La lettre juridique n°962 du 26 octobre 2023

La lettre juridique - Édition n°962

Comité social et économique

[Brèves] Contestation de la nature de l’expertise : quel est le point de départ du délai de 10 jours imparti à l’employeur pour saisir le juge ?

Réf. : Cass. soc., 18 octobre 2023, n° 22-10.761, F-B N° Lexbase : A08271NX

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N7203BZS

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par Lisa Poinsot

Le 25 Octobre 2023

► S’il souhaite contester la nature de l’expertise, l’employeur doit saisir le juge dans un délai de 10 jours suivant la date des délibérations du CSE ayant décidé de cette expertise.

Faits et procédure. Un CSE décide de recourir à des expertises comptables dans le cadre des consultations annuelles obligatoires portant, l’une, sur la situation économique et financière de l’entreprise et l’autre, sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.

Ne contestant pas ces délibérations, l’employeur paie les acomptes à la société experte.

Toutefois, l’employeur saisit le tribunal judiciaire afin de contester le paiement de ces expertises. Il considère que les expertises n’interviennent pas dans le cadre des consultations obligatoires. Il soutient à cet égard qu’il n’est pas tenu d’en prendre charge le coût puisqu’au regard des dates de délibérations recourant aux expertises, celles-ci constituent des expertises libres.

Rappel. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE peut recourir à un expert-comptable dans le cadre de consultations récurrentes (C. trav., art. L. 2315-88 N° Lexbase : L8400LG9 et art. L. 2315-91 N° Lexbase : L8403LGC). L’employeur doit prendre intégralement en charge le coût de ce type d’expertise (C. trav., art. L. 2315-80 N° Lexbase : L1422LKU). Le CSE peut néanmoins recourir à un expert « libre » pour préparer ses travaux. Dans cette hypothèse, c’est le CSE qui le rémunère (C. trav., art. L. 2315-81 N° Lexbase : L8392LGW).

Le tribunal judiciaire énonce que l’employeur ne critique ni le montant des factures qui lui ont été adressées ni le coût final des expertises.

Néanmoins, l’employeur conteste le principe de son paiement au motif que les expertises ont été décidées avant la transmission des comptes et le dépôt des documents d’information utile à la base des données économiques, sociales et environnementales.

Sur ce point, le tribunal judiciaire retient que l’employeur a été informé des délibérations adoptées lors des séances du CSE en date des 28 février et 21 mars 2019 et de leurs conséquences. Il a été informé qu’il devait prendre en charge le montant des expertises ordonnées en vue de consultations récurrentes. En outre, il a réglé, sans contestation, l’acompte réclamé par l’expert désigné par ces mêmes délibérations.

Pour le juge judiciaire, la contestation du principe de paiement du coût des expertises par l’employeur suppose la contestation par ce dernier de la nature même des expertises et donc au final de leur nécessité.

Par conséquent, la saisine tardive du 2 août 2019 aux fins de contester la nature des expertises litigieuses est irrecevable par cause de forclusion.

L’employeur forme un pourvoi en cassation en soutenant qu’il ne contestait pas la nécessité des expertises, mais leur coût final de sorte qu’il ne pouvait réagir qu’au moment de la notification de la facture définitive, soit le 25 juillet 2019.

De plus, l’employeur argue que le CSE avait décidé de recourir à un expert avant la transmission des documents nécessaires pour considérer que ces expertises relevaient des consultations obligatoires.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en application des articles L. 2315-86, alinéa 1 N° Lexbase : L1774LR7 et R. 2315-49 N° Lexbase : L0548LI7 du Code du travail, interprété à la lumière de l’article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

À noter. L’article L. 2315-86 du Code du travail encadre les contestations relatives à la nécessité de l’expertise, au choix de l’expert, au coût prévisionnel ou définitif ainsi que la durée et l’étendue de l’expertise, mais ne vise pas expressément la contestation de la nature de l’expertise.

La Haute juridiction précise que la contestation sur la nature de l’expertise se rattache à la contestation sur la nécessité de l’expertise.

De ce raisonnement, elle considère que s’applique à la contestation sur la nature de l’expertise la règle selon laquelle : le délai de dix jours de contestation de la nécessité d'une expertise ne court qu'à compter du jour où l'employeur a été mis en mesure de connaître sa nature et son objet.

En l’espèce, en considérant que les expertises ne relevaient pas des consultations obligatoires du CSE, l’employeur contestait leur nature même. Il critiquait le principe même d’avoir à les payer et non pas le montant des factures ni leur coût final.

L’employeur a été mis en mesure de connaître la nature et l’objet des expertises dès les délibérations du CSE, soit les 28 février et 21 mars 2019. En effet, il avait assisté aux réunions du CSE et avait donc été informé de la prise en charge du montant des expertises ordonnées en vue de consultations. De plus, l’employeur avait payé, sans contestation, les acomptes réclamés par l’expert. Ainsi, la saisine du juge le 2 août 2019 aux fins de contester la nature des expertises litigieuses est tardive. La date de remise de la facture définitive de l’expertise ne devait donc pas être prise en compte comme point de départ du délai de contestation.

Pour aller plus loin :

  • v. déjà Cass. soc., 7 décembre 2022, n° 21-16.996, F-B N° Lexbase : A85238XX : précision relative au point de départ du délai de contestation du coût prévisionnel de l’expertise CSE ;
  • v. ÉTUDE : Le recours à l'expertise par le comité social et économique, La contestation, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E2027GAC.

 

newsid:487203

Concurrence

[Brèves] Juridictions spécialisées pour connaître des actions en matière de pratiques restrictives de concurrence : important revirement de jurisprudence

Réf. : Cass. com., 18 octobre 2023, n° 21-15.378, FS-B+R N° Lexbase : A08251NU

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N7178BZU

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par Vincent Téchené

Le 24 Octobre 2023

La règle instituant la compétence exclusive des juridictions spécialisées pour connaître des pratiques restrictives de concurrence visées par le I et le II de l'ancien article L. 442-6 du Code de commerce (désormais C. com. art. L. 442-1, I et II) constitue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.

