La lettre juridique n°272 du 13 septembre 2007

La lettre juridique - Édition n°272

Éditorial

Le moralisme juridique ou l'enterrement programmé des "parachutes dorés" et du CNE

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N2841BC9

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Cet été, l'actualité juridique nous aura livré, une nouvelle fois, deux exemples de moralisme juridique. Entendons-nous bien, l'encadrement des "parachutes dorés" par la loi "Tepa" et le retoquage du CNE par la région Poitou-Charentes au terme de son refus de subventionner les entreprises ayant recours à ce type de contrat, concourent assurément, et ce, conformément aux théories kantiennes, à la suprématie de la raison pratique sur la raison théorique. Autrement dit, le droit français accorde, de plus en plus, une place prépondérante à la morale dans l'encadrement de ses régimes juridiques, a fortiori, lorsqu'ils ont une forte connotation sociale.

A priori, prévoir une clause contractuelle entre un dirigeant et la société qui l'emploie, pour fixer une indemnité versée lors d'une éviction à la suite d'une révocation, n'apparaît pas contraire à l'intérêt de l'entreprise. Soyons clairs, si ces "parachutes dorés", selon l'expression consacrée, ont suscité l'ire médiatique, c'est que leurs montants dépassaient, bien souvent, la dizaine de millions d'euros (Jean-Marie Messier - Vivendi Universal, 20 millions d'euros ; Philippe Jaffré - Elf, 30 millions d'euros ; Daniel Bernard - Carrefour, 38 millions d'euros ; Antoine Zacharias - Vinci, 13 millions d'euros...), alors que les résultats des entreprises concernées ne semblaient pourtant pas au beau fixe. L'incongruité semble, désormais, révolue à la lecture de l'article 17 de la loi du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, l'objectif de l'encadrement de ces indemnités n'étant pas d'interdire leur pratique, mais plutôt de faire respecter un principe de proportionnalité entre la rémunération des dirigeants sociaux et les performances de la société qu'ils dirigent, afin de la moraliser. Et Vincent Téchené, Secrétaire général de rédaction en droit des affaires, de revenir, cette semaine, sur la réforme de ces "parachutes", qui ne semblent dès lors plus aussi "dorés" qu'auparavant. On pourra s'interroger, d'ailleurs, sur la persistance de l'expression consacrée, tant le divorce sémantique semble désormais consommé. Louis-Sébastien Lenormand doit se retourner dans sa tombe : car, enfin ! Le parachute est un dispositif de sécurité secondaire pour évacuer en vol un aéronef en perdition ! Si l'entreprise n'est pas en perdition, ou si le parachute ne fonctionne pas car la voilure est disproportionnée au résultat de l'entreprise en perdition, à quoi bon un "parachute" ? Enfin, pour surfer sur la vague de la moralisation, prêtons attention aux primes de bienvenue ou golden hello récompensant le recrutement d'un cadre de haut niveau : imaginons que ce dernier ne fasse pas, en définitive, l'affaire et que l'on sollicite le remboursement de la prime !

On savait le contrat nouvelles embauches (CNE) mal en point... à vrai dire, dès sa naissance au Journal officiel. On avait dû appeler le Samu à la lecture de l'arrêt du conseil des prud'hommes de Longjumeau, le 20 février 2006, déclarant que la rupture abusive de la période de consolidation d'un CNE avait, comme la rupture abusive de la période d'essai d'un contrat à durée indéterminée, les conséquences d'un licenciement abusif, les dommages et intérêts se calculant conformément à l'article L. 122-14 -5 du Code du travail. En cours de transfert vers l'hôpital, nouvelle attaque : la cour d'appel de Paris décidait, le 6 juillet dernier, que le CNE était, globalement, contraire à la Convention OIT n° 158. Le 15 juin 2006, le tribunal administratif de Bordeaux avait beau jeu de déclarer qu'une collectivité locale était incompétente pour décider de mesures qui ont pour objet ou pour effet de faire échec, sur le territoire de cette collectivité, à l'application de normes de valeur législative (lois portant création du contrat nouvelles embauches et du contrat première embauche, en l'espèce ), le tribunal administratif de Poitiers prononçait, le 30 juillet dernier, l'heure du décès : une région peut parfaitement exclure le CNE du bénéfice d'aides régionales. Finalement, jamais l'expression de la volonté générale du Peuple, aux termes de la loi (et de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme), n'aura connu une agonie judiciaire si programmée. Les éditions juridiques Lexbase vous proposent de revenir sur le dernier épisode du feuilleton "CNE", en suivant les observations de Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV.

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Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique mensuelle de fiscalité des entreprises

Lecture: 14 min

N2767BCH

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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en fiscalité des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines. Au sommaire de cette chronique seront successivement abordés l'abus de droit en matière de fusion-absorption, l'exercice du droit au report déficitaire avec une illustration de la règle dite "de l'identité d'entreprise", ou encore, en matière de provisions, les conditions tenant à leur déductibilité.


  • Fusion-absorption et abus de droit : nouvelle affirmation de la liberté du sens de la fusion : CAA Paris, 5ème ch., 18 juin 2007, n° 06PA01941, SA Decorative Ouest (N° Lexbase : A2232DXX)

L'objectif de neutralité économique du droit fiscal commande de ne pas interdire les indispensables opérations de restructuration qui émaillent la vie des entreprises.

Or, craignant de voir s'évaporer de substantielles bases imposables, le régime de droit commun applicable lors d'une fusion s'apparente à un Armageddon fiscal.

Conscient de l'impérieuse nécessité de ne pas freiner les opérations de restructuration, le législateur a adopté un régime fiscal optionnel visant à reporter de tels effets sur la société absorbante, ce qui explique le caractère intercalaire de la fusion (CGI, art. 210 A N° Lexbase : L3936HLD).

Cependant, l'administration fiscale ne souhaitait pas permettre la fusion d'opportunité, définie par l'acquisition de sociétés fiscalement déficitaires par des entreprises bien portantes, dans l'unique but de ne jamais être redevable de l'impôt : le transfert des déficits de la société absorbée à la société absorbante, à l'époque des faits rapportés par la présente décision commentée, nécessitait l'octroi d'un agrément discrétionnairement accordé par le ministre de l'Economie et des Finances.

Autre temps, autres moeurs, la situation a heureusement évolué vers plus de souplesse puisque l'article 209 II du CGI (N° Lexbase : L2719HWM) prévoit la délivrance d'un agrément de droit par le ministre (instruction du 21 août 2002, BOI 13 D-2-02 N° Lexbase : X2244ABQ) si l'opération est placée sous le régime optionnel et est justifiée d'un point de vue économique. Elle doit, également, obéir à des motivations principales autres que fiscales et l'activité transférée à l'origine des déficits doit être poursuivie pendant au moins trois ans (1). Enfin, le montant du déficit transféré n'est plus plafonné depuis le 1er janvier 2005 (D. Villemot, Fiscalité des fusions acquisitions, EFE, 2006, p. 72).

La pratique a contourné la législation applicable aux faits de l'espèce en recourant à la fusion à l'envers par laquelle la société déficitaire absorbe la société bénéficiaire. Dans son ouvrage consacré à la fiscalité des entreprises (2), le professeur Cozian écrit, à propos du sens d'une fusion, entre deux sociétés de tailles sensiblement différentes, qu'une "sardine peut avaler une baleine". L'image s'est vérifiée maintes fois et la règle peut être déclinée à l'infini. Sur le plan du droit, il n'existe, en effet, aucun obstacle de principe au renversement de la chaîne alimentaire : à l'extrême, le plancton pourrait avaler n'importe quel cétacé...

De nombreux précédents, rapportés par la doctrine (3), ont émaillé la vie économique française : tel fut le cas de la compagnie aérienne Air France absorbée par sa filiale UTA en 1993 ou de l'absorption de la société Schneider par la société filiale Spie Batignolles (4).

Une telle opération est-elle alors répréhensible au regard des dispositions régissant l'abus de droit (LPF, art. L 64 N° Lexbase : L5565G4U) ?

Par une importante décision "Auriège", le Conseil d'Etat (CE, Contentieux, 21 mars 1986, n° 53002, Ministre du budget c/ SA Auriège N° Lexbase : A3855AMQ) a admis la régularité de la fusion inversée à la condition, toutefois, que l'intérêt économique puisse être rapporté : la restructuration ne doit pas avoir été motivée par la recherche d'un but exclusivement fiscal. Ainsi, le sens de la fusion pourrait être justifié par l'existence de contrats conclus intuitu personae dont les stipulations s'opposent à leur transmission à un tiers.

Les conclusions de Monsieur Olivier Fouquet étaient alors explicites (RJF 1986, p. 267) : "En l'espèce, l'administration en admettant expressément, ce qui est d'ailleurs l'évidence, que la fusion avait un intérêt économique, admet implicitement, mais nécessairement, que cette opération n'a pas été inspirée exclusivement par un souci d'éluder l'impôt. Nous pensons, dès lors, que la société Promobel et la société VBF Diffusion, ayant le choix d'organiser l'opération de fusion dans le sens qu'elles désiraient, ont préféré très normalement la solution fiscalement la plus favorable".

Malgré cette décision "Auriège", l'administration fiscale ne semble pas avoir renoncé à une politique de programmation des vérifications de comptabilité visant à remettre en cause le sens des fusions : l'arrêt "SA Decorative Ouest" en offre une nouvelle illustration.

Les faits exposés dans l'arrêt prononcé par la cour administrative d'appel de Paris rapportent qu'à la suite d'une fusion-absorption de plusieurs sociétés, la requérante s'est vue contester le droit au report déficitaire ainsi que celui des amortissements sur le fondement de l'article L. 64 du LPF.

Bien qu'elle ne contestait pas la poursuite de l'activité ainsi que la similitude d'objet de la nouvelle société, l'administration fiscale soutenait, alors, que l'opération "ne correspondait à aucune réalité économique". Cette argumentation, classique au demeurant, n'a pas convaincu les conseillers de la cour administrative d'appel : ces derniers, censurant la décision rendue en première instance par le tribunal administratif de Paris, considèrent, au contraire, que la requérante a parfaitement motivé la restructuration entreprise. Elle est, par conséquent, bien fondée à réclamer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés ainsi que les accessoires.

La juridiction d'appel fonde, tout d'abord, sa décision sur le principe selon lequel l'agrément n'a pas à être sollicité : "dans le cas où une société déficitaire qui ne change ni d'objet ni d'activité, absorbe une société bénéficiaire, la société absorbante ayant le droit de déduire ses déficits antérieurs des bénéfices réalisés après la fusion".

Elle s'appuie, également, sur les termes mêmes du traité de fusion : les parties ont pris soin de préciser l'objet de l'opération consistant en une "restructuration interne destinée à rationaliser et simplifier les structures de la société [...] présentes dans deux départements limitrophes afin d'améliorer son réseau de vente et par conséquent, sa rentabilité, à partir du pôle rennais".

Il est, ainsi, démontré que la fusion opérée par les intéressées avait un but essentiellement économique : la requérante a opposé à bon droit une motivation stratégique logique au regard du développement commercial du groupe justifiant l'opération de restructuration.

Les faits de l'espèce relevaient de l'évidence : les sociétés concernées ont choisi avant toute chose d'adapter leurs structures en fonction du développement prévisible du groupe. Sur le plan fiscal, le sens de la fusion relevait d'un choix secondaire au regard de l'impérieuse nécessité de s'adapter à l'environnement économique.

Pour conclure sur ce point, on n'insistera jamais assez sur les précautions d'usage lors d'opérations de restructuration : outre le respect scrupuleux du droit des sociétés, l'absence, ou l'insuffisance de motivation économique, sera fatale au contribuable.

C'est souvent, en pratique, la conséquence de l'utilisation impropre de documents proposés par les maisons d'édition. Selon la qualité des conseils intervenant dans de telles opérations, l'approche du dossier est susceptible de diverger sensiblement : si la "formule" de traité de fusion est perçue comme une base de réflexion par le juriste, dont le métier est de connaître et d'interpréter la loi et la jurisprudence, les conseils appartenant à d'autres professions sont, en revanche, tentés de considérer le "modèle" recopié comme un point d'arrivée, une fin en soi.

La présente décision "SA Decorative Ouest" rappelle opportunément qu'une attention toute particulière doit être portée quant à ce dernier aspect : la qualité de la rédaction d'un traité de fusion est loin d'être sans influence quant à la solution d'un litige opposant le contribuable à l'administration fiscale.

  • Exercice du droit au report déficitaire : illustration de la règle dite "de l'identité d'entreprise" (CE 3° et 8° s-s-r., 10 juillet 2007, n° 288484, SARL Final N° Lexbase : A2853DXX)

Les sociétés connaissent de bonnes et de moins bonnes années : leur activité est susceptible d'entraîner des pertes. Sauf option pour le régime du carry-back, le déficit peut, aux termes de l'article 209 I du CGI (N° Lexbase : L2719HWM), être "considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice".

Depuis l'adoption de l'article 89-I-C de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 (N° Lexbase : L6348DM3), en cas d'insuffisance de bénéfices, l'excédent de déficit est reporté sur les exercices suivants sans limitation de durée.

Mais, la jurisprudence a su faire preuve de vigilance : l'innovation prétorienne s'est manifestée au début des années 70 (5) par l'adoption d'un principe subordonnant le droit au report des déficits à la condition que la personne de l'exploitant et l'objet de l'entreprise soient identiques (6). C'est la règle dite de "l'identité d'entreprise".

Le législateur s'en est inspiré lorsqu'il a adopté l'article 8 de la loi n° 85-1403, du 30 décembre 1985, relative au changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société : il entraîne les conséquences liées à la cessation d'entreprise (CGI, art. 221-5 N° Lexbase : L4150HLB).

L'interprétation de ces textes a suscité une abondante jurisprudence dans laquelle le fait occupe une place de premier plan : que doit-on entendre par changement d'activité réelle ?

Dans la décision "SARL Sophie B" (CE 3° et 8° s-s-r., 18 mai 2005, n° 259275, SARL Sophie B N° Lexbase : A3450DIM), le Conseil d'Etat a estimé qu'un commerce de prêt-à-porter proposant à sa clientèle des articles de la marque "Benetton" laissant place, après plusieurs années d'interruption, à un commerce d'habillement et d'articles de sport sous l'enseigne "Sport 2000", ne pouvait être regardé comme un changement d'entreprise. Censurant les juges du fond (CAA Douai, 3ème ch., 4 juin 2003, n° 02DA00781, SARL Sophie B N° Lexbase : A4754C9X), la requérante voit alors son droit reconnu à imputer les déficits générés par la vente des vêtements de prêt-à-porter sur les bénéfices issus de l'exploitation de l'enseigne de sport (comp. : CAA Lyon, 2ème ch., 28 décembre 2006, n° 02LY02391, Société Becton Dickinson and Compagny N° Lexbase : A5925DTM ; CAA Nantes, 1ère ch., 13 mars 2006, n° 03NT00846, SARL MK N° Lexbase : A9051DPW).

En revanche, la règle de l'identité d'entreprise entraîne des conséquences particulièrement sensibles lors de substantielles restructurations. Il en est ainsi dans l'hypothèse d'une fusion-absorption d'une filiale par une société mère holding dont l'activité de gestion de portefeuilles disparaît au profit d'une nouvelle activité : en conséquence, la société absorbante perd le droit au report de ses déficits (CAA Douai, 18 mars 2004, n° 01DA01065, SA Sodeleg N° Lexbase : A8988DBI ; v. également : CAA Nantes, 1ère ch., 30 juin 2000, n° 96NT01323, Ministre de l'Economie et des Finances c/ SA La Fourmi N° Lexbase : A6409BHT). La solution est également la même lorsque l'entreprise a filialisé ses activités de production et de commercialisation au moyen de deux apports partiels d'actifs (CAA Nancy, 2ème ch., 1er avril 2004, n° 99NC02308, Société Depreux Systems N° Lexbase : A8203DBG).

Au cas particulier, à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause la déduction d'amortissements réputés différés et de déficits antérieurement subis du résultat imposable de la société Final, dès lors que son changement d'activité devait s'analyser comme une cessation d'entreprise au sens de l'article 221-5 du CGI.

Saisie par le ministre de l'Economie et des Finances, la cour administrative d'appel de Nancy (CAA Nancy, 2ème ch., 3 novembre 2005, n° 02NC00742, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'industrie c/ Société Final N° Lexbase : A7249DL3) rapporte un certain nombre de faits qui abondent tous dans le sens d'un changement d'activité réelle de l'entreprise requérante :

- la société Final, qui exerçait initialement une activité de gestion de titres, a décidé de commercialiser parallèlement "des matériaux de hautes performances utilisés comme isolants thermiques destinés aux laboratoires de recherche et à l'industrie" ;

- les organes compétents sur le plan du droit des sociétés ont modifié en ce sens l'objet social de l'entreprise ;

- la société a acquis des moyens de production adaptés ;

- le chiffre d'affaires de cette nouvelle activité de commercialisation est passé de 679 387 francs (103 571 euros) à 2 225 224 francs (339 233 euros) entre 1992 et 1993 ; parallèlement, l'activité de gestion de titres s'est limitée à l'octroi d'un prêt de 500 000 francs (76 224 euros).

Par conséquent, la société requérante ne pouvait prétendre au report des déficits et d'amortissements réputés différés antérieurement subis. Cette décision est confirmée par la Haute juridiction administrative (CE 3° et 8° s-s-r., 10 juillet 2007, n° 288484, SARL Final N° Lexbase : A2853DXX), la juridiction d'appel n'ayant commis aucune erreur de qualification juridique.

La société demanderesse au pourvoi entendait, sur le fondement de l'article L. 80 A du LPF (N° Lexbase : L8568AE3), se prévaloir d'une réponse ministérielle du 30 mai 1972, relative à la "simple adjonction d'activités nouvelles".

Or, la situation de fait de la société Final était sensiblement différente : le changement d'activité de l'entreprise était radical et ne pouvait ainsi être assimilé à une adjonction d'activité nouvelle.

Par construction, l'adjonction suppose que l'activité initiale n'ait pas disparu ou qu'elle soit devenue tellement marginale que cette dernière situation sera assimilée à la cessation fiscale de l'entreprise.

