La lettre juridique n°608 du 9 avril 2015

La lettre juridique - Édition n°608

Éditorial

Droit et blockbusters : prétexte, communication ou nécessité de notre temps ?

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 10 Avril 2015


Le 24 mars 2015, la Faculté de droit de l'Université de Strasbourg organisait une "soirée d'étude" dédiée à la célèbre trilogie fantastique de l'écrivain anglais John R. R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, en y appliquant une réflexion juridique. Intitulée The Law of the Rings, et avec pour sous-titre Perspectives juridiques en Terre du Milieu, la "soirée d'étude" avait pour ambition de "présenter une application des outils méthodologiques de la discipline juridique à un objet original", l'univers de Tolkien, livre le pitch. "C'est un colloque classique dans sa forme", confie au Figaro Anne-Laure Mosbrucker, Chargée d'étude. Professeurs, Maîtres de conférences, et doctorants se sont succédés pour discuter droit international, droit constitutionnel, crime contre l'Humanité, en imaginant notamment le jugement de Sauron, voire droit de l'environnement et droit privé avec le mariage "humano-elfique" entre l'elfe Arwen et l'humain Aragorn. Les organisateurs ne s'en cachaient pas : "l'objectif de l'opération [était] de faire du droit de manière sérieuse mais sur un objet qui est plus ludique". Ainsi, les intervenants ont voulu démontrer que "la science juridique a une méthode" applicable à "un objet qui est plus original". Succès incontestable, d'abord médiatique, puis présentiel avec près de 350 invités, cette "soirée d'étude" pose indéniablement la question du rôle de l'entertainment dans l'apprentissage de la science, ici juridique, dans un cadre qui, même borné, peut échapper à la pédagogie, pour tomber dans la pure communication. L'exercice n'est pas simple, mais s'il n'est, d'abord, pas nouveau, il est inexorable.

L'exercice de démocratisation de l'accès à l'intelligibilité du droit n'est pas nouveau, tout simplement parce qu'avec l'instruction des masses, est devenue nécessaire l'instruction civique aux rudiments juridiques qui nous entourent au quotidien. On n'a pas attendu Légifrance et l'accès gratuit à nombre de sources juridiques, toutes plus arides et absconses, les unes que les autres, sans trophallaxie nutritive pour les digérer chacune, pour transmettre les bases du droit, même privé, aux justiciables, sujets de sa Majesté d'abord, citoyens ensuite.

L'excellente anthologie illustrée de La littérature française et le droit de Claire Bouglé-Le Roux le démontre parfaitement. Quand Le Roman de Renart décrit une procédure pénale médiévale avec toutes ses aspérités en matière de saisine, de preuve, d'impunité, Molière enchante ses tirades sur l'autorité paternelle, le mariage et les successions, dans L'avare ou Le malade imaginaire, notamment. Et que dire de Balzac qui dépeint, outre la "caste des juristes" et autres études d'avoués de son époque à travers nombre de ses romans, les grands principes juridiques modernes, dans L'Interdiction ? Il n'y a qu'à lire les "classiques" pour avoir une approche fine, certes partisane, du droit et des gens de justice.

Plus efficace encore, l'association du droit et de l'image permet une "vulgarisation" -au sens latin du terme, c'est-à-dire une démocratisation- des principes juridiques qui gouvernent, dès lors, notre temps. Le premier essai concerna la bande dessinée, dont le succès conduisit même à la publication d'un ouvrage : Droit et Bande dessinée, L'univers juridique et politique de la bande dessinée, paru en 1998, sous la direction de Catherine Ribot. En 454 pages, l'ouvrage traite des organisations internationales, du droit d'auteur, du droit humanitaire, de la peine de mort, du droit des assurances, du droit d'ingérence, de la violence légitime, etc. en étudiant pêle-mêle Tintin, Astérix, bien entendu, mais aussi Enki Bilal, Hugo Pratt, Schuiten et Peeters... "L'enseignant y trouvera de nombreux exemples permettant d'appuyer une démonstration ; l'étudiant y appréhendera le droit autrement et constatera qu'il n'est pas pure technique ; l'amateur de bandes dessinées sera convaincu, s'il en est besoin, de la richesse de ses albums préférés" promet la Critique ! Un ouvrage portant sur le même thème fut, d'ailleurs, publié par la Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, à la suite de la journée d'étude Thesa Nostra, en 2011. Là encore, le droit pénal fut à l'honneur avec Lucky Luke ; l'expropriation pour cause d'utilité publique dans Rural ; ou le droit du travail chez Gaston Lagaffe... Carton plein : les critiques furent unanimes, des tenants de la Doctrine juridique française ou praticiens du droit, en passant pas les citoyens avides de (re)connaître leurs droits.

On sait la contribution de Jean-Michel Lattes, en 2007, dans Tintin et le droit du travail publiée dans les Mélanges en l'honneur du Professeur Spiteri. Le chercheur y décrit les sources du droit du travail, à travers l'idéologie sociale et la compatibilité entre la perception sociale de Tintin et le catholicisme social, comme il aborde les différents statuts en matière du droit du travail (salariés, artisans, commerçants, inventeurs, etc.) sur la base des personnages fantasques des différentes Aventures... Encore que l'exercice paraisse limité aux grandes idées politico-sociales du temps et à la confrontation des métiers des uns et des autres avec leur compatibilités juridiques au regard des prescriptions du code. Les clauses du contrat de travail, les relations collectives, etc., ne sont guère ici abordées.

L'ambition est également réservée, mais brillante, avec Serge Sur et sa contribution "La société internationale dans Les Aventures de Tintin" publiée dans le premier opus de Droit et Bande dessinée, L'univers juridique et politique de la bande dessinée, précité. Voilà qu'un publiciste parle et décrit une société internationale déréglée, dans l'oeuvre d'Hergé, un univers de prédation, où les institutions, les Etats et le droit sont des simulacres, pour finir sur l'abandon des espérances collectives et l'action individuelle et ses limites, pour montrer que le Roi est nu.

Cet exercice de démocratisation passe, également, par de récentes conférences sur le droit, la justice et le cinéma, organisées chaque année par les barreaux de Lyon et de Paris, tantôt sur l'instant criminel à travers M le maudit, American History X, Orange mécanique ou encore Le crime était presque parfait ; tantôt sur les effets de la crise avec Les fantastiques années 20 ou Les raisins de la colère. Des conférences qui rencontrent, en partenariat avec le monde universitaire, un succès grandissant.

Dans l'ensemble de ces exercices d'analyse juridique, il s'agit d'étudier sérieusement l'influence ou les ressorts du droit réel sur une situation fictive romanesque, graphique ou cinématographique. Ces exercices tendent à faciliter l'accès au droit ou plutôt à la compréhension du monde juridique qui nous entoure, que cet impact soit explicite, implicite, et parfois même rampant dans une société qui tend à être réglementée, certains diront, à l'excès.

Mais force est de constater que l'exercice, bien qu'estimable, présente d'indéniables limites.

D'abord, nous l'avons évoqué en filigrane, le droit privé est assez peu mis en exergue dans ce type d'exercice. Ce sont surtout les publicistes qui trouvent à commenter telle bande dessinée ou tel film, les privatistes seront plus à leur aise dans le monde proprement littéraire qui est, plus à même, de décrire des situations juridiques réalistes et complexes ou simplement quotidiennes, que la bande dessinée ignore et le cinéma tronque à des fins dramaturgiques. En revanche, les grands principes de droit public ou de droit international seront fortement présents dans les oeuvres graphiques. Ainsi, l'approche démocratisée du droit à travers ce type de conférence ou d'étude varie fortement en fonction de la thématique que l'on souhaite mettre en exergue. Et, avoir trouvé une oeuvre, comme Le Seigneur des Anneaux, qui puisse réunir publicistes et privatistes dans le même intérêt analytique, c'est déjà une réussite qu'il convient de saluer.

Ensuite, se pose évidemment la question des contournements utilisés pour dégager un principe de droit à travers une oeuvre fictive qui, d'une part, n'a pas même pour finalité extrinsèque d'aborder le droit et, d'autre part, a pour finalité intrinsèque de distraire. Les dialogues et les images sont parfois tordus pour évoquer telle ou telle règle de droit, sérieusement s'entend ; mais c'est là aussi tout l'art du conférencier ou de l'auteur de Doctrine.

Se pose plus prosaïquement, également, la question rituelle : qui boni ? L'exercice profite-t-il vraiment aux citoyens lecteurs du "droit pour les nuls" ou simples curieux de l'empreinte juridique dans nos arts et spectacles, ou au corps professoral impatient de sortir d'une fausse torpeur où on l'y croit enfermé ?

Enfin, et surtout, ce type de "soirée d'étude" marque un tournant sociétal dans l'appréhension des matières scientifiques, telles que le droit lui-même. L'image est aussi un support essentiel à la réflexion juridique, décrivant à peu de frais et surtout de mots, des situations qui devront, de toute manière, passer par les fourches caudines de l'analyse professionnelle -si l'on veut que l'exercice demeure sérieux-. De même que Monsieur Purgon ne descend pas de son piédestal en abandonnant son verbiage, le juriste, l'avocat et le professeur, en particuliers, n'ont que plus de mérite avec cet effort de "vulgarisation" du droit par une approche enjouée, communicative et finalement pédagogique de leur matière.

A l'heure où un certain projet de loi vise à aggraver la désertification des territoires, fragiliser les petits cabinets et priver nombre de justiciables d'un accès égal au droit, à l'encontre du principe même d'une justice de proximité, l'effort de "vulgarisation" par le professionnel du droit est bien évidemment louable, s'il ne constitue pas un coup d'épée dans l'eau ; c'est-à-dire s'il est relayé par les pouvoirs publics.

"Si vulgariser, c'est porter à d'autres ce qu'on aime, je suis d'accord" disait le regretté Jacques Chancel. Où a-t-on vu que Le grand échiquier desservit la musique de Rostropovitch ? Mais encore ne faudrait-il pas tomber dans l'excès indigeste d'une conférence artificielle sur le droit dans la série du Gendarme de Saint-Tropez. Mais il est probable que nous attendions prochainement un ouvrage, voire une thèse, sur le droit applicable aux super héros des Comics et autres Marvel à l'approche du transhumanisme !

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Actes administratifs

[Jurisprudence] Les avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires sur l'atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public de transport

Réf. : CE, 2° et 7° s-s-r., 30 janvier 2015, n° 374022, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6915NAD)

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par Pierre Bourdon, Maître de conférences, Ecole de droit de la Sorbonne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne

Le 09 Avril 2015

La décision n° 374022 rendue par le Conseil d'Etat le 30 janvier 2015 concerne les avis donnés par l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) sur l'atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public de transport ferroviaire. La décision du Conseil d'Etat consacre la recevabilité du recours pour excès de pouvoir dirigé contre les avis rendus par l'autorité de régulation. La décision ne manque pas non plus d'intérêt s'agissant du contenu du contrôle des avis rendus par une autorité de régulation. Dans son discours de départ de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) prononcé le 18 décembre 2014, le président de l'Autorité, Jean-Ludovic Silicani, a remarqué que les décisions de l'ARCEP sont rarement remises en cause par le juge administratif (1). Est-ce le signe d'un travail juridique approfondi de la part de l'autorité de régulation ? La décision n° 374022 rendue par le Conseil d'Etat le 30 janvier 2015, qui fait l'objet du présent commentaire, concerne une autre autorité de régulation, l'ARAF. Mais elle tend à vérifier l'hypothèse d'après laquelle les décisions des autorités de régulation sont relativement solides du point de vue juridique.

L'ARAF est une autorité indépendante du Gouvernement issue de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009, relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports (N° Lexbase : L0264IGU) (2). Dotée d'une personnalité juridique propre, cette autorité publique indépendante a été instituée en vue, comme son nom l'indique, de réguler le marché français des transports ferroviaires. Dans le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques -projet de loi "Macron"-, il est même prévu que l'ARAF se voit attribuer une compétence supplémentaire : les transports maritimes.

La loi du 8 décembre 2009 précitée a, plus généralement, procédé à la transposition de la Directive 91/440/CEE du 29 juillet 1991 (N° Lexbase : L7605AU9), modifiée par la Directive 2007/58/CE du 23 octobre 2007 (N° Lexbase : L4104H3E). Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2009, les entreprises ferroviaires exploitant des services de transport international de voyageurs peuvent assurer des dessertes sur tout le territoire français "à condition que l'objet principal du service exploité par l'entreprise ferroviaire soit le transport entre des gares situées dans des Etats membres de l'Union européenne différents". L'objectif principal de cette condition est d'éviter que des entreprises exploitant des services de transport international ne portent atteinte à la concurrence au détriment des entreprises exploitant des services de transport national ou régional de voyageurs.

Dans le cadre de ces dispositions (codifiées notamment aux articles L. 2121-12 N° Lexbase : L9192I3T et L. 2133-1 N° Lexbase : L9191I3S du Code des transports), l'ARAF est amenée à rendre des avis à la demande de toute autorité organisatrice de transport ferroviaire. En France, les régions ont la qualité d'autorité organisatrice de transport ferroviaire dans les limites du territoire régional. L'ARAF peut estimer dans ses avis que les dessertes du territoire français par un service de transport international "compromettent l'équilibre économique d'un contrat de service public". Lorsque l'ARAF émet un tel avis, l'autorité organisatrice de transport ferroviaire peut "limiter", voire "interdire", les dessertes du territoire par le service de transport international concerné.

En tant qu'autorités organisatrices de transport ferroviaire, les régions ont conclu des contrats de service public avec la SNCF en vue de développer le transport ferroviaire sur leur territoire. Dans chacun de ces contrats, sont notamment prévus :

- les lignes ferroviaires ;
- les gares desservies ;
- la fréquence des trains ;
- les tarifs des redevances des usagers ;
- les montants des subventions versées par la région à la SNCF.

Lorsqu'une entreprise exploite des services de transport international et assure plusieurs dessertes sur le territoire régional, ces services sont susceptibles d'entrer en concurrence avec ceux assurés par les trains régionaux de la SNCF. Cette concurrence peut avoir des conséquences jusque sur le contrat de service public conclu entre la région et la SNCF puisque les redevances et les subventions peuvent ne pas suffire à couvrir la perte de résultat subie par la SNCF. C'est ce qui peut "compromett[re] l'équilibre économique d'un contrat de service public" au sens de la loi du 8 décembre 2009 précitée.

Et c'est ce qu'a estimé la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) en 2013 lorsqu'elle a pris connaissance du projet de l'entreprise ferroviaire Thello relatif à la création d'un service de transports ferroviaires entre la ville italienne de Milan et le chef-lieu de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Marseille. Le projet prévoyait notamment la desserte de Milan, Gênes, Monaco, Nice et, enfin, Marseille.

Dans un premier temps, le ministre des Transports a saisi l'ARAF afin de vérifier le caractère international du projet de service. Par un avis du 9 juillet 2013, l'autorité de régulation a estimé que le service de transport de voyageurs envisagé par l'entreprise Thello présentait bien le caractère d'un service international. A la suite de cet avis, le ministre chargé des Transports a pris une décision du 12 décembre 2013 par laquelle il a accordé un droit d'accès à la société Thello pour exploiter un service de transport ferroviaire international de voyageurs, comportant sur le territoire français la desserte des gares situées entre Marseille et Menton.

Dans un second temps, ou plutôt entre-temps, la région PACA a saisi l'ARAF le 18 juin 2013 afin qu'elle examine si le service international envisagé par la société Thello portait atteinte à l'équilibre économique du contrat de service public liant la région et la SNCF. Mais par un avis du 8 octobre 2013, l'autorité de régulation a estimé que le service envisagé ne portait pas une telle atteinte.

L'affaire est venue au contentieux.

Le 16 décembre 2013, la région PACA a demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'avis du 8 octobre 2013 rendu par l'ARAF. Il faut signaler que l'ARAF est une autorité mentionnée au 4° de l'article R. 311-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L8980IXU), ce qui justifie que les décisions prises au titre de ses missions de contrôle ou de régulation soient susceptibles de recours devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort.

Pour statuer sur la requête de la région, le Conseil d'Etat a dû répondre aux trois questions de droit suivantes :

- l'avis rendu par l'ARAF est-il un acte susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ?
- la motivation de l'avis rendu par l'ARAF peut-elle contenir des occultations ponctuelles pour respecter le secret des affaires ?
- l'appréciation de l'ARAF à l'occasion de cet avis peut-elle faire l'objet d'un contrôle normal de la part du juge de l'excès de pouvoir ?

Le Conseil d'Etat a répondu positivement à chacune de ces trois questions. Le juge de l'excès de pouvoir a toutefois rejeté la requête de la région PACA en estimant, notamment, que la motivation de l'avis était suffisante et que le contenu de l'avis n'était entaché d'aucune erreur d'appréciation.

La présente décision, rendue par les deuxième et septième sous-sections réunies du Conseil d'Etat, sera mentionnée aux tables du recueil Lebon, ce qui témoigne déjà d'une certaine importance du point de vue de la jurisprudence. L'intérêt de cette décision réside, plus particulièrement, dans son apport à la connaissance du régime des décisions des autorités de régulation.

En effet, la décision commentée apporte des précisions utiles sur la recevabilité du recours dirigé contre un avis rendu par une autorité de régulation (I). La décision n'est pas non plus dénuée d'intérêt en ce qu'elle apporte des éléments sur le contrôle du contenu des avis rendus par une autorité de régulation (II).

I - La recevabilité du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'avis rendu par l'Autorité de régulation des activités ferroviaires

En principe, une jurisprudence bien établie n'admet pas la recevabilité du recours pour excès de pouvoir dirigé contre un avis en raison de son caractère non décisoire (A). Il ressort toutefois de la décision rapportée que l'avis rendu par l'ARAF sur l'atteinte éventuelle à l'équilibre économique d'un contrat de service public a un caractère décisoire. A ce titre, il est susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge administratif de l'excès de pouvoir (B).

