La lettre juridique n°358 du 9 juillet 2009

La lettre juridique - Édition n°358

Éditorial

"Petits" tracas liés à une Yougoslavie... inscrite aux abonnés absents

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


L'ennui avec la disparition des Etats, ce n'est pas seulement qu'il faille changer toutes les cartes Vidal Lablache des écoles de France, où qu'il faille réactualiser son Trivial Pursuit pour ne pas se découvrir une culture obsolète... Plus sérieusement, la dissolution, la cession, la sécession ou encore l'unification des Etats génèrent des imbroglios juridiques relevant du droit international public comme du droit international privé dont la complexité des effets n'apparaît parfois que tardivement.

A priori, le premier problème lié à ce qu'il est convenu d'appeler "la succession d'Etats" a trait à la reconnaissance internationale et à l'application des Traités internationaux. La règle est l'intransmissibilité des Traités internationaux liant l'ancien Etat aux Etats successeurs, aux termes de l'article 34 de la Convention de Vienne de 1969. Mais en pratique, principes d'équilibre international et de continuité des Etats obligent, la Communauté internationale trouve rapidement les ressorts nécessaires pour que les instances et autres organisations internationales ne soient pas bloquées par tant de chambardements dans leurs rangs. Pour un exemple topique, on se souviendra que la Fédération de Russie aura ainsi succédé à l'URSS, sans délai, en qualité de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, sans que l'on puisse arguer du fait que l'Union soviétique avait été clairement dissoute et ses engagements internationaux aussi...

Plus vraisemblablement, l'imbroglio afférent à la succession des Etats concerne, d'une part, le droit de la nationalité et l'apatridie résultant bien souvent de cette "tectonique" des Etats. D'autre part, c'est sur le terrain patrimonial que se dispute l'indivision successorale, les puissances publiques étant, traditionnellement, des acteurs majeurs de l'économie mondiale, notamment, par le truchement de leurs bras séculiers : les banques centrales.

Et, c'est presque mécaniquement que les contentieux relatifs au recouvrement de dettes contractées directement ou indirectement par l'Etat prédécesseur viennent s'amonceler devant la porte du bureau des réclamations ouvert par l'Etat successeur.

L'affaire jugée le 11 février 2009 devant le tribunal de commerce de Paris, sur laquelle Lexbase Hebdo - édition privée générale a souhaité rencontrer Maître Rémi Barousse, avocat du cabinet Salans et magistrat en disponibilité, recèle, ainsi, des trésors d'enseignement sur les conséquences patrimoniales de la disparition de l'Etat de Yougoslavie.

En effet, la Convention sur la succession d'Etats en matière de biens, archives et de dettes d'Etats de 1983 a beau fournir un vade mecum à l'attention des Etats soucieux de faire peau neuve, il n'en demeure pas moins que la liquidation de l'indivision s'avère souvent difficile et longue à mettre en place. Si tous les Etats successeurs appliquaient l'article 24 de ladite Convention, sur les effets d'une succession d'Etats sur les créanciers et débiteurs privés, aux termes duquel "1. Une succession d'Etats ne devrait pas porter atteinte aux droits et obligations des créanciers et débiteurs privés. 2. Les Etats successeurs ont l'obligation de reconnaître dans leur ordre juridique l'existence des droits et obligations des créanciers qui ont été établis dans l'ordre juridique de l'Etat prédécesseur. [...]", on serait bien obligé de reconnaître que la bonne volonté des Etats à s'exécuter différerait sensiblement selon les circonstances ayant donné lieu à la disparition du ou des Etats concernés.

Les successions pacifiques de l'ancienne URSS ou de l'ancienne Tchécoslovaquie auront permis d'éviter l'inclusion du patos dans la résolution des problèmes juridiques internationaux soulevés à cette occasion. Tel n'est assurément pas le cas de la succession de la Yougoslavie, orchestrée sur fond de guerre des Balkans, d'épuration ethnique et de vindictes nationalistes. Ajoutez à cela, comme en l'espèce, le fait que la dette ainsi contractée par l'ancienne Banque centrale de Yougoslavie par garantie des dettes de la Banque franco-yougoslave, aurait servi au blanchiment d'argent et à l'achat d'armes, et l'on comprendra aisément qu'il y a un passif patrimonial que la nouvelle Serbie ou que le Monténégro, récemment indépendant, ne souhaitent pas assumer.

Sur le plan juridique, l'affaire paraissait entendue : si les juges consulaires commencent par rappeler que les banques centrales sont des institutions juridiques et patrimoniales distinctes des Etats qui en sont, pourtant, l'unique actionnaire, ils précisent aussitôt que, avec la disparition de la République socialiste fédérale de Yougoslavie en 1992, disparaissait la Banque nationale de Yougoslavie débitrice... sans qu'aucune continuité ne prévale entre la Serbie, sa Banque centrale, et les anciennes institutions. La liquidation successorale des Etats a ceci de particulier en matière de droit international, que seul l'actif est certain de trouver attributaire, mais que personne ne se dispute un passif bien encombrant (la dette en cause portant sur plus de 75 millions de dollars). "La Yougoslavie a six Républiques, cinq nations, quatre langues, trois religions, deux alphabets et un seul parti" ; la magie illyrienne n'aura donc pas opéré... et le mirage de Tito aura complètement disparu.

Il reste que l'on ne peut s'empêcher de penser, à la lecture de cette décision, aux conséquences juridiques qu'il conviendrait d'appréhender à l'occasion d'une sécession probable de la Belgique, avec pour donne singulière son appartenance à l'Union européenne et son adhésion à la zone euro. Comme le montre une étude de Jean-Sébastien Jamart, Maître de conférences à l'Université de Liège, sur la disparition de la Belgique sous l'angle du droit international, la conjugaison d'une future "Belgique continuée", constituée de Bruxelles et de la Wallonie, et de la Flandre indépendante risque fort bien de désorienter la Communauté internationale et, d'ores et déjà, les investisseurs privés auprès d'un Etat belge dont la disparition marquerait le signe d'une insécurité juridique paralysante.

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Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - juillet 2009

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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Cette chronique traitera, tout d'abord, s'agissant du régime de groupe, d'un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Lyon qui consacre la liberté contractuelle des sociétés incluses dans le périmètre d'intégration fiscale quant au sort de l'économie d'impôt résultant de son application (CAA Lyon, 5ème ch., 2 avril 2009, n° 05LY01975, Société Wolseley Centers France). Ensuite, en matière de droit fiscal international, et plus particulièrement des prix de transfert, la cour administrative d'appel de Versailles juge que les éléments comparables doivent être suffisamment pertinents pour emporter la conviction du juge de l'impôt (CAA Versailles, 3ème ch., 5 mai 2009, n° 08VE02411, Société Man Camions et Bus).
  • Intégration fiscale et répartition de la charge d'impôt : le triomphe de la liberté contractuelle (CAA Lyon, 5ème ch., 2 avril 2009, n° 05LY01975, Société Wolseley Centers France N° Lexbase : A8825EGX)

Les décisions rendues par le juge de l'impôt en matière d'intégration fiscale sont rares. Rappelons que ce régime permet à une société intégrante de "se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice" (CGI, art. 223 A N° Lexbase : L3718IAX) ; les sociétés intégrées étant alors tenues, à titre de garantie, à hauteur de l'impôt qu'elles auraient acquitté si elles n'avaient pas été intégrées. L'intérêt d'une telle option est de profiter d'une économie d'impôt du fait de l'activité déficitaire de l'une au moins-des sociétés membres qui conservent néanmoins leur personnalité juridique. Mais la question qui se pose alors est de savoir comment répartir cette économie d'impôt ou de prévoir les conséquences d'une sortie du groupe : une société intégrée déficitaire a pu permettre la constitution d'une créance de carry-back dont la société intégrante reste titulaire en cas de sortie du groupe. La loi fiscale ne fixant aucun cadre, les parties sont libres de recourir aux instruments de droit privé en concluant une convention d'intégration fiscale (1) entre la filiale et la société tête de groupe visant à traiter de ces conséquences dans la limite des droits des tiers, dont les créanciers et les associés minoritaires. S'agissant des conséquences de la convention d'intégration fiscale, la doctrine fiscale et les praticiens se sont prononcés dans le sens d'opinions divergentes. Et depuis peu, la jurisprudence témoigne du contentieux existant entre le service et les contribuables quant à l'interprétation des effets d'une convention d'intégration conclue par les sociétés membres de ce régime (CAA Versailles, 1ère ch., 23 novembre 2006, n° 04VE02058, Société Datex Ohmeda N° Lexbase : A4472DTS ; TA Cergy-Pontoise, 5ème ch., 15 mai 2008, n° 04-5972, Société Océ NV, RJF, janvier 2009, n° 15).

L'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Versailles s'inscrit dans le même cadre : au cas particulier, la convention d'intégration fiscale conclue par la société requérante et ses filiales intégrées avait prévu leur participation à la charge globale d'IS "au prorata de leurs résultats et non en fonction des cotisations dont elles auraient été redevables si elles avaient été imposées individuellement". A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a estimé qu'une telle convention devait être regardée comme une subvention indirecte pour les filiales devant faire l'objet d'un état joint aux déclarations du contribuable (2) (CGI, ann. III, art. 46 quater-0 ZL N° Lexbase : L9883IAB). En son absence, une amende de 5 % des sommes ne figurant pas sur l'état déclaratif concerné a été appliquée au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997 (CGI, art. 1734 bis N° Lexbase : L4201HMK ; aujourd'hui : CGI, art. 1763 N° Lexbase : L4748HWR).

Le ministre, débouté par le juge de première instance (TA Lyon, 6ème ch., 27 septembre 2005, n° 03-728, Société Wolseley Centers France, RJF, février 2006, n° 127), interjettera appel de cette décision qui sera confirmée à bon droit : la loi fiscale n'a jamais entendu énoncer que l'économie d'impôt sur les sociétés ne bénéficierait qu'à la seule société intégrante et l'administration ne pouvait pas s'appuyer sur la solidarité fiscale instituée par le dernier alinéa de l'article 223 A du CGI entre les sociétés, ni même sur les conditions de paiement des acomptes d'IS (CGI, art. 223 N N° Lexbase : L4246HLT).

L'arrêt "Société Wolseley Centers France" censure la doctrine administrative (3) et traduit un certain trouble de l'administration fiscale qui tente vainement d'opposer, lorsque sur le plan technique ses redressements sont mal fondés, les grands principes généraux du droit fiscal dont une prétendue "rupture d'égalité entre les sociétés du groupe et vis-à-vis des sociétés tierces" (concl. D. Raisson, Dr. fisc., 2009, comm. 355) qui ne découle pourtant que de la loi fiscale elle-même (4).

  • Prix de transfert : retour sur la pertinence des comparables (CAA Versailles, 3ème ch., 5 mai 2009, n° 08VE02411, Société Man Camions et Bus N° Lexbase : A4141EHT)

Les Etats souverains déterminent leur politique fiscale et arrêtent des taux et des conditions de prélèvement qui peuvent sensiblement différer ; ce qui, aux yeux de l'entreprise se livrant à des échanges transfrontaliers, pourrait influencer la localisation de la base imposable (5). C'est dans ce cadre que les prix de transfert entre entreprises liées c'est-à-dire dépendantes en droit ou en fait (CE Contentieux, 25 janvier 1989, n° 49847, Société Hempel Peintures Marine France N° Lexbase : A0838AQ4 ; CAA Bordeaux, 4ème ch., 8 décembre 2005, n° 02BX01366, Société Corail N° Lexbase : A5173DMK ; CE 3° et 8° s-s-r., 7 novembre 2005, n° 266436, Société Cap Gemini N° Lexbase : A4994DLK) sont susceptibles de générer un contentieux avec l'administration fiscale qui s'appuiera alors sur l'article 9 du modèle de Convention fiscale de l'OCDE (6) et sur le droit interne. Plusieurs armes ont été mises à sa disposition par un législateur soucieux de préserver "sa" base imposable : il s'agit alors de relocaliser les bénéfices en France (CGI, art. 57 N° Lexbase : L1594HLM) ; et, d'améliorer le contrôle des comptabilités en imposant à l'entreprise une documentation sur les prix de transfert (LPF, art. L. 13 B N° Lexbase : L8501AEL ; instruction du 23 juillet 1998, BOI 13 L-7-98 N° Lexbase : X7862AAG ; N. Gharbi, Le contrôle fiscal des prix de transfert, L'Harmattan, coll. : Finances publiques, 2005, p. 329) (6) tenant en une analyse fonctionnelle et une sélection d'entreprises comparables afin de reconstituer un prix transactionnel censé correspondre au prix de pleine concurrence et d'écarter ainsi tout soupçon de transfert de base imposable à l'étranger. L'administration entend, également, jouer un rôle pédagogique en publiant un guide (7) relatif aux prix de transferts à l'intention des petites et moyennes entreprises (instruction du 28 novembre 2006, BOI 4 A-13-06 N° Lexbase : X7692ADA) qui ne pourront plus se retrancher derrière le paravent de l'ignorance (8).

Au cas particulier, le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique a interjeté appel d'une décision rendue en première instance par le tribunal administratif de Versailles qui a prononcé la décharge, pour les années 1998 et 1999, des cotisations notamment d'impôt sur les sociétés, d'une retenue à la source et de pénalités pour un montant de 2 613 687 euros. La société contribuable française était une filiale d'une société mère allemande et elle avait été constituée afin d'assurer la distribution exclusive de poids lourds. Elle a pris soin de fixer ses prix de revente en recourant à la méthode du prix de revente "en minorant le prix facturé à ses clients d'une marge de 28,86 % en 1997 et de 31,71 % en 1998". Ces marges ont été déterminées par comparaison avec les marges brutes réalisées par une petite dizaine d'entreprises françaises qui exerçaient l'activité de distributeur ou de concessionnaire de véhicules. On touche le coeur du problème qui mêle des données juridiques et économiques : les comparables arrêtés étaient-ils pertinents ? La pertinence est une notion employée à plusieurs reprises dans le guide précité publié en 2006 sous le sceau de la direction générale des impôts. A priori, c'est un concept qui s'applique à tous les acteurs du droit fiscal dont l'Etat-et qui n'est pas compatible avec une mise en oeuvre approximative ainsi que l'a rappelé la plus récente jurisprudence (CAA Paris, 2ème ch., 25 juin 2008, n° 06PA02 841, Société Novartis Groupe France SA N° Lexbase : A9753D94 ; concl. J. Evgenas, BDCF, février 2009, n° 15 ; lire nos obs., Chronique de droit fiscal des entreprises mars 2009 N° Lexbase : N9834BI3) et le présent arrêt commenté. Le service estimait que les termes de comparaison arrêtés par la société n'étaient pas pertinents dès lors que l'échantillon ne comprenait pas d'entreprises importatrices de véhicules. L'administration fiscale a alors considéré, à partir de sa propre analyse substituée à celle de la société contribuable, que les prix d'achat auprès de la société mère allemande révélaient un transfert indirect de base imposable relevant des dispositions de l'article 57 du CGI. La juridiction d'appel ne validera pas in fine le raisonnement de l'administration fiscale : les cinq entreprises retenues par le service pour fonder ses redressements prêtaient à discussion dès lors, notamment, que les marchés néerlandais, italien et portugais, sur lesquels opéraient trois de ces entreprises, n'offraient pas le même particularisme que le marché français lié à l'ancienneté d'un concurrent historique l'entreprise Renault Véhicules Industriels-et des parts de marché que ce dernier détenait, ce qui influençait nécessairement les prix. La juridiction d'appel rappellera salutairement que c'est à l'administration fiscale de démontrer en quoi la méthode qu'elle proposait était plus pertinente que celle retenue par l'entreprise d'autant que les marchés retenus étaient étrangers et qu'il lui fallait alors d'établir que leurs caractéristiques étaient sinon similaires-au moins proches du marché français. Cette approche incertaine de l'administration fiscale témoigne de sa volonté de "sauver" à tout prix les redressements notifiés : contestant la concurrence existant entre la contribuable et l'entreprise Renault Véhicules Industriels (!), le service présentera, pour la première fois en appel, une liste de huit nouvelles entreprises évoluant sur des marchés qui n'étaient pas comparables au marché français. De plus, aucune de ces entreprises ne distribuait exclusivement des poids lourds, certaines d'entre elles vendant des véhicules agricoles ou ayant une activité de vente de véhicules légers parmi d'autres activités exercées au sein d'une société holding. Enfin, l'administration ne fournissait aucune analyse fonctionnelle de ces entreprises retenues dans l'échantillon "de secours" ! Les conseillers de la cour administrative d'appel de Versailles rappelleront, à juste titre, que l'administration ne peut pas exciper de la seule existence de déficits pour en tirer la conclusion qu'il y aurait eu des transferts de base imposable à l'étranger : ces déficits peuvent très bien traduire des difficultés à pénétrer un marché économique déjà sous la domination d'opérateurs bien implantés ; ce que les faits de l'espèce rapportent. D'ailleurs, l'administration elle-même dans son guide précité indique que, pour établir l'analyse fonctionnelle de l'entreprise (9) , le contribuable doit tenir compte de la situation concurrentielle afin de définir les caractéristiques des marchés où se réalisent les transactions (10).

En conclusion, dans un tel type de litige, les éléments factuels sont déterminants : l'entreprise, qui peut se rapprocher de l'administration afin de conclure un accord préalable sur la méthode de détermination des prix (instruction du 7 septembre 1999, BOI 4 A-8-99 N° Lexbase : X7812AAL ; LPF, art. L. 80 B 7° N° Lexbase : L2856IBE ; instruction du 24 juin 2005, BOI 4 A-11-05 N° Lexbase : X2474ADY), se doit de constituer une documentation la plus exhaustive et pertinente possible sur ses transactions et leur environnement juridique et économique afin de laisser le moins de prise possible aux arguments de l'administration fiscale car, d'une part, l'ambiguïté d'une situation tourne rarement à l'avantage du contribuable (11) ; et d'autre part, à l'avenir, l'administration fiscale va tirer les enseignements qui s'imposent des récents arrêts "Société Novartis Groupe France SA" et "Société Man Camions et Bus" en affinant de plus en plus ses vérifications de comptabilité et les motivations des propositions de rectification qui les accompagneront.