  • Provisions : conditions tenant à leur déductibilité (CE 9° et 10° s-s-r., 13 juillet 2007, n° 289233, Société Volkswagen France N° Lexbase : A2856DX3)

La décision "Volkswagen France" rendue par le Conseil d'Etat a trait à la déductibilité des provisions constituées par la requérante. Après un succinct rappel des conditions de déductibilité des provisions (1), nous exposerons les solutions du litige (2).

1. Conditions de déductibilité des provisions

La déductibilité des provisions constituées par un contribuable est subordonnée au respect de conditions de forme et de fond.

Quant aux conditions de forme, le droit fiscal, traditionnellement attaché au formalisme, exige une inscription en comptabilité et sur le tableau des provisions, même s'il n'y a qu'une seule provision constituée par l'entreprise (CE, 22 avril 1963, n° 57820, Dupont 1963 p. 458).

En second lieu, les dispositions de l'article 39-1-5° du CGI et la jurisprudence subordonnent la déductibilité des provisions aux conditions de fond suivantes :

- les pertes ou les charges provisionnées sont admises en déduction : elles entraînent, à ce titre, une diminution de l'actif net ;

- les pertes ou les charges doivent être nettement précisées : à ce titre, leur montant doit être évalué avec une approximation suffisante. Ainsi, une assignation délivrée à une entreprise, afin de mettre en cause sa responsabilité civile, ne comportant aucun élément chiffré ne peut être considérée comme étant d'une approximation suffisante justifiant la constitution d'une provision (CAA Paris, 2ème ch., 28 mars 1995, n° 93PA01414, Société Etudes et Réalisations de Constructions (ERC) N° Lexbase : A2489BIZ). La jurisprudence reconnaît l'usage des statistiques, élaborées par un syndicat professionnel ou par l'entreprise elle-même, si elles sont pertinentes et fiables (CE 9° et 10° s-s-r., 14 février 2001, n° 189776, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SA Catalogne poids lourds N° Lexbase : A8859AQ8). Telle est l'hypothèse d'une provision pour créances douteuses fondée sur un pourcentage d'irrécouvrabilité issu des observations de l'entreprise ;

- les pertes ou les charges sont probables : elles ne peuvent être éventuelles et les circonstances de fait et de droit ont un rôle déterminant dans chaque cas d'espèce. Ainsi, est probable le risque supporté par l'entreprise lors d'un recours contentieux initié par un tiers à son encontre, telle qu'une action prud'homale, par exemple ;

- les pertes ou les charges résultent d'événements en cours à la date de clôture de l'exercice. Cependant, le fiscaliste pourra s'interroger sur l'influence de la date de prise de connaissance, par l'entreprise, de l'événement en cours justifiant la provision. Ainsi, une entreprise victime de malversations commises lors d'un exercice clôturé au 31 décembre de l'année N, mais en ayant eu connaissance avant l'expiration du dépôt de la déclaration de résultat, peut constituer une provision. C'est dans ce sens que la cour administrative d'appel de Lyon a tranché (7) (CAA Lyon, 2ème ch., 24 mai 2000, n° 96LY00682, SARL L'Orangeraie N° Lexbase : A8222AZK).

2. Solutions rendues par le Conseil d'Etat

In casu, certaines provisions constituées par la contribuable ont été réintégrées au résultat imposable faute d'avoir été suffisamment étayées sur le plan de la justification (2.1) (2.2). Le Haut Conseil censure la juridiction d'appel (CAA Douai, 3ème ch., 17 novembre 2005, n° 03DA00332, Société Volkswagen France N° Lexbase : A5697DMX), concernant la provision pour extension de garanties, dite "Kulanz" (2.3).

2.1. Provision pour dépréciation de prêts consentis au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction

La contribuable justifiait la constitution d'une provision pour dépréciation de prêts consentis au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction au motif d'une dépréciation de la valeur nominale des prêts, ces derniers étant effectués sans intérêt.

Le Conseil d'Etat répond, alors, qu'une telle provision ne peut être déduite de la base imposable de la contribuable faute "de justifier que la valeur probable de réalisation de ces prêts est inférieure à leur valeur nominale". Pour la Haute juridiction administrative, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit dès lors que la société requérante n'a fait état "d'aucune circonstance rendant probable la cession de ces prêts avant leur date d'échéance ou d'une défaillance des débiteurs, impliquant la perte de valeur définitive des créances".

2.2. Provision pour engagement de reprise de véhicules vendus à une société de location de voitures

Aux termes d'une convention conclue avec une société de location de voitures, la contribuable s'était engagée à reprendre les véhicules, vendus neufs, entre le cinquième et le douzième mois suivant leur vente à un prix déterminé en fonction d'un abattement mensuel sur le prix facturé. La contribuable a, alors, constitué une provision correspondant à un écart négatif entre le prix de revente des véhicules, correspondant à la valeur Argus, et celui de leur reprise.

Sur le fond, le Conseil d'Etat admet le principe d'une telle provision, mais il n'en permettra pas la déduction pour des raisons de preuve. En effet, il est reproché à la contribuable de ne pas avoir démontré, par un calcul prévisionnel suffisamment précis malgré l'estimation du nombre des reprises et du délai moyen de retour, que le coût de la reprise dépasserait le montant de la recette escomptée.

La seule référence au prix Argus ne peut suffire : il appartenait à la société requérante de prendre en compte les caractéristiques des véhicules repris ou tout autre élément de nature à "leur conférer une valeur différente au moment de leur revente".

La conclusion s'impose : la référence à la cote Argus n'est pas pertinente per se, car les Hauts magistrats exigent une individualisation de la démarche menée par la contribuable.

La cote Argus ne peut être qu'une base de calcul : ce n'est, par conséquent, pas un point d'arrivée mais une invitation à la réflexion quant à la valeur des véhicules repris. Le calcul de provision doit reposer sur des éléments factuels tangibles : point d'impressionnisme dans ce domaine... Ce qui n'est pas sans conséquence quant au mode de fonctionnement de l'organisation administrative de la contribuable, notamment quant à la collecte des informations et leur processus de traitement au regard des exigences du juge administratif.

2.3. Provision pour extension de garanties ("Kulanz")

Le traitement fiscal de l'extension de garanties a entraîné une divergence d'appréciation entre le Conseil d'Etat et la juridiction d'appel quant à la déductibilité de la provision : la cour administrative d'appel de Douai a estimé que la provision était fondée sur un caractère éventuel entraînant, de ce fait, sa réintégration au bénéfice imposable. Le raisonnement du juge d'appel reposait sur l'absence d'engagement contractuel s'opposant au caractère probable de la provision constituée : le document que la contribuable adressait à ses concessionnaires, exposant la nature et les modalités des engagements de prise en charge des réparations des véhicules, ne pouvait être assimilé à un engagement juridique.

Reconnaissant que les extensions de garanties ne relevaient pas d'un engagement juridique, le Conseil d'Etat censure la cour administrative d'appel en s'appuyant sur l'usage, dont l'importance en droit commercial est avérée (E. du Pontavice et J. Dupichot, Traité de droit commercial, Tome Premier, Montchrestien, 4ème édition, 1988, p. 60). Dans le passé, le Haut conseil y a recouru quant aux litiges portant sur la notion d'acte anormal de gestion au regard de l'épineuse problématique de la justification (CE, Contentieux, 23 avril 1980, n° 9404 N° Lexbase : A7512AI3 ; CE 7° et 8° s-s-r., 23 février 1977, n° 92515 N° Lexbase : A5792B8Z ; CE 9° et 8° s-s-r., 4 décembre 1974, n° 92009 N° Lexbase : A3229B7Q).

Alors même que les garanties extra-contractuelles étaient accordées discrétionnairement, mais de façon habituelle par la requérante, elles devaient être regardées comme l'engageant valablement. Partant, la provision est justifiée dans son principe.


(1) "La notion de maintien de l'activité de la société absorbée ne doit pas être confondue avec celle d'identité d'activité telle qu'elle est définie à l'article 221-5 du Code général des impôts, celle-ci pouvant faire obstacle le cas échéant à l'imputation des déficits propres de la société absorbante. En effet, la poursuite de l'activité de la société absorbée suppose nécessairement que la société absorbante n'y apporte pas de changement profond de nature à caractériser une perte d'identité de l'activité reprise ; elle s'apprécie donc en fonction de critères objectifs fondés sur la nature et l'importance des éléments repris, dans le contexte économique propre de l'opération (lieux d'exploitation, actifs mis en oeuvre, produits fabriqués ou services rendus, effectifs maintenus, zones géographiques desservies, clientèle, etc .)", instruction du 21 août 2002, BOI 13 D-2-02 (N° Lexbase : X2244ABQ).
(2) M. Cozian, Précis de fiscalité des entreprises, Litec, collection Litec Fiscal, 30ème édition, 2006, p. 480.
(3) M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, collection manuel, 19ème édition, 2006, p. 581.
(4) Dans les deux hypothèses, les sociétés absorbantes ont repris le nom de la société absorbée.
(5) CE 9° et 7° s-s-r., 26 novembre 1971, n° 79981, Société X. c/ Ministre des Finances (N° Lexbase : A8151B8E) ; CE, 29 novembre 1972, n° 81954, Société X ([LXB=A7996AYS ]) : Dr. fisc. 1973, comm. 1692, concl. J. Delmas-Marsalet. La rédaction de la revue publie, notamment, une réflexion tirée de la tradition populaire "du 'Couteau de Jeannot' dont on remplace successivement la lame et le manche... et qui pourtant, après cela, reste le même couteau... tout en étant un autre".
(6) J. Turot, Report déficitaire : les sanctions fiscales des changements et transferts d'activité, RJF mars 1991, p. 151 ; J.-C. Parrot, Report déficitaire et principe d'identité d'entreprise : les conditions du changement d'activité réelle, Dr. fisc. 2000, p. 1576.
(7) "Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'une entreprise peut valablement, jusqu'à l'expiration du délai de déclaration, porter en provisions et déduire des bénéfices imposables les sommes correspondant aux pertes ou charges qu'elle ne supportera qu'ultérieurement, à la condition notamment qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux événements en cours à la date de clôture de l'exercice ; que, par suite, et dès lors que lesdits événements étaient en cours à cette date , l'entreprise est en droit de constater ces pertes ou charges sous forme de provision dans les écritures dudit exercice jusqu'à l'expiration du délai de déclaration, alors même qu'elle n'aurait eu connaissance des événements dont s'agit que postérieurement à sa clôture".

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Droit financier

[Textes] Transposition de la Directive concernant les marchés d'instruments financiers et la réforme du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : les marchés non réglementés

Réf. : Arrêté du 18 avril 2007, portant homologation d'une modification du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, NOR : ECOT0751503A (N° Lexbase : L5187HXE)

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N2732BC8

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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Le 07 Octobre 2010

Le dernier volet de l'étude relative à la transposition de la Directive "MIF" (Directive 2004/39 du 21 avril 2004, concernant les marchés d'instruments financiers N° Lexbase : L2056DYS (1)), dans ses aspects relatifs aux infrastructures de marché, révèle l'importance des marchés non réglementés dans la nouvelle architecture des opérations boursières. Sous le titre II du règlement général (RG) de l'Autorité des marchés financiers (AMF) , intitulé "Systèmes multilatéraux de négociation", figurent, en effet, les nouveaux mécanismes qui garantissent l'encadrement juridique des marchés organisés. Pourtant, le règlement général ne se trouve pas, dans cette partie, modifié de fond en comble, car l'existence des marchés organisés étant prise en considération par le droit, ces derniers faisaient déjà l'objet de nombreuses dispositions. La nouveauté, issue de la révision de la structure des marchés, tient davantage à la matérialisation de progrès statutaires pour ces espaces de transactions : leur fonctionnement, dans une certaine mesure, devient comparable à celui des marchés réglementés dont ils empruntent certaines des caractéristiques. Dans le cadre limité de l'étude des nouvelles infrastructures, il apparaît ainsi qu'un régime principal se dessine, largement fondé sur l'encadrement juridique des systèmes multilatéraux de négociation de droit commun (I). En exergue, le RG encadre, également, mais avec moins d'intensité, des structures plus spécifiques (II), tels les systèmes multilatéraux de négociations organisés et les internalisateurs systématiques.

I - L'évolution du statut des systèmes multilatéraux de négociation

La structure du règlement général, s'agissant des systèmes multilatéraux de négociation de droit commun, s'articule autour de deux séries de dispositions : celles qui encadrent la gestion et le gestionnaire du système (A) et celles qui ont trait à son fonctionnement (B).

A - L'encadrement de la gestion des systèmes multilatéraux

Les systèmes multilatéraux de négociation ("MTF", selon l'acronyme anglo-saxon), désormais définis par l'article L. 424-1 du Code monétaire et financier (2) comme ceux qui permettent "la rencontre, en son [leur] sein et selon des règles non discrétionnaires, de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers sur des instruments financiers", accèdent avec la Directive "MIF" à un statut suffisamment proche de celui des marchés réglementés pour que leur encadrement soit modifié en profondeur.

Aux termes de la Directive, en effet, la gestion d'un "MTF" devient un service d'investissement, ainsi qu'en dispose, maintenant, en droit interne, l'article L. 321-1 du Code monétaire et financier. Il se trouve, donc, soumis à un agrément pour les intermédiaires et à une autorisation pour les entreprises de marché, imposant une modification du RG afin de permettre la mise en oeuvre d'un contrôle adapté à ces activités. A ce titre, le contrôle est réalisé suivant deux procédures distinctes, selon que le gestionnaire d'un "MTF" est un prestataire de services d'investissement (PSI) ou une entreprise de marché.

Dans le premier cas, le contrôle s'exerce selon les modalités prévues au nouvel article 512-2 du règlement général : l'agrément du gestionnaire relève à la fois de la compétence du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) et de l'AMF. L'autorité des marchés financiers, dans ce cadre, dispose, après examen du dossier, de la faculté de transmettre ses observations éventuelles au comité (3), qui décide, en dernier ressort, de l'attribution de l'agrément. La spécificité de l'activité exige, de surcroît, deux contrôles préalables : d'une part, la vérification de la communication aux autorités de tutelle de toutes les informations utiles sur les éléments spécifiques aux "MTF" pour permettre à l'AMF de s'assurer que les moyens prévus sont adaptés aux activités envisagées et, d'autre part, l'examen de la conformité des règles du système aux dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables. Enfin, obligation est faite au prestataire de services d'investissement, après la délivrance de l'agrément, de publier les règles du système sur son site.

Dans le second cas, lorsque c'est une entreprise de marché qui gère le "MTF", l'agrément du comité n'est pas exigé et la procédure relève des articles 521-3 et suivants du RG. Ces derniers prévoient la communication, par l'entreprise de marché, à l'AMF, des règles du système, du programme d'activité, des derniers comptes annuels, ainsi que des éventuels accords de "sous-traitance" et des dispositifs destinés à garantir le respect des règles du système. Ce sont, ainsi, tous les mécanismes internes de fonctionnement du marché qui sont soumis au contrôle : les conditions d'admission des membres, les catégories d'instruments financiers visées, ainsi que les conditions de négociation des instruments financiers. L'agrément étant obtenu, l'entreprise de marché est, comme pour le cas précédent, tenue de publier les règles du système sur son site (4).

Reste qu'une des améliorations sensibles que l'on doit à la Directive est d'avoir prévu l'adoption de mécanismes permettant l'encadrement et la surveillance des modifications des règles. Ce point, déjà évoqué dans les parties précédentes de cette étude à propos, notamment, des marchés réglementés (5), permet à l'AMF de s'opposer à la mise en oeuvre des modifications des règles du système. Cette faculté, accordée à l'autorité par la loi (6) ressort des dispositions de l'article 521-8 du règlement général, qui prévoit que celle-ci dispose d'un délai d'un mois pour notifier son opposition et doit, par ailleurs, informer le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement de sa décision lorsque le gestionnaire est un PSI (7).

S'agissant, enfin, pour en terminer sur les principales dispositions relatives à l'activité des gestionnaires, du retrait de l'agrément, le RG reprend, dans son article 521-10, les dispositions de l'article L. 532-6 du Code monétaire et financier. En vertu de ces dernières, l'AMF dispose de la faculté de retirer l'agrément dans quatre cas, c'est-à-dire lorsque le gestionnaire :
- n'a pas fait usage de l'autorisation dans un délai de douze mois, y renonce expressément ou si le système multilatéral de négociation n'a pas fonctionné pendant les six derniers mois ;
- a obtenu l'autorisation par de fausses déclarations ou par tout autre moyen irrégulier ;
- ne remplit plus les conditions dans lesquelles l'autorisation a été accordée ;
- a gravement et systématiquement enfreint les dispositions qui lui sont applicables.

B - L'encadrement du fonctionnement des systèmes multilatéraux de négociation

Parallèlement à ce renforcement du contrôle préalable par l'agrément, les modifications du règlement général portent sur l'encadrement du fonctionnement interne des systèmes et, plus particulièrement, sur les principes de négociation qui constituent la substance du chapitre II du titre II du règlement. Sur ce point, il convient de rappeler que le fonctionnement des "MTF" constitue, désormais, en partie, une matière régie par la loi et non par le règlement (8). En conséquence, certaines dispositions anciennes du RG disparaissent, car elles figurent, désormais, dans le Code monétaire et financier, telle l'obligation qui figurait à l'article 522-2 ancien qui imposait que les règles du système devaient garantir une formation équitable du prix.

Demeure, pourtant; de la compétence de l'AMF la mission -particulièrement importante- de surveillance des opérateurs. S'agissant de celle-ci, l'article 522-1 du RG prévoit que, lorsque les règles du système prévoient la signature d'une convention d'admission ou d'adhésion entre le gestionnaire et les émetteurs, le gestionnaire met en place les dispositifs nécessaires lui permettant de s'assurer du respect de leurs obligations contractuelles. Ainsi, le RG impose aux gestionnaires des systèmes les mêmes contraintes que celles qui s'appliquent sur les marchés réglementés, avec cette particularité, également issue des marchés réglementés, que les relations entre les acteurs du marché sont de nature contractuelle. Pour autant, les sanctions ne sont pas celles que prévoit le droit commun des contrats, puisque le même article dispose que "la convention prévoit les conséquences en cas d'inexécution de ces obligations", ouvrant ainsi la voie à la constitution d'un corps de sanctions contractuelles de nature nouvelle et dont le régime nous semble encore indéterminé.