A - L'irrecevabilité classique du recours dirigé contre un avis en raison de son caractère non décisoire

Le recours pour excès de pouvoir est par définition dirigé contre une décision rendue par l'administration. Une décision est une "mesure 'qui s'impose' [selon l'expression jurisprudentielle] par la seule volonté de son auteur" (3). En ce sens, l'article R. 421-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L8421GQX) dispose que, "sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée". En conséquence, sont irrecevables les recours dirigés contre des actes qui n'ont pas le caractère d'une décision. Il en va ainsi de plusieurs catégories d'actes. L'on peut en citer deux qui intéresseront également la suite du présent commentaire.

D'une part, les circulaires, les instructions et autres directives n'ont pas, en principe, le caractère de décision. En général, elles interprètent une norme juridique et ne s'imposent donc pas par elles-mêmes. C'est la norme juridique, située en amont, qui s'impose et constitue, d'une certaine manière, la base légale de la circulaire. Le Conseil d'Etat admet toutefois qu'un recours pour excès de pouvoir soit exercé contre une circulaire lorsque cette dernière cherche à imposer une règle non prévue par une norme juridique. Ainsi, dans sa décision "Duvignères" du 18 décembre 2002, la Section du contentieux a jugé que "les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief" (4).

D'autre part, les avis, les propositions, les voeux et autres recommandations n'ont pas, en principe, le caractère de décision. En effet, contrairement aux circulaires, ces actes ne sont pas postérieurs à une norme juridique, mais la précèdent. L'avis, la proposition, le voeu ou la recommandation ont chacun pour objet de conseiller, de souhaiter, voire d'inciter l'autorité administrative compétente pour prendre une décision. Ils sont situés en amont de la norme. La jurisprudence admet donc uniquement qu'un avis soit critiqué, par le biais de l'exception d'illégalité, à l'occasion d'un recours dirigé contre la décision rendue en aval de cet avis (5). Cette jurisprudence est constante (6).

Dans l'affaire qui a donné lieu à la décision commentée, c'est justement un avis rendu par l'ARAF qui était en cause. Le Conseil d'Etat a déjà eu l'occasion de se prononcer sur les "avis" rendus par les autorités indépendantes et, notamment, par les autorités de régulation.

Dans un premier mouvement de jurisprudence, le Conseil d'Etat a estimé qu'un simple un avis consultatif formulé par une autorité indépendante ne constitue pas une décision et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Le Conseil a ainsi jugé irrecevable un avis rendu par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) (7), ou un avis de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) portant sur le caractère communicable d'un document (8).

Dans un second mouvement, le Conseil d'Etat a appliqué sa jurisprudence "Duvignères" aux avis rendus par les autorités de régulation. Le Conseil d'Etat l'a d'abord appliquée à des actes qui n'étaient pas formellement des avis. Dans une décision du 3 mai 2011, saisi d'un recours dirigé contre une délibération de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), le Conseil a estimé que "les dispositions impératives à caractère général contenues dans une délibération d'une autorité administrative indépendante doivent être regardées comme faisant grief" (9). Puis le Conseil d'Etat a appliqué sa jurisprudence "Duvignères" à des actes pris par les autorités de régulation qui étaient formellement des avis. Dans une décision du 11 octobre 2012, le Conseil a estimé que les avis que l'Autorité de la concurrence (ADlC) peut prendre l'initiative de donner, en application de l'article L. 462-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L8178IBI), ne constituent pas, en principe, des décisions. Cependant, lorsqu'un tel avis revêt un caractère impératif, le juge admet la recevabilité du recours (10).

Dans sa décision du 30 janvier 2015, le Conseil d'Etat n'a pas appliqué le raisonnement contenu dans sa jurisprudence "Duvignères" à l'avis de l'ARAF portant sur l'équilibre économique d'un contrat de service public. Le Conseil a, purement et simplement, admis la recevabilité du recours dirigé contre l'avis de l'ARAF.

B - La recevabilité du recours dirigé contre l'avis de l'ARAF

Dans la décision commentée, le Conseil d'Etat n'a pas statué explicitement sur la recevabilité du recours dirigé contre l'avis du 8 octobre 2013 rendu par l'ARAF. Le moyen n'était certainement pas soulevé en défense par l'ARAF. On peut penser que la question de la recevabilité avait été évoquée par le juge rapporteur de l'affaire au cours de l'instruction. En tout cas, elle l'avait été par le rapporteur public Xavier Domino dans ses conclusions. En examinant dans le détail la requête de la région au fond, le Conseil d'Etat a admis implicitement la recevabilité du recours dirigé contre l'avis de l'ARAF. Le fichage de la décision sur le site Légifrance mentionne l'apport de la décision sur ce point. Ce fichage a vocation à être publié dans les tables du recueil Lebon où la décision sera mentionnée.

En l'espèce, l'avis de l'ARAF concernait, on peut le rappeler, la question de savoir si l'exploitation d'un service ferroviaire international par la société Thello était de nature à compromettre l'équilibre économique du contrat conclu entre la région PACA et la SNCF. De cet avis de l'autorité de régulation dépendait le pouvoir de la région de limiter, voire d'interdire, la desserte de certaines gares situées entre Marseille et Menton.

L'avis ne rentrait donc pas dans le cadre de la jurisprudence "Duvignères" puisque la critique de la région ne visait pas des "dispositions impératives à caractère général", mais plutôt des dispositions à caractère individuel concernant la région, la SNCF et la société Thello. A ce stade du raisonnement, il semblait donc que le recours contre l'avis était irrecevable, faute de pouvoir appliquer la jurisprudence "Duvignères".

Toutefois, la jurisprudence du Conseil d'Etat assimile les avis à des décisions lorsque l'avis a pour effet de lier le pouvoir de décision de l'autorité administrative destinataire de cet avis. En pareille hypothèse, l'avis s'impose par lui-même. En conséquence, un recours direct est ouvert contre l'avis. Ainsi, dans les années 1990, le Conseil d'Etat a estimé que l'"avis favorable" à la proposition de nomination d'un professeur émis par le conseil d'administration d'une Université "s'imposait à l'autorité investie du pouvoir de nomination", en l'occurrence le président de l'Université. En conséquence, le recours direct contre cet avis, qualifié de "décision" a été admis (11).

Dans la présente affaire, la région, en tant qu'autorité organisatrice des transports ferroviaires, ne pouvait limiter, voire interdire, les dessertes de l'entreprise de transport international qu'avec l'avis conforme de l'autorité de régulation. Dans leur version applicable au présent litige, les dispositions de l'article L. 2121-12 du Code des transports issues de la loi du 8 décembre 2009 précitée étaient claires sur ce point : "Toute autorité organisatrice de transport ferroviaire compétente peut [...] limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures, sous réserve que l'Autorité de régulation des activités ferroviaires ait, par un avis motivé, estimé que ces dessertes compromettent l'équilibre économique d'un contrat de service public".

En outre, comme le Conseil d'Etat l'a rappelé dans la décision commentée, l'article 10 de la Directive de 1991 modifiée en 2007 va dans le sens du caractère décisoire de l'avis de l'ARAF. Les dispositions de la Directive tendent, en effet, à faire de l'avis de l'autorité de régulation une décision qui s'impose par elle-même. Elles prévoient que : "c'est à l'organisme [...] de contrôle compétent[s] [...] qu'il incombe de déterminer une éventuelle atteinte à l'équilibre économique".

Ces dispositions allaient dans le sens de la reconnaissance d'un pouvoir décisionnel en faveur de l'ARAF. Le Conseil d'Etat l'a admis implicitement. L'avis de l'ARAF du 8 octobre 2013 avait bel et bien le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative.

Une fois le recours admis dans son principe, le Conseil d'Etat a pu s'intéresser au fond de la requête de la région PACA. C'est ce qui va conduire le présent commentaire à analyser les pouvoirs du juge en ce qui concerne le contrôle de l'avis rendu par l'ARAF.

II - Le contrôle du juge de l'excès de pouvoir sur l'avis rendu par l'Autorité de régulation des activités ferroviaires

La décision rapportée fait ressortir un contrôle exigeant du juge administratif sur l'avis rendu par l'ARAF en ce qui concerne l'atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public. Au titre de la légalité externe, la motivation de l'avis rendu par l'autorité de régulation est étroitement scrutée par le juge administratif. Mais ce dernier tient compte de l'obligation pour l'autorité de régulation de respecter le secret des affaires (A). Au titre de la légalité interne, le contrôle de l'appréciation de l'autorité de régulation n'est pas limité au contrôle de l'erreur manifeste. Le juge administratif exerce un contrôle normal sur l'appréciation de l'autorité (B).

A - Le contrôle du juge sur la motivation de l'avis rendu par l'ARAF

Le contrôle du juge sur un acte administratif porte classiquement sur la légalité externe et la légalité interne de l'acte. Au titre de la légalité externe, le juge contrôle :

- premièrement, la compétence de l'auteur de l'acte ;
- deuxièmement, la procédure d'élaboration de l'acte ;
- et, enfin, la forme de l'acte.

La motivation de l'acte administratif est une des conditions de forme de certains actes administratifs. "Certains" seulement, car si tous les actes administratifs doivent être motivés, tous ne doivent pas contenir cette motivation dans l'acte.

La jurisprudence a imposé, assez timidement, des obligations de motivation à l'administration. Cette obligation concerne les seules décisions prises par des organismes collégiaux composés de professionnels. L'obligation de motivation concerne cependant l'ensemble des actes de ces organismes (les actes réglementaires ou individuels, favorables ou défavorables) (12).

La loi a également imposé aux autorités administratives des obligations de motivation pour certaines catégories d'actes. La plus connue est certainement la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public (N° Lexbase : L8803AG7) (13). Cette loi a créé une obligation de motivation pour deux catégories de décisions individuelles : d'une part, les décisions individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement ; d'autre part, les décisions individuelles défavorables aux personnes qu'elles concernent directement. En l'espèce, l'avis de l'ARAF appartenait à cette dernière catégorie de décisions individuelles. En outre, l'article L. 2121-12 du Code des transports prévoit également que l'ARAF rend "un avis motivé" sur l'atteinte susceptible d'être portée à l'équilibre économique d'un contrat de service public.

Dans la décision commentée, le Conseil d'Etat a logiquement déduit une obligation de motivation pour l'ARAF. Le Conseil a rappelé que cette obligation implique que soient exposées "de façon suffisamment précise, les considérations de droit et de fait qui ont conduit l'Autorité à estimer que le projet de service [...] n'était pas de nature à porter atteinte à l'équilibre économique du contrat de service public". La décision énonce de manière très détaillée -le sixième considérant fait une trentaine de lignes- les considérations de droit et de fait qui ont conduit l'ARAF à rendre son avis. Ces détails s'expliquent par la nécessité de répondre à un argument présenté par la région : les occultations de certaines données. En effet, la motivation de l'avis du 8 octobre 2013 a été volontairement occultée par l'ARAF sur plusieurs points susceptibles de méconnaître son obligation de respecter le secret des affaires.

Le Conseil d'Etat ne s'était encore jamais prononcé sur la question de savoir si la motivation d'une décision d'une autorité de régulation peut être occultée par l'autorité elle-même pour respecter le secret des affaires. La jurisprudence du Conseil avait seulement eu l'occasion de préciser "que l'autorité administrative se doit, de sa propre autorité d'occulter au stade de la publication de l'avis du Conseil de la concurrence toute mention qui porterait atteinte au secret des affaires". Toutefois, l'occultation n'était pas l'initiative de l'autorité de régulation elle-même, mais le fait du ministre ayant décidé de publier l'avis (14). Du reste, la jurisprudence du Conseil s'en tenait à rappeler que la décision doit comporter les éléments de fait et de droit qui en sont le soutien (15).

La jurisprudence du Conseil d'Etat a également eu l'occasion d'affirmer l'exigence de respecter le secret des affaires. Elle impose ainsi à l'administration de tenir compte de cette exigence. A titre d'illustration, les correspondances entre un avocat et son client, telles que les consultations juridiques rédigées par un avocat pour une collectivité territoriale dans le cadre d'une procédure de passation d'un marché public, sont couvertes par le secret. Cette exigence fait obstacle à ce que l'administration soit tenue de divulguer ces correspondances (16).

Au cas d'espèce, les données occultées dans l'avis de l'ARAF du 8 octobre 2013 concernaient :

- les recettes des trains régionaux de la région PACA ;
- les estimations de pertes de recettes des trains régionaux de la région PACA ;
- les estimations de chiffre d'affaires des trains de la société Thello.

Dans sa décision, le Conseil d'Etat s'est efforcé de mentionner d'autres points de l'avis censés compenser l'occultation des données précitées. En outre, comme l'a remarqué le Conseil, les données concernant les recettes des trains régionaux étaient déjà "connues de la région requérante". Pour le reste, les estimations en matière de recettes ou de chiffre d'affaires effectuées par l'ARAF entrent certainement dans le champ du secret des affaires. En effet, la région PACA était la seule requérante et, en conséquence, la seule à réclamer la communication des estimations de pertes de recettes des trains régionaux. Toutefois, si la SNCF et la région PACA avaient toutes deux réclamé la communication de ces estimations, il n'est pas certain que la décision du Conseil aurait été la même sur ce point.

La décision du 30 janvier 2015 apporte ainsi des éléments sur le contenu de l'obligation de motivation des actes des autorités de régulation. La décision précise également l'étendue du contrôle du juge sur l'appréciation effectuée par l'autorité de régulation.

B - Un contrôle normal du juge sur l'appréciation de l'ARAF

Au titre de la légalité interne, le contrôle du juge sur l'acte administratif concerne :

- premièrement, l'absence de détournement de pouvoir de l'auteur de l'acte ;
- deuxièmement, le respect des normes juridiques supérieures à l'acte ;
- et, enfin, les motifs de l'acte.

Dans son contrôle des motifs de l'acte, le juge vérifie notamment que l'autorité administrative n'a commis aucune erreur de qualification juridique des faits. Autrement dit, l'administration doit avoir pris sa décision en appréciant les faits en présence sans commettre d'erreur.

Le contrôle du juge sur la qualification juridique des faits est plus ou moins poussé en fonction de la marge de manoeuvre laissée par les textes à l'administration et de la technicité de la mesure. Elle appelle "contrôle normal" le contrôle de toute erreur d'appréciation (manifeste ou non). A titre d'illustration, jusqu'en 2013, le Conseil d'Etat a effectué un contrôle restreint sur la question de savoir si la sanction retenue contre un agent de la fonction publique est proportionnée à la gravité de la faute reprochée à cet agent. Le Conseil s'en tenait à sanctionner l'erreur manifeste d'appréciation dans le choix de la sanction prise par l'administration à l'encontre de son agent (17). Depuis 2013, le Conseil pousse son contrôle et sanctionne toute erreur d'appréciation, qu'elle soit manifeste ou non. Il effectue désormais un contrôle normal (18).

Le contrôle du juge sur l'appréciation effectuée par les autorités de régulation fait parfois l'objet de critiques sur son caractère mal défini. La jurisprudence varie en effet entre contrôle restreint et contrôle normal. L'intensité du contrôle du juge sur un acte d'une autorité de régulation dépend, comme dans le contentieux administratif en général, de la "marge [...] laissée par les textes à l'autorité" et du "degré de technicité de la matière" (19). Il est toutefois souvent difficile d'évaluer quelle matière est plus technique qu'une autre, ce qui explique certainement la difficulté de prévoir le contrôle du juge sur les décisions des autorités de régulation.

Ainsi, c'est un contrôle normal qui est effectué sur la décision de l'ARCEP imposant une modification des prix dans l'offre de référence d'un opérateur de télécommunications (20). Il en va de même pour l'attribution et le renouvellement des autorisations d'utilisation de fréquences radioélectriques (21). En revanche, un contrôle restreint est mis en oeuvre sur la décision de l'ARCEP fixant un plafond de tarifs pratiqués par les opérateurs de télécommunications dans le cadre d'un encadrement pluriannuel des prix (22).

Dans la décision commentée, le Conseil d'Etat oriente le juge de l'excès de pouvoir vers un contrôle normal en ce qui concerne l'appréciation par l'ARAF sur l'atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public de transport ferroviaire. En effet, la région requérante critiquait le fait que l'ARAF n'avait pas tenu compte, "dans son appréciation", de certains coûts subis par la SNCF. Le Conseil aurait pu estimer que l'ARAF n'avait commis aucune erreur manifeste d'appréciation en ne tenant pas compte de ces coûts. Témoignant d'un contrôle plus poussé, le Conseil d'Etat est allé jusqu'à juger que : "l'Autorité n'avait pas à prendre en compte [ces coûts] dans son appréciation de l'impact sur l'équilibre économique du contrat de service public des dessertes intérieures du service international proposé par la société Thello".

Il faut remarquer que les textes n'ont pas précisément limité la marge de manoeuvre de l'ARAF. La Directive de 1991 modifiée en 2007 impose uniquement à l'autorité de régulation de se fonder sur une analyse économique objective et sur la base de critères prédéterminés. Ni la loi de 2009, ni son décret d'application du 24 août 2010 n'ont apporté de précisions sur ce point (23). On aurait donc pu imaginer que le Conseil effectue un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation pour respecter la marge de manoeuvre laissée par les textes à l'autorité de régulation. Toutefois, l'appréciation de l'atteinte à l'équilibre économique d'un contrat n'est pas d'une haute technicité, en tout cas pour le juge administratif. Ce dernier en a l'habitude dans le cadre du contentieux des contrats administratifs où l'application des théories de l'imprévision et de la force majeure dépend du bouleversement de l'équilibre économique du contrat. C'est certainement ce qui explique le contrôle poussé du juge sur la question de l'impact économique d'un service de transport ferroviaire international sur le contrat de service public régional.