(1) Il existe sept formules de convention d'intégration fiscale dont trois sont à écarter pour des raisons juridiques : "Dans les trois premières conceptions, l'économie de trésorerie réalisée grâce aux déficits : - soit n'est pas prise en résultat (1e conception) ; - soit est prise immédiatement dans le résultat de la société mère (2e conception) ; - soit est prise immédiatement dans le résultat des sociétés déficitaires (3e conception). Dans la 4e conception, la société mère constate toutes les charges d'impôt et l'économie réalisée par le groupe", A. Charveriat et J.-Y. Mercier, La pratique de l'intégration fiscale, Editions Francis Lefebvre, 3ème édition, 2006, p. 480.
(2) Etat 2058 SG.
(3) Doc. adm. 4 H-6672, 12 juillet 1997, § 26 : "Lorsque l'impôt mis à la charge de chacune des sociétés du groupe est d'un montant différent de celui déterminé selon les modalités indiquées ci-dessus, cette différence est considérée comme une subvention consentie, selon le cas, par la société mère (impôt inférieur au montant mentionné au n° 25) ou par la société du groupe (impôt supérieur à ce montant). Constitue également une subvention de la société mère à la société du groupe le versement ou l'inscription en compte représentatif du déficit subi par cette dernière société au titre d'exercices au cours desquels elle est membre du groupe. Les règles applicables à ces subventions ou abandons de créances sont celles prévues par les articles 223 B et 223 R modifiées du CGI".
(4) "Il y aurait transferts d'actifs financiers pouvant bénéficier aux sociétés déficitaires. Mais ici encore la réponse est : pourquoi donc alors le législateur a-t-il autorisé la constitution de groupes si tous leurs effets positifs doivent être gommés ?", D. Raisson, concl. précitées.
(5) Les prix de transfert sont d'une actualité brûlante et durable : "La politique dite des prix de transfert', à savoir les différentes techniques permettant de manipuler le prix des échanges internes [...] dans le but de transférer les profits dans les juridictions à fiscalité zéro, joue un rôle déterminant dans l'affaiblissement fiscal de tous les pays du monde. Les pratiques comptables des multinationales norvégiennes engendreraient ainsi une perte fiscale de 30 % pour le budget norvégien", Y. Mamou, Dans les paradis fiscaux, 20 % des dépôts proviennent des pays en voie de développement, Le Monde, 30 juin 2009, p. 15.
(6) "Lorsque les deux entreprises dépendantes sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l'une des entreprises, mais n'ont pu l'être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence".
(7) Les prix de transfert Guide à l'usage des PME, DGI, novembre 2006.
(8) L'administration fiscale rappelle dans son guide que cinq méthodes sont susceptibles d'être utilisées selon l'OCDE (op. cit., p. 20) dont trois méthodes traditionnelles fondées sur les transactions ("Le prix comparable sur le marché libre [entre entreprises indépendantes ; aussi appelée méthode directe], le prix de revente moins, et le prix de revient majoré") et deux méthodes transactionnelles fondées sur les bénéfices ("la méthode du partage des bénéfices et la méthode transactionnelle de la marge nette").
(9) "L'analyse fonctionnelle consiste pour l'entreprise à s'interroger sur sa place et son rôle économique au sein du groupe, et à recenser les fonctions exercées, les risques encourus, les actifs corporels et incorporels ainsi que les moyens utilisés", Les prix de transfert Guide à l'usage des PME, op. cit., p. 47 ; "L'analyse fonctionnelle [...] est donc indispensable pour déterminer : la méthode la plus appropriée pour rémunérer l'activité considérée ; les revenus et les coûts des actifs et des moyens utilisés pour justifier la base de calcul et fixer le niveau de rémunération qui sera d'autant plus élevé que les risques pris sont importants et que les fonctions exercées sont à forte valeur ajoutée", Les prix de transfert Guide à l'usage des PME, op. cit., p. 20.
(10) Les prix de transfert Guide à l'usage des PME, op. cit., p. 18.
(11) "Il ne faut jamais laisser place à l'ambiguïté d'une situation : en général les intéressés pensent que l'ambiguïté permet le choix d'une explication différente selon les circonstances. Cette pensée se révèle quasiment fausse au plan international. Il vaut mieux prendre une position claire et nette (même si elle se révèle parfois risquée) que laisser à l'administration la capacité de choisir son angle d'attaque", P.-J. Douvier, Fiscalité internationale 20 études de dossiers, Litec, 1996.

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Bancaire

[Panorama] Droit bancaire : panorama de jurisprudences pré-estivales

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par Alexandre Bordenave, Avocat au Barreau de Paris, Chargé d'enseignement à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan

Le 07 Octobre 2010

En 2008-2009, lorsqu'elle a eu à se prononcer sur le droit bancaire et le droit des sûretés, la Cour de cassation a fait preuve d'une forme de classicisme : les décisions rendues et souvent largement publiées ont (pour l'essentiel) confirmé, répété, précisé nombre de points de droit à propos desquels les observateurs avaient déjà eu l'occasion de se forger une religion (1). Rien de mal à cela, au contraire. Dans un environnement économique agité, où le législateur voit le salut dans l'opulence de textes nouveaux, la jurisprudence de la Cour de cassation est un peu à l'image du narrateur du Pont Mirabeau d'Apollinaire (2) : elle demeure. Et comme le recommandait Wilde : elle est constante (3), en ce qu'elle a pris pour leitmotiv le rappel de l'exigence de protection de la caution et du client bancaire. Il faut bien admettre que le contexte s'y prête. Force est aussi de constater que, récemment, il n'est nul besoin que les décisions soient de principe avec un bel attendu pour qu'elles captent les attentions. Non ! la Cour de cassation peut faire dans la pure casuistique et encore intéresser. Sur une mer agitée, lorsque disparaissent les repères, il faut une aiguille : un indicateur de terrain, pas un traité de navigation. C'est ainsi qu'ont fleuri, entre autres choses, en mai et juin 2009, quatre arrêts, également répartis entre le droit des sûretés (I) et le droit bancaire (II), dont on peut dire qu'ils sont très représentatifs de ce qu'est la jurisprudence récente de la Cour de cassation en ces domaines : des arrêts d'espèce motivés par une volonté protectrice.

I - La protection raisonnable de la caution

La protection de la caution est l'une des lignes majeures de l'évolution du droit des sûretés sur les vingt dernières années : de la loi "Neiertz" (4) à la "LME" (5), en passant par le dispositif "Dutreil" (6), la caution (7) a vu ses prérogatives croître de manière exponentielle. Sans doute les juges sont-ils un peu moins magnanimes que ne l'est le législateur : après l'arrêt ayant énoncé que "la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers [...] n'est pas un cautionnement et que, limité au bien hypothéqué, elle est nécessairement proportionnée aux facultés contributives du souscripteur" (8), la Cour de cassation vient de rendre à quelques jours d'affilée deux décisions de raison relatives à la protection de la caution : les sanctions de la loi "Madelin" (9) ne peuvent bénéficier à cette dernière (10) (A) et l'avaliste ne peut être assimilé à une caution en matière d'information obligatoire (11) (B).

A - L'inapplicabilité à la caution des sanctions de l'article L. 313-21 du Code monétaire et financier

L'article L. 313-21 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2922G94) fait bénéficier l'entrepreneur individuel contractant un crédit d'exploitation ou d'investissement auprès d'un établissement de crédit d'une information préalable à la fourniture de sûretés et d'un délai de réflexion :

- l'information porte sur le montant de la garantie recherchée et, surtout, sur la possibilité de proposer (par priorité, donc) une garantie sur les "biens nécessaires à l'exploitation de l'entreprise" ;

- l'entrepreneur individuel profite alors de quinze jours pour se forger une opinion sur la question, son silence autorisant l'établissement prêteur à requérir des garanties sur les "biens non nécessaires à l'exploitation de l'entreprise".

Ce qui sous-tend cette disposition est le souci de protéger l'entrepreneur individuel contre des prises excessives de sûretés, notamment sur sa résidence principale (12).

Le même article précise la sanction associée à l'absence d'information préalable (qui implique mécaniquement une absence de délai de réflexion) : l'impossibilité pour le banquier de se prévaloir des garanties ainsi prises dans ses relations avec l'entrepreneur individuel. Sanction dont on conviendra volontiers de l'ambivalence.

Ambivalence qui apparaît de la même manière lorsque l'on se penche sur le cas de la caution (ou d'un quelconque garant, d'ailleurs). La possibilité de fournir une sûreté personnelle est visée par le texte (13), mais rien n'est dit quant au droit de la caution ou du garant à bénéficier d'une information et d'un délai de réflexion similaires à ceux de l'entrepreneur individuel. Pourtant, cela aurait du sens : la caution peut se trouver dans une situation tout à fait similaire à celle de l'entrepreneur, lui-même, parce que c'est souvent l'un de ses (très) proches (le cautionnement n'a-t-il pas l'essence du contrat de bienfaisance de l'article 1105 du Code civil N° Lexbase : L1194ABT ?) (14). Plus encore, pour revenir au problème de la sanction : rien n'est précisé sur la situation dans laquelle l'établissement de crédit ne s'est pas acquitté de ses obligations vis-à-vis de l'entrepreneur individuel, mais tente de recourir contre un tiers ayant fourni une sûreté personnelle.

C'était précisément le problème qui avait été soumis au tact inspiré des magistrats de la cour d'appel d'Amiens. Leur réponse était sans détour : le texte parlant d'impossibilité de se prévaloir des garanties dans les rapports entretenus par l'établissement de crédit avec son client, la caution ne peut donc "profiter" de la sanction. Saisie d'un pourvoi sur la question, la Cour de cassation abonde dans le sens des juges du second degré : c'est une exception propre à l'emprunteur, qui n'est pas inhérente à la dette (15) et dont la caution ne peut exciper.

A notre humble avis, il faut regretter cette solution. Bien sûr, il y a l'argument selon lequel le texte n'entend nullement protéger les cautions (16). Toutefois, ne serait-ce qu'au nom des liens qui unissent fréquemment caution et débiteur, c'est clairement vider le texte d'une partie de son sens (17). Plus largement, on ne conçoit qu'avec difficulté qu'un tiers garant puisse être protégé moins efficacement que l'emprunteur lui-même. Il n'est même pas utile d'arguer du fait que les prêteurs pourraient faire montre de stratégie en exploitant cette imperfection érigée par la jurisprudence (18) ; simplement, il semble que l'esprit de la loi n'est pas dans cette limitation (19).

En somme, non seulement la sanction prévue par l'article L. 313-21 du Code monétaire et financier est mal conçue, en ce qu'elle est "un monument d'obscurité" (20), mais en plus elle est quelque peu mal calibrée.

B - La non-assimilation de l'avaliste à la caution en matière d'obligation d'information

Le droit raffole des figures duales ou pseudo-duales : obligations convertibles en actions (21), location-accession (22), cautionnement réel (23)... L'aval (24) en fait partie. Ce Janus, que l'on peut définir comme l'"engagement cambiaire [...] que la lettre de change sera payée à l'échéance" (25), tient tant du cautionnement que de l'acte cambiaire. Son régime est donc double, ce dont témoignent, par exemple, le fait que l'article 1415 du Code civil (N° Lexbase : L1546ABU) lui est applicable et que l'avaliste est tenu envers le bénéficiaire à titre cambiaire (27). Les professeurs Laurent Aynès et Pierre Crocq écrivent lapidairement : "c'est un cautionnement solidaire [...] soumis aux règles du droit cambiaire [....]. Pour le reste, l'aval est soumis au droit commun du cautionnement" (28).

Comme rappelé plus avant, le droit commun du cautionnement regorge, désormais, d'obligations d'information à la charge du prêteur bénéficiaire d'un cautionnement. Dans cet esprit, l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2923G97) prévoit que le 31 mars de chaque année est due une information sur "le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que [sur] le terme de cet engagement". Le donneur d'aval est-il un destinataire obligatoire de ces obligations ? La Chambre commerciale de la Cour de cassation a tranché le sujet dans un arrêt rendu le 16 juin 2009 en affirmant que "l'aval qui garantit le paiement d'un titre cambiaire ne constitue pas le cautionnement d'un concours financier accordé par un établissement de crédit à une entreprise", ce qui exclut que l'avaliste puisse s'abriter derrière les dispositions protectrices de l'article précité. L'arrêt a été rendu à propos d'un aval porté sur un billet à ordre (29) ; toutefois, la Cour régulatrice prenant la peine de viser l'ensemble flou des "titres cambiaires" dans son attendu, la solution devrait aussi valoir pour les lettres de change (30) et les chèques (31). De la même façon, la solution devrait logiquement être étendue à l'ensemble des informations à destination des cautions. Moralité : le droit protège les cautions, pas les avalistes !

La solution est plutôt bien fondée, et l'argument de la "science" de l'avaliste (toujours une entreprise (32), et ainsi souvent un réputé sachant) n'a rien à faire là-dedans. L'argumentation tient en deux temps.

D'abord, la Cour de cassation s'appuie fortement sur la circonstance qu'aucun "concours financier" n'est accordé par le bénéfice d'un titre cambiaire. Un "concours financier" n'est pas un crédit. Or, per se, un titre cambiaire n'emporte pas de transfert de fonds : il n'est rien d'autre qu'un acte de foi, un crédit. Assurément, la solution aurait été différente si l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier avait fait référence à un crédit plutôt qu'à un concours financier.

Ensuite, l'aval ne fait que garantir le titre cambiaire "abstrait". C'est le corollaire de l'autonomie de l'engagement cambiaire vis-à-vis du rapport fondamental, que l'on retrouve dans le principe d'inopposabilité des exceptions (33). De ce point de vue, on ne peut valablement prétendre que c'est l'opération sous-jacente qui est garantie par l'aval : un avaliste ne peut prétendre bénéficier des informations destinées à une caution.

La décision du 16 juin 2009 est un léger coup de balancier en sens contraire aux tentatives envolées d'extension de l'obligation d'information liée aux sûretés personnelles (34).

Et, puisque le droit du change prend le pas sur son cousin consacré aux sûretés, franchissons un seuil de plus pour nous tourner vers le guichet du droit bancaire.

II La protection étendue du client bancaire

Inutile de (re)dire que les banques restent prises dans le tourbillon financier de l'automne 2008 ; particulièrement sensible aux relations entre les établissements de crédit et leurs clients, la Cour de cassation n'hésite pas à répéter invariablement ses doctrines sur la question en insistant, notamment, sur le devoir de mise en garde du banquier, même en présence d'un conseiller externe (A) et sur certaines clauses, qualifiées d'abusives, stipulées dans les contrats de produits bancaires (B).

A - Le devoir de mise en garde en présence d'un conseiller externe

Le raisonnement de la Haute juridiction, relativement au devoir de mise en garde, est désormais bien connu. Il tourne comme une roue dentée : il y a lieu à mise en garde chaque fois que le client est non averti. Pour le reste, tout le débat relève à ce que l'on considère sous cette dénomination.

Dans les faits de l'arrêt prononcé le 30 avril 2009 par la première chambre civile (35), une personne physique reprochait à un établissement de crédit de lui avoir prêté des sommes d'argent sans prendre en considération ses facultés contributives. Pour sa défense, l'établissement prêteur soutenait que l'emprunteuse avait pu bénéficier du conseil de celui qui était alors son époux, présenté comme un "consultant financier". Les juges du fond reçurent favorablement l'argument et rejetèrent, en conséquence, la requête de la demandeuse. C'était sans compter la détermination de cette dernière qui se pourvut en cassation, où elle obtint gain de cause en droit. "La banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenue à son égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde [...] dont elle ne peut être dispensée par la présence au côté de l'emprunteur d'une personne avertie, peu important qu'elle soit tiers ou partie", a estimé la Cour de cassation.

Le professeur Dominique Legeais l'observe : jusqu'à cette décision, jurisprudence et doctrine étaient partagées (36). Désormais, les garde-temps sont bien à l'heure : la présence d'un tiers spécialiste de la finance ou du monde bancaire aux côtés du client non averti ne change rien à l'affaire. Même dans ce scénario, il existe un devoir de mise en garde susceptible de sanction. Il en va pareillement si cet expert est partie à la convention signée avec l'établissement de crédit. C'était déjà tout le sens de la position arrêtée de la Chambre mixte en date du 29 mai 2007, qui avait jugé que le fait qu'un des co-emprunteurs soit averti n'exclut pas que le ou les autre(s) aient, le cas échéant, le droit à une mise en garde (37).

La solution est simple, pleine de bon sens et juste : elle ne prive de son droit à la mise en garde le client très diligent qui aurait pris la peine de se faire assister (par exemple, de son avocat) dans ses discussions avec une banque. Au surplus, elle constitue un véritable gage de sécurité juridique pour les établissements de crédit : il faut mettre en garde, sans trop se poser de questions.

B - L'abus dans les clauses relatives à certains produits bancaires

Quelques unes de nos précédentes chroniques le mentionnaient (38) : les règles relatives à la lutte contre les clauses abusives sont applicables aux contrats conclus avec les établissements de crédit (39). Evidemment, serait-on d'ailleurs tenté de préciser.

C'est le fondement du pourvoi en cassation qui a abouti à un arrêt de la première chambre civile en date du 28 mai 2009 (40). Etait en cause, sur la demande originelle d'une association de consommateurs, la validité à l'aune de la réglementation consacrée aux clauses abusives de stipulations d'un contrat-type proposé par un établissement de crédit :

- une clause permettant à l'établissement de crédit "à tout moment, [de] retirer, faire retirer ou bloquer l'usage [d'une carte bancaire] ou de ne pas la renouveler" ;

- une clause autorisant à tout moment l'établissement de crédit "en motivant sa décision, [à] demander au(x) titulaires du compte et/ou à son (leur) mandataire, la restitution du chéquier en sa (leur) possession par courrier adressé au(x) client(s) ou au mandataire au domicile indiqué par lui (eux)" ;

- et une clause permettant à l'établissement de crédit de modifier la convention en cause par voie de lettre circulaire, avec possibilité de dénonciation par le client.

La Cour de cassation leur a réservé des sorts divers.

