La lettre juridique n°288 du 17 janvier 2008

La lettre juridique - Édition n°288

Éditorial

L'Europe des Régions
Décentralisation : "Acte III" ?

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N8025BDL

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


"Ce que Paris conseille, l'Europe le médite ; ce que Paris commence, l'Europe le continue". Cet extrait d'un discours à l'Assemblée constituante prononcé par Victor Hugo paraît bien obsolète au XXIème siècle. Pour dernier exemple, lorsque l'Assemblée parlementaire de l'Union européenne recommande, le 3 octobre 2007, "de développer le mouvement régionaliste sous toutes ses formes, et sous la forme la plus appropriée pour chaque situation, afin de mettre en valeur la réalité positive et la bonne gouvernance que représente l'Etat régionalisé", "convaincue que la plupart [des] problèmes peuvent être résolus de manière satisfaisante dans le cadre d'une autorité subétatique institutionnalisée, en application des principes de subsidiarité, du régionalisme, de l'autonomie ainsi que du fédéralisme", la France jette un mouchoir sur son héritage jacobin et répond par la positive, le 7 décembre dernier, par la voie du rapport "Lambert", chargé de faire le point sur le tandem Etat-collectivités territoriales, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Petit retour en arrière. La quadrature du cercle était de faire accepter au vieux pays, dont toute l'Histoire moderne -c'est-à-dire depuis la fin du Moyen-âge- est l'oeuvre d'une centralisation emprunte de déconcentration, non pas la décentralisation en elle-même, principe accepté depuis la loi "Defferre" de 1982, mais son efficience et son efficacité. Il s'agit non seulement d'accepter, pour le peuple, comme pour ses dirigeants, les résultats positifs de ce mouvement de décentralisation, mais aussi d'en tirer toutes les conséquences pour une meilleure administration. Les lois des 7 janvier 1983 et 22 juillet 1983 répartissant les compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales, et instaurant le transfert de ressources, s'avérant insuffisantes, par son "Acte II", le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, relative à l'organisation décentralisée de la République française, posait le principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales -bras financier de la décentralisation- et incluait les termes "région" et "décentralisation" dans la Constitution -gravant dans le marbre la régionalisation de l'Etat-. Aux termes de l'article 2 de la Constitution, "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale [...] Son organisation est décentralisée". On aura donc pris soin de gommer la notion "d'Unité de la République", principe qui contrevenait quelque peu au mouvement de décentralisation orchestré depuis plus de vingt ans. Mais, force est de constater que cette loi constitutionnelle n'a pas porté les fruits escomptés, tant les conflits de compétence et de péréquation financière ne cessent de s'accentuer. Or, avant d'enclencher un "troisième Acte" à la politique de décentralisation, encore convenait-il de dresser le bilan de la complémentarité Etat-collectivités territoriales et des mécanismes en vigueur.

Et Christophe de Bernardinis, Maître de conférence à l'Université de Metz, de développer, cette semaine, les principaux points de ce rapport : où il est question de clarifier les compétences des différents acteurs, voire de confier aux départements et aux régions des compétences spéciales à la place de la clause générale de compétence ; d'alléger les contraintes normatives pesant sur collectivités locales ; d'assainir les relations financières de ces mêmes collectivités avec l'Etat, mais sans normes indicatives des dépenses ; et d'encourager la mutualisation des services communaux et intercommunaux.

"La sphère politique régionale est une réalité institutionnelle d'une grande utilité en tant que niveau subétatique de gouvernement dans une majorité d'Etats membres du Conseil de l'Europe, dans la mesure où la région, pour des raisons de superficie et de proximité, est le niveau idéal pour l'exercice de la gouvernance". L'Assemblée parlementaire de l'Union européenne invite donc les Etats membres à "utiliser cette voie pour résoudre les problèmes de structure institutionnelle et [à] répondre aux revendications des régions ayant une ambition nationale, afin de leur accorder un degré satisfaisant d'autonomie en tant qu'instrument de leur réalisation politique, en coopération avec le gouvernement et les autres institutions de l'Etat et, le cas échéant, avec celles de l'Union européenne". L'Etat français, si réticent à lâcher quelque bribe de ses pouvoirs régaliens, n'a plus qu'à se préparer au prochain acte de sa décentralisation et à accrocher sa ceinture : les collectivités territoriales acquerront progressivement, mais résolument, une stature étatique, prétendant discuter et s'imposer dans le concert normatif européen, au mépris des règles gouvernant traditionnellement les relations étrangères. Au final, pour ne pas froisser l'Europe des Etats, tout en parachevant l'intégration européenne, les institutions communautaires auront pris soin de contourner les frontières en s'adressant directement aux régions de ces mêmes Etats, avides de reconnaissance et de particularismes sans grandes conséquences sur l'harmonisation européenne. "La vieille Europe ; elle ne revivra jamais : La jeune Europe offre-t-elle plus de chances ?" écrivait François René de Chateaubriand, dans ses Mémoires d'outre-tombe, à l'aube du Congrès de Vienne où se redessinait, au jour le jour, le visage de l'Europe moderne.

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Responsabilité médicale

[Panorama] Panorama de responsabilité médicale (novembre 2007 - janvier 2008) (première partie)

Lecture: 9 min

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de la base Droit médical des Editions juridiques Lexbase

Le 28 Août 2014

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, de retrouver la première partie du nouveau panorama de responsabilité civile médicale de Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV et Directeur scientifique du guide juridique Droit médical, consacré à l'actualité jurisprudentielle relative à l'information du patient (I) et aux derniers arrêts rendus en matière de responsabilité pour faute (II). La seconde partie de ce panorama fera l'objet d'une publication dans Lexbase Hebdo n° 289 du 24 janvier 2008 - édition privée générale, et sera consacrée à l'aléa thérapeutique et aux produits de santé. I - Information du patient

A - Etendue du droit à l'information

D'abord déterminée par la jurisprudence, l'étendue de l'obligation d'information du médecin a été fixée par la loi "Kouchner" du 4 mars 2002 (loi n° 2002-303, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA). L'article L. 1111-2, alinéa 2, du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9874G89) dispose ainsi que cette information "porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus".

Le texte énonce, dans l'hypothèse où des risques, inconnus lors des soins, ont été identifiés postérieurement, que "la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver". De cette formule il ressort que le médecin ne saurait être tenu d'informer le patient de l'existence de risques qui n'avaient pas été clairement identifiés par la communauté scientifique, en d'autres termes qu'il ne doit information que sur les risques qui entrent dans les "données acquises de la science" (1) et qu'il ne supporte pas, ici, un quelconque "risque de développement".

C'est d'ailleurs ce qui a été jugé à plusieurs reprises, qu'il s'agisse de l'obligation d'information pesant sur les fabricants de médicaments (2) ou sur les médecins (3). Cette limite vaut, d'ailleurs, plus largement aussi pour d'autres professionnels, tels les professionnels du droit (4).

C'est ce que viennent confirmer deux arrêts rendus par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 21 février 2007 (CA Aix-en-Provence, 10ème ch., sect. B, 21 février 2007, n° 04/11740, Madame Hélène C. épouse P. c/ Monsieur Michel G. N° Lexbase : A6685D3Y) et par la cour d'appel d'Amiens le 14 mai 2007 (CA Amiens, 14 mai 2007, n° 06/02711, Monsieur Jean-François H. c/ Madame Béatrice H. épouse W. N° Lexbase : A6686D3Z ; rendu sur renvoi de Cass. civ. 1, 24 janvier 2006, n° 04-16.110, F-D N° Lexbase : A5537DMZ).

S'agissant de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, une patiente, atteinte d'une dysphonie pour laquelle elle avait subi une ablation d'un kyste épidermique sur une corde vocale et deux injections de Téflon, avait assigné le médecin l'ayant opérée en réparation de son préjudice. Après avoir relevé que l'obligation d'information du médecin porte sur tous les risques fréquents ou graves et normalement prévisibles, ainsi que sur les risques exceptionnels (5), la cour d'appel a logiquement considéré que cette obligation ne saurait porter sur un risque inconnu à l'époque des soins. Or, en l'espèce, rien ne permet d'affirmer qu'au moment où les injections de Téflon ont été réalisées, la nocivité de ce produit était connue et que celui-ci n'était pas autorisé, de sorte qu'aucun manquement à l'obligation d'information ne pouvait être retenu à l'encontre du médecin.

S'agissant de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Amiens, un radiologue avait été mis en cause en raison d'un prétendu défaut d'information portant sur les risques d'infection encourus à l'occasion d'une discographie. Sa responsabilité n'a pas été retenue dans la mesure où la cour a considéré qu'en l'état de la science médicale, des connaissances et risques répertoriés liés aux discographies et de ce qui, en l'espèce, était raisonnablement prévisible, le médecin radiologue n'a pas manqué à son obligation d'information pré-opératoire.

B - Créanciers du droit à l'information

C'est tout naturellement le patient, lui-même, qui doit être informé des risques liés aux actes médicaux, à condition, toutefois, qu'il soit apte à recevoir cette information. Le Code de la santé publique a logiquement prévu l'hypothèse des personnes juridiquement incapables (C. santé publ., art. L. 1111-4 N° Lexbase : L9876G8B et L. 1111-5 N° Lexbase : L9877G8C) ou hors d'état de recevoir l'information, pour consacrer, dans cette dernière hypothèse, le droit des proches d'être consultés en lieu et place du patient, même si c'est bien le médecin qui aura le dernier mot en cas de désaccord (6).

L'article R. 4127-36 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8714GTW), relatif aux obligations déontologiques des médecins, dispose également que "si le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que ses proches aient été prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité".

D'autres dispositions légales reconnaissent, toutefois, à la famille du patient certaines prérogatives. Ainsi, l'article L. 1110-4, 6, du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8739GTT) dispose qu'"en cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l'article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations".

Un arrêt rendu le 6 décembre 2007 par la première chambre civile de la Cour de cassation confirme, sur le fondement de l'article R. 4127-36 du Code de la santé publique, que les proches n'ont aucun droit d'être informés sur l'état de santé du malade, dès lors que celui-ci est parfaitement apte à recevoir l'information et que le médecin ne commet, par conséquent, aucune faute en n'informant pas l'épouse du patient des risques associés à un acte médical (Cass. civ., 6 décembre 2007, n° 06-19.301, FS-P+B N° Lexbase : A0359D3P).

Cette solution doit être approuvée. Il appartient, en effet, au patient, et à lui seul, de décider de partager les informations concernant sa santé avec son entourage, sans que ses proches ne puissent prétendre exercer un quelconque droit personnel et direct à l'information sur le médecin. Rappelons, d'ailleurs, que ce dernier est légalement astreint au secret professionnel (C. pén., art. 226-13 N° Lexbase : L5524AIG), ce qui s'oppose à ce que quiconque prétende devoir être informé, en dehors des hypothèses où la loi le prévoit expressément (C. pén., art. 226-14 N° Lexbase : L8743HWQ).

C - Sanctions du manquement à l'obligation d'information

Le second arrêt rendu par la Cour de cassation intervenu dans la célèbre affaire "Hédreul" a rappelé qu'un médecin, même s'il a manqué à son obligation d'information à l'égard du patient, peut parfaitement ne pas être condamné, dès lors que cette faute n'a pas été déterminante dans la décision du patient, en d'autres termes dès lors que le patient n'aurait pas modifié sa décision s'il avait été régulièrement informé (7). Cette solution a, depuis, été confirmée à de très nombreuses reprises (8).

C'est ce que rappelle la première chambre civile de la Cour de cassation dans deux arrêts rendus le 6 décembre 2007 (Cass. civ. 1, 6 décembre 2007, n° 06-19.301, FS-P+B, précité et n° 06-13.572, M. Gilles Astruc, agissant tant en son nom personnel, qu'en qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire de sa fille Zoé Astruc, FS-D N° Lexbase : A0298D3G). La victime ne pourra donc pas établir le lien de causalité entre une prétendue perte de chance d'avoir pris une décision plus judicieuse et le manquement à l'obligation d'information.

Mais peut-elle, alors, obtenir réparation du préjudice moral que lui aurait causé ce manquement ?

Jusqu'à une période récente, la jurisprudence l'admettait. Mais, depuis 2004, la première chambre civile de la Cour de cassation n'admet plus que la réparation de la perte de chance d'avoir pu se soustraire au dommage qui s'est finalement réalisé, refusant toute idée de réparation d'un préjudice moral distinct (9).

Nous persistons à ne pas adhérer à ce système, auquel nous préférons d'autres solutions. Il nous semble, en effet, que l'analyse du caractère déterminant du manquement à l'obligation d'information ne peut conduire logiquement qu'à deux affirmations logiques : ou il est établi que le patient aurait pris une autre décision, s'il avait été informé et, dans cette hypothèse il doit être indemnisé intégralement du préjudice qui s'est réalisé, sans qu'il soit possible, ici, de procéder à une diminution en appliquant la théorie de la perte de chance ; ou cette faute n'a pas eu de caractère déterminant et, dans cette hypothèse, il y a lieu de réparer un simple préjudice moral, même réduit à un montant symbolique.

II - Responsabilité médicale pour faute dans l'organisation des soins

Aux côtés des obligations techniques et déontologiques qui pèsent sur les praticiens, la jurisprudence a reconnu, à la charge des établissements, une obligation de moyens portant sur l'organisation des soins (10).

C'est ainsi qu'a été retenue la responsabilité pour faute d'établissements employant un personnel insuffisamment qualifié (11), ou formé (12), soumettant ce dernier à un rythme de travail préjudiciable à la qualité des soins et du service (13), ou encore ne mettant pas à disposition des praticiens le matériel dont il a besoin (14).

Certains tribunaux ont, également, considéré que les établissements étaient tenus de procéder à un certain nombre de vérifications concernant les personnels sous contrat, qu'il s'agisse de salariés ou de professionnels libéraux liés par convention avec l'établissement. C'est ainsi qu'une clinique a été condamnée in solidum, avec l'un de ses médecins, pour ne pas avoir vérifié que ce dernier possédait effectivement la qualification qu'il prétendait avoir (15) au regard, notamment, de la réglementation en vigueur (16).

Tout en se situant dans le cadre de cette obligation d'organisation, la première chambre civile de la Cour de cassation a, dans un arrêt en date du 6 décembre 2007, considéré qu'il ne pouvait être reproché à une clinique de n'avoir pas prévu la présence sur place d'obstétriciens, dès lors qu'elle avait prévu un régime d'astreintes, confirmant ainsi les limites de l'obligation de la clinique qui se restreint à la mise à disposition d'obstétriciens (17), ainsi que d'anesthésistes (18) (Cass. civ. 1, 6 décembre 2007, n° 06-13.572, précité).

En complément de ces solutions, il conviendra, désormais, d'ajouter la situation très originale qui résulte d'un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 6 décembre 2007 concernant l'obligation faite à l'établissement de vérifier que les médecins libéraux liés avec lui par une convention d'exercice libéral ont effectivement souscrit une assurance de responsabilité professionnelle (Cass. civ. 1, 6 décembre 2007, n° 06-12.905, Union régionale pour la gestion des établissements mutualistes de santé de la région Rhône-Alpes (URGEMS), F-D N° Lexbase : A0297D3E).

Dans cette affaire, un chirurgien exerçant au sein d'une clinique en vertu d'une convention d'exercice libéral avait pratiqué l'ostéosynthèse d'une fracture infectée et avait ainsi causé à son patient divers préjudices.

La cour d'appel avait bien condamné le praticien, après avoir caractérisé l'existence d'une faute médicale, mais aussi la clinique à qui il était reproché de ne s'être pas assuré que ce praticien avait bien souscrit une assurance de responsabilité professionnelle.