Finalement, la décision tend à vérifier l'hypothèse de la solidité juridique des décisions des autorités de régulation. En tout cas, la décision commentée témoigne que le juge administratif n'hésite pas à contrôler les décisions des autorités de régulation et même à exercer un contrôle assez exigeant sur la forme comme sur le fond.


(1) "Toutes nos décisions sont attaquées, sans réel succès, il faut le dire".
(2) JORF, 9 décembre 2009, p. 21226.
(3) R. Chapus, Droit du contentieux administratif, 13ème éd., Montchrestien, coll. Domat droit public, Paris, 2008, p. 531.
(4) CE, Sect., 18 décembre 2002, n° 233618, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9733A7M), p. 463, concl. P. Fombeur.
(5) CE, Ass., 5 mai 1961, n° 39870, publié au recueil Lebon, p. 299.
(6) CE 2° et 6° s-s-r., 25 mars 1997, n° 167504, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9890ADN), p. 986.
(7) CE, Sect., 21 novembre 1984, n° 58667, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6729ALS).
(8) CE 10° s-s., 20 novembre 1991, n° 121509, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2722ARA).
(9) CE 9° et 10° s-s-r., 3 mai 2011, n° 331858, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0949HQ9), p. 723.
(10) CE 9° et 10° s-s-r., 11 octobre 2012, n° 357193, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2714IU3), p. 361.
(11) CE 1° et 4° s-s-r., 23 mars 1994, n° 104420, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9592ARP), p. 150.
(12) CE, Ass., 27 novembre 1970, n° 74877, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8746B8G), p. 704 ; CE 8° et 9° s-s-r., 19 janvier 1998, n° 182447, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6155ASR), p. 16.
(13) JORF, 12 juillet 1979, p. 1711.
(14) CE 3° et 8° s-s-r., 9 mai 2001, n° 231320, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7151ATZ), p. 230.
(15) CE 3° et 5° s-s-r., 18 mai 1998, n° 182244, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7638ASP), p. 1155.
(16) CE, Ass., 27 mai 2005, n° 268564, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4115DIA), p. 229.
(17) CE, Sect., 9 juin 1978, n° 05911, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6577B7Q), p. 245.
(18) CE, Ass., 13 novembre 2013, n° 347704, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2475KPD).
(19) E. Guillaume, L. Coudray, Autorités de régulation, Rép. contentieux administratif, Dalloz, Paris, 2015, n° 105.
(20) CE 1° et 2° s-s-r., 23 avril 2003, n° 233063, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7770C8B), p. 175.
(21) CE 2° et 7° s-s-r., 27 avril 2009, n° 312741, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6256EGS), p. 169.
(22) CE 2° et 7° s-s-r., 5 décembre 2005, n° 277441, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9373DLQ), p. 1001.
(23) Décret n° 2010-932 du 24 août 2010, relatif au transport ferroviaire de voyageurs (N° Lexbase : L9617IM7), JORF, 25 août 2010, p. 15328.

newsid:446789

Arbitrage

[Brèves] Rejet du recours à la juridiction étatique en présence d'une clause compromissoire opposable

Réf. : Cass. civ. 1, 1er avril 2015, n° 14-14.552, F-P+B (N° Lexbase : A1011NGK)

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N6833BUM

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Le 26 Juin 2015

Dès lors que le mandataire liquidateur d'une société a usé de la faculté de poursuivre l'exécution des contrats avec tous les droits et obligations qui s'y rattachaient, ce qui impliquait l'observation de la clause compromissoire qui y était stipulée, le recours de celui-ci à la juridiction étatique, sans respect de la procédure d'arbitrage, est irrecevable. Telle est la solution d'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 1er avril 2015 (Cass. civ. 1, 1er avril 2015, n° 14-14.552, F-P+B N° Lexbase : A1011NGK ; cf., sur l'incompétence du juge étatique en présence d'une clause compromissoire, Cass. civ. 1, 12 février 2014, n° 13-10.346, F-P+B+I N° Lexbase : A1263MEI). Dans le cas d'espèce, M. T., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société S., a saisi la justice consulaire pour obtenir paiement de sommes dues par la société G. qui avait confié à la société S. des travaux de sous-traitance aux termes de quatre contrats pour lesquels des conditions particulières et des conditions spécifiques contenant une clause compromissoire avaient été établies. M. T. a ensuite fait grief à la cour d'appel (CA Nîmes, 6 février 2014, n° 13/00733 N° Lexbase : A6578MDY) de déclarer ses demandes irrecevables faute d'avoir respecté la procédure d'arbitrage contractuellement convenue alors qu'une clause compromissoire n'est opposable aux organes de la procédure que tant qu'ils agissent en représentation du débiteur et non lorsqu'ils le font au nom des créanciers ; ainsi, dès lors qu'il agissait en représentation des créanciers, la clause compromissoire ne lui était pas opposable. A tort selon la Haute juridiction qui rejette son pourvoi après avoir énoncé la règle susmentionnée .

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Aviation civile

[Le point sur...] "Faux-bourdons" mais vraie règlementation : vers l'élaboration d'un véritable droit des drones

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N6841BUW

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par Thierry Vallat, Avocat au barreau de Paris

Le 09 Avril 2015

Plus de 100 000 drones de loisirs ont été vendus en France en 2014 ! C'est dire l'engouement du public pour ces engins multi-rotors qui sillonnent les cieux français souvent dans l'illégalité la plus totale, surtout s'ils filment en même temps, sans parler de ceux qui survolent nuitamment des installations sensibles ou, tout simplement, des zones habitées. Leur règlementation s'appuie pour le moment sur deux arrêtés de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) du 11 avril 2012 (arrêtés du 11 avril 2012, relatif à l'utilisation de l'espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord N° Lexbase : L0983ITL et relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord, aux conditions de leur emploi et sur les capacités requises des personnes qui les utilisent N° Lexbase : L0937ITU), qui sont devenus obsolètes et qu'il devenait urgent de revoir : c'est chose faite avec un projet d'arrêté qui vient d'être transmis le 27 mars 2015 à la Commission européenne en vue d'une utilisation plus facile des drones civils. Mais derrière ce mouvement apparent de simplification se dessine une règlementation vraisemblablement plus draconienne visant à contrôler ces petits appareils, véritables précurseurs dans la construction du droit de la robotique.
  • Qu'est-ce qu'un drone ?

Il n'existe en réalité aucune définition juridique du drone.

Est seulement visée par les textes la notion d'"aéronef télépiloté", circulant donc sans personne à bord.

Le terme de drone vient de l'anglais pour désigner un "faux-bourdon", le bruit de ces aérodynes s'apparentant au bourdonnement de ce sympathique, mais bruyant insecte.

On pourra également évoquer le terme de drone pour des engins robotisés terrestres ou sous-marins, mais il reste tout de même réservé principalement aux véhicules aériens, qu'on qualifie aux Etats-Unis d'UAV (acronyme de unmanned aerial vehicle ou véhicule aérien sans pilote à bord) et selon la nomenclature internationale de RPA (remotely piloted aircraft)

Lorsque l'on s'adonnera à des activités de loisirs ou de compétition, de vitesse ou de maniabilité par exemple, on parlera dans ce cas d'aéromodélisme.

Rappelons que la vocation initiale des drones était, et demeure largement encore à ce jour, militaire. C'est bien entendu le développement de l'utilisation des aéromodèles par un large public, à des fins civiles, qui a amené notre Direction générale de l'aviation civile à prendre deux arrêtés en avril 2012 qui constituent aujourd'hui la base du droit des drones en France.

  • Comment sont-ils régis aujourd'hui ?

La législation française régule de manière stricte les vols de drones aériens depuis le 11 avril 2012.

Depuis cette date, les deux arrêtés publiés le 10 mai 2012 au Journal officiel ont abrogé tous les textes existants qui étaient inadaptés au travail aérien par drone et s'appliquent à tous, sur le territoire français.

Le premier de ces arrêtés concerne "l'utilisation de l'espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord".

Le second s'intéresse à "la conception des aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord, aux conditions de leur emploi et sur les capacités nécessaires des personnes qui les utilisent".

Les différentes catégories de drones sont les suivantes :

- les catégories C, D et E regroupent les aéronefs utilisables pour la vidéo et /ou photo aérienne ;

- les catégories A et B sont interdites de travail aérien, voués à des fins de loisirs uniquement ;

- et les catégories F et G sont réservés aux usages militaires.

On ne peut faire fonctionner les drones civils que de façon extrêmement restreinte et deux régimes très particuliers sont à respecter :

- le premier est celui des aéromodèles (ou aéronefs de catégorie A), qui correspond aux drones de faible puissance et de masse inférieure à 25 kg. Ces drones peuvent circuler hors zone peuplée, sans conditions relative à l'appareil, à son télépilote ou à une autorisation, sous réserve toutefois de ne pas dépasser une altitude de 150 mètres. Dans tous les autres cas, la circulation est interdite ou il faut une autorisation ;

- le second s'applique aux drones équipés d'un dispositif de prise de vue. D'aéromodèle, le drone équipé d'une caméra devient effectivement un aéronef de catégorie D. Dès lors, sans diplôme, sans autorisation de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) et sans contrôle des données techniques de l'appareil, il n'est pas autorisé, que ce soit en zone peuplée ou dans le désert le plus total.

En réalité, à ce jour, le seul moyen de voler légalement et sans autorisation avec un modèle de ce type, demeure une utilisation purement domestique ! Mais attention : même dans son jardin, il ne faut pas avoir de proches voisins.

Devant la recrudescence des récents survols non autorisés qui ont défrayé la chronique, la DGAC a publié en concertation avec la CNIL, les constructeurs et les principales fédérations concernées, une notice d'avertissement sur les règles d'usage à destination des consommateurs.

Pour l'aéromodélisme, comme pour les activités dites "particulières" (donc professionnelles comme la surveillance de structure de bâtiments ou l'agriculture) l'accès à l'espace aérien est libre en dessous de 150 mètres (en dérogation aux règles de l'air habituelles, qui contraignent les autres aéronefs civils à voler au-dessus de cette hauteur sauf autorisations particulières), mais

- en dehors des agglomérations et des rassemblements de personnes ou d'animaux ;

- en dehors des zones proches des aérodromes ;

- et en dehors d'espaces aériens spécifiquement règlementés qui figurent sur les cartes aéronautiques.

Le survol des agglomérations ou des rassemblements de personnes n'est possible que dans le cadre d'une autorisation préfectorale délivrée après avis du service de la défense et de la direction régionale de l'aviation civile.

Les activités à proximité des aérodromes, dans des espaces règlementés, ou au-dessus de 150 mètres nécessitent de prendre contact avec les services de la direction régionale de l'aviation civile. Leur autorisation sera fréquemment soumise à l'établissement d'un protocole avec les responsables de l'aérodrome ou de la zone d'espace aérien concerné. C'est dans ce cadre que des activités d'aéromodélisme peuvent notamment trouver place sur des aérodromes d'aviation générale.

Par ailleurs, seuls les vols en vue sont autorisés pour les aéromodèles.

En conclusion, il faut donc circuler en zone non peuplée, sans prise de vue, à l'altitude réglementaire ou obtenir toutes les autorisations nécessaires pour éviter les poursuites judiciaires.

Il résulte bien entendu de ce qui précède que faire voler un appareil en rase campagne, loin d'un village, est donc beaucoup plus aisé qu'en ville... A Paris, les survols sont purement et simplement interdits. Bien sûr, un champ ne peut être survolé sans l'autorisation de son propriétaire et a fortiori une centrale nucléaire.

  • Les sanctions civiles et pénales

Le télépilote d'un drone est responsable des dommages causés par l'évolution de l'aéronef ou les objets qui s'en détachent aux personnes et aux biens de la surface. En cas d'accident grave causé par l'engin sur un piéton par exemple, c'est l'article L. 6131-2 du Code des transports (N° Lexbase : L6338IN3) qui va s'appliquer et son volet pénal (C. pén., art. 222-19 N° Lexbase : L3401IQZ) : deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

Si la mise en oeuvre du drone s'est fait en violation des règles de sécurité, les dispositions pénales du Code des transports s'appliquent : peine maximale d'un an d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende (C. transports, art. L. 6232-4 N° Lexbase : L6290INB).

Trouvent également à s'appliquer la violation du Code de l'aviation (C. aviation civ., art. R. 151-1 N° Lexbase : L2042INX, avec une amende pour contravention de 3ème classe) et surtout l'article 223-1 du Code pénal (N° Lexbase : L3399IQX) pour mise en danger de la vie d'autrui (un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende)

Dès lors qu'un drone est équipé d'un appareil photo, d'une caméra mobile, d'un capteur sonore ou encore d'un dispositif de géolocalisation, il peut potentiellement porter atteinte à la vie privée, capter et diffuser des données personnelles.

La prise de vue aérienne est réglementée par l'article D. 133-10 du Code de l'aviation civile (N° Lexbase : L4243HBR).

Dans le respect de ses dispositions, il est possible de réaliser des prises de vue avec un aéromodèle, dans le cadre du loisir ou de la compétition mais limité à un but privé excluant usage commercial publicitaire ou professionnel. Les autres cas de prises de vue seront traités obligatoirement au titre des activités particulières.

Quelles sont les sanctions ? Outre la confiscation du matériel, le Code de l'aviation civile régit de façon très stricte les prises de vue : toute prise de vue non autorisée expose son auteur à une contravention de cinquième classe (1 500 euros d'amende, voire 3 000 euros en cas de récidive).

L'article 226-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2092AMG) prévoit une punition d'un an emprisonnement et 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :

- en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

- en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé

On pourrait ajouter également à l'arsenal répressif la violation de l'article L 39-1 du Code des postes et télécommunications (N° Lexbase : L0123IRY) en cas d'utilisation d'une fréquence non autorisée, ainsi que celles combinées des articles 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY).

Comment ne pas citer enfin l'article L. 6372-4 du Code des transports (N° Lexbase : L6190INL) pour l'entrave à la navigation ou la circulation aérienne (5 ans d'emprisonnement et 18 000 euros d'amende).

  • L'évolution de la réglementation

Devant s adapter au succès grandissant de ces engins aux si nombreuses applications ludiques ou professionnelles, il était donc devenu indispensable d'adapter la règlementation.

C'est pourquoi la France vient de transmettre en date du 27 mars dernier à la Commission européenne un projet de nouvel arrêté "relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent".

Une des volontés clairement affichées est de faciliter la prise de vue par des particuliers, actuellement très limitées par l'arrêté du 11 avril 2012, puisque les prises de vues aériennes seraient expressément autorisées au cours de vols "dont l'objectif reste le loisir ou la compétition et lorsque les vues réalisées ne sont pas exploitées à titre commercial".

Un particulier devrait donc pouvoir utiliser son drone de loisir équipé d'une caméra avec beaucoup moins de contraintes (sous réserve de celles de l'article D. 133-10 du Code de l'aviation civile N° Lexbase : L4243HBR et bien sur du respect de la vie privée), en vue directe et si le vol est automatisé, le pilote devra pouvoir en reprendre le contrôle à tout moment.

Ce projet d'arrêté porte sur les dispositions applicables en matière de navigabilité, d'opérations et d'exigences relatives aux télé-pilotes des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord utilisés à des fins de loisir ou de compétitions (baptisés dans ce cas aéromodèles), d'expérimentations ou dans les autres cas (dits activités particulières, correspondant aux usages à des fins professionnelles) ne relevant pas du Règlement européen (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008, concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile ([LXB=L4223IQH ]).

Les vols dits autonome seront interdits et la notion de zone peuplée est précisée.

Le projet d'arrêté contient des règles techniques applicables aux aéromodèles de masse supérieure à 8 kilogrammes et ne disposant pas de mode de fonctionnement sans assistance logicielle et à tout aéromodèle de masse supérieure à 25 kilogrammes au sein de l'annexe I.

Il contient également des règles techniques applicables aux aéronefs qui circulent sans personnes à bord et utilisés à des fins professionnelles au sein du chapitre 2 de l'annexe III.

Ces règles techniques dépendent des types d'opérations considérées et peuvent être un prérequis à la délivrance d'un agrément de navigabilité appelé "attestation de conception" pour la conduite de ces opérations. Les règles énoncées au chapitre 2 de l'annexe III portent sur la conception, la documentation, la structure, les dispositifs de sécurité obligatoires et le maintien de la navigabilité.

Les exigences techniques contenues dans le projet d'arrêté sont établies afin de garantir un niveau de sécurité acceptable pour les personnes au sol ou à bord d'autres aéronefs et sont proportionnelles aux risques liés aux opérations considérées. Le respect des exigences techniques applicables aux aéronefs circulant sans personne à bord est éventuellement validé par la délivrance d'un agrément de navigabilité.

Conformément à la Convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944 et notamment son annexe 2, un aéronef qui circule sans personne à bord immatriculé à l'étranger nécessitera une autorisation de l'autorité afin d'évoluer au-dessus du territoire français.

Cette autorisation sera automatiquement délivrée sous respect des conditions techniques prévues par ce projet d'arrêté ou par le biais d'une autorisation spécifique lorsque le maintien d'un niveau de sécurité acceptable pour les personnes au sol ou à bord d'autres aéronefs et, le cas échéant, la conformité aux conditions techniques complémentaires notifiées par le ministre chargé de l'aviation civile auront été démontrés, conformément à l'article 7.

Une particularité : l'arrêté ne concernera pas les appareils évoluant à l'intérieur de bâtiments fermés.

Une période dite de "statu quo" est désormais ouverte suite à la notification de ce texte à la Commission européenne, qui aura jusqu'au 29 juin 2015 pour faire valoir ses observations sur le projet.