S'agissant de la première clause, les juges du droit considèrent qu'elle est abusive. Ce faisant, ils n'ont fait que purement et simplement appliquer les dispositions de l'ancienne annexe au troisième alinéa de l'article L. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L2482IBK) (41). Les points j et k de cette disposition réputaient abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet, peu ou prou, d'autoriser le professionnel à modifier unilatéralement le contrat et le produit ou le service qui y sont liés. Il faut noter que ces règles sont, désormais, reprises en substance dans l'article R. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L0488IDG) qui dispose que "sont de manière irréfragable présumées abusives [...] et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de [...] réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre". La précision nouvelle du caractère irréfragable de la présomption d'abus qu'emportent des clauses similaires à celles ici contestées renforce indéniablement l'actualité de la solution retenue par la Cour de cassation.

A l'inverse, la clause relative aux chèques ne peut sérieusement être qualifiée d'abusive en ce qu'elle reflète assez exactement les dispositions de l'article L. 131-71 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9390HD7), qui prévoit, notamment, que "tout banquier peut, par décision motivée, refuser de délivrer au titulaire d'un compte les formules de chèques autres que celles qui sont remises pour un retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou pour une certification. Il peut, à tout moment, demander la restitution des formules antérieurement délivrées". Dura lex, sed lex.

Enfin, la clause relative aux modifications unilatérales du contrat est justement jugée abusive. Certes, le client dispose d'un délai de réflexion de trois mois, mais ne reçoit pas une information suffisante préalablement la modification. La cour d'appel de Paris avait retenu une solution opposée dans sa décision (42) : cette dernière est donc cassée sur ce seul point (43).

En somme, il n'y a rien de très surprenant dans les positions arrêtées par la première chambre civile : elles sont bien fondées, sans complication (44). A tout le moins, soulignons que ces solutions livrent un enseignement non dénué d'intérêt relatif à l'application de l'arrêté du 8 mars 2005 portant application de l'article L. 312-1-1 du Code monétaire et financier précisant les principales stipulations devant figurer dans les conventions de compte de dépôt (45) : l'exigence de prévision des modalités de retrait des instruments de paiement ne signifie pas qu'il est nécessaire de stipuler dans les grandes largeurs l'ensemble des cas de retrait.

Un peu de monotonie dans la prose de la Cour de cassation ? Quoiqu'il en soit, elle devrait être brisée par la future loi portant réforme du crédit à la consommation (46) qui introduira (très probablement) de nouvelles obligations d'information à l'égard tant des emprunteurs que des cautions. Le temps de l'été ne sera pas de trop pour la répétition des nouveaux schémas légaux. Répétition : l'aiguille de la jurisprudence de la Cour de cassation, le tact des juges d'appel, les solutions mal calibrées, le guichet du droit bancaire, le tourbillon financier, la roue dentée de la pédagogie sur le devoir de mise en garde, le garde-temps remis à l'heure, l'absence de complication pour ce qui est des clauses bancaires abusives... Certainement, Monsieur Breguet (47), en sa qualité d'illustre ex-résident du Quai de l'Horloge, se serait pris de passion pour la jurisprudence de la Cour de cassation !


(1) Combien d'arrêts récents sur la responsabilité du banquier pour devoir de mise en garde ont répété inlassablement les mêmes solutions ? Cf., nota., Cass. civ. 1, 18 février 2009, n° 08-11.221, Mme Agnès Robba, divorcée Montel, F-P+B+I (N° Lexbase : A2702EDG), nos obs. Devoir de mise en garde du banquier : deux cas concrets opposés mais cohérents, Lexbase Hebdo n° 342 du 19 mars 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N9771BIQ), S. Piedelièvre, Obligation de mise en garde du banquier prêteur au regard de l'absence de risque d'endettement, JCP éd. E, 2009, 1364.
(2) Tiré du recueil Alcools, 1913.
(3) L'importance d'être constant (The Importance Of Being Earnest), 1895.
(4) Loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles (N° Lexbase : L2053A4S).
(5) Pour ne citer que lui, l'article 14 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR), a laissé comme suit l'article L. 330-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L2360IBZ) : "La situation de surendettement des personnes physiques est caractérisée par l'impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. L'impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l'engagement qu'elle a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société caractérise également une situation de surendettement".
(6) Loi n° 2003-721 du 1 août 2003, pour l'initiative économique (N° Lexbase : L3557BLC).
(7) Tout particulièrement la personne physique (voir ainsi les mesures de faveur prévues par l'article L. 622-28 du Code de commerce N° Lexbase : L3512IC3) qui garantit la créance d'un créancier professionnel (épiphénomène du genre : le formalisme ad validitatem des articles L. 313-7 N° Lexbase : L1523HIA et suivants du Code de la consommation).
(8) Cass. civ. 1, 7 mai 2008, n° 07-11.692, M. Willem, Laurens Van Troostenburg de Bruijn, F-P+B (N° Lexbase : A4413D8X), cf., not., nos obs., Du caractère nécessairement proportionné du cautionnement réel, Lexbase Hebdo n° 319 du 25 septembre 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N1954BHT). Certes, l'arrêt ne traite pas du cautionnement à proprement parler, puisque l'on sait, désormais, que le cautionnement réel n'est pas un cautionnement, mais une sûreté réelle (Cass. mixte, 2 décembre 2005, n° 03-18.210, Mme Yvette Pasquier, épouse Boudaud c/ BNP Paribas, P N° Lexbase : A9389DLC, B. Beigner, Bicentenaire d'Austerlitz : le Trafalgar du cautionnement réel, Droit de la famille, 2006, 10, V. Téchené, La nature du cautionnement réel et l'engagement des biens de la communauté, Lexbase Hebdo n° 196 du 5 janvier 2006 - édition affaires N° Lexbase : N2226AKN), mais les thématiques sont finalement assez proches ici. La Cour de cassation a complété cet arrêt le 24 mars 2009 en précisant qu'il fallait inférer du caractère nécessairement proportionné de la sûreté réelle une absence de devoir de mise en garde : Cass. com., 24 mars 2009, n° 08-13.034, Mme X, épouse Y c/ Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre Est, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1375EEN), à propos duquel N. Borga, Exclusion du devoir de mise en garde en présence d'une sûreté réelle pour autrui, D., 2009, p. 1661, G. Piette, Sûretés réelles et proportionnalité, Lexbade Hebdo n° du 350 du 14 mai 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N0696BKY). Nous reviendrons un peu plus loin sur l'exigence de mise en garde, preuve que les domaines se recoupent !
(9) Loi n° 94-126 du 11 février 1994, relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle (N° Lexbase : L3026AIW).
(10) Cass. com., 3 juin 2009, n° 08-13.613, M. Serge Mariage, FS-P+B (N° Lexbase : A6302EHU).
(11) Cass. com., 16 juin 2009, n° 08-14.532, M. Robert Belliard, F-P+B (N° Lexbase : A3192EI3).
(12) Qui -on peut le penser raisonnablement- constitue dans une immense majorité de cas l'actif le plus important du patrimoine de l'entrepreneur individuel. Dans le même sens, on peut penser à la protection prévue par l'article L. 526-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L2298IBQ), qui permet à un entrepreneur individuel (par déclaration aux bureaux des hypothèques), de rendre insaisissable sa résidence principale et, depuis la "LME", "tout bien foncier bâti ou non bâti qu'[il] n'a pas affecté à son usage professionnel".
(13) L'article énonce : "l'établissement de crédit qui a l'intention de demander une sûreté réelle [...] ou une sûreté personnelle consentie par une personne physique".
(14) R. Cabrillac et B. Teysse, RTDCom., 1994, p. 329. On pense, entre autres, au conjoint-caution qui pourrait remettre plus facilement en garantie que l'entrepreneur des biens non nécessaires à l'exploitation, avec l'importante limite des articles 1415 (N° Lexbase : L1546ABU) et 1424 (N° Lexbase : L2300IBS) du Code civil. Pire : la garantie offerte par un proche "quelconque" ne serait pas concernée par ces dispositions.
(15) Contrairement à ce que certains avaient pu juger : CA Metz, 31 janvier 2007.
(16) F.-J. Credot et Y. Gérard, Revue de droit bancaire et de la bourse, mars-avril 1994, n° 42, p. 77.
(17) R. Cabrillac et B. Teysse, op. cit..
(18) F. Dekeuwer-Défossez et E. Blary-Clément, Droit commercial - Activités commerciales, commerçants, fonds de commerce, concurrence, consommation, Montchrestien, 9ème éd., 2007, n° 176, p. 141.
(19) R. Cabrillac et B. Teysse, op. cit..
(20) R. Cabrillac et Ch. Mouly, Droit des sûretés, Litec, 1995, n° 524-1. On peut, également, se référer à la convaincante diatribe que lui consacrent les professeurs Dekeuwer-Défossez et Blary-Clément (op. cit.).
(21) Logées sous la catégorie générique des "valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l'attribution de titres de créance (C. com., art. L. 228-91 [LXB= L8336GQS] et s.).
(22) A laquelle une loi est consacrée (loi n° 84-595 du 12 juillet 1984, définissant la location-accession à la propriété immobilière N° Lexbase : L1269IEQ) et dont on retrouve le principe dans le "prêt social location-accession" (notamment, CCH, art. R. 331-76-1 N° Lexbase : L4298DYT et s.).
(23) A propos duquel, une fois encore : cf. supra.
(24) Auquel sont consacrés les articles L. 511-21 (N° Lexbase : L6674AIZ) et suivants du Code de commerce.
(25) S. Piédelièvre, Instruments de crédit et de paiement, Dalloz, 5ème éd., 2007, n° 150, p. 133.
(26) Cass. com., 4 février 1997, n° 94-19.908, Epoux Gransart c/ Société générale, publié (N° Lexbase : A1547ACB), Bull. civ. IV, n° 39 ; D., 1997, Jur. 478, note. S. Piédelièvre ; JCP éd. G, 1997, II, 22922, note B. Beigner.
(27) Cass. com., 11 mai 1981, n° 79-16137, Epoux Beaudet, Consorts Didier, SA Travaux Routiers du Centre c/ Banque Nationale de Paris SA, publié (N° Lexbase : A0384CHP), Bull. civ. IV, n° 215.
(28) L. Aynès et P. Crocq, Les Sûretés - La Publicité foncière, Defrénois, 2ème éd., 2006, n° 232, p. 85.
(29) C. com., art. L. 512-1 (N° Lexbase : L6735AIB) et s..
(30) C. com., art. L. 511-1 (N° Lexbase : L6654AIB) et s..
(31) C. mon. fin., art. L. 131-28 (N° Lexbase : L9338HD9).
(32) C. consom., art. L. 313-13 (N° Lexbase : L1530HII).
(33) Dont dispose, en matière de billet à ordre, l'article L. 512-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L6737AID), par renvoi à l'article L. 511-12 du même code (N° Lexbase : L6665AIP) consacré à la lettre de change.
(34) Cf. Cass. com., 27 novembre 2007, n° 06-15.128, M. Laurent Coucoureux, F-P+B (N° Lexbase : A9405DZD), D., 2008, AJ, 7, obs. V. Avena-Robardet. Cet arrêt avait choisi d'appliquer l'article 47-II, alinéa 3, de la loi n° 94-126 du 11 février 1994, relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle (N° Lexbase : L3026AIW), même lorsque la caution (dirigeante, en l'espèce) a connaissance du "premier incident de paiement".
(35) Cass. civ. 1, 30 avril 2009, n° 07-18.334, Mme Isabelle Jaspart, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6440EGM).
(36) D. Legeais, Devoir de mise en garde du banquier prêteur à l'égard de l'emprunteur non averti assisté d'un consultant financier, JCP éd. E, 2009, 1583.
(37) Cass. mixte, 29 juin 2007, 2 arrêts, n° 05-21.104, M. Alain Forest c/ Société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre-Est (CRCAMCE), P+B+R+I (N° Lexbase : A9645DW7), n° 06-11.673, Mme Régine Salanon, épouse Fusco c/ Société Union bancaire du Nord (UBN), P+B+R+I (N° Lexbase : A9646DW8) ; R. Routier, Devoir de mise en garde : les précisions de la Chambre mixte, Lexbase Hebdo n° 268 du 12 juillet 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N7831BBN), D., 2007, Jur. 2081, note S. Piédelièvre, RTDCiv, 2007, 779, obs. P. Jourdain.
(38) Nos obs., Taux effectif global et taux d'intérêt variable : à propos de quelques évolutions récentes, Lexbase Hedbo n° 292 du 14 février 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N0760BEU), et Les distorsions du temps bancaire, Lexbase Hebdo n° 348 du 30 avril 2009 (N° Lexbase : N0465BKG).
(39) Cass. civ. 1, 1er février 2005, n° 01-16.733, Société Facet c/ Fédération du logement, FS-P+B (N° Lexbase : A6166DGH), D., 2005, AJ. 640, obs. V. Avena-Robardet.
(40) Cass civ. 1, 28 mai 2009, n° 08-15.802, Groupement d'intérêt économique Groupement des cartes bancaires -CB-, F-P+B (N° Lexbase : A3892EHM).
(41) Annexe remplacée par les dispositions des articles R. 132-1 (N° Lexbase : L0488IDG) et R. 132-2 (N° Lexbase : L1618IBK) du Code de la consommation, issues du décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, portant application de l'article L. 132-1 du code de la consommation (N° Lexbase : L0482ID9). A propos de ce décret, on peut utilement se retourner vers M. Depincé, Nouveau décret sur les clauses dites abusives en droit de la consommation, Lexbase Hebdo n° 344 du 2 avril 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N9991BIU).
(42) CA Paris, 15ème ch., sect. B, 3 avril 2008, SA Société générale c/ Association Consommation logement et cadre de vie "CLCV" (N° Lexbase : A1082D8L).
(43) Notons que la cassation se fait, ici, sans renvoi, application étant faite de la faculté offerte par l'article L. 411-3 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L7928HNX repris à l'article 627 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2884AD8).
(44) Parfois déjà connues au fond : cf. TGI Paris, 9 novembre 2005, n° 04/15796, Association Consommation logement et cadre de vie "CLCV" (N° Lexbase : A4074D9R), RJDA, 2007, n° 105.
(45) Ce qui nous donne (enfin !) l'occasion de dire autre chose à propos de ce texte qu'il a autorisé la rémunération des comptes de dépôt en France.
(46) Dont le projet a été adopté par le Sénat le 17 juin 2009.
(47) Abraham-Louis Breguet (1747-1823), suisse naturalisé français, fut un horloger de génie... établi quai de l'Horloge et, de fait, voisin des juges de cassation.

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Le salarié peut légitimement refuser de reprendre le travail à la suite d'une mise à pied injustifiée

Réf. : Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-44.844, Société Mauffrey, FS-P+B (N° Lexbase : A4133EIW)

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N9889BKH

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par Sébastien Tournaux, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


Le contrôle des sanctions disciplinaires prononcées par l'employeur repose, depuis la disparition de la théorie de l'employeur seul juge, sur les épaules du juge prud'homal. Cette fonction de contrôle était le plus généralement assurée par le juge sur la demande de salariés contestant la justification de cette sanction. Cette situation pourrait, pourtant, bien être en train d'évoluer, comme cela semble pouvoir être déduit de l'analyse d'une décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation, rendue le 23 juin 2009. Si le premier degré d'analyse de cette solution permet de comprendre que le salarié peut, parfois, refuser de reprendre le travail à la suite d'une mise à pied disciplinaire qu'il juge injustifiée (I), le second niveau d'analyse pourrait préparer à un profond changement du contrôle des sanctions disciplinaires, le salarié pouvant, désormais, jouer un rôle plus actif dans celui-ci (II).

Résumé

Le refus par un salarié de reprendre le travail après une mise à pied disciplinaire peut être légitimé par un manquement de l'employeur à ses obligations.

Commentaire

I - Le refus de reprendre le travail à la suite d'une mise à pied disciplinaire

  • Les différentes mises à pied du salarié

Parmi le panel des sanctions disciplinaires qui peuvent être prononcées par l'employeur, la mise à pied disciplinaire comporte quelques ambiguïtés, ce principalement en raison de l'existence en droit du travail d'une procédure très proche, mais pourtant différente, de mise à pied conservatoire.

La mise à pied constitue une suspension provisoire des obligations du contrat de travail, de l'obligation de travailler pour le salarié, de l'obligation de verser un salaire pour l'employeur. Très tôt reconnue par la jurisprudence (1), la licéité de cette mesure a été consacrée par la loi n° 82-698 du 4 août 1982, relative aux libertés des travailleurs dans l'entreprise, qui a clairement distingué entre la mise à pied à titre disciplinaire et la mise à pied à titre conservatoire.

L'une comme l'autre doivent reposer sur une justification adéquate.

  • Le lien entre justification et rémunération de la mise à pied

Aux termes de l'article L. 1332-3 du Code du travail (N° Lexbase : L1865H9X), la mise à pied conservatoire n'est justifiée que lorsque les faits reprochés au salarié l'ont rendu "indispensable". La justification exigée est donc particulièrement sérieuse et il est, désormais, jugé que la mise à pied conservatoire n'est justifiée qu'en cas de faute grave du salarié (2). L'exigence de cette justification a nécessairement une incidence sur l'obligation ou non de rémunérer le salarié durant cette mise à pied. Longtemps autorisée sans qu'il y ait de faute grave, l'employeur n'était dispensé de rémunérer la mise à pied conservatoire que lorsque le salarié avait commis une faute grave (3). Il y a, désormais, concordance entre la justification de la mise à pied conservatoire et le non-paiement du salaire.

Pour sa part, la mise à pied disciplinaire ne doit pas nécessairement sanctionner des faits d'une gravité aussi importante que ceux justifiant la mise à pied conservatoire. La mise à pied disciplinaire constitue une véritable sanction, si bien qu'à ce titre, elle est soumise au principe de proportionnalité qui irradie le droit disciplinaire. Le juge, saisi de la validité d'une telle sanction, devra apprécier, a posteriori, si la sanction était proportionnée à la gravité des faits reprochés (4). Si tel est le cas, l'employeur n'est pas tenu de rémunérer le salarié pendant la durée de la mise à pied (5).

En somme, l'employeur n'est donc jamais tenu de rémunérer une mise à pied, qu'elle soit conservatoire ou disciplinaire, à condition, toutefois, que la mesure prise soit justifiée. En revanche, si la mesure est jugée illégitime, l'obligation de rémunération réapparaît et ce sont les conséquences de cette situation qui font l'objet de l'arrêt ici commenté.