La clinique avait formé un pourvoi en cassation et contestait bien entendu qu'elle ait eut la moindre obligation à cet égard.

Le pourvoi est rejeté, la première chambre civile de la Cour de cassation considérant que "si le médecin avait commis des fautes médicales grossières, la polyclinique n'avait même pas vérifié si, conformément aux exigences de son contrat d'exercice, et ainsi qu'elle l'aurait dû, il était assuré pour les conséquences de ses fautes, faisant ainsi ressortir en outre qu'il ne l'était pas", et que, "par ailleurs, [...] le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage", ce dernier motif étant, d'ailleurs, "relevé d'office après avertissement donné aux parties".

Que les tiers puissent invoquer à leur profit les manquements contractuels, lorsque ces derniers leur ont causé des préjudices, ne surprendra personne, dans la mesure où la solution, admise de longue date par la première chambre civile, notamment en matière de responsabilité médicale (19), a été récemment confirmé par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation (20).

Plus surprenante est, en revanche, l'affirmation de l'obligation qui est faite à la clinique de vérifier que les médecins libéraux qui exercent en son sein ont effectivement souscrit une assurance de responsabilité professionnelle, faute de quoi ils pourront être condamnés à leur côté, et pour ce seul fait.

La surprise est d'autant plus grande que les faits étaient, selon toute vraisemblance, antérieurs à la loi du 4 mars 2002 et que les médecins n'étaient pas encore soumis à l'obligation légale d'assurance.

Il serait vain de rechercher dans l'arrêt le fondement de cette obligation, et il est d'ailleurs bien difficile de le déterminer, si ce n'est la référence assez vague à l'équité de l'article 1135 du Code civil (N° Lexbase : L1235ABD) qui permet au juge de compléter le contenu du contrat.

Voilà qui contribuera incontestablement à alimenter la critique de tous ceux qui considèrent, aujourd'hui, que la médecine libérale ne l'est pas que bien théoriquement, et que tout est fait pour indemniser les patients ... ce qui n'est d'ailleurs pas faux !


(1) Cass. civ. 1, 21 janvier 2003, n° 00-18.229, M. Denis Querleu c/ Mme Jacqueline Sagon, épouse Guinchard, F-D (N° Lexbase : A7410A49).
(2) Cass. civ. 1, 8 avril 1986, n° 84-11.443, M. Thorens c/ La Société Merell Toraude et autre (N° Lexbase : A2983AAQ), JCP éd. G 1987, II, 20721, note Viala et Viandier.
(3) Cass. civ. 1, 7 juillet 1998, n° 96-19.927, M. Henri Lopez c/ Mme Hélène Cocolakis (N° Lexbase : A7539AHP), Resp. civ. et assur. 1998, comm. 393, 1ère esp..
(4) Cass. civ. 1, 25 novembre 1997, n° 95-22.240, Banque immobilière européenne c/ M. X et autres (N° Lexbase : A0801ACN) ; Cass. civ. 1, 9 décembre 1997, n° 95-21.407, Société Ariane et autre c/ Recette Principale des impôts d'Anglet et autres (N° Lexbase : A0784ACZ).
(5) Cass. civ. 1, 7 octobre 1998, n° 97-10.267, Mme X c/ Clinique du Parc et autres (N° Lexbase : A6405AGC).
(6) Notamment, C. santé publ., art. L. 1110-5 (N° Lexbase : L0022G9P) s'agissant des soins palliatifs, L. 1111-4, al. 4 (N° Lexbase : L9876G8B), L. 1111-13 (N° Lexbase : L9887G8P) s'agissant de la fin de vie. Sur ces questions, notre fascicule "Libertés et médecine", à paraître dans le nouveau Jurisclasseur Libertés.
(7) Cass. civ. 1, 20 juin 2000, n° 98-23.046, M. X c/ M. Y et autres (N° Lexbase : A3773AUB), D. 1999, p. 46, note H. Matsopoulou.
(8) Sur cette question, lire plus particulièrement nos obs., Panorama de responsabilité civile médicale (période du 15 avril 2007 au 15 septembre 2007), Lexbase Hebdo n° 273 du 20 septembre 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N4649BC8).
(9) Cass. civ. 1, 7 décembre 2004, n° 02-10.957, M. Pierre Pazat c/ Mme Martine Julienne, épouse Huet, F-P+B (N° Lexbase : A3421DEG), Resp. civ. et assur. 2004, comm. 60 ; ainsi que les décisions citées et analysées dans nos obs. préc..
(10) CA Paris, 27 octobre 1989.
(11) Cass. civ. 1, 9 mai 1973, n° 71-14.550, Dame B. c/ Clinique immaculée conception, publié (N° Lexbase : A7608CGU), Bull. civ. I, n° 160 ; CA Paris, 23 janvier 1981, Gaz. Pal. 1981, 2, somm., p. 206 (pas de faute) ; Cass. civ. 1, 25 mai 1971, n° 69-14.385, Dlle Souris c/ Perret, Amblard (N° Lexbase : A7497AH7), JCP éd. G, 1971, II, 16859, 3ème esp. (faute).
(12) Cass. civ. 1, 7 juillet 1998, n° 97-10.869, M. X c/ Société Clinique Saint-Martin et autres (N° Lexbase : A8060AGM), Bull. civ. I, n° 239 : sage-femme pas formée de manière suffisante à la lecture du tracé d'un appareil de monitoring.
(13) CA Paris, 21 avril 1982, D. 1983, inf. rap., p. 497, obs. J. Penneau.
(14) Cass. civ. 1, 28 novembre 1961, n° 60-10.767, Gasiglia c/ Epoux Andréis et autres (N° Lexbase : A9605AGT), Bull. civ. I, n° 558 (appareillage défectueux) ; CA Bordeaux, 2 juillet 1992 (maternité ne possédant pas d'accueil pour les situations d'urgence) ; Cass. civ. 1, 30 juin 1993, n° 91-15.607, Dargent c/ Epoux Baux (N° Lexbase : A7416AH7) (absence de surveillance électronique d'une femme en salle d'accouchement).
(15) CA Montpelllier, 1ère ch., 24 juin 2003, SA Polyclinique St-Roch, Resp. civ. et assur. 2004, comm. 100, et les obs..
(16) Cass. civ. 1, 30 octobre 1995, n° 93-20.579, Mme X c/ Mme Y et autres (N° Lexbase : A6461AGE), Bull. civ. I, n° 383 (décret n° 72-162 du 21 février 1972, art. 33 et 35).
(17) Cass. civ. 1, 18 janvier 1989, n° 87-11.875, Epoux Toutlian c/ Polyclinique de Rillieux (N° Lexbase : A8879AA4), Bull. civ. I, n° 19.
(18) Cass. civ. 1, 15 décembre 1999, n° 97-22.652, Société Clinique générale d'Annecy c/ Epoux X et autres (N° Lexbase : A6671AHK), Resp. civ. et assur. 2000, comm. 89 : "En vertu du contrat d'hospitalisation et de soins le liant à son patient, un établissement de santé privé est tenu de lui donner des soins qualifiés en mettant notamment à son service des médecins pouvant intervenir dans les délais imposés par leur état" ; "le retard du médecin anesthésiste, imputable au défaut d'organisation de la clinique, a entraîné pour l'enfant un manque d'oxygène provoquant une souffrance cérébrale et ses séquelles".
(19) Cass. civ. 1, 18 juillet 2000, n° 99-12.135, M. X c/ Clinique Y (N° Lexbase : A9078AGC), Resp. civ. et assur. 2000, comm. 372 ; JCP éd. G, 2000, II, 10415, concl. P. Sargos ; RTD civ. 2001, p. 146, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 1, 13 février 2001, n° 99-13.589, Mlle Christelle X c/ Centre régional de transfusion sanguine de Rennes et autre (N° Lexbase : A8821AQR), JCP éd. G, 2002, II, 10099, note Lisanti-Kalczynski ; Defrénois 2001, p. 712, note E. Savaux ; RTD civ. 2001, p. 367, obs. P. Jourdain.
(20) Ass. Plén., 6 octobre 2006, n° 05-13.255, M. Jacques Loubeyre c/ Société Myr-Ho, société à responsabilité limitée, P+B+R+I (N° Lexbase : A5095DR7), D. 2006, p. 2825, note G. Viney ; JCP éd. G, 2006, II, 10181, note M. Billau ; Resp. civ. et assur. 2006, chron. 17, L. Bloch ; RDC 2007, p. 269, obs. D. Mazeaud ; RDC 2007, p. 279, obs. S. Carval ; RDC 2007, p. 379, obs. J.-B. Seube.

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Procédure prud'homale

[Jurisprudence] La limitation de l'arrêt de l'exécution provisoire de droit en matière prud'homale

Réf. : Cass. soc., 18 décembre 2007, n° 06-44.548, M. Jean Daniel Torcheux, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1360D3R)

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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Depuis un décret du 20 août 2004 (décret n° 2004-836, portant modification de la procédure civile N° Lexbase : L0896GTD), les Premiers présidents de cour d'appel peuvent ordonner, en référé, l'arrêt de l'exécution provisoire attachée obligatoirement à certaines décisions de première instance. Parmi les hypothèses ouvrant droit à un tel mécanisme, l'article 524 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L4949GUT) vise la violation de l'article 12 du même code (N° Lexbase : L2043ADZ), violation dont l'interprétation s'annonçait délicate. Comme on pouvait le prévoir, la Cour de cassation a donc été rapidement saisie d'une affaire dans laquelle un Premier président avait estimé qu'une erreur d'application d'une règle de droit suffisait à caractériser une telle violation. La Chambre sociale, par cet arrêt du 18 décembre 2007 paré du plus haut degré de publicité, s'oppose à une telle interprétation. Ce n'est pas un hasard si une telle solution intervient pour la première fois en matière sociale (1), même s'il ne fait aucun doute que, en raison des principes en cause, son aura s'étende bien au-delà de la procédure prud'homale (2).
Résumé

L'erreur commise par un juge dans l'application ou l'interprétation d'une règle de droit ne constitue pas une violation manifeste de l'article 12 du Nouveau Code de procédure civile, si bien que le Premier président de la cour d'appel saisie ne peut ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.




Commentaire

1. Les spécificités de l'arrêt de l'exécution provisoire de droit en matière prud'homale

  • L'exécution provisoire de droit en matière prud'homale

Si, en principe, l'exécution d'un jugement intervient dès le moment où il est passé en force de chose jugée, cette exécution peut être anticipée grâce au mécanisme de l'exécution provisoire. Cette technique permet, notamment, de faire échec au principe de l'effet suspensif de l'appel, en raison duquel une décision de première instance n'est habituellement pas exécutée, dès lors qu'une voie de recours a été intentée par la partie déboutée.

Il existe deux types d'exécution provisoire. La première, à l'initiative du juge, est facultative. Elle est, en général, prononcée "à la condition que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire" (1). La seconde, qui nous intéresse plus particulièrement dans cette espèce, est obligatoire et prévue spécialement par le législateur. Il s'agit de l'exécution provisoire de droit qui concerne certaines décisions qui, par leur nature, nécessitent d'obtenir une exécution immédiate. Ainsi en va-t-il, par exemple, des ordonnances de référé, des décisions ordonnant des mesures conservatoires ou accordant une provision à un créancier (2).

Mais l'exécution provisoire de droit est, également, accordée par le législateur pour des décisions dont il estime qu'elles méritent d'être exécutées immédiatement. Dans ce domaine, à côté de décisions relatives aux procédures collectives (3) ou au droit de la Sécurité sociale (4), les décisions prud'homales tiennent une place de choix. En effet, le Code du travail prévoit que certaines décisions du bureau de conciliation, mais, surtout, de nombreuses décisions du bureau de jugement, sont soumises à l'exécution provisoire de droit (5). Cela est, notamment, le cas des "jugements qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités [...] dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire". On explique, en général, cette règle par le caractère alimentaire que revêtent les sommes concernées (6).

Du fait de l'ampleur du contentieux prud'homal et de la fréquence des demandes relatives aux salaires, il n'était donc pas étonnant que la question de l'arrêt de l'exécution provisoire de droit se pose rapidement à la Chambre sociale de la Cour de cassation.

  • L'arrêt de l'exécution provisoire

Le mécanisme de l'exécution provisoire n'est, pourtant, pas absolu. Ainsi, l'article 524 du Nouveau Code de procédure civile prévoit, depuis longtemps, des recours contre un tel effet revêtu par le jugement de première instance. Cette compétence revient le plus souvent au Premier président de la cour d'appel saisie qui peut, en référé, arrêter l'exécution provisoire.

Si ce magistrat avait la faculté d'arrêter l'exécution provisoire facultative lorsqu'elle avait été prononcée alors qu'elle était interdite, ou lorsqu'elle entraînait des conséquences manifestement excessives, il n'y avait, pendant longtemps, aucune disposition lui permettant d'arrêter l'exécution provisoire de droit. Mais, une modification de l'article 524 du Nouveau Code de procédure civile, opérée en 2004, a introduit deux hypothèses dans lesquelles une telle mesure peut intervenir (7).

Désormais, le Premier président peut ordonner en référé d'arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 du Nouveau Code de procédure civile et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

On attendait donc que la Cour de cassation se prononce sur l'interprétation à retenir de ce nouvel alinéa ajouté à l'article 524 du Nouveau Code de procédure civile, spécialement en ce qui concerne la violation de l'article 12 du Nouveau Code de procédure civile, puisque ce texte, berceau de la qualification judiciaire, a une portée très large (8).

  • En l'espèce

L'affaire ayant donné lieu à cet arrêt était relativement simple. Un VRP avait été licencié pour faute grave. Le conseil de prud'hommes saisi estima que le licenciement ne reposait pas sur une faute mais seulement sur une cause réelle et sérieuse et lui allouait, en conséquence, une indemnité spéciale de rupture prévue par l'article 14 de l'Accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975. S'agissant du versement d'indemnités, la décision devait recevoir exécution provisoire de droit en application de l'article R. 516-37 du Code du travail (N° Lexbase : L0640AD3).

Or, l'article 14 de la convention collective susmentionnée limite l'octroi de cette indemnité à la renonciation formelle du salarié à l'indemnité de clientèle et, surtout, à l'absence d'opposition de l'employeur à son versement. L'employeur s'étant opposé au versement de cette indemnité, le conseil de prud'hommes ne pouvait pas en ordonner le paiement.

Il y avait donc manifestement une erreur d'interprétation ou d'application de la convention collective. S'appuyant sur cette erreur, et faisant une interprétation large de l'article 12 du Nouveau Code de procédure civile, le Premier président de la cour d'appel de Versailles, saisi par l'employeur, ordonna l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement de première instance.

La Chambre sociale de la Cour de cassation ne le voit pas du même oeil. Elle casse l'ordonnance du Premier président en estimant que "l'erreur commise par un juge dans l'application ou l'interprétation d'une règle de droit ne constitue pas une violation manifeste de l'article 12 du [Nouveau Code de procédure civile], au sens de l'article 524 du même code". La Chambre sociale tranche donc la question délicate du champ d'action du Premier président de la cour d'appel, pouvoir qu'elle souhaite voir demeurer relativement restreint.

2. La limitation de l'arrêt de l'exécution provisoire de droit au-delà de la matière prud'homale

  • Les interprétations multiples de l'article 12 du NCPC

La doctrine avait anticipé les difficultés que pourrait poser le nouvel article 524 du Nouveau Code de procédure civile (9). En effet, si une violation du principe contradictoire semble pouvoir être assez aisément identifiée, il en va autrement de la violation de l'article 12 du Nouveau Code de procédure civile en raison du potentiel très large de ce texte.