Le mouvement de déplacement de l'encadrement juridique des systèmes multilatéraux, du RG de l'AMF vers le Code monétaire et financier, est, par ailleurs, constitutif d'un renforcement des garanties offertes aux acteurs boursiers. Ceci explique que, le contrôle a priori étant renforcé, la surveillance en temps réel du fonctionnement des marchés par le biais d'obligations d'informations s'en trouve corrélativement allégée. L'article 522-3 du RG, qui prévoyait ainsi une obligation de communication continue au profit des participants aux systèmes quant aux intérêts à l'achat et à la vente et quant aux cours et à la quantité enregistrée pour chaque transaction, est donc abrogé. Le principe qui s'impose, désormais, est de laisser aux systèmes le soin de fixer le niveau d'information nécessaire pour que ses participants puissent négocier de façon ordonnée, la fixation des mécanismes d'information devant être déterminée par les règles du système.

Il est, en revanche, une autre matière relative à l'information des investisseurs qui se trouve plus largement encadrée par le règlement général : celle des obligations de transparence pré et post-négociation. Ces obligations, largement détaillées dans la première partie de cette étude, se trouvent, ici, transposées aux articles 522-2 à 522-5 nouveaux du RG. Ces articles sont structurés sur le fondement de la distinction imposée par l'article L. 424-7 du Code monétaire et financier, qui considère séparément l'information relative aux actions admises aux négociations sur un marché réglementé des autres instruments financiers, qu'ils soient, ou non, admis sur ces mêmes marchés.

Les articles 522-2 et 522-3 disposent, de la sorte (le premier pour les négociations, le second pour les transactions), que, pour les actions admises aux négociations sur un marché réglementé, le gestionnaire du système publie les informations sur les intérêts à l'achat et à la vente, dans les conditions et selon les modalités prévues par le Règlement (CE) n° 1287/2006 (Règlement n° 1287/2006 du 10 août 2006, portant mesures d'exécution de la Directive 2004/39 en ce qui concerne les obligations des entreprises d'investissement en matière d'enregistrement, le compte rendu des transactions, la transparence du marché, l'admission des instruments financiers à la négociation et la définition de termes aux fins de ladite Directive N° Lexbase : L7472HKX). Dans les deux cas, l'AMF peut exempter le gestionnaire de la production de cette information, et, notamment, pour les transactions portant sur des tailles élevées par rapport à la taille normale de marché, dans les conditions et selon les modalités prévues par le règlement précité. En tout état de cause, les conditions dans lesquelles cette publication est différée sont, alors, précisées dans les règles du système.

Là s'arrête, en l'espèce, la transposition de la Directive. En effet, cette dernière ne dispose qu'à propos des règles de transparence applicables aux actions admises à la négociation sur un marché réglementé, laissant les Etats membres libres de légiférer, ou non, sur les autres instruments financiers. Or, le législateur a choisi de permettre à l'AMF d'établir de telles règles, par voie réglementaire, d'abord, relativement à la transparence pré-négociation (C. mon. fin., art. L. 424-7) et, ensuite, quant à la transparence post-négociation (C. mon. fin., art. L. 424-8). Le règlement général dispose, donc, en l'espèce, dans ses articles 522-4 et 522-5 (9), s'agissant respectivement des obligations pré et post-négociation, que le gestionnaire du système rend publique une information sur les intérêts à l'achat et à la vente pertinente au regard des caractéristiques de l'instrument financier négocié. Ce terme de "pertinent", sur l'analyse duquel nous ne reviendrons pas (10), devra, sans doute, faire ultérieurement l'objet de précisions supplémentaires de la part de l'AMF.

Il reste que l'Autorité des marchés financiers ne se trouve pas, en principe, désarmée au plan juridique au cas où le gestionnaire de système en viendrait à interpréter de façon restrictive les obligations qui lui incombent. L'encadrement des systèmes passe, en effet, comme pour les marchés réglementés, par la mise en place de règles de bonne conduite, la réalisation d'opérations étant par ailleurs subordonnée, pour les personnes physiques, à l'obtention d'une carte professionnelle (RG AMF, art. 523-1 et s.).

C'est ainsi que l'article 522-8 du règlement général renvoie expressément à l'exigence d'une information qualitativement adaptée. Il prévoit, en effet, que le gestionnaire du système fournit, "s'il y a lieu, des informations suffisantes au public ou s'assure qu'il existe un accès à de telles informations pour permettre aux utilisateurs de se forger un jugement en matière d'investissement, compte tenu à la fois de la nature des utilisateurs et des types d'instruments financiers négociés". Cette contrainte, directement issue de la Directive, et non transposée par le législateur, se trouve, par ailleurs, renforcée par celle qui figure à l'article 522-9 du RG, qui dispose que le gestionnaire établit et maintient une politique de gestion des conflits d'intérêts spécifique à l'activité de gestion du système.

On renverra, pour mémoire, afin d'achever ce volet dédié à l'encadrement des systèmes, à la matérialisation du mécanisme d'adhésion aux marchés dans le règlement général puisque, en application de l'article L. 424-6 du Code monétaire et financier (11), l'AMF a décidé de recourir au principe de la conclusion d'une convention d'admission passée entre le gestionnaire et chaque membre du marché. Ce principe se trouve matérialisé à l'article 523-4 du RG (12), qui dispose que cette convention prévoit deux séries d'engagements. Elle établit, d'une part, l'obligation pour le membre de respecter en permanence les règles du système et leurs dispositions d'application, de répondre à toute demande d'information du gestionnaire, de se soumettre aux contrôles diligentés par ce dernier et, à la demande du gestionnaire, de régulariser sa situation. Elle stipule, d'autre part, l'engagement du gestionnaire de prendre, en cas de mauvaise exécution ou d'inexécution de la convention d'admission, des mesures qui peuvent aller jusqu'à la suspension du membre ou la résiliation de la convention.

II - L'encadrement des structures spécifiques

C'est à partir de ce régime de base que d'autres dispositions vont venir encadrer les structures boursières spécifiques que sont les systèmes multilatéraux de négociations organisés (A) et les internalisateurs systématiques (B).

A - L'encadrement spécifique des systèmes multilatéraux de négociations organisés

L'existence de systèmes multilatéraux de négociations organisés n'est pas véritablement le fruit de la transposition de la Directive, puisque cette catégorie de systèmes était déjà régie par l'article 525-1 de l'ancien RG. Ces derniers, après la réforme, font simplement l'objet d'une définition plus précise qu'auparavant et se voient adjoindre le terme d'"organisés" pour les distinguer des systèmes multilatéraux stricto sensu.

Selon les nouvelles dispositions du règlement général sont, donc, des systèmes multilatéraux de négociation organisés les systèmes multilatéraux de négociation :
- dont les règles d'organisation sont approuvées par l'AMF à leur demande ;
- qui se soumettent aux dispositions du livre VI relatives aux abus de marché ;
- qui prévoient un mécanisme de garantie de cours lorsque les instruments financiers admis sur ces systèmes sont des actions ou des instruments financiers donnant directement ou indirectement accès au capital.

Pour les autres dispositions, l'article 525-2 du RG renvoie simplement au régime de droit commun des systèmes, dont les dispositions communes s'appliquent aux systèmes multilatéraux de négociation organisés. On peut donc voir, dans les systèmes organisés, des structures très proches de celles des marchés réglementés, dans le sens où sont institués des mécanismes protecteurs des investisseurs, destinés à les protéger contre les effets néfastes des prises de participation.

Ainsi, l'article 525-6 du RG prévoit-il que les règles des systèmes multilatéraux de négociation organisés comportent des procédures à mettre en oeuvre en cas de prise de contrôle des émetteurs. En outre, la convention d'adhésion au système doit définir, selon l'article 525-7 du règlement général, les obligations relatives aux procédures à mettre en oeuvre en cas de prise de contrôle de l'émetteur.

B - L'encadrement des internalisateurs systématiques

Encadrée par les dispositions du titre III du nouveau RG, la définition de l'activité d'internalisateur -sur laquelle nous ne reviendrons pas (13)- se trouve, une nouvelle fois, proposée, dans les mêmes termes que ceux de la Directive et du Code monétaire et financier, mais enrichie en l'occurrence de deux mentions. D'une part, l'article 531-1 du RG, qui propose la définition de l'internalisateur, impose à ce dernier, au surplus, d'informer l'AMF dès qu'il se livre à cette activité sur une action déterminée, en précisant l'identifiant du ou des instruments financiers concernés. La raison de l'adjonction de cette mention tient à la nécessité devant laquelle se trouve l'AMF, en application de l'article 21 du Règlement européen n° 1287/2006, d'établir la liste des internalisateurs systématiques, aux fins de transmission au CESR pour publication. Cette même contrainte a imposé l'ajout, d'autre part, de la mention, toujours dans l'article 531-1, de l'obligation d'informer l'AMF de la cessation de son activité d'internalisateur.

Il apparaît, de la sorte, que l'encadrement de cette activité demeure, pour le moins, limité, l'information de l'AMF n'étant requise qu'à des fins statistiques. Cet aspect diffus du contrôle s'accroît d'autant plus que, conformément aux prescriptions de la Directive, l'article 531-2 prévoit que les règles relatives à la publication des prix ne s'appliquent pas aux internalisateurs qui n'effectuent que des transactions supérieures à la taille standard de marché, définie à l'article 23 du Règlement n ° 1287/2006 du 10 août 2006.

Cette obligation figure dans les dispositions du chapitre II du titre III qui impose, ainsi, à l'internalisateur de publier, en vertu de l'article 532-2, "son ou ses prix et volumes de façon régulière et continue pendant les heures normales de négociation". Il est prévu, toutefois, aux termes du même texte, la faculté d'actualiser son ou ses prix et quantités proposés à tout moment et de retirer son ou ses prix et quantités proposés, en cas de conditions de marché exceptionnelles. C'est, en revanche, pour tous les internalisateurs, même ceux ne réalisant que des transactions supérieures à la taille standard de marché, que s'imposent les dispositions de la section 2, relatives aux modalités d'établissement de prix. Cette section comprend, d'ailleurs, un seul article (532-3), qui dispose qu' "un internalisateur systématique peut décider de la taille ou des tailles de transaction pour lesquelles il établit un prix. Le ou les prix affichés par les internalisateurs systématiques reflètent les conditions de marché prévalant pour cette action déterminée conformément à l'article 24 du Règlement (CE) n° 1287/2006 du 10 août 2006".

Ainsi, les principes d'encadrement sont réduits à la contrainte de l'affichage systématique, ainsi que la publication des transactions, prévue à l'article 534-1, consacrant le statut particulier de ces structures, sur lesquelles la logique de protection de l'investisseur est différente de celle qui préside au fonctionnement des marchés financiers traditionnels. En définitive, ce sont surtout les modalités d'exécution des ordres, telles qu'elles ressortent du chapitre III, qui ont fait l'objet du plus fort encadrement réglementaire, encore que la substance dudit chapitre fasse peser bien peu de contraintes sur les internalisateurs.

S'agissant des investisseurs particuliers, le règlement général leur impose, en effet, aux termes de l'article 533-1, d'exécuter les ordres aux prix affichés au moment de leur réception, mais, pour les professionnels, l'article 533-2 prévoit de nombreuses exceptions. C'est ainsi que, pour ces professionnels, il sera possible d'exécuter les ordres à un meilleur prix que celui affiché, à la condition que l'usage d'une telle dérogation soit justifié, que le prix s'inscrive dans une fourchette rendue publique et proche des conditions du marché et que l'ordre soit d'une taille supérieure à la taille normalement demandée par un client non professionnel, telle que fixée à l'article 26 du Règlement n° 1287/2006 du 10 août 2006. En outre, toujours pour les clients professionnels, l'ordre pourra être exécuté à un prix différent du prix affiché dans deux hypothèses : d'abord, lorsqu'il porte sur un panier d'instruments financiers et, conformément à l'article 25 du Règlement n° 1287/ 2006 du 10 août 2006, ne représente qu'une seule transaction ; ensuite, lorsque l'ordre n'est ni un ordre visant à l'exécution d'une transaction sur actions au prix prévalant sur le marché ni un ordre à cours limité, conformément à l'article 25 susvisé.

Cette différence de traitement entre les clients professionnels et les particuliers traduit le souci de protection des petits investisseurs mais permet, paradoxalement, de souligner la latitude dont disposent les internalisateurs vis-à-vis de leurs clients ou de leurs ordres importants. Semblablement, l'aménagement des règles d'établissement de prix permet, en vertu de l'article 533-3, à l'internalisateur d'exécuter un ordre, même si ce dernier ne répond pas aux critères de taille qu'il avait préalablement déterminés (14). Le RG ouvre, d'ailleurs, la voie à la spécialisation des internalisateurs dans le traitement des ordres des professionnels, puisqu'il prévoit, suivant en cela la Directive, que soit définie une "politique commerciale" lui permettant de sélectionner, selon les termes de l'article 531-3, "les clients avec lesquels il négocie", à la condition de disposer, pour ce faire, de règles claires, sa politique étant définie, selon le texte, "de façon objective et non discriminatoire".

En conclusion, la transposition de la Directive, alors qu'elle était destinée à parachever l'évolution des marchés européens, apparaît ouvrir de nombreuses perspectives et non constituer le seul achèvement d'un cycle de réformes. Le bouleversement des structures de marché, en particulier, ouvre de nouvelles perspectives en matière d'innovation, accroissant potentiellement l'offre de nouvelles catégories de services aux investisseurs.