Faits et procédure. En novembre 2014, deux sociétés ont conclu un contrat aux termes duquel l’une d’elles (le fournisseur) devait fournir à l’autre (le distributeur) des luminaires et en assurer la maintenance. Ces matériels faisaient parallèlement l'objet d'un contrat de location financière conclu, le même jour, par le distributeur et une société de location financière.

Après la mise en liquidation judiciaire du fournisseur et constatant que ce dernier ne répondait plus aux demandes d'intervention pour les dysfonctionnements des installations, le distributeur a cessé de payer les loyers.
La société de location financière a, en application d'une clause attributive de compétence, assigné le distributeur en paiement de diverses sommes devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne.

Le distributeur a notamment demandé, d'une part, qu'il lui soit donné acte qu'il entendait invoquer les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, d'autre part, qu'il soit jugé que la clause attributive de compétence prévue au contrat ne lui était pas applicable, peu important qu'elle soit valable par ailleurs, et, enfin, que le tribunal se déclare incompétent au profit de celui de Marseille, juridiction spécialement désignée dans l'annexe visée à l'article D. 442-3 du Code de commerce.

La cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 3 décembre 2020, n° 20/01135 N° Lexbase : A783438N) ayant débouté le distributeur de ses demandes, ce dernier a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation, opérant un important revirement de jurisprudence, censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 442-6 N° Lexbase : L7575LB8, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 N° Lexbase : L0386LQD (cf. désormais C. com., art. L. 442-1 N° Lexbase : L3427MHE), et D. 442-3 du Code de commerce N° Lexbase : L5667LQX, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2021-211 du 24 février 2021 N° Lexbase : L4082L3L, l'article R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire N° Lexbase : L6510IAD et l'article 33 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1178H4E.

  • La position antérieure de la Cour de cassation

La Cour de cassation commence par rappeler sa position en ce qui concerne la compétence exclusive des juridictions spécialisées pour connaître des actions en matière de pratiques restrictives de concurrence (déséquilibre significatif, avantage sans contrepartie et rupture brutale des relations commerciales établies).

Ainsi, elle juge, depuis 2013 (Cass. com., 24 septembre 2013, n° 12-21.089, F-P+B N° Lexbase : A9414KLA), que la cour d'appel de Paris étant seule investie du pouvoir de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la méconnaissance de ce pouvoir juridictionnel exclusif est sanctionnée par une fin de non-recevoir, laquelle doit être relevée d'office (Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-10.016, F-P+B N° Lexbase : A0915NGY). Elle a, par la suite, étendu ce principe aux juridictions du premier degré désignées dans l'annexe de l'article D. 442-3. Cette règle a été appliquée à toutes les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'article L. 442-6 du Code de commerce, même lorsqu'elles émanaient de juridictions non spécialement désignées.

Elle a ensuite jugé qu'en application des articles L. 442-6, III, et D. 442-3, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées étaient portés devant la cour d'appel de Paris, de sorte qu'il appartenait aux autres cours d'appel, conformément à l'article R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui n'étaient pas désignées par le second texte. Il en était ainsi même dans l'hypothèse où celles-ci avaient, à tort, statué sur l'application du premier, auquel cas elles devaient relever, d'office, l'excès de pouvoir commis par ces juridictions en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables (Cass. com., 29 mars 2017, pourvoi n° 15-15.337, FS-D N° Lexbase : A0917UT7).

Par ailleurs, la Cour a précisé que si les demandes fondées sur l'article L. 442-6 devaient être déclarées irrecevables lorsqu'elles étaient présentées devant une juridiction non spécialisée, celle-ci pouvait néanmoins valablement statuer sur les demandes fondées sur le droit commun (Cass. com., 7 octobre 2014, n° 13-21.086, FS-P+B N° Lexbase : A2088MYY).

  • Le revirement opéré par l’arrêt du 18 octobre 2023

La Haute juridiction constate alors que cette construction jurisprudentielle complexe, qui ne correspond pas à la terminologie des articles D. 442-3 et D. 442-4 du Code de commerce, devenus depuis, respectivement, les articles D. 442-2 N° Lexbase : L4438L3R et D. 442-3 N° Lexbase : L4439L3S de ce code, lesquels se réfèrent à la compétence de ces juridictions et non à leur pouvoir juridictionnel, aboutit à des solutions confuses et génératrices, pour les parties, d'une insécurité juridique quant à la détermination de la juridiction ou de la cour d'appel pouvant connaître de leurs actions, de leurs prétentions ou de leur recours. Elle donne lieu, en outre, à des solutions procédurales rigoureuses pour les plaideurs qui, à la suite d'une erreur dans le choix de la juridiction saisie, peuvent se heurter à ce que certaines de leurs demandes ne puissent être examinées, en raison soit de l'intervention de la prescription soit de l'expiration du délai de recours. Au surplus, sa complexité de mise en œuvre ne répond pas aux objectifs de bonne administration de la justice.

Enfin, pour la Cour de cassation, elle est en contradiction avec l'article 33 du Code de procédure civile dont il résulte que la désignation d'une juridiction en raison de la matière par les règles relatives à l'organisation judiciaire et par des dispositions particulières relève de la compétence d'attribution.

Ce constat conduit donc la Chambre commerciale à modifier sa jurisprudence.

Elle retient qu’il convient en conséquence de juger désormais que la règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et D. 442-3, devenu D. 442-2 du Code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité, devenues l'article L. 442-1, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.

