La lettre juridique n°970 du 18 janvier 2024

La lettre juridique - Édition n°970

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Pas d’obligation d’information de l’employeur par la caisse sur la procédure d’instruction en cas de nouvelles lésions survenues avant consolidation

Réf. : Cass. civ. 2, 11 janvier 2024, n° 22-13.133, F-B N° Lexbase : A20972DZ

Lecture: 2 min

N7984BZQ

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par Laïla Bedja

Le 17 Janvier 2024

► Les dispositions de l’article R. 441-11 du Code de la Sécurité sociale relatif aux obligations de la caisse à l’égard de l’employeur ne sont pas applicables lorsque la demande de prise en charge porte sur de nouvelles lésions survenues avant consolidation et déclarées au titre de l’accident du travail initial.

Les faits et procédure. Une salariée a été victime d’un accident du travail le 8 février 2017. De nouvelles lésions ont été constatées par un certificat médical établi le 11 mars 2017 et l’état de santé de santé a été consolidé le 4 mars 2018. Par deux courriers distincts du 15 mai 2017, la caisse primaire d’assurance maladie a indiqué prendre en charge l’accident du travail ainsi que les nouvelles lésions au titre de la législation professionnelle.

En désaccord avec l’existence d’un accident du travail, l’employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale en inopposabilité des décisions de prise en charge.

La cour d’appel. Pour dire inopposable à l’employeur la prise en charge au titre de la législation professionnelle des arrêts et soins prescrits à la victime à compter du 12 mars 2017, la cour d’appel retient qu’en décidant de la mise en œuvre d'une procédure d'instruction au regard de la prise en charge de la nouvelle lésion, la caisse s'est obligée au respect des règles prescrites par les articles R. 441-11 N° Lexbase : L6173IED et R. 441-14 N° Lexbase : L0577LQG du Code de la Sécurité sociale. Dès lors qu'elle ne les a pas mis en œuvre, la décision du 15 mai 2017 de prise en charge des nouvelles lésions est donc inopposable à l'employeur.

La caisse primaire d’assurance maladie a alors formé un pourvoi en cassation.

La décision. Au visa des articles R. 441-11 et R. 441-14 du Code de la Sécurité sociale, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond.

newsid:487984

Contrats et obligations

[Brèves] Absence de preuve d’un contrat de prêt entre époux : exercice subsidiaire d’une action fondée sur l’enrichissement sans cause ?

Réf. : Cass. civ. 1, 10 janvier 2024, n° 22-10.278, FP-B N° Lexbase : A05562DX

Lecture: 2 min

N8069BZU

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 17 Janvier 2024

La partie qui n'apporte pas la preuve du contrat de prêt constituant l'unique fondement de son action principale en paiement ne peut être admise à pallier sa carence dans l'administration d'une telle preuve par l'exercice subsidiaire d'une action fondée sur l'enrichissement sans cause (désormais intitulé enrichissement injustifié).

En l’espèce, à la suite du prononcé d’un divorce, l’ex-épouse avait assigné son ex-époux devant le juge aux affaires familiales aux fins de voir juger qu'elle était détentrice d'une créance entre époux d'un montant de 80 000 euros. Elle avait ajouté à sa demande principale, fondée sur l'existence d'un prêt, une demande subsidiaire fondée sur l'enrichissement sans cause, au titre de l’ancien article 1371 du Code civil.

La question soulevée était de savoir si cette action subsidiaire fondée sur l'enrichissement sans cause, pouvait être jugée recevable alors que n’est pas rapportée la preuve du contrat de prêt constituant le fondement de son action principale.

La réponse est négative. La Cour suprême approuve le raisonnement des conseillers d’appel de Douai qui, ayant constaté que l’ex-épouse n'apportait pas la preuve du contrat de prêt qui constituait le fondement de son action principale, en avaient exactement déduit qu'elle ne pouvait pallier sa carence dans l'administration de cette preuve par l'exercice subsidiaire d'une action au titre de l'enrichissement sans cause.

Pour comprendre la solution ainsi retenue, il convient tout simplement de la mettre en perspective avec les dispositions du nouvel article 1303-3 du Code civil N° Lexbase : L0648KZZ selon lesquelles « l'appauvri n'a pas d'action sur le fondement de l'enrichissement sans cause lorsqu'une autre action lui est ouverte, ou se heurte à un obstacle de droit, tel la prescription ».

Pour mémoire, depuis la réforme par l’ordonnance n° 2016-131, du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, la théorie jurisprudentielle de l’enrichissement sans cause, qui s’exerçait sur le fondement de l’ancien article 1371 du Code civil, a été consacrée légalement aux articles 1303 N° Lexbase : L0954KZD et suivants du code, sous la dénomination de l’enrichissement injustifié.

On relèvera que la cour d’appel de Versailles s’était récemment prononcée dans le même sens, en faisant application des dispositions précitées de l’article 1303-3 du Code civil : CA Versailles, 17 novembre 2022, n° 21/07427 N° Lexbase : A87208WU.

newsid:488069

Contrats et obligations

[Brèves] Contrat de location financière et contrat de maintenance : l’interdépendance consacrée, la volonté des parties écartée

Réf. : Cass. com., 10 janvier 2024, n° 22-20.466, FS-B+R N° Lexbase : A2729784

Lecture: 4 min

N8085BZH

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 18 Janvier 2024

► Dans une opération de location financière, l’interdépendance entre les contrats s’inscrivant dans l’opération des parties est caractérisée ;
la connaissance de la société bailleresse de cette interdépendance se déduit de l’appartenance du contrat à l’opération comportant une location financière.

Contexte. Mise en lumière par la jurisprudence, l’interdépendance contractuelle trouve désormais son siège à l’article 1186 du Code civil N° Lexbase : L0892KZ3, issu de l’ordonnance du 10 février 2016. Or, c’est bien de l’application de cette disposition dont il était question dans l’arrêt rendu le 10 janvier 2024 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation car les contrats en cause avaient été conclus après l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Mais les solutions dégagées par la jurisprudence sous l’empire du droit antérieur, qui avait opté pour une conception objective de l’interdépendance (Cass. com., 17 février 2021, n° 19-13.903 N° Lexbase : A61594HL), peuvent-elles se maintenir alors que l’article 1186 admet la conception objective mais également subjective ?

Faits et procédure. En l’espèce, une association avait conclu, le même jour avec deux sociétés différentes, un contrat de location financière portant sur un photocopieur et ses accessoires, et un contrat de maintenance. Dans le contrat de location financières, deux clauses attiraient l’attention car instaurant une autonomie entre les contrats. Il était précisé, d’une part, l’obligation pour l’association de trouver une autre société pour la maintenance par un autre prestataire en cas d’anéantissement du contrat de maintenance initial et d’autre part, l’existence d’une interdépendance limitée aux seuls contrats de financement et de location. Dès lors que la société initialement chargée de la maintenance était en liquidation judiciaire et que le contrat la liant à l’association était résilié, l’interdépendance pouvait-elle être caractérisée et donc emporter la caducité du contrat de location financière, comme l’admet l’article 1186 ? Les juges du fond ne l’avaient pas admis en se fondant pour cela sur les clauses contractuelles qui faisaient, selon eux, obstacle à l’interdépendance ne pouvait être caractérisée et sur le fait que la société bailleresse n’avait pas été sollicitée lors de la signature du contrat de maintenance (CA Paris, 20 juin 2022, n° 20/17.541 N° Lexbase : A2729784).

Solution. L’arrêt est cassé au visa de l’article 1186 du Code civil. Elle précise, notamment que « les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement ». La Chambre commerciale admet ainsi sans ambages l’existence d’une interdépendance contractuelle dans les opérations de location financière, sans que la volonté des parties ne puisse y faire échec. Il importe peu que les contrats soient concomitants ou successifs.

Mais l’article 1186 impose pour cela que le contractant subissant les effets de cette interdépendance ait eu connaissance de cette dernière. L’arrêt est également cassé sur ce point. La Chambre commerciale considère que « le contrat étant inclus dans une opération comportant une location financière, la société (bailleresse) avait nécessairement connaissance de l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'elle avait donné son consentement ». La Cour en déduit que les clauses « inconciliables avec cette interdépendance contractuelle » sont réputées non écrites. Les clauses de divisibilité, à l’image de celles contenues dans le présent contrat, sont donc tenues en échec.

Pour aller plus loin : le présent arrêt fera l’objet d’un commentaire approfondi par Aurélie Dardenne, à paraître prochainement dans la revue Lexbase Droit privé.

 

newsid:488085

Discrimination

[Le point sur...] Où en sommes-nous de l’inclusion des personnes LGBT+ au travail en 2023 ? État des lieux en quatre points

Lecture: 9 min

N8005BZI

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par Alain Boulesteix, Avocat of Counsel, cabinet Factorhy Avocats

Le 17 Janvier 2024

Mots-clés : discrimination • inclusion • protection • droits des LGBT+ au travail • données personnelles

La lutte contre les discriminations visant les personnes LGBT+ au travail est juridiquement assurée. Elle doit désormais trouver sa traduction concrète dans la mise en place de politiques inclusives par les employeurs. Les initiatives se multiplient, ainsi qu’en témoigne une circulaire relative à l’inclusion des agents publics LGBT+. Toutefois, il reste du chemin à parcourir : les préjugés et discriminations, de fait, persistent. La situation des personnes transgenres reste délicate, notamment sous l’angle des données personnelles. Pour avancer, le rôle proactif des employeurs sera déterminant.


En droit français, les personnes LGBT+ [1] sont relativement bien protégées, du fait notamment de l’interdiction des discriminations directes et indirectes sur le fondement de l’orientation sexuelle [2] et de l’identité de genre [3].

L’heure serait même à l’inclusion des personnes LGBT+, à lire une étude récente ayant établi que 71 % des personnes interrogées déclarent que « l’entreprise doit tout faire pour favoriser l’inclusion des personnes LGBT+ », 66 % des actifs estiment qu’il s’agit d’un « sujet prioritaire ou important dans les entreprises » et que 43 % des actifs revendiquent avoir « une meilleure image des entreprises qui s’engagent fortement en faveur de l’inclusion » [4].

Pour autant, ces données encourageantes ne doivent pas masquer une réalité plus complexe. L’occasion de faire le point à la lumière de quatre actualités de l’année 2023.

I. Les discriminations persistantes au travail

Les résultats mentionnés ci-dessus sont contrebalancés par plusieurs études réalisées les années précédentes ayant mis en évidence la persistance des comportements LGBT+phobes en entreprise. Une enquête réalisée en 2022 a ainsi révélé que 30 % des travailleurs LGBT+ avaient été victimes d’une agression et 26 % de discrimination[5].

Ces données corroborent la position exposée par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) qui vient, dans son évaluation du plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ (2020-2023), de pointer les insuffisances de l’action publique en matière de lutte contre les LGBT+phobies dans le monde du travail.

Elle souligne à ce titre le faible contentieux en matière d’atteintes aux droits des personnes LGBT+ dans les relations de travail, que ce soit devant le juge prud’homal, administratif ou pénal. La CNCDH suggère l’existence d’un « très important « chiffre noir » des discriminations LGBTIphobes » [6]. Le Défenseur des droits a, de longue date, mis en avant une « sous-déclaration des actes homophobes » [7].

II. L’atteinte à l’image de l’entreprise

Si le recours au juge est loin d’être fréquent s’agissant des LGBT+phobies au travail, une décision originale rendue par la cour d’appel de Paris peut être mentionnée. Dans cette affaire, l’éditeur d’un journal a mis fin au contrat conclu avec un verbicruciste en qualité de travailleur indépendant ayant proposé de faire deviner le mot « tapette » par l’expression « plus à voile qu’à vapeur » [8].

La cour d’appel de Paris a jugé que les termes utilisés, vulgaires et portant atteinte aux personnes ainsi moquées, étaient de nature à porter atteinte à l’image de l’entreprise et caractérisaient une faute suffisamment grave pour fonder la cessation immédiate des relations commerciales, l’absence de conscience de la gravité des termes employés étant considérée comme indifférente.

Cet arrêt pourrait être transposé en droit du travail. Des propos déplacés, moqueurs voire injurieux en lien avec une orientation sexuelle devraient justifier par principe, le licenciement du salarié auteur de tels propos, lorsque ce dernier leur a donné une large publicité [9].

Au-delà, cette décision a été rendue dans une affaire concernant un travailleur indépendant. À cet égard, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé en début d’année que la protection contre les discriminations tirée de la Directive n° 2000/78/CE N° Lexbase : L3822AU4 bénéficie également aux travailleurs indépendants [10]

L’inclusion des personnes LGBT+ protège et oblige aussi bien les salariés que les travailleurs indépendants. Cet arrêt illustre que la réaction de l’employeur aux propos de nature à banaliser des termes vulgaires à l’endroit d’une orientation sexuelle ou d’une identité de genre [11], ou visant directement d’autres salariés [12] est essentielle pour construire un cadre de travail réellement inclusif.

III. La protection des agents publics

La circulaire du 20 juin 2023 relative à la prise en compte de la diversité des familles et au respect de l’identité des personnes transgenres dans la fonction publique de l’État a été édictée en s’inscrivant (tardivement), comme ses auteurs le précisent, dans le cadre de l’action n° 5 du Plan LGBT+ 2020-2023 [13] comportant 6 mesures que les administrations devaient poursuivre ou engager en leur qualité d’employeurs.

Les mesures prescrites ne sont pas novatrices [14] mais instituent toutefois un cadre protecteur harmonisé, dans trois directions principales :

  • la prise en considération de la diversité des familles des agents publics, qu’il s’agisse de s’astreindre à une égalité de traitement équitable pour appliquer divers dispositifs en matière de grossesse et de parentalité [15], indépendamment de la composition de la famille de l’agent public ou de s’engager dans la rédaction de documents plus inclusifs. À ce titre, le Haut conseil à l’égalité préconise l’adoption d’un « langage égalitaire » reposant sur la féminisation des métiers, titres et grades, l’utilisation de termes épicènes ou encore le recours, dans une certaine mesure, à l’écriture inclusive [16] ;
  • l’accompagnement des agents publics transgenres en cours de transition. Ainsi, reprenant largement à son compte les recommandations antérieures du Défenseur des droits [17], la circulaire recommande de permettre l’usage du prénom d’usage, du pronom et de la civilité dans les documents non officiels. La circulaire promeut également des recommandations pratiques en matière d’usage des toilettes, des vestiaires et des uniformes. Plus globalement, elle propose de supprimer la référence à la civilité lorsque cela est possible ;
  • la communication par les administrations sur les actions mises en place, aussi bien en externe (« label Diversité ») qu’en interne (procédures de signalement).