C'est tout particulièrement le premier alinéa de cet article qui comporte les plus grandes difficultés d'interprétation puisqu'il dispose que "le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables". Ne pas appliquer convenablement l'article 14 de l'Accord national interprofessionnel des VRP pouvait donc paraître comme étant une violation de l'article 12 de la part des juges du fond. Une telle interprétation de l'article 12 du Nouveau Code de procédure civile était, d'ailleurs, préconisée par certains auteurs (10) et n'aurait guère été choquante sur le strict plan de l'interprétation de la règle.

Pourtant, il est probable que le choix opéré par la Chambre sociale soit le plus sage, tant pour l'harmonie du mécanisme de l'arrêt de l'exécution provisoire, que pour le respect de l'existence du double degré de juridiction

  • Le régime harmonieux de l'arrêt de l'exécution provisoire

Si le mécanisme de l'arrêt de l'exécution provisoire de droit n'a été introduit qu'en 2004, cette technique existait, déjà, depuis longtemps s'agissant de l'exécution provisoire facultative ordonnée par le juge de première instance.

Or, en cette matière, le débat sur les pouvoirs du Premier président a fait long feu. Alors que la Cour de cassation estimait de manière constante qu'une erreur commise par les juges de première instance ne peut justifier l'arrêt de l'exécution provisoire (11), les Premiers présidents des cours d'appel avaient tendance à résister à une telle solution (12). Il n'est, cependant, pas étonnant de voir alors la Cour de cassation raisonner en matière d'exécution provisoire de droit dans le même sens que pour l'exécution provisoire facultative. Outre l'objectif d'harmonisation des deux régimes, se cache probablement une volonté légitime de protéger le double degré de juridiction, principe nécessaire au respect des droits de la défense.

  • Respect du double degré de juridiction

L'interprétation effectuée par la Chambre sociale de la Cour de cassation paraît être légitimée par une volonté implicite de préserver l'effectivité du double degré de juridiction dans les hypothèses d'exécution provisoire de droit.

En effet, si la Cour avait accepté qu'une erreur dans l'interprétation ou l'application d'une règle de droit suffise à arrêter l'exécution provisoire, on aurait pu craindre que le pouvoir alors conféré aux Premiers présidents de cours d'appel soit trop important, leur permettant, dans une certaine mesure, de "préjuger" l'affaire. Bien sûr, l'ampleur du pouvoir aurait, tout de même, été limitée puisqu'il n'aurait pu être question d'apprécier des erreurs de faits. Mais il n'empêche que l'ordonnance de ce magistrat aurait été de nature à influencer la cour d'appel statuant ultérieurement au fond.

Dans ces conditions, il semble logique que la Chambre sociale limite l'application du dernier alinéa de l'article 524 du Nouveau Code de procédure civile. Il faut, d'ailleurs, relever que cette interprétation a de fortes chances d'être adoptée par l'ensemble des chambres de la Cour puisque, comme le révèle le communiqué de la Cour de cassation au sujet de cet arrêt, la décision a été rendue après avis officiel de la deuxième chambre civile, habituellement saisie des questions de procédure civile (13). Si l'on ajoute à cela que l'arrêt comporte le plus haut degré de publicité, on peut être certain qu'il s'agit bien là d'une solution de principe !


(1) L. Cadiet, E. Jeuland, Droit judiciaire privé, Litec, 5ème éd., 2006, p. 471.
(2) V. NCPC, art. 514 al. 2 (N° Lexbase : L5009GU3).
(3) Article 328 du décret n° 2005-1677, pris en application de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L3297HET). En cette matière, v., également, les observations de P.-M. Le Corre, La chronique mensuelle, Lexbase Hebdo n° 274 du 27 septembre 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N5057BCB).
(4) V. CSS, art. R. 142-26 N° Lexbase : L6241ADI), prescrivant l'exécution provisoire de droit des décisions relatives au versement d'indemnités journalières.
(5) Pour les décisions du bureau de conciliation, v. C. trav., art. R. 516-19 (N° Lexbase : L0620ADC). Pour les décisions du bureau de jugement, C. trav., art. R. 516-37 (N° Lexbase : L0640AD3).
(6) En ce sens, v. F. Guiomard, La déficience de l'exécution provisoire appliquée à la matière prud'homale, RDT 2006, p. 118.
(7) Décret n° 2004-836 du 20 août 2004, art. 7, op. cit.. V. sur cette réforme, Ph. Hoonakker, L'arrêt de l'exécution provisoire de droit enfin consacré par le législateur !, D., 2004, p. 2314.
(8) La cour d'appel de Paris avait déjà rendu deux ordonnances consacrant une interprétation large de l'article 12 du Nouveau Code de procédure civile. V. CA Paris, ord. prem. prés., 1ère ch., sect. P, 21 avril 2005, Granulats Rhône-Alpes c/ Eiffage TP et a. et CA Paris, 14ème ch., sect. B, 22 avril 2005, n° 2005/07927, M. Pastour et Star Airlines c/ Look Voyages et a. (N° Lexbase : A1480DIN), JCP éd. G, 2005, II, 10141, obs. O. Schmitt et A. Tabouis.
(9) Ph. Hoonakker, préc..
(10) S. Guinchard, F. Ferrand, Procédure civile, Dalloz, 28ème éd., 2006, n° 1558 ; Ph. Hoonakker, préc..
(11) Cass. civ. 2, 25 mars 1992, n° 90-21.962, Société Laboratoires et Fonderies de Métaux Précieux c/ Société Heinimann Charles (N° Lexbase : A3305ACE).
(12) Par ex., CA Rennes, 25 février 1992, Gaz. Pal. 1992, 2, p. 673 ; CA Aix-en-Provence, 12 février 1996, Procédures, 12/1996, p. 355.
(13) V. le communiqué de la Cour de cassation.

Décision

Cass. soc., 18 décembre 2007, n° 06-44.548, M. Jean Daniel Torcheux, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1360D3R)

Cassation, Cour d'appel de Versailles, Ordonnance de référé du Premier président, 16 juin 2006

Textes visés : NCPC, art. 12 (N° Lexbase : L2043ADZ) et art. 524 (N° Lexbase : L4949GUT)

Mots-clés : Exécution provisoire de droit. Jugement prud'homal. Erreur d'interprétation de la règle de droit. Violation de l'article 12 du NCPC (non). Arrêt de l'exécution provisoire de droit (non).

Liens base :

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Obligation de sécurité : une obligation tout aussi positive qu'impérative

Réf. : Cass. soc., 19 décembre 2007, n° 06-43.918, Société Logidis F-P+B (N° Lexbase : A1344D38) ; Cass. soc., 18 décembre 2007, n° 06-43.801, Mme Mendez, FS-P+B (N° Lexbase : A1341D33).

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N8021BDG

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Il existe de nombreuses règles relatives à l'hygiène et la sécurité au travail. Toutes tendent à assurer au salarié sa sécurité et à protéger sa santé et, corrélativement, imposent à l'employeur de prendre toutes les mesures utiles et nécessaires pour évaluer et éviter les risques et, le cas échéant, adapter le travail. L'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur tend vers une obligation de résultat, qu'il s'agisse de prévention ou de gestion des risques liés au travail. En conséquence, il lui appartient de tout mettre en oeuvre dans le respect des dispositions légales pour garantir, dans ce domaine, la protection du salarié. C'est de cette obligation de sécurité et de son caractère obligatoire dont il était question dans deux arrêts rendus les 18 et 19 décembre dernier par la Cour de cassation.
Résumé

Pourvoi n° 06-43.918 : L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles, telles que des mutations ou des transformations de postes, justifiées par des considérations relatives, notamment, à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à faire en application de l'article L. 241-10-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6034ACH) ; le chef d'entreprise est, en cas de refus, tenu de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

Pourvoi n° 06-43.801 : Aux termes de l'article R. 231-56-11 du Code du travail (N° Lexbase : L1501DPB), un travailleur ne peut être affecté à des travaux l'exposant à un agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction, que s'il a fait l'objet d'un examen préalable par le médecin du travail et si la fiche d'aptitude atteste qu'il ne présente pas de contre-indication médicale à ces travaux. Il en résulte que ne constitue pas une faute, le refus du salarié d'effectuer une tâche à l'accomplissement de laquelle il ne peut être affecté, dès lors que l'employeur n'a pas exécuté les obligations mises à sa charge pour assurer la protection de la santé au travail.

Les juges viennent rappeler, dans une première espèce, que l'employeur ne peut, en aucun cas, exposer un salarié à des agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction sans examen préalable destiné à déceler l'absence de contre-indication aux travaux qu'il va être amené à exécuter.

Ils confirment, dans une seconde espèce, que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles que le médecin du travail est habilité à faire en application de l'article L. 241-10-1 du Code du travail.

Les solutions apportées ne peuvent qu'être approuvées.

1. Prévention des risques généraux

  • Obligation de reclassement du salarié inapte

L'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur est le corollaire de l'obligation de sécurité de résultat mise à sa charge.

L'article L. 241-10-1 du Code du travail dispose que le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles, telles que des mutations ou des transformations de postes justifiées par des considérations relatives, notamment à l'âge, la résistance physique ou à l'état de santé physique et mental des travailleurs. Dans son second alinéa, cet article impose à l'employeur de prendre en considération ces propositions et de faire connaître en cas de refus les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

  • Portée de l'obligation de reclassement

Il est fait traditionnellement application de cette obligation de reclassement à des salariés malades ou concernés par un licenciement pour motif économique.

S'agissant d'un salarié malade, l'obligation de reclassement est traditionnellement consécutive à la déclaration d'inaptitude établie par le médecin du travail au moment du retour du salarié dans l'entreprise après un congé maladie. Il est, ainsi, de principe que l'employeur d'un salarié déclaré inapte est tenu de proposer au salarié un autre emploi compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'avis d'inaptitude et aussi comparable que possible à celui qu'il occupait auparavant (Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-43.700, FS-P+B N° Lexbase : A0414DDP).

Au-delà de l'hypothèse du retour de congé maladie, cette obligation de reclassement trouve son prolongement au cours de l'exécution de la relation de travail, lorsque le médecin du travail vient à déclarer que le salarié n'est plus apte à effectuer les tâches pour lesquelles il a été embauché et ce, quel que soit le degré d'inaptitude relevé.

Il appartient, dans ce cas, à l'employeur de prendre en considération l'avis émis par le médecin et, partant, de rechercher un poste compatible avec les nouvelles possibilités du salarié. L'employeur qui ne peut, ou ne veut, pas prendre en considération l'avis du médecin du travail doit motiver sa décision. S'il ne le fait pas, ou s'il ne peut pas le faire, il doit faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il donne suite à l'avis émis. Il faut, néanmoins, savoir que, pour que la décision de l'employeur de ne pas donner suite soit considérée comme légitime, l'employeur doit avoir épuisé toutes les possibilités de reclassement, notamment, lorsqu'il entend rompre le contrat de travail.

Tel n'était pas le cas dans la décision commentée.

  • Espèce

Dans cette espèce, un salarié, engagé en tant que préparateur de commandes, s'était vu notifier, à deux reprises, des reproches en raison de sa faible productivité suivis d'un avertissement le 17 décembre 2002, avant d'être déclaré inapte à tout poste avec manutention par le médecin du travail.

Après avoir été licencié, il avait saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant, notamment, à l'annulation de cet avertissement et au paiement de dommages et intérêts.

La cour d'appel avait accueilli les demandes du salarié, ce que vient confirmer la Cour de cassation.

Relevant que le médecin du travail avait émis à plusieurs reprises des réserves sur l'aptitude du salarié à exécuter les tâches pour lesquelles il avait été recruté, la Cour souligne que ces réserves étaient de nature à expliquer l'insuffisance de résultats reprochée au salarié, que l'employeur ne pouvait, en conséquence, ignorer ces difficultés, et lui reproche de ne pas avoir cherché à fournir au salarié un poste compatible avec les recommandations du médecin du travail.

Cette solution semble en tous points justifiée. Le contenu de l'avis du médecin du travail laisse, néanmoins, entrevoir un nouveau renforcement de l'obligation de reclassement de l'employeur. L'avis rendu, sur lequel se fondent les juges pour reprocher à l'employeur le non-respect de son obligation de reclassement, prescrivait "quand possibilité un changement de poste avec moins de manutention serait préférable". Cette mention accompagnait un avis d'aptitude, alors, qu'en principe, l'obligation de reclassement est la suite logique d'un avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail.

Peut-on reprocher à un employeur de ne pas avoir reclassé un salarié déclaré apte avec une petite réserve ?

Il semble que non. L'article L. 241-10-1 du Code du travail dispose, en effet, que "le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par [...]". Le législateur n'a aucunement limité l'intervention du médecin du travail à l'hypothèse de l'inaptitude du salarié. Si le reclassement du salarié inapte va de soi, le reclassement d'un salarié apte, mais présentant des difficultés pour assurer convenablement son emploi, est tout aussi important. La protection doit donc s'entendre le plus largement possible.

Cette obligation générale de sécurité est assortie d'autres obligations spéciales attachées à des risques spéciaux qui en sont le prolongement et sont destinées à garantir au mieux la protection du salarié, comme la protection offerte aux salariés exposés à des matières dangereuses.

2. Prévention des risques particuliers

  • Prévention des risques chimiques

Le législateur est venu réglementer l'utilisation de substances dangereuses par les salariés à l'occasion de leur travail. Le Code du travail consacre, dans sa partie réglementaire une section V (titre III, chapitre I) à la prévention du risque chimique (C. trav., art. R. 231-51 N° Lexbase : L4200GTQ et suivants). Parmi ces risques chimiques, figure l'exposition aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (C. trav., art. R. 231-56 N° Lexbase : L0628HPX et suivants).

Outre la détermination des agents cancérogènes (C. trav., art. R. 231-56), l'étude imposée à l'employeur sur la nature, la durée et le degré de l'exposition (C. trav., art. R 231-56-1 N° Lexbase : L1502DPC), préalablement à toute exposition de ses salariés, l'obligation d'informer les salariés sur les risques d'une exposition normale et anormale (C. trav., art. R. 231-56-5 N° Lexbase : L8937DNC), le législateur vient imposer à l'employeur de faire passer aux salariés susceptibles d'être exposés à des agents cancérogènes et assimilés, un examen préalable destiné à déceler la présence de contre indications à la réalisation des travaux prescrits.

  • Examen préalable à l'exposition d'un salarié à des substances cancérogènes

L'article R. 231-56-11 du Code du travail (N° Lexbase : L1501DPB) dispose, à cet effet, qu'"un travailleur ne peut être affecté à des travaux l'exposant à un agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction que s'il a fait l'objet d'un examen préalable par le médecin du travail et si la fiche d'aptitude établie en application de l'article R. 241-57 du même code (N° Lexbase : L9936ACY) atteste qu'il ne présente par de contre-indication médicale à ces travaux". Cette visite doit être effectuée, et, partant, la fiche d'aptitude être délivrée, non seulement avant l'exposition du travailleur, mais, aussi, au moins une fois par an.

Cette obligation s'impose à l'employeur. Il s'agit d'une obligation positive, d'ordre public, comme vient le rappeler la Cour de cassation aux juges du fonds.

  • Espèce

Ces derniers, pour juger que le licenciement du salarié était fondé sur une cause réelle et sérieuse, avaient retenu que le salarié n'avait à aucun moment exercé son droit de retrait et ne s'était pas prévalu d'une situation de travail dont il aurait un motif légitime de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé ; par voie de conséquence, le salarié ne pouvait, sans faute, refuser d'exécuter des travaux impliquant la manipulation de produits cytostatiques.

