pénales pour discrimination liée à l'orientation sexuelle restent, encore aujourd'hui, rares. Pourtant, le Code pénal, comme le Code du travail, sont tout à fait clairs à ce sujet. Comment expliquer cette timidité jurisprudentielle ?

Christine Segard-Deleplanque : Je ne pense pas qu'il y a timidité de la part des magistrats, qui sont tout à fait d'accord. Mais pèse sur eux l'obligation d'être objectifs par rapport à des faits concrets et non contestables.
Encore une fois, le problème est un problème de preuve. Si l'on rapporte que les faits de discrimination sont établis et qu'on en rapporte la preuve, les magistrats ne sont pas timides. Tout ceci est très subtil. Il y a des comportements qui peuvent s'expliquer dans certains contextes et qui ne sauraient se justifier dans d'autres...


(1) CPH Lille, sect. Activités diverses, 21 janvier 2010, n° 09/00756, Monsieur Julien Plichon c/ Association Fédération laïque des associations socio-éducatives (Flasen) (N° Lexbase : A8993ERI).
(2) Loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (N° Lexbase : L5199GU4, modifiée par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006, égalité des chances N° Lexbase : L9534HHL).
Rappelons que la Haute autorité est compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie (loi n° 2004-1486, art. 1er). A cet égard, toute personne qui s'estime victime de discrimination peut la saisir, elle peut aussi se saisir d'office des cas de discrimination directe ou indirecte dont elle a connaissance, sous réserve que la victime, lorsqu'elle est identifiée, ait été avertie et qu'elle ne s'y soit pas opposée (loi n° 2004-1486, art. 4). Par ailleurs, elle assiste la victime de discrimination dans la constitution de son dossier et l'aide à identifier les procédures adaptées. Elle peut procéder ou faire procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation et lorsqu'il est procédé à cette médiation, les constatations et les déclarations recueillies au cours de celle-ci ne peuvent être ni produites ni invoquées ultérieurement dans les instances civiles ou administratives, sans l'accord des personnes intéressées (loi n° 2004-1486, art. 7). L'article 13 de la loi de 2004 dispose, par ailleurs, que "les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent, lorsqu'elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, d'office ou à la demande des parties, inviter la haute autorité ou son représentant à présenter des observations. La Haute autorité peut elle-même demander à être entendue par ces juridictions ; dans ce cas, cette audition est de droit".
(3) Délibération n° 2009-323 du 14 septembre 2009, relative à des faits de harcèlement moral en raison de l'orientation sexuelle du réclamant (N° Lexbase : X7158AG9).
(4) Cass. soc., 4 février 2009, n° 07-42.697, Société Renault, FS-P+B (N° Lexbase : A9566ECB).

newsid:386046

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Portée des dispositions transitoires de la loi du 20 août 2008 relativement à l'établissement de la représentativité syndicale

Réf. : Cass. soc., 10 mars 2010, 3 arrêts, n° 09-60.065, Société Elidis boissons services, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9741ESL), n° 09-60.246, Syndicat Sud aérien, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9742ESM) et n° 09-60.282, Pôle emploi Auvergne, FS-P+B+R (N° Lexbase : A1867ETC)

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N6056BNM

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010



Les bouleversements apportés à notre droit des relations collectives par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (N° Lexbase : L7392IAZ), principalement en raison du rôle nouveau conféré aux élections professionnelles dans l'entreprise ou l'établissement, exigeaient que cette réforme comporte des dispositions transitoires. Si celles-ci figurent bien dans le texte, leur mise en oeuvre n'a pas été sans poser des difficultés. Outre qu'elles ne concernent pas toutes les dispositions de la loi, dont certaines sont donc d'application immédiate, elles ont surtout suscité le débat relativement au maintien du système antérieur s'agissant du bénéfice de la représentativité. Les interrogations qui subsistaient à ce propos sont en grande partie levées par trois arrêts rendus le 10 mars 2010, qui font l'objet, pour au moins deux d'entre eux, d'une publicité maximale.


Résumé

Si les dispositions transitoires des articles 11-IV et 13 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ont maintenu, jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles postérieures à la date de publication de la loi, à titre de présomption qui n'est pas susceptible de preuve contraire, la représentativité des syndicats à qui cette qualité était reconnue, avant la date de cette publication, soit par affiliation à l'une des organisations syndicales représentatives au niveau national ou interprofessionnel, soit parce qu'ils remplissaient les critères énoncés à l'article L. 2121-1 du Code du travail alors en vigueur (N° Lexbase : L5751IAA), les nouvelles dispositions légales, interprétées à la lumière des articles 6 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4), n'excluent pas qu'un syndicat qui ne bénéficie pas de cette présomption puisse établir sa représentativité, soit par affiliation postérieure à l'une des organisations syndicales représentatives au niveau national ou interprofessionnel, soit en apportant la preuve qu'il remplit les critères énoncés à l'article L. 2121-1 du Code du travail dans sa rédaction issue de cette loi (N° Lexbase : L3727IBN), à la seule exception de l'obtention d'un score électoral de 10 %, auquel il devra satisfaire dès les premières élections professionnelles organisées dans l'entreprise.

I - La fin programmée de la présomption de représentativité

  • Les bouleversements

Jusqu'à l'adoption de la loi du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, un syndicat était en mesure d'accéder à la représentativité en empruntant deux voies. Il pouvait, tout d'abord, faire la preuve de celle-ci sur le fondement de critères énumérés par l'article L. 2121-1 du Code du travail, que la Cour de cassation avait synthétisé en deux éléments : l'indépendance et l'influence du syndicat. Soumise au principe de concordance, cette voie était, sinon semée d'embûches, du moins bien plus chaotique que l'autre.

En effet, il suffisait, par ailleurs, au syndicat de s'affilier à l'une des cinq confédérations reconnues représentatives au plan national pour bénéficier ipso facto de la représentativité. Bien plus, le syndicat privilégiant cette voie était présumée représentatif de manière irréfragable. Depuis longtemps critiqué pour ces conséquences néfastes, spécialement en matière de négociation collective, notre système de représentativité appelait la réforme.

Celle-ci est advenue avec la loi précitée qui, non seulement met un terme à la présomption de représentativité, mais rénove, en outre, les critères de la représentativité prouvée, seule appelée à subsister. Désormais, un syndicat ne peut être déclaré représentatif que s'il remplit cumulativement les sept critères du nouvel article L. 2121-1. Parmi ces critères, une place particulière doit être réservée à l'audience électorale, dont on peut dire qu'elle est devenue la pierre angulaire de la représentativité. A s'en tenir au seul niveau de l'entreprise ou de l'établissement, un syndicat ne peut être déclaré représentatif s'il n'a pas recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles (C. trav., art. L. 2122-1 N° Lexbase : L3823IB9).

Compte tenu des profonds bouleversements apportés par la loi du 20 août 2008, mais afin également de pouvoir s'appuyer sur les résultats des élections professionnelles postérieures à la publication de la loi, il était nécessaire que le législateur ménage une période de transition entre ancien et nouveau système.

  • La période de transition

Il aurait été pour le moins contestable que l'audience électorale des syndicats soit mesurée à l'aune des résultats des élections organisées dans l'entreprise antérieurement à la réforme, ne serait-ce que parce que les salariés ne pouvaient alors connaître les enjeux de ces élections. Aussi le législateur a-t-il pris la sage décision de renvoyer aux résultats "des premières élections professionnelles dans l'entreprise ou l'établissement, pour lesquelles la date fixée pour la première réunion de la négociation du protocole d'accord préélectoral est postérieur à la publication de la présente loi" (loi du 20 août 2008, art. 11-IV).

Cela étant fait, il restait encore à préciser la situation applicable pendant cette période transitoire qui, en fonction des échéances électorales dans les entreprises ou les établissements, peut perdurer jusqu'au 21 août 2008, date de publication de la loi. Selon l'article 11-IV de la loi du 20 août 2008, jusqu'aux résultats des élections professionnelles telles qu'évoquées précédemment, "est présumé représentatif (au niveau de l'entreprise ou de l'établissement) tout syndicat affilié à l'une des organisations de salariés présumées représentatives au niveau national et interprofessionnel à la date de publication de la présente loi, ainsi que tout syndicat représentatif à ce niveau à la date de cette publication". Faisant en quelque sorte écho aux dispositions de l'article 11-IV de la loi du 20 août 2008, son article 13 dispose, en son dernier alinéa, que, "jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles organisées dans les entreprises ou les établissements pour lesquels la date fixée pour la négociation du protocole préélectoral est postérieure à la publication de la présente loi, chaque syndicat représentatif dans l'entreprise ou l'établissement à la date de cette publication peut désigner un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès de l'employeur, conformément aux articles L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD) et L. 2143-6 (N° Lexbase : L3785IBS) du Code du travail dans leur rédaction antérieure à ladite publication".

En résumé, pendant la période transitoire, restent représentatifs dans l'entreprise ou l'établissement les syndicats affiliés à l'une des cinq confédérations reconnues représentatives au plan national et ceux ayant fait la preuve de leur représentativité à ces mêmes niveaux à la date de la publication de la loi (1).

Ces dispositions transitoires ont rapidement suscité des difficultés d'interprétation, dont certaines ont été très tôt réglées par la Cour de cassation. Ainsi, dès le 8 juillet 2009, la Chambre sociale a affirmé que la présomption de représentativité "maintenue" pendant la période transitoire est irréfragable (2). Pour être importante, cette solution n'a constitué qu'une étape de la détermination de la portée des dispositions transitoires précitées.

II - La portée des dispositions transitoires

  • Solution

Dans les trois arrêts rapportés, la question posée par les pourvois était en substance de savoir si, pendant la période transitoire, un syndicat qui ne bénéficie pas de la présomption de l'article 11-IV peut cependant, soit en raison de son affiliation, postérieure à la publication de la loi, à une organisation représentative au niveau national et interprofessionnel (pourvoi n° 09-60.065), soit en apportant la preuve de sa représentativité au jour où il se prévaut de celle-ci, obtenir la qualité représentative lui permettant de désigner un ou plusieurs délégués syndicaux (pourvoi n° 09-60.246), ou exercer d'autres prérogatives subordonnées à une condition de représentativité (pourvoi n° 09-60.282).

La Cour de cassation apporte une réponse positive à cette interrogation, en retenant, dans les trois arrêts, le même motif de principe : "si les dispositions transitoires des articles 11-IV et 13 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ont maintenu jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles postérieures à la date de la publication de la loi, à titre de présomption qui n'est pas susceptible de preuve contraire, la représentativité des syndicats à qui cette qualité était reconnue, avant cette date, soit par affiliation à l'une des organisations syndicales représentatives au niveau national ou interprofessionnel, soit parce qu'ils remplissaient les critères énoncés à l'article L. 2121-1 du Code du travail alors en vigueur, les nouvelles dispositions légales, interprétées à la lumière des articles 6 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 n'excluent pas qu'un syndicat qui ne bénéficie pas de cette présomption puisse établir sa représentativité, soit par affiliation postérieure à l'une des organisations syndicales représentatives au niveau national ou interprofessionnel, soit en apportant la preuve qu'il remplit les critères énoncés à l'article L. 2121-1 du Code du travail dans sa rédaction issue de cette loi, à la seule exception de l'obtention d'un score électoral de 10 % auquel il devra satisfaire dès les premières élections professionnelles organisées dans l'entreprise".

Ainsi qu'il est à juste titre relevé dans le communiqué de la première présidence accompagnant deux des arrêts rapportés, "ni les travaux parlementaires ni la position commune du 9 avril 2008 des partenaires sociaux ne donnent sur ce sujet une indication claire du choix de législateur" (3). Si l'on se tourne vers les textes de loi eux-mêmes, et comme il est précisé là encore dans le communiqué précité, l'article 11-IV n'énonce pas : "sont seules présumées représentatives" ou encore "sont représentatives", mais seulement "sont présumées représentatives". Forte de ces éléments, la Cour de cassation a considéré que les dispositions transitoires de la loi n'excluaient pas qu'un syndicat qui ne bénéficiait pas de cette présomption puisse établir sa représentativité, soit par affiliation postérieure à l'une des organisations syndicales représentatives au niveau national ou interprofessionnel, soit en apportant la preuve qu'il remplit bien les critères énoncés à l'article L. 2121-1 du Code du travail, à la seule exception de l'obtention d'un score électoral de 10 % auquel il devra satisfaire dès les premières élections professionnelles dans l'entreprise.

Selon le communiqué, "cette solution permet de garantir l'accès à la négociation collective pour tous les syndicats en mesure d'établir, pendant la période transitoire, qu'ils remplissent les critères de représentativité tels qu'ils ont été redéfinis par le législateur, étant observé que, comme les syndicats présumés représentatifs, leur représentativité sera soumise à l'épreuve des suffrages des électeurs et se verra confirmée ou infirmée selon les résultats qu'obtiendront leurs candidats au premier tour des premières élections professionnelles organisées dans l'entreprise ou l'établissement. Le droit de négociation collective est en effet un élément du principe de participation énoncé à l'alinéa 8 du préambule de la Constitution et un élément de la liberté syndicale (Décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996 N° Lexbase : A8346AC4), garanti également par les textes internationaux".