On sait d'ores et déjà que la Commission, dont l'estonien Siim Kallas est vice-président chargé des transports, est très attentive aux questions de sécurité et de respect de la vie privée (1) et que les belges, qui ont aussi sur le feu un projet d'arrêté royal sur la question, ont une approche encore plus rigoureuse que la nôtre.

  • Le futur droit des drones

Le mouvement vers un nouveau droit des drones est donc en marche, d'autant que parallèlement se profilent déjà des autorisations de tests pour des livraisons commerciales (comme les propositions de l'Agence fédérale américaine FAA pour l'utilisation de petits drones de moins de 25 kg pour la livraison de colis, sous réserve de vols à vue diurnes, ne dépassant pas une altitude de 400 pieds, hors survol de zones habitées, et avec un pilote breveté)

La sécurité étant en première ligne des préoccupations des pouvoirs publics, les projets de type "boréades" pour localiser les télépilotes et neutraliser les drones en brouillant leur GPS sont à l'étude, de même que l'immatriculation de ces engins est également à l'ordre du jour : il s'agirait d'obliger les constructeurs à équiper les drones de puces d'identification et d'un transpondeur. Celui-ci émettrait le numéro d'identification unique du drone, enregistré dans une base centralisée à la manière du Système d'immatriculation des véhicules.

Les anglais préconisent pour leur part une véritable base de données des drones, qui aurait une vocation internationale, une sorte de "carte grise" dont les aéromodèles sont pour le moment dispensés.

Et ce ne sont que les premiers pas, puisque les avancées technologiques doivent permettre aux drones d'acquérir de plus en plus d'autonomie, vers un véritable droit de ces robots volants, avant le développement d'un régime de responsabilité, voire peut-être de la création d'une personnalité juridique adaptée, concept cher à notre confrère Alain Bensoussan.


(1) Préconisations du 8 avril 2014.

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Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Election au Bâtonnat de Paris 2016 - Rencontre avec David Gordon-Krief et Hubert Flichy

Lecture: 6 min

N6775BUH

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 09 Avril 2015

Les élections pour désigner le nouveau Bâtonnier du barreau de Paris se tiendront les 25 et 26 juin 2015. Initialement prévue pour la fin d'année 2014, la date de ces élections a été reportée en raison d'une modification du décret de 1991 ramenant à 6 mois la durée du Dauphinat (décret n° 2014-1632 du 26 décembre 2014 N° Lexbase : L1524I7L, modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L8168AID). A ce jour, les candidats à cette élection sont : David Gordon-Krief et Hubert Flichy, Frédéric Sicard et Dominique Attias, Benoît Chabert et Phillip Cohen, Nicolas Lerègle et Nathalie Attias, Laurent Martinet et Marie-Alix Canu-Bernard, et Jean-Louis Bessis. Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, une rencontre avec le tandem David Gordon-Krief et Hubert Flichy Lexbase : Pouvez-vous présenter et présenter vos motivations pour cette candidature au Bâtonnat ?

David Gordon-Krief : A la suite de mes années d'engagements aux côtés des jeunes avocats (UJA de Paris et FNUJA) et des professions libérales, en tant que Président de l'UNAPL, j'ai fait le constat que notre profession, qui est probablement la plus écoutée et la plus fascinante, est terriblement désorganisée, avec une incapacité criante à parler d'une seule voix même quand les sujets sont transversaux et concernent tous les avocats.

Hubert et moi avons bâti nos cabinets, construit au fil des années de solides réseaux professionnels et nous sommes engagés aux services des idées que ce soit dans les syndicats ou au conseil de l'Ordre. Nous nous sommes investis dans nos mandats sans jamais cesser d'exercer notre métier d'avocat avec pour seule ambition de donner de notre temps et de notre expérience pour porter les réformes qui nous apparaissent nécessaires.

Nous souhaitons maintenant mettre cette expérience au service de l'ensemble de la profession et plus particulièrement du barreau de Paris.

Nous avons rapidement établis plusieurs constats. Tout d'abord, notre façon d'exercer la profession peine à se moderniser. Ensuite, la profession d'avocat s'est précarisée, paupérisée et la crise a heurté de plein fouet, violemment, certains d'entre nous, réveillant de graves et dangereuses oppositions. Et pourtant, le droit est omniprésent.

Pour relever ensemble ces défis, nous formulons trois propositions.

- Un Ordre accessible, pragmatique, humble, c'est-à-dire un Ordre proche des confrères et qui consacre l'essentiel de son travail à l'amélioration du quotidien de nos cabinets et à la conciliation entre vie personnelle et professionnelle.

- Un Ordre défenseur de notre profession avec la solidarité et l'entraide chevillées au corps, qui protège et accompagne ceux parmi nous qui en ont le plus besoin.

- Un Ordre audacieux, conquérant et dynamique qui donne à tous les avocats les moyens, les outils pour conquérir les nouveaux territoires que nous devons identifier le plus en amont possible avec la création d'un observatoire du droit, de nos métiers.

Grâce à notre expérience, notre énergie et notre confiance dans l'avenir, nous sommes, depuis le début de cette campagne, à l'écoute permanente de nos confrères pour construire la profession dont nous voulons continuer d'être fiers, pour bâtir, ensemble, l'avenir de notre barreau qui doit continuer de rayonner et d'attirer les meilleurs talents.

Lexbase : Comment s'est constitué votre tandem avec Hubert Flichy ?

David Gordon-Krief : Hubert Flichy est un homme que je connais bien depuis de nombreuses années. Hubert c'est celui qui, après vingt-cinq ans au sein du cabinet Gide, Loyrette et Nouel a eu le courage, au début des années 2000, alors qu'il était associé, de partir et de créer son cabinet. Et aujourd'hui, le cabinet Flichy Grangé est un incontournable du droit social. Lorsque j'ai décidé de me présenter pour le Bâtonnat, Hubert avait la même ambition. Nous nous sommes alors beaucoup vus, avons beaucoup échangé pour arriver au constat que nous partagions une vision et une envie commune pour notre barreau.

Nous avons alors décidé de fédérer nos compétences et de mener ensemble cette aventure.

Et, si vous le permettez, je voudrai répondre par anticipation à ceux qui voudraient critiquer un tandem "100% masculin".

Certains thèmes sont essentiels : l'égalité professionnelle au sein de notre profession, désormais majoritairement féminine, en fait partie.

Dans le cadre d'une campagne, il y a ceux qui parlent de cette égalité, le temps d'un programme, et ceux qui la vivent au quotidien.

Depuis des années, la moitié des associés du cabinet SBKG, que j'ai co-fondé, est composée de femmes et près de 60 % des associés du cabinet Flichy Grangé, fondé par Hubert Flichy, sont des femmes.

Aussi, pour nous, l'égalité entre hommes et femmes au sein de la profession n'est pas un concept, c'est une réalité vécue depuis des années, sans avoir à attendre de se présenter à une élection pour en découvrir l'urgente nécessité. Il est plus facile de faire respecter ce principe de parité lorsqu'on le pratique depuis des années et que l'on sait déjà à quoi il ressemble en pratique.

Ainsi, le premier message que nous souhaitons transmettre est que cette égalité est possible puisque nous la pratiquons depuis toujours et que nous nous en portons que mieux.

Lexbase : Avec la réforme de la durée du Dauphinat, vous devez assurer six mois de plus de campagne. Quelle a été votre réaction face à cette réforme ?

David Gordon-Krief : Telle qu'elle nous l'a été présentée, l'idée de départ du Bâtonnier de Paris reposait sur le projet de raccourcir la durée du Dauphinat, de supprimer le vote de confirmation et de faire en sorte que toutes les élections (Bâtonnat et conseil de l'Ordre) aient lieu au même moment, au mois de juin.

Or, s'il appartient bien au conseil de l'Ordre de déterminer la date des élections du Bâtonnier, il n'était pas possible de modifier la date des élections du conseil de l'Ordre car il fallait modifier le décret de 1991, ce qui n'a pas été obtenu par l'équipe en place. Le Bâtonnier et son Vice-Bâtonnier ont néanmoins souhaité maintenir l'élection du Dauphin en juin. Cette décision a eu pour les candidats déjà déclarés, un impact important et nous avions même, avec Frédéric Sicard, cosignés une tribune pour émettre des réserves sur cette réforme. Six mois de campagne supplémentaires bouleversent l'économie même de la campagne, la vie au cabinet et la vie familiale. Ainsi, nous avons donc commencé la campagne à l'été 2013 et début 2014 nous avons été informés que la date des élections serait en juin 2015, avant que le Bâtonnier propose ensuite de supprimer totalement le Dauphinat pour porter les élections en novembre 2015, et avant enfin de revenir contre toute attente à juin 2015, alors même donc que cette élection était annoncée comme onéreuse compte tenu de son non alignement sur les élections au conseil de l'Ordre. Vous connaissez la suite, la multiplication soudaine des candidatures au mois de mars de cette année et l'abondante littérature qui s'en est suivie.

Nous ne souhaitons pas à cet égard faire de commentaires plus avant car tout, ou presque, a été dit dans ces prises de position.

Il est évidement terriblement désagréable que les "règles du jeu" d'une élection soient modifiées en cours de campagne. Cela l'est encore plus quand ceux qui en sont à l'origine voudraient en profiter.

Cela n'est pas le sens que nous nous faisons de nos principes essentiels.

Et ce n'est évidemment ni une question d'homme ni une question d'opposition entre conservateurs et modernistes. C'est une simple question d'éthique et de respect humain.

J'appelle ainsi à ce que tout le monde face preuve de retenue, de pragmatisme et de bon sens. Notre profession le mérite.

Lexbase : Justement, quelle est votre vision de la gouvernance de la profession ?

David Gordon-Krief : Hubert Flichy et moi avons une réflexion simple à propos de notre gouvernance : pour que tous les avocats soient entendus, respectés, considérés, il est essentiel d'avoir une profession forte et unie.

Pour ce faire il est vital d'avoir une représentation nationale avec un Président des avocats de France qui parle au nom de la profession et qui n'est en rien concurrent du Bâtonnier de Paris.

Le barreau de Paris est un grand barreau, le premier de France. Les enjeux en son sein sont immenses et nous saurons travailler intelligemment, sans conflits, avec le CNB.

Quant au barreau de Paris, il est urgent de redonner au conseil de l'Ordre la place qui est la sienne, à savoir d'assurer la pérennité de l'action politique menée au quotidien. La continuité n'est pas une question d'homme mais d'institution et le conseil de l'Ordre de par son système de renouvellement par tiers tous les ans est à même d'assurer à nos confrères une action efficace et pérenne.

Lexbase : Quel regard portez-vous sur l'interprofessionnalité ? L'avocat en entreprise ?

David Gordon-Krief : Sur l'interprofessionnalité je n'ai qu'une question : quand y arriverons-nous ? Aujourd'hui ce qui est fondamental est que les avocats sachent répondre aux besoins des clients qui sont de plus en plus complexes et qui mêlent souvent le droit aux chiffres. A notre avis, l'interprofessionnalité est une des réponses aux champs de compétence, c'est la réponse au périmètre du droit qui doit évidemment être protégé.

Quant à l'avocat en entreprise, quel gâchis... L'idée que les avocats soient plus présents au sein des entreprises pour appréhender les questions de droit qui sont consubstantielles de la vie économique est évidement une belle idée.

Malheureusement la pédagogie a pêché et les questions d'indépendance, de partage du secret,... ont souvent été ramenées à la portion congrue alors même qu'il s'agit là pour Nous Avocats de l'essentiel.

Il conviendra donc de reprendre totalement ce dossier en associant l'ensemble de nos confrères à cette réflexion majeure.

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Bancaire

[Jurisprudence] La mention du taux effectif global sur les relevés périodiques d'un compte courant peut suppléer pour l'avenir l'irrégularité du taux figurant dans le contrat initial

Réf. : Cass. com., 10 mars 2015, n° 14-11.616, F-P+B (N° Lexbase : A3247NDM)

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N6857BUI

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par Philippe Emy, Maître de conférences à la Faculté de droit de Bordeaux, Institut de Recherche en Droit des Affaires et du Patrimoine (IRDAP)

Le 09 Avril 2015

Au fil des ans, le contentieux relatif au taux effectif global (TEG) ne se tarit pas. La faiblesse des taux d'intérêt actuels, et par voie de conséquence du taux légal, incite par ailleurs les emprunteurs à multiplier les actions en justice, dans la mesure où l'absence d'indication du taux effectif global -à laquelle il faut assimiler l'irrégularité du taux- est sanctionnée par la nullité de la stipulation du taux d'intérêt conventionnel et donc par l'application du taux légal. Afin d'adapter cette sanction à la complexité du découvert en compte, la Cour de cassation a édifié un système tout en subtilité. Pour cela, elle a dû composer avec deux contraintes. La première est juridique : le TEG doit être fixé par écrit, habituellement dans le contrat (1). La seconde est d'ordre pratique : le TEG ne peut matériellement être calculé qu'après utilisation de l'ouverture du crédit, car certains éléments indispensables à sa détermination varient en fonction de l'utilisation qui est faite de l'autorisation de découvert (2). Au final, une jurisprudence maintes fois réitérée affirme que le TEG doit figurer dans la convention initiale, et ce sous forme d'exemples chiffrés, tout en sachant que chaque relevé doit indiquer pour la période écoulée le TEG effectivement appliqué (3). Ce compromis entre impératif juridique et exigence pratique pose bien entendu un certain nombre de difficultés, comme le montre l'arrêt rendu le 10 mars 2015 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Une nouvelle fois, la question est posée à la Haute juridiction de savoir quelles conséquences peuvent être tirées de l'absence d'indication du TEG dans la convention initiale en cas de fixation dudit taux dans les relevés postérieurs. En l'espèce, une société souscrit auprès de sa banque une ouverture de crédit d'un montant de 1 320 000 euros et d'une durée de 24 mois, et ce par acte notarié daté du 31 octobre 2006. Le contrat précise que la banque sera rémunérée par le versement d'intérêts, au taux de 5,333 % par an. Ce taux est stipulé variable en fonction de l'évolution du taux moyen Euribor à trois mois, mais aucune mention n'indique la base annuelle sur laquelle il est calculé. Le lien avec la technique du compte courant est a priori loin d'être évident, mais l'acte authentique nous informe que la créance en capital de la banque résultera du solde d'un compte identifié, que le compte en question a la nature de compte courant et qu'il sera soumis aux conditions générales de la banque. La société a demandé la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, dans la mesure où la banque a eu recours à l'usage bancaire "du diviseur 360", encore appelé technique de l'année lombarde -qui permet d'augmenter la rémunération du banquier tout en facilitant les calculs pour déterminer le montant des intérêts-, alors que le contrat ne contenait aucune clause en ce sens (4). De son côté, la banque a estimé que la clause spécifique prévoyant l'utilisation de cette méthode dite "lombarde" était effectivement intégrée au contrat puisque l'acte authentique renvoyait aux conditions générales de la banque, ces dernières faisant référence à ce mode de calcul. La cour d'appel de Lyon (5) a interprété l'acte authentique ainsi que les conditions générales visées par l'acte pour en conclure que le recours à l'année lombarde ne figurait dans aucun des deux documents. La société aurait dès lors pu demander une restitution des intérêts indûment versés, c'est-à-dire calculés irrégulièrement par rapport au taux débiteur qui, lui, était régulièrement indiqué dans l'acte en application de l'article 1907 du Code civil (N° Lexbase : L2132ABL). Elle a cependant choisi, et on la comprend, de demander la nullité de la stipulation du taux pour cause d'irrégularité du TEG. En effet, le calcul du TEG comprenant le taux d'intérêt débiteur, une erreur d'application de ce taux débiteur se traduit nécessairement par une erreur de calcul du TEG. La cour d'appel de Lyon a fait droit à cette demande et a décidé, en conséquence, que la banque devait rembourser à la société la somme de 89 144,89 euros.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans sa décision en date du 10 mars 2015, a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Lyon en visant les articles 1907 du Code civil et L. 313-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7963IZX). Ce n'est bien entendu pas l'interprétation de la convention qui a justifié cette cassation -dans la mesure où les juges du fond sont souverains en la matière sauf en cas de dénaturation de l'acte- mais bien les conséquences que la cour d'appel a pu déduire de l'irrégularité du TEG dans le contrat initial.

Dans un attendu de principe, la Cour de cassation affirme qu'"en cas d'ouverture de crédit en compte courant, la mention sur les relevés périodiques de compte du taux effectif global régulièrement calculé pour la période écoulée vaut information de ce taux pour l'avenir à titre indicatif, et, suppléant l'irrégularité du taux figurant dans le contrat initial, emporte obligation, pour le titulaire du compte, de payer les intérêts au taux conventionnel à compter de la réception sans protestation ni réserve de cette information, même si le taux effectif global constaté a posteriori, peu important qu'il soit fixe ou variable, est différent de celui qui a été ainsi communiqué". Elle précise ainsi une solution classique selon laquelle, en matière de compte courant, le TEG indiqué sur les relevés envoyés par la banque peut suppléer l'absence d'indication de TEG dans la convention principale (6). L'importance quantitative du contentieux et la résistance opposée par certains juges du fond justifient, semble-t-il, que l'arrêt reçoive les honneurs de la publication au Bulletin.

Afin de présenter au mieux la solution de l'arrêt, nous exposerons, dans un premier temps, le principe selon lequel le TEG mentionné dans le relevé de compte peut suppléer l'absence de fixation dudit taux dans la convention initiale (I), avant de détailler, dans un second temps, le régime applicable (II).

I - Le principe : la prise en compte du TEG mentionné dans le relevé comme palliatif à l'absence de fixation du taux dans le contrat

La solution dégagée par la Cour de cassation n'est pas en soi innovante, mais le détail du raisonnement tenu permet de mieux saisir le mécanisme mobilisé (A) et son domaine d'application (B).