(1) J.-B. Lenhof, L'ordonnance du 12 avril 2007 : nouvelle articulation des marchés financiers, Lexbase Hebdo n° 259 du 10 mai 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N0514BBN) ; L'ordonnance du 12 avril 2007 : les acteurs des marchés, Lexbase Hebdo n° 264 du 14 juin 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N3878BBA) ; et Transposition de la Directive concernant les marchés d'instruments financiers et la réforme du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : les marchés réglementés, Lexbase Hebdo n° 269 du 19 juillet 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N9314BBL).
(2) C. mon. fin., art. L. 424-1 (ordonnance nº 2007-544 du 12 avril 2007, art. 3 N° Lexbase : L9551HUB, en vigueur le 1er novembre 2007 N° Lexbase : L9551HUB) : "un système multilatéral de négociation est un système qui, sans avoir la qualité de marché réglementé, assure la rencontre, en son sein et selon des règles non discrétionnaires, de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers sur des instruments financiers, de manière à conclure des transactions sur ces instruments. Il peut être géré par un prestataire de services d'investissement agréé pour fournir le service d'investissement mentionné au 8 de l'article L. 321-1 ou, dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, par une entreprise de marché autorisée à cet effet par cette autorité. Le III de l'article L. 421-11 est applicable aux entreprises de marché gérant un système multilatéral de négociation".
(3) C. mon. fin., art. R. 532-1.
(4) RG AMF, art. 521-3 : "en vue d'être autorisée à gérer un système multilatéral de négociation, l'entreprise de marché transmet à l'AMF un dossier comprenant les éléments suivants :
1° Les règles de fonctionnement du système mentionnées à l'article 521-4 ;
2° Un programme d'activité, mentionnant notamment le type d'opérations envisagées par l'entreprise de marché, la structure de son organisation ainsi que, au regard de l'activité envisagée, les moyens humains et matériels mis en oeuvre, notamment les caractéristiques du système de négociation, du dispositif de règlement et de livraison des instruments financiers qui y seront négociés et, le cas échéant, des mécanismes de compensation des transactions effectuées au sein du système ;
3° Les derniers comptes annuels, s'ils existent, et les moyens financiers dont dispose l'entreprise de marché au regard de l'activité envisagée ;
4° Le cas échéant, les accords de sous-traitance portant sur la gestion du système ;
5° Le dispositif mis en oeuvre pour assurer le contrôle du respect des règles du système par ses membres
".
RG AMF, art. 521-4 : "Les règles de fonctionnement du système fixent :
1° Les conditions d'admission des membres. Lorsqu'un membre du marché est établi en dehors d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, son admission est subordonnée à l'existence d'un accord de coopération et d'échange d'informations entre l'AMF et l'autorité de contrôle compétente de son pays d'origine ;
2° La ou les catégories d'instruments financiers négociables sur le système ;
3° Les conditions devant être réunies par les émetteurs préalablement à la négociation de leurs instruments financiers dans le cadre du système, et, le cas échéant, les diligences qui leur incombent ;
4° Les conditions de négociation des instruments financiers sur le système, notamment :
a) Les modalités de rencontre des intérêts à l'achat et à la vente et les dates et heures d'ouverture des négociations ;
b) Les informations communiquées aux membres ;
c) Les informations rendues publiques concernant les intérêts à l'achat et à la vente ainsi que les transactions réalisées ;
d) Les procédures de suspension des négociations ;
e) Les délais et conditions de dénouement des transactions ;
5° Le cas échéant, les obligations applicables en matière d'information financière périodique et permanente des émetteurs dont les instruments financiers sont négociables sur le système ;
6° Les responsabilités encourues par les membres en cas de non-respect des règles du système
".
RG AMF, art. 521-5 : "lorsque les personnes dirigeant un marché réglementé sont les mêmes que celles gérant le système multilatéral de négociation pour lequel l'autorisation est demandée, ces personnes sont réputées jouir d'une honorabilité et d'une expérience suffisantes pour garantir la gestion saine et prudente du système multilatéral de négociation".
RG AMF, art. 521-6 : "l'AMF vérifie que les documents ou informations mentionnés aux articles 521-3 et 521-4 sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires applicables, notamment que l'entreprise de marché dispose des moyens et d'une organisation adaptés au regard de l'activité envisagée. L'AMF sollicite l'avis de la Commission bancaire sur l'organisation, les moyens humains, techniques et matériels ainsi que les ressources financières dont dispose l'entreprise de marché. L'AMF peut demander au gestionnaire du syst,ème toutes informations complémentaires qu'elle juge utiles. Elle peut exiger les modifications des règles ou les adaptations des moyens nécessaires pour assurer la conformité du système aux dispositions du présent titre. L'AMF se prononce sur la demande d'autorisation dans un délai de trois mois à compter de la réception du dossier ou, le cas échéant, des informations complémentaires qu'elle a demandées".
RG AMF, art. 521-7 : "après la délivrance de l'autorisation, l'entreprise de marché publie les règles du système sur son site. Elle laisse également la possibilité à toute personne de consulter, à son siège social, les règles du système et d'en prendre ou de s'en faire adresser copie à ses frais".
(5) J.-B. Lenhof, L'ordonnance du 12 avril 2007 : nouvelle articulation des marchés financiers et Transposition de la Directive concernant les marchés d'instruments financiers et la réforme du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : les marchés réglementés, préc..
(6) C. mon. fin., art. L. 421-2, al. 2.
(7) RG AMF, art. 521-8 : "le gestionnaire du système transmet à l'AMF les modifications apportées aux règles du système au moins un mois avant la date prévue pour leur mise en application.
Lorsqu'elle considère que ces modifications ne sont pas compatibles avec le statut de système multilatéral de négociation, l'AMF s'oppose à leur mise en application dans un délai d'un mois. L'AMF informe le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement de sa décision d'opposition, lorsque le gestionnaire du système est un prestataire de services d'investissement
.
(8) Cf. J.-B. Lenhof, L'ordonnance du 12 avril 2007 : nouvelle articulation des marchés financiers, et L'ordonnance du 12 avril 2007 : les acteurs des marchés, préc..
(9) RG AMF, art. 522-4 : "pour les instruments financiers autres que les actions admises à la négociation sur un marché réglementé, négociés dans le cadre du système, le gestionnaire du système rend publique une information sur les intérêts à l'achat et à la vente pertinent au regard des caractéristiques de l'instrument financier négocié, en particulier son admission ou non à la négociation sur un marché réglementé, son mode de négociation sur le système, le nombre et la nature des membres du système et des investisseurs finaux détenteurs de l'instrument financier".
RG AMF, art. 522-5 : "pour les transactions portant sur les instruments financiers autres que les actions admises à la négociation sur un marché réglementé, négociés dans le cadre du système, le gestionnaire du système rend publique une information pertinente au regard des caractéristiques de l'instrument financier négocié, en particulier son admission ou non à la négociation sur un marché réglementé, son mode de négociation sur le système, le nombre et la nature des membres du système et des investisseurs finaux détenteurs de l'instrument financier".
(10) Cf. J.-B. Lenhof, L'ordonnance du 12 avril 2007 : nouvelle articulation des marchés financiers, préc..
(11) C. mon. fin., art. L. 424-6 : "les règles du système multilatéral de négociation fixent les conditions d'admission des membres du système, de façon transparente et sur la base de critères objectifs. Les dispositions des deuxième à sixième alinéas de l'article L. 421-17 sont applicables aux membres des systèmes multilatéraux de négociation. A la demande de l'Autorité des marchés financiers, la personne qui gère un système multilatéral de négociation lui communique la liste des membres de celui-ci".
(12) RG AMF, art 523-4 : "Le gestionnaire du système veille au respect des règles du système par ses membres. Il met en place à cet effet des moyens et des procédures appropriés. Il conclut avec chacun des membres une convention d'admission prévoyant notamment :
1° L'obligation pour le membre de respecter en permanence les règles du système et leurs dispositions d'application, de répondre à toute demande d'information du gestionnaire, de se soumettre aux contrôles diligentés par ce dernier et, à la demande du gestionnaire, de régulariser sa situation ;
2° L'engagement du gestionnaire de prendre, en cas de mauvaise exécution ou d'inexécution de la convention d'admission, des mesures qui peuvent aller jusqu'à la suspension du membre ou la résiliation de la convention
".
(13) Cf. J.-B. Lenhof, L'ordonnance du 12 avril 2007 : les acteurs des marchés, préc..
(14) RG AMF, art. 533-3 : "I - Lorsqu'un internalisateur systématique qui n'établit un prix que pour une seule taille d'ordre ou dont la cotation la plus élevée est inférieure à la taille standard de marché reçoit un ordre dont la taille est supérieure à la taille pour laquelle il a établi son prix mais est inférieure à la taille standard de marché, il peut exécuter la partie de l'ordre qui dépasse la taille pour laquelle il a établi son prix, dans la mesure où il l'exécute au prix établi, sauf exceptions prévues à l'article 533-2.
Pour une action déterminée, chaque cotation s'entend d'un ou de plusieurs prix fermes acheteurs et/ou vendeurs, et d'une taille ou de plusieurs tailles inférieures ou égales à la taille standard de marché pour la catégorie d'actions à laquelle l'action appartient.
II - Lorsqu'un internalisateur systématique établit un prix pour différentes tailles d'ordres et reçoit un ordre qui se situe entre ces tailles, il l'exécute à l'un des prix établis, conformément aux dispositions de l'article L. 533-19 du Code monétaire et financier sauf exceptions prévues à l'article 533-2
".
RG AMF, art. 533-4 : "Afin de limiter le risque d'être exposé à des transactions multiples avec un même client, un internalisateur systématique peut restreindre, d'une manière non discriminatoire, le nombre de transactions du même client qu'il s'engage à effectuer aux conditions publiées, lorsque, conformément aux conditions mentionnées à l'article 25 du Règlement (CE) n° 1287 /2006 du 10 août 2006, il ne peut les exécuter sans s'exposer à un risque excessif. Un internalisateur systématique peut restreindre d'une manière non discriminatoire et conformément aux dispositions de l'article L. 533-19 du Code monétaire et financier, le nombre total ou le montant des transactions simultanées avec des clients différents lorsque ce nombre ou ce montant dépasse considérablement la norme prévue à l'article 24 du règlement susvisé".

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] CNE : exclusion licite

Réf. : TA Poitiers, 30 juillet 2007, n° 0601980 (N° Lexbase : A7173DXX) ; TA Poitiers, 30 juillet 2007, n° 0700087 (N° Lexbase : A7174DXY)

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N2789BCB

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Les deux jugements du tribunal administratif de Poitiers rendus le 30 juillet dernier ne sont pas sans rappeler l'espèce qui avait été portée par le préfet de la Gironde devant le tribunal administratif de Bordeaux en 2006 (TA Bordeaux, du 15 juin 2006, n° 0602049, Préfet de la Gironde c/ Commune de Bègles N° Lexbase : A3239DQZ). Dans cette affaire, la demande du préfet tendait, en effet, à obtenir l'annulation de la délibération du conseil municipal de Bègles qui "invitait" la commission des appels d'offres à évincer les entreprises soumissionnaires qui auraient recours à des contrat nouvelles embauches (CNE). Le problème était donc, également, celui de l'exclusion par une délibération du contrat nouvelles embauches. L'identité s'arrête toutefois à l'objet de la demande... Dans les deux espèces commentées, le préfet souhaitait obtenir l'annulation de la délibération prise par le conseil régional Poitou-Charentes du 26 juin 2006 qui rend inéligible à l'aide régionale les demandes des entreprises effectuées dans le cadre du tutorat tremplin lorsque les recrutements sont faits par ces entreprises par le biais de contrats nouvelles embauches. Le motif invoqué au soutien de cette exclusion est que les recrutements en contrats nouvelles embauches ne favorisent pas une réelle possibilité pour les jeunes concernés d'accéder à un emploi durable. Bien que la motivation du conseil régional ne soit pas particulièrement heureuse, le CNE étant, faut-il le rappeler, un contrat de travail à durée indéterminée, le tribunal administratif a conclu au rejet des demandes formées par le préfet et, partant, validé la délibération du conseil régional. La position du tribunal administratif ne peut qu'être approuvée. Il faut dire que les motivations amenées au soutien de cette demande d'annulation n'étaient pas particulièrement pertinentes.

Résumé

N'est pas illégale la délibération du conseil régional tendant à exclure du bénéfice de la prime régionale à l'emploi, les contrats nouvelles embauches.

1. Des arguments inopérants

L'appui de l'article L. 1511-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7908HBI), qui vient définir le régime et les modalités d'octroi des aides aux entreprises dans la région, ne permettait pas d'accéder à la demande d'annulation formée par le préfet.

Cette disposition vient, en effet, permettre au conseil régional de décider librement de l'octroi de ces aides. Elle dispose que "le conseil régional définit le régime et décide de l'octroi des aides aux entreprises dans la région". Il n'existe, dans cette disposition, aucune limite au pouvoir de décision et, partant, d'exclusion du conseil régional. Il semble même, au contraire, que ce texte permette d'induire la "plénitude des pouvoirs" du conseil en la matière.

Le recours à une ingérence du conseil régional dans la gestion des entreprises, également avancée par le demandeur, ne pouvait qu'être rejeté.

Pour le préfet, en effet, cette exclusion du CNE des aides régionales entraînait une immixtion du conseil régional dans la gestion des entreprises, ce dernier substituant son appréciation à celle de l'employeur sur l'opportunité de recourir à tel ou tel type de contrat. Or, rien n'empêche les entreprises de recourir au CNE, au contraire. Elles devront seulement choisir entre CNE et donc facilité de rupture, et aides financières, à moins que le CNE soit couplé avec un contrat aidé.

Dans la seconde espèce, le préfet invoquait, en outre, le caractère discriminatoire d'une telle mesure. Où est ici la discrimination ?

La discrimination se caractérise par le fait de traiter de manière différente des choses ou des personnes qui se trouvent dans des situations identiques, sans qu'un élément objectif ne permette de justifier cette inégalité. La délibération contestée écartait du bénéfice de l'aide tous les CNE et, par suite, toutes les entreprises.

Il y a donc, au contraire, un caractère égalitaire dans cette mesure, puisque aucune entreprise ne pouvant bénéficier d'aide au CNE, toutes les entreprises se trouvent à égalité au regard des aides accordées par le conseil régional. Rappelons, ici, en effet, que le recours au CNE n'est permis que pour les entreprises privées employant 20 salariés ou moins. Les petites entreprises ne peuvent donc bénéficier de plus d'aides grâce au CNE que les entreprises les plus importantes.

Cette égalité reste, toutefois, relative.

La délibération du 27 février 2006 qui vient rendre inéligibles au sein de la convention et donc à la prime régionale les emplois créés en CNE, limite son champ d'application aux "dossiers dans lesquels une telle demande a été faite après la délibération". Rappelons, ici, que le contrat nouvelles embauches a été créé par une ordonnance du 2 août 2005 (ordonnance du 2 août 2005, n° 2005-893, relative au contrat de travail "nouvelles embauches" N° Lexbase : L0758HBP). Or, la délibération dont l'annulation était demandée datait du 27 février 2006, soit plus de 6 mois après que le contrat nouvelles embauches soit entré en vigueur. Ceci signifie que certaines entreprises ont bénéficié des aides et que les autres n'ont pas pu et ne peuvent plus s'en prévaloir... Là se trouve la discrimination, non seulement entre les salariés qui voient leurs chances d'être recrutés en CNE diminuées, mais, également, entre les petites entreprises pouvant recourir au CNE.

Compte tenu de la nature et du régime du CNE, on est amené à s'interroger sur la raison de l'octroi d'aides pour les CNE. Le CNE n'est, en effet, pas un contrat aidé...

2. Une exclusion légitime du CNE des aides régionales

Ces aides sont généralement accordées aux contrats aidés ; or, le CNE n'est pas un contrat aidé au sens du Code du travail. On entend par contrats aidés, les contrats qui ont pour objet de favoriser l'accès à l'emploi à certaines personnes considérées comme vulnérables, c'est-à-dire les demandeurs d'emplois en difficultés de retour à l'emploi. Ces personnes acquièrent une expérience accompagnée (ou non) d'une formation qui leur permet, ensuite, de prétendre intégrer de manière "classique" le monde du travail. Il s'agit, généralement, de contrats à durée déterminée, qui ouvrent droit aux employeurs à des aides financières et/ou un allègement des cotisations sociales.

Tel n'est pas le cas du CNE. Il s'agit, en premier lieu, d'un contrat de travail à durée indéterminée, qui est soumis pendant deux années à des règles particulières en cas de rupture. Cette nature de contrat de longue durée est, en outre, difficilement compatible avec l'attribution d'aides qui sont généralement limitées dans le temps. Son objet est, en deuxième lieu, de permettre le recrutement de salariés par de petites entreprises. Ce contrat s'adresse donc aux entreprises. Il incite, en effet, à l'embauche de toute catégorie de salariés et non seulement aux "salariés vulnérables", ou, comme vient le préciser la délibération contestée, de "personnes fragiles".

Il est, en troisième lieu, en principe, exclusif de toute aide financière à l'embauche. L'existence d'une rupture facilitée suffit, en théorie, à le rendre attractif.

La seule exception à cette dissociation du CNE des contrats aidés résulte de l'hypothèse dans laquelle le CNE se couple avec un contrat aidé. Dans ce cas, en effet, le contrat aidé prime pour les aides financières et le CNE pour sa durée.

Compte tenu du caractère strict de la délibération du conseil régional, on est amené à se demander si de tels contrats "couplés" bénéficient de la prime en raison de leur caractère aidé ou s'ils en sont exclus en raison de leur qualification de CNE. Le tribunal administratif n'avait pas à se prononcer sur cette question, laquelle ne devrait pas manquer de se poser dans l'avenir. Et cette fois, le préfet aura toutes ses chances d'obtenir gain de cause, puisque c'est bien de discrimination dont il serait question dans ce cas.

Décisions

TA Poitiers, 30 juillet 2007, n° 0601980, Préfet de la région Poitou-Charentes, Préfet de la Vienne c/ Région Poitou-Charentes (N° Lexbase : A7173DXX)

TA Poitiers, 30 juillet 2007, n° 0700087, Préfet de la région Poitou-Charentes, Préfet de la Vienne c/ Région Poitou-Charentes (N° Lexbase : A7174DXY)

Mots-clefs : contrat nouvelles embauches ; délibération du conseil régional ; exclusion du CNE du bénéfice des aides régionales ; absence de discrimination.

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] La justification des inégalités salariales par le principe du maintien des avantages individuels acquis

Réf. : Cass. soc., 11 juillet 2007, n° 06-42.128, Mme Julie Ashton, divorcée Romano, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4724DXA)

Lecture: 10 min

N2737BCD

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010


Par un arrêt en date du 11 juillet 2007, la Chambre sociale de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence relative à la justification des inégalités salariales, tout en poursuivant son travail de systématisation et de clarification. Dans cette affaire, la Cour affirme que le seul fait que des salariés aient été embauchés avant ou après la dénonciation d'un accord collectif ne suffit pas à justifier une différence de traitement (1), à moins que cette différence ne résulte du maintien des avantages individuels acquis (2). Cette exception apparaît désormais comme la seule admise, dans ce cas de figure, ce qui jette le trouble sur la pérennité de justifications admises antérieurement et sur les intentions réelles de la Cour (3).

Résumé

Au regard de l'application du principe "à travail égal, salaire égal", la seule circonstance que les salariés aient été engagés avant ou après la dénonciation d'un accord collectif ne saurait justifier des différences de traitement entre eux, à la seule exception de celles résultant, pour les salariés engagés avant la dénonciation, des avantages individuels acquis par ces derniers, conformément à l'article L. 132-8, alinéa 6, du Code du travail (N° Lexbase : L5688ACN), lesquels ont pour objet de compenser, en l'absence de conclusion d'un accord de substitution, le préjudice qu'ils subissent du fait de la dénonciation de l'accord collectif dont ils tiraient ces avantages.

1. La non-pertinence de la seule justification tirée de la date d'embauche au regard des modifications du statut conventionnel

  • La non-pertinence de la justification tirée de la seule date d'embauche

L'arrêt "Ponsolle", qui a fixé les termes de la jurisprudence relative au principe "à travail égal, salaire égal", avait pris la peine de préciser que le droit des salariés à une même rémunération ne valait que pour autant qu'ils se trouvaient dans une "situation identique" (1).

Par la suite, la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que le seul fait que des salariés aient été embauchés à des dates différentes n'était pas suffisant pour justifier des inégalités salariales.

Dans deux décisions non publiées rendues en 2003 (2), la Chambre sociale de la Cour de cassation avait retenu une analyse comparable en rejetant le pourvoi dirigé contre une cour d'appel qui avait condamné un employeur, après avoir "constaté qu'en fonction de la seule date de leur engagement, les salariés qui se trouvaient dans la même situation et qui exerçaient la même fonction ne percevaient pas la même rémunération", la Cour ayant d'ailleurs indiqué, à cette occasion, que la juridiction avait ainsi "légalement justifié sa décision".

Cette solution a, par la suite, été confirmée par l'arrêt "Ritz", rendu en 2005 (3).

La date d'embauche peut, toutefois, révéler une différence de situation qui justifiera, alors, la différence de traitement litigieuse. Il en ira ainsi lorsque les salariés présentent une ancienneté significativement différente, comme cela avait été admis dans l'arrêt "Ponsolle", et comme cela a été, depuis, confirmé (4).

  • La non-pertinence de la justification tirée du seul fait que les salariés ont été embauchés postérieurement à l'entrée en vigueur d'un accord collectif

Dans un arrêt en date du 27 février 2007, la Cour de cassation a, également, précisé que "la seule circonstance que les salariés aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ne saurait suffire à justifier des différences de traitement entre eux" (5).

Comme nous avions eu l'occasion de le souligner, la Cour de cassation ne se contente plus, aujourd'hui, de justifications purement formelles et impose, tant aux salariés qui se prétendent victimes d'une inégalité salariale qu'aux juges du fond qui leur donnent raison, de motiver leurs prétentions à l'aide d'indices concrets tirés d'une analyse fouillée de leur situation réelle au sein de l'entreprise (6).