  • En l'espèce

Dans cette affaire, un salarié avait été mis à pied à titre conservatoire pendant quinze jours. A l'issue de cette mise à pied et après convocation à un entretien préalable, l'employeur avait prononcé une mise à pied disciplinaire à titre de sanction (6). Cette période de mise à pied terminée, le salarié avait refusé de reprendre le travail tant qu'il ne serait pas payé pour cette mise à pied qu'il contestait. Face à ce refus, l'employeur licencia le salarié pour faute grave.

La cour d'appel de Chambéry, saisie de l'affaire, jugeait que la mise à pied disciplinaire était injustifiée et que le licenciement, prononcé avant même réception par l'employeur de la lettre du salarié contestant l'absence de paiement des salaires durant la mise à pied, était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sans reprendre exactement le même raisonnement que les juges du fond, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l'employeur. La Chambre sociale énonce, d'abord, que "le refus par un salarié de reprendre le travail peut être légitimé par un manquement de l'employeur à ses obligations" et ajoute, ensuite, que la cour d'appel ayant "décidé que la mise à pied disciplinaire était injustifiée, en a justement déduit que le refus du salarié de reprendre le travail tant qu'il ne serait pas payé des salaires dont il avait été privé pendant cette période n'était pas fautif".

Si la Cour de cassation avait déjà pu se prononcer sur les conséquences du refus du salarié de se plier à la sanction disciplinaire, par exemple en continuant à se présenter à son travail pendant la durée de la mise à pied (7), elle n'avait, à notre connaissance, pas encore eu l'occasion de statuer sur le refus du salarié de reprendre le travail après la mise à pied. Cette prise de position suscite, à vrai dire, de multiples interrogations.

II - Un changement de cap dans le contrôle du pouvoir disciplinaire de l'employeur ?

  • L'attitude de l'employeur face à un salarié qui refuse de reprendre le travail

La première question qui vient à l'esprit, et qui était d'ailleurs insidieusement soulevée par la première branche du moyen au soutien du pourvoi, est celle du comportement que doit adopter l'employeur face à un salarié qui refuse de reprendre le travail à l'issue d'une mise à pied disciplinaire.

En effet, sauf le cas d'une évidente mauvaise foi, l'employeur qui prend la décision de prononcer une mise à pied disciplinaire estime naturellement que la mesure est justifiée, qu'elle est proportionnée au comportement du salarié. Dans ces conditions, la suite logique de cette décision est, comme nous l'avons rappelé, de ne pas rémunérer le salarié pour le temps de la mise à pied. Que faire, dès lors, si le salarié refuse de reprendre le travail en exigeant le paiement de la mise à pied ? Le refus de reprendre le travail peut s'apparenter à une inexécution du contrat de travail, si bien que l'employeur peut légitimement penser que le licenciement est la mesure à prendre la plus adaptée. Or, la décision de la Cour de cassation devrait l'inciter à changer d'attitude dans cette situation.

Mais à la réflexion, le champ d'action de l'employeur risque, dès lors, d'être plutôt limité. Il semble, en effet, que sa seule véritable marge de manoeuvre soit conditionnée au paiement de la mise à pied dont la justification est contestée par le salarié afin que celui-ci reprenne le travail. Une fois ce versement effectué, il ne restera guère à l'employeur que la possibilité de saisir le conseil de prud'hommes afin de faire juger que la mise à pied disciplinaire était bien justifiée.

  • Une évolution des rôles dans le contentieux du contrôle des sanctions disciplinaires

Il nous semble alors qu'il s'agit d'un véritable renversement du contrôle opéré sur les sanctions disciplinaires. En effet, la décision de la Cour de cassation transforme insidieusement le contrôle a posteriori des sanctions disciplinaires, lequel était jusqu'ici de mise, en une sorte de contrôle a priori lorsque le salarié conteste la sanction.

En outre, dans cette situation, la contestation relative à la validité de la sanction ne reposera plus sur les épaules du salarié mais bien sur celles de l'employeur. Au lieu de contester la sanction devant le juge prud'homal, le salarié pourra exiger le paiement de la mise à pied et refuser de reprendre le travail tant que ce paiement n'aura pas été effectué. Et, si l'employeur accepte de payer la mise à pied afin que le salarié reprenne le travail, c'est désormais sur lui que reposera la charge de saisir le conseil de prud'hommes pour tenter de démontrer que la sanction était justifiée.

Une deuxième interrogation naît de l'analyse de cette décision de la Cour de cassation : la solution rendue n'ouvre-t-elle pas d'autres moyens d'action au salarié que le simple refus de reprendre le travail ? En effet, l'évocation par la motivation de l'arrêt d'un "manquement de l'employeur à ses obligations" fait nécessairement penser aux faits d'une suffisante gravité justifiant une prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié. Logiquement, si le salarié peut refuser de reprendre le travail en raison des manquements reprochés à l'employeur, il est probable qu'il puisse aller plus loin que cette exception d'inexécution et qu'il puisse prendre acte de la rupture. On sait, en effet, que les manquements de l'employeur liés à la rémunération sont de ceux qui permettent le plus facilement d'obtenir la requalification de la prise d'acte en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'ensemble de ces observations, nées de l'interprétation de cet arrêt, doivent être avancées avec prudence, ne serait-ce qu'en raison de la prudence de la Cour de cassation elle-même (8). Pour autant, si la solution devait être à l'avenir confirmée, elle marquerait incontestablement une évolution du contrôle des sanctions disciplinaires qui serait nettement favorable aux salariés. La tendance à l'objectivation du pouvoir de direction de l'employeur n'en finit plus de trouver, dans la jurisprudence de la Cour de cassation, d'innovantes illustrations.


(1) Cass., sect. soc., 16 juin 1945, Ets Poliet et Chausson c/ Vialard (N° Lexbase : A3214C8K), Dr. soc., 1946, p. 427, obs. P. Durand.
(2) V. la nouvelle définition de la faute grave conférée par la Chambre sociale de la Cour de cassation en 2007 : "la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise" (Cass. soc., 27 septembre 2007, n° 06-43.867, FP-P+B+R N° Lexbase : A5947DYW), RDT, 2007, p. 650, obs. G. Auzero ; JCP éd. S, 2007, II, 10188, note D. Corrignan-Carsin (nous soulignons).
(3) Cass. soc., 27 novembre 1986, n° 85-41.639 ; Cass. soc., 7 décembre 1989, n° 89-45.625, Mme Vlahov c/ M Horel, ès qualités de syndic de la liquidation des biens (N° Lexbase : A7902AGR).
(4) C. trav., art. L. 1333-1, al. 1er (N° Lexbase : L1871H98) : "En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction" ; C. trav., art. L. 1333-2 (N° Lexbase : L1873H9A) : "Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise".
(5) Cass. soc., 23 novembre 1978, n° 77-41.447, SA Imprimerie Hérissay c/ Franchet (N° Lexbase : A8779AAE).
(6) La succession d'une mise à pied conservatoire et d'une mise à pied disciplinaire n'est pas, par principe, prohibée. V. Cass. soc., 29 mars 1995, n° 93-41.863, M. Biraud c/ Société Arnaud 79 (N° Lexbase : A2058AAH).
(7) Un tel refus justifie un licenciement pour faute grave. V. Cass. soc., 25 mai 1989, n° 85-43.864, M Brahimi c/ Société Fischer et fils (N° Lexbase : A2595ABQ) ; Cass. soc., 4 octobre 1990, n° 88-44.017, Mme Delacoute c/ Société Boucheries Bernard (N° Lexbase : A9318AAD).
(8) Plusieurs formules de la Chambre sociale, dans cet arrêt, marquent sa prudence au regard de la solution. V., par ex., la formule "le refus par un salarié de reprendre le travail peut être légitimé " ou, encore, la formule "par des dispositions non critiquées par le pourvoi", au sujet de la légitimité de la sanction.

Décision

Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-44.844, Société Mauffrey, FS-P+B (N° Lexbase : A4133EIW)

Rejet, CA Chambery, ch. soc., 18 septembre 2007

Texte visé : néant

Mots-clés : mise à pied disciplinaire ; rémunération ; contestation ; licenciement

Lien base :

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Marchés publics

[Jurisprudence] Contrats "in house" : la coopération intercommunale franchit une nouvelle étape

Réf. : CJCE, 9 juin 2009, aff. C-480/06, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne (N° Lexbase : A9625EHX)

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 07 Octobre 2010

Dans un arrêt rendu le 9 juin 2009, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a dit pour droit qu'un contrat de coopération verticale entre une ville et plusieurs circonscriptions administratives peut être passé sans procédure de marché, celui-ci ne constituant pas un marché public de services au sens de la Directive (CE) 92/50 du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (N° Lexbase : L7532AUI), mais une mesure interne de coopération entre organismes étatiques. L'on peut rappeler que les règles de procédures de passation des marchés publics de services introduites par la Directive (CE) 92/50 constituent une des mesures destinées à établir le marché intérieur en contribuant à supprimer les entraves à la libre circulation des services. En l'espèce, le contrat, passé entre la ville de Hambourg et quatre circonscriptions administratives supra-communales ou districts (Landkreise), tendait à l'accomplissement d'un service public, la valorisation thermique des déchets, et n'avait été conclu que par des autorités publiques sans la participation d'une partie privée. Or, la CJCE a récemment affirmé, dans son arrêt "Coditel Brabant", qu'une autorité publique peut accomplir les tâches d'intérêt public qui lui incombent par ses propres moyens, sans être obligée de faire appel à des entités externes n'appartenant pas à ses services, et peut aussi le faire en collaboration avec d'autres autorités publiques (CJCE, 13 novembre 2008, aff. C-324/07, Coditel Brabant SA c/ Commune d'Uccle N° Lexbase : A2174EB7) (1). Dans cet arrêt, pour mémoire, la CJCE avait exempté certaines associations de communes (intercommunales dites "pures", qui n'ont aucune société privée dans leur membre) de l'application des règles sur les marchés publics, ainsi que des règles de transparence qui découlent de l'article 43 du TUE , ceci en application des critères "Teckal" du nom de l'arrêt éponyme (CJCE, 18 novembre 1999, aff. C-107/98, Teckal Srl c/ Comune di Viano et Azienda Gas-Acqua Consorziale (AGAC) di Reggio Emilia N° Lexbase : A0591AWS, Rec. p. I-8121, spéc. n° 50). Il s'agissait, en l'occurrence, d'une commune belge qui avait cédé les droits d'exploitation de son réseau communal de télédistribution à l'intercommunale Brutélé sans passer par une procédure de mise en concurrence, ce qui avait soulevé les protestations de la société Coditel. Dans la décision du 9 juin 2009, la CJCE poursuit dans la même direction, en décidant que l'on peut fournir des services publics via la coopération intercommunale, sans passer par des appels d'offres tant qu'il n'y a pas de partenaire privé. Dans une telle circonstance, les autorités publiques peuvent donc mettre leurs ressources en commun pour prester un service qui est nécessaire à leurs missions, en l'occurrence l'élimination des déchets.

Toutefois, une nouvelle étape est franchie, puisqu'à la différence de la décision "Coditel", les quatre Landkreise concernés n'exerçaient aucun contrôle qui aurait pu être qualifié d'analogue à celui qu'ils exerçaient sur leurs propres services, que ce soit sur leur cocontractant, à savoir les services de voirie de la ville de Hambourg, ou encore sur l'exploitant de l'installation thermique, une société d'économie mixte locale. Impossible, à partir de là, d'appliquer la jurisprudence "Coditel" qui permet un contrôle collectif sous certaines conditions, à savoir essentiellement l'existence d'une participation même très faible de la personne publique à la société intercommunale en cause, cette participation n'étant pas incompatible avec le contrôle analogue qui peut être exercé de façon collective. Cette condition du contrôle analogue doit donc s'apprécier en rapport avec celui de l'activité, la dépendance s'appréciant à partir du fait de savoir si, dans le lien avec les collectivités qui la détiennent, l'organisme peut exercer, ou non, une partie importante de son activité auprès d'autres opérateurs (2).

La jurisprudence française a, d'ailleurs, repris à son compte cette théorie, puisque l'exception "in house providing", ou des prestations intégrées, est inscrite expressément à l'article 3, paragraphe 1, du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2663HPC), notamment dans un arrêt du 4 mars 2009 également relatif à la mutualisation (CE 1° et 6° s-s-r., 4 mars 2009, n° 300481, Syndicat national des industries d'information de santé N° Lexbase : A5748EDA). L'émiettement de l'influence publique entre plusieurs collectivités ne fait donc pas obstacle à l'identification de la relation "in house", dès lors que les collectivités dans leur ensemble maîtrisent les décisions économiques stratégiques de la société, tel le tarif de ses interventions (CE Contentieux, 6 avril 2007, n° 284736, Commune d'Aix-en-Provence N° Lexbase : A9332DU8) (3).

Dans la présente décision, la Cour de Luxembourg indique que, d'une part, le droit communautaire n'impose nullement aux autorités publiques, pour assurer en commun leurs missions de service public, de recourir à une forme juridique particulière. D'autre part, pareille collaboration entre autorités publiques ne saurait remettre en cause l'objectif principal des règles communautaires en matière de marchés publics, à savoir la libre circulation des services et l'ouverture à la concurrence non faussée dans tous les Etats membres, dès lors que la mise en oeuvre de cette coopération est uniquement régie par des considérations et des exigences propres à la poursuite d'objectifs d'intérêt public, et que le principe d'égalité de traitement des intéressés visé par la Directive (CE) 92/50 précitée est garanti. Elle rejette donc le recours en manquement introduit par la Commission européenne pour méconnaissance de cette Directive.

Dans son raisonnement, la CJCE indique, tout d'abord, que l'exclusion de l'application de la Directive (CE) 92/50 implique que l'on soit bien présence d'une mission de service public, argument déjà cité par l'Allemagne dans son argumentation initiale (I). Elle en déduit qu'une telle mission peut s'effectuer par le biais d'un contrat de coopération (II).

I - Le contrat en cause ne ressortait pas du droit des marchés publics

Selon l'argumentation de la République fédérale d'Allemagne, les cocontractants concernés doivent être considérés comme se fournissant une assistance administrative dans l'accomplissement d'une mission de service public. En ce sens, les services de voirie de la ville de Hambourg pourraient être regardés, non pas comme un prestataire de services agissant contre paiement d'une rémunération, mais comme un organisme de droit public responsable de l'élimination des déchets, offrant une assistance administrative à des collectivités publiques voisines contre remboursement de ses coûts de fonctionnement. Le contrat en cause étant l'aboutissement d'une opération interne à l'administration, il ne se situe donc pas dans le champ d'application de la Directive (CE) 92/50.

La Cour de Luxembourg reprend ici à son compte le critère de l'existence de la mission de service public. Elle constate que "le contrat litigieux instaure une coopération entre collectivités locales ayant pour objet d'assurer la mise en oeuvre d'une mission de service public qui est commune à ces dernières, à savoir l'élimination de déchets", et qu'il "prévoit, également, certains engagements des collectivités locales contractantes directement en rapport avec l'objet du service public". A ses yeux, le contrat litigieux constitue donc tant le fondement que le cadre juridique pour la construction et l'exploitation futures d'une installation destinée à l'accomplissement d'un service public, à savoir la valorisation thermique des déchets. Elle reprend, là encore, l'esprit de la jurisprudence "Coditel", selon laquelle une autorité publique peut accomplir les tâches d'intérêt public qui lui incombent par ses propres moyens, sans être obligée de faire appel à des entités externes n'appartenant pas à ses services, et qu'elle peut aussi le faire en collaboration avec d'autres autorités publiques, ce qui est le cas en l'espèce, puisque "ledit contrat n'a été conclu que par des autorités publiques, sans la participation d'une partie privée", et "ne prévoit, ni ne préjuge la passation des marchés éventuellement nécessaires pour la construction et l'exploitation de l'installation de traitement des déchets". Cette solution semble donc logique, du fait que l'un des objectifs de l'intercommunalité est de permettre aux collectivités territoriales d'organiser de façon rationnelle et efficace les compétences qu'elles détiennent dans les divers domaines de l'action locale.

La CJCE reconnaît, ensuite, que le contrat de prestation de services litigieux conclu dans le cadre d'une démarche intercommunale peut échapper, pour cette raison, à l'application des procédures de passation prévues par les Directives "marchés publics" du 31 mars 2004, 2004/17, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (N° Lexbase : L1895DYT), et 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU). L'on est ici en présence d'un contrat plus large que la simple prestation de services, puisque "le contrat passé entre les services de voirie de la ville de Hambourg et les Landkreise concernés doit être analysé comme l'aboutissement d'une démarche de coopération intercommunale entre les parties à celui-ci et qu'il comporte des exigences propres à assurer la mission d'élimination des déchets. Il a, en effet, pour objet de permettre à la ville de Hambourg de construire et de faire exploiter une installation de traitement de déchets dans les conditions économiques les plus favorables grâce aux apports en déchets des Landkreise voisins, ce qui permet d'atteindre une capacité de 320 000 tonnes. La construction de cette installation n'a, pour cette raison, été décidée et réalisée qu'après l'accord des quatre Landkreise concernés d'utiliser la centrale et leur engagement correspondant".

Les obligations des parties se rattachent donc à l'exécution réciproque de leur mission de service public, à savoir le traitement des déchets via la mutualisation qui permet la réalisation d'économies d'échelle par la mise en commun des moyens pour une plus grande efficacité pratique et économique de l'action locale. En outre, les Landkreise permettent aux services de la ville de Hambourg d'utiliser les capacités de mise en décharge qu'elles n'utilisent pas elles-mêmes, et s'engagent à réduire les capacités utilisées en cas de surcharge de l'installation (4). Enfin, un autre point de nature à écarter l'application de la Directive (CE) 92/50 est l'absence de prestation onéreuse, les services de voirie de la ville de Hambourg pouvant être regardés, non pas comme un prestataire de services agissant contre paiement d'une rémunération, mais comme un organisme de droit public responsable de l'élimination des déchets, offrant une assistance administrative à des collectivités publiques voisines contre remboursement de ses coûts de fonctionnement.

Le dernier argument de la CJCE est plus empirique, puisqu'elle relève que ledit contrat n'a été conclu que par des autorités publiques sans la participation d'une partie privée, et laisse pendante la possibilité éventuelle de passation future de marchés relatifs à l'installation de traitement des déchets. Elle constate, enfin, que, dans la présente affaire, rien ne permet d'affirmer que "les collectivités en cause se seraient livrées à un montage destiné à contourner les règles en matière de marchés publics".