Il en résulte que, lorsqu'un défendeur à une action fondée sur le droit commun présente une demande reconventionnelle en invoquant les dispositions de l'article L. 442-6, la juridiction saisie, si elle n'est pas une juridiction désignée par l'article D. 442-3, doit, si son incompétence est soulevée, selon les circonstances et l'interdépendance des demandes, soit se déclarer incompétente au profit de la juridiction désignée par ce texte et surseoir à statuer dans l'attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande, soit renvoyer l'affaire pour le tout devant cette juridiction spécialisée.

  • L’absence d’application des textes du Code de commerce relatifs aux pratiques anticoncurrentielles aux activités de location financière

Enfin, la Cour de cassation rappelle que les textes du Code de commerce relatifs aux pratiques restrictives de concurrence ne s'appliquent pas aux activités de location financière, telle que c’est le cas en l’espèce, qui relèvent du Code monétaire et financier (Cass. com., 15 janvier 2020, n° 18-10.512, FS-P+B N° Lexbase : A91723BC ; Cass. com., 26 janvier 2022, n° 20-16.782, F-B N° Lexbase : A52937KA).

newsid:487178

Contrats et obligations

[Brèves] Résiliation de contrat : quand la gravité du manquement du débiteur dispense le créancier de toute mise en demeure

Réf. : Cass. com., 18 octobre 2023, n° 20-21.579, FP-B+R N° Lexbase : A08341N9

Lecture: 4 min

N7225BZM

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 26 Octobre 2023

► Si, en application des articles 1224 et 1226 du Code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, en cas d'inexécution suffisamment grave du contrat, le résoudre par voie de notification, après avoir, sauf urgence, préalablement mis en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable, une telle mise en demeure n'a pas à être délivrée, lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est vaine.

La précision est d’importance, justifiant que l’arrêt soit promis à la plus large publication.

Faits et procédure. Le litige opposait une société A ayant pour activité la taille et le façonnage du calcaire et du marbre, à une société B, spécialisée dans l'installation et l'entretien de machines et équipements mécaniques (matériel de levage et élévation), à laquelle elle avait fait appel durant plusieurs années.

En décembre 2016, la société A avait accepté un devis proposé par la société B relatif à une prestation de maintenance sur une scie comptant comme l'un de ses équipements majeurs. En dépit de différentes interventions sur cet outil, la société A avait indiqué être insatisfaite des réparations ou réglages effectués par la société B et les relations entre les parties s’étaient dégradées.

Par lettre du 22 mars 2017, la société B avait indiqué à la société A qu'en raison du comportement du dirigeant de cette dernière, elle n'entendait pas poursuivre sa prestation, puis l'avait assignée en paiement de diverses factures.

La cour d’appel de Poitiers avait fait droit à la demande de paiement des factures, jugeant que la société A et son dirigeant avaient commis des manquements suffisamment graves pour que la société B mette unilatéralement fin à sa prestation contractuelle (CA Poitiers, 22 septembre 2020, n° 18/03399 N° Lexbase : A58573UH).

La société A a alors formé un pourvoi, arguant que la résiliation n'avait été précédée d'aucune mise en demeure de mettre un terme à un tel manquement, reprochant alors à la cour d’avoir ainsi statué, sans relever que la société B aurait opéré une telle mise en demeure.

Solution. En vain. L’argument est écarté par la Haute juridiction, qui prend soin de rappeler la teneur des textes.

Aux termes de l'article 1224 du Code civil N° Lexbase : L0939KZS, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Selon l'article 1226 du même code N° Lexbase : L0937KZQ, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La Cour suprême vient alors préciser qu’une telle mise en demeure n'a cependant pas à être délivrée lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est vaine.

Circonstances de l’espèce. En l’espèce, après avoir relevé qu'il ressortait d'attestations versées aux débats que les relations avec les personnels de la société B intervenant sur le chantier étaient devenues très tendues et conflictuelles, le dirigeant de la société A ayant tenu des propos insultants et méprisants à l'égard de l'un des collaborateurs de la société B, mettant en cause sa capacité à faire et à suivre le chantier, donnant des ordres directs à l'un des salariés de celle-ci sans en informer sa hiérarchie, la cour d’appel avait retenu que si l'agacement de ce dirigeant de voir son outil professionnel hors de fonctionnement pouvait être compris, cette situation ne pouvait justifier une attitude inacceptable, qu'il s'agisse des propos tenus, ou du fait d'imposer des dates d'intervention non convenues. La cour ajoutait que ce comportement fautif ne permettait alors plus de poursuivre une intervention dans des conditions acceptables et justifiait le retrait des équipes de l'entreprise, empêchées dans leur exécution contractuelle. Les conseillers d’appel en avaient déduit que, dans ce contexte d'extrême pression et de rupture relationnelle, la société B n'était pas en mesure de poursuivre son intervention.

Selon la Cour de cassation, en l'état de ces constatations et appréciations par lesquelles elle avait fait ressortir que le comportement du dirigeant de la société A était d'une gravité telle qu'il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher si une mise en demeure avait été préalablement délivrée à cette société, dès lors qu'elle eût été vaine, a légalement justifié sa décision.

Pour aller plus loin : cette décision fera l’objet d’un commentaire approfondi par Aurélie Dardenne, à paraître prochainement dans la revue Lexbase Droit privé.

newsid:487225

Contrats administratifs

[Brèves] Interprétation stricte de la non-dérogation au principe de prohibition de l'arbitrage pour les personnes publiques

Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 17 octobre 2023, n° 465761, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A17821NC

Lecture: 2 min

N7242BZA

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par Yann Le Foll

Le 25 Octobre 2023

Le fait que l’une des parties à une convention d'arbitrage ne soit pas sise dans un des États parties à la Convention de Genève du 21 avril 1961 implique que la personne publique, autre partie de cette convention, ne puisse pas déroger au principe de prohibition de l'arbitrage pour les personnes publiques.