A - Le mécanisme justifiant la prise en compte du TEG mentionné dans le relevé

Avant de détailler le raisonnement qui sous-tend la solution retenue par la Cour, il est nécessaire de clarifier un point précis. On avance souvent l'idée selon laquelle, pour respecter le formalisme de l'article 1907 du Code civil et de l'article L. 313-2 du Code de la consommation, le taux d'intérêt doit simplement, en matière de compte courant, être indiqué par écrit, mais n'a pas à être accepté. Cela est vrai pour l'indication du TEG appliqué sur les relevés envoyés au client, mais cela suppose tout de même qu'un accord concernant le taux ait été trouvé préalablement dans le contrat initial : soit le taux débiteur y est fixé, soit il est fait référence à un taux variable objectif (comme c'était le cas en l'espèce), soit la variation est en partie laissée à l'appréciation de la banque par renvoi au taux de base bancaire (7). Il faut bien comprendre, pour appréhender correctement la difficulté propre au compte courant, que l'irrégularité du TEG entraînant nullité de la stipulation du taux débiteur, il en résulte que le contrat conclu ne contient rétroactivement aucun accord concernant ce taux, ni sur son montant, ni sur son mode de détermination. Dès lors, une fixation ultérieure dudit taux requiert nécessairement un nouvel accord de volontés.

La difficulté principale tient ici à la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel prévu dans le contrat de crédit, consécutive à l'absence de fixation du TEG ou à l'irrégularité de ce taux stipulé dans la même convention. Dans cette hypothèse, on doit considérer que la convention n'a jamais mentionné le taux débiteur applicable, en conséquence de quoi seul le taux légal est dû (8). Mais alors, comment un relevé de compte pourrait-il faire en sorte qu'une clause nulle du contrat principal puisse produire des effets pour le futur ? L'idée développée ici par la Cour de cassation tient à ce que l'envoi du relevé va participer à la formation d'un nouvel accord de volontés concernant la stipulation du taux. Cet accord est certes tacite -nous y reviendrons- mais il doit permettre à l'ouverture de crédit de produire des intérêts. Bien entendu, les intérêts en question ne seront dus qu'à compter de cet accord de volontés : ici, toute rétroactivité est à exclure. La décision commentée est particulièrement éloquente quant à cette analyse. En effet, elle insiste sur le fait que l'information ainsi délivrée vaut pour l'avenir et à titre indicatif. Cette référence au rôle indicatif renvoie bien entendu à la jurisprudence selon laquelle, dans un compte courant, la convention initiale censée contenir le TEG doit proposer un ou des exemples à titre indicatif. Le TEG ne pouvant être, en la matière, déterminé par avance, la jurisprudence exige simplement un ou des exemples chiffrés dans la convention initiale, puis la fixation du taux appliqué dans les relevés. Le nouvel accord de volontés étant formalisé par le relevé de compte, on lui applique logiquement le même régime que celui initialement prévu pour l'accord de volontés constaté dans le contrat initial.

On remarquera que la solution applicable ici au compte courant, c'est-à-dire au découvert en compte, a quelque chose de surprenant au regard du droit commun du TEG. Rappelons tout d'abord que la solution jurisprudentielle commandant d'indiquer le TEG en deux temps -un TEG à titre indicatif dans le contrat initial puis le TEG appliqué dans chaque relevé- tient à ce qu'il n'est pas possible matériellement de calculer le TEG de façon préalable à l'utilisation du découvert. La double information a donc pour objet de sauver le mécanisme du compte courant au regard des exigences d'ordre public posées en matière de TEG. Ensuite, il faut insister sur le fait que, dans un prêt classique, la jurisprudence ne permet pas de suppléer l'absence de TEG dans le contrat initial par un relevé -quelle que soit sa fréquence- ou tout autre document précisant ledit taux et adressé postérieurement à l'emprunteur. La Chambre commerciale le reconnait d'ailleurs en réservant expressément sa solution au seul compte courant. Pour les prêts classiques, la sanction -consistant en l'application du taux légal- est alors irrémédiable. On voit dès lors difficilement ce qui juridiquement justifie d'accorder un traitement plus favorable au compte courant. L'ouverture du crédit est un contrat unique, et non pas une succession de contrats aussi nombreux qu'il y aurait de relevés de compte. Pourquoi permettre de sauvegarder la perception d'intérêts conventionnels futurs dans le découvert en compte et pas dans les autres opérations de crédit ? La justification purement juridique fait ici défaut. On nous objectera que la solution est, d'un point de vue pratique, particulièrement opportune. Elle l'est très certainement... mais pour les établissements de crédit et non pas pour leurs clients.

B - Le domaine d'application de la prise en compte du TEG fixé dans le relevé

La solution est opportune, c'est en tout cas ce que considère la Chambre commerciale qui l'applique depuis plusieurs années. Les termes employés dans l'attendu de principe permettent d'en déterminer le domaine d'application.

Tout d'abord, la Cour de cassation prend soin de rappeler que la solution s'applique en matière de compte courant, ce qui exclut a contrario son application pour d'autres contrats de prêt ou ouvertures de crédit. On peut regretter l'emploi persistant de ces termes utilisés par la jurisprudence et la pratique pour décrire des réalités au final fort différentes. Le compte courant est souvent présenté comme une technique de règlement des créances réciproques entre deux commerçants, permettant de dégager un solde unique. Ce n'est donc pas par nature un compte bancaire. Pourtant, il est évident qu'ici la solution concerne des comptes en banque. De même, on distingue parfois -même si la doctrine se rend compte de l'inanité de l'opposition- le compte courant et le compte de dépôt, en ce que ce dernier, simple cadre comptable, ne permettrait pas de dégager à tout moment un solde provisoire unique par fusion des créances réciproques. Ce n'est certainement pas cette analyse structurelle qui est retenue par la Chambre commerciale dans ce contentieux. Reste une dernière conception attachée à la qualification de compte courant : il s'agirait d'un compte ouvert par une banque à un commerçant ou à un professionnel. C'est sans doute cette conception des choses qu'il faut retenir ici. Sans que cela porte véritablement à conséquence, dans la mesure où la première chambre civile de la Cour de cassation fait également parfois référence à la notion de compte courant pour des questions relatives au TEG.

On peut justement s'interroger sur le point de savoir si la première chambre civile de la Cour de cassation, qui a également à connaître de ce contentieux, partage le point de vue de la Chambre commerciale. Dans deux décisions, la chambre civile a estimé que "en matière de prêt d'argent, l'exigence d'un écrit mentionnant le taux de l'intérêt conventionnel est une condition de validité de la stipulation d'intérêts ; et qu'en l'absence d'un accord écrit sur ce point, l'indication du taux d'intérêt sur les relevés de compte ne répond pas à cette exigence, lors même qu'elle ne fait pas l'objet d'une protestation de la part du client" (9). A priori, sa position est incompatible avec celle retenue par la Chambre commerciale. Cependant, ces deux décisions ne visent que l'article 1907, alinéa 2, du Code civil et font référence à un compte de dépôt assorti d'un découvert en compte. D'autres arrêts plus récents, hélas non publiés au Bulletin, semblent retenir une solution identique à celle posée par la Chambre commerciale, cette fois-ci applicable aux ouvertures de crédit en compte courant (10), en visant à la fois les articles 1907 du Code civil et L. 313-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6649IM9) (11). La contradiction n'est sans doute qu'apparente, dans la mesure où un arrêt plus ancien de la première chambre civile a pu affirmer à la fois que, concernant l'article 1907 du Code civil, "en matière de prêt d'argent, l'exigence d'un écrit mentionnant le taux de l'intérêt conventionnel est une condition de validité de la stipulation d'intérêt, et qu'en l'absence d'un accord écrit sur ce point, l'indication du taux d'intérêt sur les relevés de compte ne répond pas à cette exigence, lors même qu'elle ne fait pas l'objet d'une protestation de la part du client" et que, concernant la mention du TEG, "la reconnaissance de l'obligation de payer des intérêts conventionnels suppose la fixation préalable, par écrit, de leur taux ; que cette reconnaissance peut résulter de la réception sans protestation ni réserve des relevés de compte par l'emprunteur" (12). Cette différence de traitement peut tout à fait se justifier en ce que le taux d'intérêt débiteur est un élément constitutif du contrat sur lequel il faut s'entendre alors que le TEG, qui n'en est que la conséquence, doit simplement être mentionné.

Ensuite, la Chambre commerciale précise que sa solution s'applique que le taux soit fixe ou variable. A ce propos, la formule employée par la Cour de cassation n'est pas la plus heureuse, étant donné qu'on a l'impression que c'est le TEG qui peut être stipulé fixe ou variable. En réalité, comme la doctrine l'a démontré, le TEG n'est pas en soi un véritable taux mais une information standardisée apportée à l'emprunteur. Seul le taux débiteur peut être fixe ou variable, et s'agissant d'un découvert en compte, il est pratiquement rarissime qu'il ne soit pas stipulé variable. Le TEG peut également être affecté en fonction des différentes commissions qui pourront être prélevées à l'occasion de l'utilisation de l'ouverture de crédit. Et l'on sait que ce sont ces deux raisons qui justifient que le TEG d'un découvert en compte ne peut être fixé définitivement par avance. Même si la conclusion d'un découvert en compte à taux fixe est hypothétique, cela signifie tout de même que, pour la Chambre commerciale, les solutions spécifiques attachées au compte courant en matière de TEG ne tiennent aucunement à la variabilité du taux d'intérêt mais bien à la structure de ce contrat en tant qu'opération de crédit.

II - Le régime attaché à la prise en compte du TEG mentionné dans le relevé

La possibilité de suppléer à l'absence de TEG dans la convention initiale par une mention du TEG dans les relevés postérieurs, fondée sur un accord entre les parties quant à la modification du taux applicable, justifie, d'une part, que seuls certains intérêts seront concernés par l'application du nouveau taux (A) et, d'autre part, que le client a normalement la possibilité d'émettre des protestations ou des réserves à la suite de la réception de cette information (B).

A - Les intérêts dus par le client

En l'absence de clause indiquant le TEG dans le contrat initial, le fait de mentionner un tel TEG permettrait donc de sceller l'accord des parties sur cette question. Le consentement de l'établissement de crédit serait attaché à l'envoi du relevé comportant le taux alors que celui du client serait de nature tacite, l'absence d'opposition de sa part permettant de démontrer son accord. Cette rencontre des consentements aura bien souvent tout d'une fiction. En effet, la plupart du temps, l'établissement de crédit et le client n'ont pas conscience, au moment de l'envoi du relevé, de l'irrégularité du TEG fixé dans la convention initiale. Dès lors, comment pourraient-ils vouloir cantonner les effets de cette nullité en consentant à la perception d'intérêts pour le futur sans même en connaître l'existence ?

D'un point de vue pratique, il est évident qu'il faut dissocier les intérêts en fonction de leur date de naissance. Les intérêts dus avant l'envoi du relevé comprenant le TEG sont toujours affectés par la nullité et seul le taux légal sera dû pour ce qui les concerne. Seuls les intérêts postérieurs au relevé de compte portant mention du TEG seront dus. On remarquera -et c'est tout l'intérêt de la solution- que la sanction qui devait frapper l'ouverture de crédit dans sa totalité se réduira comme peau de chagrin, dans la mesure où le premier relevé indiquant un TEG envoyé au client mettra fin à la sanction. Au final, le client ne pourra espérer la restitution de la différence entre les intérêts au taux conventionnel et ceux calculés à partir du taux légal que pour la période séparant la conclusion du contrat et le premier relevé comportant mention d'un TEG. Autant dire que le montant sera bien moindre que les 89 144,89 euros qui, en l'espèce, avaient été accordés par la cour d'appel.

La Cour de cassation met en avant l'erreur d'analyse commise par la cour d'appel de Lyon. Cette dernière avait cru pouvoir juger que l'envoi d'un relevé avec indication d'un TEG ne pouvait suppléer l'irrégularité d'origine, puisque le taux effectif global pratiqué n'a jamais été identique, pour la période suivant l'envoi d'un relevé de compte, au taux indiqué sur ce relevé. On comprend que l'analyse de la cour d'appel ne pouvait pas ici prospérer. En effet, dès lors que le relevé permet de démontrer l'existence d'un accord entre les parties sur le futur taux appliqué, cet accord est lui-même soumis au particularisme du compte courant. On le sait, il est, en la matière, impossible de prévoir par avance le TEG applicable. Un nouvel accord de volontés ne peut ainsi proposer que des taux indicatifs, le taux applicable pour le mois ou le trimestre précédent -même si ces intérêts ne sont pas dus- constituant sans doute le taux indicatif le plus pertinent à communiquer au client.

B - L'exception liée à la protestation du client

La Cour considère que la mention du TEG sur le relevé emporte obligation pour le titulaire du compte de payer les intérêts conventionnels à compter de sa réception, mais ajoute une condition : l'absence de protestation ou de réserve de la part du client une fois le relevé reçu.

La possibilité de valider certaines opérations dès lors qu'elles sont portées sur le relevé est une technique éprouvée en droit bancaire. Il convient cependant ici d'expliquer le ressort juridique mobilisé par la Cour de cassation. Pour cela, il faut rappeler que, si la mention du TEG sur le relevé permet de pallier partiellement l'irrégularité dans le contrat initial, c'est parce que les parties décident, par un nouvel accord de volontés, de modifier le contrat en cours et donc de déterminer le taux d'intérêt à verser. On comprend que le seul envoi du relevé ne peut suffire et qu'il faut donc caractériser l'acceptation du titulaire du compte, même si la tâche en est facilitée par la Cour de cassation. En effet, l'acceptation par le client revêt ici un caractère tacite : l'absence de protestation après réception de l'arrêté de compte. Cela signifie a contrario que le client peut émettre certaines réserves ou protester contre l'indication du TEG.

A notre avis, il importe de distinguer cette solution de la clause -devenue de style- selon laquelle la non-contestation de certaines opérations par le client dans un délai convenu -généralement un mois- entraîne reconnaissance des opérations concernées. En effet, dans ce cas là, la Cour de cassation a pu décider qu'une telle clause avait pour effet, en cas de silence gardé pendant un mois, non pas d'accepter tacitement les opérations portées en compte mais de les présumer valides. Il ne s'agit là que d'une présomption simple, le client conservant la possibilité de contester la réalité ou la validité d'une opération pendant toute la durée de la prescription (13). Si la formule retenue par la Cour de cassation semble voisine de celle employée dans cette clause, le mécanisme utilisé quant à lui diffère. Tout d'abord, on remarquera qu'il ne peut s'agir ici de présumer valables des opérations antérieures, puisqu'en l'espèce la fixation d'un taux débiteur ne vaut que pour l'avenir (14). Dès lors, si la référence à une protestation ou à une réserve peut avoir un sens, et nous pensons qu'elle en a un, c'est uniquement en ce que le titulaire du compte pourrait refuser la modification proposée. Ensuite, et de façon plus essentielle, il y a effectivement ici une présomption, mais celle-ci n'est pas un effet du contrat voulu par les parties mais a, au contraire, pour objet de prouver le consentement à une clause dudit contrat. L'objectif est donc de prouver un consentement à une modification du contrat sans recours à un écrit, c'est-à-dire de démontrer un consentement tacite. La jurisprudence est généralement réservée quant à cette possibilité et exige à tout le moins un silence circonstancié. Deux analyses peuvent ici être envisagées. Soit l'on voit dans cette solution un usage, même si la Cour de cassation ne l'a jamais présenté de la sorte, le risque tenant alors à une délimitation stricte du périmètre de l'usage en question. Soit il s'agit d'une présomption du fait de l'homme permettant de démontrer l'acceptation tacite. Un fait juridique -en l'espèce le silence gardé après réception du relevé- permet de présumer le consentement du client. Du point de vue du régime juridique, l'explication fondée sur la présomption du fait de l'homme conduit à ne pas appliquer le délai d'un mois auparavant évoqué. Les juges du fond devraient donc souverainement décider du moment à partir duquel on peut considérer qu'il y a eu acceptation tacite.

Nous avons déjà évoqué la fiction selon laquelle le client est censé savoir, dès la réception du relevé, que le taux prévu dans le contrat initial est erroné. Nous pouvons ici en dénoncer une autre : celle qui présume que le client a connaissance de la solution jurisprudentielle en vertu de laquelle l'indication du TEG pour l'échéance passée sur le relevé vaut également offre de stipulation d'intérêts pour l'avenir. En effet, seule la connaissance de cette jurisprudence pourrait justifier le recours à la technique de l'acceptation tacite. Le cas d'espèce montre d'ailleurs ce que la solution peut avoir d'excessif. Pour mémoire, il y avait une discordance entre le mode de calcul du taux d'intérêt débiteur tel que prévu par le contrat et le mode de calcul effectivement appliqué par la banque, ce qui s'est traduit par un TEG erroné. L'envoi du relevé indiquant a posteriori le TEG appliqué de façon irrégulière emportait dans le même temps validation de la stipulation d'intérêts pour l'avenir et donc de l'utilisation de la méthode de l'année lombarde. Si seul le TEG est fixé sans autres précisions, cela ne revient-il pas à valider du même coup les éléments de calcul de ce TEG et, en l'espèce, le recours au calcul de l'année lombarde, sans que le titulaire du compte n'en ait conscience ? Finalement, on peut se demander si ce que la Cour de cassation accorde d'une main en proclamant que le défaut de mention du TEG dans la convention initiale entraîne nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, elle ne le reprend pas d'une autre. Autrement dit, puisque le nouveau taux est censé à la fois répondre au formalisme légal mais également respecter l'exigence d'une rencontre des consentements, il serait pertinent de déterminer si la simple mention du TEG suffit ou s'il ne faudrait pas de nouveau que les éléments essentiels au calcul de ce TEG, dont notamment le taux débiteur, soient détaillés (15). En effet, la stipulation d'origine étant nulle, il faut s'accorder sur tous les éléments participant à la détermination de ce TEG. En ce sens, la Cour y fait référence, certes un peu rapidement, en exigeant que le taux effectif global soit régulièrement calculé pour la période écoulée. Or, un calcul régulier suppose logiquement que l'on s'accorde sur les éléments nécessaires à ce calcul, et donc qu'ils soient indiqués dans le relevé. C'était sans doute le cas en l'espèce, dans la mesure où le pourvoi formé par la banque affirmait que, de façon générale, les indications figurant sur le relevé peuvent suppléer l'absence de fixation du taux si elles sont "suffisamment complètes". Une jurisprudence antérieure avait pu statuer en ce sens (16). On aurait apprécié que la Cour de cassation, récapitulant dans son attendu de principe tous les éléments de régime applicables, reprenne expressément à son compte cette condition.