  • Appréciation

On peut penser que la solution, comme les explications qui l'accompagnent, seront diversement appréciées. A s'en tenir aux seuls textes de loi, on pourrait avancer que la Cour de cassation a, à la fois, tort et raison. En effet, s'agissant, tout d'abord, de l'affiliation à une organisation syndicale présumée représentative au niveau national et interprofessionnel, on peut, à notre sens, considérer que l'article 11-IV n'a nullement exclu la possibilité d'une affiliation postérieure à la publication de la loi de 2008. Ce texte se contente d'affirmer, rappelons-le, qu'est présumé représentatif à ce niveau tout syndicat affilié à l'une des organisations présumées représentatives au niveau national et interprofessionnel "à la date de publication de la présente loi". Cette borne temporelle se rapporte donc aux organisations présumées représentatives au niveau national et interprofessionnel et non à l'affiliation.

Pour ce qui est, en revanche, de la preuve de la représentativité, ce même texte vise les syndicats représentatifs au niveau de l'entreprise et de l'établissement "à la date de cette publication" (4). Il semble donc exclu qu'une telle preuve soit rapportée postérieurement à cette date (5). Cette assertion peut être renforcée par le fait que, pour ce qui est de la représentativité au niveau national et interprofessionnel durant la période transitoire, le législateur a pris soin de préciser que "sont présumées représentatives à ce niveau les organisations syndicales de salariés présumées représentatives au niveau national et interprofessionnel à la date de publication de la présente loi, ainsi que toute organisation syndicale de salariés dont la représentativité est fondée sur les critères mentionnés à l'article L. 2121-1 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la présente loi". Expressément mentionnée ici, la faculté de prouver sa représentativité pendant la période transitoire ne l'est pas pour les autres niveaux. Ne faut-il pas, dès lors, en conclure qu'elle est exclue pour l'établissement, l'entreprise et la branche ?

A rebours, on est tenté d'avancer que, pendant la période transitoire, et afin de ne pas changer trop brusquement de vieilles habitudes, le législateur a souhaité maintenir le système antérieur. On admettra que l'affirmation est hasardeuse, au regard de la lettre des textes et de la difficulté de déterminer la volonté du législateur. Plus fondamentalement, on comprendrait mal que le système ait, en quelque sorte, été figé à la publication de la loi. Cela reviendrait à dire qu'un syndicat ayant prouvé sa représentativité le 19 août la conserverait, tandis que celui qui serait à même de rapporter la même preuve le 23 août ne le pourrait pas. On peut se demander, pour s'en tenir aux textes fondamentaux, si ce n'est pas le principe constitutionnel d'égalité qui commande de ne pas retenir cette solution.

Cherchant quelques appuis solides à sa solution, nous avons vu que la Cour de cassation a fait le choix de se référer aux principes constitutionnels de liberté syndicale et de participation et, plus précisément, au droit à la négociation collective, qui en constitue un élément. On peut s'interroger sur la nécessité d'une telle référence. Tout d'abord, on sait que ce n'est pas la seule prérogative attachée à la représentativité. Ensuite, on peut se demander si ces références ne pourraient donner quelques idées à des syndicats qui, à l'avenir, ne remplirait pas toutes les critères de représentativité ou qui, plus vraisemblablement, ayant acquis la représentativité, souhaiterait désigner en qualité de délégué syndical un salarié ne s'étant pas présenté aux élections ou qui, l'ayant fait, n'aurait pas obtenu 10 % des suffrages.

Un autre point peut susciter sinon la critique, du moins l'interrogation. Pour la Chambre sociale, un syndicat peut établir sa représentativité postérieurement à la publication de la loi du 20 août 2008, en apportant la preuve qu'il remplit les critères énoncés à l'article L. 2121-1 du Code du travail "dans sa rédaction issue de cette loi, à la seule exception de l'obtention d'un score électoral de 10 % ". On avouera ne pas être pleinement convaincu par la référence au nouvel article L. 2121-1. Car cela conduit à une certaine contradiction. Alors que le système antérieur est maintenu s'agissant de la représentativité présumée, voilà que l'on applique le nouveau à la représentativité prouvée. Il aurait été sans doute plus cohérent que, à l'instar de ce qui est prévu au niveau national et interprofessionnel, la preuve de la représentativité se fasse sur la base des anciens critères et non des nouveaux, seraient-ils expurgés de l'audience électorale de 10 %.

  • Portée

Durant la période transitoire, un syndicat qui viendrait à s'affilier à une organisation syndicale reconnue représentative au niveau national et interprofessionnel ou qui établirait sa représentativité pourra exercer toutes les prérogatives qui y sont attachées. Il lui sera ainsi loisible de désigner un délégué syndical (pourvoi n° 09-60.065). Par ailleurs, et à s'en tenir à la représentativité prouvée, elle devra être établie et donc examinée par le juge, à la date de désignation du délégué syndical. Cette solution, affirmée par la Cour de cassation dans l'un des arrêts rapportés (n° 09-60.246) n'appelle, a priori, guère de commentaire dans la mesure où il n'a jamais été contesté que la représentativité doive s'apprécier au moment où le syndicat exerce la prérogative qui lui est attachée (6). On pourra dès lors s'étonner que les juges du fond aient pu, en l'espèce, retenir que le syndicat en cause n'avait pas établi se représentativité à la date de publication de la loi, soit le 21 août 2008. Cette affirmation se comprend, toutefois, au regard de la lettre des articles 11-IV de 13 de la loi qui visent, ainsi que nous l'avons vu antérieurement, les syndicats représentatifs dans l'entreprise ou l'établissement "à la date de publication de la loi". Mais admettre le raisonnement des juges du fond aurait conduit à exclure qu'un syndicat puisse rapporter la preuve de sa représentativité postérieurement à la publication de la loi, ce que la Cour de cassation a précisément entendu écarter.

Il faut, pour conclure, s'attarder sur un autre des trois arrêts commentés (n° 09-60.282). En l'espèce, pour valider la désignation par la fédération Solidaires Sud emploi de représentants syndicaux au comité d'établissement transitoire de Pôle emploi d'Auvergne (7), le tribunal avait retenu que la désignation de représentants syndicaux au comité d'établissement transitoire était subordonnée par l'accord collectif à la preuve de la représentativité, laquelle s'établit conformément aux dispositions de l'article 11-IV de la loi du 20 août 2008 et que les dispositions de l'article L. 2324-2 du Code du travail ne trouvent pas à s'appliquer s'agissant du comité d'établissement et non du comité d'entreprise.

Le jugement est censuré par la Cour de cassation au visa de l'article L. 2324-2 du Code du travail (N° Lexbase : L3724IBK). On ne s'étonnera pas que la Chambre sociale rappelle, tout d'abord, que l'article L. 2324-2 est entré en vigueur dès le 22 août 2008 (8). On ne sera pas plus surpris de l'affirmation selon laquelle ce texte s'applique aux désignations de représentants syndicaux tant au comité d'entreprise qu'au comité d'établissement. Il suffit ici de renvoyer à l'article L. 2327-17 (N° Lexbase : L9913H8N), qui dispose que "la composition des comités d'établissement est identique à celle des comités d'entreprise".

S'agissant du contenu de l'article L. 2324-2, il précise que, "sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salariés, prévues à l'article L. 2143-22 (N° Lexbase : L2216H9X), chaque organisation syndicale ayant des élus au comité d'entreprise peut y nommer un représentant". Il faut donc comprendre que, au moins dans les entreprises de plus de 300 salariés (9), la faculté de désigner des représentants syndicaux au comité d'entreprise n'est plus subordonnée à la représentativité du syndicat mandant mais seulement au fait qu'il y a des élus.

Par voie de conséquence, et ainsi que le considère la Cour de cassation, on ne saurait admettre qu'un accord collectif exige une condition de représentativité, là où la loi n'impose que la présence d'élus. Il en va ici du respect de l'ordre public.


(1) A suivre l'article 11-IV de la loi cette représentativité, prouvée au moment de la publication de la loi, se mue curieusement en représentativité présumée durant la période transitoire.
(2) Cass. soc., 8 juillet 2009, n° 09-60.011, Société Okaïdi, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7069EIN). Lire Ch. Radé, Loi du 20 août 2008 et réforme de la démocratie sociale : premières précisions sur le droit transitoire et les règles applicables à la section syndicale, Lexbase Hebdo n° 360 du 23 juillet 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N1143BLW).
(3) A lire ce communiqué, le juge pourrait donc rechercher la volonté du législateur dans le texte conventionnel qui a précédé la loi. C'est au fond relativement cohérent avec la notion de "loi négociée".
(4) De même, d'ailleurs, que l'article 13.
(5) On retrouve une formulation similaire pour la représentativité au niveau des branches pendant la période transitoire.
(6) V., en ce sens, Cass. soc., 24 juillet 1979, n° 79-60.211, Société coopérative agricole La Rurale c/ Union départementale du syndicat des salariés de l'Agriculture FGACFDT du Finistère (N° Lexbase : A6946C8R), D., 1980, IR, 42 ; Cass. soc., 26 juin 1985, n° 84-61.029, Darnon c/ Valsoano (N° Lexbase : A4925AAN), Bull. civ. V, n° 361.
(7) Il faut ici préciser que, à la suite de la création, par la loi du 13 février 2008, de l'Institution Pôle emploi, un accord collectif a été signé le 22 décembre 2008, relatif à la mis en place d'instances transitoires représentatives du personnel (loi n° 2008-126, relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi N° Lexbase : L8051H3L). Cet accord prévoit le maintien des instances représentatives du personnel, notamment celle des comités d'établissements et des CHSCT transitoires, jusqu'à l'organisation des premières élections professionnelles dans la nouvelle institution. Il prévoit également la possibilité pour les syndicats représentatifs, "au niveau national" pour les comités d'établissement et "au niveau de la structure concernée" pour les CHSCT, de désigner des représentants syndicaux auprès de ces institutions représentatives.
(8) V., déjà en ce sens, Cass. soc., 8 juillet 2009, n° 09-60.015, Syndicat Solidaires G4S, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7070EIP). Lire S. Tournaux, La désignation d'un représentant syndical au comité d'entreprise par des organisations non représentatives, Lexbase Hebdo n° 360 du 23 juillet 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N1145BLY).
(9) Pour les entreprises de moins de 300 salariés, dans la mesure où le délégué syndical est de droit représentant syndical au comité (C. trav., art. L. 2143-22 N° Lexbase : L2216H9X), il semble nécessaire que le syndicat mandant soit représentatif. Sur cette contradiction, v. la chron. préc. de S. Tournaux.


Décisions

1° Cass. soc., 10 mars 2010, n° 09-60.246, Syndicat Sud aérien c/ Société ISS Abilis France et a., FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9742ESM)

Cassation de TI Toulouse, contentieux des élections professionnelles, 25 mai 2009

Textes applicables : Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, art. 6 et 8 (N° Lexbase : L6821BH4) ; C. trav., L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD) ; loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, art. 11-IV et 13 (N° Lexbase : L7392IAZ)

Mots-clefs : syndicats ; représentativité ; loi du 20 août 2008 ; dispositions transitoires ; portée

Lien base : (N° Lexbase : E4606ETR)

2° Cass. soc., 10 mars 2010, n° 09-60.065, Sociétés Elidis boissons services c/ Syndicat des salariés des entrepositaires grossistes en boissons CGT et a., FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9741ESL)

Rejet TI Poissy, contentieux des élections professionnelles, 13 février 2009

Textes applicables : Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, art. 6 et 8 (N° Lexbase : L6821BH4) ; C. trav., L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD) ; loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, art. 11-IV et 13 (N° Lexbase : L7392IAZ)

Mots-clefs : syndicats ; représentativité ; loi du 20 août 2008 ; dispositions transitoires ; portée

Lien base :

3° Cass. soc., 10 mars 2010, n° 09-60.282, Pôle emploi Auvergne c/ Syndicat Fédération Solidaires Sud emploi et a., FS-P+B+R (N° Lexbase : A1867ETC)

Cassation partielle de TI Clermont-Ferrand, contentieux des élections professionnelles, 16 juin 2009

Texte applicable : C. trav., art. L. 2324-2 (N° Lexbase : L3724IBK)

Mots-clefs : syndicats ; représentativité ; délégué syndical ; loi du 20 août 2008 ; dispositions transitoires ; portée ; comité d'établissement ; représentant syndical ; désignation ; conditions

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Propriété intellectuelle

[Chronique] La Chronique de droit de la propriété intellectuelle de Maître Nathalie Biltz, Avocat au Barreau de Paris, Lamy & Associés - Mars 2010

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N6026BNI

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Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique en droit de la propriété intellectuelle de Maître Nathalie Biltz, Avocat au Barreau de Paris, Lamy & Associés, rédigée avec la participation d'Helena Renaillé, étudiante à l'Ecole doctorale de l'Université de Paris Ouest Nanterre La Défense. L'auteur a sélectionné deux arrêts importants : le premier, rendu par la cour d'appel de Paris confirme, dans la droite ligne de la jurisprudence actuelle, que les constats des agents assermentés de la SACEM et de la SDRM, concernant les téléchargements illégaux de musique sur internet, ne sont pas des traitements de données à caractère personnel et sont donc dispensés de déclaration à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ; le second arrêt, rendu par le Conseil d'Etat, le 22 février 2010, tranche à nouveau la question de la propriété des droits sur l'invention d'un étudiant au cours d'un stage en établissement public et met fin à l'épique combat engagée par un étudiant-stagiaire.