Rappel.  Les personnes morales de droit public ne peuvent pas se soustraire aux règles qui déterminent la compétence des juridictions nationales en remettant à la décision d'un arbitre la solution des litiges auxquelles elles sont parties (CE, 2°-7° s-s-r., 23 décembre 2015, n° 376018, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0091N3R).

Position CE. La seule circonstance qu'un contrat a été passé par une personne publique pour les besoins du commerce international ne permettait pas de déroger au principe de l'interdiction pour les personnes publiques de recourir à l'arbitrage.

Il résulte des termes mêmes des stipulations des articles I et II de la Convention européenne sur l'arbitrage commercial international du 21 avril 1961 N° Lexbase : L6787BHT que cette convention n'est applicable qu'aux conventions d'arbitrage conclues entre des parties ayant leur résidence ou leur siège dans des États parties à la convention européenne sur l'arbitrage commercial international différents.

Une convention d'arbitrage conclue entre une personne morale de droit public française et une société ayant son siège dans un Etat qui n'est pas partie à la convention européenne sur l'arbitrage commercial international n'entre donc pas dans le champ de ses stipulations.

Décision. La personne morale de droit public française concernée ne tient pas de ces stipulations le droit de déroger au principe de l'interdiction pour les personnes publiques de recourir à l'arbitrage (rejet pourvoi contre CAA Bordeaux, 30 mars 2022, n° 21BX00596 N° Lexbase : A10407SC).

Précisions rapporteur public. Dans ses conclusions, Nicolas Labrune indique que « l’application de la convention de Genève n’engage pas seulement les parties à la convention d’arbitrage mais aussi les institutions judiciaires des États signataires, par exemple en ce qui concerne la reconnaissance par les juridictions étatiques de la sentence. L’acceptation par les États parties à la convention de Genève du recours à l’arbitrage pour leurs institutions publiques n’est donc pas dissociable du régime juridique de l’arbitrage qu’instituent les autres stipulations de la convention ».

À ce sujet. Lire S. Darrigo, L'ordre public dans l'arbitrage international des contrats administratifs à l'épreuve de la dualité juridictionnelle, Lexbase Public n° 482, 2017 N° Lexbase : N1463BXH.

newsid:487242

Élections professionnelles

[Brèves] Candidature aux élections frauduleuse : l'employeur doit d'abord contester la régularité de la candidature avant d’invoquer la fraude !

Réf. : Cass. soc., 18 octobre 2023, n° 22-11.339, F-B N° Lexbase : A08261NW

Lecture: 3 min

N7221BZH

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par Charlotte Moronval

Le 25 Octobre 2023

► L'employeur qui n'a pas contesté la régularité de la candidature du salarié devant le tribunal, dans le délai de forclusion de 15 jours, n'est pas recevable à alléguer le caractère frauduleux de la candidature du salarié pour écarter la procédure d'autorisation administrative de licenciement.

Faits et procédure. Un salarié informe son employeur, par courrier, de sa candidature aux élections professionnelles. Le lendemain de la réception de ce courrier, l’employeur le convoque à un entretien préalable à un éventuel licenciement puis le licencie pour faute grave, sans solliciter l’autorisation de l’inspection du travail.

Invoquant le statut protecteur résultant de sa candidature aux élections professionnelles, le salarié saisit la juridiction prud'homale d’une demande d’annulation de son licenciement.

Pour rejeter sa demande, la cour d’appel (CA Reims, 21 mars 2018, n° 16/03356 N° Lexbase : A7398XHH) retient que le salarié considérait, avant de déclarer son intention d'être candidat aux élections des représentants du personnel, que son employeur avait l'intention de rompre la relation de travail.

De plus, le fait, non contesté, qu'il a présenté sa candidature avant la rédaction du protocole d'accord pré-électoral et le fait qu'elle soit adressée par lettre du 16 février 2015 à l'employeur, c'est-à-dire quelques jours seulement après celles des 10, 11 et 12 février 2015, démontre que le salarié s'est déclaré candidat aux élections professionnelles dans le seul but de se protéger d'une intention prêtée à l'employeur de rompre son contrat de travail, dans un but frauduleux et que, dans ces conditions, il ne peut prétendre bénéficier du statut protecteur.

La solution. La Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond.

Rappel. L'autorisation de licenciement est requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement (C. trav., art. L. 2411-7, ancien N° Lexbase : L0152H9I.

Par ailleurs, lorsque la contestation devant le tribunal porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la déclaration de l'employeur n'est recevable que si elle est faite dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation (C. trav., art. R. 2324-24, ancien N° Lexbase : L0215IA9).

En statuant comme elle l’a fait, alors que l'employeur, qui n'a pas contesté la régularité de la candidature du salarié devant le tribunal dans le délai de forclusion légalement prévu, n'est pas recevable à alléguer le caractère frauduleux de la candidature du salarié pour écarter la procédure d'autorisation administrative de licenciement, la cour d'appel a violé les articles mentionnés ci-dessus.

Pour aller plus loin : 

  • sur la protection d'un salarié s'étant porté candidat aux élections entre deux procédures disciplinaires : v. déjà Cass. soc., 13 mai 2014, n° 13-14.537, FS-P+B N° Lexbase : A5515MLT
  • v. aussi ÉTUDE : Le licenciement des salariés protégés, Les candidats déclarés aux élections, bénéficiaires de la protection, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9530ESR.