Autant de mesures qui peuvent également être appliquées dans les entreprises privées afin de renforcer l’inclusion des personnes LGBT+ dans le monde du travail.

IV. Les données personnelles des personnes transgenres

Les données à caractère personnel erronées peuvent rendre plus difficile la vie quotidienne de la personne concernée [18], et tout particulièrement pour les personnes transgenres. Une décision rendue par le Conseil d’État le 14 avril 2023 [19], doit être mentionnée à ce titre. Dans cette affaire, une personne transgenre ayant obtenu, sur décision de justice, la modification de son état civil (prénom et sexe), a sollicité la rectification de son identité et de son sexe sur les documents détenus par d’anciens employeurs. Saisie d’une demande de leur faire injonction de rectifier les données en cause, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) n’a pas donné suite à ces réclamations. Un pourvoi a été formé par la réclamante.

La décision a été rendue à la lumière des articles 5.1. et 16 du Règlement n° 2016/680 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des données personnelles (RGPD) N° Lexbase : L9729K7H. Le premier article dispose que les données à caractère personnel doivent être exactes et tenues à jour et que « toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour que les données (…) inexactes, eu égard aux finalités pour lesquelles elles sont traitées, soient effacées ou rectifiées ». Le second texte dispose que la « personne concernée a le droit d'obtenir du responsable du traitement, dans les meilleurs délais, la rectification des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes ».

La CNIL se borne à mentionner à ce titre, sur son site internet, que toute personne peut faire rectifier des informations comportant « des erreurs, des inexactitudes »[20] sans apporter de plus amples éclaircissements.

En retenant que la décision de justice ayant statué sur le changement d’état civil n’était pas rétroactive de sorte que la mention de l’ancienne identité sur les documents établis antérieurement et conservés par les anciens employeurs, ne présentait pas un caractère inexact, le Conseil d’État a procédé à une interprétation de la notion d’inexactitude reposant sur un critère chronologique.

Ce raisonnement chronologique conduit alors à évacuer les critiques formulées par la requérante à l’encontre de la position de la CNIL, notamment sur le fondement de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme.

À l’exception des bulletins de salaire, la nature des documents dont la rectification était sollicitée par la requérante n’est pas précisée par le Conseil d’État. Elle aurait pu permettre de comprendre, le cas échéant, en quoi les décisions de la CNIL ne feraient pas, même de manière partielle, obstacle à la pleine reconnaissance juridique des personnes ayant changé de sexe, comme le soutenait la requérante. D’ailleurs, transposée à un salarié dont le contrat est en cours, la solution étudiée conduirait à la coexistence de documents mentionnant l’ancienne identité et la nouvelle identité au cours d’une unique relation de travail [21].

À notre sens, la logique chronologique, parfaitement fondée sur le plan des principes, aurait pu être tempérée pour prendre en compte la situation des personnes transgenres, la modification de leur identité pouvant s’analyser comme une réassignation dans l’identité de genre exacte [22].

En tout état de cause, si la décision rendue par le Conseil d’État n’impose donc pas de rectifier rétroactivement des données, rien ne semble l’interdire. Un employeur peut rechercher un « juste équilibre » [23] afin d’accompagner au mieux les personnes transgenres au travail.

En conclusion. Mentionnons, une question préjudicielle renvoyée par le Conseil d’État à la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre d’une affaire mettant en cause le respect du principe de minimisation des données [24] s’agissant de la collecte de la civilité (binaire) des clients lors de l'achat de billets de train. Une association, dont la réclamation a été rejetée par la CNIL, a saisi la plus haute juridiction administrative considérant que la collecte de la civilité, ne serait pas conforme au principe de minimisation, ou devrait permettre, à défaut, de réserver une option neutre alternative [25].

L’interprétation à venir de la CJUE devra être regardée de près car elle pourrait avoir des incidences en droit du travail, quelle que soit l’interprétation retenue. Gageons que cela participe au renforcement des politiques d’inclusion et à la lutte contre les préjugés et les stéréotypes au travail [26].


[1] Personnes « lesbiennes, gays, bis, transgenre ». Le signe + couvre les personnes qui ne s’identifient ni comme hétérosexuelles ni par l’une des autres lettres du sigle LGBT.

[2] Loi n° 2001-1066, du 16 novembre 2001, relative à la lutte contre les discriminations N° Lexbase : L9122AUE.

[3] La notion d’identité de genre a été introduite dans le Code du travail par la loi n° 2017-86, du 27 janvier 2017, relative à l'égalité et à la citoyenneté N° Lexbase : L6432LC9, et se substitue à celle d’identité sexuelle, introduite par la loi n° 2012-95, du 6 août 2012, relative au harcèlement sexuel N° Lexbase : L8784ITI

[4] Enquête IFOP pour l’Autre Cercle, L’inclusion des LGBT+ au travail et l’importance des rôles modèles, 10 octobre 2023 [en ligne].

[5] 3e Baromètre LGBT+ de l’Autre Cercle en partenariat avec l’IFOP (2022) faisant état d’une dégradation de la situation des LGBT+ au travail. Une étude du Boston Consulting Group fait quant à elle état de 54 % de salariés LGBT+ ayant déjà fait l’objet de discrimination sur leur lieu de travail (BCG, Why the First Year Matters for LGBTQ+ Employees, 17 août 2021 [en ligne]).

[6] CNCDH, avis 2023-4, Évaluation du plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti LGBT+ (2020-2023), 30 novembre 2023, p. 24 [en ligne].

[7] Défenseur des droits, Fiche thématique « L’homophobie au travail », mai 2015 [en ligne].

[8] CA Paris, 25 octobre 2023, n° 21/18393 N° Lexbase : A99841QT.

[9] Cass. soc., 20 avril 2022, n° 20-10.852, FS-B N° Lexbase : A08737UU : s’agissant d’un animateur de télévision ayant fait une « blague », « le licenciement, fondé sur la violation par le salarié d'une clause de son contrat de travail d'animateur, poursuivait le but légitime de lutte contre les discriminations à raison du sexe et les violences domestiques et celui de la protection de la réputation et des droits de l'employeur, a exactement déduit, compte tenu de l'impact potentiel des propos réitérés du salarié, reflétant une banalisation des violences à l'égard des femmes, sur les intérêts commerciaux de l'employeur, que cette rupture n'était pas disproportionnée et ne portait donc pas une atteinte excessive à la liberté d'expression du salarié ».

[10] Rappr. CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-356/21 N° Lexbase : A6644879 ; M. Sweeney et D. Tharaud, Chronique égalité et discrimination (janvier à juin 2023), Lexbase Social, septembre 2023, n° 958 N° Lexbase : N6840BZD.

[11] Même en l’absence de conscience du caractère offensant ou humiliant de certains propos malheureusement entrés dans le langage courant.

[12] À l’instar des propos racistes et sexistes tenus par un salarié, v. Cass. soc., 8 novembre 2023, n° 22-19.049, F-D N° Lexbase : A85901YS.

[13] Et plus subsidiairement de l’action 6 mise en avant dans la circulaire.

[14] La plupart des mesures sont évoquées depuis plusieurs années par le Défenseur des droits.

[15] Axe 4 de l’accord du 30 novembre 2018 relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique [en ligne].

[16] Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Guide pratique pour une communication publique sans stéréotypes de sexe, 2022 [en ligne]. À mettre en parallèle avec la proposition de loi adoptée par le Sénat le 30 octobre 2023, visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture inclusive (sic !).

[17] Défenseur des droits, décision-cadre n° 2020-136 du 18 juin 2020 [en ligne].

[18] CEDH, 18 octobre 2011, Req. 16188/07, Khelili c. Suisse, § 64 N° Lexbase : A8469HYC ; Guide sur la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l’homme - Protection des données [en ligne].

[19] CE, 10e ch., 14 avril 2023, n° 462479 N° Lexbase : A33639PA.

[20] CNIL, Droit de rectification [en ligne].

[21] C’est la position issue de la circulaire du 20 juin 2023, prenant appui sur la décision du Conseil d’État du 14 avril 2023.

[22] Un auteur a présenté les avantages d’une rectification totale des données. V. T. Luye, Au confluent du droit des personnes et du droit de la protection des données personnelles – de la coordination entre le changement de sexe à l’état civil et le droit de rectification, RDLF, 2022, chron n° 45 [en ligne].

[23] CEDH, 11 juillet 2002, Req. 28957/95, Goodwin c. Royaume-Uni N° Lexbase : A0682AZB.

[24] RGPD, art. 5, 1., c) : les données à caractère personnel doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées.

[25] CE, 9e-10e ch. réunies, 21 juin 2023, n° 452850 N° Lexbase : A2171948.

[26] Cass. soc., 23 novembre 2022, n° 21-14.060, FP-B+R {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 89977041, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cass. soc., 23-11-2022, n\u00b0 21-14.060, FP-B+R, Cassation", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A97068TN"}}. La Cour de cassation y évoque dans une affaire mettant en cause le port de tresses par un salarié, la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin.

newsid:488005

Durée du travail

[Brèves] Forfait-jours : les contraintes internes à l’entreprise ainsi que la récupération ou le paiement des jours de dépassement n’exemptent pas l’employeur du respect de ses obligations légales ou conventionnelles

Réf. : Cass. soc., 10 janvier 2024, n° 22-13.200, FS-B N° Lexbase : A05642DA

Lecture: 6 min

N8031BZH

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par Lisa Poinsot

Le 17 Janvier 2024

En cas de mise en œuvre de convention de forfait en jours, l’employeur doit, d’une part, s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail, notamment par la tenue régulière d’un entretien au cours de l’année et, d’autre part, prendre les mesures nécessaires pour s’assurer la sécurité et protégé la santé physique et mentale du travailleur.

Faits et procédure. Le contrat de travail d’un salarié prévoit une convention de forfait annuel de 217 jours.

Le salarié, ayant démissionné, saisit la juridiction prud’homale de demandes au titre de la convention individuelle de forfait en jours.

La cour d’appel (CA Limoges, 12 janvier 2022, n° 20/00759 N° Lexbase : A16737IS) constate qu’aucun entretien annuel n’a eu lieu en 2018.

En outre, l’employeur justifie qu’en raison de la démission de son directeur général et de la prise de fonction par la suite du nouveau directeur des opérations, les directions des différents hôtels sont convoquées à l’entretien individuel de suivi du forfait-cadre au titre de l’année 2018, en mars 2019.

Les juges du fond relèvent qu’eu égard à la nécessité de décaler l’ensemble des entretiens des directeurs du fait des contraintes de la société, le recueil de la date d’entretien du salarié au 6 mars 2019 est admissible et légitime.

Par ailleurs, relevant que le salarié a parfois travaillé plus de 6 jours de suite en 2016, 2017 et 2018, les juges du fond retiennent qu’à compter de 2018, les tableaux mentionnent une alerte de l’employeur (115 repos hebdomadaires à prendre au lieu de 104) et que le salarié bénéficie de jours de récupération.

Également, le dépassement du nombre de jours travaillés en 2016 et en 2017 ainsi que le fait pour l’employeur d’imposer au salarié un forfait annuel de 170 jours pour compenser la différence de 51 jours travaillés démontrent sa préoccupation que le temps de travail du salarié ne dépasse pas 217 jours par an afin de préserver sa santé et sa sécurité. Le dépassement de 30 jours en 2018 a été payé par l’employeur.

Enfin, la responsable des ressources humaines a expliqué au salarié le fonctionnement du fichier forfait cadre et a invité le salarié à poser ses congés. Les juges du fond relèvent que la note de service relative au report des congés a été signée, que la fiche relative à la durée du temps de travail a été remise et que les informations sur le forfait en jours ont été données aux directeurs d’hôtels.

Ils en déduisent que le salarié ne peut pas prétendre que son employeur ne portait pas un regard attentif sur le nombre de jours travaillés.

Les juges du fond déboutent alors le salarié de ses demandes.

Ce dernier forme un pourvoi en cassation.

Rappel. Aux termes de l'article L. 3121-60 du Code du travail N° Lexbase : L7344LHH, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail. Selon l'article L. 3121-64, II, du Code du travail N° Lexbase : L7344LHH, l'accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération, ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.

En outre, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY et L. 4121-2 N° Lexbase : L6801K9R du Code du travail.

Par conséquent, l’employeur est tenu de :

  • établir un document de contrôle faisait apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées par le salarié sous la responsabilité de l’employeur. Ce dernier doit s’assurer, en cas de dispositif autodéclaratif, que les jours renseignés par le salarié reflètent bien la réalité des jours travaillés notamment en cas de dépassement du forfait ;
  • surveiller la charge de travail du salarié de sorte qu’elle soit compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire. Si le salarié alerte son employeur sur une incompatibilité de ce genre, ce dernier doit réagir immédiatement ;
  • organiser un entretien annuel obligatoire au minimum afin d’évoquer la charge de travail, l’organisation de travail ainsi que l’articulation vie personnelle/vie professionnelle et sa rémunération. Cet entretien doit être réalisé au cours de l’année concernée.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel sur le fondement des articles L. 3121-60, L. 3121-64, II, du Code du travail, 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 à la Convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997, relatif aux cadres autonomes N° Lexbase : X8440APB, étendu par arrêté du 29 février 2016 et 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016, relatif aux cadres autonomes, étendu par arrêté du 9 mars 2018.

La Haute juridiction relève un non-respect des obligations légales et conventionnelles de l’employeur puisque :

  • lors de l’entretien réalisé en 2017, le salarié a signalé l’impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire. Les convocations pour l’entretien pour 2018 n’ont été adressées qu’en mars 2019 ;
  • le repos hebdomadaire n’a pas été respecté à plusieurs reprises en 2016, 2017, 2018. Le forfait annuel a été dépassé de 25 jours en 2016, 26 jours en 2017 et 30 jours en 2018.

Or, la Convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants prévoit que chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération.

La Haute juridiction relève qu’il importe peu que le non-respect à ces obligations par l’employeur soit lié à des contraintes internes à l’entreprise. En outre, la récupération ou le paiement des jours de dépassement du forfait en jours et les alertes mentionnées sur les tableaux tenus par celui-ci, ne permettent pas de dire qu’il a mis en place des mesures de nature à remédier en temps utile à la charge de travail du salarié incompatible avec la durée raisonnable de travail dont il a été informé.