Une fois cette mission de service public concrétisée, la CJCE poursuit son raisonnement en indiquant que cette tache peut s'effectuer via un contrat de collaboration (II).

II - La possibilité d'une mutualisation des moyens en l'absence préalable d'une structure dédiée

La Cour de Luxembourg a déjà admis le recours à une structure dédiée dès 1999. Dans l'arrêt "Teckal" précité, la Cour de justice a estimé qu'il pouvait être dérogé aux Directives communautaires pour les marchés passés entre une collectivité publique et une autre personne juridique dans les hypothèses "où, à la fois, la collectivité territoriale exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services, et où cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent". Cette exception a été étendue aux situations dans lesquelles la passation du marché est soumise à une obligation de mise en concurrence, non pas, en vertu des Directives communautaires, mais en vertu du Traité lui-même en application de la jurisprudence "Telaustria" (CJCE, 7 décembre 2000, aff. C-324/98, Telaustria Verlags GmbH et Telefonadress GmbH c/ Telekom Austria AG N° Lexbase : A1916AWU, Rec., p. I-10745 ; CJCE, 21 juillet 2005, aff. C-231/03, Consorzio Aziende Metano (Coname) c/ Comune di Cingia de' Botti N° Lexbase : A1664DKT ; CJCE, 13 octobre 2005, aff. C-458/03, Parking Brixen GmbH c/ Gemeinde Brixen, Stadtwerke Brixen AG N° Lexbase : A7748DK8). Deux conditions doivent être réunies pour que puisse jouer l'exception "in house". La première est d'ordre organique, puisqu'il s'agit d'examiner si le contrôle exercé par les pouvoirs adjudicateurs sur le cocontractant est analogue à celui exercé sur ses propres services. La seconde est matérielle, puisqu'il s'agit d'exiger que l'entreprise réalise l'essentiel de son activité avec la collectivité publique (5).

Si elle a, tout d'abord, retenu une conception très restrictive des deux conditions posées dans l'arrêt "Teckal", jugeant que "la participation, fût-elle minoritaire, d'une entreprise privée dans le capital d'une société à laquelle participe, également, le pouvoir adjudicateur en cause exclut, en tout état de cause, que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services" (CJCE, 11 janvier 2005, aff. C-26/03, Stadt Halle, RPL Recyclingpark Lochau GmbH, Arbeitsgemeinschaft Thermische Restabfall - und Energieverwertungsanlage TREA Leuna N° Lexbase : A9511DEY). Toutefois, dès l'arrêt "Carbotermo" en 2006, la Cour de justice semble avoir adopté une position moins stricte (CJCE, 11 mai 2006, aff. C-340/04, Carbotermo, Consorzio Alisei c/ Commune du Busto Arsizio, AGESP SpA N° Lexbase : A3283DPB). Dans cette décision, elle admet qu'une société anonyme dont le capital est détenu à 99,8 % par une commune puisse bénéficier de l'exception "in house". Cette démarche va trouver son aboutissement avec l'arrêt "Coditel", en reconnaissant la présomption d'existence de la condition portant sur le contrôle analogue.

Dans le présent arrêt "Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne", elle admet que le recours à des moyens propres en collaboration avec d'autres autorités publiques peut se faire via un contrat de mutualisation sans recours préalable à la création d'une structure dédiée. Elle indique que le droit communautaire n'impose nullement aux autorités publiques, pour assurer en commun leurs missions de service public, de recourir à une forme juridique particulière. Elle va, ainsi, à l'encontre des conclusions de l'Avocat général, lequel affirmait qu'une coopération entre deux entités étatiques différentes s'analyserait comme l'utilisation des moyens propres du pouvoir adjudicateur. En effet, selon lui, les services de voirie de la ville de Hambourg ne peuvent pas être considérés comme les moyens propres des circonscriptions concernées qui constituent les pouvoirs adjudicateurs. De son côté, la Commission européenne avait, dans son argumentation, indiqué que les seules exceptions permises à l'application des Directives sur le droit des marchés publics sont celles qui sont limitativement et expressément mentionnées dans celles-ci. En outre, selon elle, dans un arrêt du 13 janvier 2005 (CJCE, 13 janvier 2005, aff. C-84/03, Commission des Communautés européennes c/ Royaume d'Espagne N° Lexbase : A9516DE8), la Cour avait confirmé que les contrats de coopération horizontale conclus par des collectivités territoriales, tels que celui visé en l'espèce, sont soumis au droit des marchés publics.

La CJCE rejette ici ces argumentations, indiquant que le contrat de coopération entre autorités publiques, destiné à permettre à celles-ci d'assurer en commun leurs missions de service public, se situe définitivement en dehors du champ d'application de la Directive (CE) 92/50. Le Conseil des Communes et Régions d'Europe (CCRE) estime que cette décision constitue un tournant pour les collectivités locales européennes. Dans un communiqué, la responsable des politiques au CCRE, Angelika Poth-Mögele, ajoute que "la décision de la Cour reprend ce que nous avons répété pendant des années et qui figure dans notre récente Charte européenne sur les services locaux et régionaux d'intérêt général. La coopération intercommunale est une façon d'organiser les services de façon efficace, et sert les intérêts des citoyens et du secteur privé. Enfin, la Cour de justice a confirmé le droit des collectivités locales de choisir quelle est la meilleure façon pour eux d'organiser les tâches qui leur incombent". L'on peut supposer que la Commission européenne et la Cour de justice continueront à exercer un contrôle sur ce type de montage contractuel afin de déterminer s'il s'agit d'une simple mutualisation des services organisée au sein de l'intercommunalité ou, au contraire, d'un marché public soumis au respect de la procédure d'appel d'offres.


(1) Lire nos obs., L'ouverture de l'exception "in house" aux rapports entre communes et structures intercommunales, Lexbase Hebdo n° 92 du 17 décembre 2008 - édition publique (N° Lexbase : N9263BHK).
(2) Lire Claude Devès, Des progrès méritoires mais encore insuffisants dans la définition des prestations intégrées ou du "in house", JCP éd. A, n° 24, 8 juin 2009.
(3) Lire Antoine Bourrel, L'intercommunalité à l'abri du droit des marchés publics : une application audacieuse de la notion de "in house", AJDA, n° 17/2009, 11 mai 2009.
(4) Lire Philippe Proot, Coopération locale et mutualisation de services, JCP éd. A, n° 27, 29 juin 2009.
(5) Lire Olivier Dubos, La Cour de justice et l'exception "in house" : du rigorisme au pragmatisme ?, Lexbase Hebdo n° 8 du 14 Juin 2006 - édition publique (N° Lexbase : N9597AKN).

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Réf. : Cass. com., 3 juin 2009, n° 08-13.355, Société Diac, FS-P+B (N° Lexbase : A6294EHL)

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par Nicolas Ferrier, Agrégé des Facultés, Professeur à l'Université Toulouse I, membre du CERDAC

Le 07 Octobre 2010

Le 24 juin 1999, le conseil d'administration de la société anonyme DIAC délègue au président directeur général, M. B., tous les pouvoirs qu'il détenait en vertu de l'article 10 des statuts, à l'exception de ceux d'acquérir, de vendre ou d'hypothéquer des immeubles qu'il entendait se réserver. Par la suite, M. B. délègue le pouvoir de déclarer les créances de la société DIAC à M. Y, secrétaire général, qui le subdélègue à M. A., lequel le sub-subdélègue à M. Z.. Celui-ci déclare, le 14 avril 2003, les créances de la société dans la procédure de redressement judiciaire ouverte contre l'un de ses débiteurs. Infirmant le jugement de première instance, la cour d'appel de Poitiers considère que les déclarations de créances sont irrecevables car le conseil d'administration n'avait pas autorisé le président directeur général à subdéléguer ses pouvoirs, de sorte que la chaîne des subdélégations n'était pas valable. Sans surprise, l'arrêt est cassé. Après avoir rappelé que "dans le cas où le créancier est une personne morale, la déclaration de créance, faite à titre personnel, si elle n'émane pas des organes habilités par la loi à la représenter, peut encore être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte, émanant d'un des organes précités ou d'un préposé ayant lui-même reçu d'un organe habilité le pouvoir de déclarer les créances ainsi que la faculté de le subdéléguer ; [...] la délégation de pouvoirs faite par le représentant légal d'une société, pour le compte de celle-ci, continue d'engager la personne morale, même après le changement du représentant légal de la société, tant que cette délégation n'a pas été révoquée", la Cour de cassation relève qu'en l'espèce "M. [B.], président du conseil d'administration, qui, en 1999, tenait de la loi le pouvoir de représenter la société et d'agir en son nom, pouvait déclarer les créances ou déléguer ce pouvoir à un préposé avec faculté de subdélégation, sans que soit requise une autorisation du conseil d'administration en ce sens, et, d'un autre côté, qu'aucune révocation de la délégation de pouvoirs valablement donnée antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001, par M. [B.] à M. [Y.], ni des subdélégations subséquentes n'étant invoquée, la DIAC restait engagée, lors de la déclaration de créance signée en 2003 par Mme [Z.], par ces délégations, les modifications apportées par la loi précitée aux règles de la représentation des sociétés anonymes étant sans incidence". Cette décision rappelle les conditions dans lesquelles, d'une part, le pouvoir de déclarer les créances peut être délégué (I) et, d'autre part, la délégation de pouvoir est maintenue malgré les changements intervenus au sein de la société (II).

I - L'attribution du pouvoir de déclarer les créances

Le pouvoir de déclarer les créances est légalement attribué au représentant légal de la société anonyme, qui peut conventionnellement en attribuer l'exercice à un tiers par délégation.

A - L'attribution légale

De manière assez surprenante, les juges du fond partaient de l'idée que le président directeur général de la société anonyme, soit à l'époque le président du conseil d'administration, détenait ses pouvoirs d'une délégation du conseil d'administration. L'analyse était inexacte car cet organe tient de l'article L. 225-51, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L5922AI8), alors applicable, "les pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société", ce qui englobe le pouvoir de déclarer les créances. La jurisprudence est sur ce point bien établie et considère que, lorsque le créancier est une personne morale, la déclaration de créance émane en premier lieu de l'organe habilité à la représenter (1).

Implicitement mais directement investi par la loi du pouvoir de déclarer les créances, le président du conseil d'administration peut donc le déléguer sans avoir à obtenir une quelconque autorisation préalable du conseil d'administration, sauf disposition statutaire contraire qui n'était pas, en l'occurrence, rapportée.

Depuis la loi "NRE" du 15 mai 2001 (loi n° 2001-420, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ), les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général peuvent être dissociées sur décision du conseil d'administration. Il en résulte que le président du conseil d'administration n'a pas en tant que tel vocation à assurer la direction générale de la société. De sorte qu'en cas de dissociation des deux fonctions, le président du conseil d'administration a seulement pour mission d'organiser et diriger les travaux de celui-ci, tandis que le directeur général exerce la direction générale de la société (2). Dans ce cas, le pouvoir de déclarer les créances et de subdéléguer ce pouvoir revient donc au directeur général. Peut alors se poser la question de l'incidence de cette réforme sur la délégation de pouvoir accordée par un organe qui n'existe plus, du moins dans sa forme en vigueur au jour de la délégation (3).

B - L'attribution conventionnelle par délégation

L'arrêt ajoute que la déclaration de créance peut être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte, émanant d'un organe habilité par la loi à représenter la société ou d'un préposé ayant lui-même reçu d'un tel organe le pouvoir de déclarer les créances ainsi que la faculté de le subdéléguer. Si la solution est aujourd'hui bien acquise (4), elle appelle quelques précisions.

D'abord, il n'est pas nécessaire que le préposé délégataire soit spécialement habilité à déclarer les créances, mais il suffit que lui soit délégué le pouvoir de représenter la société en justice (5), puisque la déclaration de créances s'analyse en une demande en justice (6), du moins en général (7).
Ensuite, un préposé peut subdéléguer le pouvoir de déclarer les créances à condition, nous dit l'arrêt, d'être personnellement investi de ce pouvoir et d'être autorisé à le subdéléguer.

La deuxième condition est parfaitement légitime (8). La subdélégation, comme la délégation elle-même, est un acte juridique accompli en représentation de la société qui crée un lien contractuel direct entre la société et le subdélégataire. En conséquence, elle implique un pouvoir de subdéléguer, correspondant au pouvoir de représentation en vue d'accomplir l'acte juridique particulier que constitue la subdélégation (9). Il en résulte que le pouvoir de subdéléguer est distinct du pouvoir subdélégué. La première condition paraît, dès lors, injustifiée car peu importe que le délégant ne puisse exercer personnellement le pouvoir qu'il délègue pourvu qu'il ait le pouvoir de le subdéléguer. Telle est, au demeurant, la solution qui résulte d'un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 29 avril 2002 (10).

La recevabilité des déclarations de créances réalisées par M. Z. (sub-subdélégataire) supposait donc, en premier lieu, que la sub-subdélégation lui ait été valablement accordée. En reprenant la chaîne des délégations, cela revenait à exiger que M. Y. (subdéléguant) et M. A. (sub-subdéléguant) soient respectivement habilités à subdéléguer et sub-subdéléguer le pouvoir de déclarer les créances. En revanche, il nous paraît indifférent de savoir si M. Y. et M. A. étaient personnellement habilités à déclarer les créances.

La recevabilité des déclarations de créances réalisées par M. Z. supposait, en second lieu, que le pouvoir dont il était investi soit maintenu jusqu'au jour de la déclaration.

II - La pérennité du pouvoir de déclarer les créances

Selon l'arrêt commenté, la délégation du pouvoir de déclarer les créances disparaît par sa révocation et non par le changement du représentant légal délégant.

A - L'indifférence du changement du représentant légal

Le changement de représentant légal correspond généralement au changement de la personne investie de la qualité d'organe. L'hypothèse la plus fréquente est celle de la révocation d'un dirigeant social suivie de la désignation d'un successeur. Dans ce cas, la pérennité des délégations accordées par le dirigeant révoqué est parfaitement acquise (11). Elle s'explique par le fait que l'acte de délégation de pouvoir est accompli par le représentant légal au nom et pour le compte de la société, qui se trouve directement et contractuellement liée au délégataire. Conformément aux règles du mandat, la révocation ou le remplacement du mandataire ne remet pas en cause les actes antérieurement accomplis en représentation du mandant.

De prime abord, ce n'est pas exactement la situation envisagée en l'espèce, qui vise plutôt celle d'un changement de type d'organe au sein d'une même forme sociétaire. En effet, depuis la loi "NRE" du 15 mai 2001, les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général peuvent, sur décision du conseil d'administration, être dissociées. Plus qu'un changement de personne physique, il s'agirait alors d'une modification de la structure organique de la société anonyme dont on pourrait déduire la caducité des délégations accordées par un organe qui n'existe plus (12).

Cette interprétation doit être écartée. Dans la mesure où aucune précision n'est apportée sur ce point, il semble que le conseil d'administration ne se soit pas prononcé en faveur d'une dissociation ou non des qualités de président et de directeur général. Dans cette hypothèse, le président du conseil d'administration continue de cumuler les deux qualités (13). Au demeurant, quand bien même la dissociation aurait été décidée par le conseil d'administration, elle est analysée comme la simple nomination d'une nouvelle personne occupant une même fonction organique (14), ce qui nous ramène à la solution précédente.

B - L'incidence de la révocation

Comme le rappelle la Cour de cassation, la délégation de pouvoir subsiste tant qu'elle n'a pas été révoquée par le nouveau dirigeant. On explique parfois cette solution par le fait que la délégation est "implicitement mais nécessairement consenties par le nouveau dirigeant" (15). En réalité, le remplaçant n'a pas à consentir à une délégation qui s'impose déjà à la société en représentation de laquelle elle a été accordée. Tout au plus peut-il les dénoncer en exerçant son pouvoir de direction. En l'espèce, il semble qu'aucune révocation ne soit intervenue, ce qui justifie son maintien et, partant, celui des subdélégations auxquelles elle a donné lieu.

On précisera, pour terminer, que dans l'hypothèse où la délégation est accordée à un salarié, sa révocation est susceptible de constituer une modification du contrat de travail qui commande l'application des règles correspondantes.