Dans cette affaire, comme dans d'autres d'ailleurs, la convention collective, qui prétendait opérer une distinction entre les bénéficiaires des avantages prévus, avait pour objectif de compenser la mise en place d'un nouveau mode de rémunération au sein de l'entreprise qui risquait de se traduire par une baisse de la rémunération des salariés embauchés auparavant, soit dans le cadre du passage aux 35 heures (7), soit que celle-ci ait remis à plat son système de rémunération (8). Dans ces cas de figure, les salariés embauchés avant l'entrée en vigueur de la convention collective risquaient de voir leurs rémunérations baisser en même temps que la durée du travail applicable ou que la mise en place des nouveaux modes de rémunération. Il s'agissait, alors, de corriger une éventuelle injustice frappant les salariés les plus anciens, mais, également, de prévenir des contentieux individuels de salariés trouvant, dans leur contrat de travail, la garantie du maintien de leur rémunération antérieure et refusant l'application des dispositions conventionnelles nouvelles (9).

2. La pertinence de la justification tirée de l'application de la règle de maintien des avantages individuels acquis

  • Situation des salariés en cas de dénonciation ou de mise en cause d'un accord d'entreprise

Les aléas qui affectent le statut collectif dans l'entreprise ne résultent pas nécessairement de la conclusion d'un nouvel accord collectif. Lorsque l'accord d'entreprise est dénoncé ou mis en cause et qu'aucun accord de substitution n'est conclu dans le délai de 12 mois qui suit l'expiration du préavis, l'article L. 132-8, alinéa 6, du Code du travail, introduit une rupture dans le traitement entre salariés en n'assurant que le maintien des avantages individuels acquis.

De ce maintien naît donc une double inégalité entre, d'une part, les anciens salariés, qui ont effectivement pu bénéficier des droits reconnus par la convention dénoncée ou mise en cause, et ceux qui ne peuvent revendiquer que de simples expectatives, et les bénéficiaires du maintien des avantages et les salariés embauchés après l'expiration du délai de 12 mois, d'autre part, qui ne pourront jamais revendiquer le bénéfice d'une convention qui, par hypothèse, avait cessé de produire effet au moment de leur embauche.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de statuer sur ce cas de figure dans l'hypothèse du maintien des avantages individuels acquis à la suite de la mise en cause d'un accord consécutive à la fusion de deux entreprises. La Cour avait, alors, considéré comme justifiée la disparité entre les salariés de l'entreprise absorbée, bénéficiaires du maintien des avantages, et ceux de l'entreprise absorbante qui s'en trouvaient exclus, et affirmé "qu'en l'absence d'un accord d'adaptation le maintien aux salariés transférés des avantages individuels acquis en application de l'accord mis en cause par l'absorption ne pouvait constituer à lui seul pour les autres salariés de l'entreprise auxquels cet avantage n'était pas appliqué un trouble manifestement illicite" (10).

Dans une certaine mesure, pareille solution résulte, également, de la solution adoptée par la Cour de cassation concernant le sort des usages et engagements unilatéraux de l'employeur lorsque l'entreprise est cédée, puisque les avantages qui en résultent ne continueront de bénéficier qu'aux salariés transférés, et ne profiteront pas aux salariés de la nouvelle entreprise (11).

  • La confirmation de la jurisprudence "IBM"

C'est cette solution que vient confirmer cet arrêt en date du 11 juillet 2007. Tout en retenant une solution identique, la Cour fournit, toutefois, un élément de justification supplémentaire. Si l'application de l'article L. 132-8, alinéa 6, du Code du travail, est de nature à justifier la différence de traitement constatée, c'est parce que les avantages individuels acquis "ont pour objet de compenser, en l'absence de conclusion d'un accord de substitution, le préjudice qu'ils subissent du fait de la dénonciation de l'accord collectif dont ils tiraient ces avantages".

On ne pourra que saluer cet effort de motivation que s'impose à son tour la Cour, car il paraît juste que les Hauts magistrats montrent l'exemple après avoir contraint demandeurs et juges du fond à ne pas se contenter de justifications purement formelles.

En faisant référence à la fonction compensatrice de la règle du maintien des avantages individuels acquis, la Cour fédère ainsi sa jurisprudence autour de cette fonction et s'inscrit dans la droite ligne des décisions rendues à propos des garanties mensuelles de rémunération mises en place par accords collectifs (12) ou des primes destinées à compenser les modifications intervenues dans les modes de rémunération (13).

Cette solution semble parfaitement justifiée, et pas seulement parce qu'elle garantit aux salariés les plus anciens le maintien de leur rémunération, récompensant ainsi leur fidélité à l'entreprise.

C'est, en effet, le législateur lui-même qui a souhaité opérer cette différence de traitement et limiter le maintien des avantages acquis sur le fondement de la convention dénoncée ou mise en cause à une certaine catégorie de salariés. Généraliser le bénéfice de ces avantages en faisant application du principe "à travail égal, salaire égal" aurait pour conséquence de priver l'article L. 132-8 de toute effectivité en généralisant le maintien des avantages individuels acquis, au-delà des prévisions du législateur, et de supprimer une grande partie des effets de la dénonciation ou de la mise en cause, portant ainsi à la liberté des partenaires sociaux une atteinte certainement excessive.

3. Les incertitudes portant sur les autres justifications admises

  • Les incertitudes portant sur la pertinence des justifications voulues par le législateur ou les partenaires sociaux

La nouvelle formule adoptée n'est, toutefois, pas sans susciter d'importantes interrogations. Il convient, en effet, de s'interroger sur la portée de l'ajout, à la solution issue de l'arrêt "IBM", de la justification tirée de la volonté de "compenser, en l'absence de conclusion d'un accord de substitution, le préjudice qu'ils subissent du fait de la dénonciation de l'accord collectif dont ils tiraient ces avantages".

L'explication la plus simple est certainement, comme nous l'avons indiqué, à rechercher du côté d'un salutaire effort de motivation des arrêts et de justification de la solution retenue, et ce afin d'emporter l'adhésion des justiciables, ce dont on ne peut que se réjouir.

Une autre explication pourrait toutefois être avancée. En visant l'existence de la justification légale, tirée de l'article L. 132-8, alinéa 6, du Code du travail, et en ajoutant la référence à la fonction compensatrice de la règle posée, ne pourrait-on pas penser, en effet, que la Cour ne se contenterait pas du fait que la justification avancée tire sa légitimité de sa seule origine légale, mais exigerait de surcroît que cette justification, comme toute autre d'ailleurs, réponde au désir de compenser un préjudice ?

L'interprétation de cette décision rejoindrait alors les interrogations nées après l'arrêt "Sogara" où la Cour, tout en consacrant la jurisprudence "EDF/GDF", admettant que des différences de traitement puissent valablement résulter de la diversité, au sein d'une même entreprise, des accords d'établissement (14), avait précisé que cette justification valait "compte tenu de leurs caractéristiques" (15).

Cet arrêt rendu le 11 juillet 2007, tout comme l'arrêt "Sogara", s'expliquerait alors par la même volonté de ne pas se laisser enfermer dans une logique purement formelle et de rechercher, au-delà des apparences, la finalité réelle des justifications avancées par l'employeur.

Mais alors, si l'intention de la Cour de cassation est bien de contrôler la pertinence des justifications avancées, même si celles-ci résultent de l'application de dispositions légales ou conventionnelles, ne risque-t-on pas d'assister à une dérive dans le contrôle opéré par la Haute juridiction qui se permettrait ainsi de réexaminer l'opportunité de justifications voulues par le Parlement, ou les partenaires sociaux ? Si le contrôle de conformité des dispositions conventionnelles au principe "à travail égal, salaire égal" peut se comprendre dans la mesure où ce principe a valeur légale, et présente d'ailleurs un caractère d'ordre public, que penser de l'extension d'un tel contrôle aux dispositions légales du Code du travail ?

Certes, le principe d'égalité salariale se rattache au principe général d'égalité proclamé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (N° Lexbase : L1366A9H) (16) et figure d'ailleurs dans bon nombre de déclarations de droits (17) ; il peut donc apparaître, à ce double titre, comme possédant une autorité supérieure à la loi. Mais, faut-il rappeler que le juge ne dispose pas du pouvoir de contrôler la constitutionnalité des lois, et qu'il semblerait bien excessif qu'en exerçant un contrôle de conventionalité, le juge judiciaire se substitue purement et simplement au législateur dans l'appréciation des impératifs qui justifieraient que soient favorisées certaines catégories de salariés (18), et ce alors que le Conseil constitutionnel lui-même a considéré "qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées" dès lors que "les différences de traitement qui en résultent sont en rapport direct avec la finalité d'intérêt général poursuivie par le législateur" (19).

Sans faire ici de procès d'intention à la Cour de cassation, qui n'a certainement pas voulu s'engager sur pareille voie, il nous semble qu'il convient, tout de même, de se montrer vigilant car le pouvoir de faire la loi, et de faire pour cela des choix politiques et sociaux, doit être réservé au pouvoir législatif, et à lui seul.

  • La portée incertaine de la loi

Une autre incertitude subsiste à la lecture de cet arrêt rendu le 11 juillet 2007. La Cour de cassation utilise, en effet, une formule restrictive qui semble limiter à la seule hypothèse de l'application de la règle légale du maintien des avantages individuels acquis la possibilité de justifier la différence de traitement résultant du fait que les salariés ont été engagés avant ou après la dénonciation d'un accord collectif (20).

Or, d'autres cas de figure peuvent se présenter et sont, en pratique, fréquents, comme le montrent d'ailleurs de nombreux arrêts rendus par la Cour de cassation, que l'on songe à l'existence d'un accord de remplacement, conclu dans la période des douze mois qui suit l'expiration du préavis et sauvegardant les avantages des anciens salariés dont ils bénéficiaient dans le cadre de la convention dénoncée ou mise en cause, ou d'un nouvel accord d'entreprise, conclu au-delà de la période des douze mois, et ayant le même objet (21). Ces hypothèses, qui ne diffèrent pas réellement de celles pour lesquelles la Cour avait admis que le nouveau texte favorise les anciens salariés pour compenser le préjudice causé par les modifications intervenues dans le statut collectif, sont-elles désormais menacées par le caractère extrêmement restrictif de la formule employée ?

Certes, la Cour rappelle, dans cet arrêt, que le maintien des avantages individuels acquis s'opère "en l'absence d'un accord de substitution", ce qui pourrait réserver a contrario l'hypothèse de différences de traitement résultant d'un tel accord, et pour les mêmes motifs. Mais, quel sera le sort d'un accord conclu au-delà du délai de survie de douze mois, et qui poursuit la même finalité compensatrice ?

Il nous semble que ce qui compte est bien la finalité poursuivie par les partenaires sociaux, et non la forme ou la qualification juridique que peut prendre cet accord ; on ne comprendrait, en effet, pas pourquoi ce qui est admis pour un accord de révision ou de substitution, ne le serait pas pour un accord conclu dans une situation de vide conventionnel, mais qui poursuivrait le même objectif.


(1) Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-43.680, Société Delzongle c/ Mme Ponsolle, publié (N° Lexbase : A9564AAH).
(2) Cass. soc., 4 mars 2003, n° 01-46.219, Union départementale des associations familiales (Udaf) de l'Yonne c/ M. Pascal Felut, FS-D (N° Lexbase : A3779A74) ; Cass. soc., 4 mars 2003, n° 01-46.220, Union départementale des associations familiales (Udaf) de l'Yonne c/ M. Michel Durak, FS-D (N° Lexbase : A3780A77).
(3) Cass. soc., 25 mai 2005, n° 04-40.169, Société The Hôtel Ritz Limited c/ Mme Stoyanka Smilov, FS-P+B (N° Lexbase : A4304DIA).
(4) Cass. soc., 20 juin 2001, n° 99-43.905, M. Yannick Raude c/ Société Publimepharm, inédit (N° Lexbase : A6334ATR) ; Cass. soc., 29 septembre 2004, n° 03-42.025, Mme Joséphine Lago (Gnagnene Nadro), F-D (N° Lexbase : A4908DD7) ; Cass. soc., 28 avril 2006, n° 03-47.171, Société Demd Productions c/ Mme Anne Moutot, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2049DPL) ; lire nos obs., L'ancienneté et la situation juridique du salarié dans l'entreprise peuvent justifier une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal", Lexbase Hebdo n° 213 du 4 mai 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N7835AKE).
(5) Cass. soc., 21 février 2007, n° 05-43.136, Association patronage de l'Institut régional des jeunes sourds et aveugles de Marseille, Irsam Les Hirondelles, FS-P+B (N° Lexbase : A2978DUT) ; lire nos obs., Justifications des inégalités salariales et date d'embauche des salariés, Lexbase Hebdo n° 250 du 1er mars 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N1031BAG). 
(6) En ce sens, notre chron. dans Lexbase Hebdo n° 250 du 1er mars 2007 - édition sociale, préc..
(7) Cass. soc., 1er décembre 2005, n° 03-47.197, Société Transports de tourisme de l'océan, Ocecars c/ M. Jean-Pierre Gandon, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8452DLM) ; lire nos obs., Le principe "A travail égal, salaire égal" impuissant à réduire les inégalités résultant du passage aux 35 heures, Lexbase Hebdo n° 193 du 8 décembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1672AK7).
(8) Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 03-42.641, Société Sodemp, FS-P+B (N° Lexbase : A1936DSI) ; et nos obs., La volonté d'empêcher une baisse de rémunération justifie une inégalité salariale, Lexbase Hebdo n° 236 du 16 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5148ALA).
(9) Solution d'ailleurs formellement envisagée par la loi Aubry II du 19 janvier 2000, dans son article 30 (loi n° 2000-37 N° Lexbase : L0988AH3).
(10) Cass. soc., 11 janvier 2005, n° 02-45.608, Compagnie IBM France c/ M. René Dalbegue, FS-P (N° Lexbase : A0168DGC).
(11) Cass. soc., 7 décembre 2005, n° 04-44.594, Société Foster Wheeler France c/ M. Pierre Zaviopoulos, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8958DLD) ; lire nos obs., L'effet relatif des usages et engagements unilatéraux transférés au nouvel employeur, Lexbase Hebdo n° 194 du 15 décembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1904AKQ).
(12) Cass. soc., 1er décembre 2005, préc..
(13) Cass. soc., 31 octobre 2006, préc..
(14) Cass. soc., 27 octobre 1999, n° 98-40.769, Electricité de France c/ M. Chaize et autres (N° Lexbase : A4844AGI), Dr. Soc. 2000, p. 189, chron. G. Couturier.
(15) Cass. soc., 18 janvier 2006, n° 03-45.422, Société Sogara France c/ Mme Lasoy Agion, F-P (N° Lexbase : A3972DM3) et nos obs., Une différence de traitement fondée sur la pluralité des accords d'établissement n'est pas illicite, Lexbase Hebdo n° 199 du 26 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N3620AKB).
(16) Le Conseil constitutionnel affirme, de manière classique, mais singulièrement lorsqu'il est saisi de griefs d'atteintes portées au principe d'égalité de rémunération, que "le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" (décision n° 98-401 DC du 10 juin 1998, loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail N° Lexbase : A8747ACX ; décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000, loi relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : A8786ACE ; décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, loi pour l'égalité des chances N° Lexbase : A8313DN9).
(17) Article 23, alinéa 2, de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 (N° Lexbase : L6814BHT), qui n'est pas directement invocable en droit français.
(18) La question des mesures favorisant certaines catégories de salariés, improprement appelées "discriminations positives", ne constitue, en réalité, que l'envers de la question des discriminations classiques ou des inégalités de traitement ; il suffit de renverser la perspective et d'analyser la situation non pas du point de vue des personnes à qui certaines prérogatives sont accordées, mais du point de vue de celles qui ont sont privées.
(19) § 17.
(20) La Cour affirme, en effet, qu'"au regard de l'application du principe 'à travail égal, salaire égal', la seule circonstance que les salariés aient été engagés avant ou après la dénonciation d'un accord collectif ne saurait justifier des différences de traitement entre eux, à la seule exception de celles résultant, pour les salariés engagés avant la dénonciation, des avantages individuels acquis par ces derniers, conformément à l'article L. 132-8, alinéa 6, du Code du travail, lesquels ont pour objet de compenser, en l'absence de conclusion d'un accord de substitution, le préjudice qu'ils subissent du fait de la dénonciation de l'accord collectif dont ils tiraient ces avantages" (c'est nous qui soulignons).
(21) V. aussi les mesures de compensations arrêtées unilatéralement par l'employeur (Hôtel Ritz) après l'échec des négociations de l'accord de substitution dans le délai de douze mois : Cass. soc., 25 mai 2005, préc..
Décision

Cass. soc., 11 juillet 2007, n° 06-42.128, Mme Julie Ashton, divorcée Romano, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4724DXA)

Cassation (cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17ème chambre, 16 janvier 2006, 25 arrêts)

Texte visé : principe "à travail égal, salaire égal"

Mots-clefs : rémunération ; inégalité salariale ; justification.

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Bancaire

[Jurisprudence] Subordination de la conclusion d'un contrat de prêt à l'adhésion de l'emprunteur à un contrat garantissant le remboursement des sommes prêtées : quelle(s) obligation(s) pour le banquier ?

Réf. : Cass. civ. 2, 14 juin 2007, n° 03-19.229, M. Mohamed Marzouk, FS-P+B (N° Lexbase : A7822DWM)

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N2792BCE

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par Florence Labasque, SGR - Droit commercial

Le 07 Octobre 2010

Les obligations du banquier sont, ces derniers temps, au coeur des polémiques en droit bancaire. Elles peuvent être, rappelons-le, imposées par le législateur ou/et précisées par la jurisprudence. Parmi elles, l'obligation d'information s'est tout particulièrement démarquée en raison des nombreuses décisions, plus ou moins approuvées, rendues à son sujet ces dernières années. L'obligation d'information peut être générale ou spéciale. Même en présence d'une obligation spéciale d'information, son étendue est parfois floue et ne demande qu'à être précisée, dès lors que l'enjeu -la mise en jeu de la responsabilité du banquier- est loin d'être négligeable. En témoigne encore un arrêt publié rendu le 14 juin dernier, par lequel la deuxième chambre civile de la Cour de cassation s'est prononcée sur l'information à laquelle est tenu le banquier en matière d'assurance. S'agissant de l'obligation d'information du banquier en matière d'assurance, la dernière décision remarquable fut l'arrêt rendu par la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, le 3 mars 2007 (Ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267, M. Henri Dailler c/ Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, P+B+R+I N° Lexbase : A4358DUX (1), solution reproduite trois mois plus tard par Cass. civ. 1, 14 juin 2007, n° 06-12.205, Société civile immobilière (SCI) Villa Eden, F-D N° Lexbase : A7894DWB). La Haute juridiction y a énoncé, au visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT), que "le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation".
Avant cette décision, il suffisait que le banquier remette une notice à l'emprunteur dès lors que celle-ci définissait, de façon claire et précise, les risques garantis. Cet arrêt a donc modifié le contenu de l'obligation du banquier qui propose à ses clients d'adhérer à un contrat d'assurance de groupe. Un auteur a souligné que, désormais, cette obligation implique, pour le banquier, "d'attirer spécialement l'attention de l'emprunteur adhérent sur [cette] adéquation" mais que, dans la mesure où l'assurance de groupe n'est pas, par définition, une assurance personnalisée, l'appréciation de cette adéquation s'avérera difficile (2).