Pour aller plus loin :

  • v. infographie, INFO070, Convention de forfait en jours, Droit social N° Lexbase : X9516AP7 ;
  • v. formulaire, MDS0064, Modèle relatif au forfait annuel en jours, Droit du travaiN° Lexbase : X5496APA ;
  • v. ÉTUDE : Le temps de travail des cadres et les conventions de forfait, La mise en œuvre des conventions de forfait annuel en jours, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E4318EX9.

 

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Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Le droit du prêteur à l’habitat de saisir l’immeuble légalement insaisissable subsiste après clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire

Réf. : Cass. com., 13 décembre 2023, n° 22-19.749, FS-B+R N° Lexbase : A550318C

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Administration et liquidation des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre CERDP (EA 1201)

Le 23 Janvier 2024

Mots-clés : insaisissabilité légale de la résidence principale • possibilité pour le créancier auquel l’insaisissabilité est inopposable de saisir l’immeuble • possibilité maintenue après clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire

Le créancier, auquel l'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale est inopposable, peut, même après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, exercer son droit de poursuite sur l'immeuble, qui n'était pas entré dans le gage commun des créanciers de la liquidation judiciaire.


 

L’insaisissabilité légale, comme la déclaration notariée d’insaisissabilité, sont des mécanismes faisant naître de très intéressantes questions juridiques, et alors que le parcours a déjà été bien jalonné par la Cour de cassation en cette matière, on a le plaisir de voir abordées par la Haute juridiction des problématiques sur lesquelles on avait eu l’occasion de réfléchir [1]. Il en est ainsi, en l’espèce, de la question du droit de poursuite du créancier auquel l’insaisissabilité légale est inopposable, après clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de son débiteur.

En l’espèce, les 27 mai et 22 juillet 2016, M. M. a été mis en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, la procédure ayant été étendue à Mme M. le 16 septembre suivant. La liquidation a été clôturée pour insuffisance d'actif par un jugement du 3 avril 2018.

La Caisse de crédit mutuel de Lorient Sévigné (la banque), qui avait précédemment déclaré une créance représentant le solde d'un prêt consenti en 2001 à M. et Mme M. pour l'acquisition de leur résidence principale, a signifié le 7 janvier 2021 un commandement de payer valant saisie immobilière du bien, puis, le 21 avril suivant, les a assignés à l'audience d'orientation du juge de l'exécution. Ces derniers ont soulevé l'irrecevabilité de la demande.

Les juges du fond [2] ont fait droit à la demande d’irrecevabilité soulevée par les débiteurs, en raison de la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire des deux époux. La banque s’est pourvue en cassation.

La question posée, à la Cour de cassation, inédite devant la Haute juridiction, était de savoir si la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif interdisait la saisie immobilière de l’immeuble d’habitation de l’entrepreneur individuel, de la part d’un créancier auquel l’insaisissabilité légale était inopposable, en raison du fait qu’il détenait une créance non professionnelle et, en conséquence, devait conduire à la mainlevée de l’hypothèque inscrite sur l’immeuble.

À cette question, sans surprise, pour ce qui nous concerne, compte tenu de ce que nous avions écrit sur la question [3], la Cour de cassation va répondre, au visa des articles L. 526-1 N° Lexbase : L9698L7C et L. 643-11 N° Lexbase : L2737MGH du Code de commerce, qu’« Il résulte du premier de ces textes que le créancier auquel l'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale est inopposable peut, même après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, et sans que le second texte y fasse obstacle, exercer son droit de poursuite sur l'immeuble, qui n'était pas entré dans le gage commun des créanciers de la liquidation judiciaire. Pour déclarer irrecevable l'action de la banque tendant à saisir l'immeuble de M. et Mme M., l'arrêt, après avoir retenu que l'action de la banque n'entrait dans aucune des exceptions prévues à l'article L. 643-11 du Code de commerce, au principe de non-recouvrement par les créanciers de l'exercice individuel de leurs actions après la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de leur débiteur, en déduit que la banque n'était plus en droit de saisir l'immeuble. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application, le second par fausse application ». La Cour de cassation va, en conséquence, casser l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes, dans un arrêt appelé à être signalé au Rapport annuel. C’est assez dire son importance.

La solution ne peut qu’être approuvée. L’immeuble, objet de l’insaisissabilité légale instituée par la loi Macron du 6 août 2015 (loi n° 2015-990 N° Lexbase : L4876KEC), n’est pas compris dans l’effet réel de la procédure collective. Il n’est donc pas soumis aux contraintes de la procédure collective : il est hors procédure.

En matière d’insaisissabilité légale, il existe deux catégories de créanciers.

Certains ont le droit de saisir l’immeuble, ce sont ceux auxquels l’insaisissabilité légale est inopposable. Il s’agit des créanciers qui, d’une part, ont une créance, quelle qu’en soit la nature, née avant l’entrée en vigueur de la loi Macron ou qui, d’autre part, détiennent une créance née après l’entrée en vigueur de la loi Macron, sans rapport avec l’activité professionnelle. Tel était le cas en l’espèce de la banque qui avait prêté à l’habitat.

D’autres n’ont pas le droit de saisir l’immeuble d’habitation, ce sont ceux auxquels l’insaisissabilité légale est opposable. Il s’agit des créanciers dont la créance professionnelle est née après l’entrée en vigueur de la loi Macron.

Les créanciers qui n’ont pas perdu le droit de saisir l’immeuble conservent ce droit pendant la procédure collective de leur débiteur, et pourront exercer cette saisie en marge de la procédure collective, sans passer par la case juge-commissaire, et sans avoir à appeler à la saisie le liquidateur judiciaire, en somme en exerçant une saisie immobilière de droit commun comme si le débiteur n’avait pas été placé sous procédure collective. La solution s’explique par le fait que l’immeuble n’est pas soumis à l’effet réel de la procédure collective : il n’est pas saisi par la procédure collective.

L’immeuble, hors procédure collective, n’est pas un élément du gage commun des créanciers, dans la mesure où seuls certains peuvent le saisir et se faire payer sur son prix. Puisque l’immeuble n’est pas un élément du gage commun, les règles de la discipline collective, qui sont précisément destinées à la protection du gage commun, n’ont pas vocation à s’appliquer à cet immeuble. Et c’est pourquoi les créanciers ayant, en droit commun, le droit de saisir l’immeuble relativement insaisissable, continuent à avoir ce droit pendant la procédure collective. Ils ne sont pas concernés par les règles de la discipline collective en tant qu’ils agissent sur l’immeuble.

Ce qui est vrai pendant la procédure collective le demeure nécessairement après clôture de la procédure collective de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.

Certes, selon la première du I de l’article L. 643-11 du Code de commerce, « Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ». Mais comme l’énonce le texte, il s’agit d’interdire, par principe, à un créancier ayant perdu le droit de poursuivre le débiteur de le retrouver après clôture pour insuffisance d’actif. Pour ne pas « recouvrer » son droit de poursuite, il faut l’avoir perdu. L’article L. 643-11, I est symétrique de l’article L 622-21,I N° Lexbase : L9125L74 et doit donc être coordonné avec ce dernier. Le jugement d’ouverture interdit au créancier autre que postérieur méritant de poursuivre le débiteur en paiement. C’est la fameuse règle de l’arrêt des poursuites individuelles, mesure phare de la discipline collective. Ce créancier, frappé par l’arrêt des poursuites individuelles, par principe, ne retrouve pas,  énonce l’article L. 643-11,I, son droit de poursuite individuelle après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.

En revanche, celui qui n’a jamais perdu son droit de poursuite individuelle sur l’immeuble, ce qui va lui permettre d’exercer une saisie immobilière, n’est pas concerné par une interdiction du droit de reprendre ses poursuites individuelles sur l’immeuble.

Cette symétrie entre arrêt des poursuites et interdiction du droit de reprise des poursuites est connue et a déjà été posée par la Cour de cassation, à propos des créanciers postérieurs méritants. La solution avait été posée sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW) au profit des créanciers de l’article 40. N’étant pas astreints à la règle de l’arrêt des poursuites individuelles, ces créanciers ne sont pas concernés par une règle leur interdisant de reprendre leurs poursuites individuelles, après clôture de la procédure de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif [4]. Voici l’attendu de principe: « Mais attendu que les créanciers, dont la créance est née régulièrement après l'ouverture de la procédure collective, peuvent poursuivre le recouvrement de leurs créances après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ; qu'après avoir relevé qu'il n'était pas discuté que le fait générateur de la créance invoquée par le receveur était postérieur à la mise en redressement judiciaire de M. X..., la cour d'appel, qui a énoncé exactement que les dispositions de l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 n'étaient pas applicables au receveur, a légalement justifié sa décision ; que le moyen est sans fondement ».

Par conséquent, à l’instar du créancier postérieur méritant, le créancier auquel l’insaisissabilité légale est inopposable, qui ne perd pas pendant la liquidation judiciaire le droit de saisir l’immeuble d’habitation, conserve ce droit même après clôture de la liquidation judiciaire.

Encore faut-il cependant qu’il n’ait pas encouru la prescription, dont on rappelle qu’elle est, du moins pour les procédures ouvertes avant le 15 mai 2022, interrompue par l’effet de la déclaration de créance jusqu’à ce qu’il ait été statué sur l’admission. Depuis la loi du 14 février 2022 (loi n° 2022-172 en faveur de l’activité professionnelle indépendante N° Lexbase : L3215MBP), la solution vaut toujours si la procédure collective ouverte contre le débiteur, entrepreneur individuel, est une procédure collective bi-patrimoniale, celle de l’article L. 681-2, III N° Lexbase : L3712MB4. En revanche, si la procédure collective est uni-patrimoniale, procédure de l’article L. 681-2, II ou de l’article L. 681-2, IV, le créancier personnel, ce qui est le cas du créancier à l’habitat, ne peut plus déclarer sa créance au passif. Tout dépendra du point de savoir si la contestation de sa déclaration de créance se conclura par un rejet de sa créance, ou plus justement par une irrecevabilité de la déclaration de créance pour défaut d’intérêt à déclarer une créance personnelle au passif d’une procédure n’intéressant que le patrimoine professionnel. Dans le premier cas, l’effet interruptif de prescription lié à la déclaration de créance sera maintenu. Dans le second, il disparaitra rétroactivement sous l’effet de la décision d’irrecevabilité de la déclaration de créance.

Terminons en indiquant que l’effet interruptif de la déclaration de créance jouera systématiquement, même dans la procédure collective uni-patrimoniale, si la créance de prêt à l’habitat est née avant le 15 mai 2022. Cela supposera que le contrat de prêt ait été signé avant cette date, puisqu’alors le créancier personnel aura le droit de se faire payer sur le patrimoine professionnel et pourra donc, parce qu’il sera recevable à le faire, déclarer, une créance personnelle dans une procédure uni-patrimoniale. 


[1] P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 12ème éd., 2023/2024, n° 562.156.

[2] CA Rennes, 8 juin 2022, n° 22/00454 N° Lexbase : A025777N.

[3] « La question de la reprise du droit de poursuites individuelles après clôture pour insuffisance d’actif ne se pose pas, en ce qui concerne l’immeuble objet de la déclaration notariée d’insaisissabilité, puisque le créancier en question, auquel la déclaration notariée d’insaisissabilité est inopposable, n’a jamais perdu son droit de poursuites au regard de l’immeuble. Dans ces conditions, il ne peut évidemment être concerné par une règle qui lui interdit de reprendre ses poursuites. Par conséquent, le droit du créancier qui a conservé le droit de saisir l’immeuble subsiste après la clôture de la procédure collective. La solution justifie que le débiteur ne peut obtenir la mainlevée d’une hypothèque provisoire inscrite par un créancier ayant conservé le droit de saisir l’immeuble, au motif de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ».

[4] Cass. com., 30 octobre 2000, n° 97-17.800, inédit N° Lexbase : A5670A77, Act. proc. coll., 2000/19, n° 248, note J. Vallansan ; RJDA, 2001/2, n° 203.

newsid:488002

Fiscalité environnementale

[Focus] Loi de finances 2024 - Panorama des mesures en matière environnementale et énergétique

Réf. : Loi n° 2023-1322, du 29 décembre 2023, de finances pour 2024 N° Lexbase : L9444MKY

Lecture: 19 min

N7961BZU

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par Ellena Brunetti, Juriste en droit de l’environnement et droit douanier et ancienne avocate au Barreau de Paris

Le 17 Janvier 2024

Mots-clés : loi de finances pour 2024 • fiscalité environnementale • fiscalité énergétique • environnement • énergie

Comme chaque année, la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 (ci-après désignée par l’acronyme « LF 2024 »), a été publiée fin décembre. Celle-ci comporte — sans grande surprise compte tenu de l’actualité sans cesse renouvelée de ces sujets — de nombreuses dispositions ayant trait aux thématiques environnementales et énergétiques. Ces mesures se rattachent aussi bien aux domaines des déchets (I), que de l’énergie (II). Des mesures diverses qui touchent de manière plus ou moins directe à ces matières sont également à mentionner (III).


 

Avant de présenter les principales mesures relatives à la fiscalité environnementale et énergétique issues de la LF 2024, il convient de procéder à un rappel d’ordre budgétaire, puisque, pour la quatrième année consécutive, la loi de finances est accompagnée d'une cotation intégrale des dépenses du budget selon leur impact environnemental. À l’occasion de cette édition 2024, ce concept de « budget vert » a d’ailleurs été élargi aussi bien aux collectivités territoriales (articles 191 et 192 LF 2024) qu’à certains opérateurs de l’État (article 296 LF 2024).

I. Déchets 

A. TGAP - Évolution des tarifs pour la mise en décharge des déchets non dangereux (DND) (Articles 102 et 103 LF 2024)

La LF 2024 comporte plusieurs mesures notables relatives à la composante « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes (ci-après « TGAP »).

En premier lieu, l’exemption de TGAP pour les déchets issus de la résorption des décharges littorales. Cette mesure, consacrée à l’article 103 de la LF 2024, concerne plus particulièrement les déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) qui proviennent d'un dépôt de déchets couvert par le Plan 2022-2032 national de résorption des décharges littorales historiques (qui, pour mémoire, vise à résorber, sur 10 ans, les sites d’anciennes décharges en front de mer présentant à court terme un risque important de déversement de déchets en mer). Les dépôts concernés sont ceux situés à moins de 100 mètres du trait de côte dans une zone soumise à érosion ou dans une zone de submersion marine potentielle, et dont la liste est fixée par un arrêté du ministre chargé de l'environnement.