 

newsid:487221

Environnement

[Questions à...] Les « mégabassines » : nécessité agricole ou hérésie écologique ? Questions à Benoît Grimonprez, Professeur à l’Université de Poitiers

Réf. : TA Poitiers, 3 octobre 2023, n° 2102413 N° Lexbase : A51881KD et n° 2101394 N° Lexbase : A51871KC

Lecture: 8 min

N7168BZI

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Le 26 Octobre 2023

Mots clés : mégabassines • agriculture • sécheresse • environnement • réserves de substitution

Dans deux jugements rendus le 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Poitiers a annulé deux arrêtés préfectoraux autorisant la création et l’exploitation de réserves de substitution (ou « méga-bassines ») dans deux départements, les projets ne respectant pas la logique de substitution impliquant que le dimensionnement de ces réserves soit tel que les prélèvements destinés à les remplir, désormais réalisés en hiver, se substituent à des prélèvements jusqu’alors réalisés en été. Pour revenir sur ce sujet qui a marqué l'actualité estivale et destiné à être régulièrement sur le devant de la scène du fait du réchauffement climatique, Lexbase Public a interrogé Benoît Grimonprez, Professeur à l’Université de Poitiers*.

Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler le cadre juridique entourant la question des « méga-bassines » ?

Benoît Grimonprez : Ce qu’on appelle « méga-bassines » dans l’espace médiatique correspond à des retenues destinées à prélever et stocker l’eau en période hivernale en substitution de prélèvements réalisés jusque-là en période estivale, quand l’eau est la moins abondante. De tels ouvrages s’inscrivent en effet dans un cadre juridique précis mais complexe.

Déjà leur légitimité, en droit, repose sur plusieurs fondements. C’est la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne N° Lexbase : L0100LCP, qui a promu une « politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation » (C. env., art. L. 211-1, I N° Lexbase : L1468LWB). Plus récemment, le décret n° 2022-1078 du 29 juillet 2022, relatif à la gestion quantitative de la ressource en dehors de la période de basses eaux N° Lexbase : Z136532G, a demandé aux préfets de définir, en période de hautes eaux, des conditions de prélèvement pour les usages anthropiques dans le respect du bon fonctionnement des milieux aquatiques (C. env., art. R. 211-21-3 N° Lexbase : L5923MDQ).

Au niveau territorial, ce genre de projets est aussi envisagé par les documents de planification de la gestion de la ressource aquatique. Ainsi les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire-Bretagne et Adour-Garonne acceptent, à certaines conditions, les réserves de substitution pour faire évoluer la répartition temporelle des prélèvements [1]. À l’échelon inférieur encore des sous-bassins, des dispositions sur les retenues peuvent figurer dans les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE).

Au plan opérationnel, les projets de stockage sont doublement encadrés [2]. Un premier volet normatif concerne la construction des ouvrages. Au regard de leurs divers impacts, les retenues sont soumises à autorisation environnementale, notamment au titre de la police de l’eau (nomenclature IOTA dans le jargon administratif). Ce régime oblige les maîtres d’ouvrages à réaliser des études d’incidences, portant en principe sur les impacts cumulés de toutes les retenues sur un même bassin (C. env., art. R. 122-5, 5°, e) N° Lexbase : L5666MGX).

Des règles précisent, en outre, les conditions permettant aux Agences de l’eau de subventionner les travaux. Une instruction ministérielle du 7 mai 2019 subordonne ici l’allocation de fonds publics aux retenues à la mise en place d’un projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE). Dans certains bassins (Deux-Sèvres, Vienne) où les contestations sont vives, des protocoles d’accord ont même été conclus pour favoriser l’acceptabilité locale des projets de stockage. Ces documents contiennent, en contrepartie de la construction des « bassines », des engagements de la part des irrigants de faire évoluer leurs pratiques agricoles (baisse des engrais et des pesticides) et d’enrichir les milieux naturels (plantations d’arbres et de haies, restauration de zones humides…).

Le second volet juridique a trait au remplissage des ouvrages. C’est la délicate question des volumes pouvant être pris en période de hautes eaux pour alimenter les réserves. Il appartient au préfet de les fixer « en tenant compte du régime hydrologique » (C. env., art. R. 211-21-3 N° Lexbase : L5923MDQ). Le représentant de l’État doit aussi se conformer aux prescriptions du SDAGE, voire du SAGE, quant à la manière de calculer les volumes hivernaux.

Lexbase : Comment concilier cette nouvelle pratique avec le principe de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ?

Benoît Grimonprez : Il faut commencer par dire que le stockage de l’eau à ciel ouvert pour l’agriculture n’est pas une nouveauté. On le pratique depuis des lustres et dans le monde au moyen des barrages ou des retenues collinaires (captant les eaux de ruissellement). Les « mégabassines » s’illustrent, cela dit, par leur taille imposante et par le fait que nombre d’entre elles – pas toutes – sont alimentées par pompage en nappes souterraines. Il faut juste avoir conscience que c’est déjà le cas aujourd’hui de la plupart des prélèvements pour l’irrigation qui ont lieu en période estivale.

Les principes de la gestion équilibrée et durable de la ressource s’imposent évidemment à ces types d’infrastructures. Deux moyens existent à cette fin, hélas pas toujours bien mis en œuvre par les autorités publiques. Le premier est la détermination de volumes prélevables l’hiver qui garantissent les équilibres naturels et le bon fonctionnement des cours d’eau, et soient compatibles avec les objectifs du SDAGE. Les études « Hydrologie, Milieux, Usages et Climat » (HMUC), en cours ou achevées sur plusieurs bassins, visent précisément à dégager cette part de ressource « excédentaire » disponible. Il est impossible, sur ce point, de faire des généralités, puisque tout dépend du type de sol et de nappe qui accueille les ouvrages (nappes « libres », plutôt superficielles, qui se renouvellent rapidement, ou nappes « captives » très lentes à se recharger).