1 - L'adresse IP au coeur de la tourmente ou le combat entre la protection de l'auteur et celui des personnes "fichées" (CA Paris, Pôle 5, 12ème ch., 1er février 2010, n° 09/02337, Cyrille S. / SACEM, SDRM N° Lexbase : A9354ETM)

De façon attendue, la cour d'appel de Paris a rendu le 1er février dernier un arrêt qui, dans la droite ligne de la jurisprudence actuelle, confirme que les constats des agents assermentés de la SACEM et de la SDRM, concernant les téléchargements illégaux de musique sur internet, ne sont pas des traitements de données à caractère personnel et sont donc dispensés de déclaration à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

En l'espèce, et selon une procédure désormais bien connue du grand public, un agent assermenté de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) a, courant 2005, constaté que le défendeur mettait à disposition et téléchargeait des oeuvres musicales au format MP3, appartenant au répertoire géré conjointement par cette dernière et la Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs et compositeurs de musique (SDRM), par l'intermédiaire d'un logiciel de peer-to-peer. L'agent en question a pu en quelques clics :
- obtenir l'adresse IP du défendeur par la simple interrogation du logiciel peer-to-peer ;
- déterminer son fournisseur d'accès grâce à un logiciel de traçage d'adresses IP ;
- définir les coordonnées du fournisseur d'accès en interrogeant la base publique de données Whois ;
- et vérifier l'exactitude de l'adresse IP connectée au fournisseur d'accès par le biais d'un pare-feu.

Fort de cette adresse IP, la SACEM a porté plainte auprès des services de gendarmerie, qui ont, après accord du Parquet, déclenché la procédure de réquisition des données d'identification de l'abonné à partir de l'adresse IP relevée.

La perquisition au domicile du défendeur révèlera près de 3 000 morceaux de musique téléchargés par peer-to-peer ainsi que 37 compact-discs gravés, constat déclenchant une assignation pour contrefaçon par reproduction et représentation d'oeuvres protégées de la part de la SACEM et de la SDRM.

Condamné en première instance, le défendeur a été relaxé par la cour d'appel de Rennes, mais le pourvoi en cassation des sociétés de gestion des droits d'auteur a été accueilli par la Cour de cassation (1) qui, statuant en sa défaveur, a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris. On remarquera, non sans une pointe d'inquiétude, que, dans cette espèce, l'adresse IP a révélé le nom d'un abonné qui s'est avéré ne pas être l'auteur des téléchargements, mais c'est bien ce dernier qui a été assigné devant les juges de première instance, et non le titulaire de l'abonnement internet, à qui correspond pourtant l'adresse IP relevée. Cet état de chose, bien que respectueux de la réalité des faits litigieux, renvoie à une situation antérieure à l'existence du principe de sécurisation de l'accès internet du titulaire de l'abonnement internet, mis en place par la désormais célèbre loi n° 2009-669 du 12 juin 2009, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (autrement appelée loi "HADOPI" N° Lexbase : L3432IET) dans son article 11, créant un article L. 336-3 dans le Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L8870IEA) qui dispose que "la personne titulaire de l'accès à des services de communication au public en ligne a l'obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'oeuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu'elle est requise".

Qu'en serait-il aujourd'hui ? Le titulaire de l'abonnement internet pourra-t-il être tenu responsable de sa négligence dans l'absence évidente de sécurisation de son accès internet ? On rappellera au passage que ce principe de sécurisation du poste a été retoqué dans sa forme originelle par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 2009 (Cons. const., décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet N° Lexbase : A0503EIH), ce qui a permis l'introduction d'un alinéa 2 dans ce même article : "le manquement de la personne titulaire de l'accès à l'obligation définie au premier alinéa n'a pas pour effet d'engager la responsabilité pénale de l'intéressé".

Seule une action au civil sera donc envisageable en cas de négligence de la part du titulaire de l'accès internet.

Outre la réalité de l'identité du contrefacteur présumé, la description de la procédure de collecte d'informations a eu son importance dans la décision de la cour d'appel. En effet, la discussion a essentiellement porté non sur la nature de l'adresse IP (donnée à caractère personnel ou pas), mais sur l'existence d'un traitement de données à caractère personnel éventuellement matérialisé par la collecte des adresses IP, qui aurait imposée une autorisation préalable obligatoire (2) de la part de la CNIL, et rendu, par conséquent, illégal le procès-verbal de constatation d'infraction de l'agent assermenté de la SACEM.

Cette position paraît ubuesque car elle admet implicitement que l'adresse IP est bien une donnée à caractère personnel, puisque le "régime CNIL" tend à s'appliquer. Or, ni le législateur, ni le juge n'ont encore tranché de façon claire et définitive la nature réelle de l'adresse IP qui pourrait être qualifié de "donnée mixte" en ce qu'elle identifie une machine à laquelle est rattaché un abonnement internet souscrit par une personne physique ou morale.

On notera que, dans l'arrêt du 13 janvier 2009, la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait pourtant avancé l'idée, dans la même affaire, que ce n'était pas "les relevés de l'adresse IP d'un internaute et l'identité de son fournisseur d'accès, librement accessible à tous sur internet, qui permettaient l'identification dudit internaute mais les réquisitions de l'autorité judiciaire [...], ces données ne présentent donc pas, en elles-mêmes, de caractère personnel".

La Chambre criminelle a eu le mérite d'affirmer de façon explicite que l'adresse IP n'a pas le statut d'une donnée à caractère personnel, même si la justification semble extrêmement légère. On pourra rétorquer qu'un numéro d'immatriculation ou de téléphone, qui sont considérés par la CNIL comme des données à caractère personnel, identifie directement un véhicule ou un domicile et seulement de façon indirecte leur propriétaire personne physique ou morale. Dans le même esprit, un nom de famille, donnée à caractère personnel par excellence, peut également être accessible à tous sur internet et ne permet pas forcément l'identification d'un individu de façon certaine (homonymie, usurpation d'identité, mauvaise orthographe, etc.), alors que l'adresse IP est une donnée plus stable et plus fiable pour identifier une machine et, de ce fait, remonter au titulaire d'un abonnement internet, puisque le fournisseur d'accès connaît l'identité des personnes physiques ou morales à qui il fournit des adresses IP fixes ou dynamiques.

Or, en ce qui concerne notre espèce, la cour ne s'attarde pas sur la nature de l'adresse IP en semblant l'admettre de facto et ne s'interroge que sur l'existence d'un traitement, automatisé ou non, de ces adresses.  La cour fait donc une interprétation contestable des textes qui régissent la matière pour en tirer une conclusion imparable. Elle cite l'article L. 331-2 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L5783IEW) pour justifier l'existence des constatations des agents assermentés des sociétés de gestion de droits d'auteurs, puis les articles 2 (N° Lexbase : L4316AHC), 9 (N° Lexbase : L4360AHX) et 25 (N° Lexbase : L4322AHK) de la loi du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, qui respectivement :
- définit un traitement de données à caractère personnel ;
- précise que les sociétés de gestion des droits d'auteurs sont autorisées à constituer de tels fichiers ;
- et partant soumet ces sociétés à une autorisation préalable de la CNIL.

La cour occulte l'indéniable collecte et la communication par transmission de données à caractère personnel entrant dans la définition du traitement de données, automatisé ou non, sur papier ou sur informatique, pour ne conserver que l'aspect factuel de la procédure mise en oeuvre par l'agent assermenté, en affirmant que "les constatations visuelles effectuées sur internet et les renseignements recueillis en exécution de l'article L. 331-2 du Code de la propriété intellectuelle [N° Lexbase : L5783IEWpar l'agent assermenté de la SACEM [...] rentrent dans les pouvoirs conférés à cet agent par la disposition précitée et ne constituent pas un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives à ces infractions, au sens des articles 2 et 25 précités" (sic).

Si l'on en croit la cour d'appel, l'adresse IP est donc bien une donnée à caractère personnel dont l'éventuel traitement doit respecter les dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, mais que la collecte des adresses IP et leur communication par transmission aux services de gendarmerie ne peuvent pas être qualifiées de traitement de données à caractère personnel.

Pour justifier cette assertion, les juges parisiens se retranchent derrière les arguments des sociétés de gestion des droits d'auteur qui ne destinent pas l'adresse IP récoltée à "figurer dans un fichier, cette dernière n'étant contenu que dans le seul procès-verbal dressé par l'agent assermenté, lui-même contenu dans le dossier afférent à la présente affaire nécessaire au suivi de la procédure". Selon toute vraisemblance, les sociétés de gestion de droit d'auteur ne créent pas de fichiers de contrefacteurs, ne conservent pas une copie des procès-verbaux que leurs agents dressent en vue des réquisitions judiciaires, en fonds papier ou numérisés, ne s'appuient pas sur ces données pour réaliser des études statistiques du piratage en France...

Si la collecte d'adresses IP a le goût et la couleur d'un fichier d'infractions, la cour refuse très net de lui reconnaître la qualification de traitement de données à caractère personnel en opposant le droit de la propriété intellectuelle qui autorise la protection des droits d'auteurs par de simples constatations de sociétés gestionnaires aux dispositions légales en matière de données personnelles qui traduit pourtant l'éventuelle collecte de données au cours de ces constatations en fichiers d'infractions soumis à autorisation préalable. Pour conclure sa motivation, la cour d'appel s'appuie une fois encore sur une vision tayloriste de la division du travail : les agents assermentés de la SACEM ne font que constater la matérialité de l'infraction par la collecte de l'adresse IP, le travail d'identification de l'auteur de l'infraction revenant exclusivement aux services de gendarmerie.

Il semble indéniable que la cour, comprenant les limites de l'exclusion du statut de donnée à caractère personnel pour les adresses IP, a voulu contourner habilement la difficulté en fixant le débat sur :
- l'existence ou non d'un traitement des informations recueillies ;
- et la finalité de la collecte de ces informations, qui étaient destinées à constater la matérialité de l'infraction et non à identifier le contrefacteur.

Il eut été plus simple, pour éluder le problème, de reprendre l'argumentaire de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en avançant l'idée que l'adresse IP n'étant pas une donnée à caractère personnel, l'agent de la SACEM avait procédé à une collecte d'informations non soumises à une législation spécifique. Mais la cour d'appel a sans doute estimé que cette interprétation franco-française était instable dans le sens où l'interprétation communautaire de l'adresse IP tend à lui conférer le statut de donnée à caractère personnel. Pour rappel, en janvier 2008, Peter Scharr, alors rapporteur du Groupe de travail "Article 29" sur la protection des données, avait bataillé ferme pour tenter de convaincre la commission des libertés, justice et affaires intérieures du Parlement européen du bien-fondé de la reconnaissance de donnée à caractère personnel pour l'adresse IP. Depuis, de nombreuses initiatives européennes ont agi en ce sens, et notamment la réduction drastique de la durée de conservation des informations sur les internautes par les moteurs de recherches. Il est à noter que la CNIL considère l'adresse IP comme étant une donnée à caractère personnel depuis 2007.

Cet arrêt du 22 février 2010 confirme le pas en arrière de la jurisprudence majoritaire sur le refus de protection donnée aux adresses IP des internautes. Pourtant, quelques juridictions dissidentes avaient tenté d'ouvrir la voie à la reconnaissance du statut de données à caractère personnel, comme le très prolifique tribunal de grande instance de Paris, qui a donné un temps des sueurs froides à la Suisse (3). Cette dernière décision apparaît également comme un véritable affront pour la CNIL qui, forte de plusieurs arrêts annulant des procès-verbaux d'agents assermentés pour absence de déclaration des traitements, s'inquiétait, dès août 2007, de la recrudescence des décisions de cette même cour d'appel de Paris et "des répercussions qu'une telle jurisprudence pourrait avoir sur la protection de la vie privée et des libertés individuelles sur internet, de plus en plus largement utilisé par tous" (4). Pourtant, loin d'empêcher la condamnation des contrefacteurs, la qualification définitive de l'adresse IP en tant que donnée à caractère personnel demeure essentielle pour garantir un cadre judiciaire stable et sain, en harmonie avec les impulsions européennes actuelles.

2 - L'épique combat d'un étudiant-stagiaire enfin reconnu propriétaire de son invention (CE 4° et 5° s-s-r., 22 février 2010, n° 320319, Centre national de la recherche scientifique et autres N° Lexbase : A4383ES7)

Par cet arrêt du 22 février 2010, le Conseil d'Etat tranche à nouveau la question de la propriété des droits sur l'invention d'un étudiant au cours d'un stage en établissement public. Il est à noter que cette ultime décision met fin à un combat acharné entre le Docteur M. P. et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), conflit épique aux multiples rebondissements qui a pris sa source à la fin de la dernière décennie.