Cette mesure permet ainsi d’assurer la cohérence du dispositif de la TGAP aux principes de « pollueur-payeur » [1], de hiérarchie des traitements des déchets [2] et d’économie circulaire, qui conduisent notamment, à travers la composante « déchets » de la TGAP, à renchérir le coût du traitement thermique et du stockage des déchets. En effet, force est de constater que les cas de stockage de déchets visés par cette mesure ne relèvent pas du circuit traditionnel de production de déchets, mais sont issus d’un projet de réhabilitation et de prévention de la pollution marine (puisque la présence sur le littoral français de tels sites constitue une menace environnementale non négligeable, compte tenu des risques de recul du trait de côte et de submersion pouvant résulter des effets conjugués de l’érosion côtière et de la montée des eaux, conséquences anticipées du réchauffement climatique). Ainsi, en raison de leur particularité, il semblait cohérent d’aligner leur régime sur celui déjà prévu par l’article 266 sexies du Code des douanes N° Lexbase : L4367MGT pour la réception de déchets relevant de situations exceptionnelles ou caractérisées par l’urgence (dépôt non autorisé de déchets abandonnés, catastrophes naturelles, etc.).

En second lieu, deux autres mesures figurent à l’article 104 de la LF 2024 :

  • d’une part, face à la problématique de saturation des décharges, est instaurée à compter du 1er janvier 2025 une majoration de la TGAP applicable à la mise en décharge de DND au-delà d'un seuil annuel fixé par le préfet de région, conformément à l'objectif de réduction de 50 % fixé par la loi n° 2015-992, du 17 août 2015 [3]. Cette majoration concerne ainsi la fraction de déchets au-delà du seuil correspondant aux -50 % accueillis en ISDND par rapport à 2010. La fixation d'une majoration de tarif comprise dans une fourchette entre 5 et 10 euros par tonne pour les déchets admis dans chaque ISDND, est déléguée aux ministres chargés du budget et de l'environnement, et fera l’objet d’un arrêté conjoint ultérieur ;
  • d’autre part, afin de prendre en compte la situation géographique particulière caractérisant certains territoires français en matière de traitement des déchets [4], est prévue la prolongation jusqu’au 1er janvier 2025 du tarif réfracté pour les collectivités d’outre-mer, respectivement fixé à 35 % (pour la Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique) et 75 % (pour Guyane et Mayotte) [5], et dont l’expiration était initialement prévue au 1er janvier 2024.  À ce titre, il convient de noter que l’exonération totale de TGAP initialement proposée par les sénateurs pour ces territoires ultramarins n’a finalement pas été jugée opportune (notamment au regard de l’accompagnement dont ils bénéficient, par la mise en place de dispositifs de gestion). De la même manière, ne figure pas dans la version finale du texte la proposition de réfaction pour la Corse.

Enfin, l’article 102 de la LF 2024 procède à un élargissement du champ d’application matériel de la composante « déchets » de la TGAP, puisqu’y sont dorénavant soumis les déchets radioactifs métalliques, alors qu’auparavant, seuls étaient désignés les déchets qualifiés de « dangereux et non dangereux ».  Est ainsi proposée une définition de ce type de déchets à l’article 266 sexies du Code des douanes. Le reste de l’article 266 sexies, ainsi que l’article 266 nonies N° Lexbase : L0160L3C sont également retouchés afin de préciser les règles applicables à ce type de déchets, s’agissant en particulier de leur stockage.

En parallèle, afin de ne pas augmenter globalement les coûts supportés par cette filière stratégique, les tarifs de la taxe sur les installations nucléaires de base sont abaissés.

B. TEOM - Assouplissement pour sa mise en œuvre au sein des EPCI (article 150 LF 2024)

L’article 150 de la LF 2024 procède à une modification de l’article 1522 bis du CGI N° Lexbase : L7115LZK, en introduisant un assouplissement des conditions de mise en œuvre de la tarification incitative afin de permettre aux EPCI de n’instituer la part de tarification incitative que sur les territoires des communes qui disposent d’une proportion de logements collectifs inférieure à 20 %.

En effet, cet article du code général des impôts prévoit que les communes et leurs groupements peuvent instituer une part incitative de taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), permettant de prendre en compte le niveau de production de déchets dans le calcul de cette dernière,  afin d’inciter financièrement les usagers à des comportements vertueux de tri et de réduction des déchets.

Néanmoins, si ce levier a reçu des éloges soulignant son efficacité [6] pour progresser sur le tri des déchets, le dispositif de tarification incitative souffrait jusqu’alors d’une faiblesse constituant un frein à son instauration au sein des collectivités, à savoir, les éventuelles disparités, en termes de densité de logements, au sein du territoire des EPCI compétent en matière de collecte des déchets. En effet, parmi les communes regroupées au sein d’un EPCI, certaines disposent d’une proportion importante de logements collectifs, amoindrissant dès lors l’intérêt d’application de la TEOM à cet EPCI.
La mesure ici commentée a pour ambition de remédier à ce frein, en permettant désormais aux EPCI souhaitant instaurer la tarification incitative de panacher la mise en œuvre de celle-ci sur l’étendue de son territoire, en raison de la possibilité qui leur est offerte de ne pas instituer la part incitative sur le territoire de ses communes membres dont la proportion de logements situés dans des immeubles collectifs est supérieure à 20 % du nombre total de logements dans chacune de ces communes.

II. Énergie

A.Fraction perçue sur l'électricité de l'accise sur les énergies (anciennement TICFE, TDCFE et TICCE) – Prorogation et extension des tarifs réduits au titre du « bouclier fiscal » (articles 92 et 93 LF 2024)

L’actualité en matière de taxation de l’électricité présente pour cette édition 2024 un caractère anecdotique :

  • l’article 92 de la LF 2024 vient prolonger la période d’application du dispositif de tarif exceptionnel (plus communément dénommé « bouclier tarifaire ») consistant à faire bénéficier les redevables de la fraction perçue sur l'électricité de l'accise sur les énergies d’un tarif plafonné, correspondant aux minimums prévus par le droit européen. Ainsi, demeurent temporairement applicables jusqu’au 31 janvier 2025 — ces taux demeurant inchangés depuis l’introduction du bouclier tarifaire par la loi de finances de 2022 — les taux de 1 € par mégawattheure pour les ménages et 0.5 par mégawattheure pour les autres redevables, notamment les entreprises ;
  • l’article 93 de la LF 2024 apporte des précisions sur le tarif réduit de l'électricité en faveur de l’électricité fournie dans les aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique pour les besoins des aéronefs, selon que les consommations sont effectuées pour les besoins des activités économiques (0,50 €/MWh) ou pour ceux des activités non économiques (1 €/MWh).

B. Fraction perçue sur les gaz naturels (ex-TICGN) (article 92 LF 2024)

En contrepartie de la prolongation de la minoration des tarifs réduits pour la fraction perçue sur l'électricité de l'accise sur les énergies, tel qu’elle a été présentée en supra, l’article 92 de la LF 2024 a offert la possibilité au Gouvernement de majorer le tarif normal d'accise sur le gaz naturel à usage combustible avant le décembre 2023. Une limite à cette majoration a néanmoins été prévue par les dispositions législatives (16,37 €/MWh).

En application de cette mesure, l'arrêté du 13 décembre 2022 constatant divers tarifs et seuils de régime d'imposition relatifs à certaines impositions sur les biens et services a été modifié par un arrêté du 29 décembre 2023 [7].

Ainsi, le tarif normal majoré de l'accise sur les gaz naturels combustibles est désormais fixé à 16,37 euros par mégawattheure (contre 8,45 euros par mégawattheure auparavant).

C. Fraction perçue en métropole de l'accise sur les énergies sur les produits énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons (anciennement TICPE) [Articles 94 et 98 LF 2024]

La LF 2024 prévoit plusieurs mesures portant sur la taxation des produits pétroliers :

  • la suppression progressive de niches fiscales afin de lutter plus efficacement contre le réchauffement climatique. L’article 94 de la LF 2024 prévoit en effet une augmentation graduelle sur sept ans du tarif d'accise, en vue d’atteindre l’application du tarif normal au 1er janvier 2030, d’une part, sur le gazole non routier (GNR) (suppression linéaire de 5,99 centimes par litre et par an) et d’autre part, sur le gazole consommé pour les besoins des travaux agricoles (2,85 centimes par litre et par an) ;
  • la remise en cause, effective depuis le 1er janvier 2024, des tarifs réduits à cette fraction de l’accise auxquels pouvaient prétendre les entreprises grandes consommatrices d'énergie ainsi que sur les charbons consommés par les entreprises exposées à la concurrence internationale ;
  • l’article 98 de la LF 2024 vise à apporter des clarifications afin de répondre aux difficultés et contraintes identifiées en amont pour le projet de « taxe poids lourds », suite à l’ordonnance du 26 juillet 2023 [8] qui a réintroduit le projet d’écotaxe applicable aux poids lourds, (dispositif présentant une complémentarité avec celui de la taxation de la consommation des produits pétroliers), en lui conférant un caractère volontaire et local.

Par ailleurs, du point de vue procédural, il est rappelé qu’est effectif depuis le 1er janvier 2024 le transfert du recouvrement de cette taxe des douanes à la DGFiP (tel que prévu par l'article 184 de la loi n° 2019-1479, du 29 décembre 2019, de finances pour 2020, et dont les modalités ont été ensuite précisées par l'ordonnance n° 2021-1843, du 22 décembre 2021, portant partie législative du Code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne).

D. Taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport ( TIRUERT, anciennement TIRIB) (article 95 LF 2024)

Outre le transfert de compétence effectif depuis le 1er janvier 2024 — comme cela a déjà précisé pour la fraction de l’accise sur les produits pétroliers, pour laquelle ce transfert de compétences est intervenu concomitamment — s’agissant de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport (TIRUERT) [9], les évolutions suivantes peuvent être relevées :

  • dans la droite lignée des lois de finances intervenues les années précédentes [10], le mouvement de revalorisation des objectifs d'incorporation d'ENR dans les transports se poursuit, l'article 266 quindecies du code des douanes faisant à cette fin l’objet d’une nouvelle modification. En effet, à compter du 1er janvier 2025, ces objectifs seront respectivement portés de 9,9 % à 10,5 % dans les essences, et de 9 % à 9,4 % dans les gazoles ;
  • modifications des paramètres de calcul pour les carburéacteurs (suppression du double compte, relativisée par l’augmentation limitée à 2 % de l'objectif d'utilisation d'ENR pour ces derniers) ;
  • minoration de la Tiruert pour les redevables qui mettent à la consommation du gazole pêche incorporant des huiles végétales hydrotraitées (HVO), afin de soutenir la décarbonation du gazole utilisé par le secteur de la pêche.

Outre ces mesures concernant les principales taxes existant en matière d’environnement et d’énergie, d’autres mesures plus anecdotiques ont également été prévues, et concernent aussi bien sur l’impôt sur les sociétés que sur le revenu, ou encore, la création de nouvelles taxes.

                                                                                            

III. Autres mesures relatives à l’environnement ou l’énergie

Parmi les diverses mesures présentant un lien avec les matières environnementales et fiscales, peuvent ainsi être citées ;

  • pour les mesures relatives à l’imposition des entreprises et sociétés, des crédits et réductions d’impôts (parmi lesquels un nouveau crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte, destiné à soutenir la production de batteries, de panneaux solaires, de turbines éoliennes et de pompes à chaleur, ou encore, la prolongation de la réduction d'impôt sur les sociétés pour mise à disposition d'une flotte de vélos, prolongation du crédit d'impôt en faveur des entreprises labellisées HVE) et des amortissements et suramortissement (navires décarbonés, reconduction du dispositif de suramortissement exceptionnel destiné à encourager les entreprises, qui utilisent du gazole non routier (GNR) dans le cadre de leurs activités, à réaliser leur transition énergétique et à investir dans des moteurs utilisant des énergies propres ;
  • des mesures relatives à la taxe foncière (exonérations pour les mâts d'éoliennes de la taxe foncière, dégrèvement pour les associations foncières pastorales, exonération en faveur de l'amélioration de la performance énergétique des logements ;
  • s’agissant de la fiscalité environnementale, d’autres mesures concernent la taxe d’archéologie préventive, la taxe sur les demandes d'autorisation de produits phytopharmaceutiques ;
  • deux nouvelles taxes sectorielles font également leur apparition, à savoir, la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport longue distance ainsi que la taxe incitative à la réduction de GES dans les transports.

Enfin, la LF 2024 comporte également de nombreuses mesures d’ordre budgétaire portant aussi bien sur les thématiques du patrimoine naturel  que de la prévention des risques (compensations au profit des régions et des départements suite aux transferts des sites Natura 2000 et du réseau routier national, prolongation de l'affectation d'une partie des recettes du loto de la biodiversité à l'OFB , instauration d'un fonds d'accompagnement du secteur agricole vers des pratiques agroécologique, éligibilité au fonds de prévention des risques naturels majeurs des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite « des cinquante pas géométriques » dans les départements d'outre-mer, conditionnalité des aides publiques accordées au titre du fonds « France 2030 » au respect par les bénéficiaires de leur obligation de bilan carbone, dotation de soutien aux communes pour la valorisation des aménités rurales, compensations financières à destination du bloc communal des charges liées au transfert de la compétence en matière de police de la publicité extérieure).

 

[1] Principe selon lequel c’est le pollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la pollution, dans le souci de l'intérêt public et sans fausser le jeu du commerce international et de l'investissement. Ce principe se traduit notamment par l'internalisation des coûts de protection de l'environnement et l'utilisation d'instruments économiques.

[2] La hiérarchie des modes de traitement est un ordre de priorité défini au niveau européen pour la gestion des déchets, et rappelé à l’article L. 541-1 du Code de l’environnement N° Lexbase : L6920L7G. Conformément à cette hiérarchie, la première priorité est d’éviter la production du déchet : il s’agit des démarches de prévention des déchets. Quand un déchet n’a pas pu être évité, la personne chargée de la gestion du déchet doit privilégier, dans l’ordre : la préparation en vue de la réutilisation, puis le recyclage, puis toute autre valorisation (dont la valorisation énergétique), et seulement dans un dernier temps le cas échéant, l’élimination, est la solution à éviter dans la mesure du possible (incinération sans valorisation énergétique, ou à stockage des déchets dans une décharge).