Le second garde-fou consiste à vérifier, en temps réel, que l’aquifère est en capacité de fournir la ressource convoitée. En somme, qu’il y a assez d’eau en saison hivernale pour la prendre et la garder. On parle de seuils, dits piézométriques, en deçà desquels le remplissage des retenues n’est pas autorisé. Il s’agit de niveaux, mesurés à des points stratégiques, qu’on estime suffisants pour satisfaire l’ensemble des usages sans dégradation du milieu. Pour que le système soit efficace, il faut évidemment que le préfet se tienne aux règles et n’accorde pas de dérogations, ou alors rares et ciblées.

Lexbase : Le juge administratif a-t-il déjà eu à se prononcer sur cette question ?

Benoît Grimonprez : À vrai dire, il ne cesse d’être saisi des projets de « mégabassines » par leurs opposants et donc de les confronter au droit en vigueur. Le résultat est un nombre important d’annulations des autorisations administratives de construction et d’exploitation des ouvrages [3].

Deux griefs sont généralement faits par le juge aux projets de stockage. Le premier est la mauvaise qualité des études d’impact environnemental servant à accréditer les réserves [4]. Le second est la surévaluation des volumes stockables par rapport aux prescriptions du SDAGE ou du SAGE [5]. Le péché est, en l’occurrence, de concéder des volumes prélevables l’hiver trop généreux, donc de favoriser la création de retenues excessivement grandes.

Mais contrairement à une lecture rapide ou biaisée, la justice ne condamne pas, par principe, les retenues de substitution. Preuve est qu’une décision du tribunal administratif de Poitiers du 11 avril 2023 – passée sous silence médiatique – a définitivement validé les projets de plusieurs réserves de substitution dans les départements des Deux-Sèvres, de la Vienne et de la Charente-Maritime, dont la fameuse de Sainte-Soline [6].

Lexbase : En l'espèce, le juge met en exergue le caractère surdimensionné des projets. Cela vous paraît-il justifié ?

Benoît Grimonprez : Complètement ! Les deux affaires jugées à Poitiers le 3 octobre 2023 sont caricaturales des excès tant des projets que des pouvoirs de l’autorité étatique qui les cautionne.

Dans le cas du bassin de La Pallu (Vienne), les projets de réserve conduisaient à prélever un maximum de 1,48 million de mètres cubes en hiver, soit plus du tiers du volume annuel moyen prélevé lors de la période précédente. Cela portait potentiellement les prélèvements hivernaux, tous usages confondus, à 2,2 millions de mètres cubes, soit bien au-delà du volume que le milieu peut fournir, estimé par une étude à 1,66 million de mètres cubes. Pour les magistrats, ce seul surdimensionnement du projet, dans le contexte hydrologique local et la perspective de changement climatique, entache la décision du préfet d’une erreur manifeste d’appréciation (C. env., art. L. 211-1).

Dans l’autre cas des bassins de l’Aume et de la Couture, le tribunal relève que le projet ne prévoyait qu’une baisse des prélèvements l’été d’environ 246 000 mètres cubes en contrepartie d’une augmentation de 1,64 million de mètres cubes en période de hautes eaux pour le remplissage des réserves. Ce qui entraînait un retour aux niveaux de prélèvement pour l’irrigation constatés au début des années 2000. L’autorisation administrative, incompatible avec les prescriptions du SDAGE Adour-Garonne, ne pouvait qu’être déclarée illégale (C. env., art. L. 212-1, XI N° Lexbase : L2373MGY).

Ce que reproche fondamentalement la justice aux projets litigieux est d’accroître les prélèvements annuels, donc de ne pas respecter la logique de substitution (prélever l’hiver à la place de l’été), ce qui s’avère contraire aux objectifs de gestion sobre, durable et partagée de la ressource. Gare toutefois à ne pas jeter le « bébé » du stockage avec l’eau des « mégabassines ». Quand on lit bien les jugements, ce qu’ils pourfendent en l’espèce est le travestissement des faits en même temps que la démesure.

Au risque de décevoir les « anti-bassines », je ne pense pas que ce genre de décision puisse tarir la source des litiges relatifs aux programmes de réserves d’eau. C’est annuler pour mieux reconstruire ! De fait, rien n’interdit aux agriculteurs des bassins concernés de redéposer une nouvelle demande d’autorisation pour des ouvrages mieux calibrés, qui se couleront, cette fois, dans les orientations du SDAGE.

*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public.


[1] SDAGE, Loire-Bretagne 2022-2027, orientation 7D, p. 108 ; SDAGE Adour-Garonne 2022-2027, orientation C22, p. 254.

[2] B. Grimonprez, Le stockage agricole de l'eau : l'adaptation idéale au changement climatique ?, Revue juridique de l'environnement, 2019, 2019/4, pp. 751-767.

[3] B. Grimonprez, La définition de la méga-bassine construite par le juge administratif, RD rur. 2023, comm. 51.

[4] V. par ex. : CAA Bordeaux, 17 mai 2022, n° 18BX03146 N° Lexbase : A88688B3.

[5] Le second est la surévaluation des volumes stockables par rapport aux prescriptions du SDAGE ou du SAGE (TA Poitiers, 6 juin 2019, n° 1702668 N° Lexbase : A3485ZKB ; TA Poitiers, 4 juin 2020, n° 1900678 N° Lexbase : A544084A ; TA Poitiers, 27 mai 2021, n° 1800400 ; CAA Bordeaux, 21 février 2023, n° 20BX02357 N° Lexbase : A42211PZ).

[6] TA Poitiers, 11 avrIL 2023, n° 1800400, 2002802, 2201761 N° Lexbase : A96839NX.

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Fiscalité internationale

[Brèves] Antigua-et-Barbuda, le Belize et les Seychelles ajoutés à la liste de l'UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales

Réf. : Conseil de l’UE, communiqué de presse, 17 octobre 2023

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N7186BZ8

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par Marie-Claire Sgarra

Le 27 Octobre 2023

Le Conseil de l’Union européenne a décidé d'ajouter Antigua-et-Barbuda, le Belize et les Seychelles à la liste de l'UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales.