Comme le souligne justement la Cour de cassation, la fiche d'aptitude délivrée par le médecin du travail ne comportait aucune mention relative à l'absence de contre-indication aux travaux exposant la salariée à un agent mutagène, cancérogène, ou toxique pour la reproduction, ce dont il résultait que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de sécurité ; le salarié pouvait donc, en l'absence d'examen, légitimement refuser le travail demandé.

Cette décision est parfaitement justifiée. Tout dans la lettre comme dans l'esprit de l'article L. 231-56-11 du Code du travail prescrit de retenir une telle solution. L'objet général de cette disposition : la prévention (CE, 1° et 2° s-s-r., 9 octobre 2002, n° 231869, Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés N° Lexbase : A2888A3D) ; le verbe et le temps employés ("[...] ne peut être affecté à des travaux [...]") et le caractère impératif qui en découle, prescrivent l'examen du salarié susceptible d'être exposé à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.

Il ne pouvait donc en être autrement, ce dont il faut se féliciter.

Décisions

- Cass. soc., 19 décembre 2007, n° 06-43.918, Société Logidis, F-P+B (N° Lexbase : A1344D38)

- Cassation partielle sans renvoi de CA Montpellier, 19 octobre 2005

- Cass. soc., 18 décembre 2007, n° 06-43.801, Mme Mendez, FS-P+B (N° Lexbase : A1341D33)

- Rejet de CA Toulouse, 4ème chambre, section 2, 12 mai 2006

Mots clefs : salarié déclaré partiellement inapte ; obligation de reclassement de l'employeur ; étendue de l'obligation de reclassement ; réserves du médecin du travail ; obligation pour l'employeur de les prendre immédiatement en considération ; salarié exposé à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ; obligation de l'employeur de faire passer au salarié un examen médical destiné à apprécier l'absence de contre indication à l'exposition.

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Immobilier et urbanisme

[Jurisprudence] Quelle majorité pour la suppression du service de conciergerie dans un immeuble en copropriété ?

Réf. : Cass. civ. 3, 5 décembre 2007, n° 06-20.020, M. Jean, Roger Causse, FS-P+B (N° Lexbase : A0389D3S)

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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

Le service de gardiennage d'immeuble représente un poste conséquent des charges de copropriété qui peut paraître important aux copropriétaires de supprimer. Il existe, aujourd'hui, un ensemble de solutions alternatives à ce type de poste, qu'il est possible d'externaliser, et elles sont souvent moins coûteuses pour les copropriétaires. La suppression du service de conciergerie et le changement d'affectation éventuel de l'ancienne loge imposent un vote de l'assemblée générale des copropriétaires. Mais à quelle majorité ces décisions pourront-elles être adoptées ? C'est dans un courant libéral que s'inscrit l'arrêt de la Cour de cassation du 5 décembre 2007. Dans l'arrêt rapporté, un copropriétaire avait assigné le syndicat des copropriétaires en nullité de décisions votées par l'assemblée générale des copropriétaires portant suppression du poste de conciergerie, affectation d'un lot à l'habitation professionnelle ou commerciale et cession au profit d'un tiers. Il faisait, notamment, valoir que la suppression du service de conciergerie d'un immeuble prévu dans le règlement de copropriété constituait une atteinte aux modalités de jouissance de l'immeuble telles qu'elles résultaient du règlement de copropriété et ne pouvait, à ce titre, être décidée qu'à l'unanimité des copropriétaires.

Adoptant la motivation des juges d'appel, la Cour de cassation précise que le copropriétaire ne démontre pas, en l'espèce, que la suppression du service de concierge porterait atteinte à la destination de l'immeuble et aux modalités de jouissance des parties privatives.

Concernant la cession de la loge, la Cour précise que, lorsque le changement d'affectation de la loge et sa cession permettent une meilleure utilisation de cette partie commune devenue inutile comme conciergerie, la double majorité exigée par l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 (loi n°65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, art. 26 N° Lexbase : L4826AH9) est suffisante.

Tout est donc affaire de circonstances...

En matière de suppression du service de conciergerie, il résultait des dernières décisions les solutions suivantes :

- dans l'hypothèse où cette suppression porte atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives, cette décision devra être prise à l'unanimité, l'appréciation de cette atteinte relevant du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond (voir, notamment, Cass. civ. 3, 28 juin 1995, n° 93-15.642, Syndicat des copropriétaires 30 rue de Chambéry c/ Consorts Demarquay, inédit N° Lexbase : A5305D3U) ;

- en revanche, dans l'hypothèse où il est constaté une vacance du poste de conciergerie depuis plusieurs mois ainsi que des mesures de remplacement prises par le syndic, comme c'était le cas dans l'arrêt rapporté, la double majorité de l'article 26 peut être suffisante.

Si, par suite de la suppression du service de gardiennage de l'immeuble, l'assemblée délibère sur la vente du lot qui était antérieurement affecté en qualité de loge, la même question de majorité se pose.

Dans un arrêt du 30 mars 1994, la Cour de cassation avait statué en ces termes : "ayant constaté le caractère définitif d'une délibération antérieure de l'assemblée générale des copropriétaires ayant décidé la suppression du poste de concierge, la cour d'appel qui a souverainement retenu que le respect de la destination de l'immeuble n'exigeait pas la conservation de cette partie commune et exactement relevé que cette aliénation pouvait être décidée à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix, réunie lors du vote de la résolution litigieuse, a légalement justifié sa décision" (Cass. civ. 3, 30 mars 1994, n° 92-16.763, Mme Michel c/ Syndicat des copropriétaires de l'immeuble 7, rue Félix Ziem Paris (18e), inédit N° Lexbase : A3499C7Q).

Ainsi, dès lors que la cession de la loge de l'ancien concierge ne porte pas atteinte à la destination de l'immeuble, il apparaît que la double majorité de l'article 26 est suffisante.

Néanmoins, cette règle ne s'applique que sous la réserve que la loge du gardien soit qualifiée de "partie commune". Il convient donc d'être particulièrement vigilant eu égard aux majorités applicables pour décider tant la suppression du service de conciergerie que la cession de la loge. Si la prudence implique le recours à l'unanimité, il est vrai que cette exigence peut être source de blocage entre les copropriétaires.

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Responsabilité

[Le point sur...] Observations complémentaires sur la mise en oeuvre de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985

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N6288BDA

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 01 Novembre 2013

L'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, dispose que "la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis" (loi n° 85-677, 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, art. 4 N° Lexbase : L4297AHM). Ce texte suscite, à examiner la jurisprudence, un certain nombre de difficultés de mise en oeuvre, notamment lorsque l'on s'interroge sur les incidences de la faute de la victime et, plus encore, sur la densité du lien qui doit exister entre cette faute et le dommage. Un récent arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 27 novembre dernier, que nous commentions ici même la semaine dernière, en est au demeurant un exemple certain (1). Complétant les observations que nous avions alors pu faire, on aimerait y revenir pour mettre en évidence la dimension, au fond, essentiellement politique de la réponse apportée par la Cour de cassation au problème qui lui était soumis, et montrer que, techniquement, la question pouvait parfaitement, contrairement à ce que la plupart des auteurs soutiennent, être résolue dans le sens inverse à celui finalement retenu (cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E5889ETB). On ne reviendra pas, afin de ne pas alourdir la discussion, sur les faits à l'origine du litige, et on se contentera de rappeler que la Cour a approuvé une cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait et d'avoir ainsi fait une exacte application de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, les juges du fond ayant déduit de l'examen des circonstances de l'accident "l'absence de lien de causalité entre le défaut de permis de conduire imputable au conducteur victime et la réalisation des dommages subis par celui-ci".

Sans doute la solution était-elle prévisible puisque, par deux importants arrêts du 6 avril 2007, rendus contrairement à l'avis de l'avocat général Charpenel (2), l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, répondant à la question de savoir si peut être opposée à la victime d'un accident de la circulation sa faute constituée par le fait d'avoir un taux d'alcoolémie supérieur au taux légalement admis, avait écarté toute présomption de causalité et refusé de considérer que la faute, en tant que telle indiscutable, soit nécessairement une faute causale. Dans les deux affaires, la Cour avait, en effet, approuvé les juges du fond d'avoir pu déduire des circonstances de l'accident l'absence de lien de causalité entre l'état d'alcoolémie de la victime et la réalisation de son dommage et ce, au moins dans l'une des deux espèces, en dépit d'un taux d'alcoolémie particulièrement élevé. Parce que, a-t-on dit, "il pouvait sembler difficile de décider a priori et de façon certaine que le dépassement du taux d'alcoolémie légalement autorisé soit la cause de l'accident et du dommage de la victime" (3). Il fallait se résoudre à admettre qu'une telle faute, parfois qualifiée de faute de comportement par opposition à la faute de conduite strito sensu (4), ne puisse pas être considérée comme une faute nécessairement causale d'un accident de la circulation. Et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, c'est sans réelle surprise que la Chambre criminelle de la Cour de cassation refuse à présent de considérer que la faute consistant dans le fait de conduire sans permis puisse entraîner ipso facto une limitation ou une exclusion de l'indemnisation des dommages de la victime, le raisonnement appliqué à la conduite en état d'ébriété ou sous l'emprise de stupéfiants pouvant être transposé au cas du défaut de permis de conduire. Tout cela est, désormais, parfaitement connu.

Au plan technique, on fait le plus souvent valoir que seule la solution finalement retenue par la Cour de cassation respecterait l'exigence d'un lien de causalité entre la faute et le dommage, alors que celle, un temps retenue par la jurisprudence, et aujourd'hui abandonnée (5), selon laquelle la faute consistant dans le fait de conduire sous l'emprise d'un état alcoolique ou de stupéfiants, ou bien encore sans permis de conduire, serait nécessairement "en relation avec le dommage", reposait sur un artifice conduisant à présumer l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le dommage là où, en réalité, il n'en existait pas. On redira ne pas partager cette opinion. De fait, si l'on admet, ce qui n'est pas contestable, que la faute est d'avoir conduit, alors que précisément la loi interdisait de le faire, dans le cas de figure considéré, on concèdera donc que si la victime avait respecté l'interdiction, et n'avait pas commis de faute, elle ne se serait pas, par hypothèse, trouvée sur la route, et, donc, n'aurait pas subi de dommages, ce en quoi la faute nous parait tout de même bien causale. Par où l'on voit que le débat se ramène, du point de vue de la technique juridique, à l'appréciation, extensive ou restrictive, que l'on se fait du lien de causalité devant exister entre la faute et le dommage et, donc, au choix que l'on peut faire entre la théorie de l'équivalence des conditions et celle de la causalité adéquate. Or, s'il est manifeste que la Cour de cassation, depuis les arrêts d'Assemblée plénière précités du 6 avril 2007, a entendu privilégier la théorie restrictive de la causalité adéquate, on regrette que la plupart des auteurs, commentant ces arrêts, aient fait valoir que cette solution était la seule juridiquement admissible, comme si le droit positif ne faisait aucune place ou ne pouvait accueillir la théorie de l'équivalence des conditions. Mais, bien au contraire, les décisions faisant la part belle à une approche souple de la causalité en recourant à la théorie de l'équivalence des conditions ne manquent pas, loin s'en faut, non seulement d'ailleurs, ce qui est somme toute assez classique, lorsqu'une faute peut être imputée au défendeur (6), mais aussi dans des hypothèses dans lesquelles la responsabilité est objective, y compris lorsqu'il est fait application d'un régime spécial de responsabilité objective comme en matière d'accidents de la circulation (7). On est d'ailleurs un peu étonné, pour tout dire, que Monsieur le Professeur Jourdain estime que la faute reprochée au conducteur victime ne peut pas être tenue, en tant que telle, comme causale, alors qu'il avait, lorsqu'il avait commenté le désormais "célébrissime" arrêt "Perruche" (8), assez nettement pris la défense de la Cour de cassation en considérant que la faute du médecin, qui avait empêché la mère d'avorter, était bien causale, quand bien même il serait évident que le handicap de l'enfant trouvait sa cause "immédiate" dans la maladie de la mère (9). Faut-il alors penser que le choix de la théorie de la causalité dépend exclusivement du point de savoir laquelle des deux théories permettra, au cas d'espèce, d'indemniser la victime ? C'est bien alors un choix politique qui commande la solution...


(1) Cass. crim., 27 novembre 2007, n° 07-81.585, Compagnie Monceau générale assurances, F-P+F (N° Lexbase : A0861D3B) et nos obs., Accidents de la circulation : le défaut de permis de conduire imputable au conducteur victime n'est pas constitutif d'une faute nécessairement causale du dommage, Lexbase Hebdo n° 287 du 10 janvier 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N5925BDS).
(2) Ass. plén., 6 avril 2007, 2 arrêts, n° 05-81.350, M. Daniel Duboust c/ Mme Patricia Pipon, P+B+R+I (N° Lexbase : A9501DUG) et n° 05-15.950, MACIF Provence-Méditerranée c/ M. Stéphane Devos, P+B+R+I (N° Lexbase : A9499DUD), BICC 15 juin 2007, rapp. Gallet, avis Charpenel, JCP éd. G, 2007, II, 10078, note P. Jourdain.
(3) P. Jourdain, obs. RTDCiv. 2002, p. 829.
(4) X. Ridel, La faute de comportement du conducteur victime, Resp. civ. et assur. 2006, étude 3.
(5) Voir les références citées dans notre note précitée.
(6) Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Droit civil, Les obligations, n° 92, p. 48.
(7) Voir, not., le tableau brossé par M. Bacache-Gibeili, Droit civil, Les obligations, La responsabilité civile extracontractuelle, n° 379 et s., p. 419 et s..
(8) Ass. plén., 17 novembre 2000, n° 99-13.701, M. X, ès qualités d'administrateur légal des biens de son fils mineur Nicolas et autre c/ Mutuelle d'assurance du corps sanitaire français et autres (N° Lexbase : A1704ATB), Bull. civ. n° 9.
(9) P. Jourdain, D. 2001, p. 332.