(1) Cass. com., 14 décembre 1993, n° 93-10.696, Mme Poincheval, ès qualités de liquidateur de la société européenne c/ Société européenne de location de véhicules et de matériels (N° Lexbase : A4431AG9), JCP éd. G, 1994, II, 22199, rapp. J.-P. Remery ; JCP éd. E, 1994, II, 573, note M.-J. Campana et J.-M. Calendini, Bull. Joly, 1994, p. 196, note M. Jeantin, Rev. sociétés, 1994, p. 100, obs. Y. Chartier, RTDCom, 1994, p. 367, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com, 1er février 2000, n° 96-21.718, Société Banque parisienne de crédit c/ M. Daniel Tulasne (N° Lexbase : A2223AZD, D., 2000, p. 128, RJDA, 2000, n° 310 ; Cass. com., 3 avril 2001, n° 98-04.210, M. Jean Chatraix c/ Mme Chantal Bertau (N° Lexbase : A1955ATL), RJDA, 2001, n° 878 ; concernant plus spécifiquement le président du conseil d'administration, v. Cass. com., 12 juillet 2004, n° 02-17.255, M. Xavier Grave c/ Société Coopérative d'exploitation et de répartition pharmaceutique (CERP), FS-P+B+I (N° Lexbase : A1026DDD), Bull. Joly, 2004, p. 1525, note J.-M. Bahans et P. Le Cannu, Rev. Sociétés, 2005, p. 216, note Y. Chartier.
(2) C. com., art. L. 225-51 (N° Lexbase : L5922AI8) et L. 225-51-1 (N° Lexbase : L2183ATZ).
(3) V. infra.
(4) Cass. com., 14 décembre 1993, préc. ; Cass. com., 17 décembre 1996, n° 94-19.489, Mme Pascual-Homont c/ Crédit fécampois et autres, publié (N° Lexbase : A6183AWW), Bull. civ. IV, n° 313, Rev. dr. banc., 1997, n° 60, p. 75, obs. M.-J. Campana et J.-M. Calendini, JCP éd. E, 1997, II, 941, obs. M. Behar-Touchais, Bull. Joly, 1997, p. 344 note J.-J. Daigre, JCP éd. G, 1997, II, 22837, rapp. J.-P. Remery, RTDCom, 1997, p. 512, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 30 mars 1999, n° 96-15.144, Société Chantiers modernes c/ Crédit lyonnais et autres, publié (N° Lexbase : A0112AUP), D. aff., 1999, p. 648.
(5) Cass. com., 9 juin 1998, n° 96-13.675, Mme Kagan Ehelberg c/ Banque Rivaud et autre, publié (N° Lexbase : A5438ACE), Bull. civ. IV, n° 183.
(6) Ass. plén. 26 janvier 2001, n° 99-15.153, Mme Pascual-Homont, ès qualités de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société Houvenaghel et autre c/ Société générale et autres (N° Lexbase : A3209ARB), JCP éd. G, 2001, II, 10552, note D. Lochouarn ; Cass. com., 14 février 1995, deux arrêts, n° 93-12.398, Mme Poincheval, ès qualités de syndic de la liquidation judiciaire de la Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels c/ Société Fina France et autres, publié (N° Lexbase : A4010CHY) et n° 93-12.064, Société Solovam crédit et autre c/ Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels et autre, publié (N° Lexbase : A1126ABC), Bull. civ. IV, n° 43 ; Cass. com., 14 décembre 1993, préc.. En ce sens, M. Cabrillac, obs. JCP éd. E, 1992, I, 156, n° 11 ; Y. Chaput, Droit du redressement et de la liquidation judiciaire des entreprises, PUF, coll. droit fondamental, 2ème éd., 1990, n° 332 ; F. Derrida, P. Gore, J.-P. Sortais, avec la collaboration de A. Honorat, Redressement et liquidation judiciaire des entreprises, Dalloz, 3ème éd., par F. Derrida et J.-P. Sortais, 1991, n° 211 ; A. Ghozi, Nature juridique de la production des créances dans les procédures collectives, RTDCom, 1978, p. 1, n° 18 ; G. Ripert et R. Roblot, Traité élémentaire de droit commercial, t. II, par Ph. Delebecque et M. Germain, LGDJ, 16ème éd., 2000, n° 3014 ; C. Saint Alary-Houin, Droit des entreprises en difficultés, Montchrestien, coll. Domat droit privé, 5ème éd. 2006, n° 683 ; B. Soinne, La double nature de la déclaration de créance, Rev. proc. coll., 1993, p. 21.
(7) Contra P.-M. Le Corre, Déclaration, vérification, admission des créances et procédure civile, LPA, 28 novembre 2008, p. 72 ; J.-L. Vallens, La déclaration de créance n'est pas une demande en justice, RTDCom, 2009, p. 214.
(8) Cass. com., 14 février 1995, deux arrêts, préc., Bull. Joly, 1995, p. 443, note J.-J. Daigre ; Cass. com., 19 décembre 1995, n° 94-11.831, Caisse d'épargne et de prévoyance Centre Val-de-Loire c/ M. Lebailly (N° Lexbase : A1375ABK), Bull. civ. IV, n° 304. V., cependant, Cass. soc., 16 avril 2008, n° 07-60.421, Syndicat UNSA-CIRAD, F-D (N° Lexbase : A9796D7X), Bull. Joly, 2008, p. 665, note B. Le Bars.
(9) Nos obs., La délégation de pouvoir, technique d'organisation de l'entreprise, préf. Ph. Pétel, Bibl. dr. entr., t. 68, 2005, p. 167 et s., n° 333 et s..
(10) Cass. com., 29 avril 2002, n° 99-19.903, Société Arcens c/ Crédit commercial de France, FS-P (N° Lexbase : A5708AY3), RJDA, 2002, n° 1056 (1er espèce) ; D., 2002, 1755, obs. A. Lienhard, qui décide que le directeur des ressources humaines d'une société anonyme puisse valablement déléguer le pouvoir de déclarer les créances de la société, alors même que le président du conseil d'administration ne lui a pas délégué ce pouvoir, mais lui a délégué celui de déléguer le pouvoir de déclarer les créances.
(11) Cass. com., 4 février 1997, n° 94-20.681, M. Pradeau c/ Banque La Hénin, publié (N° Lexbase : A1561ACS), Bull. civ. IV, n° 44 ; JCP éd. E, 1997, pan. 285, D. aff., 1997, p. 354, JCP éd. G, 1997, IV, n° 702 ; JCP éd. G, 1997, I, 676, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain, Défrenois, 1997, p. 663, obs. H. Hovasse, BRDA, 1997/5, p. 3, Banque, juin 1997, note J.-L. Guillot, Dr. et patrimoine, mars 1997, p. 93 ; adde. Cass. civ. 2, 7 décembre 1994, n° 92-20.354, Société des Grands hôtels de Cannes et autre c/ Directeur général des impôts et autre (N° Lexbase : A7357AB4), JCP éd. G, 1995, II, 22517, note E. du Rusquec.
(12) Comp. Cass. crim., 3 janvier 1986, n° 85-91.905, Société Gefiroute et Cie (N° Lexbase : A3593AAC) ; D., 1987, 84, note B. Bouloc ; RTDCom, 1987, 396, note Y. Reinhard ; Rev. sociétés 1986, p. 221, qui décide que la transformation d'une société anonyme en société en nom collectif rend caduque la délégation de pouvoir accordée par le président du conseil d'administration, alors même que celui qui occupait jusqu'alors cette fonction aurait été désigné gérant de la société en nom collectif.
(13) Loi n° 2001-420, art. 131, I, al. 2. En ce sens, B. Mercadal et Ph. Janin, Sociétés commerciales, Mémento Lefebvre, 2004, n° 8231.
(14) A. Lienhard, Code des sociétés annoté, art. L. 225-51-1, éd. Dalloz.
(15) F. Marmoz, La délégation de pouvoir, préf. Y. Reinhard, Litec, coll. Bibl. de droit de l'entreprise, t. 43, 2000, n° 654.

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Bancaire

[Questions à...] De l'union de l'Etat avec sa banque centrale : "jusqu'à ce que la mort les sépare" ? - Questions à Maître Rémi Barousse, avocat du cabinet Salans et magistrat en disponibilité

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

Le mariage d'un Etat avec sa banque centrale est de ceux que l'on envie : pour le meilleur et, surtout, pour le pire, au point que la seconde ne peut survivre à la disparition du premier. C'est en ce sens qu'a tranché, le 11 février 2009, le tribunal de commerce de Paris, dans l'affaire qui opposait, sur fond d'éclatement de la République socialiste fédérale de la Yougoslavie (RSFY), la Banque franco-yougoslave (BFY) à la Banque nationale de Yougoslavie (BNY), au soutien de laquelle est intervenue, à titre accessoire, la Banque nationale de Serbie (BNS) (T. com. Paris, 11 février 2009, aff. n° 2001054088, Société Banque franco-yougoslave c/ Société Banque nationale de Yougoslavie N° Lexbase : A5576EID). Le 7 mai 1991, la BFY, société de nationalité française, mais dont le capital était constitué en majorité de fonds yougoslaves, a conclu un accord avec la BNY (banque centrale de la RSFY), ayant pour objet de favoriser la coopération économique entre la France et la Serbie, aux termes duquel la BNY mettait en dépôt des disponibilités sous forme de devises convertibles (pour plus de 75 millions de dollars) à la BFY, à charge pour celle-ci d'accorder des lignes de crédits aux banques yougoslaves et d'investir dans des entreprises yougoslaves. Un avenant précisait que la BNY couvrait les impayés de ces opérations vis à vis de la BFY, qui pouvait se rembourser en utilisant les dépôts de la BNY auprès de toutes les banques commerciales et centrales à l'étranger. L'opération était peu commune et dissimulait, vraisemblablement, du blanchiment d'argent et des détournements de fonds, en vue, notamment, du financement d'achats d'armes (dont la presse s'était, à l'époque, fait l'écho), sous l'égide de Slobodan Milosevic. Celui-ci avait, d'ailleurs, placé l'un de ses proches à la tête de la BFY.

A la suite de malversations et de difficultés financières, la Commission des opérations bancaires a décidé, le 3 juillet 2000, la liquidation et la radiation de la BFY, avec nomination d'un administrateur provisoire chargé de recouvrir les actifs. Ce dernier a, dans ce cadre, assigné la BNY, sur le fondement de la garantie prévue dans l'accord de coopération. La BNY était, alors, la banque centrale de la République fédérale de Yougoslavie (BNY-RFY), constituée de la Serbie et du Monténégro et née de l'éclatement, en 1991 et 1992, de la RSFY en cinq Etats (Slovénie, Croatie, Macédoine, Bosnie-Herzegovine et Serbie-Monténégro). En cours d'instance, la République fédérale de Yougoslavie (RFY) a, à son tour, disparu, à la suite de la division de la RFY en deux Etats distincts : la Serbie et le Monténégro. La BNY-RFY a, alors, laissé la place à la BNS et le Monténégro s'est doté de sa propre banque centrale.

La succession des Etats, et avec elle, celle des banques centrales ne simplifiait pas l'affaire, au point que, par jugement avant dire droit du 6 février 2006, le tribunal de commerce a rejeté les conclusions prises au nom de la BNS et a fait injonction aux parties de fournir tout justificatif relatifs à la situation juridique actuelle de la BNY, de la BNS et de la Banque centrale du Monténégro, ainsi qu'aux relations juridiques et patrimoniales de ces trois entités. La BNS, qui se considérait comme une entité juridique distincte de la BNY, puis de la BNY-RFY, est, alors, intervenue à l'instance à titre accessoire, au soutien de la BNY (qui, selon ce raisonnement, n'existait donc plus), pour faire valoir ses prétentions. Tous ses efforts se concentraient dans la démonstration qu'elle était tiers à l'instance, non pas tant pour voir jugée recevable son intervention volontaire, que pour voir consacrer le fait qu'elle n'était pas débitrice de l'engagement de garantie contractée par la BNY au profit de la BFY. Résultat des courses : l'intervention volontaire à titre accessoire est rejetée, mais la BNS obtient gain de cause. Les juges consulaires ont, en effet, estimé qu'une banque centrale étant consubstantielle à l'Etat, elle disparaît nécessairement avec celui-ci. Pour faire la lumière sur cette affaire si singulière, Lexbase Hebdo - édition privée générale a rencontré Maître Rémi Barousse, avocat du cabinet Salans et magistrat en disponibilité, représentant la BNS à l'instance.

Lexbase : Pourquoi le litige a-t-il été jugé en France ?

Rémi Barousse : Le litige a été jugé en France, car l'accord de coopération du 7 mai 1991, conclu entre la BFY et la BNY, comportait une clause attributive de juridiction au profit du tribunal de commerce de Paris.

Lexbase : Pour quelles raisons la BNS a-t-elle choisie d'intervenir volontairement à titre accessoire à l'instance, au soutien de la BNY ? Les conditions de l'intervention volontaire accessoire étaient-elles remplies ?

Rémi Barousse : La BNS considérait (à juste titre, puisque le tribunal a statué en ce sens) qu'elle n'était pas débitrice des engagements contractés par la BNY, en ce qu'elle n'était ni le successeur, ni le continuateur, de cette banque centrale, ni même, d'ailleurs, de la suivante (la BNY-RFY), mais qu'elle était bien une banque centrale nouvelle, attachée à l'Etat de la Serbie, et dotée d'une personnalité juridique propre. Il n'était, alors, pas possible de conclure, puisque suivant ce raisonnement, la BNS était tiers à l'instance. La question se posait, dès lors, du moyen lui permettant de faire valoir ses prétentions, étant donné que c'est bien sa condamnation, en qualité d'ayant droit de la BNY, qui était requise par la BFY.

La BNS a, alors, choisi d'intervenir volontairement à l'instance, à titre accessoire, au soutien de la BNY (débitrice des obligations), en application de l'article 330 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2544ADL). Le caractère accessoire de l'intervention implique que l'intervenant ne peut obtenir une quelconque condamnation de la partie adverse à celle au soutient de laquelle il intervient et ne peut pas, non plus, être condamné.

Pour être recevable, l'intervention accessoire doit répondre à deux conditions cumulatives : elle doit émaner d'un tiers, qui à intérêt à la former (C. proc. civ., art. 330 : "elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie").

Pour faire valoir sa qualité de tiers, la BNS a rappelé qu'une banque centrale est par essence liée à un Etat et un seul, en ce que, notamment, elle exerce des prérogatives de souveraineté de cet Etat, en étant au centre des systèmes de paiement du pays dont elle émet la monnaie et dont elle gère les réserves de change. Le sort d'une banque centrale ne peut donc être dissocié de celui de l'Etat dont elle est l'émanation et auquel elle ne peut survivre. Pour cette raison, et sauf à nier toute souveraineté aux Etats, une banque centrale ne peut être le successeur ou le continuateur d'une institution équivalente, liée à un autre Etat. Ainsi, l'éclatement de la RFSY, en 1991 et 1992, en cinq Etats avait eu pour conséquence, comme nous l'avons plaidé, la disparition de la banque centrale attachée à la RFSY (la BNY) et la création de la banque centrale de la RFY, la BNY-RFY. De la même façon, le processus d'indépendance initié par le Monténégro, en désaccord avec la politique de Slobodan Milosevic, vis-à-vis à de la Serbie, et la création de deux nouveaux Etats, la Serbie et le Monténégro, ont entraîné la disparition de la RFY et, avec elle, celle de la BNY-RFY. Deux banques centrales, attachées respectivement à la Serbie et au Monténégro, ont, alors, été créées.

La communauté internationale a adhéré à ce raisonnement. Tout d'abord, un accord international dénommé Agreement on succession issues du 21 juin 2001 est intervenu entre les cinq nouveaux Etats issus de l'éclatement de la RFSY, aux termes duquel ceux-ci se répartissent les biens et obligations de la RFSY, dont les actifs et les dettes de la BNY. Ensuite, depuis la division définitive de la RFY en deux Etats distinct (en 2006), des négociations ont lieu en vue d'une répartition de l'actif et du passif de la RFY, dont le patrimoine de la BNY-RFY, entre la Serbie et le Monténégro. Or si les Etats successeurs décident de tels partages, c'est bien qu'ils ont considéré que la BNY et, ensuite, la BNY-RFY, ont disparu avec la disparition de la RFSY et, postérieurement, celle de la RFY.

En outre, des décisions de justices rendues dans le cadre de la procédure introduite par les ex-Républiques yougoslaves contre la remise des fonds saisis à la RFY ont, également, estimé que la RFY et sa banque centrale, la BNY-RFY, ne pouvaient être considérées comme les successeurs de la RSFY et de sa propre banque centrale. Notons, aussi, que la Banque des règlements internationaux (dite "Banque centrale des banques centrales") a pris acte de la disparition de la RFSY et de RFY et de leur banque centrale.

Enfin, d'un point de vue purement juridique, la BNY, la BNY-RFY et la BNS présentaient des attributs de personnalité morale totalement distincts, qu'il s'agisse, outre de leur dénomination sociale, de leur objet, de leurs statuts ou de leur nationalité. La BFY avait avancé, au soutien de son argumentation, le fait que la BNY et la BNS soient établies au même siège social et que le personnel de la BNY, puis de la BNY-RFY, ait été conservé par la BNS. Or, il est de bons sens, et c'est de façon pragmatique, que la Serbie, sur le territoire de laquelle étaient antérieurement installées la BNY et la BNY-RFY, utilise pour sa propre banque centrale, le même siège social, certaines infrastructures et une partie du personnel des banques disparues. Cet état de fait résulte, en réalité, de la répartition opérée par l'Agreement on succession issues". La BFY confondait, également, la notion de patrimoine et celle de personnalité morale. Elle avait, en effet, souligné de nombreuses similitudes entre les comptes de la BNY, ceux de la BNY-RFY et ceux de la BNS. Ces similitudes s'expliquaient, une fois encore, par la répartition opérée entre les Etats concernés de l'actif et du passif de la RFSY et celle à venir concernant les droits et obligations de la RFY.

Quant à l'intérêt à intervenir volontairement à l'instance, à titre accessoire, il était, en l'espèce, évident. Tout d'abord, la BFY réclamait la condamnation de la BNS, sans jamais l'avoir régulièrement appelée en la cause, dans le cadre d'une instance introduite contre la seule BNY-RFY. L'intérêt à agir était d'autant plus démontré, que les opérations de partage des biens de la BNY entre les cinq ex-Républiques, puis celles de la BNY-RFY entre la Serbie et le Monténégro, vont amener la BNS à bénéficier d'une partie du patrimoine de la BNY-RFY.

Les deux conditions de l'intervention volontaire à titre accessoire étaient, donc, réunies.

Lexbase : Pourtant l'intervention accessoire a été rejetée...

Rémi Barousse : Et c'est bien parce que notre argumentation a été entendue par le tribunal, même si, à première vue, cela semble paradoxal !

Reconnaître la personnalité juridique propre de la BNS revient à admettre que la BNY, puis la BNY-RFY, ont disparu du fait de la disparition des Etat auxquels elles étaient respectivement attachées. La BNY-RFY n'existant plus, il n'y a plus personne au soutien de qui intervenir volontairement à l'instance. Dès lors, le tribunal ne peut que rejeter notre intervention.

C'est précisément ce qu'il a fait. Les juges consulaires ont relevé :

- que la BNY, assignée par la BFY, n'existe plus ;

- que la BNS, qui n'existait pas au moment de l'introduction de l'instance, n'a pas valablement été appelée dans la cause par la BFY,

- et que l'intervention accessoire de la BNS, venant au soutien de la BNY, est irrecevable, puisque la BNY n'existe plus.

La solution est logique ; elle est celle que nous attendions. Nous étions, en effet, conscients que notre intervention (seule à même, en pratique, de faire valoir notre raisonnement) serait rejetée, dès lors que nos arguments seraient entendus.

Lexbase : Sur quels fondements s'est reposé le tribunal de commerce pour reconnaître la personnalité juridique propre de la BNS vis-à-vis de la BNY-RFY ?

Rémi Barousse : Pour l'essentiel, le tribunal de commerce de Paris a repris notre argumentation, qui n'est que pur bon sens.