En l'espèce, en 1997, M. P., docteur en médecine spécialiste de l'échographie oculaire à l'époque, a effectué un stage non rémunéré dans le cadre d'un diplôme d'études approfondies au sein du laboratoire d'imagerie paramétrique, point de rencontre entre le CNRS et son université. Au cours de ce stage, et alors-même qu'il a le statut d'étudiant, il dépose un brevet à la suite d'une invention réalisée à cette occasion. Trois semaines après, le CNRS dépose également une demande de brevet sur la même invention et engage immédiatement une procédure en revendication de brevet. Débute alors une bataille mémorable sur les droits de propriété qui découlent de cette invention.

D'une part, M. P. soutient que les droits de propriété sur ladite invention lui reviennent de droit, en tant que créateur et déposant du brevet. D'autre part, le CNRS lui oppose l'existence de son règlement intérieur qui prévoit que les brevets correspondants aux inventions réalisées par les stagiaires et par les étudiants au sein du laboratoire d'imagerie paramétrique sont la propriété du CNRS.

Soumise dans un premier temps à tous les degrés de juridictions de l'autorité judiciaire, il faudra une saisine de l'autorité administrative par la cour d'appel de renvoi sur une question préjudicielle pour que le tribunal administratif de Paris déclare le règlement du CNRS illégal et que le Conseil d'Etat mette un point final aux débats en sacralisant comme seul et unique propriétaire de son invention le créateur-stagiaire.

D'une façon générale, l'article L. 611-6 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3555ADZ) concède le titre de propriété d'une invention à son créateur (ou à son ayant-droit). Pourtant, en pratique, les inventions brevetables sont rarement réalisées en dehors de toute structure privée ou publique, ayant pour conséquence directe de faire planer un doute sur la paternité dudit titre de propriété, notamment en raison des investissements et/ou du matériel utilisé n'appartenant pas au créateur, mais sans lesquels l'invention n'aurait pas pu voir le jour. Dès lors, le législateur a rapidement pris en compte cette situation de fait et a créé une liste limitative d'exceptions à ce principe, englobant la question des inventeurs-salariés du secteur privé et celle des inventeurs-fonctionnaires, dont les statuts sont respectivement régis par l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3556AD3) et par la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999, sur l'innovation et la recherche (dite loi "Allègre" N° Lexbase : L1179AR4).

Mais qu'en est-il pour les situations intermédiaires, dont les faits de la présente affaire font pleinement partie ?

Tour à tour, les juges vont jongler avec le statut de l'étudiant-stagiaire : alors même que le TGI de Paris (5) déboute le CNRS de sa demande, la cour d'appel de Paris (6) réussit le tour de force d'accueillir l'action en revendication de brevet du CNRS tout en reconnaissant la propriété originelle à l'inventeur-stagiaire, mais sans aucune contrepartie ! Dans son arrêt du 25 avril 2006, la Cour de cassation (7), par un magnifique syllogisme juridique, tempère les ardeurs du CNRS en recentrant le débat sur l'interprétation stricte des articles L. 611-6 et L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle. La Haute juridiction estime donc que seule la loi peut définir des exceptions au principe de propriété exclusive de l'inventeur sur son invention. Or le stagiaire-inventeur n'étant ni un agent public, ni un salarié, il ne rentre dans aucune des exceptions légales existantes et conserve donc son droit de propriété exclusif sur son invention.

La cour d'appel de renvoi, dans sa décision du 12 décembre 2007, soulève pour sa part l'incompétence de l'ordre judiciaire pour juger de la licéité du règlement interne propre au laboratoire d'un établissement public. Saisi du problème, le tribunal administratif de Paris, le 11 juillet 2008, déclare illégal l'article intéressant le litige du seul fait que le chef de service du CNRS, rédacteur du règlement interne, n'avait pas la compétence pour édicter une règle en dehors de tout fondement légal et pourtant susceptible d'affecter les droits des usagers du service public que représente le CNRS.

Reprenant le même argumentaire, la Haute juridiction de l'ordre administratif, saisie par le CNRS, clôture cette épopée juridique en rejetant son recours et en suivant le tribunal administratif de Paris sur :

- la juridiction administrative compétente :
"considérant que [l'article 3 du règlement du CNRS], qui édicte une règle générale et impersonnelle s'imposant à l'ensemble des étudiants accueillis en stage au sein de ce laboratoire, présente un caractère réglementaire ; que la circonstance que M. P. a apposé, sur un exemplaire de ce règlement, sa signature au bas d'une formule indiquant qu'il attestait en avoir pris connaissance et déclarait s'y conformer, ne saurait avoir ôté aux dispositions en cause le caractère d'un acte administratif réglementaire pour en faire un contrat de cession de droits de propriété intellectuelle ; qu'ainsi, il appartient au juge administratif de se prononcer sur la question préjudicielle qui lui est soumise par l'autorité judiciaire" ;

- l'illégalité du règlement litigieux :
"considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la propriété des inventions faites par les étudiants non rémunérés, qui ont la qualité d'usagers du service public, ne saurait être déterminée en application des dispositions de l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle, lesquelles sont applicables aux seuls salariés et agents publics ; qu'elle relève donc de la règle posée par l'article L. 611-6 du même code attribuant cette propriété à l'inventeur ou à son ayant cause ; qu'en énonçant néanmoins que les brevets correspondant aux inventions réalisées par les étudiants au sein du laboratoire d'imagerie paramétrique, seraient la propriété du CNRS, le directeur du laboratoire d'imagerie paramétrique a conféré au CNRS la qualité d'ayant-cause des étudiants, au sens des dispositions de l'article L. 611-6 du même code, alors qu'il ne tenait d'aucun texte, ni d'aucun principe, le pouvoir d'édicter une telle règle ; que, dès lors, le CNRS et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a déclaré que les dispositions en litige étaient entachées d'illégalité".

Il convient de souligner que le Conseil d'Etat balaye d'un revers de manche le moyen contestant la compétence de la juridiction administrative et par là même rend vaine la tentative visant à transformer le règlement du CNRS en contrat de cession de droits de propriété intellectuelle conclu par l'étudiant-stagiaire du seul fait de la signature de ce dernier.

Sur la question de fond de ce litige, la Haute juridiction revient à l'interprétation antérieure de sa "consoeur" de l'ordre judiciaire en faisant une application stricte des textes régissant la matière : l'article L. 611-7 du Code de propriété intellectuelle n'est applicable qu'aux salariés. Or le statut juridique de salarié est soumis à l'existence juridique effective d'un contrat de travail et d'une rémunération. L'étudiant-stagiaire, sous convention de stage et non rémunéré, conserve la "qualité d'usager du service public" sans pouvoir être qualifié de salarié, alors même qu'il travaille sous les ordres et pour le compte de son organisme d'accueil.

Il convient donc de s'interroger sur la notion de rémunération du stagiaire et de son impact sur le sens de la décision rendue par le Conseil d'Etat.

Quoiqu'il en soit, la décision de la Haute juridiction, bien que précédée de quelques décisions initiatrices (8) en ce sens, peut être saluée en ce qu'elle a statué en faveur du respect du droit de propriété des inventeurs-stagiaires sur leur invention, en dehors des exceptions légales limitativement énumérées par le Code de la propriété intellectuelle.

Nathalie Biltz, Avocat au Barreau de Paris, Lamy & Associés
Avec la participation d'Helena Renaillé, étudiante à l'Ecole doctorale de l'Université de Paris Ouest Nanterre La Défense


(1) Cass. crim., 13 janvier 2009, n° 08-84.088, Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, F-P+F (N° Lexbase : A7085ECE) ; lire les obs. de N. Martial-Braz, in La Chronique de droit de la propriété intellectuelle de Nathalie Martial-Braz, Maître de conférences, Université Rennes 1 - CDA-PR - Mars 2009, Lexbase Hebdo n° 343 du 26 mars 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N9840BIB).
(2) Pour l'autorisation, cf. TGI Saint-Brieuc, 6 septembre 2007, n° 05003922, Société civile des producteurs phonographiques, SCPP c/ Monsieur Jean Pascal Plumet (N° Lexbase : A5751DYN) ; voir, également, CA Paris, 13ème ch., sect. A, 15 mai 2007, n° 06/01954, Henri Sebaux c/ Société civile des producteurs phonographiques (N° Lexbase : A0737ELU) et CA Paris, 13ème ch., sect. B, 27 avril 2007, n° 06/02334, Gaz. Pal., 13-15 janvier 2008, n° 13 à 15, p. 9.
(3) TGI Paris, référé, 24 décembre 2007, Techland ; voir aussi TGI Paris, référés, 5 mars 2009, n° 09/51770, M. Roland Magdane c/ Société de droit américain Youtube (N° Lexbase : A3711EHW), selon lequel "l'adresse IP est une donnée à caractère personnel qui permet d'identifier une personne en indiquant sans aucun doute possible un ordinateur précis et qui établit la correspondance entre l'identifiant attribué lors de la connexion et l'identité de l'abonné".
(4) CNIL, article du 2 août 2007, L'adresse IP est une donnée à caractère personnel pour l'ensemble des CNIL européennes.
(5) TGI Paris, 2 avril 2002, n° 00/12782, Centre national de la recherche scientifique c/ Monsieur Michel Puech (N° Lexbase : A0212EA4).
(6) CA Paris, 4ème ch., sect. B, 10 septembre 2004, n° 2002/12276, CNRS (N° Lexbase : A5395DEK).
(7) Cass. com., 25 avril 2006, n° 04-19.482, M. Michel Puech c/ Mme Amena Saïed, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A1902DP7) ; et les obs. de G. Auzero, Un stagiaire a droit à la propriété de ses inventions !, Lexbase Hebdo n° 215 du 18 mai 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N8358AKR).
(8) Notamment CA Paris, 4ème ch., sect. B, 7 octobre 2005, n° 04/18442, SA Nice Matin c/ E. Roubtsova (N° Lexbase : A3308DL4), qui condamne le journal pour contrefaçon après que celui-ci ait publié des articles rédigés par une stagiaire non rémunérée sous le nom d'un journaliste sur un site internet dont l'accès était payant.

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Avocats

[Questions à...] Le Billet de l'Ordre du Val-de-Marne : entretien avec... Aujourd'hui, Maître Jean-Michel Darrois

Lecture: 6 min

N6090BNU

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par Elizabeth Menesguen, Ancien Bâtonnier du Barreau du Val-de-Marne

Le 07 Octobre 2010

A la tête du Cabinet Darrois-Villey-Maillot & Brochier, Jean-Michel Darrois, c'est le Conseil des sociétés du CAC 40, l'avocat des fusions-acquisitions, mais c'est aussi, le sait-on, un ardent défenseur du respect des Droits de l'Homme. "L'esprit à droite et le coeur à gauche". L'un de ses proches ne va-t-il pas jusqu'à dire : "Il y a du Badinter dans cet homme là". S'il jouissait jusqu'ici d'une grande notoriété dans le secteur du droit des marchés, son nom est désormais sur toutes les lèvres, depuis que le Président de la République lui a confié la présidence d'une Commission chargée de réfléchir à la profession d'avocat avec comme objectif la création d'une "grande profession du droit". Le rapport qu'a déposé sa Commission éponyme le 6 avril 2009 continue d'occuper les esprits (et sans doute les occupera-t-il encore longtemps) : on débat, on bataille, on glose, on polémique aussi... Que pense l'homme de l'accueil réservé aux travaux de la Commission par les avocats et plus généralement par les professionnels du droit ? Quel est son sentiment quant aux réflexions qu'ils suscitent, diverses et parfois contradictoires ? Jean-Michel Darrois nous fait ici l'amitié de répondre avec la finesse, la sincérité et la modestie des gens de qualité et l'on ne saurait que lui en rendre grâce. Le Billet de l'Ordre : Dans sa lettre de mission du 30 juin 2008, le Président Sarkozy souhaitait voir dégager les lignes d'une réflexion en profondeur de la profession d'avocat, d'abord pour "l'adapter aux exigences de la société française en lui permettant de participer à la compétition internationale", mais aussi pour "assurer aux justiciables une meilleure compréhension de notre système juridique en conciliant l'indépendance nécessaire à l'exercice des droits de la défense avec les exigences propres à la réalisation de missions d'intérêt général". Vaste et ambitieux programme, proche de la quadrature du cercle. Comment avez-vous abordé la tâche qui vous était dévolue ?

Jean-Michel Darrois : Avec enthousiasme et humilité. Enthousiasme, car pour la première fois depuis très longtemps était ouverte une véritable réflexion sur l'avenir des professions du droit, au premier rang desquelles celle d'avocat. Humilité aussi, car j'avais conscience de l'étendue du champ de réflexion et des obstacles que nous allions rencontrer. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que la commission soit constituée de professionnels très différents (parlementaires, universitaires, chefs d'entreprise...) afin d'avoir la vision la plus objective et la plus complète du sujet qui nous réunissait.

Le Billet de l'Ordre : Il a pourtant semblé acquis à la Commission que la grande profession du droit que le chef de l'Etat appelait de ses voeux ne se ferait pas. Quels furent donc les obstacles rencontrés ?