(1) C. consom., art. L. 313-2 (N° Lexbase : L7963IZX).
(2) Commission du plus fort découvert, commission de forçage dans certaines hypothèses... En ce sens, cf. Cass. com., 8 novembre 2005, n° 04-11.069, F-P+B (N° Lexbase : A5961DLD), Bull. civ. IV, n° 217.
(3) Cass. com., 9 juillet 1996, n° 94-17.612, publié (N° Lexbase : A2511ABM), Bull. civ. IV, n° 205 ; Cass. com., 5 mai 1998, n° 95-13.028, publié (N° Lexbase : A2354AC8), Bull. civ. IV, n° 148 ; Cass. com., 5 octobre 2004, n° 01-12.435, FS-P+B (N° Lexbase : A5566DDI), Bull. civ. IV, n° 180 ; Cass. com., 20 février 2007, n° 04-11.989, F-P+B+R (N° Lexbase : A2787DUR), Bull. civ. IV, n° 47 ; Cass. com., 18 mars 2014, n° 13-13.618, F-D (N° Lexbase : A7504MHE).
(4) Une telle clause est validée par la chambre commerciale (Cass. com., 24 mars 2009, n° 08-12.530, FS-P+B N° Lexbase : A2120EEA, Bull civ. IV, n° 44), mais pas par la première chambre civile, tout du moins pour les prêts consentis aux consommateurs (Cass. civ. 1, 19 juin 2013, n° 12-16.651, FS-P+B+I N° Lexbase : A2042KH4, Bull. civ. I, n° 132).
(5) CA Lyon, 31 octobre 2013, n° 12/03450 (N° Lexbase : A7868KNQ).
(6) Cass. com., 6 avril 1999, n° 96-15.337, publié (N° Lexbase : A6655AHX), Bull. civ. IV, n° 82 ; Cass. com., 18 février 2004, n° 01-12.123, FS-P (N° Lexbase : A3121DB9), Bull. civ. IV, n° 38 ; Cass. com., 30 octobre 2007, n° 06-13.852, F-D (N° Lexbase : A2309DZK).
(7) Une certaine doctrine considère que le taux de base de la banque est en soi un taux objectif, dans la mesure où il dépend des conditions de refinancement de la banque sur le marché. Il l'est sans doute d'un point de vue économique. Mais, d'un point de vue juridique, la faculté de laisser la banque fixer unilatéralement le taux n'a été possible qu'en évinçant l'article 1129 du Code civil (N° Lexbase : L1229AB7), ce qui revient à dire qu'il s'agit bien d'un pouvoir -qui peut être contractuellement réservé à la banque sous réserve de l'abus de droit- et donc d'une variation du taux au moins partiellement subjective.
(8) La nullité de la stipulation du taux d'intérêt -dépendant des articles 1907 du Code civil (N° Lexbase : L2132ABL) et L. 313-2 du Code de la consommation- ne doit pas être confondue avec la question du caractère onéreux ou gratuit du contrat de prêt qui est envisagée dans l'article 1905 du Code civil (N° Lexbase : L2129ABH), lequel ne pose qu'une règle de preuve et pas une règle de fond.
(9) Cass. civ. 1, 17 janvier 1995, n° 92-15.258, publié (N° Lexbase : A8146ABC), Bull. civ. I, n° 36 ; Cass. civ. 1, 6 mars 2003, n° 00-16.304, F-D (N° Lexbase : A8198BSG).
(10) Ce qui pourrait exclure les crédits dépendant du droit de la consommation, même si les arrêts ne disent rien de tel.
(11) Cass. civ. 1, 30 octobre 2008, n° 05-10.193, F-D (N° Lexbase : A0547EBU) ; Cass. civ. 1, 28 octobre 2010, n° 09-13.864, F-D (N° Lexbase : A0308GDR).
(12) Cass. civ. 1, 15 juillet 1999, n° 97-19.519, inédit (N° Lexbase : A7546CTN).
(13) Cass. com., 10 février 1998, n° 96-11.241, publié (N° Lexbase : A2618ACX), Bull. civ. IV, n° 63 ; Cass. com., 3 novembre 2004, n° 01-16.238, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7538DDK) ; Cass. com., 27 novembre 2012, n° 11-26.677, F-D (N° Lexbase : A8590IXG).
(14) Ainsi, la clause contractuelle présumant la validité de l'opération peut concerner le TEG appliqué qui a régulièrement été porté sur le relevé : on présumera que les éléments utilisés pour le calcul du taux ou que le calcul du taux lui-même sont réguliers, jusqu'à preuve du contraire. La solution envisagée dans notre arrêt ne concerne bien entendu pas cette hypothèse, mais celle d'une irrégularité de la stipulation d'intérêts, la fixation du TEG dans le relevé ouvrant droit à des intérêts conventionnels pour l'avenir. Pour une illustration de la distinction, cf. Cass. com., 18 février 2004, n° 03-13.035, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0345DEI), Bull. civ. IV, n° 205.
(15) Rappelons ici que l'article 1907, alinéa 2, du Code civil exige la mention du taux d'intérêt débiteur dans le contrat de prêt et que la mention du TEG ne dispense pas de cette obligation.
(16) Cass. com., 9 mars 1999, n° 96-16.554, publié (N° Lexbase : A8670AHL), Bull. civ. IV, n° 54 : "Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans préciser si les tickets d'agios ainsi reçus sans protestation ni réserve comportaient indication d'un taux effectif incluant globalement l'incidence de tous frais et commissions, et s'ils comportaient des indications suffisamment exemplaires pour informer exactement et préalablement les titulaires sur le taux effectif global des opérations postérieures, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

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Commercial

[Brèves] Inobservation de la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris pour les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce : fin de non-recevoir que le juge doit relever d'office

Réf. : Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-10.016, F-P+B (N° Lexbase : A0915NGY)

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N6874BU7

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Le 10 Avril 2015

L'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L7923IZH) est une fin de non-recevoir que le juge doit relever d'office. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 30 mars 2015 (Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-10.016, F-P+B N° Lexbase : A0915NGY). En l'espèce, une société a conclu avec plusieurs autres sociétés plusieurs contrats de représentation commerciale. Ces dernières ayant rompu les contrats dans des conditions qu'elle a estimées brutales, la société représentée les a assignées, par acte du 2 juin 2010, en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion. Ses demandes ayant été rejetées, elle a déposé une déclaration d'appel auprès du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (CA Saint-Denis de la Réunion, 24 juin 2013, n° 11/01894 N° Lexbase : A9225KII). Cette dernière a condamné les représentantes à payer une certaine somme à la société représentée, en application de l'article L. 442-6, 5° du Code de commerce. Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt d'appel au visa de l'article 125 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1421H4E), ensemble les articles L. 442-6 et D. 442-3 (N° Lexbase : L9159IEX) du Code de commerce. Elle déclare irrecevable l'appel interjeté par la société représentée et dit n'y avoir lieu à renvoi.

newsid:446874

Concurrence

[Brèves] Publication d'un nouveau communiqué de procédure relatif au programme de clémence

Réf. : Aut. conc., communiqué de procédure relatif au programme de clémence du 3 avril 2015

Lecture: 2 min

N6877BUA

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Le 15 Avril 2015

L'Autorité de la concurrence a adopté le texte révisé de son communiqué de procédure relatif au programme de clémence qu'elle a publié le 3 avril 2015. Tout d'abord, la visibilité du conseiller clémence, qui joue déjà aujourd'hui un rôle central pour la mise en oeuvre de la procédure, est renforcée : ses fonctions sont détaillées, notamment en tant que point d'entrée pour les entreprises désireuses de déposer une demande de clémence, et de nouvelles clarifications sont apportées pour tenir compte des résultats de la consultation publique. Le nouveau communiqué explicite ensuite les étapes-clés de l'instruction de la demande de clémence, en particulier entre le moment où le délai imparti pour la transmission des informations et éléments de preuves fondant la demande est échu et le moment où la séance devant l'Autorité -préalable à l'adoption d'un avis de clémence- se tient. Ce point a également fait l'objet d'adaptations sur la base des résultats de la consultation publique. L'Autorité intègre un certain nombre de principes développés dans le cadre de sa pratique décisionnelle. Les précisions apportées sont de deux ordres : elles visent (i) à clarifier les obligations des entreprises en matière de coopération avec l'Autorité et (ii) à apporter des précisions quant aux entités juridiques bénéficiaires d'une seule et même demande de clémence. Le nouveau communiqué intègre une innovation majeure prévue dans la version révisée de 2012 du programme modèle de clémence : l'extension de la recevabilité des demandes sommaires à toute demande, quel que soit son type et son rang d'arrivée. Cette innovation est de nature à alléger les charges administratives induites par le dépôt d'une demande de clémence, lorsque plusieurs autorités de concurrence en Europe sont susceptibles d'être compétentes. Au-delà, l'Autorité a souhaité apporter deux modifications substantielles au communiqué faisant écho aux demandes exprimées dans les réponses à la consultation publique. L'Autorité précise ainsi dans le communiqué de procédure que les communiqués de presse publiés à la suite d'opérations de visite et saisie ne mentionneront pas l'identité des entreprises visitées et que leur contenu sera rédigé dans le respect du principe de la présomption d'innocence. En outre, lorsqu'un communiqué de presse est publié à la suite d'opérations de visite et saisie, l'Autorité publiera un second communiqué de presse dans l'hypothèse où elle décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'enquête ou clôt l'affaire au bénéfice d'entreprises visitées. Enfin le communiqué prévoit d'accroître la transparence pour les entreprises en publiant des fourchettes de réduction pour les demandeurs de type 2, tout en faisant en sorte qu'elles se chevauchent pour partie afin de conserver une nécessaire flexibilité permettant de récompenser la qualité des éléments fournis.

newsid:446877

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Le contenu d'un agrément peut être remis en question par la société qui en a bénéficié dans le cadre d'une fusion

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 4 février 2015, n° 365269, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1418NB7)

Lecture: 10 min

N6822BU9

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par Vincent Dussart, Professeur de droit public à l'Université Toulouse 1 Capitole et Responsable du Master 2 droit fiscal de l'entreprise

Le 09 Avril 2015

L'arrêt du Conseil d'Etat du 4 février 2015 apporte une intéressante précision sur la question des agréments accordés au titre de l'article 209 II du CGI (N° Lexbase : L1413IZD) et relatifs à la déduction des déficits dans le cadre d'opérations de fusion. Le 23 décembre 2003, la société requérante a absorbé (sous le régime de faveur de l'article 210 A du CGI N° Lexbase : L9521ITS) une autre société avec effet rétroactif au 1er janvier 2003. Le 18 décembre 2003 la société requérante a déposé une demande d'agrément pour intégrer le déficit encore à la charge de la société absorbée. L'administration fiscale lui a accordé cet agrément le 8 août 2005 en application de l'article 209 II du CGI dans sa rédaction applicable aux faits. Ce dernier autorisait cette société à déduire 14 301 euros au titre des déficits antérieurement subis par la société absorbée. Cependant, la société requérante a déduit un montant de 425 356 euros au titre du déficit qu'elle prétend réellement constaté de la société absorbée.

La société requérante a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. L'administration fiscale a réintégré dans le résultat imposable de la société requérante qui, entre temps, a été reprise, le montant du déficit ajouté à celui dont la déduction avait été autorisée par l'agrément. Cette rectification a donc eu pour effet de mettre à la charge de la société requérante un complément d'impôt sur les sociétés et de contribution sur les bénéfices ainsi que des pénalités.

La société a donc engagé une procédure contentieuse pour obtenir la décharge des droits supplémentaires mis à sa charge. Le tribunal administratif (1) puis la cour administrative d'appel de Paris (2) ont rejeté la requête de la société requérante. Dans ces deux décisions, le juge administratif a considéré que les dispositions du II de l'article 209 du CGI, dans leur rédaction applicable aux impositions en litige, faisaient obstacle à ce que la société puisse demander, dans sa réclamation, le droit de déduire de son résultat imposable un déficit supérieur à celui mentionné dans la décision d'agrément. Il apparaît donc que les juges du fond ont considéré que l'agrément accordé le 8 août 2005 était donc, en quelque sorte, "indépassable" ! La question posée au juge de cassation était subséquemment de savoir si la société requérante avait pu légitimement déduire une somme considérablement plus importante que celle mentionnée par l'agrément. Il convient donc de rappeler ici le régime des agréments de l'article 209 II du CGI (I) avant d'évoquer l'interprétation souple de l'article 209 II contenue dans cette décision (II).

I - Les agréments de l'article 209 II du CGI

La fusion de sociétés entraine normalement la perte du droit au report des déficits subis par la société absorbée. En effet, ce type d'opération a pour conséquence une cessation totale d'entreprise. Le régime des fusions (3) peut obéir à deux régimes fiscaux différents : le régime de droit commun et le régime dit de faveur institué à l'article 210 A du CGI. La question posée dans l'arrêt du Conseil d'Etat du 4 février 2015 est celle du traitement des déficits dans le cadre des agréments de transfert prévus à l'article 209 II du CGI dans sa rédaction issue de l'article 85 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001, de finances pour 2002 (N° Lexbase : L1042AWI). Cet article prévoit que les déficits des sociétés absorbées ou apporteuses peuvent être transférés aux sociétés absorbantes ou bénéficiaires des apports dans le cadre d'une procédure d'agrément préalable prévue à l'article 1649 nonies du CGI (N° Lexbase : L0668IH9).

L'article 209 II du CGI prévoyait, dans sa rédaction applicable à l'arrêt, que cet agrément pouvait être délivré sous plusieurs conditions :

- la fusion doit s'opérer sous le régime de faveur de l'article 210 A du CGI ;

- les agréments ne peuvent être délivrés qu'à la condition que l'opération de fusion ait un but économique et non fiscal. La fusion ne doit donc pas permettre le transfert de déficit des sociétés absorbées dans le seul ou principal but de réduction du bénéfice des sociétés absorbantes. L'administration a, d'ailleurs, toujours précisé dans sa doctrine que "la notion de motivation principale de fraude ou d'évasion fiscale de l'opération revêt un caractère plus étendu que celui de motivation exclusivement fiscale dégagée par la jurisprudence pour l'application des dispositions de l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L4668ICU) (4)" ;

- l'activité à l'origine des déficits doit être poursuivie par la société absorbante pendant trois ans au moins. Dans cette période, "l'activité ne doit pas faire l'objet de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d'activité (5)". L'administration a précisé que la notion de "maintien de l'activité" de la société absorbée ne devait pas être confondue avec celle "d'identité d'activité" telle qu'elle a pu être définie à l'article 221-5 du CGI (N° Lexbase : L9906IWS), celle-ci pouvant faire obstacle le cas échéant à l'imputation des déficits propres de la société absorbante. La poursuite de l'activité de la société absorbée suppose donc obligatoirement que la société absorbante n'y apporte pas de changement profond de nature à caractériser une perte d'identité de l'activité reprise. Cette condition doit donc s'apprécier "en fonction de critères objectifs fondés sur la nature et l'importance des éléments repris, dans le contexte économique propre de l'opération (lieux d'exploitation, actifs mis en oeuvre, produits fabriqués ou services rendus, effectifs maintenus, zones géographiques desservies, clientèle, etc.) (6)" ;

- les déficits transférables sont limités en valeur à la valeur brute des éléments de l'actif immobilisé de la société absorbée affectés à l'exploitation, hors immobilisations financières ou à la valeur d'apport de ces mêmes éléments. Le montant des déficits transférés ne doit pas excéder la plus élevée de ces deux valeurs.

Il apparaît dans l'affaire jugée que la société requérante remplissait les conditions d'octroi de l'agrément pour reprendre le déficit de la société absorbée. Ce déficit avait été estimé au moment de la demande d'agrément le 18 décembre 2003 à 14 301 euros et ce avant la décision de fusion en date du 23 décembre 2003.

Il apparaît que la société requérante n'avait pas pris en compte à ce moment-là un certain nombre d'erreurs comme le rappelle le Rapporteur public dans ses conclusions. Environ 530 000 euros de charges et 130 000 euros de produits n'avaient pas été comptabilisés au titre des exercices 2001 et 2002.

Pour justifier l'imputation de près de 400 000 euros de déficits issus des résultats de la société absorbante, cette dernière a d'abord argué du fait que les erreurs ne pouvaient être connues à la date d'effet de la fusion et de la période intercalaire. Cet argument rentre dans l'utilisation de la théorie dite du prix d'acquisition (7). Une société absorbante est tenue de prendre en charge l'intégralité du passif transmis par l'absorbée. Ce passif doit être connu au moment de la fusion. La cour administrative d'appel a constaté que la société requérante n'avait pu démontrer qu'elle ignorait le montant des charges et des produits omis. Les charges litigieuses avaient, de plus, été inscrites au compte 672 000 "charges sur exercices antérieurs" lors de la période intercalaire. Dès lors, elles ne pouvaient être raisonnablement inconnues de la société absorbante. La cour administrative d'appel a donc pu légitimement juger que les charges décelées faisaient, en théorie, partie du prix d'acquisition.