[3] L’article 70 de la loi n° 2015-992, du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) N° Lexbase : L2619KG4 est en effet venu fixer un objectif chiffré de 50 % d’ici 2025 pour la réduction les déchets mis en décharge, via la modification de l’article L. 541-1 du Code de l'environnement comme suit : « I. […]  7° Réduire de 30 % les quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage en 2020 par rapport à 2010, et de 50 % en 2025 ».

[4] Pour l’application de la composante « déchets de la TGAP », une tarification spécifiquement appliquée aux collectivités d’outre-mer (COM) a été prévue, afin de prendre en compte la situation particulière de ces dernières, pour lesquelles les coûts de gestion du service public des déchets peuvent être plus importants que ceux observés dans l'Hexagone (les facteurs expliquant cela pouvant varier du transport maritime, du coût élevé de la vie en outre-mer, de la prépondérance de la collecte en porte à porte, du retard d’équipement et de l'usure prématurée des matériels en raison du climat, ou encore, du coût du foncier). À ce titre, il convient d’ailleurs de noter que, concernant la mesure relative à la majoration du tarif de mise en décharge pour la fraction excédant les objectifs fixés par la LTEV, des modalités particulières d’application ont également été prévues, puisque celle-ci ne s'applique pas aux déchets réceptionnés dans les installations situées dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.

[5] Pour mémoire, l’article 63, de la loi n° 2020-1721, du 29 décembre 2020, de finances pour 2021 N° Lexbase : L3002LZ9 a modifié le taux de réfaction de la composante déchets de la TGAP applicable à la Guyane et à Mayotte par rapport aux tarifs de droit commun (une exception étant néanmoins prévue pour les installations de stockage non accessibles par voie terrestre situées en Guyane, pour lesquelles le tarif est fixé à 3 euros par tonne), en l’augmentant de 60 % à 75 %, avant de prévoir sa réduction à 70 % à compter du 1er janvier 2024. Concernant la Réunion, la Guadeloupe et la Martinique, l’article 14 de la loi n° 2021-1549, du 1er décembre 2021, de finances rectificatives pour 2021 N° Lexbase : L7368L9R a quant à lui porté provisoirement de 25 % à 35 % le taux de réfaction de la TGAP. Ces taux sont prévus à l’article 266 nonies du code de l’environnement.

[6] Le bilan de l’ADEME sur les premiers retours d’expérience [en ligne] constate, dès la mise en œuvre de la tarification incitative, la diminution des quantités d’ordures ménagères résiduelles et l’amélioration des collectes sélectives

[7] Arrêté du 29 décembre 2023, fixant le tarif normal d'accise sur les gaz naturels en application de l'article L. 312-36 du Code des impositions sur les biens et services N° Lexbase : L9606MKY.

[8] Ordonnance n° 2023-661, du 26 juillet 2023, prise en application des dispositions de l'article 137 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et de l'article 128 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

[9] Concernant le fonctionnement de ce mécanisme - incitatif en ce que son objectif prépondérant ne réside pas dans le paiement de la taxe, mais dans l’évolution du comportement des redevables qu’il cherche à provoquer pour améliorer l’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport – celui-ci consiste à déterminer un objectif d’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport, au-delà duquel le montant dû au titre de cette taxe est nul pour le redevable. Ainsi, le taux de la taxe due par le redevable est alors minoré à proportion de la part d’énergie renouvelable réputée contenue dans les carburants qu’il met à la consommation durant l’année considérée. Pour ce faire, seuls les biocarburants ou les carburants d’origine renouvelable répondant à des critères de durabilité stricts peuvent être pris en compte pour le calcul de la réduction du taux de la taxe.

[10] L’article 67 de la loi n° 2022-1726, du 30 décembre 2022, de finances pour 2023, avait déjà procédé à la hausse, applicable depuis le 1er janvier 2024, respectivement de 9,5 % à 9,9 % dans les essences, et de 8,6 % à 9 % dans les gazoles.


 

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Officiers publics ou ministériels

[Jurisprudence] Droit de se taire : parlons-en !

Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 N° Lexbase : A4136IRM

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N8080BZB

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par Jean-Pierre Camby - Professeur associé à l’Université de Versailles Saint Quentin, HDR, Paris Saclay et Jean-Éric Schoettl - ancien Secrétaire général du Conseil constitutionnel

Le 07 Février 2024

Mots-clés : notaires • officiers publics ou ministériels • procédure disciplinaire • droit de se taire • CESDH • procédure pénale • sanction administrative • autorité administrative indépendante 

En des termes inédits, le Conseil constitutionnel juge que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne peut être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire.


 

Montesquieu nous l’a bien dit : les lois doivent être faites pour les gens de « médiocre entendement ». Plus une règle touche le commun des mortels, plus elle doit être compréhensible par le commun des mortels. Et plus elle doit donc être générale et simple. Mais la généralité ne peut-elle aussi avoir ses inconvénients ? Une règle dont l’application serait étendue à des situations pour lesquelles elle n’est pas conçue ne risque-t-elle pas d’être inadaptée ? N’y a-t-il pas risque de confondre les procédures, leurs objets, leurs effets ?

Le droit de se taire [1] – ou, plus précisément, le droit d’être informé de son droit de se taire - illustrent cette problématique.

Chacun a le droit de ne pas s’auto-incriminer. Il en découle le droit de se taire devant les juridictions pénales, qui a pour objet d’empêcher une personne prévenue d’une infraction de se laisser entraîner à des aveux excessifs, sollicités, ou d’être mise en situation de ne pouvoir revenir sur ses propres affirmations. Il en résulte également le fait que cette personne doit être informée de ce droit dès l’ouverture d’une procédure. Ce droit repose donc sur une logique simple, liée aux droits substantiels de la défense dans la procédure pénale. Il est général, puisque valable à tous les stades de cette procédure. Mais cette garantie vaut seulement pour une instruction pénale, ce que confirment les textes applicables.

Le droit de se taire a été déduit par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) de l’article 6 de la CESDH N° Lexbase : L7558AIR (droit au procès équitable) : « il ne fait aucun doute que, même si l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme  ne les mentionne pas expressément, le droit de se taire lors d'un interrogatoire de police et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable consacré par l'article 6 » [2] . Ce droit, selon la Cour, existe donc même si la personne est entendue librement [3]  et doit être notifié [4] tandis que la CJUE y voit également un élément de la présomption d’innocence [5].

À l’article 6 de la CESDH, fait écho l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 N° Lexbase : L1373A9Q : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »

Le droit de se taire pendant une garde à vue est organisé par l'article 63-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4971K8M, issu de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 N° Lexbase : L9584IPN [6]. De nombreuses décisions du Conseil constitutionnel, en réponse à des QPC, ont précisé les droits de la personne gardée à vue, avant que ces droits soient repris par le législateur pour se conformer à la jurisprudence. Le droit de se taire est indissociable du droit à l’assistance d’un avocat [7] . Le dispositif a de nouveau été modifié par la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 N° Lexbase : L2680I3N, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, puis en 2016 et en 2024. Il va l’être à nouveau en vertu des dispositions du projet de loi (déposé le 15 novembre 2023) « portant adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole ». L’article 28 de ce projet met fin à des dérogations à l’accès à l’avocat en vigueur en France, mais non prévues par la Directive 2013/48/UE (dite « Directive C ») N° Lexbase : L5328IYY. L’article 63-4-2  du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4968K8I permet aujourd’hui en effet dans une procédure ordinaire d’entendre la personne gardée à vue hors la présence de l’avocat (mais avec son consentement et après lui avoir notifié son droit au silence) dans deux cas : d’une part, après l’expiration des deux heures si aucun avocat ne s’est présenté dans ce délai ; d’autre part, dès avant l’expiration des deux heures, si les nécessités de l’enquête l’exigent et avec l’autorisation du procureur de la République. Ces possibilités ont valu à la France une mise en demeure, puis un avis motivé, de la Commission européenne.

Le principe du droit de se taire est plus généralement posé à toutes les étapes de la procédure pénale. Le Code de procédure pénale a été complété à cet effet en divers endroits : il s’agit d’une des matières où, depuis 2010, la QPC aura eu le plus d’influence sur la législation. La règle s’est étendue : les unes après les autres, les procédures pénales qui font silence sur le droit au silence tombent sous le coup de déclarations d’inconstitutionnalité garantissant le droit de se taire.

Ainsi, le droit de se taire – et son corollaire, le droit d’être informé du droit de se taire – doivent être respectés devant le juge de la détention et des libertés : l’article 145 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1332MAL, qui ne prévoyait pas un tel droit, méconnaissait l’article 9 de la DDHC [8]. De même pour l’article 148-2 N° Lexbase : L1333MAM, portant sur les demandes de mainlevée du contrôle judiciaire et de mise en liberté [9].  De même encore pour l’article 394 N° Lexbase : L1545MAH, portant sur la notification à comparaître, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 [10] N° Lexbase : L6740LPC, qui a été modifiée par la loi du 22 décembre 2021 N° Lexbase : L3146MAR.  De même toujours pour l’article 77-1 N° Lexbase : L6538MGA qui permet au procureur de la République d’avoir recours, dans le cadre d’une enquête préliminaire, à « toutes personnes qualifiées pour procéder à des constatations ou examens techniques ou scientifiques », donc à un psychologue ou psychiatre désigné pour entendre la personne soupçonnée : la personne entendue par l’expert doit être informée de son droit à garder le silence devant l’expert, alors pourtant que celui-ci n’est ni son magistrat instructeur, ni son juge [11].  En conséquence, le droit au silence et l’obligation de le notifier valent à tout stade de la procédure pénale, y compris en cas de comparution immédiate [12], y compris devant la Chambre d’instruction pour les mises en examen [13]. Ils s’appliquent notamment au droit pénal des mineurs [14], droit que l’on sait pourtant spécifique [15].

Cette règle pénale montre aussi combien, au nom des droits de la défense, une concurrence s’installe entre protection nationale [16] et droit de la Convention [17]. Cette application de plus en plus extensive et minutieuse pose nombre de questions : si le silence ne peut être retenu à charge, qu’en est-il du prévenu qui préfère parler, mais en mentant [18] ?  Le droit de garder le silence au cours de la procédure pénale n’a pas seulement répercuté l’influence du droit de la Convention, mais aussi celle du droit anglo-saxon. Toutefois, s’il a été consacré par la procédure pénale américaine, de caractère accusatoire, n’est-ce pas précisément parce que mentir à la justice y est une infraction grave [19], ce qui n’est pas le cas dans le droit pénal français, où la procédure est inquisitoire ? Cette différence fondamentale n’empêche pas une imprégnation du droit national par la procédure américaine. Autre question : observe-t-on, d’un pays à l’autre, des écarts quant à l’incidence qu’a, sur la régularité des poursuites, le fait que le droit de se taire n’a pas été notifié en temps utile à la personne concernée [20] ?

La décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 du Conseil constitutionnel ajoute encore à ces interrogations en prenant un « tour d’avance » sur la jurisprudence de la CEDH.

Si extensif soit-il, le droit de se taire - et de se voir notifier le droit de se taire - ne concernait jusqu’ici que les étapes de la Procédure pénale conduisant à l’incrimination et à la peine. La Cour de cassation l’a écarté par exemple pour une simple mesure d’enquête [21], ou encore devant les juridictions de l'application des peines « qui se prononcent seulement sur les modalités d'exécution d'une sanction décidée par la juridiction de jugement » [22] .

Il s’agissait en outre d’un principe propre au droit pénal : seul l’évoque le Code de procédure pénale [23].

Le droit de se taire n’est pas applicable aux procédures disciplinaires, jugeait encore tout récemment le Conseil d’État [24] : « si le Conseil constitutionnel a reconnu que le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, résulte de l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 juillet 1789, …. ce principe a seulement vocation à s'appliquer dans le cadre d'une Procédure pénale. Dès lors que les articles 52 et 56 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 N° Lexbase : L5336AGQ portant loi organique relative au statut de la magistrature définissent la procédure disciplinaire applicable aux magistrats du siège, M. B... n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions méconnaîtraient le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, nonobstant la circonstance que les informations recueillies dans le cadre de cette procédure pourraient être ultérieurement transmises au juge répressif ».

Le Conseil d’État n’a pas été impressionné par l’argument selon lequel : « de manière très étonnante en France, une personne poursuivie pour une contravention dispose de meilleures garanties procédurales qu’un magistrat (devant le Conseil supérieur de la magistrature) qui peut risquer jusqu’à une révocation » [25]. Cet étonnement étonne : comment peut-on soumettre aux mêmes règles deux régimes aussi différents que ceux de la Procédure pénale et de la procédure disciplinaire ? Comment défendre à la fois l’autonomie du droit pénal et prôner son extension indéfinie en dehors de son champ ? Une sanction disciplinaire est-elle assimilable à une sanction pénale ? 

Cette dernière question nous semble, à plus d’un titre, appeler une réponse négative.

Le droit disciplinaire ne vise par principe qu’une catégorie de personnes, situées dans un cadre particulier auquel elles adhérent du fait d’une activité déterminée (professionnelle, administrative, sportive, scolaire etc.). Quant à elle, la vocation de la répression pénale est universelle [26]. L’application du droit disciplinaire est limitée à ceux auxquels il s’adresse spécialement et exclusivement : membres d’une profession, militaires, fonctionnaires, élèves ou étudiants, sportifs, etc…. Il n’applique pas un code mais des règles spécifiques, dont la source n’est pas nécessairement législative, ni même nécessairement normative, mais peut provenir de chartes déontologiques, d’engagements volontaires ou encore résulter de prestations de serment. Les sanctions disciplinaires ne relèvent du juge pénal et du droit pénal ni organiquement, ni substantiellement, qu’il s’agisse de la finalité des règles applicables, de leur précision, de leur place dans la hiérarchie des normes ou de la proximité entre l’autorité sanctionnatrice et la personne mise en cause, souvent justiciable devant ses pairs [27] selon une procédure spécifique [28] justifiant l’absence de recours incidents [29] . De sources distinctes, régi par des règles différentes, avec des finalités et des conséquences différentes et surtout avec un rôle de la puissance publique notoirement distinct, droit pénal et droits disciplinaires ne sont pas assimilables et ces derniers appellent des procédures spécifiques.

Dès lors comment recevoir le paragraphe 9 de la décision du Conseil constitutionnel n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 ? Le Conseil constitutionnel avait à juger, sur renvoi de la Cour de cassation [30], du droit de se taire d’un notaire à l’occasion d’une procédure disciplinaire. Or la décision du Conseil énonce à cette occasion (§ 9), que le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire, pose des « … exigences [qui] s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire » ?