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Bancaire

[Jurisprudence] Un refus d'accès au compte et de délivrance d'un relevé d'identité bancaire peut constituer un trouble manifestement illicite

Réf. : Cass. com., 18 décembre 2007, n° 07-12.382, Mme Chantal Kizaza, épouse Makola, FS-P+B (N° Lexbase : A1417D3U)

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par Florence Labasque, SGR - Droit commercial

Le 07 Octobre 2010

Il ressort d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 décembre 2007 qu'une banque ne peut refuser l'accès au compte et la délivrance d'un relevé d'identité bancaire, au seul motif que le récépissé constatant le dépôt d'une demande de statut de réfugié était périmé, dès lors que, le tenant pour une pièce officielle d'identité, elle n'avait exigé, lors de l'ouverture du compte, aucun autre document justificatif et qu'il n'existait aucun doute sur l'identité de la personne ; il en résulte qu'un tel refus constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser. Cette décision, destinée aux honneurs du Bulletin, est à notre connaissance inédite. Dans cette affaire, La Poste a consenti à Mme X, le 8 juillet 2002, l'ouverture d'un compte livret A, au vu d'un récépissé constatant le dépôt d'une demande de statut de réfugié, valable jusqu'au 4 octobre 2002 et renouvelable. Cependant, à partir du mois de mai 2005, La Poste a refusé l'accès de Mme X à son compte, au motif que le récépissé était venu à expiration et que l'identité de la titulaire n'était justifiée par aucun document en cours de validité. Mme X a assigné La Poste en référé pour obtenir sa condamnation à lui donner accès à son compte sur présentation de ce récépissé, seul document dont elle disposait, et à lui délivrer un relevé d'identité bancaire.
Par une ordonnance de référé du 22 juillet 2005, le président du tribunal de grande instance de Paris a condamné La Poste à donner à Mme X accès à son compte sur présentation du seul document dont elle dispose attestant de son identité, en l'espèce, un récépissé constatant le dépôt d'une demande de statut de réfugié délivré par l'autorité préfectorale qui supporte sa photographie et sa signature, et à lui délivrer un relevé d'identité bancaire, et ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de trois jours courant à compter de la signification de l'ordonnance. Le président du TGI de Paris a, en effet, estimé que La Poste ne pouvait pas prétendre qu'un document officiel, comportant la photographie et la signature de l'intéressée sur la foi duquel elle avait ouvert le compte, serait impropre à justifier de son identité, au motif que l'autorisation de séjour est expirée, sans confondre ce qui relève de l'identité de la personne et les droits attachés au titre délivré.
La Poste a alors formé appel et la cour d'appel de Paris, par un arrêt du 24 février 2006, a infirmé l'ordonnance et dit n'y avoir lieu à référé (CA Paris, 14ème ch., sect. B, 24 février 2006, n° 05/17438, La Poste c/ Mme Chantai Kizaza N° Lexbase : A5503DPI). Pour ce faire, la cour d'appel énonce que le Code monétaire et financier fait obligation à tout banquier de vérifier, préalablement à l'ouverture d'un compte, le domicile et l'identité du postulant qui est tenu de présenter un document officiel portant sa photographie. Or, souligne-t-elle, "aucun texte ne prévoit que le récépissé d'une demande de statut de réfugié vaut justificatif, même provisoire, de l'identité de la personne titulaire de ce document". De plus, elle précise qu'il résulte, en revanche, de l'article L. 721-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5919G4Y), que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides "est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, les pièces nécessaires pour permettre aux réfugiés et apatrides d'exécuter les divers actes de la vie civile", ce qui tend à montrer que le récépissé ne permet pas, en lui-même, d'accomplir de tels actes et, notamment, d'ouvrir et de faire fonctionner un compte. La cour d'appel estime, ainsi, que si La Poste a accepté d'ouvrir un compte au vu de ce seul document, "le fait qu'elle ait mis fin à cette tolérance, à partir du moment où la date de validité du récépissé était expirée et alors qu'aucun autre document n'était produit pour justifier de l'identité dans les formes prévues par la loi, ne revêt pas un caractère manifestement illicite, étant observé que, sous peine d'engager sa responsabilité, La Poste est tenue de vérifier l'identité du titulaire du compte, non seulement à son ouverture, mais également durant toute la durée de son fonctionnement". Elle conclut, dès lors, que les conditions de l'article 809, alinéa 1er, du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L3104ADC) ne sont pas réunies et, par conséquent, infirme l'ordonnance.
C'est alors avec succès que Mme X se pourvoit en cassation, l'arrêt d'appel se trouvant censuré pour violation des articles 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 1932 (N° Lexbase : L2156ABH) du Code civil, ensemble l'article 809 du Nouveau Code de procédure civile. La Haute juridiction estime, en effet, que "La Poste ne pouvait refuser l'accès au compte et la délivrance d'un relevé d'identité bancaire, au seul motif que le récépissé était périmé, dès lors que le tenant pour une pièce officielle d'identité, elle n'avait exigé lors de l'ouverture du compte aucun autre document justificatif et qu'il n'existait aucun doute sur l'identité de la personne, ce dont il résultait que ce refus constituait un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser".

La cliente cherchait, dans cette espèce, à faire juger que le refus d'accès au compte opposé par la banque constituait un "trouble manifestement illicite" au sens de l'article 809, alinéa 1er, du Nouveau Code de procédure civile, afin que le juge puisse ordonner, en application de ce texte, l'accès au compte et la délivrance d'un RIB. En effet, selon ce texte, "le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite". Rappelons que le juge des référés, amené à statuer sur le fondement de l'article 809, alinéa 1er, apprécie souverainement l'existence et la prolongation du trouble manifestement illicite (Cass. civ. 2, 22 avril 1992, n° 90-19.194, Société Patparnasse c/ Epoux Aynes et autre, publié N° Lexbase : A3233ACQ, Bull. civ. II, n° 136 ; Cass. civ. 1, 16 juillet 1997, n° 96-12.762, Société Editions Plon c/ Mme Danielle Mitterrand, P N° Lexbase : A1033ACA, Bull. civ. I, n° 249 ; Cass. com., 17 novembre 1998, n° 96-17.878, M. Brouwer et autres c/ Société de directeurs de laboratoire d'analyses médicales et autres, publié N° Lexbase : A9228CHA, Bull. civ. IV, n° 231). C'est, ainsi, après des rebondissements dus aux diverses interprétations, que la titulaire du compte a finalement obtenu gain de cause devant la Haute juridiction.

Afin de protéger les tiers, mais également l'établissement de crédit lui-même, ce dernier doit effectuer certaines vérifications lors de l'ouverture d'un compte. Parmi les obligations auxquelles sont tenus les banquiers préalablement à l'ouverture d'un compte, l'article R. 312-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5915HZ4) impose au banquier "de vérifier le domicile et l'identité du postulant, qui est tenu de présenter un document officiel portant sa photographie. Les caractéristiques et les références de ce document sont enregistrées par le banquier". En l'espèce, le document officiel portant la photographie était un récépissé constatant le dépôt d'une demande de statut de réfugié. La difficulté tient ici au caractère par définition temporaire de ce document. Ainsi, la banque qui accepte d'ouvrir un compte au vu d'un tel document peut-elle refuser, ultérieurement, l'accès au compte, au seul motif que ce même document est expiré, alors même que l'identité du titulaire du compte n'est pas remise en doute ? Non, affirme clairement la Chambre commerciale, pour des motifs que nous ne pouvons qu'approuver.
Comme l'a souligné le premier juge, la banque ne doit pas confondre les obligations contractuelles qui sont les siennes à l'égard de ses clients et les missions d'ordre public portant sur le contrôle de la régularité du séjour d'un étranger en France qui relèvent d'autres autorités. Ces obligations contractuelles se retrouvent, d'ailleurs, à la lecture des articles visés par la Cour de cassation pour censurer l'arrêt d'appel. En effet, outre l'article 1134 du Code civil, est visé l'article 1932 du même code, relatif aux obligations du dépositaire, aux termes duquel ce dernier "doit rendre identiquement la chose même qu'il a reçue.
Ainsi, le dépôt des sommes monnayées doit être rendu dans les mêmes espèces qu'il a été fait, soit dans le cas d'augmentation, soit dans le cas de diminution de leur valeur".

Notons que cette décision du 18 décembre 2007 s'inscrit, plus généralement, dans un courant favorisant l'accès au compte.
Car si l'ouverture d'un compte n'est, en principe, pas obligatoire, certains textes imposent, toutefois, des modes de paiement pour certaines opérations et supposent, donc, l'existence d'un compte, entravant par là même la liberté d'ouvrir ou non un compte (sur la liberté d'ouvrir un compte, voir Th. Bonneau, Droit bancaire, Montchrestien, 6ème éd., n° 358).
Parallèlement, le droit au compte a été consacré par le législateur. L'article L. 312-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9330HDW) dispose, ainsi, que "toute personne physique ou morale domiciliée en France, dépourvue d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte dans l'établissement de crédit de son choix ou auprès des services financiers de La Poste".

newsid:308028

Sécurité sociale

[Jurisprudence] Aspects de droit social de la loi de finances pour 2008

Réf. : Loi n° 2007-1822, 24 décembre 2007, de finances pour 2008 (N° Lexbase : L5488H3N)

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N8029BDQ

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Conformément à une pratique instaurée depuis quelques années, la loi de finances ne comporte pas nécessairement que des aspects de finances publiques ou de fiscalité. Le législateur, dans un ultime geste avant que l'année ne s'achève, y insère régulièrement des mesures d'ordre social. La loi de finances pour 2008 n'échappe pas à cette tendance observée depuis quelques années (1), qui peut, jusqu'à un certain point, être censurée par le Conseil constitutionnel pour "cavalier législatif". La loi de finances pour 2008 comporte, ainsi, des dispositions nouvelles modifiant le régime de certaines aides à l'emploi (c'est-à-dire, exonérations de charges sociales), de certains contrats aidés et, enfin, certains dispositifs d'aide aux chômeurs et autres bénéficiaires des minima sociaux. Parmi les nombreuses dispositions intéressant le droit social et de la protection sociale, il faut relever, dans la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 : la prorogation des aides à l'emploi en faveur des employeurs du secteur des hôtels, cafés et restaurants (2) ; la contribution du Fonds unique de péréquation (FUP) au financement de l'allocation de fin de formation (3) ; l'harmonisation des taux de cotisation employeurs au Fonds national d'aide au logement (FNAL) (art. 135) (4) ; la suppression des aides au remplacement de salariés partis en formation ou en congé maternité ou d'adoption (5) ; l'encadrement des conditions d'accès des ressortissants communautaires à l'allocation de parent isolé (API) (6) ou, enfin, la modification des règles de prise en compte des aides personnelles au logement dans les ressources des demandeurs de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) (7).

1. Réformes des aides à l'emploi (mesures d'exonérations de charges sociales)

A - Exonération de cotisations patronales Jeunes entreprises innovantes

L'article 44 sexies0-A du Code général des impôts (N° Lexbase : L2440HNP) précise dans quelles conditions une jeune entreprise innovante peut bénéficier des exonérations de cotisations sociales patronales. Actuellement, si une entreprise ne respecte pas l'une des conditions prévues pour bénéficier du dispositif au cours d'une année, elle perd définitivement le bénéfice de l'exonération. Or, selon les travaux parlementaires (8), un certain nombre d'entreprises rencontrent temporairement des difficultés tenant, soit à la condition de détention du capital, soit au respect du critère des 15 % de charges consacrées à des dépenses de recherche, et ceci pour des raisons indépendantes de leur volonté.

La loi de finances pour 2008 (art. 108) vise à corriger ce problème et à permettre aux entreprises qui ne respectent pas l'une des conditions prévues pour bénéficier du dispositif au cours d'une année de réintégrer le dispositif.

B - Exonération de charges sociales ZRR et ZRU

Il faut rappeler le dispositif existant : les exonérations de cotisations de sécurité sociale liées aux zones de revitalisation rurales (ZRR) et des zones de redynamisation urbaines (ZRU) consistent en une franchise de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite de 1,5 le SMIC, sans plafond de rémunération. Il s'agit d'exonérations temporaires d'une durée de douze mois. Elles concernent les embauches accroissant l'effectif d'une entreprise ayant au plus cinquante salariés, tous établissements confondus, ou des groupements d'employeurs exerçant une activité artisanale, industrielle, commerciale, libérale, ou agricole.

La loi de finances pour 2008 (art. 133) modifie le régime des exonérations en faveur des ZRR et des ZRU. Le législateur a plafonné à 2,4 fois le SMIC le niveau de salaire ouvrant droit aux exonérations ciblées en faveur des zones de revitalisation rurales et des zones de redynamisation urbaines et institué un mécanisme de dégressivité de ces exonérations à partir de 1,5 fois le SMIC pour éviter tout effet de seuil à partir duquel l'employeur serait incité à ne pas augmenter les salaires. Cette mesure permet de limiter l'aide de l'Etat pour les salariés ayant des revenus élevés, afin de concentrer l'intervention publique sur l'embauche de salariés initialement moins qualifiés ou moins productifs, pour lesquels une aide à l'embauche peut réellement faire la différence et permettre de créer un emploi qui ne l'aurait pas été autrement (9). Ces modifications ne s'appliquent qu'aux contrats conclus après le 1er janvier 2008.

Cette réforme vise plusieurs objectifs : concentrer les aides publiques sur l'embauche des salariés pour lesquels une aide à l'embauche peut réellement faire la différence ; assurer la pérennité des entreprises sur les territoires en évitant un effet "nomadisme" qui pourrait les conduire à déménager pour bénéficier de nouveau des aides (la limitation d'un effet d'aubaine est donc recherchée) ; éviter tout effet de seuil à partir duquel l'employeur serait incité à ne pas augmenter les salaires.

Le plafonnement et l'instauration d'une dégressivité paraissent cohérents dans le double objectif de réduire le niveau des exonérations spécifiques et de maîtriser les dépenses budgétaires. Outre l'économie prévisionnelle de 16 millions d'euros, le dispositif ne remet pas en cause, dans son principe, le soutien au développement des entreprises en ZRR et ZRU (10).



2. Réforme des contrats aidés

A - Exonération de cotisations patronales contrats/périodes de professionnalisation

L'article 128 de la loi de finances pour 2008 supprime les exonérations de cotisations sociales patronales spécifiques attachées aux contrats de professionnalisation. Ces contrats, s'agissant de leur régime en matière de Sécurité sociale, ont peu à peu perdu leur spécificité par rapport aux contrats de travail de droit commun. En effet, comme l'ont relevé les travaux parlementaires (11), ces exonérations spécifiques sont d'un montant équivalent, pour les entreprises de moins de 20 salariés (c'est-à-dire la grande majorité de celles qui ont recours à ce type de contrat), à celui des allégements généraux de charges qui concernent tous les salariés. Dans ces conditions, le maintien d'un dispositif spécifique d'exonérations ne semble plus justifié. Cette mesure permet de réaliser une économie estimée à 140 millions d'euros.

B - Suppression du dispositif "soutien à l'emploi des jeunes en entreprise" (SEJE)

Le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE), créé par la loi du 29 août 2002 (loi n° 2002-1095, portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise N° Lexbase : L6286A4L), vise à favoriser l'embauche de jeunes peu, ou pas, qualifiés dans des emplois stables par le versement d'une aide mensuelle aux employeurs (hors secteur public et particuliers employeurs) qui recrutent par contrat de travail à durée indéterminée (CDI) des jeunes de seize à moins de vingt-trois ans non bacheliers. La prime mensuelle, dont le montant est compris entre 150 et 400 euros, selon le niveau de qualification du jeune, est versée pendant trois ans et réduite de 50 % au cours de la troisième année. Le dispositif a été modifié par la loi du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale (loi n° 2005-32 [LXB= L6384G49]), avec un double objet : étendre le bénéfice de l'aide aux jeunes de 23 à moins de 26 ans les moins qualifiés (niveaux de formation V bis et VI, inférieur au CAP) et bénéficiant, par ailleurs, du contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) institué par la même loi, d'une part ; permettre à l'Etat de moduler le montant de l'aide en fonction du niveau de formation des bénéficiaires afin de réorienter le SEJE vers les jeunes les moins qualifiés, d'autre part (12).