Il apparaît que la société requérante n'a pas opérée de réclamation, dans le délai légal, pour demander la rectification des erreurs comptables. En effet, sa réclamation n'est intervenue que le 8 février 2007 ce qui signifie que les exercices de constitution des charges omises étaient prescrits. En effet, la société aurait dû introduire une réclamation dans le délai expirant au 31 décembre de la deuxième année suivant le paiement ou l'établissement de l'impôt sur les sociétés. La vérification de comptabilité et la procédure de rectification qui l'a suivi ne visaient que les exercices 2003 et 2004. Dès lors, comme le rappelle Frédéric Aladjidi dans ses conclusions, il n'y avait pas de possibilité de compensation sur des exercices antérieurs prescrits. Cet argument de la prescription aurait pu être utilisé, comme le constate ce dernier, à l'encontre de l'argument tiré de l'augmentation de l'agrément accordé par l'administration fiscale.

II - Une interprétation souple de l'article 209 II

Après avoir méthodiquement combattu les premiers arguments de la société requérante, le Rapporteur public a proposé au Conseil d'Etat une "interprétation souple (8)" de l'article 209 II du CGI. Paradoxalement, si la société a obtenu gain de cause sur le principe de l'augmentation du déficit agréé, elle ne pourra probablement pas gagner sur le fond à la suite du renvoi devant la cour administrative d'appel de Paris opéré par le Conseil d'Etat.

Entre 2002 et 2012, il apparaît que le régime des agréments de l'article 209 II du CGI n'a cessé de s'assouplir. L'article 85 de la loi de finances pour 2002, qui a réformé l'article 209 II, a rendu l'agrément de droit dès lors que les conditions d'octroi étaient remplies. Les agréments ne relèvent plus d'un processus discrétionnaire mais bien d'une décision accordée dès lors que le bénéficiaire potentiel présente toutes les conditions requises (9). L'hypothèse de l'article 209 II entre dans le cas, que relevait Olivier Fouquet, où les textes, en fixant les conditions légales, ne laissent à l'administration fiscale, sous le contrôle normal du juge, que le pouvoir d'apprécier le respect de ces conditions (10).

Il semblait bien que la procédure d'agrément engagée par la société requérante à la suite de l'absorption d'une autre société répondait aux critères fixés. Dès lors, la décision d'agrément lui a été accordée sans difficulté. Or, il apparaît, selon la doctrine administrative, que cette "décision ne saurait être regardée comme fixant un montant intangible de déficits reportables". En application de l'article 1649 nonies du CGI, "toute demande d'agrément auquel est subordonnée l'application d'un régime fiscal particulier doit être déposée préalablement à la réalisation de l'opération qui la motive". Dès lors, le montant supplémentaire de charges aurait du être ajouté au déficit déjà connu au moment de la demande d'agrément.

Le Rapporteur public a donc proposé une interprétation pour le moins flexible de l'article 209 II. Il admet que la société ait pu ne pas connaître le montant des erreurs tout en trouvant cela étrange. Il a donc proposé au Conseil d'Etat de dépasser le montant inscrit dans l'agrément comme la doctrine administrative semble le lui donner la possibilité.

L'argument central de cette interprétation n'est pas sans intérêt. Les déficits sont contrôlables par l'administration fiscale. Elle peut donc, dans cette hypothèse, réduire les déficits imputables dans le délai de reprise. Une certaine logique est ici respectée : comme il a été précisé, le montant de déficit agréé n'est pas intangible. Il serait donc anormal que l'administration fiscale, dans le délai de reprise, puisse rectifier le montant du déficit à la baisse et que symétriquement, le contribuable ne puisse en proposer l'augmentation dans le même délai. Le Rapporteur public évoque dans ses conclusions une "réelle inéquité (11)" potentielle. En effet, l'agrément étant de droit, il peut être modifié dès lors que l'administration peut, elle-même, en remettre en cause les termes lorsque les conditions de l'article 209 II du CGI ne seraient plus remplies.

L'article 1649 nonies A du CGI dispose que "l'inexécution des engagements souscrits en vue d'obtenir un agrément administratif ou le non-respect des conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné entraîne le retrait de l'agrément, la déchéance des avantages fiscaux qui y sont attachés et l'exigibilité des impositions non acquittées du fait de celui-ci assorties de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 (N° Lexbase : L9755I3P), décompté de la date à laquelle ces impôts auraient dû être acquittés". Il faut ajouter que le même article prévoit que le ministre chargé de l'Economie et des Finances est autorisé à limiter les effets de cette déchéance à une fraction des avantages obtenus du fait de l'agrément.

En réalité, l'administration fiscale pourra bien toujours remettre en cause des agréments de l'article 209 II du CGI. D'ailleurs, Il faut noter que le législateur est intervenu dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 N° Lexbase : L9357ITQ) afin de modifier certaines des conditions d'octroi de l'agrément afin de durcir le dispositif global de cet article 209 II : l'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n'a pas fait l'objet par la société absorbée ou apporteuse, pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d'activité ; l'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés absorbantes ou bénéficiaires des apports pendant un délai minimal de trois ans, sans faire l'objet, pendant cette période, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d'activité ; les déficits et intérêts susceptibles d'être transférés ne proviennent ni de la gestion d'un patrimoine mobilier par des sociétés dont l'actif est principalement composé de participations financières dans d'autres sociétés ou groupements assimilés, ni de la gestion d'un patrimoine immobilier (12).

La "rectification" de l'agrément ne pourra donc se faire que dans le délai de réclamation. Il se trouve d'ailleurs dans cette affaire que la société requérante ne pourra, sans doute, pas se prévaloir de la décision favorable sur le principe des juges du Palais Royal. En effet, il apparaît qu'elle se trouve hors du délai de réclamation. Les exercices 2001 et 2002, où ont été réalisées les "erreurs", étaient prescrits dès la réclamation introduite par la société en 2007.

Cette décision est importante en ce qui concerne la possibilité de transférer des déficits plus importants que ceux constatés dans la seule période intercalaire. Il n'en reste pas moins qu'il est préférable pour les sociétés absorbantes de prendre toutes les précautions pour intégrer le plus vite possible les charges dans le cadre de la procédure d'agrément. La souplesse introduite par le Conseil d'Etat méritera, sans doute, des décisions de confirmation. De plus, on pourrait imaginer que Bercy ne devrait pas être insensible à cette décision lourde de potentialités pour nombre d'opérations de fusions dans un contexte politique de lutte contre l'optimisation fiscale excessive.


(1) TA Paris, 3 novembre 2010, n° 0719425 (N° Lexbase : A1777NBG).
(2) CAA Paris, 15 novembre 2012, n° 11PA00092 (N° Lexbase : A5264IXA).
(3) Sur le régime des fusions voir M. Cozian, Précis de fiscalité des entreprises, éditions LexisNexis, 32ème édition, 2014, p. 809 et s. ; M. Chadefaux, Les fusions de sociétés : régime juridique et fiscal, Groupe Revue Fiduciaire, 7ème édition, 2012 ; P. Oudenot, Fiscalité des sociétés et des restructurations, éditions LexisNexis, 2014, p. 595 et s..
(4) Instruction du 21 août 2002, BOI 13 D-2-02 (N° Lexbase : X2244ABQ) reprise pour l'essentiel dans le BoFip-Impôts : BOI-SJ-AGR-20-30-10-10-20131007 (N° Lexbase : X7441AL8).
(5) Instruction du 21 août 2002, BOI 13 D-2-02, p. 4, préc..
(6) Instruction du 21 août 2002, BOI 13 D-2-02, p. 4, préc..
(7) CE 3° et 8° s-s-r., 6 juin 2008, n° 285629, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9537D8Q), RJF, 2008, n° 1058, concl. L. Olléon.
(8) F. Aladjidi, Conclusions, p. 6.
(9) M. Cozian, op. cit., p. 816.
(10) O. Fouquet, Concl., sous CE 7° et 8° s-s-r., 24 février 1988, n° 76603, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8000APY), Droit fiscal, 1988, n° 39, comm. 1756, RJF, n° 3, 1988, n° 341. Voir également N. Chayvialle, Agréments fiscaux, Procédure et contentieux, Jurisclasseur Procédures fiscales, fac. 770, n° 67 et s..
(11) F. Aladjidi, Conclusions, p. 5 in fine.
(12) Voir BoFip-Impôts : BOI-SJ-AGR-20-30-10-10-20131007, préc..

newsid:446822

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Exonération d'indemnités assimilables à un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 1er avril 2015, n° 365253, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1147NGL)

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N6814BUW

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Le 10 Avril 2015

Les sommes perçues par un salarié en exécution d'une transaction conclue avec son employeur à la suite d'une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités exonérées d'impôt sur le revenu (CGI, art. 80 duodecies N° Lexbase : L0735IXI), que si le salarié apporte la preuve que cette prise d'acte est assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de faits de nature à justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur. Dans le cas contraire, la prise d'acte doit être regardée comme constitutive d'une démission, et l'indemnité transactionnelle soumise à l'impôt sur le revenu. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 1er avril 2015 (CE 9° et 10° s-s-r., 1er avril 2015, n° 365253, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1147NGL). En l'espèce, un salarié a perçu, au titre d'une transaction conclue avec son ancien employeur, une indemnité en contrepartie de son désistement de l'instance engagée devant le conseil de prud'hommes d'Angers, qu'il avait saisi afin d'obtenir la condamnation de celui-ci au paiement d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la suite de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail intervenue à son initiative. L'administration fiscale a intégré cette somme dans son assiette imposable. Toutefois, le Conseil d'Etat a fait droit à la demande du salarié requérant en précisant que ce dernier pouvait, au seul motif qu'il avait signé une transaction avec son ancien employeur, bénéficier de l'exonération réservée par les dispositions de l'article 80 duodecies du CGI aux indemnités mentionnées à l'article L. 1235-3 du Code du travail (N° Lexbase : L1342H9L), car l'intéressé a établit en l'espèce que l'indemnité transactionnelle litigieuse était assimilée à une indemnité faisant suite à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse .

newsid:446814

Hygiène et sécurité

[Brèves] Contrôle d'alcoolémie effectué pour des raisons techniques en dehors de l'entreprise en méconnaissance des modalités prescrites par le règlement intérieur : absence d'atteinte à une liberté fondamentale eu égard à la nature du travail confié au salarié

Réf. : Cass. soc., 31 mars 2015, n° 13-25.436, FS-P+B (N° Lexbase : A0971NG3)

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N6871BUZ

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Le 11 Avril 2015

Ne constitue pas une atteinte à une liberté fondamentale, le recours à un contrôle d'alcoolémie permettant de constater l'état d'ébriété d'un salarié au travail, dès lors qu'eu égard à la nature du travail confié à ce salarié, un tel état d'ébriété est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, et que les modalités de ce contrôle, prévues au règlement intérieur, en permettent la contestation, peu important qu'il s'effectue, pour des raisons techniques, hors de l'entreprise. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 31 mars 2015 (Cass. soc., 31 mars 2015, n° 13-25.436, FS-P+B N° Lexbase : A0971NG3).
Dans cette affaire, M. X a été engagé par la société Y en qualité d'ouvrier routier qualifié, à compter du 15 décembre 1986. Il a été mis à pied à titre conservatoire le 24 août 2011 et convoqué devant le conseil de discipline et à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement. Il a été licencié pour faute grave le 12 septembre suivant, notamment pour s'être trouvé en état d'imprégnation alcoolique sur son lieu de travail.
La cour d'appel (CA Dijon, 19 septembre 2013, n° 11/01287 N° Lexbase : A3448KLB) ayant débouté le salarié de sa demande de nullité du licenciement et, en conséquence, de ses demandes de réintégration et de paiement des salaires qu'il aurait dû percevoir depuis la date de son éviction jusqu'à celle de sa réintégration, le salarié s'est pourvu en cassation. Au soutien de son pourvoi, il alléguait que le fait de soumettre un salarié à un contrôle d'alcoolémie en dehors du lieu de travail, en méconnaissance des modalités prescrites par le règlement intérieur de l'entreprise caractérise la violation d'une liberté fondamentale emportant nullité du licenciement.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi du salarié (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2674ET9).

newsid:446871

Impôts locaux

[Brèves] Taxe professionnelle : conditions d'éligibilité des logiciels et de leurs droits d'usage

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 1er avril 2015, n° 374693, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1166NGB)

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N6817BUZ

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Le 14 Avril 2015

Des logiciels, de même que leurs droits d'usage, lorsqu'ils remplissent les conditions pour être inscrits à l'actif immobilisé, constituent par nature des éléments incorporels et n'entrent donc pas dans la base imposable à la taxe professionnelle. Il n'en va différemment que si leur prix de revient ne peut être dissocié de celui d'une immobilisation corporelle. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 1er avril 2015 (CE 9° et 10° s-s-r., 1er avril 2015, n° 374693, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1166NGB). En l'espèce, un opérateur téléphonique a conclu avec divers fournisseurs des contrats de concession de longue durée de logiciels destinés à son réseau de téléphonie. Des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle ont été mises à la charge de cette société au motif que les droits d'usage de ces logiciels avaient, à tort, été comptabilisés en actifs incorporels. Le Conseil d'Etat n'a pas été dans ce sens. En effet, l'administration, au cas présent, avait remis en cause la séparation opérée par la société, tant au plan comptable que fiscal, entre, d'une part, la composante matérielle et la "couche informatique" attachée dite de "boot", inscrites en tant qu'éléments corporels de son actif, et, d'autre part, la composante logicielle de son réseau de téléphonie mobile, comptabilisée à l'actif incorporel. Cependant, si le prix de revient de la "couche informatique" attachée dite de "boot" ne peut être dissocié de celui des équipements de téléphonie, il résulte en revanche du contrat de fourniture passé entre la société requérante et son principal fournisseur que les droits d'usage des logiciels étaient concédés moyennant un prix déterminé et distinct de celui du matériel informatique. Par suite, le prix de revient des logiciels en cause pouvait être dissocié de celui des équipements et ainsi, il résulte que c'est à tort que l'administration fiscale a réintégré la valeur locative de ces logiciels dans les bases de la taxe professionnelle.

newsid:446817

Licenciement

[Jurisprudence] L'exercice du pouvoir de licencier au sein des associations

Réf. : Cass. soc., 17 mars 2015, n° 13-20.452, FS-P+B (N° Lexbase : A1937NEH)

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N6803BUI

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par Gilles Auzero, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 09 Avril 2015

Alors que le Code de commerce fixe, parfois avec un luxe de détails, l'organisation du pouvoir au sein des sociétés, tel n'est pas le cas de la loi du 1er juillet 1901, relative au contrat d'association (N° Lexbase : L3076AIR), qui ne précise même pas les organes dont ce groupement doit se doter. C'est donc aux fondateurs de l'association qu'il appartient de nommer ces organes et de déterminer leurs pouvoirs dans l'ordre interne et externe au moyen de stipulations statutaires. Le fait est, que, bien souvent, ces stipulations statutaires s'avèrent lacunaires. Il n'est pas rare que le problème apparaisse lors du licenciement des salariés de l'association qui, postérieurement à la rupture de leur contrat de travail, saisissent le juge afin d'en contester la régularité, arguant du fait que le licenciement a été prononcé par une personne qui n'en avait pas le pouvoir. A cette occasion, le juge est alors conduit à interpréter les stipulations du pacte fondateur. Tel était le cas dans l'arrêt rendu le 17 mars 2015 par la Chambre sociale de la Cour de cassation.
Résumé

Ayant constaté, sans dénaturation, qu'aux termes de l'article 14 des statuts de l'AIST 83, le conseil d'administration, sur proposition du président, désigne le directeur, la cour d'appel en a déduit à bon droit que celui-ci ne pouvait être démis de ses fonctions que sur décision du conseil d'administration et que le manquement à cette règle, insusceptible de régularisation, rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Observations

I - L'organe compétent pour licencier

L'importance des statuts. Ne serait-ce que parce qu'il est partie au contrat de travail conclu avec le salarié, l'employeur dispose du pouvoir d'y mettre un terme en prononçant un licenciement (1). Juridiquement fondée, cette affirmation n'en reste pas moins insuffisante dès lors que l'employeur est une personne morale. Dans ce cas, en effet, il lui est matériellement impossible de décider d'un licenciement qui ne peut qu'être le fait d'une personne physique (2). Mais encore faut-il que cette dernière ait le pouvoir d'agir au nom et pour le compte de la personne morale employeur.

Dans les sociétés, l'attribution d'un tel pouvoir procède de la loi. Ainsi, et pour ne prendre que quelques exemples, dans la société anonyme à conseil d'administration, le directeur général "est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société" (C. com., art. L. 225-56, I, al. 1er N° Lexbase : L5927AID). De même, dans la société anonyme avec directoire et conseil de surveillance, ce même pouvoir est attribué au premier de ces organes (C. com., art. L. 225-64, al. 1er N° Lexbase : L5935AIN). Il est dévolu au gérant dans la société à responsabilité limitée (C. com., art. L. 223-18, al. 5 N° Lexbase : L0906I7P) et dans la société en nom collectif (C. com., art. L. 221-6 N° Lexbase : L5802AIQ). Enfin, au sein de la société par actions simplifiée, c'est le président, seul organe obligatoire de cette forme sociétaire, qui représente la société à l'égard des tiers et est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social (C. com., art. L. 227-6, al. 1er N° Lexbase : L6161AIZ).

Investis par la loi du pouvoir de gestion, ces organes sont habilités à conclure, au nom et pour le compte de la personne morale, les contrats de travail avec les salariés appelés à oeuvrer au sein de l'entreprise que vient juridiquement structurer la forme sociale choisie. Ils sont, dans le même temps, les seuls à même de rompre ces contrats et donc d'exercer le pouvoir de licencier (3).