Le communiqué de presse du Conseil précise, s’il en était besoin, la portée du paragraphe 9 de cette décision du 8 décembre 2023, lequel « en des termes inédits », étend le principe du droit de se taire (et son corollaire, la notification du droit au silence) à « toute sanction ayant le caractère d’une punition », en l’espèce à la procédure disciplinaire applicable aux notaires. Le paragraphe 9 concerne donc toutes les poursuites disciplinaires, professionnelles ou autres. Applicable également au pouvoir de sanction dévolu aux autorités administratives indépendantes (de caractère pourtant non judiciaire et souvent non juridictionnel), que vise généralement cette définition de la sanction, le paragraphe 9 étend le « droit de se voir notifier le droit de se taire » à toute procédure sanctionnatrice.

Il s’agit d’un obiter dictum, car, comme beaucoup d’autres procédures sanctionnatrices, les règles disciplinaires applicables à ces officiers publics et ministériels que sont les notaires, ne relève pas du domaine de la loi mais, sous le contrôle du juge administratif, du domaine réglementaire. Le Conseil constitutionnel rejette d’ailleurs la requête sur un terrain d’incompétence.

Ce n’est pas la première fois que le Conseil constitutionnel transpose de manière prétorienne un principe général du droit pénal au droit disciplinaire. C’est ainsi qu’il exige que les fonctions de poursuite et de sanction soient séparées au sein d’une autorité administrative indépendante [31]. La séparation s’impose à ses yeux même lorsque cette autorité n’exerce pas ses pouvoirs de sanction en tant que juridiction [32]. Les exigences du Conseil constitutionnel en la matière vont plus loin que celles de la CEDH (qui n’impose pas la séparation lorsque la sanction peut être déférée à un juge de plein contentieux). Elles ont beaucoup occupé le législateur et entraîné des bouleversements organisationnels dont on peut se demander s’ils n’étaient pas prescrits par les commandements abstraits de la théorie des apparences plutôt que justifiés par de réels impératifs d’impartialité.

En toute hypothèse, on peut se demander si la généralisation au domaine disciplinaire des règles du procès équitable et du contradictoire (déjà largement applicables aux sanctions prononcées par les autorités administratives indépendantes [33] [34]), qu’implique la référence à « toute sanction ayant le caractère d’une punition », justifie l’extension aux sanctions disciplinaires de l’obligation de notifier le droit de garder le silence. Non seulement cette extension peut avoir des effets déstabilisateurs, mais elle soulève des questions de principe.

Certes, en théorie, la généralisation opérée par le paragraphe 9 de la décision commentée n’oblige ni le pouvoir réglementaire, ni les différentes instances sanctionnatrices non pénales, puisque, comme tout obiter dictum, elle n’est pas le soutien nécessaire du dispositif [35]. Elle n’est donc pas revêtue de l’autorité de chose jugée que confère aux décisions du Conseil constitutionnel l’article 62, alinéa 3, de la Constitution N° Lexbase : L0891AHH. Il n’en demeure pas moins que l’affirmation de principe a une « autorité jurisprudentielle persuasive » (Bruno Genevois) [36] et que « l’autorité (···) de la décision interprétative du Conseil constitutionnel se justifie par un impératif de sécurité juridique, dans l'intérêt même des justiciables » (Régis de Gouttes) [37] . En toute hypothèse, elle sera susceptible d’inspirer une ou plusieurs QPC.  Son autorité morale et intellectuelle poussera, à n’en pas douter, à généraliser le droit de se taire à toute procédure susceptible de conduire au prononcé d’une mesure ayant le caractère d’une punition.

Si satisfaisante soit-elle pour l’esprit de géométrie, cette généralisation est-elle concevable dans tous les domaines du droit sanctionnateur ? Le réalisme y trouve-t-il son compte ?

Cette application d’un droit de la défense transposé au-delà de la procédure pénale ne paraît adaptée ni aux exigences propres à la matière disciplinaire, ni à la nature des sanctions encourues, ni à l’autorité chargée de se prononcer. 

Le Conseil constitutionnel pousse ici les exigences du procès équitable au-delà de celles retenues par la CEDH. Ainsi, l’obiter dictum figurant dans le paragraphe 9 de la décision du 8 décembre 2023 semble imposer que le droit de se taire soit notifié par l’organe disciplinaire, même lorsque la sanction est soumise au contrôle d’un juge de plein contentieux. Le droit de l’Union européenne procède pourtant, lui, à une distinction selon la nature et la portée du contrôle juridictionnel [38]. De même, l’obiter dictum fait du droit de se taire un droit inconditionnel, alors que la CEDH juge que le droit de garder le silence n’est pas absolu [39] et qu’elle examine en particulier - pour rechercher si une procédure a vidé de sa substance le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination - la nature et le degré de la coercition, l’existence de garanties appropriées dans la procédure et l’utilisation qui est faite des éléments ainsi obtenus.

Par sa généralité, l’obiter dictum du paragraphe 9 méconnaît la particularité des nombreuses procédures disciplinaires qui prévoient une conciliation préalable antérieurement à la transmission de la plainte à la juridiction compétente. Ainsi, la conciliation est obligatoire préalablement à toute plainte formée par un patient contre un professionnel de santé [40]. Il en est de même « lorsque la nature de la réclamation le permet pour les plaintes dirigées contre un professionnel du droit [41]. L’obiter dictum fait également l’impasse sur les nombreuses procédures juridictionnelles qui présentent, à titre principal, un caractère écrit, ce qui est le cas de toutes celles relevant des juridictions administratives spécialisées. L’information du droit de se taire joue-t-elle dans la procédure écrite ou ne s’applique-t-elle qu’à l’audience ?

Toujours par sa généralité, une telle extension de la Procédure pénale au-delà du champ pénal ignore les procédures mixtes (de caractère concomitamment disciplinaire et non disciplinaire) qui trouvent à s'appliquer notamment en matière fiscale : comment concilier la procédure contradictoire relative à l'assiette de l'impôt et le droit au silence qui devrait s'appliquer aux pénalités fiscales ?

Au-delà des instances professionnelles, ne doit-on pas prendre aussi en considération le droit pénitentiaire et la discipline militaire [42] ? Et que dire de l’univers scolaire ? Le conseil de discipline (et, en amont de celui-ci, les personnes compétentes pour le saisir) devront-ils, sauf à entacher de nullité une éventuelle punition, si méritée et éducative soit-elle, indiquer à l’élève un droit de se taire dont il peut ne pas toujours saisir la signification ? Le droit de se taire s’applique-t-il aussi aux parents ?

Et, quitte à transposer les principes généraux de la Procédure pénale aux procédures disciplinaires, pourquoi ne pas transposer aussi le principe non bis in idem ? Le parti pris d’harmonisation entre procédures pénales et disciplinaires conduirait à astreindre à ce principe les sanctions administratives, dont on sait pourtant que la finalité n’est pas exclusivement punitive. 

En bref : la volonté d’unifier les principes de la procédure pénale et de la procédure disciplinaire peut-elle négliger les différences essentielles entre le domaine pénal et le domaine disciplinaire (que celui-ci soit ou non professionnel) ? Faire l’économie de considérations pratiques et de bonne administration ? Bienvenue dans son inspiration, la recherche de l’extension de la règle simple et générale ne doit pas confiner au simplisme.

Il ne s’agit pas ici de dire que la protection d’une personne amenée à se défendre devant une instance disciplinaire ne doit pas être assurée au mieux, mais qu’elle doit l’être par des moyens appropriés à la nature de la sanction qu’elle encourt et de l’activité exercée : un avertissement, un  blâme, une suspension provisoire ou même une interdiction d’exercer une profession, n’ont rien à voir avec une incarcération ou un contrôle judiciaire, ni par leur effet, ni par leur publicité, ni par l’auteur de la sanction, ni par la précision requise des obligations dont la méconnaissance est sanctionnée [43]. Faut-il rappeler que, si c’est la société tout entière qui s’implique dans un procès pénal, c’est seulement la profession [44]  - même s’il s’agit d’une profession réglementée - ou l’autorité concernée qui s’impliquent en matière disciplinaire ? Un manquement professionnel ou déontologique, un carton rouge sur un stade, une punition scolaire, les amendes infligées par l’ARCOM, une mesure pénitentiaire, etc… ne sont pas de même nature qu’une peine relevant du droit pénal.

Dès lors, en confondant procédure pénale et procédure disciplinaire, le risque est grand que la décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2023 ne conduise à remettre en cause la spécificité des ordres professionnels et l’adéquation entre les activités concernées et les règles déontologiques et disciplinaires qu’ils mettent en œuvre.

Transposer sans nuance au droit disciplinaire tous les principes fondamentaux du droit pénal aurait des conséquences dévastatrices. Le Conseil constitutionnel s’est refusé lui-même à transposer pleinement au droit disciplinaire le principe de légalité des peines et délits qui veut que seule soit punissable la méconnaissance d’obligations explicitement définies et clairement délimitées.  Ainsi a-t-il jugé, à propos de la révocation du maire par décret en Conseil des ministres, que : « appliquée en dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des manquements sanctionnés se trouve satisfaite, en matière administrative, par la référence aux obligations auxquelles le titulaire d'une fonction publique est soumis en vertu des lois et règlements ».  Les dispositions contestées [45] ont, comme il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État, pour objet de réprimer les manquements graves et répétés aux obligations qui s'attachent aux fonctions de maire et de mettre ainsi fin à des comportements dont la particulière gravité est avérée. « Dans ces conditions, si elles instituent une sanction ayant le caractère d'une punition, l'absence de référence expresse aux obligations auxquelles les maires sont soumis en raison de leurs fonctions ne méconnaît pas le principe de la légalité des peines et délits » [46].

Au travers d’un obiter dictum aux conséquences imprévisibles [47], la décision commentée met en cause la spécificité des règles disciplinaires et déontologiques, négligeant en conséquence l’autonomie du droit pénal. La sécurité juridique n’y trouve pas son compte.

 

[1] Hélène Christodoulou. Le silence : à propos de la relativité d’un droit essentiel. Lexbase [site Web], 2022, n°48. ffhal-03663317f

[2]  CEDH, 8 février 1996, Req. 41/1994/488/570 R. Koering-Joulin N° Lexbase : A8396AWU, obs., RSC, 1997, 476 et 481

[3] CEDH, 16 juin 2015, Req. 41269/08 N° Lexbase : A0128NLC, note A. Seid Algadi, Lexbase avocats n° 197, 2 juillet 2015 °197 du 2 juillet 2015 N° Lexbase : N8130BUN : V. D. Roets, Le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, AJ pénal, 2008, p. 119 et s.

[4] CEDH, 27 octobre 2011, Req. 25303/08, Stojkovic c/ Belgique N° Lexbase : A4136IRM ; 11 juillet 2019, Req. 62313/12, Olivieri c/ France N° Lexbase : A5429ZIW.

[5] CJUE, Gde ch., 2 fevrier 2021, aff. C-481/19, DB c/ Consob N° Lexbase : A23374EB : H. Matsopoulou, note, JCP G, 6 avril 2021, n° 14, 389 ; J. Turot, étude, Dr. fiscal, 16 septembre 2021, n° 37, 356 ; D. Simon, Europe, 2021, comm. 117 ; P. Dufourq, Droit au silence et enquête pour délit d’initié : dernières précisions de la CJUE, Dalloz actualité, 15 février 2021 ; M. Lasalle, AJ pénal, 2021, 213 ; A. kirry et A. Bisch, D., 2021, 295 ; F. Stasiak, étude, RSC, 2021, 397.

[6] Pour l’audition libre V. article 61-1 du même code N° Lexbase : L7280LZN.

[7] Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 N° Lexbase : A4551E7P pour l’assistance d’un avocat, Cons. const., décision n° 2016-594 QPC, du 4 novembre 2016 N° Lexbase : A4730SC8, Mme Sylvie T  :  Faire ainsi prêter serment à une personne entendue en garde à vue de « dire toute la vérité, rien que la vérité » peut être de nature à lui laisser croire qu'elle ne dispose pas du droit de se taire ou de nature à contredire l'information qu'elle a reçue concernant ce droit note Fanny. Malhiere Gaz. Pal 14 mars 2017 n° 11 p. 32

[8] Cons. const., 30 septembre 2021 n° 2021- 934 QPC N° Lexbase : A930647S.

[9] Cons. const., 18 juin 2021 n° 2021-920 QPC N° Lexbase : A39894WN.

[10] Cons. const., 30 septembre 2021, n° 2021-935 QPC N° Lexbase : A930747T, note Dorothée Goetz , Dalloz. 2021. 1768.

[11] Cons. const., 25 février 2022 n° 2021-975 QPC N° Lexbase : A03467PI, Chidaine, Céline, Droit de se taire et assistance, la protection du majeur protégé dès sa mise en cause, Revue française de droit constitutionnel, décembre 2022, n° 132, p. 946-952.

[12] Cons. const., 4 mars 2021, n° 2020-886 QPC N° Lexbase : A66394IQ, RSC 2021. 483, obs. A. Botton ; Cons. const., 9 avril 2021, n° 2021-895/901/902/903 QPC N° Lexbase : A89644NC, D. 2021. 699.

[13] Cons. const., décision n° 2021-895 QPC, du 9 avril 2021 N° Lexbase : A89644NC.  

[14] Cons. const., décision n° 2021-894 QPC, du 9 avril 2021 N° Lexbase : A89634NB.

[15] Le principe fondamental reconnu par les lois de la République nécessitant notamment l’édiction de « procédures appropriées », Cons. const, 16 novembre 2018 n° 2018-744 QPC N° Lexbase : A2029YLQ, Matsopoulou, Haritini,  La déclaration d'inconstitutionnalité du régime de la garde à vue applicable aux mineurs, La Semaine juridique. Édition générale, 14 janvier 2019, n° 1-2, p.39-43.

[16]  Cass. crim., 18 septembre 2012, n° 11-85.031, F-P+B N° Lexbase : A9758ITL : le prévenu qui, avant toute défense au fond a sollicité l'annulation des procès de garde à vue faute d'avoir reçu notification de son droit de se taire, ne saurait se faire grief de ce que l'annulation sollicitée n'a pas été prononcée dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que, pour le déclarer coupable de l'infraction poursuivie, la cour d'appel ne s'est fondée ni exclusivement, ni même essentiellement sur les déclarations recueillies au cours de la garde à vue.

[17] Cass. crim., 14 septembre 2022, n° 21-86.796, FS-B N° Lexbase : A99738HT.

[18] J. Hennebois, Du droit au silence à l’encouragement à se taire, AJ pénal 2021. 407.