La "fiche d'impact" de juillet 2002, jointe au projet de loi, tablait sur un coût budgétaire annuel de 500 millions d'euros, à partir de 2005, sur la base de 250 000 bénéficiaires annuels. La Cour des comptes, loin de valider ces prévisions, a, au contraire, émis un certain nombre de réserves. Le nombre de bénéficiaires, très inférieur aux prévisions, ne s'établissait qu'à 120 000 entrées dans le dispositif en 2005. Malgré l'élargissement du public visé en 2005 et 2006 vers les jeunes diplômés en difficulté bénéficiant d'un contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) et en direction des jeunes résidents de zones urbaines sensibles (ZUS), sans condition de diplôme, le nombre de bénéficiaires est resté limité à 113 946 en 2006, pour 253,04 millions d'euros de crédits consommés, soit moins de 50 % de l'objectif fixé. La mesure a eu une très faible influence sur la création nette d'emploi (à peine 7 créations nettes pour 100 emplois aidés) et un impact limité sur la stabilisation de l'emploi de ses bénéficiaires du fait des nombreuses ruptures "précoces" de contrats. La mise en oeuvre de ce dispositif a été assortie d'importants "effets d'aubaine", dans près de 50 % des cas, l'aide étant dans ce cas versée à des employeurs qui, sans elle, auraient pris les mêmes décisions d'embauche (54 % des bénéficiaires étaient déjà salariés avant l'embauche et 31 % travaillaient chez le même employeur). Les objectifs d'orientation prioritaire du dispositif vers les jeunes sans qualification ne sont, ni atteints, ni susceptibles de l'être. Ces diverses constatations ont conduit la Cour des comptes à s'interroger sur le bien-fondé même du SEJE.

La loi de finances pour 2008 (art. 127) fusionne le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise avec le contrat initiative emploi (CIE). En effet, le soutien à l'emploi des jeunes en entreprise est destiné à favoriser l'embauche des jeunes très peu qualifiés en entreprise. Pour cette catégorie de publics, la difficulté d'accès au premier emploi et la probabilité de récurrence dans le chômage sont, en effet, reconnues. Or, le contrat initiative emploi permet, de la même façon, de subventionner l'embauche dans une entreprise de personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi. Les jeunes non qualifiés, bénéficiaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale, ou résidant en zone urbaine sensible, sont donc incontestablement dans le champ des publics concernés par ce contrat.

Le SEJE et le CIE font donc double emploi selon les travaux parlementaires (13), et le CIE ayant un objet plus large que celui du SEJE, le législateur a intégré les publics actuellement bénéficiaires du SEJE dans le CIE en supprimant du Code du travail les articles spécifiques au SEJE. Par ailleurs, la possibilité de moduler, par arrêté préfectoral, l'aide attribuée à certains publics dans le cadre d'un CIE, qui n'est pas prévue dans le cadre du SEJE, permet d'améliorer l'impact du dispositif en ciblant les aides les plus élevées sur les publics prioritaires tout en diminuant le coût du dispositif pour d'autres bénéficiaires. Cette mesure permet de réaliser une économie estimée à 83 millions d'euros.

3. Réforme dans le champ du chômage et de l'insertion professionnelle

A - Allocation équivalent retraite

Instituée par la loi de finances pour 2002 (loi n° 2001-1275, 28 décembre 2001 N° Lexbase : L1042AWI), l'allocation équivalent retraite (AER) est accordée, sous conditions de ressources, pour garantir un montant minimum de ressources aux demandeurs d'emploi justifiant, avant l'âge de soixante ans, d'au moins 160 trimestres validés dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse. Elle est attribuée par périodes de douze mois renouvelables à l'allocataire jusqu'à ce que celui-ci puisse liquider ses droits à la retraite à taux plein. Le taux journalier de l'AER est fixé au 1er janvier 2007 à 31,32 euros par jour, soit 953 euros en moyenne par mois. Il existe deux types d'AER : le premier permet de compléter l'aide au retour à l'emploi du bénéficiaire jusqu'à ce que les ressources de l'allocataire atteignent ce revenu minimum, l'AER est alors dite AER de "complément" (environ un cinquième des bénéficiaires). Dans ce cas, elle est systématiquement différentielle ; le second vise à se substituer à un revenu de remplacement antérieur, l'AER est, dans ce cas, de "remplacement" (environ quatre cinquièmes des bénéficiaires). Selon les ressources du demandeur, elle peut être différentielle ou versée à taux plein.

La loi de finances pour 2008 (art. 132) retient le principe d'une suppression de l'allocation équivalent retraite. Dans le cadre du plan pour l'emploi des seniors, le législateur, le pouvoir réglementaire et les partenaires sociaux se sont attachés à mettre fin aux multiples dispositifs de cessation précoce d'activité mis en place au cours du temps (14). La LFSS pour 2008 (loi n° 2007-1786, 19 décembre 2007, de financement de la sécurité sociale pour 2008 N° Lexbase : L5482H3G) s'inscrit, également, dans cette même dynamique (15). Elle supprime, ainsi, l'allocation équivalent retraite (AER), en abrogeant l'article L. 351-10-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0314HGQ). Toutefois, cette abrogation ne concerne que les nouveaux entrants potentiels. L'allocation est préservée pour les personnes qui en sont déjà bénéficiaires. Cette mesure permet de réaliser une économie estimée à 60 millions d'euros.

Si l'AER constitue juridiquement un revenu de remplacement, et plus précisément une allocation de solidarité chômage, elle peut, également, être qualifiée, de façon approximative, de "préretraite de fait" puisque, d'une part, 95 % des bénéficiaires sont des personnes dispensées de recherche d'emploi et, d'autre part, le montant relativement élevé garanti par l'allocation (953 euros par mois) peut apparaître désincitatif à la reprise d'une activité professionnelle (en 2007, le SMIC pour 151,67 heures de travail est de 1 280,07 euros brut par mois). De plus, l'AER peut avoir un effet pervers en incitant les entreprises et les employés âgés à trouver un accord de séparation, financé par l'Etat. Par ailleurs, l'évolution de l'AER se caractérise par un nombre croissant de bénéficiaires sur les dernières années. Ainsi, les bénéficiaires de l'AER étaient au nombre de 74 260 bénéficiaires au 31 décembre 2006 et sont actuellement estimés à près de 80 000 (16).

B - Revenu de solidarité active

La loi de finances pour 2008 (art. 123) supprime les trois derniers alinéas du II de l'article 21 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 (loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat N° Lexbase : L2417HY8), ce qui signifie un élargissement du droit à participer à l'expérimentation de la mise en place du revenu de solidarité active (RSA) à l'ensemble des départements ayant fait acte de candidature avant le 31 octobre 2007 (17).

La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 a modifié le cadre des expérimentations locales instituées par l'article 142 de la loi du 21 décembre 2006, de finances pour 2007 (loi n° 2006-1666 N° Lexbase : L8561HTA), en replaçant ces expérimentations législatives et réglementaires dans la perspective de la mise en place du revenu de solidarité active, au profit des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de parent isolé (API). L'article 21 de la loi du 21 août 2007 a ouvert, au bénéfice des départements intéressés par ces nouvelles dispositions, une nouvelle phase de candidature. Ceux-ci ont pu, jusqu'au 31 octobre 2007, par une délibération motivée, présenter leur candidature à l'expérimentation du RSA. La loi disposait, cependant, que ces nouvelles candidatures ne seraient accueillies que dans la limite de 10 départements supplémentaires. Dans le cas où le nombre des candidatures reçues excèderait dix, les 10 départements remplissant les conditions légales autorisés à participer à l'expérimentation devaient être retenus par rang décroissant de la moyenne de leur rang de classement, parmi l'ensemble des départements, selon le montant du dernier potentiel fiscal par habitant connu, établi par ordre croissant et de leur rang de classement, parmi l'ensemble des départements, selon le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion rapporté au nombre d'habitants du département considéré, établi par ordre décroissant (18).

L'article 123 de la loi de finances pour 2008 supprime cette limite de 10 nouveaux départements. En effet, selon l'exposé des motifs présenté par le Gouvernement, plus d'une vingtaine de départements se sont portés candidats. Face à cet engouement, et afin de ne pas perturber cette dynamique, le Gouvernement a estimé nécessaire de lever les contraintes posées par la loi précitée du 21 août 2007 pour accueillir l'ensemble des départements intéressés ayant délibéré dans les délais et présenté un dossier, soit 23 départements au total, auxquels il faut ajouter les 16 départements déjà autorisés à mener l'expérimentation.


(1) V. nos obs., Dispositions de la loi de finances pour 2006 relatives à l'emploi et à l'indemnisation chômage, Lexbase Hebdo n° 199 du 26 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N3607AKS).
(2) La loi de finances pour 2008 pérennise les aides à l'emploi en faveur du secteur des hôtels, cafés et restaurants, dans la limite des 30 premiers salariés de l'entreprise. Le nombre de 30 salariés est destiné à placer l'aide en deçà du seuil de minimis fixé par la réglementation européenne en matière d'aides d'Etat. Le coût budgétaire de cette mesure est estimé à 555 millions d'euros.
(3) Cette mesure proposée a pour objet de faire financer, par le Fonds de solidarité, l'allocation de fin de formation, dispensée aux demandeurs d'emploi à l'expiration de leurs droits à l'assurance-chômage, lorsqu'ils suivent une formation qualifiante leur permettant d'accéder à un emploi pour lequel sont identifiées des difficultés de recrutement ; d'instituer un prélèvement de 200 millions d'euros sur le fonds mentionné à l'article L. 961-13 du Code du travail (N° Lexbase : L3136HIY), qui recueille les excédents de ressources des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et organise la péréquation des sommes dédiées à la professionnalisation et au congé individuel de formation, vers le Fonds de solidarité, en vue du paiement de cette allocation.
(4) L'objectif est d'achever l'alignement des taux de cotisation des employeurs publics au Fonds national d'aide au logement (FNAL) sur ceux du secteur privé, déjà engagé dans la loi de finances pour 2007. Actuellement, les cotisations employeurs au FNAL, définies à l'article L. 834-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3439HWB), sont les suivantes : une cotisation assise sur les salaires plafonnés, fixée au taux de 0,1 %, due par tous les employeurs, qu'ils soient publics ou privés ; une contribution assise sur la totalité des salaires, due par l'ensemble des employeurs occupant au moins vingt salariés, à l'exception de ceux relevant du régime agricole ; le taux de cette cotisation s'élève à 0,4 % pour les employeurs privés et 0,2 % pour l'Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics administratifs. L'article vise à porter à 0,4 % le taux de cette seconde contribution pour les employeurs publics, après un premier relèvement de 0 à 0,2 % effectué en 2007. La contribution supplémentaire, ainsi demandée, permet d'accroître les ressources du FNAL à hauteur de 131 millions d'euros et répond à un souci d'équité, en supprimant une différence de traitement qui n'est plus justifiée.
(5) La loi de finances pour 2008 supprime les dispositifs d'aide au remplacement de certains salariés partis en formation ou en congé maternité ou d'adoption. Ces aides ont, pour l'essentiel, créé des effets d'aubaine, puisque c'est davantage des raisons d'organisation de travail que des raisons financières qui rendent difficile le remplacement de salariés temporairement absents de l'entreprise. Les départs en formation ou en congé de maternité ou d'adoption intervenus avant le 1er janvier 2008 continueront à ouvrir droit à l'aide. Cette mesure permet de réaliser une économie estimée à 4,2 millions d'euros.
(6) La loi de finances pour 2008 subordonne l'accès à l'allocation de parent isolé (API) et à l'allocation aux adultes handicapés (AAH) à une condition de présence en France de trois mois. Cette mesure, déjà en vigueur pour l'accès au RMI et la couverture maladie universelle, fait application de l'article 24 de la Directive communautaire 2004/38/CE du 29 avril 2004 (N° Lexbase : L2090DY3) qui permet à l'Etat membre d'accueil de ne pas accorder de prestation d'assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour sur le territoire. De plus, comme pour le RMI, la couverture maladie universelle et l'API, les personnes résidant en France depuis moins de trois mois ou qui ne s'y maintiennent qu'au titre de la recherche d'emploi, n'auront pas droit à l'AAH. Cette mesure permet de réaliser une économie estimée à 1,2 million d'euros.
(7) Les aides personnelles au logement sont prises en compte dans les ressources des demandeurs de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) à concurrence d'un forfait déterminé en pourcentage du revenu minimum d'insertion (RMI). Depuis l'intervention de l'article 155 de la loi de finances pour 2006 (loi n° 2005-1719, 30 décembre 2005 N° Lexbase : L6429HET), ce forfait mensuel est calculé selon des règles différentes selon qu'il s'agisse d'un primo-demandeur ou d'un renouvellement. Ces règles se sont révélées, à l'expérience, d'un maniement très complexe pour les caisses d'assurance maladie, instructrices des dossiers de demande de CMU-C. L'objectif poursuivi est d'unifier les règles pour l'ensemble des demandeurs de la CMU-C. Elle doit être complétée par un décret en Conseil d'Etat prévoyant ses modalités d'application et, notamment, l'harmonisation des règles relatives au calcul du forfait logement sur les taux prévus pour le forfait logement du RMI. Cette mesure permet de réaliser une économie estimée à 14 millions d'euros.
(8) G. Carrez, Rapport Assemblée nationale n° 276, au nom de la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189), 11 octobre 2007, tome 3.
(9) G. Carrez, Rapport Assemblée nationale n° 276, au nom de la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189), 11 octobre 2007, tome 3.
(10) S. Dassault, Sénat, Rapport général n° 91 (2007-2008) fait au nom de la Commission des finances, déposé le 22 novembre 2007.
(11) G. Carrez, Rapport Assemblée nationale n° 276, au nom de la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189), 11 octobre 2007, tome 3.
(12) S. Dassault, Sénat, Rapport général n° 91 (2007-2008) fait au nom de la Commission des finances, déposé le 22 novembre 2007.
(13) G. Carrez, Rapport Assemblée nationale n° 276, au nom de la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189), 11 octobre 2007, tome 3.
(14) G. Carrez, Rapport Assemblée nationale n° 276, 11 octobre 2007, préc..
(15) V. nos obs., LFSS 2008 : réforme des exonérations de charges sociales et des mesures d'âge, Lexbase Hebdo n° 287 du 10 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6093BDZ).
(16) S. Dassault, Sénat, Rapport général n° 91 (2007-2008) fait au nom de la Commission des finances, déposé le 22 novembre 2007.
(17) "Au possible, nous sommes tenus. La nouvelle équation sociale 15 résolutions pour combattre la pauvreté des enfants", Commission "Familles, vulnérabilité, pauvreté", prés. M. Hirsch (lire le rapport) ; J. Damon, Le rapport 'Hirsch' : filiation, contenu et enjeux, RDSS 2005, p. 610 ; nos obs., Revenu de solidarité active : le législateur consacre le Rapport Hirsch, mais à titre expérimental (loi n° 2007-1223 du 21 août 2007), Lexbase Hebdo n° 271 du 6 septembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2559BCR) ; G. Carrez, Rapport n° 62, Assemblée nationale, 2007 ; D. Tian, Avis n° 61, Assemblée nationale, 2007 ; J.-C. Taugourdeau, Avis n° 59, Assemblée nationale, 2007 ; S. Huyghe, Avis n° 58, 2007 ; P. Marini, Rapport n° 404 (2006-2007), Sénat ; A. Vasselle, Avis n° 406 (2006-2007), Sénat ; G. Carrez, Rapport n° 109, Assemblée nationale, 2007 ; P. Marini, Rapport n° 425 (2006-2007), Sénat.
(18) A. Cazalet, Projet de loi de finances pour 2008 : Solidarité, insertion et égalité des chances Rapport général n° 91 (2007-2008), fait au nom de la Commission des finances, déposé le 22 novembre 2007.