Jean-Michel Darrois : Si la commission a fait le choix de ne pas proposer une grande profession du droit, c'est seulement parce que nous avons acquis la conviction que ce projet n'était pas susceptible d'apporter une véritable amélioration du service rendu au justiciable. Chaque profession a un savoir-faire très pointu, une culture, une déontologie, qui justifient qu'on ne les fonde pas en un seul et même corps. En revanche, nous sommes très attachés au rapprochement entre ces professions : la communauté de juristes que nous appelons de nos voeux est une condition essentielle de l'avenir de notre modèle juridique.

Le Billet de l'Ordre : On s'orienterait donc vers une grande profession d'avocat bien que là encore rien ne soit sûr : certes la fusion de la profession d'avoué avec la profession d'avocat est acquise mais dans le même temps le rapprochement entre les Conseils en propriété industrielle et les avocats qu'on croyait adopté, semble remis en question par la Chancellerie. Voilà qui augure mal de l'avenir...

Jean-Michel Darrois : L'un des constats de notre travail, peut être le plus difficile à entendre pour les avocats, est celui de la grande inorganisation de notre profession. Nous n'avons pas de dessein commun, nous n'avons pas de réel projet d'avenir. Et pourtant, on exagère beaucoup les différences qui existent entre les avocats : quelle que soit notre spécialité, notre mode d'exercice, nous avons des valeurs communes, un attachement commun à la liberté, à la défense.

Je considère que du fait de notre inorganisation nous sommes pour partie responsables de l'abandon du projet de fusion CPI - avocats. Espérons que cette expérience et les conclusions de notre rapport contribuent à nous rassembler.

Le Billet de l'Ordre : A défaut d'une grande profession du droit, la Commission a proposé "l'inter-professionnalité" qui suscite bien des craintes. On vous sait attaché à cette idée, nous en diriez-vous davantage ?

Jean-Michel Darrois : Je suis convaincu que nous devons favoriser le regroupement de différents professionnels du droit au sein d'une même structure. C'est l'avenir. Notaires, avocats huissiers, ont beaucoup en commun, et je ne comprends pas que l'on ne puisse pas aujourd'hui offrir au justiciable un guichet unique. Il n'y a rien à craindre de ce projet : d'abord, parce qu'il est fondé sur l'initiative de chacun. Ensuite parce qu'il respecte la déontologie de chacun. C'est un projet dont les futurs avocats, notaires ou huissiers vont s'emparer. Ils n'ont que faire des discussions qui ont opposé les uns et les autres. Ils veulent innover, travailler avec des amis rencontrés sur les bancs de l'université pour couvrir la totalité de la chaîne judiciaire.

Le Billet de l'Ordre : Parlons voulez-vous d'un sujet qui fâche, celui de "l'avocat en entreprise". A l'occasion de votre second passage à Créteil, vous aviez exprimé votre réticence pour l'intégration des juristes d'entreprise mais dit votre intérêt pour l'avocat en entreprise. Certains, et ils sont nombreux, considèrent que l'avocat y perdrait ce qui fait son essence même : son indépendance. Que leur répondez-vous ?

Jean-Michel Darrois : Le projet de la commission évite à l'avocat de perdre son indépendance. Les garanties qui entourent l'intégration de cet avocat à l'entreprise qui l'emploiera écartent cette menace. Mais voyons les choses plus franchement : si l'avocat en entreprise sent son indépendance menacée, qui l'empêchera de la quitter, après avoir d'ailleurs informé son bâtonnier de ces difficultés ? Personne. Je ne vois pas en quoi il sera moins indépendant que l'avocat qui, dans son cabinet et dans son activité quotidienne, dépend également de la confiance que lui accordent ses clients.

Le Billet de l'Ordre : La "gouvernance" de la profession telle qu'envisagée par la Commission fait elle aussi débat : si elle est souhaitée par certains grands Barreaux, des voix s'élèvent pour dire que la création d'Ordres régionaux ou de Cour au détriment des Ordres locaux, outre qu'elle ferait échec au maillage territorial de la profession, nécessaire à l'accès au droit pour tous, aurait pour conséquence l'apparition de "baronnies" génératrice de division de la profession à l'heure où la recherche de son unité est une priorité. Qu'en pensez-vous ?

Jean-Michel Darrois : Je ne vois pas en quoi le morcellement de l'organisation actuelle est une garantie de l'unité des avocats ! Il nous appartient à nous avocats d'élire des représentants qui ne se comporteront pas en barons, pour reprendre votre expression. La création de barreaux régionaux permettra aux avocats de disposer d'une gouvernance rénovée. Nos représentants doivent être les interlocuteurs incontournables des premiers présidents et des procureurs généraux, des présidents des cours administratives d'appel voire des préfets. Notre voix doit être entendue par l'ensemble de ces responsables, et pour y aboutir, nous devons être mieux organisés. Par ailleurs, je considère que si nous voulons gérer l'aide juridictionnelle, si nous voulons apparaître incontestables en matière de discipline, le bon niveau est le niveau régional. Ce qui ne signifie absolument pas que les barreaux locaux seraient supprimés. Il y aurait seulement un transfert de compétences.

Le Billet de l'Ordre : Ne vous paraît-il pas étrange que dans les débats qui animent actuellement la profession, les pistes dégagées par la Commission, s'agissant d'une formation commune à tous les professionnels du droit, soit rarement évoquées. Pourtant ne serait-ce pas par l'acquisition d'une culture commune que pourrait émerger la grande profession du droit ?

Jean-Michel Darrois : Je suis moins pessimiste que vous. Le Président de la République, comme le Garde des Sceaux, ont marqué un très fort intérêt pour cette formation commune, et j'ai le sentiment que sur ce terrain aussi les choses avancent. J'ai souvent entendu que jamais l'acte d'avocat ne verrait le jour. J'ai refusé de me laisser décourager, et j'ai rencontré l'ensemble des responsables, l'ensemble des professionnels qui le souhaitaient pour leur expliquer l'intérêt de cette innovation. Aujourd'hui le projet de loi le créant est en cours d'examen devant le Conseil d'Etat. Je suis persuadé que ce sera la même chose pour la formation commune.

Le Billet de l'Ordre : Le Nouvel Economiste vous présentait il y a quelques mois comme un "anxieux laissant transparaître ses doutes". Les commentaires nourris du rapport qui porte votre nom sont-ils de nature à vous conduire à douter de l'avenir du Barreau de France ?

Jean-Michel Darrois : Au contraire. Les rencontres avec les confrères de province à l'occasion des déplacements en province effectués par la commission, les auditions auxquelles nous avons procédé m'ont à chaque fois permis de ressentir la fierté d'être l'un de ces avocats. Je ne doute pas de l'avenir du barreau français, mais je lui propose d'évoluer, pour affronter en confiance l'avenir. Nous ne pouvons nous comporter comme si la France, son économie, les exigences des justiciables n'avaient pas changé. C'est précisément parce que je suis profondément et sincèrement attaché au barreau français que j'ai pour lui des ambitions élevées.

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Contrats administratifs

[Jurisprudence] Chronique de droit interne des contrats publics - Mars 2010

Lecture: 15 min

N6156BNC

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par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis

Le 21 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité de droit interne des contrats publics, rédigée par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis et Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique. Trois arrêts du Conseil d'Etat sont ici mis en évidence. Le premier traite des conditions de création et de gestion d'une activité de service public susceptible de concurrencer l'initiative privée (CE 2° et 7° s-s-r., 3 mars 2010, n° 306911, Département de la Corrèze). Les deuxième et troisième arrêts se fondent sur les principes applicables à la commande publique pour consacrer une obligation d'information des candidats à l'attribution d'un marché public (CE 2° et 7° s-s-r., 24 février 2010, n° 333569, Communauté de communes de l'enclave des Papes) ou d'une délégation de service public (CE 2° et 7° s-s-r., 23 décembre 2009, n° 328827, Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles).
  • Les conditions de création et de gestion d'un dispositif départemental de téléassistance destiné à favoriser le maintien à domicile des personnes âgées et handicapées (CE 2° et 7° s-s-r., 3 mars 2010, n° 306911, Département de la Corrèze, mentionné aux tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A6434ES4)

Dans la présente affaire, le département de la Corrèze avait décidé de mettre en place un dispositif de téléassistance afin de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées et handicapées, et d'en confier la gestion par voie de délégation de service public. La société X, dont l'offre n'avait pas été retenue, avait saisi le tribunal administratif de Limoges d'un recours pour excès de pouvoir contre la délibération par laquelle la commission permanente du Conseil général avait refusé son offre et avait attribué la délégation de service public au groupement concurrent. Les juges limougeauds ont rejeté son recours (1), mais la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé leur jugement (2) au motif que l'offre présentée par le groupement précité avait été retenue sur la base de critères de choix ne correspondant que très partiellement et incomplètement à ceux que le département s'était lui-même fixés pour l'examen des candidatures, et que l'ordre dans lequel ils ont été retenus ne correspondait pas à la hiérarchisation des critères rendus publics.

Plus précisément, la cour administrative d'appel de Bordeaux reprochait au département de la Corrèze d'avoir indiqué, dans l'avis d'appel à candidatures, que "les offres présentées en vue de l'attribution du contrat litigieux seraient jugées sur : 1° la qualité technique du projet et son adéquation au cahier des charges [...] 2 ° l'aptitude à assurer la continuité du service public et le respect de l'égalité des usagers [...] 3° la qualité, la fiabilité, le respect des normes, la possibilité et la garantie d'évolution technologique du matériel [...] 4° le coût de la prestation", et d'avoir finalement retenu l'offre du groupement au regard, premièrement, de sa proximité, caractérisée par l'existence d'une agence locale équipée d'une centrale informatisée, ensuite, du matériel retenu et de ses perspectives d'évolution à court terme, et enfin, du travail en réseau avec un multipartenariat au regard de la démarche souhaitée dans le département. Saisi d'un recours en cassation, le Conseil d'Etat a logiquement censuré cet arrêt au motif que la cour administrative d'appel de Bordeaux n'avait pas pu légalement se fonder sur le fait que les critères de choix retenus par l'autorité délégante ne correspondaient pas à la hiérarchisation des critères publiés dans l'avis d'appel public à la concurrence, dès lors que celui-ci n'avait pas été soulevé par la société X avant la clôture de l'instruction, et qu'il ne constituait pas un moyen d'ordre public susceptible d'être soulevé à tout moment de la procédure.

Mais ce n'est pas sur ce dernier point précis que se situe l'apport de la solution du Conseil d'Etat. Son intérêt réside, en effet, dans le rappel de la marche à suivre par les collectivités territoriales souhaitant créer, sur leur territoire, une activité de service public susceptible de concurrencer l'initiative privée et sur les conditions dans lesquelles la gestion d'une telle activité peut être confiée à un délégataire.

Concernant, tout d'abord, la création de l'activité à l'origine du litige, le Conseil d'Etat applique sa jurisprudence "Ordre des avocats au barreau de Paris" (3) en reproduisant son considérant de principe, selon lequel "les personnes publiques sont chargées d'assurer les activités nécessaires à la réalisation des missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de prérogatives de puissance publique [...] en outre, si elles entendent, indépendamment de ces missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que dans le respect tant de la liberté du commerce et de l'industrie que du droit de la concurrence [...] à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais, également, justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l'initiative privée [...] une fois admise dans son principe, une telle intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur celui-ci". L'on sait que, par cet arrêt de principe, le Conseil d'Etat a clairement indiqué, contrairement à ce qu'avait pu soutenir une partie de la doctrine, que la liberté du commerce et de l'industrie n'avait pas été absorbée, voire court-circuitée par un principe dit d'égale concurrence, mais avait, au contraire, un rôle essentiel à jouer pour contrôler la légalité du principe même de la création par une personne publique d'une activité économique. Ce n'est qu'une fois admise la légalité de cette création que le principe d'égale concurrence trouve alors à s'appliquer, spécialement pour contrôler les modalités d'intervention de la personne publique dans l'économie.

Appliquant ces règles au cas d'espèce, le Conseil d'Etat estime que la création du service public local de téléassistance aux personnes âgées et handicapées était tout à fait légale. Elle entrait, tout d'abord, dans le chef de compétences du département au titre de son action en matière d'aide sociale (première condition). Cette création répondait ensuite à un intérêt public (seconde condition). A la suite de la jurisprudence "Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers" (4), le juge avait pris l'habitude d'exiger la réunion de deux conditions cumulatives pour admettre la création d'un service public par une personne publique et susceptible de heurter la liberté du commerce et de l'industrie. Il fallait, tout à la fois, qu'il y ait un intérêt public et des circonstances particulières de temps et de lieu tenant, pour l'essentiel, à l'absence ou à une carence de l'initiative privée. L'arrêt "Ordre des avocats au barreau de Paris" (5) a reformulé la jurisprudence de 1930, en faisant de l'existence d'un intérêt public la seule condition nécessaire et suffisante pour justifier l'intervention de la personne publique. Cela ne signifie pas que l'initiative privée n'est plus prise en considération. Elle est simplement reléguée au second plan comme l'un des éléments permettant d'établir l'intérêt public (ce qu'illustre clairement la formule selon laquelle l'intérêt public peut résulter "notamment" de la carence de l'initiative privée).