Les juges consulaires ont, tout d'abord, décidé que les similitudes matérielles entre la BNY-RFY et la BNS, invoquées par la BFY, ne suffisaient pas à établir qu'il s'agissait de la même entité juridique. "Elles reflétaient seulement le fait qu'à la suite de la séparation de la Serbie et du Monténégro, la Serbie représentait de loin la principale entité et avait, donc, toutes les raisons pratiques de conserver l'essentiel des éléments matériels de la BNY[-RFY] localisée physiquement à Belgrade, capitale de la Serbie". La continuité entre les comptes de la BNY-RFY et ceux de la BNS qu'avaient cru déceler la BFY, dans le fait que certains montants étaient repris, a été rejetée par le tribunal. Celui-ci observe, en effet, qu'à la date de l'arrêté des comptes de la BNS, la séparation des actifs et du passif de la BNY-RFY entre la Serbie et le Monténégro n'était pas intervenue (ce qui, d'ailleurs, est toujours le cas), expliquant pourquoi les périmètres de ces comptes étaient si voisins.

Les juges ont, ensuite, rappelé avec grande conviction, les principes sur lesquels était axée notre argumentation. Ils ont énoncé qu'"un Etat exerce certaines de ses prérogatives de souveraineté par sa banque centrale, laquelle est, par essence, liée à l'Etat". L'éclatement de l'Etat entraîne la disparition de sa banque centrale, laquelle voit son patrimoine réparti entre les Etats successeurs, ce qui n'implique nullement une confusion ou une continuité entre l'ancienne et la nouvelle banque centrale. Ainsi, la disparition de la RFY a entraîné la disparition de la BNY-RFY, dont le patrimoine doit être réparti, celui-ci ne pouvant faire l'objet d'une transmission universelle au profit de la BNS.

Lexbase : Où en est l'instance ? Cette affaire peut-elle connaître des suites judiciaires ?

Rémi Barousse : Le tribunal de commerce de Paris a reconnu la disparition de la BNY et la personnalité propre de la BNS. Ce faisant, il a dû rejeter l'intervention accessoire de cette dernière. Il a, par ailleurs, appliqué l'article 370 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2601ADP), aux termes duquel l'instance est interrompue par le décès d'une partie dans les cas où l'action est transmissible. Le texte, qui concerne les seules personnes physiques, a, donc, été étendu aux personnes morales par le tribunal, qui a décidé de l'interruption d'instance. Reste à la BFY à mettre en cause régulièrement chacune des ex-Républiques yougoslaves, si on considère qu'il s'agit de dettes d'Etat, ce que je pense, ou chacune des banques centrales des ex-Républiques. Or, cette mise en cause demandera beaucoup de patience : la répartition de l'actif et du passif de la RFY, et, donc, de sa banque centrale, fait encore l'objet de négociations entre la Serbie et le Monténégro, alors même que l'"Agreement on succession issues" n'est pas, aujourd'hui, totalement réalisé.

Outre l'inconvénient majeur du temps que prendra une telle mise en cause régulière, celle-ci, une fois toutes les répartitions intervenues, se révélera très complexe en pratique pour la BFY. Si elle veut, en effet, récupérer les fonds qu'elle a perdus, elle devra multiplier les procédures à l'encontre de tous les bénéficiaires de la répartition, chacun pour ce qui le concerne. Ainsi, bien qu'il ne s'agisse que d'un jugement interrompant l'instance, je doute -même si on ne peut, toutefois, totalement l'exclure- que cette affaire connaisse des suites judiciaires.

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Environnement - Bulletin d'actualités n° 4

[Textes] Bulletin droit de l'environnement du Cabinet Savin Martinet Associés : actualités "La responsabilité environnementale : commentaire du décret d'application de la loi du 1er août 2008"

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N9883BKA

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Le 07 Octobre 2010

Dans le contexte du retard pris dans la transposition de la Directive communautaire du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale (N° Lexbase : L2058DYU) -ce qui a valu à la France d'être condamnée par un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) en date du 11 décembre 2008 (1)-, la loi du 1er août 2008 (loi n° 2008-757, relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement N° Lexbase : L7342IA8), étape législative de la transposition, a été complétée par le décret n° 2009-468 du 23 avril 2009, relatif à la prévention et à la réparation de certains dommages causés à l'environnement (N° Lexbase : L1255IE9), paru au Journal officiel du 26 avril 2009. Le décret apporte des précisions relatives au régime (I) et aux mesures (II) de prévention et de réparation de certains dommages environnementaux.

I - Les précisions relatives au régime de prévention et de réparation

Le décret, qui crée un titre VI à la partie réglementaire du Code de l'environnement, intitulé "Prévention et réparation de certains dommages causés à l'environnement", précise des points essentiels du régime mis en place par la loi du 1er août 2008 (codifiée aux articles L. 160-1 et suivants N° Lexbase : L2170IBY du Code de l'environnement), notamment la définition des dommages concernés (A), le champ d'application du régime de responsabilité sans faute (B) et l'autorité compétente pour sa mise en oeuvre (C).

A - Les précisions quant aux dommages concernés

Le décret apporte des précisions sur le champ d'application du régime de prévention et de réparation des dommages causés en raison de la pollution des sols, des dommages à la qualité des eaux de surface et souterraines, et des dommages aux espèces et habitats naturels protégés.

Les dommages causés en raison de la pollution des sols

La gravité des risques créés pour la santé humaine par la contamination des sols est appréciée au moment de la manifestation du risque ou de la réalisation du dommage, au regard des caractéristiques et des propriétés du sol, ainsi que de la nature, de la concentration, de la dangerosité et des possibilités de dispersion des contaminants.

Les dommages causés à la qualité des eaux de surface et souterraines

La notion de gravité des dommages causés à la qualité des eaux de surface et souterraines est précisée par le décret. Celle-ci s'apprécie au moment de la manifestation du risque ou de la réalisation du dommage, par rapport à l'état écologique, chimique ou quantitatif des eaux.

Les dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés

L'article R. 161-3 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1275IEX) définit ce qu'est un état de conservation favorable, et, en fonction de cinq séries de données mesurables, ce qu'est une détérioration mesurable de l'état de conservation d'un habitat ou d'une espèce.

Toutefois, certaines détériorations mesurables, précisées à l'article R. 161-5 (N° Lexbase : L1273IEU), ne sont pas considérées comme étant des dommages affectant gravement le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable.

De surcroît, en vertu de l'article R. 161-4 (N° Lexbase : L1277IEZ), seuls les dommages aux espèces et habitats qui ont également des incidences démontrées sur la santé humaine sont qualifiés de grave.

B - Les précisions sur le champ d'application du régime de responsabilité sans faute

Le régime de prévention et de réparation des dommages environnementaux prévoit deux types de responsabilité :

- un régime de responsabilité sans faute pour les activités professionnelles dont l'impact environnemental est le plus fort ;
- un régime de responsabilité pour faute ou négligence, pour les autres activités professionnelles. La responsabilité pour faute est limitée aux dommages causés aux espèces et habitats (C. envir., art. L. 162-1, 2° N° Lexbase : L2195IBW).

Le décret vient préciser le champ d'application du régime de responsabilité sans faute de l'exploitant, qui est applicable aux dommages causés par les activités professionnelles dont la liste est fixée à l'article R. 162-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1282IE9). Ces activités correspondent à celles mentionnées à l'annexe 3 de la Directive communautaire du 21 avril 2004, à savoir notamment :

- l'exploitation des installations soumises à la Directive 2008/1/CE du 15 janvier 2008, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (version codifiée) (N° Lexbase : L7892H3P) ;
- les opérations de gestion des déchets et, notamment, les transferts transfrontaliers ;
- l'exploitation des installations soumises à la réglementation des installations, ouvrages et activités (IOTA) ;
- les opérations concernant les organismes génétiquement modifiés (OGM) ;
- le transport terrestre, maritime, aérien ou la manutention portuaire de matières dangereuses ou polluantes.

C - La définition de l'autorité compétente

L'autorité compétente pour la mise en oeuvre du régime de responsabilité est le préfet du département dans lequel le dommage menace de se réaliser ou s'est réalisé. Un préfet coordonnateur est désigné lorsque le dommage se réalise dans plusieurs départements.

Toutefois, pour les installations soumises aux dispositions relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ou aux installations, ouvrages et activités (IOTA), le préfet compétent est celui du lieu d'implantation de l'activité. Il convient de noter que pour les ICPE ou IOTA implantées à Paris, le préfet de police est compétent.

D'autres autorités que le préfet peuvent être compétentes dans certains cas, notamment :

- le ministre de la Défense en cas de menace de dommage ou de dommage émanant d'une installation relevant de sa compétence (par ex. d'une installation nucléaire de base secrète) ;
- le représentant de l'Etat en mer en cas de menace de dommage ou de dommage se manifestant à partir d'une zone relevant de sa compétence.

II - Les précisions relatives aux mesures de prévention et de réparation

Le décret précise les conditions de mise en oeuvre de la demande d'action (A), de l'information des Etats membres (B), des mesures en cas de menace (C) ou de réalisation d'un dommage (D) et des mesures prises sur le fondement de l'article L. 162-15 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L2132IBL), mises en oeuvre par une personne autre que l'exploitant (E).

A - La possibilité d'une demande d'action

Les associations de protection de l'environnement ainsi que toute personne directement concernée ou risquant de l'être par un dommage ou une menace de dommage peuvent être à l'origine du déclenchement de mesures de prévention ou de réparation.

En premier lieu, elles peuvent informer l'autorité compétente du dommage ou de la menace de dommage si elles disposent d'éléments sérieux en établissant l'existence.

Elles peuvent, également, demander à l'autorité compétente de mettre ou de faire mettre en oeuvre les mesures de prévention ou de réparation ; cette demande est accompagnée des informations et données pertinentes.

L'autorité administrative devra alors informer par écrit le demandeur, et de manière motivée, des suites apportées à sa demande d'action.

B - L'information des Etats membres

Aux termes de l'article R. 162-5 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1283IEA), lorsqu'un dommage affecte ou est susceptible d'affecter le territoire d'autres Etats membres, l'autorité administrative compétente en informe le ministre des Affaires étrangères et, en cas d'urgence, les autorités compétentes des Etats concernés.

Cette information précise, notamment, les mesures de prévention ou de réparation envisagées ou déjà réalisées.

C - Les mesures en cas de menace de dommage

L'article L. 162-3 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L2123IBA) prévoit qu'en cas de menace imminente de dommage, l'exploitant prenne sans délai et à ses frais des mesures de prévention afin d'en empêcher la réalisation ou d'en limiter les effets et, en cas de persistance de la menace, communique à l'autorité compétente certaines informations.

Ces informations comprennent, notamment, aux termes de l'article R. 162-6 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1285IEC) :

- l'origine et l'importance de la menace ;
- l'identification des dommages susceptibles d'affecter la santé humaine et l'environnement ;
- les mesures prises par l'exploitant pour écarter ou limiter la menace ;
- l'évolution prévisible de la menace compte tenu des mesures prises par l'exploitant ;
- les éléments qui permettent à celui-ci de considérer que ces mesures ne sont pas de nature à prévenir le dommage.

Le défaut de communication de ces informations est passible d'une amende de 1 500 euros.

D - Les mesures en cas de réalisation du dommage

La procédure de mise en oeuvre des mesures en cas de réalisation d'un dommage fait l'objet des articles R. 162-8 (N° Lexbase : L1276IEY) à R. 162-19 du Code de l'environnement, dans lesquels sont abordés successivement les paragraphes suivants : information de l'administration, détermination des mesures de réparation, instruction des dossiers de réparation, mesures de publicité et exécution des mesures de réparation.

Information de l'administration

En cas de réalisation d'un dommage, les informations communiquées par l'exploitant à l'autorité administrative compétente comprennent notamment, en fonction de la nature des dommages :

- l'origine et l'importance du dommage ;
- l'identification des dommages affectant ou susceptibles d'affecter la santé humaine et l'environnement ;
- l'évolution prévisible du dommage et de ses conséquences sur la santé humaine et l'environnement ;
- les mesures prises.

Le défaut de communication de ces informations est passible d'une amende de 1 500 euros.

Détermination des mesures de réparation

La détermination et l'évaluation des mesures de réparation se font à l'aide des meilleures techniques et technologies disponibles.

Les mesures de réparation doivent, en outre, tenir compte de l'usage du site endommagé, défini par les documents d'urbanisme en vigueur au moment de la réalisation du dommage. A défaut, elles sont fixées en fonction de l'usage du sol au moment de la réalisation du dommage. Concernant les ICPE, l'usage futur qui a été déterminé conformément à la réglementation les concernant, est pris en compte pour la détermination des mesures de réparation du dommage.

Instruction des dossiers de réparation

L'exploitant soumet à l'approbation de l'autorité compétente les mesures de réparation qu'il juge appropriées, selon un délai fixé par celle-ci.

Les mesures proposées puis le projet de décision de l'autorité compétente font, ensuite, l'objet de consultations, notamment des comités départementaux de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques.

A l'issue de ces consultations et dans un délai de trois mois à compter de la réception des mesures proposées par l'exploitant -un nouveau délai peut toutefois être fixé-, l'autorité compétente prescrit à l'exploitant les mesures de réparation par arrêté motivé, avec un délai de réalisation.

Mesures de publicité

L'arrêté prescrivant les mesures de réparation est notifié à l'exploitant et une copie est déposée en mairie pour y être affichée pendant une durée au minimum d'un mois. Une ampliation de l'arrêté est adressée à chaque collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales ayant été consulté.

Exécution des mesures de réparation

L'exploitant doit informer l'autorité compétente de l'exécution des travaux, qui sera constatée par un agent placé sous l'autorité compétente.

Le fait de ne pas mettre en oeuvre les mesures de réparation des dommages est passible d'une amende de 1 500 euros.

Il convient de noter que des mesures complémentaires peuvent être prescrites à l'exploitant pour parvenir à la réparation des dommages.

E - Les mesures prises sur le fondement de l'article L. 162-15 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L2132IBL)

En cas d'urgence et lorsque l'exploitant ne peut être immédiatement identifié, d'autres personnes physiques ou morales peuvent proposer à l'autorité compétente de réaliser eux-mêmes des mesures de prévention ou de réparation.

Il s'agit des collectivités territoriales ou leurs groupements, des établissements publics, des groupements d'intérêt public, des associations de protection de l'environnement, des syndicats professionnels, des fondations, et des propriétaires de biens affectés par les dommages ou leurs associations.

Si l'autorité compétente donne une suite favorable à cette proposition d'intervention, elle fixe par arrêté les conditions de cette intervention, notamment en ce qui concerne les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des biens et des personnes concernés.

En conclusion, la mise en oeuvre d'un régime spécifique de prévention et de réparation des dommages environnementaux, dans le respect du principe pollueur-payeur et à un coût raisonnable pour la société, constitue une nouveauté dans notre droit. Le décret, s'il apporte des précisions sur les conditions d'application de ce régime, ne permet pas d'en appréhender complètement les contours. La prochaine étape sera maintenant l'application concrète par la jurisprudence du régime de la responsabilité environnementale.

Savin Martinet Associés - www.smaparis.com - Cabinet d'avocats-conseils
Contacts :
Patricia Savin (savin@smaparis.com)
Yvon Martinet (martinet@smaparis.com)


(1) CJCE, 11 décembre 2008, aff. C-330/08, Commission des Communautés européennes c/ République française (N° Lexbase : A6954EB8).

newsid:359883

Licenciement

[Jurisprudence] Licenciement du salarié protégé et contrôle judiciaire de l'autorisation administrative

Réf. : Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-44.640, Société Shiseido international Europe, FS-P+B (N° Lexbase : A4130EIS)

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N9930BKY

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"

Le 07 Octobre 2010

S'il est acquis que l'inspecteur du travail doit, dans le cadre de la procédure spéciale mise en place au profit des salariés protégés susceptibles d'être licenciés, vérifier, non seulement le bien fondé de la décision de licenciement, mais, également, le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, la question n'avait pas été tranchée de définir le régime contentieux de ce contrôle. L'autorisation administrative prive-t-elle le juge judiciaire de son pouvoir de contrôle du respect par l'employeur de l'exécution de ses obligations contractuelles individuelles à l'égard de la salariée, à savoir ses obligations contractuelles en matière de reclassement ? La Cour de cassation vient de se prononcer sur ce point jamais réglé (1), et pourtant central, dans un arrêt du 23 juin 2009 : le juge judiciaire ne peut contrôler le respect de l'obligation individuelle de reclassement qui a été vérifié par l'inspecteur du travail pour apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement économique d'un salarié protégé. En l'espèce, une assistante marketing et formation, qui était membre du CHSCT, a été licenciée pour motif économique, après autorisation administrative de licenciement définitive. La salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour violation de l'ordre des licenciements, d'une indemnité pour violation de la priorité de réembauche et d'un rappel de prime. Pour déclarer recevable la demande d'indemnité de la salariée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement d'une indemnité à ce titre, en raison d'un manquement à l'obligation individuelle de reclassement, la cour d'appel a retenu que l'autorisation administrative de licenciement ne prive pas le juge judiciaire de son pouvoir de contrôle du respect par l'employeur de ses obligations contractuelles individuelles à l'égard de la salariée, à savoir ses obligations contractuelles en matière de reclassement et de critères d'ordre des licenciements (2). La Cour de cassation censure l'arrêt de la cour d'appel, au visa de la loi des 16-24 août 1790 : lorsque le licenciement économique d'un salarié protégé a été autorisé par l'inspecteur du travail à qui il appartient de vérifier le respect de l'obligation individuelle de reclassement pour apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, contrôler le respect de cette obligation.


Résumé

Lorsque le licenciement économique d'un salarié protégé a été autorisé par l'inspecteur du travail à qui il appartient de vérifier le respect de l'obligation individuelle de reclassement pour apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, contrôler le respect de cette obligation.

Commentaire

I - Objet et étendue du contrôle de l'administration du travail

A - Contrôle de l'administration du travail en matière de licenciement pour motif économique

Dès 1977, le Conseil d'Etat a posé en principe que, lorsque la demande de licenciement est fondée sur un motif économique, il revient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise. En outre, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité pour refuser le licenciement, à condition qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence (3). Dans le même sens, la doctrine administrative estime qu'il revient à l'inspecteur du travail de contrôler la réalité du motif économique et de la suppression de poste, les efforts de reclassement de l'employeur et la discrimination éventuelle dont serait victime le salarié protégé (4).