Cet arrêt d'Assemblée plénière est à rapprocher de l'arrêt, ici commenté, du 14 juin dernier. Il s'agissait, dans cette décision, de déterminer l'obligation à laquelle est tenu le banquier lorsqu'il mentionne, dans l'offre de prêt, que celui-ci sera garanti par un contrat d'assurance souscrit par l'emprunteur auprès d'un assureur choisi par ce dernier.

Cette pratique s'explique, rappelons-le, par le fait que les banques essaient de se prémunir efficacement contre les risques d'une défaillance de l'emprunteur. Parmi les garanties à leur disposition, se trouve le contrat d'assurance. Il est, ainsi, fréquent que "la conclusion du contrat de prêt soit subordonné à l'adhésion préalable de l'emprunteur à un contrat garantissant le remboursement des sommes prêtées" (3). Cependant, cette garantie n'est pas sans inconvénient pour la banque qui, tenue d'une obligation d'information et de conseil dans le cadre de cette opération, peut engager sa responsabilité civile (4). Tel est justement ce qui se produisit dans notre cas d'espèce.

Dans cette affaire, en effet, une banque a accordé à M. et Mme X un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier. A la suite du décès de l'épouse, la banque a assigné M. X en paiement de diverses sommes dont le solde du prêt, aucune assurance n'ayant été souscrite par les emprunteurs.
Saisie du litige, la cour d'appel de Paris (5) a débouté M. X de ses demandes dirigées contre la banque, aux motifs que, dans la mesure où les emprunteurs ont manifesté leur intention de s'adresser à la MGEN et où ils ne pouvaient ignorer qu'il s'agissait de leur propre compagnie d'assurance, il leur appartenait de faire leur affaire personnelle de cette adhésion et que, dès lors, la banque n'a commis aucune faute.
C'est avec succès que M. X s'est pourvu en cassation puisque la deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel pour violation de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT). Elle énonce, pour cela, que "le banquier, qui mentionne dans l'offre de prêt que celui-ci sera garanti par un contrat d'assurance souscrit par l'emprunteur auprès d'un assureur choisi par ce dernier, est tenu de vérifier qu'il a été satisfait à cette condition ou, à tout le moins, de l'éclairer sur les risques d'un défaut d'assurance". L'affaire est, ainsi, renvoyée devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Cette décision vient donc encore renforcer l'obligation d'information du banquier lorsque celui-ci subordonne la conclusion d'un contrat de prêt à la souscription par l'emprunteur d'un contrat d'assurance.
En effet, lorsqu'il propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit, le banquier a l'obligation d'éclairer l'emprunteur sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle (Ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267, préc.).
Dans l'autre hypothèse, où il mentionne, dans l'offre de prêt, que celui-ci sera garanti par un contrat d'assurance souscrit par l'emprunteur auprès d'un assureur choisi par ce dernier, le banquier doit vérifier qu'il a été satisfait à cette condition ou, à tout le moins, de l'éclairer sur les risques d'un défaut d'assurance (Cass. civ. 2, 14 juin 2007, n° 03-19.229).

Vraisemblablement, la cour d'appel avait dû penser que, dans la mesure où les emprunteurs avaient manifesté leur intention de s'adresser à leur propre compagnie d'assurance (contrairement aux faits ayant donné lieu à l'arrêt d'Assemblée plénière), la banque ne leur devait aucune information portant sur leur adhésion. Or, même dans ce cas, la banque reste tenue d'une obligation consistant, ici, à vérifier qu'il a été satisfait à la condition de la souscription du contrat d'assurance ou, à tout le moins, d'éclairer l'emprunteur sur les risques d'un défaut d'assurance. Reste alors à savoir dans quelle mesure les juges estimeront que le banquier aura correctement éclairé l'emprunteur sur les risques d'un défaut d'assurance.


(1) Lire R. Routier, Le devoir du banquier d'éclairer son client : concept obscur ou parfaitement lumineux ?, Lexbase Hebdo n° 256 du 19 avril 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N6716BAY).
(2) A. Gourio, Renforcement de l'obligation d'information du banquier prêteur auprès de son client adhérant au contrat d'assurance de groupe, JCP éd. G, 2007, n° 10098.
(3) Th. Bonneau, Droit bancaire, Montchrestien, 6ème éd., 2005, n° 524.
(4) Par exemple, sur le contrat d'assurance collective pouvant accompagner le crédit immobilier, voir (N° Lexbase : E0867ATB).
(5) CA Paris, 15ème ch., sect. B, 6 décembre 2002, n° 2000/20416, M. Mohamed Marzouk (N° Lexbase : A7822DWM).

newsid:292792

Fonction publique

[Doctrine] La responsabilité des Etats membres de la Communauté du fait de leurs fonctionnaires

Réf. : CJCE, 17 avril 2007, aff. C-470/03, A.G.M.-COS.MET Srl c/ Suomen valtio (N° Lexbase : A9370DUL)

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N2765BCE

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par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Le principe de la responsabilité de l'Etat du fait de ses agents est ancien et remonte à la jurisprudence "Pelletier" (T. confl., 30 juillet 1873, Pelletier, Rec., 1er supplément 117, conclusions David N° Lexbase : A8538BDL). Le principe de la responsabilité de l'Etat pour violation du droit communautaire est plus récent mais il est, désormais, bien accepté, comme en témoigne la jurisprudence "Gardedieu" (CE Ass., 8 février 2007, Gardedieu N° Lexbase : A2006DUT). L'arrêt "Lehtinen", rendu le 17 avril dernier, constitue une conjugaison de ces deux principes. La société italienne A.G.M. fabrique des ponts élévateurs pour les véhicules qu'elle commercialise, notamment, en Finlande. En 2000, un contrôle opéré par les services du ministère des Affaires sociales et de la Santé a révélé certaines déficiences lors de l'examen d'un pont élévateur produit par la société. M. L., agent de ce ministère, a réalisé un rapport qui constatait que, d'une part, certains défauts d'un modèle de pont élévateur de la société A.G.M. avaient été mis en évidence à la suite d'un test et que, d'autre part, l'importateur avait, alors, modifié le système de verrouillage qui était, désormais, conforme aux exigences des législations européennes et finlandaises. Un courrier informant des risques des élévateurs avait, en outre, été adressé aux entreprises qui possédaient le modèle en cause. L'administration finlandaise devait, alors, prendre une position définitive après de nouveaux contrôles. Au début du mois de janvier 2001, M. L., qui avait obtenu l'autorisation de son supérieur hiérarchique, a été interviewé pour le journal télévisé de 20h30 de la chaîne nationale TV1 et a déclaré que les ponts élévateurs d'A.G.M. pouvaient présenter un danger. Un article réalisé à la suite d'un entretien avec M. L. est, également, paru dans la presse. Il avait, par ailleurs, participé à une réunion avec la confédération du commerce technique qui représentait des concurrents d'A.G.M.. Après s'être vu retirer le dossier, M. L. a fait l'objet d'une procédure disciplinaire au terme de laquelle un avertissement lui a été infligé.

La société A.G.M. a engagé une action en responsabilité contre l'Etat finlandais et contre M. L. afin d'obtenir réparation du préjudice subi (perte de chiffre d'affaires). Le juge a, donc, saisi la Cour de justice afin de savoir si le comportement de M. L. constituait une entrave à la libre circulation des marchandises imputable à l'Etat finlandais. La Cour ne s'est pas prononcée sur le fondement de l'article 28 CE, car les élévateurs en cause relevaient d'une Directive d'harmonisation (Directive 98/37/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux machines N° Lexbase : L9976AUZ, JOCE n° L 207 du 23 juillet 1998, p. 1). Or, lorsqu'un domaine a fait l'objet d'une harmonisation exhaustive au niveau communautaire, la législation dérivée s'applique à la place des règles du droit originaire (CJCE, 12 octobre 1993, aff. C-37/92, Procédure pénale c/ José Vanacker, André Lesage, partie civile SA Baudoux combustibles N° Lexbase : A9256AUD, Rec., p. I-4947). Toutefois, que la Cour raisonne sur le fondement de l'article 28 CE ou sur le fondement de la Directive 98/37/CE, la question de l'existence d'une entrave et de son imputabilité à l'Etat finlandais se pose en des termes identiques.

La Cour de justice a estimé qu'existait une entrave imputable à l'Etat finlandais (I) qui engage sa responsabilité pour violation du droit communautaire (II).

I. L'existence d'une entrave imputable à l'Etat finlandais

La principale difficulté pour la Cour de justice était de déterminer si le comportement de M. L. devait être imputé à l'Etat finlandais. Il faut, ici, rappeler que le droit communautaire, comme le droit international dans lequel il trouve ses racines, a une conception monolithique de l'Etat et ne se préoccupe pas de son organisation interne. Dès lors, classiquement, tout organe, fût-il constitutionnellement indépendant, engage la responsabilité de l'Etat membre (CJCE, 5 mai 1970, aff. C-77/69, Commission des communautés européennes c/ Royaume de Belgique N° Lexbase : A6625AUW, Rec., p. 237). Il en va de même des personnes privées qui se sont vues confier des prérogatives de puissance publique (CJCE, 24 novembre 1982, aff. C-249/81, Commission des Communautés européennes c/ Irlande N° Lexbase : A6331AUZ, Rec., p. 4005). Le droit communautaire et le droit international sont, sur ce point, en parfaite concordance. Les comportements des personnes privées ne sont, en revanche, pas imputables à l'Etat, cependant, l'inertie de l'Etat face à des actions privées contraires au droit communautaire peut engager sa responsabilité (CJCE, 9 décembre 1997, aff. C-265/95, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A1710AWA, Rec. p. I-6959).

La question est, ici, un peu différente, puisqu'il s'agit de savoir si le comportement d'un fonctionnaire doit être imputé ou non à son Etat. Dans son projet de codification relatif à la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite, la Commission du droit international a proposé un article 7 intitulé "Excès de pouvoir ou comportement contraire aux instructions", selon lequel "le comportement d'un organe de l'Etat ou d'une personne ou entité habilitée à l'exercice de prérogatives de puissance publique est considéré comme un fait de l'Etat d'après le droit international si cet organe, cette personne ou cette entité agit en cette qualité, même s'il outrepasse sa compétence ou contrevient à ses instructions" (pour consulter le texte, voir le système de diffusion électronique des documents de l'ONU). La Cour européenne des droits de l'Homme a, pour sa part, clairement jugé que "la responsabilité d'un Etat au titre de la Convention peut être engagée pour les actes de tous ses organes, agents et fonctionnaires. Comme c'est généralement le cas en droit international, le rang de ceux-ci importe peu, puisque les actes des personnes agissant dans le cadre de leurs fonctions officielles sont en tout état de cause imputés à l'Etat. En particulier, les obligations qui incombent à l'Etat en vertu de la Convention peuvent être violées par toute personne exerçant une fonction officielle qui lui a été confiée" (CEDH, 28 octobre 1999, req. 28396/95, Wille c/ Liechtenstein N° Lexbase : A7661AWN).

Il n'est nul besoin de rappeler que l'imputabilité du comportement d'un agent public à l'Etat est un grand classique du droit administratif à travers la distinction entre la faute personnelle et la faute de service. Les fameuses formules de Laferrière (conclusions T. confl., 5 mai 1877, Laumonnier-Carriol, Rec., p. 437) constituent le cadre de cette distinction telle qu'elle est mise en oeuvre par le Conseil d'Etat. Il y a faute de service, "si l'acte dommageable est impersonnel, s'il révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur" ; il y a faute personnelle s'il révèle "l'homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences". Dès lors, classiquement, la faute commise, matériellement et juridiquement, en dehors du service est une faute personnelle. Il en va de même si la faute est commise dans ou à l'occasion du service, mais comporte une intention de nuire ou présente une gravité exceptionnelle (M. Long et alii, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Paris, Dalloz, 15ème éd. 2005, n° 2.3). Au regard de la jurisprudence administrative, les comportements de M. L. auraient été qualifiés de fautes de service. Les excès verbaux ne sont considérés comme des fautes personnelles que s'ils procèdent de la malveillance ou d'une intention de nuire (R. Chapus, Droit administratif général, tome 1, Paris, Montchrestien, 15ème éd. 2001, n° 1526-2). Constitue une faute de service une lettre circulaire d'un adjoint au maire émettant des appréciations critiques sur une association (T. confl., 25 janvier 1993, Association Vivre la rue N° Lexbase : A5939BK8, Rec., p. 679) ; le directeur d'un hôpital commet, en revanche, une faute personnelle en affirmant à plusieurs personnes, dans un pur esprit de dénigrement, qu'un médecin a "saboté un appareil de radiologie" (T. confl, 12 juin 1961, Picot, Rec., p. 973, RDP 1961, p. 1075, note M. Waline). Le comportement de M. L. n'était probablement pas malveillant et pouvait être considéré comme une faute de service.

Les critères de la Cour de justice semblent a priori relativement identiques à ceux du juge administratif français, puisqu'elle recherche si le comportement de l'agent a été commis dans le service. Il convient, en effet, d'apprécier si "le fonctionnaire est, de manière générale, compétent dans le secteur en question ; [...] diffuse ses déclarations écrites en utilisant le papier à en-tête officiel du service compétent ; [...] accorde des entretiens télévisés dans les locaux de son service et [si] les services étatiques n'entreprennent pas, dans les meilleurs délais, les démarches nécessaires pour dissiper, chez les destinataires des déclarations du fonctionnaire, l'impression qu'il s'agit de prises de positions officielles de l'Etat" (n° 58). La Cour de justice ne s'est, toutefois, pas prononcée sur la gravité du comportement et sur les intentions de M. L.. Dans la mesure où la Cour de justice était amenée à répondre pour la première fois à ce type de question, il serait prématuré d'affirmer que cette différence constitue une divergence avec le juge administratif français.

On remarquera, enfin, que l'Etat finlandais ne pouvait justifier cette entrave en invoquant le principe de la liberté d'expression. On rappellera qu'en droit français les fonctionnaires sont tenus à une obligation de réserve, et tout spécialement pendant l'exercice de leurs fonctions.

Une fois le comportement de M. L. imputé à l'Etat finlandais, il restait à la Cour de justice à préciser le régime de la responsabilité de l'Etat pour violation du droit communautaire.

II. La responsabilité de l'Etat finlandais pour violation du droit communautaire

La Cour de justice rappelle les trois conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat pour violation du droit communautaire telles qu'elles ont été systématisées par la jurisprudence "Brasserie du pêcheur" (CJCE, 5 mars 1996, aff. jointes C-46/93 et C-48/93, Brasserie du pêcheur c/ République fédérale d'Allemagne et The Queen c/ Secretary of State for Transport ex parte : Factortame Ltd e.a. N° Lexbase : A8049AYR, Rec., p. I-1029) : la règle de droit violée doit avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers ; la violation doit être suffisamment caractérisée ; enfin, il doit y avoir un lien de causalité direct entre la violation de l'obligation qui incombe à l'Etat et le dommage subi par les personnes lésées.

Sur la première condition, il était, ici, incontestable que la Directive 98/37/CE conférait le droit à A.G.M. de commercialiser ses élévateurs dans la mesure où ils étaient bien conformes à ses exigences. La deuxième condition n'a guère d'intérêt au regard du droit français puisque, dans une telle hypothèse, la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute simple. On notera, simplement, que dans la mesure où l'Etat ne disposait d'aucune marge de manoeuvre dans le cadre de la Directive, sa simple méconnaissance constitue en elle-même une violation suffisamment caractérisée (CJCE, 23 mai 1996, aff. C-5/94, The Queen c/ Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte : Hedley Lomas (Ireland) Ltd. N° Lexbase : A0050AWR, Rec., p. I-2553). La troisième condition est également remplie car il semblerait que, à la suite des déclarations de M. L., le chiffre d'affaires d'A.G.M. en Finlande ait sensiblement diminué.

La juridiction finlandaise demandait, également, à la Cour de justice s'il était possible de soumettre l'action d'A.G.M. à des conditions supplémentaires. Le droit finlandais ne prévoit, en effet, la réparation des préjudices économiques causés par l'Etat que dans des circonstances particulières. De manière ambiguë, la Cour rappelle que "lorsque les conditions du droit à réparation fondé sur le droit communautaire sont réunies, il revient à l'Etat membre de réparer, dans le cadre du droit national de la responsabilité, le préjudice causé. Il convient de relever, en outre, que les conditions de fond et de forme fixées par les diverses législations nationales en matière de réparation des dommages ne sauraient être moins favorables dans un tel contexte que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne et ne sauraient être aménagées de manière à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'obtention de la réparation" (n° 89). Cet encadrement de l'autonomie des Etats par les principes d'équivalence et d'effectivité minimale est logique s'agissant des conditions procédurales, mais il est dépourvu de sens s'agissant des conditions de fond. Comment à la fois affirmer que l'Etat doit réparer si les trois conditions sont remplies et qu'il peut subordonner cette action à d'autres conditions de fond ? Il y a là une aporie. En pratique, elle est, ici, surmontée par la Cour car elle estime "que l'exclusion totale, au titre du dommage réparable, du manque à gagner ne peut être admise en cas de violation du droit communautaire. En effet, spécialement à propos de litiges d'ordre économique ou commercial, une telle exclusion totale du manque à gagner est de nature à rendre en fait impossible la réparation du dommage" (n° 95). Le droit français est, sur ce point, parfaitement conforme au droit communautaire, puisqu'il admet sans difficulté la réparation des préjudices économiques.