Afin d'établir l'existence de cet intérêt public, le Conseil d'Etat s'est fondé, dans la présente espèce, sur deux éléments. Il s'est basé, tout d'abord, sur l'objet de l'activité (mise à la disposition des usagers d'un matériel de télétransmission relié à une centrale de réception des appels fonctionnant en continu, identification du problème rencontré par l'usager, et détermination de la réponse appropriée avec possibilité d'intervention au domicile de l'usager). Il a relevé, ensuite, le fait que le financement de ce service était en partie assuré par le département, ce dernier devant, en effet, intervenir en réduction du coût réel de la prestation pour les usagers. Cette dernière considération est essentielle car elle permet d'établir la légalité de la création de ce service par le département, et cela même si des sociétés privées offrent déjà des prestations de téléassistance. Fort logiquement, la question des modalités d'intervention de la personne publique n'est pas évoquée par le Conseil d'Etat, car n'ayant plus d'objet, dès lors que le département de la Corrèze avait décidé de déléguer la gestion du service nouvellement créé.

Concernant, ensuite, le mode de gestion de cette activité, le Conseil d'Etat rappelle classiquement que le choix du groupement par le département de la Corrèze n'était pas contraire au droit de la concurrence. Il confirme, sur ce point aussi, la jurisprudence classique (6), selon laquelle les actes administratifs (unilatéraux ou contractuels) peuvent être saisis par le droit de la concurrence, soit en tant que tels lorsqu'ils concrétisent en une violation des règles de la concurrence par la personne publique, soit par leurs effets lorsqu'ils permettent, par exemple, à une entreprise de se placer en situation d'abus de position dominante. Le Conseil d'Etat rappelle enfin qu'il peut exercer un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation sur le choix opéré par la personne publique délégante (7).

  • Mise en oeuvre de la procédure adaptée : la liberté sous condition (CE 2° et 7° s-s-r., 24 février 2010, n° 333569, Communauté de communes de l'enclave des Papes, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4414ESB)

La procédure adaptée n'en finit plus de faire l'actualité ! Quelques jours seulement après l'annulation par le Conseil d'Etat de la disposition du décret n° 2008-1356 du 19 décembre 2008, relatif au relèvement de certains seuils du Code des marchés publics (N° Lexbase : L3156ICU), relevant de 4 000 à 20 000 euros le seuil des marchés dispensés de publicité et de mise en concurrence (8), la Haute assemblée apporte une nouvelle fois sa pierre à l'édifice de la procédure adaptée en précisant les conditions auxquelles il peut y être recouru, et cela dans le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

La procédure adaptée, formellement introduite dans notre droit par le Code des marchés publics de 2004 et reprise par celui de 2006, se différencie des procédures formalisées. Elle se caractérise par la liberté laissée au pouvoir adjudicateur de déterminer lui-même les modalités de publicité et de mise en concurrence qui lui semblent susceptibles de garantir le respect des principes fondamentaux de la commande publique. Naturellement, il s'agit donc d'une procédure qui laisse le pouvoir adjudicateur face à ses responsabilités en lui laissant un espace de liberté conséquent et qui se justifie aisément si l'on pense que cette procédure est réservée à des contrats d'un faible montant (C. marchés publ., art. 26 N° Lexbase : L2255IGM), ou présentant un objet spécifique (voir par exemple l'article 30 du Code des marchés publics N° Lexbase : L2220IGC, au sujet des marchés publics portant sur des services "non prioritaires"). Son régime juridique est fixé par l'article 28 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L3183ICU), lequel dispose que les modalités de la procédure adaptée sont fixées par le pouvoir adjudicateur "en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre, ainsi que des circonstances de l'achat". Le pouvoir adjudicateur peut alors négocier avec les candidats ayant présenté une offre sur tous les éléments de l'offre, y compris le prix. Rien ne lui interdit de s'inspirer des procédures formalisées du Code des marchés publics pour fixer les modalités de la procédure adaptée qu'il entend mener mais il doit savoir que, s'il décide de recourir volontairement et explicitement à l'une de ces procédures formalisées, obligation lui est alors faite d'appliquer les règles fixées par le code précité.

L'affaire en cause devant le Conseil d'Etat était révélatrice du problème récurrent posé par la procédure adaptée tenant aux limites de la liberté reconnue au pouvoir adjudicateur. Dans la présente espèce, la communauté de communes de l'enclave des papes avait lancé un appel d'offres en vue de la passation d'un marché de travaux publics portant sur l'électrification rurale, l'éclairage public et la mise en discrétion de réseaux. Elle avait précisé, dans l'avis d'appel public à la concurrence, que le marché serait passé selon une procédure adaptée, et que seules cinq entreprises seraient, à l'issue de l'examen de leur candidature, admises à présenter une offre. Saisi par une entreprise dont la candidature avait été écartée, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Nîmes a annulé la procédure de passation de ce marché, au motif qu'il appartenait à l'établissement public de coopération intercommunale d'indiquer les conditions de mise en oeuvre des critères de sélection des candidatures. Le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance en indiquant que l'exigence d'information appropriée des candidats n'impliquait nullement que le pouvoir adjudicateur indiquât les conditions de mise en oeuvre des critères de sélection des candidatures. Réglant l'affaire au fond, le Conseil n'a, cependant, pas donné raison à la communauté de communes et a annulé la procédure de passation du marché litigieux au motif que celle-ci n'avait pas porté à la connaissance des entreprises candidates les documents ou renseignements au vu desquels elle entendait procéder, sur la base de ces critères, à la sélection des candidatures. La procédure adaptée offre donc la liberté en matière de mise en oeuvre des critères de sélection des candidatures, mais cette liberté n'a de sens que si le pouvoir adjudicateur a préalablement fourni aux entreprises candidates une information appropriée sur les critères de sélection des candidatures. Cette solution appelle plusieurs remarques.

Il apparaît tout d'abord, et une nouvelle fois, qu'elle est fondée sur les principes généraux de la commande publique, c'est-à-dire sur les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes, dont on sait qu'ils sont des principes généraux du droit pour le Conseil d'Etat (9) et des principes à valeur constitutionnelle pour le Conseil Constitutionnel (10), ne sont évidemment pas sans lien avec les règles fondamentales dégagées par la Cour de justice de l'Union européenne à partir des Traités communautaires.

L'arrêt "Communauté de communes de l'enclave des papes" confirme ensuite les règles précédemment consacrées par le Conseil d'Etat dans son arrêt "ANPE" du 30 janvier 2009 (11). Concernant l'attribution d'un marché public en procédure adaptée, la Section du contentieux avait consacré une triple obligation.

Le pouvoir adjudicateur doit respecter, en premier lieu, une obligation d'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution du marché dès l'engagement de la procédure, dans l'avis d'appel public à la concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur décide de retenir d'autres critères d'attribution que celui du prix, obligation lui est faite, en second lieu, d'informer les candidats sur les conditions de mise en oeuvre des critères choisis. L'obligation d'information est alors double puisqu'elle porte, à la fois, sur les critères choisis et sur les modalités de leur mise en oeuvre.

Dans les deux cas (simple ou double obligation d'information), le pouvoir adjudicateur doit, en troisième lieu, déterminer les critères d'attribution du marché et leurs conditions de mise en oeuvre (lorsque d'autres critères que celui du prix ont été choisis) en fixant des modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné (12).

S'il reproduit les règles posées par son arrêt "ANPE", le Conseil d'Etat ajoute un complément d'importance dans son arrêt du 24 février 2010. Comme nous l'avons souligné, le pouvoir adjudicateur avait souhaité sélectionner les candidatures et ne retenir que cinq d'entre elles au stade de la présentation des offres. N'était donc pas en cause une question de choix des offres, comme dans l'affaire "ANPE", mais une question de sélection des candidatures. Il restait à savoir si la solution dégagée en 2009 concernant le stade ultime de la passation du marché pourrait, également, s'appliquer et dans les mêmes conditions à l'étape antérieure. Le Conseil d'Etat s'en inspire largement sans pour autant la reproduire à l'identique.

Au nom des principes généraux de la commande publique, il exige tout d'abord, comme il l'avait fait en 2009, que le pouvoir adjudicateur procède à une information appropriée des candidats sur les critères de sélection des candidatures dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, soit dans l'avis d'appel public à la concurrence, soit dans le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Cela implique, plus précisément, que le pouvoir adjudicateur indique les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection des candidatures. En l'espèce, cette information a été jugée insuffisante et a justifié l'annulation de la procédure de passation par le Conseil d'Etat. En indiquant dans l'avis d'appel public à la concurrence que les candidatures seraient sélectionnées sur la base d'un critère tiré de la "conformité administrative des documents exigés à l'appui des candidatures, garanties et capacités techniques, financières et professionnelles", la communauté de communes n'a "aucunement porté à la connaissance des entreprises candidates les documents ou renseignements au vu desquels elle entendait procéder, sur la base de ces critères, à la sélection des candidatures". Une telle solution est assurément logique car le critère retenu n'était pas suffisamment précis et n'avait, à vrai dire, guère de sens.

L'arrêt "Communauté de communes de l'enclave des papes" se distingue, néanmoins, de l'arrêt "ANPE" sur un second point. Contrairement à ce dernier qui exigeait que les conditions de mise en oeuvre des critères de sélection des offres soient précisées, le Conseil d'Etat juge, en l'espèce, que cela n'est pas nécessaire en ce qui concerne les critères de sélection des candidatures. Le pouvoir adjudicateur est donc tenu d'informer les candidats des critères qu'il entend mettre en oeuvre pour sélectionner ceux d'entre eux qui seront admis à présenter une offre, mais n'est pas dans l'obligation de préciser leurs conditions d'application en établissant une hiérarchisation ou une pondération des critères retenus.

  • Moins de liberté dans la passation des délégations de service public : l'obligation d'information des candidats des critères de sélection des offres (CE 2° et 7° s-s-r., 23 décembre 2009, n° 328827, Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8416EPE)

Les principes généraux du droit de la commande publique s'appliquent aux délégations de service public et modifient leur régime juridique sur des points essentiels. L'arrêt "Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles", lu le 23 décembre 2009, vient, en effet, encadrer la passation des délégations de service public, alors que celles-ci étaient traditionnellement considérées comme offrant une très grande liberté aux personnes publiques et à leurs cocontractants. Plus précisément, il impose, désormais, aux pouvoirs adjudicateurs d'informer les candidats des critères de sélection des offres.

Dans la présente affaire, l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles avait lancé une procédure de passation d'une délégation de service public ayant pour objet la mise en place et la gestion d'un dispositif numérique d'aide à la visite du musée national du château et du domaine national de Versailles. Saisi par un concurrent évincé, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Versailles (13) a annulé la procédure de passation à compter de la phase d'envoi aux candidats admis à présenter une offre du document définissant les caractéristiques des prestations, ainsi que les décisions se rapportant à la procédure et prises à compter de cette phase. Le Conseil d'Etat confirme cette ordonnance au terme du raisonnement suivant. Est, tout d'abord, posé le principe de l'application aux délégations de service public des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures (principes qui ont la valeur de principes généraux du droit selon le Conseil d'Etat). Afin d'assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une délégation de service public, avant le dépôt de leurs offres, une information sur les critères de sélection des offres. A cet égard, l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993, dite loi "Sapin" (14), qui impose seulement aux collectivités publiques d'adresser à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager, est sans incidence sur l'obligation d'information des candidats des critères de sélection de leurs offres. Cependant, ce même article 38 pose le principe de la libre négociation des offres, et le Conseil d'Etat en déduit que la personne publique n'est nullement tenue, au terme de cette négociation, d'informer les candidats des modalités de mise en oeuvre des critères de jugement des offres. La personne publique peut donc librement choisir le délégataire au regard d'une appréciation globale des critères sans être contrainte par des modalités de mise en oeuvre préalablement déterminées.

Cette solution très complète appelle les observations suivantes.

Au nom des principes généraux de la commande publique, le juge administratif consacre une obligation d'information des candidats sur les critères de sélection des offres qui est désormais commune aux marchés publics (15) et aux délégations de service public. L'unité de ces deux catégories de contrats administratifs spéciaux est ainsi réalisée sur ce point précis, ce qui indique que les principes généraux de la commande publique pourraient servir de fondement, à l'avenir, à l'élaboration d'une véritable théorie des contrats administratifs spéciaux.

Cette obligation d'information implique, ensuite, un certain nombre de contraintes. Les critères de jugement des offres devront, en effet, être préalablement définis par la personne publique délégante et portés à la connaissance des candidats avant le dépôt de leurs offres, ce qui supposera, en pratique, de les faire figurer dans l'avis de publicité et/ou dans le dossier de consultation. Lesdits critères devront être déterminés en fonction de l'objet du contrat et l'information les concernant devra, bien évidemment, être exhaustive.

L'obligation d'information ne concerne que les critères de sélection des offres, mais en aucun cas leurs modalités de mise en oeuvre. Sur ce point encore, les règles applicables aux délégations de service public rejoignent celles applicables aux marchés publics (16).