[19] Voir à propos de l’affaire opposant le Président Bill Clinton et Paula Jones : Cour Suprême n° 95-1835 , 580 US 681 27 mai 1997,  et la décision de la cour du district ouest de l’Arkansas 29 juillet 1999 57 F. Supp. 2d 719 (E.D. Ark. 1999), et pour l’affaire Monica Lewinski la mise en accusation devant la chambre des Représentants le 19 décembre 1998.

[20] Cass. crim., 11 mai 2021, n° 21-81.277, F-P N° Lexbase : A84874RR P, D. 2021. 1497, chron. M. Fouquet, L. Guerrini, O. Violeau, A.-S. de Lamarzelle, C. Carbonaro et L. Ascensi ; AJ pénal 2021. 432. Le défaut de notification du droit à garder le silence a pour conséquence que les déclarations de l’intéressé ne pourront être utilisées à son encontre par les juridictions appelées à prononcer un renvoi devant la juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité, ce dont il peut se prévaloir.

[21] Cass. crim., 3 avril 2013, n° 11-87.333, FS-P+B N° Lexbase : A6483KBQ.

[22] Cass. crim., 14 septembre 2022, n° 21-86.796, FS-B N° Lexbase : A99738HT.

[23] Il existe sans doute un droit de se taire du contribuable (par exemple lors d’une évaluation de situation personnelle), mais il est limité, relatif et parfois exclu. Plus encore : le défaut de coopération du contribuable (notamment du fait de la non-production des pièces demandées par l’administration) est passible de pénalités et son silence vaut acquiescement aux dires de l’administration. V. Contrôle fiscal et sécurité juridique - Le contribuable a-t-il droit au silence ? - À propos de CJUE, 2 février 2021, aff. C-481/19, DB c/ Consob [LXB=A23374EB ] - Jérôme Turot, Droit fiscal n° 37, 16 septembre 2021, 356https://www.cliniquedudroitrouen.fr/2022/04/08/le-droit-au-silence-dans-les-procedures-fiscales/.

[24] CE 5/6 ch.-r., 23 juin 2023, n° 473249 N° Lexbase : A3978944.

[25] Emmanuel Poinas Lextenso 26 mai 2023, magistrat qui poursuit : « Il ne s’agit pas d’invoquer ici une culture de l’excuse, mais simplement de souligner qu’il est difficile de considérer comme légitime (et surtout pertinente) une procédure qui ne met pas en œuvre un minimum de principes généraux qui devraient valoir dans tous les cas ». Mais précisément « tous les cas » peuvent-ils déborder trop largement le champ pénal ?

[26] Une décision de suspension temporaire d’activité d’un médecin pris par la section disciplinaire « n'a pas statué en matière pénale ni tranché de contestation sur des droits et obligations de caractère civil » et le ministre peut en demander l’aggravation en appel (CE 4/1 SSR, 4 octobre 1991, n° 100064 [LXB= A0026ARE]).

[27] JP Markus, La refonte de la procédure disciplinaire devant les ordres des professions de santé, RDSS. Revue de droit sanitaire et social, N° 4, 2007, p. 65.

[28] Pour le rôle du commissaire public devant l’ordre des experts comptables : CE, 26 octobre 2005, no 232643 N° Lexbase : A1389DLZ, M. Béjuit concl. Aguila, Petites affiches 18 janvier 2006, n° PA200601304, p. 10 . Pour les règles applicables aux avocats et l’absence de délai de prescription : « la profession d’avocat n’est pas placée, au regard du droit disciplinaire, dans la même situation que les autres professions juridiques ou judiciaires réglementées. Dès lors, la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées entre les avocats et les membres des professions judiciaires ou juridiques réglementées dont le régime disciplinaire est soumis à des règles de prescription repose sur une différence de situation. En outre, elle est en rapport avec l’objet de la loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté. » (Cons. const., décision n° 2018-738 QPC, du 11 octobre 2018 N° Lexbase : A0164YG8).  

[29] « Eu égard à la nature des pouvoirs qu'exercent les conseils des ordres professionnels lorsqu'ils statuent en matière disciplinaire, le recours incident est, en l'absence de disposition législative ou réglementaire le prévoyant, irrecevable », CE, 4 octobre 1991, préc.

[30] Cass. QPC, 10 octobre 2023, n° 23-40.012, FS-P, Renvoi N° Lexbase : A85221KT, note Cédirc Hélaine, Dalloz.

[31] Voir en particulier les décisions Cons. const., décision n° 2011-200 QPC, du 2 décembre 2011 N° Lexbase : A0514H3G pour la Commission bancaire ; décision n° 2013-331 QPC, du 5 juillet 2013 N° Lexbase : A3984KIE pour l’Autorité́ de régulation des communications électroniques et des postes (« Le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu’ aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu’une autorité administrative indépendante, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l’ accomplissement de sa mission, dès lors que l’exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu’ en particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d’ une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ») ou Cons. const., décision n° 2013-359 QPC, du 13 décembre 2013 N° Lexbase : A2569KRL pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel).

[32] Cons. const., décision n° 2012-280 QPC pour l’Autorité de la concurrence, du 12 octobre 2012 N° Lexbase : A2619IUK.

[33] V Conseil d’Etat, dossier thématique, Le juge administratif et les sanctions administratives, 9 janvier 2017.

[34] V pour les professionnels intervenant sur les marchés financiers : CE Ass., 3 décembre 1999 n° 207434 N° Lexbase : A3242AUM : « alors même que le Conseil des marchés financiers siégeant en formation disciplinaire n'est pas une juridiction au regard du droit interne le moyen tiré de ce qu'il aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d'impartialité rappelé à l'article 6-1 précité peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme, être utilement invoqué à l'appui d'un recours formé devant le Conseil d'État à l'encontre de sa décision ».

[35] On doit ici rappeler la célèbre polémique née de la décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 N° Lexbase : A8770ACS sur la Cour pénale internationale qui juge « qu'au surplus, pendant la durée de ses fonctions, la responsabilité pénale du chef de l’État « ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice », selon les modalités fixées par le la Constitution. Même si elle ne constitue pas un obiter dictum (jean Rossetto, Mélanges Pierre Avril, Montchrestien 2001, p 399, Jean Éric  Schoettl RDP 1999 p. 1037), cette décision a posé le problème de l’autorité de chose jugée. V notamment Pierre Avril (RFDA 199 n° 5 p 715 et Libération 25 janvier 1999) confère une autorité morale et intellectuelle à cette décision, position reprise par la décision Cass. crim., 10 octobre 2001, n° 00-87605, publié au bulletin N° Lexbase : A9565CGD concl. Régis de Gouttes, Revue française de droit constitutionnel 2002/1 (n° 49) : « si l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel s'attache non seulement au dispositif, mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, ces décisions ne s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles qu'en ce qui concerne le texte soumis à l'examen du Conseil  V. B. Genevois,  Le Conseil constitutionnel et le droit pénal international », Rev. Française de droit adm., 1999, p. 298, et Le Conseil constitutionnel et le droit pénal international, observations complémentaires, juillet 1999, p. 717, L. Favoreu, La Cour de cassation, le Conseil constitutionnel et l'article 66 de la Constitution, D. 1986, chron., p. 169, G Drago, revue administrative 2011 n°324, p. 637- O Delsaunier, Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel 2011 n° 30.

[36] V. note 35.

[37] Concl. De Gouttes, préc. Note 35.

[38] Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L3181ITY, art. 2 et 3.

[39] CEDH, Grde ch., 8 février 1996, Req. 18731/91 § 47 ; 13 septembre 2016, Req. 50541/08, Ibrahim et a. c/ Royaume-Uni N° Lexbase : A7910RZY et autres, § 269. En particulier, la CEDH dans une décision du 5 mars 2020 (CEDH, 5 mars 2020, Req. 69291/12, Peleki c/ Grèce) rendue à propos des notaires rappelle qu’elle considère constamment que les poursuites disciplinaires ne relèvent pas, comme telles, de la « matière pénale » (CEDH, 23 juin 1981, Req. 00006878/75 Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique N° Lexbase : A3823AU7, § 42, série A n° 43, et Durand, décision précitée, § 56, et les affaires qui y sont citées).  Cette délimitation s’applique aux avocats (CEDH, 24 novembre 1998, Req. 38644/97, Brown c/ Royaume-Uni), liquidateurs judiciaires (CEDH, 12 novembre 2013, Req. 36181/05, Galina Kostova c/ Bulgarie, § 52,) ou encore aux juges (CEDH, 9 juillet 2013, Req. 51160/06, Di Giovanni c/ Italie, § 35 N° Lexbase : A5375KIW ; CEDH, 28 mars 2017, Req. 45729/05, Sturua c/ Géorgie, § 28 ; CEDH, 31 octobre 2017, Req. 147/07, Kamenos c/ Chypre, §§ 50-53).

[40] CSP, art. L. 4123-2 N° Lexbase : L9432LCC pour les médecins, chirurgiens-dentistes et sage-femmes ; art. L. 4312-3 pour les infirmiers N° Lexbase : L9487LCD ; art. L. 4321-18 pour les masseurs-kinésithérapeutes N° Lexbase : L9507LC4 ; L. 4322-12 pour les pédicures-podologues N° Lexbase : L2562L7Z ; R. 4234-4 N° Lexbase : L0593MCX pour les pharmaciens.

[41] Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, art. 186-3 N° Lexbase : Z98787UA pour les avocats ; loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, art. 36 pour les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, les commissaires de justice, les greffiers des tribunaux de commerce et les notaires. Il revient au bâtonnier d’opérer la conciliation entre les parties lorsque la nature de la réclamation le permet. V note 24 ci-dessus

[42] Cf CE, 17 février 1995, n° 107766 N° Lexbase : A2385ANN, concl. Frydman, Rec 82 et 85 et la jurisprudence citée au GAJA n° 88.

[43] La faute d’un avocat peut résulter d’un manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse, se rapportant à des faits commis hors de l’exercice de la profession, mais ayant un impact sur celui-ci (Cass. civ. 1, 7 février 1990, n° 88-20.129, inédit N° Lexbase : A9209CNE).

[44] JP Markus, Les juridictions ordinales, LGDJ, Systèmes 2013.

[45] CGCT, art. L. 2122-16 N° Lexbase : L8612AA9.

[46] Cons. const., décision n° 2011-210 QPC, du 13 janvier 2012 N° Lexbase : A1027IAB.

[47] Le 12 avril 2023, le CSM avait déjà « ordonné » (selon ses termes) au Conseil d’État de transmettre une QPC sur le sujet au motif qu’: « une procédure disciplinaire initiée à l’encontre d’un magistrat pouvant conduire jusqu’à sa révocation, la question de la notification du droit au silence à l’occasion de son audition devant le rapporteur et devant le Conseil de discipline apparaît comme n’étant pas dépourvue de caractère sérieux » et voyait dans le fait que « le Conseil constitutionnel a reconnu valeur constitutionnelle au droit au silence dans les procédures pénales (QPC n°2016-594 du 4 novembre 2016, QPC n° 2021-894 du 9 avril 2021) » un changement des circonstances de droit, remettant en cause le jugement antérieur de conformité à la Constitution du dispositif considéré. Le 23 juin 2023 (CE 5/6 ch.-r., 23 juin 2023, n° 473249 N° Lexbase : A3978944), le Conseil d’État a jugé que la question ne présentait pas un caractère sérieux dans la mesure où il résultait de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que le droit de se taire, fondé sur l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen N° Lexbase : L1373A9Q avait seulement vocation à s’appliquer au pénal : « si le Conseil constitutionnel a reconnu que le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, résulte de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 juillet 1789, il résulte également des décisions (précitées) que ce principe a seulement vocation à s'appliquer dans le cadre d'une procédure pénale » (V. note 24 ci-dessus). À la suite de la décision du 8 décembre 2023, le CSM tente à nouveau le 25 janvier 2024 de voir dans l’obiter dictum de la décision 2023-1074 du 8 décembre 2023 un changement de circonstances : « en considérant que le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire, s’applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition, étant précisé que cette décision concernait la procédure disciplinaire applicable aux notaires », sans donc retenir qu’il s’agit seulement d’un obiter dictum. On peut se demander si celui-ci est constitutif d’un changement de circonstances, puisqu’il ne présente pas de caractère impératif au sens de l’article 62 de la Constitution N° Lexbase : L0891AHH, en ce qu’il ne constitue pas un « soutien nécessaire » du dispositif au sens de la jurisprudence (Cons. const., 16 janvier 1962, n° 62-18 L N° Lexbase : A7808AC8). L’obiter dictum n’a pas pour portée de modifier l’état du droit applicable, contrairement aux réserves d’interprétation (V. P. Blacher REDP, vol. 12, n° 3, 2000, pp. 910, F. de Paul Tetang , RFDC  2016 /4 n°108, A Viala, les réserves d’interprétation dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, LGDJ 1998, p.259 et s. G. Drago, l’exécution des décisions du Conseil constitutionnel, Economica, 1989 p 236 et 278). Cependant, au vu de cette « évolution jurisprudentielle » est à nouveau « ordonné » par le CSM le renvoi de la QPC.

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Nullité d’une marque du fait de l’existence d’un droit antérieur constitué d'une dénomination sociale

Réf. : Cass. com., 10 janvier 2024, n° 22-21.716, F-B N° Lexbase : A05662DC

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N8011BZQ

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par Vincent Téchené

Le 17 Janvier 2024

► Le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité d'une marque déposée postérieurement s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, quand bien même le titulaire de la marque contestée dispose d'un droit plus ancien que ce tiers qui la conteste.

Par conséquent, l'existence d'un droit antérieur constitué d'une dénomination sociale, juridiquement protégé et non contesté à la date des dépôts de marque attaqués, peut être défendue contre l'enregistrement d'une marque postérieure, même constituée d'une dénomination sociale plus ancienne.

Faits et procédure. La société JDC Aquitaine, devenue la société JDC, est  titulaire de diverses marques comportant le terme « JDC », notamment pour des caisses enregistreuses. Elle a assigné en concurrence déloyale et parasitaire les sociétés JDC Midi-Pyrénées, JDC Languedoc et JDC Normandie du fait, notamment, de la création d'un site internet dont le nom de domaine est le suivant : « http://www.jdc-caisse-enregistreuse.fr ». La société JDC Midi-Pyrénées a assigné la société JDC en nullité de ses marques du fait de l'atteinte portée à sa dénomination sociale antérieure.