Pour rappel, cette liste de l'UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales comprend les pays et territoires qui n'ont pas participé à un dialogue constructif avec l'UE sur la gouvernance fiscale ou qui n'ont pas respecté leurs engagements visant à mettre en œuvre les réformes nécessaires.

La liste de l'UE comprend dorénavant les 16 pays et territoires suivants:

  • les Samoa américaines,
  • Antigua-et-Barbuda,
  • Anguilla,
  • les Bahamas,
  • le Belize,
  • les Fidji,
  • Guam,
  • les Palaos,
  • le Panama,
  • la Russie,
  • le Samoa,
  • les Seychelles,
  • Trinité-et-Tobago,
  • les îles Turks-et-Caicos,
  • les Îles Vierges américaines,
  • le Vanuatu.

À noter. Trois pays et territoires ont été retirés de la liste: les Îles Vierges britanniques, le Costa Rica et les Îles Marshall :

  • les Îles Vierges britanniques ont été retirées de la liste car elles ont modifié leur cadre relatif à l'échange de renseignements sur demande et feront l'objet d'une réévaluation conformément à la norme de l'OCDE ;
  • le Costa Rica a été retiré de la liste car il a modifié les aspects dommageables de son régime d'exonération des revenus de source étrangère ;
  • les Îles Marshall ont été retirées de la liste car elles ont réalisé des progrès notables en ce qui concerne le contrôle du respect des exigences de substance économique.

 

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Habitat-Logement

[A la une] Dossier spécial « Loi anti-squat : les apports de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite »

Lecture: 1 min

N7217BZC

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 11 Décembre 2023

La revue Lexbase Droit privé vous propose un dossier spécial consacré aux apports de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, regroupant les contributions des Professeurs Natalie Fricero (Université Côte d’Azur) et Guillaume Payan, Professeurs des Universités (Université de Toulon), et Julien Laurent (Université de Toulouse), de Maître Arnaud Léon (Commissaire de justice) et Simon Husser (Docteur en droit, Enseignant contractuel à l’Université Rouen-Normandie).


 

I. Loi « anti-squat » : le volet civil de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023

A. Les procédures d’expulsion

1) L’extension de la procédure d’expulsion accélérée

  • V. N. Fricéro et G. Payan, Loi « anti-squat » : commentaire des aspects civils de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, spéc. I N° Lexbase : N7209BZZ
  • V. A. Léon, Loi « anti-squat » : focus sur la procédure d’expulsion accélérée N° Lexbase : N7230BZS

2) Les modifications des procédures traditionnelles d’expulsion

  • V. N. Fricéro et G. Payan, Loi « anti-squat » : commentaire des aspects civils de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, spéc. II N° Lexbase : N7209BZZ

3) Les procédures d’expulsion : « le récap en images »

  • V. Loi « anti-squat » : le « récap » en images des procédures d’expulsion après la loi du 27 juillet 2023 N° Lexbase : N7238BZ4

B. L’insertion systématique d’une clause résolutoire dans le contrat de bail d’habitation

  • V. Natalie Fricero, et Guillaume Payan, Loi « anti-squat » : commentaire des aspects civils de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, spéc. III N° Lexbase : N7209BZZ
  • V. S. Dorol, L’insertion systématique d’une clause résolutoire dans le contrat de bail d’habitation par la loi « anti-squat » : quelle application aux contrats de bail en cours ? – Questions au Professeur Julien Laurent N° Lexbase : N7232BZU 

II. Loi « anti-squat » : le volet pénal de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023

  • V. S. Husser, Loi « anti-squat » : commentaire des dispositions pénales de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite N° Lexbase : N7233BZW

newsid:487217

Harcèlement

[Le point sur...] La preuve illicite dans le cadre du contentieux prud’homal

Lecture: 8 min

N7200BZP

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par Félix Guinebretière, Avocat Counsel, cabinet Alkemist avocats

Le 25 Octobre 2023

Mots-clés : preuve • mode de preuve • preuve déloyale • preuve illicite • preuve libre - harcèlement • discrimination • vie privée • droit à la preuve • proportionnalité • vidéosurveillance • enregistrements clandestins • procès prud’homal • loyauté

Depuis quelques années, la jurisprudence s’est considérablement assouplie sur la question de la recevabilité des preuves illicites ou déloyales dans le cadre du contentieux prud’homal. En théorie, cet assouplissement devrait également profiter aux salariés, mais qu’en est-il vraiment ?


Le contentieux est une affaire de preuve plus que de vérité. Sans preuve, impossible d’établir une vérité judiciaire et donc d’obtenir gain de cause devant le juge.

C’est encore plus essentiel pour les salariés qui sont quasi toujours demandeurs dans le cadre de l’instance prud’homale et qui doivent, en principe, rapporter la preuve des faits avancés à l’appui de leurs prétentions [1].

Conscient que cette lourde charge de la preuve n’était pas toujours adaptée en droit du travail, le législateur français et les juges ont instauré une répartition probatoire entre le salarié et l’employeur, notamment en matière de harcèlement ou de discrimination, de l’accomplissement d’heures supplémentaires ou encore s’agissant de la preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement [2].

Ce n’est toutefois pas de nature à régler toutes les difficultés dès lors que se pose ensuite la question des moyens de preuve pouvant être utilisés.

En droit du travail, comme en droit pénal, la preuve est libre [3]. Salariés comme employeurs peuvent donc produire des éléments de toute nature : échanges d’emails ou de SMS, d’arrêts de travail et des certificats médicaux, des témoignages d’autres salariés, d’enquête interne diligentée par l’entreprise, des actions de prévention mises en place, etc.