François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis et Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique


(1) TA Limoges, 8 avril 2004, n° 0100712, Société Infocom Service c/ Département de la Corrèze (N° Lexbase : A9735ESD).
(2) CAA Bordeaux, 2ème ch., 24 avril 2007, n° 04BX00911, SARL Infocom Service (N° Lexbase : A2288DWN).
(3) CE, Ass., 31 mai 2006, n° 275531, Ordre des avocats au Barreau de Paris (N° Lexbase : A7224DPA), Rec. CE, p. 272, BJCP, 2006, n° 47, p. 295, concl. D. Casas, AJDA, 2006, p. 1592, chron. C. Landais et F. Lénica, JCP éd. A, 2006, 1133, note F. Linditch, CP-ACCP, 2006, n° 59, p. 78, note L. Renouard, Dr. adm., 2006, comm. 129, note M. Bazex, Contrats Marchés publ., 2006, comm. 202, note G. Eckert, RLC, 2006, n° 641, note G. Clamour, Contrats, conc., consomm. 2006, comm. 188, comm. F. Rolin.
(4) CE Contentieux, 30 mai 1930, n° 06781, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers et Guin (N° Lexbase : A0744B9G).
(5) Selon le terme employé par S. Nicinski, Droit public des affaires, Montchrestien, 2009, n° 917, p. 396.
(6) CE, S, 3 novembre 1997, n° 165260, Société Intermarbres et Société Million et Marais (N° Lexbase : A5127ASP), Rec. CE, p. 393 et p. 406, concl. J.-H. Stahl, AJDA, 1997, p. 945, chron. T.-X. Girardot et F. Raynaud, AJDA, 1998, p. 247, note O. Guézou, CJEG, 1997, p. 441, concl., RFDA, 1997, p. 1228, concl., JCP éd. I, 1998, 165, chron. J. Petit, RDP, 1998, p. 256, note Y. Gaudemet.
(7) CE 2° et 7° s-s-r., 7 novembre 2008, n° 291794, Département de la Vendée (N° Lexbase : A1733EBS).
(8) CE 2° et 7° s-s-r., 10 février 2010, n° 329100, M. Franck Perez, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7061ERX).
(9) CE Avis, 29 juillet 2002, Société Blanchisserie de Pantin, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3022AZX).
(10) Cons. const., décision n° 2003-473 du 26 juin 2003, loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (N° Lexbase : A9631C89).
(11) CE, S, 30 janvier 2009, n° 290236, Agence nationale pour l'emploi (N° Lexbase : A7437ECG), BJCP, 2009, n° 64, p. 201, concl. B. Dacosta, p. 211, obs. C.M., Contrats Marchés publ., 2009, comm. 121, note W. Zimmer, RDI, 2009, p. 242, note S. Braconnier, RJEP, 2009, comm. 32, note D. Moreau, RLCT, 2009, n° 46, n° 1342, note E. Glaser.
(12) CE 2° et 7° s-s-r., 7 octobre 2005, n° 278732, Région Nord-Pas-de-Calais (N° Lexbase : A6994DKA), Rec. CE, p. 423, Contrats marchés publ., 2005, chron. 17, étude F. Lichère.
(13) TA Versailles, 28 mai 2009, n° 0904447, Société Antenna Audio (N° Lexbase : A6930ESH).
(14) Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, art. 38 (N° Lexbase : L7129AHI).
(15) CE, S, 30 janvier 2009, n° 290236, Agence nationale pour l'emploi, précité.
(16) Lire nos obs. sous CE 2° et 7° s-s-r., 24 février 2010, n° 333569, Communauté de communes de l'enclave des Papes, supra.

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Le congé de paternité peut être refusé à la compagne homosexuelle de la mère

Réf. : Cass. civ. 2, 11 mars 2010, n° 09-65.853, Mme Elodie Lucas, F-P+B (N° Lexbase : A1879ETR)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"

Le 07 Octobre 2010

Le congé de paternité consiste en une indemnité journalière, versée après la naissance de son enfant au père assuré, pendant une durée maximale de 11 jours consécutifs et dans les mêmes conditions d'ouverture de droit, de liquidation et de service que l'indemnité journalière versée au titre l'assurance maternité (CSS, art. L. 331-3 N° Lexbase : L2665HIK), sous réserve de cesser toute activité salariée ou assimilée (1). Les textes mentionnent expressément que ce congé, qui porte si bien son nom, bénéficie au père de l'enfant, mais ne comportent aucune indication sur le cadre familial (couple marié, uni par les liens d'un Pacs ou situation de concubinage), ni l'orientation sexuelle des parents. Cette carence des textes a été exploitée par un couple de femmes homosexuelles. L'une d'elle a ainsi demandé en 2006 le bénéfice d'un congé paternité pour un petit garçon mis au monde par sa compagne après une insémination artificielle. Toutes les juridictions saisies ont débouté la demanderesse. La jeune femme a souhaité voir son statut de "parent social" reconnu par la justice, c'est-à-dire de personne qui ne présente pas de lien de filiation avec l'enfant, mais qui se comporte comme des parents vis-à-vis de celui-ci.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Nantes a refusé d'accorder le bénéfice de ce congé de paternité. Par un jugement du 20 mars 2006 (2), le tribunal des affaires de la Sécurité sociale de Nantes a rejeté cette demande. Puis, par un arrêt du 30 janvier 2008, la cour d'appel de Rennes a confirmé le jugement nantais qui avait débouté la demande. Enfin, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé dans un arrêt du 11 mars 2010. Invoquant des motifs tirés du caractère discriminatoire d'un tel refus, ainsi que d'une violation de leur droit au respect de la vie privée, la demanderesse est désavouée par la Cour de cassation, parce qu'il résulte des articles L. 331-8 (N° Lexbase : L2978AW9) et D. 331-4 (N° Lexbase : L5410H9A) du Code de la Sécurité sociale que le bénéfice du congé de paternité est ouvert, à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique, au père de l'enfant. Ces textes excluent toute discrimination selon le sexe ou l'orientation sexuelle et ne portent pas atteinte au droit à une vie familiale. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel en a déduit que la demanderesse ne pouvait pas prétendre au bénéfice du congé de paternité. La Cour de cassation répond donc clairement à la question de la condition relative à l'identité du demandeur d'un congé de paternité (appartenance à un sexe, orientation sexuelle) (II), mais les textes relatifs au régime de ce congé restent complexes, disparates et imprécis sur ce point (I).
Résumé

Il résulte des articles L. 331-8 et D. 331-4 du Code de la Sécurité sociale, que le bénéfice du congé de paternité est ouvert, à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique, au père de l'enfant. Ces textes excluent toute discrimination selon le sexe ou l'orientation sexuelle et ne portent pas atteinte au droit à une vie familiale. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel en a déduit que Mme X ne pouvait pas prétendre au bénéfice du congé de paternité.

I - Congé de paternité : pluralité et complexité du régime juridique

Le plus souvent, les textes mentionnent que le bénéficiaire du congé de paternité est bien le père, mais ils n'indiquent pas que la partenaire homosexuelle de la mère puisse être bénéficiaire ; ils n'indiquent pas non plus que la partenaire homosexuelle de la mère soit expressément exclue du bénéfice du congé de paternité.

A - Régime applicable aux militaires

Le Code de la défense (art. R. 4138-5 N° Lexbase : L4686IAS) prévoit que le congé de paternité, prévu à l'article L. 4138-4 (N° Lexbase : L2601HZD), d'une durée de 11 jours consécutifs (ou de 18 jours consécutifs en cas de naissances multiples) est accordé à tout militaire après la naissance de son ou de ses enfants. Le militaire adresse sa demande par écrit au commandant de la formation administrative au moins un mois avant la date à laquelle il entend prendre son congé. Pour bénéficier du congé, le militaire doit justifier de la filiation de l'enfant par présentation d'un acte de naissance.

Ce congé doit être pris dans un délai de 4 mois à compter de la naissance de son ou de ses enfants. Toutefois, ce congé peut être reporté au-delà de ce délai lorsque l'enfant est hospitalisé (le congé de paternité doit être pris dans les quatre mois qui suivent la fin de l'hospitalisation) ; si la mère décède du fait de l'accouchement (le père a droit au congé postnatal de maternité dont la mère n'a pas pu bénéficier. Le congé de paternité doit être pris dans les quatre mois qui suivent la fin du congé postnatal de maternité) ; l'enfant décède (le congé de paternité doit être pris dans les quatre mois qui suivent le décès) ; ou lorsque les nécessités de service sont impérieuses (le militaire peut prendre le congé de paternité à compter de la fin de sa mission opérationnelle, dès que la période disponible entre deux missions permet le bénéfice de ce droit).

B - Régime applicable aux salariés

  • Régime légal et réglementaire

Le législateur a prévu un certain nombre de règles tirées des rapports individuels comme de rapports collectifs du travail, ainsi que du régime de l'emploi et du chômage. L'ensemble donne une image assez complexe du congé de paternité.

- Rapports individuels de travail

Après la naissance de son enfant, le père salarié bénéficie d'un congé de paternité de 11 jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples. Le congé de paternité entraîne la suspension du contrat de travail. Le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité avertit son employeur au moins un mois avant la date à laquelle il envisage de le prendre, en précisant la date à laquelle il entend y mettre fin (C. trav., art. L. 1225-35 N° Lexbase : L0918H9U).

Le congé de paternité est pris dans les quatre mois suivant la naissance de l'enfant. Le congé peut être reporté au-delà des quatre mois dans l'un des cas suivants : hospitalisation de l'enfant (le congé est pris dans les quatre mois qui suivent la fin de l'hospitalisation) et décès de la mère (le congé est pris dans les quatre mois qui suivent la fin du congé dont bénéficie le père en application de l'article L. 1225-28 N° Lexbase : L0861H9R) (C. trav., art. D. 1225-8 N° Lexbase : L2604IAP).

A l'issue du congé de paternité, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente (C. trav., art. L. 1225-36 N° Lexbase : L0921H9Y). Est puni des amendes prévues pour les contraventions de la cinquième classe le fait de méconnaître les dispositions des articles L. 1225-35 (N° Lexbase : L0918H9U) et L. 1225-36 relatives au congé de paternité (C. trav., art. R. 1227-5 N° Lexbase : L2525IAR).

Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé payé : les périodes de congés payés ; les périodes de congé maternité, paternité et d'adoption (C. trav., art. L. 3141-5 N° Lexbase : L3969IBM). Ne peuvent être déduits du congé annuel les absences autorisées ainsi que les congés de maternité, paternité et d'adoption (C. trav., art. D. 3141-4 N° Lexbase : L9454H9Z).

Les employeurs détachant temporairement des salariés sur le territoire national sont soumis aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France, en matière de législation du travail, pour ce qui concerne les matières suivantes : libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ; discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; protection de la maternité, congés de maternité et de paternité, congés pour événements familiaux (C. trav., art. L. 1262-4 N° Lexbase : L1747H9L).

- Rapports collectifs de travail

Le rapport annuel sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise, prévu à l'article L. 2323-57 du Code travail (N° Lexbase : L2874H9C), comporte des indicateurs permettant d'analyser la situation comparée des femmes et des hommes dans l'entreprise et son évolution. Ce rapport comporte, également, des indicateurs permettant d'analyser les conditions dans lesquelles s'articulent l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale des salariés. Ces indicateurs comprennent des données chiffrées permettant de mesurer les écarts. Ces indicateurs sont relatifs à l'articulation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale et portent, notamment, sur l'existence d'un complément de salaire versé par l'employeur pour le congé de paternité, le congé de maternité, le congé d'adoption) (C. trav., art. D. 2323-12 N° Lexbase : L8900IDY).

- Emploi-Chômage

Est réputée immédiatement disponible pour occuper un emploi, au sens de l'article L. 5411-7, la personne qui, au moment de son inscription à Pôle emploi ou du renouvellement de sa demande d'emploi, bénéficie d'un congé de paternité (C. trav., art. R. 5411-10).

  • Régime conventionnel

Le droit conventionnel est intervenu très largement en matière de congé de paternité, pour en compléter le régime légal ou réglementaire. Les références abondent.

Il pourrait, ainsi, être fait mention de l'avenant n° 74 du 27 avril 2009 (art. 29) à la Convention collective nationale de travail des gardiens, concierges et employés d'immeubles du 11 décembre 1979 , selon lequel conformément aux articles L. 1225-35 et L. 1225-36 du Code du travail, le salarié peut bénéficier d'un congé de paternité quelle que soit la nature de son contrat de travail et quelle que soit son ancienneté. Le père peut cesser son activité professionnelle pendant une période de 11 jours calendaires consécutifs ou 18 jours en cas de naissances multiples. Ces jours sont cumulables avec les 3 jours accordés pour une naissance (art. 27. 3). Le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité avertit par écrit son employeur au moins 1 mois avant la date à laquelle il envisage de le prendre, en précisant la date à laquelle il entend y mettre fin.