Pour terminer, la Cour indique à la juridiction finlandaise que "en cas de violation du droit communautaire, celui-ci ne s'oppose pas à ce que la responsabilité d'un fonctionnaire puisse être engagée en sus de celle de l'Etat membre, mais ne l'impose pas" (n° 99).

Il ne reste, donc, plus qu'aux administrations de veiller à ce que leurs agents n'aient pas des comportements anti-communautaires, sauf à voir leur responsabilité engagée.

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Sociétés

[Textes] L'encadrement des "parachutes dorés" par la loi en faveur du travail de l'emploi et du pouvoir d'achat

Réf. : Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, art. 17 (N° Lexbase : L2417HY8)

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N2768BCI

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par Vincent Téchené, SGR - Droit des affaires

Le 07 Octobre 2010

Faisant suite aux engagements pris par le Président de la République, le Gouvernement a déposé, le 27 juin 2007, un projet de loi ayant pour principal objectif "la relance de l'économie par la réhabilitation du travail comme valeur, comme outil d'amélioration du pouvoir d'achat et comme instrument de lutte contre le chômage" (1). L'urgence ayant été déclarée sur ce texte, le 29 juin, le projet a abouti à l'adoption, le 21 août dernier, de la loi dite "Tepa". Ce texte intéresse, pour l'essentiel, le droit fiscal et le droit social (2). Il comporte, néanmoins, des dispositions relatives au droit des sociétés, au premier rang desquelles figure l'encadrement des rémunérations différées, afin de répondre à l'attente des français à la suite de révélations, dans la presse, de certains "parachutes dorés", versés à des dirigeants dont les sociétés ont enregistré de mauvais résultats. L'objectif de leur encadrement n'était pas, pour autant, d'interdire cette pratique, mais plutôt de faire respecter un principe de proportionnalité entre la rémunération des dirigeants sociaux et les performances de la société qu'ils dirigent, afin de la moraliser. A cette fin, l'article 17 de loi du 21 août 2007 modifie les conditions d'octroi des rémunérations différées. Le dispositif mis en place repose, d'une part, sur la soumission de l'octroi de ces rémunérations à des conditions de performance des bénéficiaires et, d'autre part, sur un renforcement de la transparence de ces rémunérations.

I - La subordination de la validité de l'octroi des "parachutes dorés" à des conditions de performances des dirigeants bénéficiaires

  • Régime antérieur à la loi du 21 août 2007, applicable aux rémunérations différées

S'agissant du régime antérieur à la loi du 21 août 2007, l'article 8 de la loi "Breton" (loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de l'économie N° Lexbase : L5001HGC), a inséré dans le Code de commerce les articles L. 225-42-1 (N° Lexbase : L4054HBR) (pour les sociétés anonymes à conseil d'administration) et L. 225-90-1 (N° Lexbase : L3739HB4) (pour les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance). Ces textes soumettent au régime des conventions réglementées l'ensemble des rémunérations différées qui bénéficient aux dirigeants des sociétés cotées.

En effet, ils prévoient que "dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les engagements pris au bénéfice de leurs présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués [ou membres du directoire, le cas échéant], par la société elle-même ou par toute société contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16 ([LXB=L5841AI8 ]), et correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions, ou postérieurement à celles-ci, sont soumis aux dispositions des articles L. 225-38 (N° Lexbase : L5909AIP) et L. 225-40 (N° Lexbase : L5911AIR) à L. 225-42 [L. 225-86 N° Lexbase : L5957AIH) et L. 225-88 (N° Lexbase : L5959AIK) à L. 225-90, pour les SA de type dualiste]".

Cette soumission au régime des conventions réglementées est applicable aux conventions conclues à compter du 1er mai 2005.

Ces rémunérations doivent donc recevoir l'autorisation préalable du conseil d'administration ou du conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-38 et L. 225-86), faire l'objet d'un rapport spécial des commissaires aux comptes, et être soumises à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires, laquelle statue sur le rapport précité des commissaires aux comptes (C. com., art. L. 225-40, al. 2 et 3 et L. 225-88, al. 2 et 3).

Les conventions conclues sans autorisation préalable du conseil d'administration ou du conseil de surveillance peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société, la nullité pouvant être couverte par un vote de l'assemblée générale intervenant sur rapport spécial des commissaires aux comptes exposant les circonstances en raison desquelles la procédure d'autorisation n'a pas été suivie (C. com., art. L. 225-42 N° Lexbase : L5913AIT et L. 225-90 N° Lexbase : L5961AIM). En outre, par application des articles L. 225-41 (N° Lexbase : L5912AIS) et L. 225-89 (N° Lexbase : L5960AIL) du même code, les décisions de rémunération différée, approuvées ou non par l'assemblée générale, produisent leurs effets à l'égard des tiers, sauf  lorsqu'elles sont annulées dans le cas de fraude.

  • Modifications apportées par l'article 17  de la loi du 21 août 2007

La loi "Tepa" ne modifie pas le premier alinéa des articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du Code de commerce, posant le principe de la soumission des rémunérations différées à la procédure des conventions réglementées. L'article 17 de la loi ajoute, notamment, un alinéa 2 à ces articles, prévoyant une interdiction des rémunérations différées, en faveur des mandataires sociaux des sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, "dont le bénéfice n'est pas subordonné au respect de conditions liées aux performances du bénéficiaire, appréciées au regard de celles de la société dont il préside le conseil d'administration ou exerce la direction générale ou la direction générale déléguée, [ou dont il est membre du directoire]".

Rémunérations visées par le texte

Reprenant le formule introduite par la loi sur la confiance et la modernisation de l'économie dans l'alinéa précédent (cf. supra), toutes les rémunérations différées sont concernées (indemnités forfaitaires, levées d'options de souscription d'actions, avantages matériels ou en nature,...).

Toutefois, le nouvel alinéa 6 des articles L. 225-42-1et L. 225-90-1 du Code de commerce exclue du dispositif conditionnant l'octroi des rémunérations différées aux performances des bénéficiaires :

- d'une part, les engagements correspondant à des indemnités en contrepartie d'une clause de non-concurrence ;

- d'autre part, les engagements de retraite à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes mentionnés à l'article L. 137-11 du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L3315HWP), c'est-à-dire les "retraites chapeau", ainsi que des engagements répondant aux caractéristiques des régimes collectifs et obligatoires de retraite et de prévoyance visés à l'article L. 242-1 du même code (N° Lexbase : L3404HWY).

Si elles ne sont pas soumises à la condition de performances, ces indemnités restent, bien sûr, soumises à la procédure des conventions réglementées.

Dirigeants visés par le texte :

Ne sont concernées par les nouvelles dispositions, que les rémunérations différées allouées à leurs présidents des conseils d'administrations, directeurs généraux, directeurs généraux délégués et membres des directoires par les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou par toute société contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16.

En sont, par conséquent, exclus les administrateurs et membres des conseils de surveillance des sociétés cotées, ainsi que tous les dirigeants des sociétés non-cotées. 

La notion de performance

Le nouveau texte ne définit pas la notion de "performances". Il prévoit, seulement, que les performances de l'intéressé sont appréciées au regard de celles de la société. Cette précision n'était pas dans le projet initial du Gouvernement, mais est issue de deux amendements coordonnés. "En toute rigueur intellectuelle, la réussite du dirigeant, comme son échec, ne peut évidemment être appréciée qu'à l'aune des succès, ou des revers, rencontrés par l'entreprise" (3).

De plus, les articles L. 225-42-1, alinéa 5, et L. 225-90-1, alinéa 5, du Code de commerce énoncent qu'"aucun versement, de quelque nature que ce soit, ne peut intervenir avant que le conseil d'administration [ou le conseil de surveillance] ne constate, lors ou après la cessation ou le changement effectif des fonctions, le respect des conditions prévues".

Le conseil d'administration ou le conseil de surveillance est, par conséquent, chargé de vérifier que les conditions posées lors de la décision de la rémunération différée ont été remplies, ou pas, par le bénéficiaire. Seule la constatation par ces organes que le dirigeant a bien rempli les conditions de performances, telles qu'elles ont été posées a priori, ouvrira le droit au versement des rémunérations différées.

Par ailleurs, cette décision est rendue publique, selon des modalités et dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat.

La troisième phrase du même alinéa garantit le respect de la règle en prévoyant que "tout versement effectué en méconnaissance de ces dispositions serait nul de plein droit".

II - Une transparence accrue

L'article 17 de la loi "Tepa" a complété le dispositif issue de la loi "Breton" (cf. supra) en soumettant les rémunérations différées à un régime spécial de conventions réglementées, dont l'objectif majeur est d'assurer une plus grande transparence de leur octroi. Ces nouvelles dispositions modifient, toujours en des termes identiques, les articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1, en ajoutant aux deux textes les alinéas 3 et 4.

Ainsi, "l'autorisation donnée par le conseil d'administration en application de l'article L. 225-38 [ou le conseil de surveillance en application de l'article L. 225-88] est rendue publique selon des modalités et dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat".

On relèvera, à l'instar du sénateur Marini (4), que l'application de cette disposition permettra aux actionnaires d'être informés en amont des décisions prises, et aux marchés financiers d'en avoir connaissance. L'exigence d'une résolution individualisée pour chaque mandataire social concerné est donc de nature à accroître sensiblement la marge de manoeuvre des assemblées générales.

Le quatrième alinéa de chacun des articles impose que l'assemblée générale des actionnaires se prononce par "une résolution spécifique pour chaque bénéficiaire" sur les rémunérations différées des mandataires sociaux, telles que le conseil d'administration ou de surveillance les a fixées et les lui soumet pour approbation, en application de l'article L. 225-40 ou de l'article L. 225-88 du Code de commerce.
Cette disposition tend à éviter les pratiques de quasi "vote bloqué", auxquelles sont soumises les assemblées générales.

La deuxième phrase précise que l'approbation de l'assemblée générale, s'agissant des rémunérations différées, est requise à chaque renouvellement du mandat des intéressés.

En plus de la mise en place d'une procédure particulière pour les rémunérations différées, et comme nous l'avons vu dans la première partie, la décision du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, par laquelle il vérifie lors ou après la cessation ou le changement effectif des fonctions, que des conditions prévues sont respectées, est rendue publique selon des modalités et dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat.

Là encore, les engagements correspondant à des indemnités en contrepartie d'une clause de non-concurrence, ainsi que les engagements de retraite chapeau et les engagements répondant aux caractéristiques des régimes collectifs et obligatoires de retraite et de prévoyance visés à l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale ne sont pas soumis à la procédure spécifique.

Enfin, le V de l'article 17 de la loi "Tepa" complète l'article L. 823-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L3059HCB) par la phrase suivante : "[les commissaires aux comptes] attestent spécialement l'exactitude et la sincérité des informations relatives aux rémunérations et aux avantages de toute nature versés à chaque mandataire social".
Cette obligation avait été introduite par la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie dans l'article L. 225-235 du Code de commerce (N° Lexbase : L3895HBU). Mais, cette disposition n'avait pas été reprise par l'ordonnance du 8 septembre 2005 (ordonnance n° 2005-1126, relative au commissariat aux comptes N° Lexbase : L9911HBP, lire J.-P. Dom, Le contrôle des rémunérations, entre le dédale et l'impasse..., Lexbase Hebdo n° 187 du 27 octobre 2005 - édition affaires N° Lexbase : N9830AIW). En effet, son article 20 III a, notamment, abrogé, probablement accidentellement, les alinéas 1 à 4 de l'article L. 225-235 du Code de commerce. Cette erreur est donc réparée par la loi du 21 août 2007.

III - Applicabilité des dispositions relatives aux parachutes dorés

Ce nouveau dispositif s'applique aux rémunérations différées décidées à compter de la publication de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, c'est-à-dire à compte du 22 août 2007. Mais, le texte prévoit, également, que les rémunérations différées déjà fixées au moment de la publication de la loi devront être mises en conformité avec les nouvelles règles, dans une période d'adaptation de dix-huit mois à compter du 22 août 2007, soit le 22 février 2009.

A défaut de mise en conformité au terme du délai de dix-huit mois, les engagements concernés pourront être annulés s'ils ont eu des conséquences dommageables pour la société. Précision étant faite, ici, que le délai de prescription, en principe de trois ans, des actions en nullité ouvertes à l'encontre des conventions réglementées conclues sans l'autorisation préalable du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, est calculé, "à compter de l'expiration du délai de dix-huit mois" accordé pour la mise en conformité requise.

Néanmoins, l'assemblée générale des actionnaires peut couvrir la nullité encourue par la convention, conformément aux article L. 225-42, alinéa 3, et L. 225-90, alinéa 3, du Code de commerce. A cet effet, le VI de l'article 17 de la loi prévoit que le rapport spécial des commissaires aux comptes, sur lequel l'assemblée générale doit se prononcer en vue de couvrir d'éventuels manquements aux règles afférentes aux conventions réglementées, "expose les circonstances en raison desquelles la mise en conformité n'a pas été faite".


(1) Projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, exposé des motifs. 
(2) V., notamment, sur le revenu de solidarité active, introduit par la loi "Tepa", Ch. Willmann, Revenu de solidarité active : le législateur consacre le rapport "Hirsch", mais à titre expérimental, Lexbase Hebdo n° 271 du 6 septembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2559BCR) ; et sur la réforme des heures supplémentaires, Ch. Willmann, Nouveau régime des heures supplémentaires et réduction "Fillon", Lexbase Hebdo n° 272 du 13 septembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2907BCN).
(3) Rapport n° 404 (2006-2007) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2007.
(4) Rapport, préc..

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Internet - Bulletin d'actualités n° 7

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Juillet 2007

Lecture: 17 min

N2734BCA

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Le 07 Octobre 2010

Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies. A noter ce mois-ci, quelques jugements concernant les hébergeurs de site internet, ainsi qu'un arrêt très important de la Cour de cassation relatif au monopole conféré au PMU par la réglementation française au regard du droit communautaire.

  • Par un jugement en date du 26 mars 2007, le tribunal d'instance de Rennes condamne la société Ebay International AG à payer 920 euros à un acheteur escroqué par un vendeur sur le site ebay.fr : TI Rennes, 26 mars 2007, n° RG 11-05-001696, Monsieur L. c/ Société Ebay et Société Ebay AG (N° Lexbase : A9282DWP)

Faits :

Monsieur L. a remporté une enchère sur le site internet ebay.fr portant sur la vente d'un jet-ski. Il a adressé au vendeur, résidant en Grèce, par mandat Western Union, la somme de 4 600 euros après avoir reçu un message électronique portant le logo Ebay et signé "ebay Safety Departement Customer Support" l'invitant à procéder de la sorte.

En l'absence de réponse du vendeur, Monsieur L. a adressé un message à Ebay lui demandant de bloquer le paiement tant que le jet-ski ne lui était pas livré. Le service consommateur d'Ebay International lui a, alors, répondu par courrier électronique que la somme versée lui serait restituée à l'issue d'une enquête menée par la police athénienne.

Faute d'avoir récupéré le jet-ski ou la somme versée un mois plus tard, Monsieur L. a contacté le service consommateur d'ebay.fr qui lui a répondu que l'opération était inconnue de ses services et qu'il avait été victime d'une escroquerie par un vendeur ayant usurpé l'identité d'Ebay.

Monsieur L. a, alors, assigné Ebay France devant le tribunal d'instance de Rennes pour obtenir réparation du préjudice subi en se fondant, d'une part, sur la théorie du mandat apparent et, d'autre part, sur la violation par Ebay de son obligation d'informer les utilisateurs sur les risques de fraude et la sécurité des transactions.

Dans la mesure où Ebay France soutenait que les demandes étaient irrecevables à son encontre, Monsieur L. a assigné Ebay International AG pour la faire condamner solidairement avec Ebay France au paiement de la somme de 4 600 euros.

Décision :

Le TI considère que les demandes formulées à l'encontre d'Ebay France sont irrecevables dans la mesure où "elle ne fait qu'assurer la promotion, le développement et l'adaptation aux règles du droit français des services proposés sur le site ebay.fr par la société Ebay International AG". Le TI conclut que la société Ebay International AG a seule qualité pour se défendre dans la présente affaire.

Afin d'obtenir la restitution de la somme de 4 600 euros auprès de Ebay International AG, Monsieur L. s'est fondé sur la théorie de l'apparence.

Selon cette théorie, une personne est considérée comme en représentant une autre à l'égard des tiers, en vertu d'un mandat apparent, lorsque les tiers ont légitimement pu croire qu'elle agissait au nom et pour le compte du mandant.

Monsieur L. soutenait, en effet, que les messages électroniques qu'il a reçus lui ont légitiment laissé croire qu'ils émanaient de la société Ebay, celle-ci se trouvant engagée par le courrier électronique lui assurant la restitution de la somme versée en cas de non remise du jet-ski.

Le TI relève que, "pour pouvoir engager la responsabilité d'Ebay International AG, il revient à Monsieur L. de démontrer qu'il pouvait légitimement croire que l'auteur de ces messages agissait en représentation de la société Ebay International AG". Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, selon le TI, puisque Monsieur L. avait clairement affirmé aux juges que les "messages considérés provenaient de la société Ebay et non d'un tiers dont il aurait pu croire qu'il avait pouvoir d'engager la société".

Le TI décide qu'en usurpant l'identité d'Ebay, le vendeur cherchait à se faire passer pour Ebay et non pour un représentant d'Ebay. Dans ce dernier cas, Ebay aurait pu être engagée contractuellement par son représentant en vertu de la théorie du mandat apparent. Ainsi, le TI refuse de condamner Ebay International AG à rembourser la somme de 4 600 euros sur ce fondement.