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Collectivités territoriales

[Textes] Le rapport "Lambert" : une proposition de rationalisation des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales

Réf. : Rapport Lambert du 7 décembre 2007

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N8027BDN

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 07 Octobre 2010

M. Alain Lambert (1) a remis, le vendredi 7 décembre 2007, le rapport qui lui avait été commandé dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (2) sur la "clarification des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales", et pour lequel il avait été nommé parlementaire en mission auprès des ministres de l'Intérieur et du Budget. Le groupe de travail (3) présidé par M. Lambert s'est vu assigner trois objectifs : examiner la pertinence des domaines de compétences de l'Etat et des différents niveaux de collectivités territoriales dans la perspective d'une clarification des missions de chacun ; alléger les contraintes, notamment réglementaires, que l'Etat fait peser sur les collectivités territoriales ; rénover les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, partant du constat que les collectivités locales représentent 20 % des dépenses publiques totales et plus des deux tiers de l'investissement civil national. Le rapport déposé ne propose pas un "acte III" de la décentralisation mais vise à dégager un consensus sur le diagnostic et les pistes d'amélioration dans la redéfinition des compétences des régions et des départements. Le but est de ne pas fragiliser les collectivités en poursuivant de nouvelles attributions, sans avoir sécurisé les derniers transferts. Le rapport ne s'attache qu'aux principes qui pourraient soutenir les réformes nécessaires. En aucun cas, il ne fait de bilan de l'acte II de la décentralisation ou de passage en revue générale de l'action des collectivités territoriales. Le rapport émet donc davantage des pistes que des propositions précises.

Les symptômes sont clairement mis en évidence par le rapport : une comitologie nationale, régionale et départementale foisonnante ; des pertes de temps considérables, avant la décision comme dans la mise en oeuvre, ralentissant ainsi l'action publique ; une inflation de la dépense publique liée autant aux doublons de structure (lesquels n'ont encore jamais été systématiquement inventoriés et chiffrés), qu'à la contractualisation qui n'est pas, contrairement à une idée répandue, un régulateur de la dépense ; une confusion des responsabilités qui handicape la relation du citoyen contribuable - usager du service public avec ses élus, locaux et nationaux.

En annexe une liste pertinente de 21 rapports, tous récents (4), illustre un diagnostic incontesté : la complexité de la situation actuelle, l'enchevêtrement des compétences ne peuvent perdurer sans rendre l'action publique inefficace et dispendieuse. Ainsi, dans la mesure où la plupart des politiques publiques nécessitent des interventions et des financements provenant à la fois des collectivités locales, de l'Etat, ou même d'autres organismes publics, le rapport insiste sur la nécessité de clarifier leurs compétences respectives. Pour Alain Lambert, "le cadre posé en 1982-1983 et revisité en 2003-2004 n'est plus adapté", mais plus que de nouvelles délégations de compétences, c'est de rationalisation dont parle le rapport. Il s'agit de recréer de la confiance et de la responsabilité dans la relation entre l'Etat et les collectivités locales, sans toucher aux institutions.

Sur les compétences des différentes collectivités, trois pistes majeures se dégagent : un partage entre départements et régions ; une rationalisation de l'échelon communal autour d'une intercommunalité puissante mais toujours contrôlée par les communes ; une clarification des missions et de l'organisation de l'Etat territorial (services déconcentrés). Le rapport propose de créer un seul responsable à l'échelon départemental et régional. Celui-ci stigmatise ainsi le fait que les services déconcentrés doublonnent ceux des collectivités territoriales, et suggère qu'ils soient plutôt redéployés sur des missions spécifiques de contrôle et d'évaluation.

Le rapport Lambert s'est aussi penché sur la prolifération des normes techniques, qui contraignent les collectivités locales. Les qualifiant d'"excessives et parfois incohérentes", le rapport propose la consultation des collectivités sur cette production réglementaire. Il estime même que "l'engagement de l'Etat à contrôler les normes en y associant les collectivités peut être tenu dès 2008 et offrir rapidement de nouvelles marges de manoeuvre". Un organisme ad hoc pourrait être mis sur pied, associant des représentants de chaque niveau de collectivité, qui examinerait non seulement les normes nouvelles, mais aussi le stock des normes existantes.

Dernier sujet crucial, enfin : la clarification des relations financières des collectivités avec l'Etat. "L'engagement des collectivités dans la maîtrise de leurs dépenses oblige l'Etat à une double contrepartie : renoncer aux transferts rampants' et engager avec elles la réforme tant attendue des impôts locaux", estime Alain Lambert. Le Gouvernement a promis qu'il entamerait cette réforme au printemps. Les trois associations (maires, départements et régions) se sont mises d'accord, cet automne, sur un texte de propositions communes (5).

Il convient ainsi de voir, en première partie, ce qui marque cette volonté de rationalisation du partage de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales (I) ; cette volonté de rationalisation se manifestant aussi, alors, dans l'enchevêtrement des normes et les relations financières (II).

I Une volonté de rationalisation du partage des compétences

A Une clarification des compétences des collectivités territoriales

S'agissant de l'objectif de clarification des compétences, le rapport propose, tout d'abord, deux options : la première vise à "clarifier les compétences sur les politiques d'ores et déjà identifiées par le législateur" (6). Le rapport pose, ainsi, la question d'un regroupement de la responsabilité des collèges et lycées aux départements. Dans un tout autre domaine, le rapport préconise, par exemple, que "les grandes villes et leur intercommunalité exercent les compétences du département en matière d'action sociale".

La seconde, plus ambitieuse, vise à "confier aux départements et aux régions des compétences spéciales à la place de la clause générale de compétence". Au lieu de régler les "affaires de leur compétence" sans qu'une définition précise et limitative en existe (7), les deux collectivités n'interviendraient que dans des secteurs limités. En contrepartie, leurs attributions propres seraient prescriptives, c'est-à-dire opposables à chacun des autres acteurs publics. Une "mini - révolution" qui a suscité des réserves de la part de l'Association des départements de France, bien que favorable au caractère prescriptif des schémas départementaux ; l'Association des régions de France se montrant, pour sa part, favorable à l'attribution de compétences spéciales et prescriptives, notamment en matière d'action économique et de service public de l'emploi. Une expérimentation en ce sens pourrait être lancée dans deux ou trois régions avant, éventuellement, d'introduire cette option dans une loi organique. Le but étant, toujours selon les propos d'Alain Lambert, "d'affirmer un couple département - région à côté du couple commune intercommunalité".

Le rapport estime, en outre, que la mutualisation des services communaux et intercommunaux est devenue une nécessité. Elle serait accompagnée d'une modulation de dotations communales et intercommunales "pour encourager ce mouvement au moyen d'un coefficient d'intégration budgétaire avant de globaliser les concours de l'Etat dans une dotation globale de fonctionnement (DGF) territoriale unique, de façon expérimentale avec les collectivités territoriales volontaires".

Parallèlement, le rapport préconise de renforcer la légitimité démocratique des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en prévoyant "que le suffrage universel puisse se prononcer en 2014 et que soit instituée une double désignation des conseillers municipaux et intercommunaux (en tenant compte du mode de scrutin particulier des petites communes)". Le groupe de travail s'est interrogé, en revanche, sur l'élection du Président de l'exécutif intercommunal au suffrage universel "qui serait un cas unique et ne garantirait en rien l'existence d'une majorité, puisqu'il serait créé deux légitimités : celle du Président et celle des délégués communaux".

B Une clarification des missions et de l'organisation de l'Etat territorial

Le rapport de M. Alain Lambert recommande, par ailleurs, une clarification des missions et de l'organisation de l'Etat territorial, séparant clairement ses fonctions d'arbitrage et de contrôle et ses fonctions d'impulsion et d'intervention. A ce sujet, le rapport insiste sur la nécessité de maintenir le contrôle de légalité, lequel "protège les élus et tempère la judiciarisation de l'action publique". Il faudrait poursuivre son allègement et sa modernisation pour tendre vers un contrôle de légalité qui conseille plus que ne sanctionne les maires ou, comme le souligne le rapport, vers un Etat développant ses fonctions de conseil ou assurant la pédagogie de la loi nouvelle.

En droit, l'Etat reste compétent pour tout : ni la Constitution, ni la loi ne listent ses compétences, sauf a contrario de celles qu'il a confiées par la loi aux collectivités locales. Comme le note le rapport, "l'Etat conserve souvent beaucoup plus qu'un simple rôle normatif ou de contrôle et maintient des structures ou des dispositifs d'intervention dans les champs décentralisés et conçoit ou annonce des mesures qui seront appliquées par les collectivités".

Pour clarifier les responsabilités de l'Etat au niveau local, le rapport propose de créer "un seul responsable à l'échelon départemental et régional". Celui-ci stigmatise ainsi le fait que les services déconcentrés doublonnent ceux des collectivités territoriales, et suggère qu'ils soient plutôt redéployés sur des missions spécifiques de contrôle et d'évaluation.

Face à l'absence de réponse des collectivités, le rapport préconise également une "déconcentration maximale des responsabilités d'exécution des textes nationaux et des directives ministérielles".

Enfin, si l'abstention pourrait être la règle dans les politiques que le législateur a clairement confiées aux collectivités "en revanche, il est des politiques publiques qui exigent une action forte de l'Etat au plan local pour impulser et coordonner" (transports, environnement...).

II Une volonté de rationalisation de l'enchevêtrement des normes et des relations financières

A L'allègement des contraintes normatives produites par l'Etat

Il s'agit des normes techniques mais également législatives et réglementaires, aujourd'hui "excessives et parfois incohérentes". Plusieurs propositions et recommandations sont avancées : les collectivités locales seraient consultées sur la production réglementaire de l'Etat, qui ferait obligatoirement l'objet d'une évaluation préalable de l'impact des normes envisagées sur les collectivités territoriales, celles-ci disposant de marge de manoeuvre pour adapter les dispositions au niveau légal.

Un organe ad hoc, la Commission consultative d'évaluation des normes, placée au sein du Comité des finances locales, serait mis en place avec pour mission de procéder à une révision générale des normes obligatoires et de donner à cette fin un "tableau de bord des normes obligatoires". Celui-ci inclurait un calendrier prospectif sur les délais de mise en oeuvre et l'étalement des coûts associés dans le but, en particulier, d'éviter les superpositions des normes et de respecter les périodes minimales d'amortissement des normes successives.

Cette commission, qui réunirait en son sein les représentants de chaque niveau de collectivités, serait également chargée "de donner un avis sur les propositions de textes communautaires sous l'angle de leur impact technique et financier sur les collectivités locales".

Par ailleurs, le rapport recommande de mieux associer les collectivités aux processus de décisions communautaires au sein du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), et de la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne.

Enfin, dans l'attente de la mise en oeuvre de ces mesures en 2008, le groupe de travail recommande au gouvernement un "moratoire de l'édiction de normes réglementaires concernant les collectivités locales".

B La clarification des relations financières

Le rapport souligne une forte augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales depuis 1980 (8) alors que, dans le même temps, la part de l'investissement baisse (9). Les effectifs de la fonction publique territoriale ont augmenté, ainsi que la rémunération moyenne des agents.

Le rapport reconnaît une "responsabilité partagée en la matière". Le transfert de compétences de la part de l'Etat est relativement coûteux, faute de transfert suffisant des personnels de l'Etat et de leur savoir-faire. L'augmentation des dépenses de fonctionnement est aussi due, en partie, aux normes et interventions législatives de l'Etat (10). L'Etat lance également des appels à participation qui conduisent les collectivités territoriales à financer des équipements et des actions hors de leurs compétences, même si les collectivités territoriales, entre elles, recourent aussi abondamment aux appels à projet et aux subventions des niveaux inférieurs de collectivités de façon discrétionnaire. Néanmoins, le rapport insiste sur le fait que "la structure actuelle des relations financières Etat - collectivités locales ne favorise par la maîtrise de la dépense locale", et sur le fait que la marge de manoeuvre des collectivités, en terme de fiscalité, s'amoindrit.

Le rapport, dont l'objectif est de faciliter et de garantir une maîtrise des finances locales, propose alors plusieurs pistes : d'abord, instaurer une "approche globale de la dépense publique", en faisant participer les élus locaux aux décisions qui engagent la dépense publique globale et en leur faisant prendre part à la maîtrise des dépenses. Cependant, pour les élus locaux "cette démarche doit rester volontaire et non imposée, sauf à remettre en cause le principe de libre administration".

Ensuite, mettre en place des outils qui permettent aux collectivités de maîtriser leurs dépenses. Le rapport fait apparaître que si les élus sont d'accord pour mettre en place un certain nombre d'outils, tels que la mutualisation des services ou des outils d'amélioration de la gestion, "le principe d'un objectif chiffré d'évolution des dépenses, même indicatif et assorti d'un retour des économies réalisées par un bonus sur la DGF, est rejeté par les représentants des collectivités locales".

Constatant la réduction durable de l'indexation des concours de l'Etat, telle qu'annoncée par le projet de loi de finances 2008, le rapport estime qu'elle doit s'accompagner "d'une redéfinition pluri - annuelle du contrat et d'une meilleure répartition des concours de l'Etat".

Enfin, le rapport met l'accent sur la piste de la responsabilisation fiscale, à charge pour les collectivités d'"arbitrer sur les dépenses à raison de la pression fiscale qu'elles souhaitent ou non exercer sur les contribuables".

Ainsi, note le rapport en conclusion "se dessinent les pistes d'un double compromis sur les dépenses et sur les ressources" : les collectivités locales seraient prêtes à une maîtrise de leurs dépenses si l'Etat mettait fin aux transferts "rampants" et parvenait à diminuer les normes ; si le contrat de stabilité doit durablement évoluer comme l'inflation, la fiscalité locale (sujet qui n'entrait pas dans la mission du groupe de travail) doit être réformée en même temps. Ce double compromis peut être traduit en décisions concrètes après concertation étroite à la fin du premier semestre 2008.


(1) Ancien ministre délégué au Budget et à la Réforme budgétaire, sénateur UMP de l'Orne.
(2) La révision générale des politiques publiques (RGPP) constitue une démarche radicalement nouvelle dans la manière d'appréhender la réforme de l'Etat. Cette révision est fondée sur un diagnostic complet et sans précédent par son ampleur : c'est la première fois que toutes les politiques publiques sont simultanément remises à plat.
(3) L'occasion est donnée d'exprimer sans tabou les dysfonctionnements, d'identifier les idées novatrices, d'activer tous les leviers de modernisation : la simplification des démarches et du droit, l'utilisation des nouvelles technologies, la réorganisation des structures et la redéfinition des missions de l'Etat.
(4) L'objectif est triple : améliorer la qualité des services publics et favoriser leur adaptation aux exigences de la société du XXIème siècle, permettre le retour à l'équilibre des finances publiques au plus tard en 2012 et, enfin, mieux valoriser le travail des fonctionnaires.
(5) Le groupe de travail, constitué autour de l'ancien ministre délégué au Budget, a associé les trois grandes associations d'élus locaux (l'Association des maires de France, l'Association des départements de France et l'Association des régions de France), les principaux directeurs d'administration centrale et des personnalités qualifiées.
(6) Consacrés au sujet et quatre schémas sur les relations Etat - collectivités dans les domaines de l'action sociale et médico-sociale, de l'insertion socio-professionnelle, de la formation professionnelle, et des formations sanitaires et sociales et de l'enseignement scolaire et supérieur.
(7) Ces propositions seront discutées dans le cadre de la Conférence nationale des exécutifs, qui en fixera le programme et le rythme et qui réunit des représentants du Gouvernement et des associations d'élus (Association des maires de France, Assemblée des départements de France, Association des régions de France). Celle-ci se réunit deux à trois fois par an à l'initiative du Gouvernement, ou à la demande conjointe des trois présidents d'associations.
(8) Seraient concernés, la solidarité et l'action sociale, la formation professionnelle, l'action économique et le développement des entreprises, l'éducation et l'aménagement des territoires.
(9) Les collectivités peuvent intervenir, sous le contrôle du juge, dans tout domaine, sur la base de l'intérêt public local et dès lors que la compétence n'est pas dévolue par les textes à une autre personne publique.
(10) Surtout au sein du couple commune - intercommunalité.
(11) Est également souligné le poids croissant des transferts financiers de l'Etat vers les collectivités, et le fait que ce dernier se substitue de plus en plus au contribuable local sous forme de compensation d'exonérations fiscales.
(12) 35 heures, taux d'encadrement des centres de loisirs, droits opposables, développement des crèches...