Il faudrait, également, citer la Convention collective nationale de l'industrie du pétrole du 3 septembre 1985 prévoyant, en son article 924, que le congé de paternité est assimilé à du temps de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Les salariés ayant 1 an de présence dans l'entreprise à la date de la naissance bénéficient du maintien de leur salaire par l'employeur, sous déduction du montant des indemnités journalières "paternité" versées par la Sécurité sociale dès la date de prise d'effet du présent accord, pendant les 6 premiers jours du congé de paternité ; ou à compter du 1er janvier 2011, pendant les 11 premiers jours du congé de paternité. Le congé de paternité est assimilé à une période de présence pour la répartition de l'intéressement et de la participation. Le départ en congé de paternité ne porte pas atteinte aux droits du salarié à la formation professionnelle ; notamment, l'acquisition du droit individuel à la formation (Dif) se poursuit au même rythme que durant le temps de travail effectif.

C - Autres régimes spéciaux

  • Personnel de bord

Le Code de travail maritime (art. 5-1 N° Lexbase : L3010HGL) prévoit que les personnels employés à bord des navires utilisés pour fournir de façon habituelle, dans les eaux territoriales ou intérieures françaises, des prestations de services de remorquage portuaire et de lamanage sont soumis aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles du lieu de prestation, applicables en matière de législation du travail aux salariés employés par les entreprises de la même branche, établies en France, pour ce qui concerne les matières suivantes : libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, exercice du droit de grève ; durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, congés pour événements familiaux, congés de maternité, congés de paternité.

  • Internes de médecine, praticiens hospitaliers

L'interne bénéficie d'un congé de maternité, d'adoption ou paternité d'une durée égale à celle prévue par la législation de la Sécurité sociale. Est garanti, pendant la durée de ce congé, le maintien de la rémunération mentionnée aux 1°, 2° et 4° de l'article R. 6153-10 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3856IEK, C. santé publ., art. R. 6153-13 N° Lexbase : L3853IEG).

Les praticiens régis par la présente section ont droit à un congé de maternité, d'adoption ou de paternité d'une durée égale à celle prévue par la législation de la Sécurité sociale, pendant lequel l'intéressé perçoit l'intégralité des émoluments prévus à l'article R. 6152-23 (N° Lexbase : L3573HTI, C. santé publ., art. R. 6152-35 N° Lexbase : L3577HTN ; même disposition pour les praticiens des hôpitaux à temps partiel, C. santé publ., art. R. 6152-227 N° Lexbase : L0352HPQ ; pour les praticiens contractuels, C. santé publ., art. R. 6152-418 N° Lexbase : L0371HPG ; assistants des hôpitaux, C. santé publ., art. R. 6152-520 N° Lexbase : L5802HBI).

II - Condition relative à l'identité du demandeur : appartenance à un sexe, orientation sexuelle

A - Condition relative à l'identité du demandeur : conformité au principe de non discrimination

  • Discrimination selon l'orientation sexuelle

- Droit européen

Par un arrêt rendu le 7 janvier 2004 (3), la CJCE a condamné la discrimination à propos du droit à une pension de réversion au sein d'un couple formé par une femme et une transsexuelle. Sous le visa des articles 13 § 1 du Traité de l'Union européenne et 21 de la Charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000, la CJCE a conclu que toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle est prohibée.

Dans le même sens, la CJCE a relevé que le débiteur d'une prestation n'a pas respecté le principe communautaire d'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, au sens de la Directive 2000/78/CE (Directive du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail N° Lexbase : L3822AU4) : une telle discrimination, fondée sur l'orientation sexuelle est bien contraire au droit communautaire, dans la mesure où la CJCE considère que la Directive 2000/78/CE s'applique bien et où la pension de veuf doit être assimilée à une "rémunération" au sens de la Directive 2000/78/CE, la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle étant qualifiée de "directe" (4).

- Droit interne

Le législateur a prévu qu'est nulle toute clause d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat de travail qui réserve le bénéfice d'une mesure quelconque, à un ou des salariés, en considération du sexe. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque cette clause a pour objet l'application des dispositions relatives à la protection de la grossesse et de la maternité ; à l'interdiction d'emploi prénatal et postnatal ; à l'allaitement ; à la démission de la salariée en état de grossesse médicalement constaté ; enfin, au congé de paternité.

En l'espèce, selon la demanderesse, est interdite toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Le refus de la CPAM de Nantes d'étendre le droit à un congé de paternité à la compagne homosexuelle de la mère qui élève l'enfant à ses côtés dans les mêmes conditions qu'un père, de lui en refuser le bénéfice et de la priver, par conséquent, des prestations sociales auxquelles un tel congé donnerait droit est constitutif d'une discrimination illicite des salariés et des assurés sociaux homosexuels par rapport aux salariés et aux assurés sociaux hétérosexuels. Ce refus serait discriminatoire, en violation de l'article 1er de la Constitution (N° Lexbase : L0827AH4) ; de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (N° Lexbase : L1365A9G) ; de l'article 13 § 1er du Traité instituant la Communauté européenne ; des articles 1 et 2 § 1er de la Directive CE n° 2000-78 du Conseil du 27 novembre 2000 ; de l'article 21 § 1er de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; de l'article 14 de la CESDH (N° Lexbase : L4747AQU) ; enfin, des articles L. 122-25-4 du Code du travail (N° Lexbase : L9580GQU, dans sa version applicable en l'espèce) et L. 331-8 du Code de la Sécurité sociale.

La Halde, dans un communiqué de presse du 17 septembre 2007, a relevé des disparités dans le bénéfice des prestations sociales entre les caisses d'allocations familiales et les caisses primaires d'assurance maladie. En effet, à la naissance de l'enfant, la Caf a pris en compte la notion de "foyer fiscal" et n'a pas accordé l'allocation de parent isolé à la mère biologique. Les allocations familiales sont versées selon le taux accordé à un couple. En revanche, la CPAM a refusé le congé de paternité au motif que la réclamante n'est pas le père. Le président de la Halde a adressé un courrier au Premier ministre concernant les disparités dans les conditions d'attribution des prestations sociales en lien avec l'éducation des enfants, aux couples de même sexe.

Des réflexions ont été menées ces dernières années sur la position du juriste face à la question de l'homosexualité, et plus largement, le principe de la non-discrimination fondée sur l'orientation sexuelle (5). L'arrêt rapporté contribuera à alimenter de telles réflexions, tant la Cour de cassation a fait preuve de laconisme. En effet, selon la Cour de cassation, il résulte des articles L. 331-8 et D. 331-4 du Code de la Sécurité sociale, que le bénéfice du congé de paternité est ouvert à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique au père de l'enfant. Ces textes excluent toute discrimination selon le sexe ou l'orientation sexuelle, et ne portent pas atteinte au droit à une vie familiale. Mais la Cour de cassation ne répond pas au moyen soulevé par la demanderesse, et n'explique notamment pas comment et pourquoi les articles L. 331-8 et D. 331-4 du Code de la Sécurité sociale excluent toute discrimination selon l'orientation sexuelle.

  • Discrimination selon l'appartenance à un sexe

Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation n'a pas validé le raisonnement suivi par la demanderesse. En effet, il résulte des articles L. 331-8 et D. 331-4 du Code de la Sécurité sociale, que le bénéfice du congé de paternité est ouvert à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique au père de l'enfant. La Cour de cassation en tire la conséquence (déjà mentionnée plus haut) que ces textes excluent toute discrimination selon le sexe ou l'orientation sexuelle, et ne portent pas atteinte au droit à une vie familiale. Là aussi, la Cour de cassation ne répond pas au moyen soulevé par la demanderesse, et n'explique notamment pas comment et pourquoi les articles L. 331-8 et D. 331-4 excluent toute discrimination selon l'appartenance à un sexe.

B - Condition relative à l'identité du demandeur : conformité au principe droit au respect de la vie privée

La demanderesse soulevait l'argumentation connue en droit du travail et droit de la protection sociale tirée du droit au respect de la vie privée. En l'espèce, le refus de la CPAM de Nantes d'étendre le droit à un congé de paternité à la compagne homosexuelle de la mère qui élève l'enfant à ses côtés dans les mêmes conditions qu'un père porte une atteinte illicite et discriminatoire au droit à la vie familiale de cette compagne homosexuelle, "parent sociologique" d'un enfant qu'elle élève et dont elle s'occupe comme s'il était le sien. En ayant jugé que ce refus n'était pas illicite, la cour d'appel a violé l'article 1er de la Constitution, l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les 10ème et 11ème alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4) ; l'article 13 § 1er du Traité instituant la Communauté européenne ; l'article 21 § 1er de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne ; les articles 8 § 1er et 14 de la CEDH ; les articles L. 122-25-du Code du Travail (dans sa version applicable en l'espèce) et L. 331-8 du Code de la Sécurité sociale.

A nouveau, par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation n'a pas suivi le raisonnement de la demanderesse. La Cour de cassation tire la conséquence des articles L. 331-8 et D. 331-4 du Code du travail, que le bénéfice du congé de paternité est ouvert à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique au père de l'enfant : ces textes ne portent pas atteinte au droit à une vie familiale. Là aussi, la Cour de cassation ne répond pas au moyen soulevé par la demanderesse, et n'explique notamment pas comment et pourquoi les articles L. 331-8 et D. 331-4 ne portent pas atteinte au droit au respect de la vie privée.


(1) En cas de naissances multiples, la durée maximale est égale à dix-huit jours consécutifs. L'indemnité journalière n'est pas cumulable avec l'indemnisation des congés maladie et d'accident du travail, ni avec l'indemnisation par l'assurance chômage ou le régime de solidarité (CSS, art. L. 331-8). L'assuré doit adresser à l'organisme de sécurité sociale la ou les pièces justificatives (dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale) et attester de la cessation de son activité professionnelle (CSS, art. D. 331-4).
(2) P. Morvan, JCP éd. S, 2006, 1993 et au JCP éd. E, 2007, 1197, n° 7.
(3) CJCE, 7 janvier 2004, aff. C-117/01, K. B. c/ National Health Service Pensions Agency (N° Lexbase : A6500DAY). J.-Ph. Lhernould, Transsexualisme, concubinage homosexuel et hétérosexuel et prestations sociales, RJS, 2004, p. 263-265 ; J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert, Droit communautaire et transsexualisme, L'actualité juridique, Droit administratif, 2004, p. 321 ; Ph. Icard, Un droit d'accès au mariage protégé par la CJCE, Recueil Le Dalloz, 2004, Jur., p. 979-983 ; L. Idot, Egalité de traitement. Un transsexuel peut bénéficier d'une pension de réversion si la condition de mariage requise est objectivement impossible, Europe, 2004, Comm. nº 75, p. 19 ; J. Hauser, Personnes et droits de la famille. Goodwin à Luxembourg : il ne manquait plus que la Cour de justice des Communautés européennes!, Revue trimestrielle de droit civil, 2004, p. 266-267 ; J.-P. Marguénaud et J. Raynard, Sources internationales. Le droit communautaire à la rescousse du veuf transsexuel privé de pension de réversion pour cause de mariage impossible, RTDC, 2004, p. 373-375 ; J.-P. Didier, Le mariage des transsexuels et la pension de réversion vus par le droit communautaire, L'actualité juridique fonctions publiques, 2004, p. 199-200.
(4) Lire nos obs., Du droit du partenaire homosexuel à une pension de réversion, Lexbase Hebdo n° 302 du 25 avril 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N7962BEM). Réf. : CJCE, 1er avril 2008, aff. C-267/06, Tadao Maruko c/ Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen (N° Lexbase : A7276D7M).
(5) Discrimination liée à l'orientation sexuelle dans l'emploi... Questions à Maître Christine Segard-Deleplanque, Avocate, Carnot Juris, consultante pour la Halde, Lexbase Hebdo n° 388 du 26 mars 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6046BNA) ; Réf. : CPH Lille, sec. Activités diverses, 21 janvier 2010, n° 09/00756, Monsieur Julien Plichon c/ Flasen (N° Lexbase : A8993ERI).


Décision

Cass. civ. 2, 11 mars 2010, n° 09-65.853, Mme Elodie Lucas, F-P+B (N° Lexbase : A1879ETR)

CA Rennes, 30 janvier 2008, n° 06/02651, Madame Elodie L. c/ Caisse primaire d'assurance maladie de Nantes (N° Lexbase : A3894D4Y)

Textes applicables : CSS, art. L. 331-8 (N° Lexbase : L2978AW9) et D. 331-4 (N° Lexbase : L5410H9A) ; DDHC, art. 1er (N° Lexbase : L1365A9G) ; Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, 10ème et 11ème alinéas (N° Lexbase : L6821BH4) ; Traité instituant la Communauté européenne, art. 13 § 1er  ; Charte des droits fondamentaux de l'union européenne, art. 21 § 1er ; CESDH, art. 8 § 1er (N° Lexbase : L4798AQR) et 14 (N° Lexbase : L4747AQU)

Mots-clés : congé paternel ; bénéficiaire ; compagne homosexuelle de la mère (non) ; discrimination selon l'orientation sexuelle (non) ; discrimination homme/femme (non)

Lien base : (N° Lexbase : E0210ETX)

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