Monsieur L. reprochait, également, à Ebay International AG d'avoir manqué à son obligation d'information. Le TI pose le principe selon lequel "la société Ebay International AG convient d'être tenue d'une obligation d'information sur les risques de fraude et la sécurité des transactions à l'égard des personnes inscrites sur le site ebay.fr et au demeurant la présence de pages consacrées à ces domaines sur ledit site établit au besoin l'existence de cette obligation à la charge de la société Ebay International AG". En outre, poursuit le TI, "celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de celle-ci".

Or, le TI constate que Ebay a effectivement déconseillé à Monsieur L. de finaliser la transaction, mais cette information est arrivée postérieurement à la transaction litigieuse (alors même que la période d'enchère n'avait pas encore pris fin). Le TI juge que tous les éléments de preuve produits aux débats par Ebay International AG sont postérieurs à la période de transaction litigieuse de sorte qu'ils "sont impropres à démontrer que l'information fournie à l'époque était complète et suffisante", c'est-à-dire de nature à prévenir le préjudice subi par Monsieur L..

Par conséquent, le tribunal considère qu'Ebay International AG a manqué à son obligation d'information sur les risques de fraude et la sécurité des transactions à l'égard des utilisateurs du site ebay.fr.

Cependant, le TI constate que Monsieur L. "a agi avec une précipitation fautive, laquelle a largement concouru à la réalisation de la perte qu'il a subie" dans la mesure où il a transféré la somme de 4 600 euros selon un mode de paiement reconnu comme n'étant pas sécurisé, sans attendre la fin de l'enchère, alors que des anomalies et des incohérences (objet du contrat en France, vendeur en Grèce rédigeant les messages en anglais sur un site internet destiné à des internautes français) devaient le rendre prudent.

En conséquence, le TI engage la responsabilité d'Ebay à hauteur de 1/5ème du dommage en raison de l'absence d'informations complètes et suffisantes sur les risques de fraude et la sécurité des transactions. Ebay International AG est donc condamnée à verser à Monsieur L. la somme de 920 euros à titre de dommages intérêts.

Commentaire :

Par ce jugement en date du 26 mars 2007, le tribunal d'instance expose que la société Ebay International AG est tenue de fournir aux utilisateurs du site ebay.fr une information complète et suffisante sur les risques de fraude et sur la sécurité des transactions. Le manquement à cette obligation constitue une faute de nature à engager la responsabilité de Ebay International AG.

Cependant, la responsabilité de la société Ebay International AG peut être limitée lorsque la victime commet une faute.

En l'espèce, le tribunal relève que Monsieur L. a agi avec une précipitation fautive en procédant à la transaction selon un moyen de paiement non sécurisé, sans attendre la fin de l'enchère et sans prendre en considération différents éléments qui étaient de nature à démontrer l'escroquerie. Par conséquent, la responsabilité de Ebay International AG a été réduite de 80 %.

Nous pouvons noter que, dans un jugement en date du 1er février 2007, le tribunal d'instance de Grenoble jugeait que la responsabilité d'Ebay ne saurait être engagée dans la mesure où l'acheteur victime d'une fraude, qui n'a pas utilisé les moyens de paiement mis à sa disposition par Ebay (système Paypal), et qui n'a pas respecté les règles élémentaires de sécurité a fait preuve d'une particulière imprudence, laquelle a largement concouru à la réalisation de son préjudice.

Par conséquent, le fait pour l'acheteur victime d'une escroquerie de ne pas utiliser les moyens de paiement proposés par Ebay peut constituer une faute susceptible de limiter la responsabilité d'Ebay International AG, voire de l'exonérer.

  • Par une ordonnance de référé en date du 22 juin 2007, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné à la société américaine Myspace Inc., prise en qualité d'hébergeur et d'éditeur des pages personnelles créées par ses membres, de supprimer une page internet diffusant les vidéos d'un humoriste sans son consentement : TGI Paris, 22 juin 2007 n° RG 07/55081, Monsieur J. L. dit Lafesse c/ Société Myspace INC (N° Lexbase : A5140DXN)

Faits :

La société Myspace Inc. ("Myspace") dispose d'un site internet permettant à ses membres de créer gratuitement des pages personnelles. C'est ainsi qu'un membre a créé une page personnelle dédiée à Jean-Yves L., dit Lafesse, diffusant 35 vidéos de l'humoriste ainsi que sa photographie et son nom.

Lafesse a, alors, assigné en référé la société Myspace devant le tribunal de grande instance de Paris pour faire cesser la diffusion sans son autorisation de ses sketches sur le fondement (i) de l'atteinte à son image, (ii) de la violation des droits d'auteurs et droits voisins et (iii) de la contrefaçon de ses oeuvres.

Décision :

Le TGI a considéré que les sketches de l'humoriste étaient des oeuvres protégées au sens de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3360ADS) de sorte que leur diffusion sans le consentement de l'auteur constitue un acte de contrefaçon et est de nature à porter atteinte aux droits d'artiste interprète de l'humoriste.

En outre, la reproduction sur la page internet litigieuse du nom et de la photographie de Lafesse sans son autorisation constitue une violation des droits de sa personnalité (C. civ., art. 9 N° Lexbase : L3304ABY).

Par conséquent, le TGI a ordonné à la société Myspace, en sa qualité d'éditeur, (i) de supprimer la page internet dédiée à Lafesse sous astreinte et (ii) de verser à l'humoriste des dommages intérêts provisionnels de 58 000 euros en réparation des divers préjudices subis.

Commentaire :

Par cette ordonnance, le TGI considère que Myspace a le double statut d'hébergeur et d'éditeur. Elle constate, en effet, que dans la mesure où la société Myspace impose à ses hébergés "une structure de présentation par cadres" et où elle diffuse, "à l'occasion de chaque consultation, des publicités dont elle tire manifestement profit", Myspace avait non seulement la qualité d'hébergeur, mais également d'éditeur.

Cette ordonnance du TGI confirme l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 7 juin 2006 (CA Paris, 4ème ch., sect. A, 7 juin 2006, n° 05/07835, SA Tiscali Média c/ SA Dargaud Lombard N° Lexbase : A6632DR3), selon lequel la société Tiscali devait être regardée comme ayant la qualité d'éditeur "dès lors qu'il est établi qu'elle exploite commercialement le site www.chez.tiscali.fr puisqu'elle propose aux annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires payants directement sur les pages personnelles, telle que la page www.chez.com/bdz, sur lesquelles apparaissent différentes manchettes publicitaires".

Ainsi, au regard de la jurisprudence récente, une société qui propose à ses membres d'héberger des pages personnelles et qui exploite commercialement cette activité, grâce, notamment, à la publicité, doit assumer toutes les responsabilités dévolues aux hébergeurs et aux éditeurs de sites internet.

  • Par un jugement en date du 13 juillet 2007, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la société Dailymotion, prise en qualité d'hébergeur, pour avoir permis la diffusion sur son site internet du film "Joyeux Noël" : TGI Paris, 13 juillet 2007, n° RG 07/05198, M. C. C. c/ SA Dailymotion (N° Lexbase : A5139DXM)

Faits :

La société Dailymotion exploite un site internet permettant aux internautes de partager des vidéogrammes. Entre janvier et mars 2007, le film intitulé "Joyeux Noël", réalisé par Christian C. et produit par la société Nord-Ouest Production, est mis à disposition des internautes en streaming sur le site de Dailymotion sans autorisation préalable de Christian C. ou de la société Nord-Ouest Production.

Le réalisateur et le producteur du film assignent à jour fixe la société Dailymotion devant le tribunal de grande instance de Paris pour faire cesser cette diffusion et obtenir réparation de leurs préjudices.

Décision :

Christian C. et la société Nord-Ouest Production demandaient que la société Dailymotion soit considérée comme éditeur et non hébergeur, soutenant que l'activité développée par la société Dailymotion relevait du domaine de l'édition de contenu puisque le modèle économique choisi par la société Dailymotion reposait sur une exploitation commerciale liée exclusivement à la vente d'espaces publicitaires, Dailymotion n'étant pas rémunérée au titre de son activité de stockage de données.

La société Dailymotion soutenait, quant à elle, que son rôle était celui d'un simple hébergeur, "de sorte que sa responsabilité civile ne peut être recherchée que ce soit du chef de contrefaçon ou du chef de concurrence déloyale dès lors qu'elle a respecté les obligations mises à sa charge à savoir : mise en oeuvre de dispositifs d'information et d'alerte quant à tout nouveau contenu illicite incluant les contenus contrefaisants, retrait immédiat du contenu litigieux dès qu'il lui a été signalé et conservation des données disponibles permettant d'identifier l'utilisateur concerné, lequel n'a pas été mis en cause par les demandeurs".

Le TGI de Paris écarte la qualification d'éditeur aux motifs que "la commercialisation d'espaces publicitaires ne permet pas de qualifier la société Dailymotion d'éditeur de contenu dès lors que lesdits contenus sont fournis par les utilisateurs eux-mêmes, situation qui distingue fondamentalement le prestataire technique de l'éditeur, lequel, par essence même, est personnellement à l'origine de la diffusion, raison pour laquelle il engage sa responsabilité".

Le TGI qualifie donc la société Dailymotion d'hébergeur de contenu.

Cependant, le TGI considère que si, aux termes l'article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ("LCEN" N° Lexbase : L2600DZC), les hébergeurs "ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible", ce texte, poursuit le tribunal, n'instaure pas une "exonération de responsabilité mais seulement une limitation de responsabilité restreinte aux cas où les prestataires techniques n'ont pas effectivement connaissance du caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère".

Or, relève le TGI, le succès de la société Dailymotion "supposait nécessairement la diffusion d'oeuvres connues du public, seules de nature à accroître l'audience et à assurer corrélativement des recettes publicitaires". Dans ce contexte, la société Dailymotion "doit être considérée comme ayant connaissance à tout le moins de faits et circonstance laissant à penser que des vidéos illicites sont mises en ligne".

Ainsi, conclut le TGI, "si la loi n'impose pas aux prestataires techniques une obligation générale de rechercher les faits ou circonstances révélant des activités illicites, cette limite ne trouve pas à s'appliquer lorsque lesdites activités sont générées ou induites par le prestataire lui-même".

En l'espèce, le TGI constate que la société Dailymotion n'a mis en oeuvre aucun moyen propre à rendre impossible l'accès au film "Joyeux Noël" alors qu'il lui incombe de réaliser un contrôle a priori.

En conséquence, le TGI condamne la société Dailymotion, prise en qualité d'hébergeur, à payer 23 000 euros au réalisateur et au producteur du film sur le fondement de l'article 6-I-2 de la LCEN.

Commentaire :

L'apport de ce jugement est double.

Précisions sur le statut d'éditeur

Dans ce jugement, le TGI de Paris considère que le fait que la société Dailymotion commercialise des espaces publicitaires n'est pas un critère qui permet de la qualifier d'éditeur de contenu dès lors que lesdits contenus sont fournis par les utilisateurs eux-mêmes.

Or, ce même tribunal jugeait, le 22 juin 2007, en référé cette fois (affaire Jean-Yves Lafesse c/ Myspace, cf. supra), que la société Myspace devait être qualifiée non seulement d'hébergeur, mais également d'éditeur de contenu au motif qu'elle tirait manifestement profit des publicités diffusées à l'occasion de chaque consultation.

En outre, la cour d'appel de Paris avait jugé, le 7 juin 2006, que la société Tiscali devait être regardée comme ayant la qualité d'éditeur "dès lors qu'il est établi qu'elle exploite commercialement le site www.chez.tiscali.fr puisqu'elle propose aux annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires payants directement sur les pages personnelles, telle que la page www.chez.com/bdz, sur lesquelles apparaissent, différentes manchettes publicitaires" (cf. supra).

Ainsi, le critère de la commercialisation d'espaces publicitaires pour qualifier l'exploitant d'un site de partage de vidéogrammes d'éditeur de contenu semblerait être remis en cause.

Précisions sur le statut d'hébergeur

Par ailleurs, en ce qui concerne le régime juridique de l'hébergeur, qui rappelons-le, ne peut pas voir sa responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services s'il n'avait pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où il en a eu cette connaissance, il a agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible, le TGI considère, ici, qu'un exploitant d'un site de partage de vidéogrammes a connaissance d'activités illicites, lorsque lesdites activités sont générées ou induites par le prestataire lui-même. Le TGI considère que c'est le cas pour la société Dailymotion, le succès du site supposant nécessairement la diffusion d'oeuvres connues du public.

Le TGI prend, ainsi, en compte la nature de l'activité du site pour considérer si l'exploitant d'un site de partage de vidéos a connaissance ou non d'activités illicites.

Dès lors que l'hébergeur a connaissance d'activités illicites, il doit agir promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible. Par conséquent, il résulte de ce jugement que des sites ayant des activités similaires à celle de la société Dailymotion devraient prendre des mesures techniques destinées à retirer les contenus illicites ou de cesser d'en permettre l'accès avant même d'avoir été mis en demeure de le faire. La tendance à ordonner l'instauration d'un contrôle a priori des contenus publiés sur leurs sites se confirme donc.

  • La Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la cour d'appel du 4 janvier 2006 qui avait estimé que la réglementation française réservant au Pari Mutuel Urbain ("PMU") le monopole de l'organisation et de l'exploitation des paris sur des courses hippiques se déroulant en France, était conforme au droit communautaire : Cass. com., 10 juillet 2007, n° 06-13.986, Société Zeturf limited, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2233DXY)

Faits :

La société Zeturf, domiciliée à Malte, proposait aux internautes, via son site internet, de parier sur des courses hippiques se déroulant en France. Le GIE PMU a assigné en référé la société Zeturf pour faire juger que l'activité de la société Zeturf contrevenait à la législation française, notamment la loi modifiée du 2 juin 1891 (N° Lexbase : L4208HYI) et le décret n° 97-456 modifié du 5 mai 1997 en vertu desquels seul le PMU est habilité à collecter les paris en dehors des hippodromes (décret n° 97-456, 5 mai 1997, relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel N° Lexbase : L7261HT4).

Par une ordonnance de référé en date du 8 juillet 2005, le tribunal de grande instance de Paris ordonna à la société Zeturf de mettre fin à son activité de prise de paris en ligne sur les courses hippiques organisées en France et ce, sous astreinte provisoire de 15 000 euros par jour de retard en raison du trouble manifestement illicite que cette activité causait au monopole du PMU.

La cour d'appel de Paris, par un arrêt en date du 4 janvier 2006, confirma l'ordonnance du tribunal au motif que "la réglementation française n'est pas contraire à la norme européenne" relative à la libre prestation des services et ordonna à la société Zeturf de cesser la prise de paris en ligne sous astreinte provisoire de 50 000 euros par jour de retard (CA Paris, 14ème ch., sect. A, 4 janvier 2006, n° 05/15773 N° Lexbase : A2028DM3).

Dans un arrêt du 10 juillet 2007, la Cour de cassation, saisie par la société Zeturf, casse et annule l'arrêt de la cour d'appel pour manque de base légale et renvoie les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée pour que l'affaire soit rejugée en fait et en droit.

Décision :

Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, 21 octobre 1999, aff. C-67/98, Questore di Verona c/ Diego Zenatt N° Lexbase : A0585AWL ; CJCE, 6 novembre 2003, aff. C-243/01, Piergiorgio Gambelli e.a. N° Lexbase : A0552DAP ; CJCE, 6 mars 2007, aff. C-338/04, Massimiliano Placanica N° Lexbase : A4340DUB), "qu'une restriction à la libre prestation de services, découlant d'une autorisation limitée des jeux d'argent dans le cadre de droits spéciaux ou exclusifs accordés ou concédés à certains organismes, ne peut être justifiée que si elle est nécessaire pour atteindre l'objectif consistant à prévenir l'exploitation des jeux de hasard à des fins criminelles ou frauduleuses en les canalisant dans des circuits contrôlables ou l'objectif tenant à la réduction des occasions de jeux, et qu'une telle restriction n'est susceptible d'être justifiée au regard de ce dernier objectif que si la réglementation la prévoyant répond véritablement, au vu de ses modalités concrètes d'application, au souci de réduire véritablement les occasions de jeux et de limiter les activités dans ce domaine d'une manière cohérente et systématique, ce qui est exclu lorsque les autorités nationales adoptent une politique expansive dans le secteur des jeux afin d'augmenter les recettes du trésor public".

La Cour de cassation rappelle, ensuite, que "la libre prestation de services ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général et s'appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l'Etat de destination de la prestation de services, uniquement dans la mesure où cet intérêt n'est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l'Etat membre où il est établi, de sorte que les autorités de l'Etat de destination de la prestation de services doivent prendre en considération les contrôles et vérifications déjà effectuées par l'Etat d'origine de celle-ci".

Par conséquent, conclut la Cour de cassation, en ne recherchant pas si "les autorités nationales n'adoptaient pas une politique expansive dans le secteur des jeux afin d'augmenter les recettes du Trésor public" et si "l'intérêt général sur lequel se fondent les objectifs consistant à limiter les occasions de jeux et à prévenir l'exploitation de ces activités à des fins criminelles ou frauduleuses n'est pas déjà sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire de services est soumis dans l'Etat membre où il est établi", (c'est-à-dire la réglementation maltaise), la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Ainsi, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Paris et renvoie les parties devant la cour d'appel autrement composée.

Commentaire :

La Cour de cassation ne condamne pas le monopole conféré au PMU par la réglementation française au regard du droit communautaire. Dans un arrêt qu'on pourrait qualifier de didactique, elle fixe des lignes directrices que la cour d'appel aurait dû appliquer pour déterminer si ce droit exclusif était justifié au regard du principe de la libre prestation des services posé par l'article 49 du Traité instituant la Communauté européenne (N° Lexbase : L5359BCH). Ce sera à cette même cour d'appel, et forte de ces lignes directrices, de déterminer si les autorités françaises adoptent une politique extensive dans le secteur des jeux afin d'augmenter les recettes du Trésor public et de procéder à une analyse de la réglementation de l'Etat de Malte afin de vérifier si la législation maltaise permet la sauvegarde de l'intérêt général.

Cet arrêt de la Cour de cassation intervient après que la Commission européenne ait officiellement demandé, le 27 juin 2007, à la France de modifier sa législation sur les paris au motif que les restrictions pesant sur la prestation de services de paris sportifs en France sont en contradiction avec le droit communautaire.

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

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