La société JDC ayant formé une demande additionnelle en contrefaçon de ses marques, les sociétés JDC Midi-Pyrénées, JDC Languedoc et JDC Normandie ont reconventionnellement demandé l'annulation de ces dernières pour atteinte à leurs droits antérieurs respectifs.

Les marques de la société JDC ayant été déclarées nulles (CA Bordeaux, 25 janvier 2022, n° 18/06676 N° Lexbase : A32237P3), elle a formé un pourvoi en cassation

Décision. La Cour de cassation rappelle, en premier lieu, qu’il résulte des articles L. 711-4 N° Lexbase : L7857IZZ et L. 714-3 N° Lexbase : L3736ADQ du Code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169, du 13 novembre 2019 N° Lexbase : L5296LTC, qu'est déclaré nulle une marque qui porte atteinte à un droit antérieur, tel une dénomination sociale, mais que la tolérance, pendant cinq années, de l'usage d'une marque qui porte atteinte à un droit antérieur rend irrecevable toute action en annulation de cette marque, à moins qu'il ne soit établi que le dépôt a été effectué de mauvaise foi.

En outre, selon la Haute Cour, l’article L. 714-3 précité doit être interprété à la lumière des articles 6 et 9 de la Directive (CE) n° 2008/95, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques N° Lexbase : L7556IBH.

Reprenant ensuite les termes d'un arrêt rendu par la CJUE le 2 juin 2022 (CJUE, 2 juin 2022, aff. C-112/21 N° Lexbase : A9884779), la Cour de cassation retient qu’il en découle que le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité de la marque déposée s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, quand bien même le titulaire de la marque contestée dispose d'un droit plus ancien que ce tiers qui la conteste.

Ainsi, elle approuve la cour d'appel qui a retenu l'existence du droit antérieur des sociétés JDC Midi-Pyrénées, JDC Languedoc et JDC Normandie sur leurs dénominations sociales, juridiquement protégé et non contesté à la date des dépôts attaqués, et qui en a déduit qu'elles pouvaient les défendre contre l'enregistrement d'une marque postérieure. Les juges du fond ont ainsi écarté tout droit exclusif de la société JDC, anciennement dénommée JDC Aquitaine, sur le sigle « JDC », fût-il plus ancien.

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Quiz] Loi de finances 2024 et TVA : testez vos connaissances

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N8040BZS

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par Marie-Claire Sgarra

Le 17 Janvier 2024

Dans le cadre du dossier spécial de la revue Lexbase Fiscal « Loi de finances pour 2024 » nous vous proposons de tester vos connaissances sur le sujet. À vous de jouer !

Pour commencer le quiz, cliquez ici.

newsid:488040

Urbanisme

[Brèves] Absence d’incidence d’inexactitudes figurant sur l’arrêté délivrant le permis sur la portée et la légalité du permis

Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 20 décembre 2023, n° 461552, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A36882AT

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N7963BZX

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par Yann Le Foll

Le 17 Janvier 2024

► La seule circonstance que l'arrêté délivrant un permis de construire comporte des inexactitudes ou des omissions en ce qui concerne la ou les destinations de la construction qu'il autorise, ou la surface de plancher créée, est sans incidence sur la portée et sur la légalité du permis.

Rappel. Un permis de construire, sous réserve des prescriptions dont il peut être assorti, n'a pour effet que d'autoriser une construction conforme aux plans déposés et aux caractéristiques indiquées dans le dossier de demande de permis (CE, 25 juin 2004, n° 228437 N° Lexbase : A8155DCZ).

D'éventuelles erreurs susceptibles d'affecter les mentions, prévues par l'article A. 424-9 du Code de l'urbanisme N° Lexbase : L8665IRD (destination et surface de plancher créée), devant figurer sur l'arrêté délivrant le permis ne sauraient donner aucun droit à construire dans des conditions différentes de celles résultant de la demande.

Décision. La Haute juridiction en tire le principe précité.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Le dossier de demande de permis de construire, Le contenu de la demande de permis de construire, in Droit de l’urbanisme (dir. A. Le Gall), Lexbase N° Lexbase : E4702E7B.

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Urbanisme

[Jurisprudence] De l'incidence des modifications apportées à une demande d’autorisation d’urbanisme en cours d’instruction

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 1er décembre 2023, n° 448905, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A182017K

Lecture: 9 min

N8012BZR

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par Olivier Savignat, Avocat associé et Gustave Barthélémy, juriste, Valians avocats

Le 17 Janvier 2024

Mots clés : permis de construire • instruction • permis tacite • modification du projet • ampleur des changements

Dans un arrêt publié au recueil, le Conseil d’État est venu fixer le cadre juridique applicable aux modifications apportées à une demande d’autorisation d’urbanisme en cours d’instruction, clarifiant ainsi un régime jusqu’ici défini par la pratique et une jurisprudence fluctuante.


 

Pour mémoire, il est établi à l’article L. 424-2 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L3440HZG que le permis sollicité « est tacitement accordé si aucune décision n’est notifiée au demandeur à l’issue du délai d’instruction ». S’agissant d’un permis de construire, et conformément à l’article R. 423-3 de ce même code N° Lexbase : L2258ICM, ce délai est de deux ou trois mois selon la construction projetée.

Au cas d’espèce, une société civile de construction-vente avait déposé le 22 juillet 2016 une demande de permis de construire ayant pour objet l’édification de deux immeubles. Par suite d’une demande de pièces complémentaires en date du 19 aout, le délai d’instruction a commencé à courir à compter de la réception en mairie des pièces demandées, soit le 29 aout.

Le 26 décembre de cette même année, soit plus de quatre mois après le dépôt de ladite demande, la société pétitionnaire s’est vu opposer un refus par le maire de la commune de Gorbio, alors même qu’elle pensait déjà disposer d’un permis tacite depuis le 29 novembre 2016.

Ainsi que le souligne le rapporteur public dans ses conclusions, le « nœud gordien » de cette affaire résulte de la transmission de nouvelles pièces par le pétitionnaire les 27 octobre et 25 novembre 2016, pièces apportant des modifications à la demande initiale. Se pose alors la question de savoir si ces dernières étaient de nature à interrompre ou proroger le délai d’instruction et, par suite, à faire obstacle à la naissance d’une autorisation tacite à la date escomptée.

Le tribunal administratif de Nice puis la cour administrative d’appel de Marseille ayant répondu par la négative, la commune de Gorbio a formé un pourvoi devant le Conseil d’État.

En tranchant ce litige, la Haute juridiction administrative valide la possibilité d’apporter des modifications aux projets en cours d’instruction, confirmant par la même une jurisprudence qui, quoique fluctuante s’agissant des modalités, avait admis cette hypothèse de longue date (I). En sus du principe, le Conseil d’État a également proclamé les règles gouvernant l’évolution des demandes durant la phase d’instruction (II).

I. Une jurisprudence confirmative : la modification en cours d’instruction est possible

En principe, et ainsi que le dispose l’article L. 423-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L3290LUE, « Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'État », délais pour lesquels « aucune prolongation du délai d’instruction n’est possible en dehors des cas et conditions prévues par ce décret ». Il en résulte donc un principe général d’intangibilité du délai d’instruction, dont les dérogations sont strictement énumérées par la partie réglementaire du code de l’urbanisme.

Or, et comme l’a constaté le rapporteur public dans ses conclusions, « aucune disposition réglementaire ne prévoit la possibilité pour le pétitionnaire de modifier son projet en cours d'instruction ». Jusqu’ici, seule une jurisprudence ancienne du Conseil d’État traitait la question. La Haute juridiction administrative avait alors jugé que s’il était loisible au pétitionnaire de modifier sa demande en cours d’instruction, le dépôt d’une demande modifiée relançait le délai d’instruction [1]. Quelques années plus tard, un second arrêt reprenait le principe tout en le tempérant quelque peu : « les modifications apportées à un balcon et au local technique de la piscine » ne justifient pas « par leur nature ou leur importance, une nouvelle consultation de certains services administratifs » [2].

Dans le maigre sillon tracé par le Conseil d’État, les juges du fonds ont semé une jurisprudence abondante, mais parfois divergente.

Certains juges se sont éloignés de la position initiale du Conseil d’État au profit d’une plus stricte interprétation du principe d’intangibilité des délais d’instruction. Ainsi, dès lors que la modification du projet durant son instruction ne figure pas au nombre des hypothèses susceptibles de proroger le délai d’instruction, « la circonstance que le pétitionnaire adresse spontanément des pièces à l’administration n’est pas de nature à faire courir un nouveau délai ». C’était notamment la solution retenue par la cour administrative de Marseille au cas d’espèce [3].

À l’inverse, d’autres décisions se sont inscrites dans le prolongement des deux arrêts précités, opérant une distinction entre les modifications de faible ampleur, pour lesquelles il n’est pas nécessaire de proroger le délai d’instruction [4], et les modifications substantielles ou bien communiquées tardivement, dont l’instruction va nécessiter la notification d’un nouveau délai [5].

Quoi qu’il en soit, et malgré les diverses évolutions législatives et réglementaires (et notamment la réforme des autorisations d’urbanisme et la disparition du formulaire cerfa « PC 158 bis »)[6], le juge administratif n’est pas revenu sur la possibilité de faire évoluer le projet au cours de l’instruction de la demande, possibilité dont les services instructeurs et les pétitionnaires se sont largement saisis.

En effet, comme révélé par les amici curiae entendus par la Haute juridiction administrative, la transmission de pièces modificatives durant l’instruction est un phénomène particulièrement fréquent, et permet notamment de corriger des irrégularités et des malfaçons, mais également de prendre en compte les avis émis par les différents services consultés.

C’est donc en toute logique que, saisi d’un pourvoi lui permettant de se prononcer sur la question, le Conseil d’État a jugé solennellement « qu’en l’absence de dispositions expresses du Code de l’urbanisme y faisant obstacle, il est loisible à l’auteur d’une demande de permis de construire d’apporter à son projet, pendant la phase d’instruction de sa demande et avant l’intervention d’une décision expresse ou tacite, des modifications qui n’en changent pas la nature, en adressant une demande en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié ».

II. Une jurisprudence de principe : le régime des modifications en cours d’instruction est fixé

Le Conseil d’État ne s’est pas contenté de consacrer un principe dégagé et pratiqué de longue date. Saisissant l’opportunité de fixer clairement et durablement le régime des modifications en cours d’instruction, il a également pris le soin d’en fixer les modalités.

En premier lieu, il est précisé que la modification du projet en cours d’instruction n’est possible que si lesdites modifications « n’en changent pas la nature ». Cette condition est certainement à rapprocher de la jurisprudence relative au permis modificatif [7]. Autrement posé, dès lors que les modifications envisagées bousculent de manière significative l’économie générale du projet, alors le dépôt d’une nouvelle demande est nécessaire.

En deuxième lieu, le juge pose le principe selon lequel une telle demande est « sans incidence sur la date de naissance d’un permis tacite », et énonce dans le même temps ses exceptions.

Ainsi, ledit principe ne trouve pas à s’appliquer « lorsque du fait de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle ces modifications sont présentées, leur examen ne peut être mené à bien dans le délai d’instruction ».

Telle qu’éclairée par les conclusions du rapporteur public, cette solution reprend en substance les principes déjà dégagés par certains tribunaux et cours administratives d’appel.

Ainsi, des ajustements ne touchant pas ou peu au contenu et à la structure du projet n’auront pas pour effet d’interrompre le délai d’instruction, si tant est que les pièces nouvelles les intégrant ont été communiquées avant l’intervention d’une décision tacite.

Inversement, les modifications venant « modifier en profondeur le projet », nécessitant par suite des « nouvelles vérifications ou consultations », devront faire l’objet d’une nouvelle instruction. Idem pour les modifications transmises trop tardivement.

Dans de telles hypothèses, il incombe alors à l’administration d’informer le pétitionnaire de la prolongation de l’instruction, et ce « avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite, en lui indiquant la date à compter de laquelle, à défaut de décision expresse, la demande modifiée sera réputée acceptée ». Elle est alors regardée « comme saisie d’une nouvelle demande se substituant à la demande initiale », et ce à compter de la date de réception des pièces nouvelles intégrant les modifications.

Par suite, s’ensuit un nouveau délai d’un mois, durant lequel l’administration peut demander au pétitionnaire de compléter le dossier, puis une nouvelle phase d’instruction dont on peut supposer, eu égard à la formulation retenue par le juge, qu’elle aura la même durée que celle de la demande initiale (sauf évolution du projet impliquant une modification des délais initiaux).

Au regard de tout ce qui précède, le Conseil d’État a donc censuré la position de la cour administrative de Marseille, cette dernière n’ayant pas pris la peine de rechercher si les modifications projetées « compte tenu de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle elles ont été présentées, pouvaient être prises en compte dans le délai qui lui était imparti pour se prononcer sur la demande initiale ».

Le Conseil d’État ne fait donc pas application des nouveaux critères qu’il a dégagés, et la question de savoir si les modifications dont il était question nécessitaient une nouvelle instruction est renvoyée devant la cour de Marseille.

Gageons néanmoins qu’une abondante jurisprudence aura tôt fait d’illustrer et de définir ces critères.

Notons enfin que cette jurisprudence s’inscrit dans le mouvement jurisprudentiel de rationalisation des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme. On rappellera à cet égard que le Conseil d'État a récemment jugé qu’en cas de demande de pièce illégale, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans que la demande de complément puisse y faire obstacle [8]. Encore plus récemment, le Conseil d'État a jugé qu’une modification infondée du délai d’instruction n’avait pas pour effet de modifier le délai d’instruction de droit commun à l’issue duquel naît un permis tacite ou une décision de non-opposition à déclaration préalable [9].


[1] CE, 4 octobre 1983, n° 22648 N° Lexbase : A1955AMD, Rec.

[2] CE, 31 juillet 1996, n° 129549 N° Lexbase : A0145AP3.

[3] CAA Marseille, 19 novembre 2020, n° 19MA05781 N° Lexbase : A857937U.

[4] CAA Paris, 15 décembre 2016, n° 15PA01824 N° Lexbase : A7134SXI.

[5] CAA Versailles, 10 mai 2012, n° 10VE02841 N° Lexbase : A5157INC.

[6] V. les annotations sous l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme, Dalloz, édition 2023.

[7] V. CE, 26 juillet 2022, Vincler, n° 437765 N° Lexbase : A10348DN.

[8] CE, 9 décembre 2022, n° 454521 N° Lexbase : A11698YX.

[9] CE, 24 octobre 2023, n° 462511 N° Lexbase : A40981PH, Rec.

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