Une telle organisation du pouvoir n'existe pas au sein des associations, la loi du 1er juillet 1901 ne précisant pas les organes dont elles doivent se doter et, a fortiori, leurs pouvoirs. Cette lacune ne doit pas nécessairement être dénoncée, étant observé qu'elle peut être aisément corrigée par les stipulations de statuts ; ce qui confère une liberté certaine aux membres de l'association. Mais encore faut-il que ces derniers aient, d'abord, envisagé la question et, ensuite, rédigé les statuts de manière précise. Il faut malheureusement constater qu'il n'en va toujours ainsi. Le problème est fréquemment révélé lors du licenciement d'un salarié contractuellement lié à l'association ; ainsi qu'en témoigne l'arrêt sous examen.

L'affaire. En l'espèce, Mme X, nommée à compter du 21 juin 1999 au poste de directeur de l'association interprofessionnelle de médecine du travail du Var, devenue association interprofessionnelle de santé au travail du Var (AIST 83), avait été licenciée pour faute grave par lettre recommandée du 3 novembre 2008 signée par le président de l'association. Contestant la régularité et le bien-fondé de son licenciement, la salariée avait saisi la juridiction prud'homale.

L'employeur reprochait à l'arrêt attaqué d'avoir jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné à verser à la salariée certaines sommes. Son pourvoi est rejeté par la Cour de cassation, qui affirme qu'"ayant constaté, sans dénaturation, qu'aux termes de l'article 14 des statuts de l'AIST 83, le conseil d'administration, sur proposition du président, désigne le directeur, la cour d'appel en a déduit à bon droit que celui-ci ne pouvait être démis de ses fonctions que sur décision du conseil d'administration et que le manquement à cette règle, insusceptible de régularisation, rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse".

L'interprétation des statuts. S'agissant de la détermination du titulaire du pouvoir de licencier, la Cour de cassation vient donc approuver l'interprétation des statuts à laquelle s'étaient livrés les juges du fond. A n'en point douter, il y avait, en l'espèce, matière en interprétation, pour cette simple raison que les statuts n'attribuaient pas explicitement le pouvoir de licencier à un organe en particulier. Il reste maintenant à déterminer si l'interprétation retenue est la bonne.

Dans un arrêt rendu le 29 septembre 2004 (4), la Cour de cassation a pu affirmer "qu'il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié". L'employeur n'avait pas manqué d'invoquer cette solution à l'appui de son pourvoi (5), ajoutant que l'article 14 des statuts de l'AIST 83 prévoit que "sur proposition du président, le conseil d'administration désigne le directeur" et qu'en se fondant sur cette stipulation pour affirmer que le conseil d'administration était, statutairement, seul compétent pour licencier le directeur de l'association, quand ladite disposition ne prévoyait aucune dérogation à la compétence de principe qui est attribuée, à cet égard, au président de l'association, la cour d'appel qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé l'article 1134 du Code civil.

Ainsi qu'il a été observé, le grief de dénaturation "oblige le plus souvent le juge de cassation à se demander, en premier lieu, si la lettre de l'acte est aussi claire que prétendu par l'auteur du pourvoi et, dans l'affirmative, en second lieu, si le juge du fond l'a, sous couvert d'interprétation, altérée au point de la dénaturer" (6). De notre point de vue, la lettre de l'article 14 des statuts était des plus claires, ne visant que le pouvoir de désigner le directeur. On ne saurait, pour autant, dire que les juges du fond l'avaient, sous couvert d'interprétation, dénaturée. Il n'est, en effet, pas complètement illogique de considérer que l'organe statutairement habilité pour embaucher un salarié, qui plus est destiné à occuper des fonctions sensibles, ait aussi le pouvoir de le démettre de ses fonctions (7), dès lors que ce dernier pouvoir n'a pas été expressément confié à un autre organe.

II - La sanction de la méconnaissance des stipulations statutaires

Le rejet de toute faculté de régularisation. A l'appui de son pourvoi, l'association employeur avait également soutenu qu'en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, le mandant est tenu de l'acte de celui-ci s'il l'a ratifié, expressément ou tacitement. En conséquence, en jugeant le licenciement de Mme X sans cause réelle et sérieuse, au motif que la lettre de licenciement aurait été signée par le président qui n'aurait pas eu la compétence pour en décider, quand l'association AIST 83 avait soutenu, devant elle, la validité et le bien-fondé du licenciement de Mme X, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que le président de l'association avait, à tout le moins, reçu mandat implicite de licencier sa directrice, a violé les articles L. 1232-6 (N° Lexbase : L1084H9Z), L. 1235-1 (N° Lexbase : L0733IXG) du Code du travail et 1998 du Code civil (N° Lexbase : L2221ABU).

La Cour de cassation n'a pas été sensible à cet argumentation puisque, cela a déjà été indiqué, elle considère que le manquement à la règle prescrite par les statuts était "insusceptible de régularisation".

Cette solution n'est pas de nature à surprendre dans la mesure où, par le passé, la Chambre sociale l'a déjà énoncée (8). Cela étant, les décisions auxquelles il est fait référence sont antérieures aux fameux arrêts de Chambre mixte en date du 19 novembre 2010, dans lesquels, on s'en souvient, la Cour de cassation était venue régler le problème de la délégation du pouvoir de licencier dans les SAS (9). Dans l'une de ces deux décisions, la Cour de cassation avait indiqué qu' "en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, le mandant est tenu de l'acte de celui-ci s'il l'a ratifié expressément ou tacitement", affirmant, ensuite, pour censurer l'arrêt attaqué, "que la société, en la personne de son représentant légal, reprenait oralement ses conclusions aux termes desquelles elle soutenait la validité et le bien-fondé du licenciement dont M. X avait fait l'objet et réclamait le rejet de toutes les prétentions de ce dernier, ce dont il résultait la volonté claire et non équivoque de cette société de ratifier la mesure prise par ses préposés" (10).

Si l'on comprend ainsi mieux l'argumentation soutenue par l'association dans l'arrêt présentement commenté, on en vient surtout à se demander si la Chambre sociale, en maintenant sa jurisprudence antérieure, n'entend pas prendre ses distances avec la solution retenue en 2010 en Chambre mixte (11). Il nous semble toutefois permis de considérer que tel n'est pas le cas.

Pour qu'un acte accompli par un mandataire en dépassement de ses pouvoirs puisse être ratifié par le mandant, encore faut-il que le second soit en droit de déléguer au premier le pouvoir dont l'acte procède. Or, lorsque les statuts d'un groupement personnifié réservent à un organe particulier un pouvoir déterminé, tel celui d'engager ou de licencier les salariés du groupement, ils lui interdisent, par-là même, de déléguer ce pouvoir à autrui. Admettre le contraire reviendrait à méconnaître les stipulations des statuts et, ce faisant, la volonté des fondateurs du groupement (12).

Le rejet de la nullité du licenciement. L'arrêt commenté porte, une nouvelle fois (13), témoignage du fait que la Cour de cassation entend sanctionner le licenciement prononcé par une personne qui n'en a pas le pouvoir par l'absence de cause réelle et sérieuse. Nous persistons à penser que c'est plutôt la nullité du licenciement qui devrait être retenue (14), pour au moins deux raisons.

En premier lieu, ce n'est pas parce qu'un licenciement a été prononcé par une personne qui n'en avait pas le pouvoir qu'il est, en fait, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Au contraire, celui-ci peut être parfaitement justifié. Ce faisant, le salarié peut, si l'on peut dire, s'en tirer à bon compte, notamment dans le cas où il a commis une faute particulièrement grave.

En second lieu, retenir que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse revient, par hypothèse, à admettre que le contrat de travail a été rompu. Or, si la personne qui l'a prononcé n'avait pas, en la matière, le pouvoir d'agir au nom et pour le compte de la personne morale employeur, il faut se rendre à l'évidence et considérer que celle-ci est toujours liée par le contrat. Cela est d'autant plus vrai lorsque, comme en l'espèce, toute faculté de régularisation est exclue.


(1) Sous réserve, évidemment que le contrat de travail soit à durée indéterminée.
(2) V., sur la question, G. Auzero, L'exercice du pouvoir de licencier, Dr. soc., 2010, p. 289.
(3) Deux précisions doivent encore être ajoutées. En premier lieu, il convient d'avoir égard pour les statuts de la société, qui peuvent venir limiter le pouvoir conféré par la loi aux organes sociaux. En second lieu, ces derniers peuvent déléguer leur pouvoir à un mandataire. Sur ces questions, v. notre art. préc..
(4) Cass. soc., 29 septembre 2004, n° 02-43.771, publié (N° Lexbase : A4764DDS) : Bull. Joly Sociétés, 2005, p. 290, note C. Bénard.
(5) Argumentation d'autant plus compréhensible que l'on apprend, au détour du pourvoi, que l'article 16 des statuts de l'association confère les pouvoirs les plus étendus au président pour représenter l'association en justice et dans tous les actes de la vie civile.
(6) Rapp. annuel de la Cour de cassation pour 2012, Livre 3 : Etude, La preuve, Partie 1, Titre 2, chap. 2.
(7) V. déjà en ce sens, Cass. soc., 4 mars 2003, n° 00-45.193, publié (N° Lexbase : A3708A7H) ; Dr. soc., 2003, p. 543.
(8) Cass. soc., 4 avril 2006, n° 04-47.677, F-P+B (N° Lexbase : A9737DNX), Bull. civ. V, n° 134 ; Cass. soc., 8 juillet 2010, n° 08-45.592, F-D (N° Lexbase : A2219E4X) et nos obs., L'exercice du pouvoir de licencier au sein des associations et autres personnes morales, Lexbase Hebdo n° 409 du 23 septembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N0950BQA).
(9) Cass. mixte, 19 novembre 2010, deux arrêts, n° 10-10.095, P+B+R+I (N° Lexbase : A9890GI7) et n° 10-30.215, P+B+R+I (N° Lexbase : A9891GI8) ; RJS, 2/11, p. 83, chron. N. Ferrier et G. Auzero.
(10) Cass. mixte, 19 novembre 2010, n° 10-30.215, P+B+R+I, préc..
(11) Nous avions pu, nous même, douter du maintien de la jurisprudence en cause (v. notre art. préc., p. 88).
(12) Ces mêmes fondateurs peuvent tout à fait autoriser la délégation ou la soumettre à des conditions qui doivent alors être respectées.
(13) V., antérieurement, Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-17.015, FS-P+B (N° Lexbase : A9351HZD) ; JCP éd. S, 2012, 1057, note S. Brissy ; Cass. soc., 18 janvier 2012, n° 10-23.713, F-D (N° Lexbase : A1310IB7) ; Dr. soc., 2012, p. 325, obs. F. Duquesne.
(14) Solution que la Cour de cassation avait, par le passé, retenue : Cass. soc., 13 septembre 2005, n° 02-47.619, F-D (N° Lexbase : A4399DK7) ; Cass. soc., 29 avril 2009, n° 08-40.128, F-D (N° Lexbase : A6564EG9).

Décision

Cass. soc., 17 mars 2015, n° 13-20.452, FS-P+B (N° Lexbase : A1937NEH).

Rejet (CA Aix-en-Provence, 2 mai 2013, n° 12/13473 N° Lexbase : A9481KC7).

Textes concernés : C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et art. 1998 (N° Lexbase : L2221ABU).

Mots-clefs : licenciement ; pouvoir ; association ; non respect des stipulations statutaires ; régularisation (non) ; absence de cause réelle et sérieuse.

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newsid:446803

Licenciement

[Brèves] Copie faite par le salarié de fichiers informatiques appartenant à l'entreprise nécessaires à l'exercice des droits de sa défense à l'occasion de son licenciement : le salarié ne peut être condamné à la détruire

Réf. : Cass. soc., 31 mars 2015, n° 13-24.410, FS-P+B (N° Lexbase : A0895NGA)

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N6878BUB

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Le 10 Avril 2015

Un salarié ne peut être condamné à détruire la copie qu'il a faite de fichiers informatiques appartenant à l'entreprise que si les documents en cause ne sont pas strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige qui l'opposait à son employeur à l'occasion de son licenciement. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 31 mars 2015 (Cass. soc., 31 mars 2015, n° 13-24.410, FS-P+B N° Lexbase : A0895NGA).
Dans cette affaire, M. X, engagé par la société Y à compter du 12 décembre 2005 en qualité de responsable technico-commercial, a été licencié pour faute grave, le 2 février 2012.
Pour rejeter la demande reconventionnelle de l'employeur tendant à condamner le salarié sous astreinte à détruire la copie des fichiers visés dans la sommation interpellative du 9 février 2012, la cour d'appel (CA Versailles, 9 juillet 2013, n° 13/00946 N° Lexbase : A5661KII) retient que les pièces produites par l'employeur ne permettent pas de retenir qu'il existe un risque d'utilisation des documents à des fins commerciales, qu'en effet, la copie du disque dur en une seule opération établit que cette copie était directement liée aux conditions de la rupture, sans que soient produits d'éléments laissant supposer une autre utilisation que celle qui a été faite dans la procédure prud'homale. A la suite de cette décision, la société s'est pourvue en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel au visa des articles L. 1222-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0767H9B) et 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9204ESP).

newsid:446878

Procédure administrative

[Brèves] Conseil d'Etat juge de l'exécution et demande d'astreinte : connexité des conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant du retard d'exécution de la décision juridictionnelle

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 1er avril 2015, n° 374536, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1165NGA)

Lecture: 1 min

N6866BUT

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Le 10 Avril 2015

Dans un arrêt rendu le 1er avril 2015, le Conseil d'Etat précise le statut des conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant du retard d'exécution de la décision juridictionnelle (CE 9° et 10° s-s-r., 1er avril 2015, n° 374536, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1165NGA). Les conclusions d'une demande présentée au Conseil d'Etat tendant à l'indemnisation du préjudice résultant du retard de l'administration à exécuter une décision du Conseil d'Etat sont connexes avec celles, présentées dans la même demande, tendant à ce que le Conseil d'Etat juge de l'exécution prononce une astreinte afin d'assurer l'exécution de sa décision (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E4793EXS).

newsid:446866

Procédure pénale

[Brèves] Lutte contre la criminalité transfrontalière : pas de nullité pour les actes d'information réalisés par des officiers de liaison français

Réf. : Cass. crim., 1er avril 2015, n° 14-87.647, F-P+B+I (N° Lexbase : A8727NEX)

Lecture: 2 min

N6794BU8

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Le 09 Avril 2015

Il n'y a pas lieu à annulation des actes, réalisés par les officiers de liaison français, dès lors que les renseignements collectés, au cours de leurs déplacements successifs, ne constituaient pas des actes de police judiciaire, mais des informations utiles pour lutter contre la criminalité transfrontière et destinées seulement à guider d'éventuelles investigations entreprises en France par la police judiciaire. Telle est la solution retenue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 1er avril 2015 (Cass. crim., 1er avril 2015, n° 14-87.647, F-P+B+I N° Lexbase : A8727NEX ; voir, en ce sens, Cass. crim., 6 novembre 2013, n° 12-87.130, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A9814KNS). En l'espèce, des fonctionnaires de la police judiciaire de Lyon, en possession de renseignements communiqués successivement par des officiers de liaison en poste à Malaga (Espagne), sur une organisation de trafiquants, originaires de la région lyonnaise, qui, arrivés à Marbella, importait des produits stupéfiants en France à l'aide de véhicules rapides, ont saisi 834,85 kilogrammes de résine de cannabis ainsi qu'une somme d'argent et arrêté, le 27 juillet 2014, plusieurs membres du groupe dont MM.Y. et X., mis en examen le 30 juillet 2014. Par ordonnance en date du 3 septembre 2014, le juge d'instruction a saisi la chambre de l'instruction pour qu'il soit statué sur la régularité de la procédure et de sa désignation. Les avocats des mis en examen ont présenté une requête aux fins notamment d'annulation du recueil des renseignements fournis par les officiers de liaison et des actes et pièces dont ces renseignements étaient le support nécessaire. Pour rejeter les requêtes en nullité, la cour d'appel a énoncé que, dans un rapport du 12 juillet 2014, l'officier de liaison avait informé la police judiciaire de Lyon qu'il avait appris d'une source humaine locale, digne de confiance, qu'un groupe de trafiquants de la région lyonnaise, installé à Marbella, s'apprêtait à organiser un transport de résine de cannabis. Aussi, après avoir informé du départ et du retour des véhicules en cause les 13 et 21 juillet 2014, l'officier de liaison a transmis des photographies des véhicules utilisés et a indiqué leur départ le 25 juillet 2014, permettant au dispositif de surveillance mis en place sur le territoire français d'intercepter les véhicules circulant en convoi. Les juges suprêmes confirment la décision ainsi rendue car, relèvent-ils, en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard notamment de l'article 18 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9749IPR) (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4182EUG).

newsid:446794

Urbanisme

[Brèves] Permis modificatif intervenu en régularisation du permis initial après la clôture de l'instruction : obligation de réouverture de l'instruction

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 30 mars 2015, n° 369431, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1157NGX)

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N6868BUW

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Le 11 Avril 2015

Si un permis modificatif intervenu en régularisation du permis initial a été produit postérieurement à la clôture de l'instruction du fait que la partie qui le produit n'était pas en mesure d'en faire état avant, la juridiction doit en tenir compte et rouvrir en conséquence l'instruction. Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 30 mars 2015 (CE 1° et 6° s-s-r., 30 mars 2015, n° 369431, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1157NGX). La cour administrative d'appel a annulé un permis de construire pour un vice de procédure susceptible d'être régularisé par un permis modificatif. La production d'un tel permis modificatif après la clôture de l'instruction rend le moyen tiré du vice de procédure inopérant contre le permis initial et constitue, si la partie qui le produit n'était pas en mesure d'en faire état avant la clôture de l'instruction, une circonstance nouvelle susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. En découle l'obligation pour le juge d'en tenir compte et de rouvrir en conséquence l'instruction.

newsid:446868

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