  • Réalité du motif économique

L'une des questions que pose le licenciement tient au cadre d'appréciation du motif économique. Le Conseil d'Etat estime que ce cadre d'appréciation doit être le groupe (5). Le ministre du Travail ne peut se contenter de prendre en considération la seule situation de l'entreprise requérante, mais est tenu, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, de ne faire porter son examen que sur la situation économique des sociétés du groupe ayant leur siège social en France et des établissements de ce groupe situés en France (6).

  • Eléments d'appréciation

L'employeur doit justifier d'éléments précis sur la situation économique et financière de l'établissement concerné et de l'entreprise afin de pouvoir apprécier la réalité du motif économique, tels que la situation économique difficile (7), la baisse constante du chiffre d'affaires (8), la suppression de poste en application des décisions de l'autorité de tutelle (9), le changement de structure d'une association justifiant des modifications aux spécificités de l'emploi concerné (10), le transfert des fonctions à d'autres salariés de l'entreprise (11), le remplacement par un autre salarié recruté à cet effet à condition que la suppression de l'emploi soit exacte (12). Mais l'augmentation des effectifs, par la création de nouveaux emplois dont certains correspondaient à la qualification et au niveau hiérarchique de l'intéressé au cours de la période récente, ne permet de caractériser des difficultés économiques (13).

B - Contrôle de l'administration du travail en matière de reclassement

Le contrôle des efforts de reclassement de l'employeur à l'égard des salariés protégés s'inscrit dans le cadre général des obligations qui s'imposent à l'employeur en matière de licenciement économique, que cet employeur ait, ou non, l'obligation d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi (14).

  • Etendue de l'obligation de reclassement

C'est à l'employeur que revient la charge d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en montrant la réalité des efforts entrepris et des propositions d'emplois formulées. Il importe peu que l'inspecteur du travail ait constaté que trois salariés avaient été embauchés sous contrat à durée indéterminée dès lors que l'entreprise justifie avoir accompli des efforts suffisants en vue du reclassement du salarié, eu égard au nombre de postes de travail que celui-ci ne pouvait occuper (15).

L'obligation qui pèse sur l'employeur est une obligation de recherche individuelle. L'examen des possibilités de reclassement doit être fait intuitu personae. Ne satisfait pas à cette obligation, la proposition de mutation faite à l'ensemble du personnel sans aucune précision (16) ; si l'employeur a simplement affiché une liste d'emplois existants dans divers établissements de l'entreprise, sans avoir procédé à un examen spécifique des possibilités de reclassement du salarié protégé (17), ou s'il invoque avoir mis en place une cellule de reclassement dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (18).

L'obligation ne sera, également, pas remplie si (même en présence d'un accord arrêté entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise prévoyant que tous les salariés intéressés par un poste disponible dans les autres établissements de l'entreprise ou de ses filiales pourront prendre connaissance des offres d'emploi collectives auprès de ces établissements et s'y porter candidats) les offres d'emploi n'ont pas fait l'objet d'une diffusion. Celle-ci doit permettre à chacun des salariés d'être informé de leur existence et de leurs caractéristiques, car leur consultation a été laissée à la discrétion de l'encadrement et que, au final, l'intéressé n'a pu avoir accès que tardivement à cette information à la différence de plusieurs centaines de ses collègues (19).

  • Aire de recherche

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'établissement ou de l'entreprise où le salarié exécute son contrat de travail. L'employeur doit pouvoir justifier avoir examiné les possibilités de reclassement au sein même de l'entreprise, cet examen étant prioritaire sur celui des reclassements externes (20). La recherche peut être étendue au groupe. Le juge administratif opère un contrôle étroit (21).

  • Emploi équivalent

Selon la doctrine administrative et la jurisprudence administrative (22), l'obligation de reclassement de l'employeur doit porter, en priorité, sur un emploi équivalent apprécié au regard de la rémunération, de la position du salarié dans la classification professionnelle, des responsabilités exercées et des avantages de carrière. Ce n'est qu'à défaut d'emploi équivalent disponible qu'un autre emploi requérant une moindre qualification pourra être proposé au salarié (23).

II - Contentieux du licenciement du salarié protégé

En l'espèce, pour déclarer recevable la demande d'indemnité de la salariée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement d'une indemnité en raison d'un manquement à l'obligation individuelle de reclassement, les juges du fond estiment que l'autorisation administrative de licenciement ne prive pas le juge judiciaire de son pouvoir de contrôle du respect par l'employeur de ses obligations contractuelles individuelles à l'égard de la salariée, à savoir ses obligations contractuelles en matière de reclassement et de critères d'ordre des licenciements. La Cour de cassation (arrêt rapporté) a décidé, au contraire, que, lorsque le licenciement économique d'un salarié protégé a été autorisé par l'inspecteur du travail à qui il appartient de vérifier le respect de l'obligation individuelle de reclassement pour apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, contrôler le respect de cette obligation.

A - Incompétence judiciaire de principe

Il est de jurisprudence constante que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus par l'autorité administrative à l'appui d'une autorisation de licenciement (24). Pas plus, le juge judiciaire ne saurait interpréter lui-même la décision administrative et, dès lors que la portée de cette décision soulèverait une contestation sérieuse, il serait tenu de surseoir à statuer jusqu'à son interprétation par la juridiction administrative (25). Les juridictions judiciaires ne doivent pas plus contrôler la légalité de la décision administrative sans violer le principe de la séparation des pouvoirs (26). Même en présence d'une allégation de fraude, la décision de l'autorité administrative refusant l'autorisation de licencier un salarié protégé s'impose au juge judiciaire, qui ne peut en apprécier la légalité (27).

  • Autorisation de licenciement

Si le licenciement d'un salarié protégé a fait l'objet d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier :

- le caractère réel et sérieux du motif de licenciement (28) ;

- la régularité de la procédure de licenciement (29) ;

- l'existence de la faute commise par le salarié (30) ;

- la réalité du motif économique invoqué (31) ;

- et le respect, par l'employeur, de l'obligation de reclassement : il lui appartient de surseoir à statuer en renvoyant l'appréciation de légalité à la juridiction administrative (32).

  • Refus de licenciement

De même, la décision de l'autorité administrative qui refuse l'autorisation de licencier un salarié protégé s'impose au juge judiciaire (33). Mais le juge judiciaire demeurera compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement. La Cour de cassation a estimé qu'une cour d'appel qui, après avoir relevé que, antérieurement au licenciement, l'employeur avait eu une attitude discriminatoire fondée sur l'état de santé du salarié et sur sa qualité de salarié protégé, avait pu condamner cet employeur au paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral (34).

B - Compétence judiciaire résiduelle

Saisies d'une demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de demandes d'indemnités de rupture, les juridictions judiciaires, si elles ne peuvent remettre en cause l'appréciation administrative du bien-fondé du licenciement, ne sauraient, pourtant, se déclarer incompétentes. Elles doivent :

- soit surseoir à statuer jusqu'à décision du ministre et, éventuellement, de la juridiction administrative compétente, si elles estiment qu'existe une contestation sérieuse sur la légalité de la décision du ministre ;

- soit débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuer sur ses demandes d'indemnités de préavis et de licenciement en appréciant la gravité de la faute (35).

Même liée par l'appréciation de l'administration du travail ou des juridictions administratives de l'existence d'une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement, la juridiction prud'homale demeure compétente :

- pour se prononcer sur le degré de gravité de la faute au regard des indemnités de préavis, de licenciement et de congés payés qui doivent être versées au salarié (36) ;

- contrôler la régularité de la procédure conventionnelle préalable à un licenciement, et le moyen tiré de la violation de cette procédure ne peut donc être invoqué devant la juridiction administrative (37) ;

- pour connaître des licenciements irréguliers, notamment, ceux intervenus sans autorisation administrative ou malgré un refus d'autorisation. Le juge judiciaire ordonnera, alors, la réintégration ou allouera des dommages-intérêts. Il sera, également, compétent pour statuer sur les demandes de réintégration et d'indemnisation après annulation d'une autorisation administrative de licenciement.


(1) J.-M. Auby, Le contrôle du Conseil d'Etat sur les décisions des inspecteurs du travail relatives au licenciement des délégués du personnel et des membres des comités d'entreprise, JCP, 1952, I, 989 ; B. Boubli, Bilan et perspectives du statut des salariés protégés, SSL, n° 967, 7 février 2000 ; D. Chelle et X. Prétot, Le champ d'application de l'autorisation administrative de licenciement des salariés protégés, Dr. soc., 1987, p. 686 ; Le contentieux des autorisations administratives de licenciement des salariés protégés : questions de légalité et questions de responsabilité, Dr. soc., 1989, p. 376 ; Licenciement du salarié protégé : nouveaux développements de la jurisprudence administrative, RJS, 7/1992, p. 457 ; M. Cohen, Aspects actuels du statut protecteur des représentants du personnel, Dr. soc., 1975, p. 412 ; Les innovations introduites dans la législation sur les représentants du personnel, Dr. ouvrier, 1983, p. 1 ; La protection légale des représentants du personnel contre les licenciements, RPDS, 1985, p. 101 ; F. Duquesne, La protection du conseiller du salarié contre le licenciement, Dr. soc., 1995, p. 877 ; J.-Y. Frouin, L'indemnisation des salariés protégés licenciés sans autorisation, RJS, 11/2001, p. 842 ; B. Grémaud, Les recours hiérarchiques contre les décisions des inspecteurs du travail, Dr. soc., 1987, p. 492 ; R. Indart et H. Maurel, Procédure de licenciement des salariés protégés, SSL, 4 mars 1991, suppl. n° 541 ; Motifs de licenciement des représentants du personnel, SSL, 17 juin 1991, suppl. n° 555 ; A. Jeammaud, Le statut protecteur des salariés investis de fonctions représentatives., Droit, juridisme et idéologie des juristes, Actes, 1976, n° 11, p. 19 ; Le droit constitutionnel dans les relations du travail, AJDA, 1991, p. 563 ; M. Laroque, Distinction de la nouvelle demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel après modification des données juridiques du litige, de la demande purement confirmative de la précédente, D., 1990, p. 498 ; L. Milet, Le licenciement des représentants du personnel et la jurisprudence, RPDS, 1990, p. 95 ; Les indemnités dues aux représentants du personnel licenciés sans autorisation administrative, Dr. soc., 2001, p. 1053 ; F. Moderne, Le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé, Quot. jur., 1989, n° 12 ; B. Teyssié, La protection des délégués syndicaux : les limites de l'immunité, Dr. soc., 1984, p. 59 ; Ph. Waquet, La faute justifiant le licenciement d'un salarié protégé : rôle du juge judiciaire, Dr. soc., 1990, p. 498 ; J.-E. Ray, Le dualisme juridictionnel et le droit du travail : Le contrôle juridictionnel de l'administration, Economica, 1991, p. 174.
(2) CA Paris, 21ème ch., sect. C, 11 septembre 2007, n° 06/01502, Mlle Dae (N° Lexbase : A4488DYU).
(3) CE Contentieux, 18 février 1977, n° 95354, Abellan (N° Lexbase : A9400AXG), Rec. CE, p. 97 ; CE Contentieux, 27 juin 1979, n° 11121, M. Vincent et autres (N° Lexbase : A9918AI8), Rec. CE, p. 288. C'est à la date à laquelle l'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique qu'il convient d'apprécier si les conditions pour accorder celle-ci sont réunies (CE, 21 décembre 2001, n° 224605, M. Baumgarth N° Lexbase : A9559AXC, RJS, 3/2002, n° 305).
(4) Circulaire DRT n° 93/23 du 4 octobre 1993, relative aux décisions administratives en matière de licenciement des salariés protégés et au traitement des recours hiérarchiques formés contre ces décisions (N° Lexbase : L4573IE4).
(5) CE Contentieux, 25 avril 1994, n° 105228, M. Illoul et autres (N° Lexbase : A0459ASS), Rec. CE, tables, p. 1148, RJS, 8-9/1994, n° 1016.
(6) CE Contentieux, 26 avril 1985, n° 38231, Société dragage du Nord (N° Lexbase : A3160AMY), Rec. CE, p. 140.
(7) CE Contentieux, 21 décembre 1994, n° 146600, M. Gruntz (N° Lexbase : A0141AI3), RJS, 2/1995, n° 139.
(8) CE Contentieux, 11 février 1998, n° 169789, Société anonyme Ficom (N° Lexbase : A6381AS7), RJS, 5/1998, n° 609.
(9) CE Contentieux, 31 mars 1995, n° 135119, Fondation Mequignon (N° Lexbase : A3043ANZ), RJS, 6/1995, n° 669.
(10) CE Contentieux, 9 novembre 1994, n° 119053, Association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence des Hautes-Alpes (N° Lexbase : A3501ASH), RJS, 1/1995, n° 41.
(11) CE Contentieux, 10 mars 1997, n° 169829, Mme Dias (N° Lexbase : A9057ADS), RJS, 5/1997, n° 571.
(12) CE Contentieux, 16 février 1996, n° 151401, M. Molinarie (N° Lexbase : A7726ANH), RJS, 4/1996, n° 423.
(13) CE Contentieux, 16 février 1996, n° 151401, préc..
(14) Circulaire DRT n° 93/23, préc..
(15) CE Contentieux, 30 novembre 1998, n° 173491, Société Nouvelle des fonderies Nicolas (N° Lexbase : A9092ASK), RJS, 2/1999 n° 236.
(16) CE Contentieux, 15 novembre 1996, n° 156299, Société des tuyaux Bonna (N° Lexbase : A1673APN), RJS, 1/1997, n° 61.
(17) CE Contentieux, 6 juillet 1994, n° 139308, Ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle (N° Lexbase : A2418ASD), Rec. CE, tables, p. 1217 ; RJS, 10/1994, n° 1155.
(18) CE Contentieux, 8 janvier 1997, n° 171807, Société des Grands magasins de l'Ouest (N° Lexbase : A8155ADE), RJS, 2/1997, n° 175.
(19) CE Contentieux, 15 décembre 1997, n° 168566, Société anonyme Renault (N° Lexbase : A5702ASY), RJS, 3/1998, n° 331.
(20) CE Contentieux, 20 mars 1996, n° 162927, Société Causse-Wallon (N° Lexbase : A8388ANY), RJS, 5/1996, n° 570.
(21) CE 8° et 9° s.-s.-r., 30 décembre 1996, n° 163746, Porras et ministre du Travail (N° Lexbase : A1014B9G), RJS, 2/1997, n° 177.
(22) CE Contentieux, 28 février 1992, n° 116494, M. Treviglio (N° Lexbase : A8879ARB), Rec. CE, tables, p. 1349, RJS, 7/1992, n° 891.
(23) CE Contentieux, 29 décembre 1997, n° 160838, Société Teinturerie Hugo-soie (N° Lexbase : A5593ASX), RJS, 3/1998, n° 331.
(24) Cass. soc., 26 novembre 1996, n° 93-44.811, Société Marquis Hôtels Partnership c/ M. Alia et autres (N° Lexbase : A4045AA3), Bull. civ. V, n° 406 ; RJS, 3/1997, n° 266.
(25) Cass. soc., 17 février 1971, n° 70-60.080, Lin c/ Société des Entreprises Hutchinson, publié (N° Lexbase : A8162CHR), Bull. civ. V, n° 120.
(26) Cass. soc., 3 octobre 1980, n° 79-40.265, Kriebs c/ Schohn, publié (N° Lexbase : A9165CE8), Bull. civ. V, n° 707.
(27) Cass. soc., 26 septembre 1989, n° 88-42.358, Mlle Kloc c/ Société Ardico Intermarché, publié (N° Lexbase : A1038CKN), Bull. civ. V, n° 541 ; RJS, 11/1989, n° 864.
(28) Cass. soc., 21 septembre 1993, n° 90-46.083, M. David (N° Lexbase : A6399ABM), Bull. civ. V, n° 219, RJS, 11/1993, n° 1120.
(29) Cass. soc., 25 avril 1990, n° 87-44.069, Mme Médal c/ M. Ferraud-Prax, ès qualités de syndic (N° Lexbase : A3392AH4), Bull. civ. V, n° 189.
(30) Cass. soc., 6 octobre 1983, n° 81-40.645, Marzin c/ Société Industrielle Lyonnaise Article Métallique (SILAM) SA, publié (N° Lexbase : A3666CGU), Bull. civ. V, n° 481.
(31) Cass. soc., 16 juin 1983, n° 81-40.797, Scherhag c/ Sarl Croisées d'Oc, publié (N° Lexbase : A7360CH3), Bull. civ. V, n° 338.
(32) Cass. soc., 25 novembre 1997, n° 94-45.185, M. Guillemonat, ès qualités de mandataire-liquidateur de la société Brissiaud c/ M. Aguiar Portela et autres (N° Lexbase : A1669ACS), Bull. civ. V, n° 399, RJS, 1/1998, n° 70.
(33) Cass. soc., 4 mars 1998, n° 95-45.015, Société Péchiney électrométallurgie (PEM), société anonyme c/ M. Claude Grandjacques (N° Lexbase : A2915CMW), RJS, 4/1998, n° 495.
(34) Cass. soc., 10 février 1999, n° 95-43.561, Association Maison Notre-Dame du Sacré-Coeur c/ M. Favray (N° Lexbase : A4526AGQ), Bull. civ. V, n° 64, RJS, 3/1999, n° 390 ; TPS, 1999, comm. 155.
(35) Cass. soc., 18 mars 1982, n° 80-40.198, Boulanger c/ SA Société Auxiliaire de Chauffage (N° Lexbase : A9453ATB), Bull. civ. V, n° 190 ; JCP éd. G, 1982, IV, p. 196.
(36) Cass. soc., 18 mars 1982, n° 80-40.198, préc..
(37) CE Contentieux, 12 mars 1993, n° 99580, M. Guittard (N° Lexbase : A8841AME), RJS, 6/1993, n° 634.

Décision

Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-44.640, Société Shiseido international Europe, FS-P+B (N° Lexbase : A4130EIS)

Rejet CA Paris, 21ème ch., sect. C, 11 septembre 2007, n° 06/01502, Mlle Dae (N° Lexbase : A4488DYU)

Textes visés : loi des 16-24 août 1790

Mots-clefs : salarié protégé ; licenciement économique ; autorisation de licenciement ; administration du travail ; étendue de l'autorisation ; obligation de reclassement ; contrôle judiciaire ; compétence juridictionnelle ; compétence juge judiciaire (non)

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