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Conditions d'exercice de la mission d'assistance du comité d'entreprise par l'expert-comptable pour l'examen annuel des comptes de l'entreprise

Réf. : Cass. soc., 18 décembre 2007, n° 06-17.389, Commune de Balaruc-les-bains c/ Société anonyme Syndex, FS-P+B (N° Lexbase : A1199D3S)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Parmi les attributions économiques du comité d'entreprise, une place particulière doit être réservée à l'examen des comptes annuels de l'entreprise. Cette prérogative présente, en effet, un aspect essentiel, dans la mesure où elle permet à l'institution représentative du personnel de connaître la situation économique et sociale de l'entreprise. Afin de permettre au comité d'exercer cette prérogative dans toute sa plénitude, le législateur a pris soin de lui permettre de faire appel à un expert-comptable. L'arrêt rendu le 18 décembre dernier par la Cour de cassation vient rappeler la durée de la mission d'assistance de cet expert et apporte d'importantes précisions sur les modalités de sa rémunération, dont on sait qu'elle est, en principe, à la charge de l'employeur.
Résumé

Le droit pour le comité d'entreprise de procéder à l'examen annuel des comptes de l'entreprise et de se faire assister d'un expert-comptable, dont la rémunération est à la charge de l'employeur, s'exerce au moment où les comptes lui sont transmis et est, par application des articles L. 432-4 (N° Lexbase : L6408ACC) et L. 434-6 (N° Lexbase : L8967G7A) du Code du travail, interprétés à la lumière de la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (N° Lexbase : L7543A8U), indépendant de la date à laquelle ces comptes sont approuvés.

L'expertise décidée par le comité d'entreprise et réalisée pour son compte, en application de ces mêmes textes, n'est pas soumise aux règles qui régissent les relations entre l'employeur et ses prestataires de service. Lorsque l'employeur est une collectivité territoriale, il lui appartient de procéder aux formalités permettant le règlement d'une dépense légalement obligatoire.

Observations

1. La durée de la mission de l'expert-comptable

  • Les textes

Pour que le comité d'entreprise puisse procéder à l'examen des comptes annuels de l'entreprise, ceux-ci doivent, par définition, lui être préalablement transmis par le chef d'entreprise. C'est ce que prévoit l'article L. 432-4 du Code du travail, dans ses alinéas 9 et 13, en distinguant les sociétés commerciales et les entreprises qui ne revêtent pas cette forme. En l'espèce, était en cause une collectivité territoriale et, plus précisément, un service public industriel et commercial géré en régie directe par une commune. C'est donc l'alinéa 13 du texte précité qui devait être appliqué (1).

Renvoyant aux textes qui viennent d'être évoqués, l'article L. 434-6 du Code du travail autorise le comité d'entreprise à se faire assister d'un expert-comptable pour examiner les comptes annuels. Ce renvoi paraît fixer le cadre d'exercice de la mission de l'expert-comptable, mais, également, l'étendue de la prérogative conférée au comité. La lecture de l'alinéa 9 de l'article L. 432-4 nous apprend, en effet, que le chef d'entreprise est tenu de communiquer au comité les documents comptables "avant leur présentation à l'assemblée générale des actionnaires ou à l'assemblée des associés". Le caractère préalable de cette communication à l'assemblée générale est nécessaire dans la mesure où l'alinéa suivant précise que le comité peut formuler toutes les observations utiles sur la situation économique et sociale de l'entreprise ; observations qui sont obligatoirement transmises à l'assemblée des actionnaires ou des associés, en même temps que le rapport du conseil d'administration, du directoire ou des gérants.

A l'évidence, ces dispositions n'intéressent que les sociétés commerciales. S'agissant des entreprises qui ne revêtent pas cette forme juridique, on ne trouve pas trace de semblables précisions. Pour être regrettable, cette lacune peut être dépassée si l'on admet que, sous réserve d'adaptations, les dispositions précitées peuvent être appliquées à ces entreprises (2).

Cela étant précisé, on peut considérer que, dans la mesure où le comité a le droit de faire appel à un expert-comptable pour l'examen des comptes annuels qui seront, ensuite, présentés à l'assemblée générale (3), la date à laquelle celle-ci se réunit constitue le terme de la mission de l'expert-comptable. Telle n'est, cependant, pas la position retenue par la Cour de cassation.

  • Leur mise en oeuvre prétorienne

Ainsi que l'affirme la Cour de cassation, "le droit pour le comité d'entreprise de procéder à l'examen annuel des comptes de l'entreprise et de se faire assister d'un expert-comptable, dont la rémunération est à la charge de l'employeur, s'exerce au moment où les comptes lui sont transmis et est, par application des articles L. 432-4 et L. 434-6 du Code du travail, interprétés à la lumière de la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002, établissant un cadre général à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, indépendant de la date à laquelle ces comptes sont approuvés".

Cette affirmation ne constitue pas une nouveauté. La Chambre sociale avait, en effet, adopté une position similaire dans un arrêt précédent et non publié, rendu le 1er juillet 2004 (4). Il faut, cependant, remarquer que, dans cette dernière affaire, était concernée une société commerciale. La décision ici commentée permet à la Cour de cassation de donner une portée générale à la solution retenue. Outre le fait qu'était en cause, en l'espèce, une collectivité territoriale, la référence à la Directive du 11 mars 2002 confirme cette volonté de généralisation (5).

Pour le reste, la solution retenue peut être diversement appréciée. Tout d'abord, il est difficile de discuter l'affirmation selon laquelle "le droit pour le comité de procéder à l'examen annuel des comptes de l'entreprise et de se faire assister d'un expert-comptable [...] s'exerce au moment où les comptes lui sont transmis". Cela paraît relever de l'évidence, dans la mesure où la prérogative conférée au comité ne peut être exercée que si les comptes lui ont été préalablement transmis ce qui, en vertu de la loi, relève de la responsabilité du chef d'entreprise (6).

On peut, en revanche, trouver plus contestable le fait que l'exercice des prérogatives du comité soit détaché de la date à laquelle les comptes annuels sont approuvés par l'organe compétent (7). Il faut, ainsi, comprendre que le comité d'entreprise pourra examiner les comptes, alors même qu'ils ont été approuvés par cet organe. De même, la mission de l'expert-comptable en la matière pourra se prolonger postérieurement à cette approbation, voire même, comme en l'espèce, intervenir après celle-ci. D'un point de vue très concret, cela peut paraître regrettable car le comité d'entreprise se trouve de facto priver de la possibilité de communiquer ses observations à l'organe compétent pour approuver les comptes. Pour autant, cela n'enlève rien à l'objet essentiel de l'examen annuel des comptes qui est, à notre sens, de permettre au comité d'apprécier la situation économique et sociale de l'entreprise. Peu importe, ici, que les comptes aient été, ou non, approuvés.

Par ailleurs, il serait excessif de trouver dans les textes une limite ultime à l'exercice de ses prérogatives par le comité, qui résiderait dans l'examen ou l'approbation des comptes par l'organe compétent. Il importe, ici, de rappeler que, nonobstant la référence faite aux observations que peut présenter le comité, l'examen des comptes annuels de l'entreprise relève de la procédure d'information, et non de consultation. Or, selon la Directive précitée, l'information doit être donnée "à un moment, d'une façon et avec un contenu appropriés, susceptibles, notamment, de permettre aux représentants des travailleurs de procéder à un examen adéquat et de préparer, le cas échéant, la consultation". En droit interne, cet "examen adéquat" exige seulement du chef d'entreprise qu'il communique les comptes au comité avant leur présentation à l'assemblée générale. Pour le reste, le comité d'entreprise n'est pas tenu d'examiner les comptes et de faire appel à un expert-comptable avant leur approbation, même si c'est, sans doute, la solution à privilégier, ne serait-ce que pour lui permettre de présenter ses observations à l'assemblée générale ou à l'organe qui en tient lieu (8).

2. La rémunération de la mission de l'expert-comptable

  • Une dette de l'employeur

Alors même qu'il est choisi et désigné par le comité d'entreprise, l'expert-comptable est rémunéré par l'entreprise. C'est ce qui ressort expressément de l'article L. 434-6, alinéa 5, du Code du travail. Cette relation triangulaire peut être source de contentieux, dans la mesure où celui qui paie n'est pas celui qui fixe le contenu de la mission (9). Cela étant, les questions relatives à la rémunération de l'expert-comptable ne sauraient, en aucune façon, venir perturber le droit pour le comité de recourir aux services de ce dernier.

Ainsi, et à l'évidence, le chef d'entreprise ne saurait s'opposer à l'intervention de l'expert au prétexte que les tarifs de ce dernier seraient trop élevés. Plus généralement, le comité n'a pas vocation à participer aux discussions relatives à la rémunération de l'expert-comptable qui ne regardent, par définition, que celui-ci et le chef d'entreprise.

Il convient, cependant, de relever que ces règles ne valent que si le recours à l'expert-comptable correspond à l'une des hypothèses visées par la loi. A défaut, sa rémunération incombe au comité lui-même, dans le cadre de l'expertise dite "libre". Remarquons, qu'en l'espèce, la commune soutenait précisément que le recours à l'expert-comptable ayant été décidé postérieurement à l'approbation des comptes par le conseil municipal, son intervention ne relevait pas des cas prévus par l'article L. 434-6. Sa rémunération devait donc être assumée par le comité. Cette argumentation n'était pas dénuée de tout fondement dans la mesure où, dans un arrêt déjà ancien, la Cour de cassation avait pu décider que la désignation de l'expert-comptable postérieurement à l'approbation des comptes était tardive et que la rémunération de l'expert n'avait pas, de ce fait, à être supportée par l'employeur (10). L'arrêt rapporté nous paraît mettre un terme à cette solution. Dès lors que le droit pour le comité de procéder à l'examen annuel des comptes de l'entreprise et de se faire assister d'un expert-comptable est, de manière générale, indépendant de la date à laquelle ces comptes sont approuvés, le comité est en mesure de faire appel à cet expert postérieurement à l'approbation des comptes. Expert qui devra alors être rémunéré par l'entreprise.

  • Les modalités de paiement

Dans la première branche de son moyen, la commune soutenait que, lorsque le comité d'entreprise d'un service public industriel et commercial, géré en régie directe par une commune, décide de se faire assister par un expert-comptable en vue de l'examen annuel des comptes, la prise en charge des honoraires par la commune est nécessairement soumise aux règles de comptabilité publique. En conséquence, faute d'acte d'engagement de la commune, aucune créance d'honoraires ne pouvait être opposée à cette dernière par l'expert-comptable.

La Cour de cassation a refusé d'entrer dans une telle logique. Ainsi qu'elle l'affirme, "l'expertise décidée par le comité d'entreprise et réalisée pour son compte en application de ces mêmes textes n'est pas soumise aux règles qui régissent les relations entre l'employeur et ses prestataires de service". Par suite, "lorsque l'employeur est une collectivité territoriale, il lui appartient de procéder aux formalités permettant le règlement d'une dépense légalement obligatoire".

Cette solution doit être entièrement approuvée. Le Code du travail ne laisse pas le choix à l'employeur. Dès lors qu'un expert-comptable a été désigné par le comité en application de la loi, l'employeur doit le rémunérer sans pouvoir mettre en avant une quelconque impossibilité de ce point de vue-là. Admettre le contraire reviendrait à amoindrir, pour ne pas dire supprimer, les prérogatives du comité. Il relève donc de la responsabilité de l'employeur de prendre les dispositions nécessaires pour qu'une telle rémunération soit possible. Sans doute, l'expert-comptable peut-il être considéré comme un prestataire de service. Néanmoins, et c'est toute la particularité du dispositif, il n'intervient pas pour le compte de l'employeur, mais pour celui du comité. Il faut, dès lors, admettre, avec la Cour de cassation, que l'expertise décidée par le comité n'est pas soumise aux règles qui régissent les relations entre l'employeur et ses prestataires de service.


(1) Selon ce texte, "le comité d'entreprise reçoit communication des documents comptables établis par les entreprises qui ne revêtent pas la forme de société commerciale".
(2) Il suffit, dans ce cas, de déterminer quelle est l'institution compétente pour approuver les comptes annuels. Dans l'espèce rapportée, il apparaît que c'est le conseil municipal de la commune en cause.
(3) Ou à l'institution qui en tient lieu dans la structure en cause.
(4) Cass. soc., 1er juillet 2004, n° 02-11.404, Société Etablissements Jean Richard Ducros c/ Comité central d'entreprise de la société Jean Richard Ducros, F-D (N° Lexbase : A3203DBA) ; Bull. Joly Sociétés, 2004, p. 977, obs. B. Saintourens ("l'exercice du droit que le comité d'entreprise tient des articles L. 432-4 et L. 434-6 du Code du travail de procéder à l'examen annuel des comptes de la société pour l'exercice clos et donc de se faire assister d'un expert-comptable, est indépendant de la date de l'examen des mêmes comptes par l'assemblée générale des actionnaires de la société"). Il est important de souligner que, dans cette affaire, l'expert-comptable avait été désigné avant l'approbation des comptes, tandis que, dans l'espèce sous examen, sa désignation était intervenue postérieurement.
(5) Selon ce texte, le terme entreprise renvoie à toute "entreprise publique ou privée exerçant une activité économique, qu'elle poursuive ou non un but lucratif " (Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002, art. 2, point a). Sur cette Directive, v. B. Teyssié, Droit européen du travail, Litec, 3ème éd., 2006, pp. 293 et s..
(6) Ce n'est donc pas à proprement parler au comité de demander communication de ces comptes. L'initiative appartient au chef d'entreprise. Cela étant, il va de soi que sa passivité autorise le comité à exiger communication des comptes.
(7) Sur ces critiques, v. la note préc. de B. Saintourens.
(8) L'article L. 432-4 n'interdit nullement une telle interprétation. Soulignons, aussi, que le chef d'entreprise encourait une condamnation pour délit d'entrave s'il communiquait les comptes après leur présentation à l'assemblée générale ou à une date trop proche de cette présentation. En effet, une telle pratique empêcherait le comité de présenter ces observations à l'assemblée.
(9) Contentieux qui oppose alors, comme en l'espèce, l'entité employeur et l'expert-comptable.
(10) Cass. soc., 13 janv. 1999, n° 96-22.477, Société d'expertise comptable Syndex c/ Société boulangerie de Champagne (N° Lexbase : A2951AGE). Notons que, dans l'arrêt précité du 1er juillet 2004, la désignation de l'expert était intervenue avant l'approbation des comptes par l'assemblée générale. L'employeur soutenait que cette approbation mettait fin à la mission de l'expert, ce qui est différent.

Décision

Cass. soc., 18 décembre 2007, n° 06-17.389, Commune de Balaruc-les-bains c/ Société anonyme Syndex, FS-P+B (N° Lexbase : A1199D3S)

Rejet, CA Montpellier (5ème ch., section A), 22 mai 2006

Textes concernés : C. trav., art. L. 432-4 (N° Lexbase : L6408ACC) et L. 434-6 (N° Lexbase : L8967G7A), interprétés à la lumière de la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002, établissant un cadre général à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (N° Lexbase : L7543A8U)

Mots-clefs : comité d'entreprise, attributions économiques, examen des comptes annuels, recours à un expert-comptable, rémunération.

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