La seule limite posée par les juges est celle de la licéité et de la loyauté de la preuve. Autrement dit, la preuve rapportée ne doit pas conduire à la violation de dispositions réglementaires ou légales et ne doit pas porter atteinte aux droits fondamentaux des personnes, physiques ou morales. Il est par exemple interdit à un employeur de recourir à un stratagème ou à des filatures pour recueillir des preuves à l’encontre d’un salarié [4].

Cette limite a néanmoins connu des évolutions récentes, plus réjouissantes à ce stade pour les employeurs que pour les salariés.

I. D’une exclusion systématique des preuves illicites à un contrôle de proportionnalité au cas par cas

Pendant longtemps, les preuves illicites ou déloyales ont été automatiquement écartées des débats par les juges, sans prendre en compte plus en avant les circonstances particulières propres à chaque affaire.

Ainsi, la Chambre sociale de la Cour de cassation jugeait invariablement que les dispositifs de surveillance des salariés non déclarés (vidéosurveillance, système de badgeage, etc.) auprès de la CNIL et/ou n’ayant pas fait l’objet d’une information-consultation des représentants du personnel devaient être écartés des débats [5].

De la même manière, l’obtention, au moyen du téléphone d’une salariée, de propos tenus par une autre salariée sur son compte Facebook privé était jugée déloyale et donc non admissible [6].

Depuis peu, cette barrière de la loyauté semble s’effacer au profit du droit à la preuve de l’employeur.

Un premier verrou a sauté en 2020 lorsque, revenant sur sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation a admis que le droit à la preuve de l’employeur justifie l’atteinte à la vie privée d’une salariée caractérisée par la production en justice d’une photographie extraite de son compte Facebook privé [7].

En 2021, le principe est posé de manière encore plus claire par la Cour de cassation qui précise que : « l'illicéité des moyens de preuve n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi » [8].

Plus récemment encore [9], la Chambre sociale a livré un véritable mode d’emploi aux juges du fond en cas de versement de preuves illicites ou déloyales aux débats (en l’espèce à propos d’un dispositif de vidéosurveillance des salariés) :

1. en présence d'une preuve illicite, le juge doit d'abord s'interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l'employeur et vérifier s'il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours au moyen de preuve illicite  ;

2. il doit ensuite rechercher si l'employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d'autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié ;

3. enfin, le juge doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

Le changement de paradigme est total puisque désormais, les preuves illicites ou déloyales devront impérativement être analysées par les juges du fond et ne pourront pas être automatiquement rejetées.

Il sera intéressant, avec le recul, de voir de quelle manière vont se saisir les juges du fond de cette question. Gageons qu’un contrôle strict sera effectué dès lors que, contrairement au salarié, l’employeur dispose de nombreux éléments : il collecte nécessairement une masse importante d’informations sur les salariés, a accès aux boîtes email professionnelles, a le pouvoir de diligenter une enquête interne, etc. Autant d’éléments qui pourraient amener les juges à considérer qu’il existe des moyens de preuve plus respectueux de la vie personnelle des salariés et que le recours à un mode de preuve illicite n’est pas indispensable.

En matière de vidéosurveillance, la solution peut également inquiéter dès lors que le risque d’irrecevabilité des images issues de ce dispositif encourageait sans doute les employeurs à se conformer aux obligations déclaratives et d’information individuelle des salariés concernés.

En tout état de cause, la saga jurisprudentielle ne semble pas close puisque la Chambre sociale a renvoyé en Assemblée plénière deux affaires relatives à la loyauté de la preuve en février 2023 [10].

II. Du côté des salariés, la question des enregistrements clandestins reste plus délicate

Si la jurisprudence est désormais plus flexible avec les moyens de preuve illicites rapportés par les employeurs, qu’en est-il de celles recueillies par les salariés ?

Bien que concernant des preuves présentées par des employeurs, les règles dégagées par la Cour de cassation n’en restent pas moins générales et ont bien entendu vocation à s’appliquer aux salariés.

La même logique et la même recherche de proportionnalité devraient donc s’appliquer lorsqu’il est question d’écarter des débats un moyen de preuve illicite ou déloyal rapporté par un salarié.

En pratique, la situation est toutefois plus complexe dès lors qu’il s’agit le plus souvent d’enregistrements clandestins réalisés par le salarié de son employeur ou d’autres collègues à leur insu.

L’admission de tels enregistrements est délicate puisqu’en principe, la captation clandestine de sons ou d’images à l’insu d’une personne constitue une infraction pénale [11].

Aussi, il n’est pas rare que le salarié soit découragé d’utiliser un tel procédé au regard de la menace d’une action pénale.

Pour autant, l’enregistrement clandestin par un salarié utilisant son smartphone est bien souvent le seul moyen pour lui de démontrer l’existence d’un harcèlement moral ou sexuel à son encontre, qui se déroule généralement à l’oral et sans témoin, en particulier s’il est confronté au refus de la Société de diligenter une enquête.

En ce sens, le Défenseur des droits avait avancé la nécessité d’admettre un tel moyen de preuve en raison des difficultés probatoires indéniables que doivent supporter les salariés victimes de harcèlement [12].

Certaines cours d’appel ont également admis la recevabilité d’enregistrements clandestins, car ils ne portaient pas une atteinte disproportionnée à la vie privée de l’employeur. Dans les deux cas, les juges ont retenu que de tels enregistrements étaient indispensables au droit à la preuve des salariés [13].

La Chambre criminelle a, quant à elle, récemment retenu [14] que la preuve d’une discrimination fondée sur un enregistrement clandestin par une salariée de son entretien préalable au licenciement ne portait pas atteinte à la vie privée de l’employeur, et ce, même si les propos étaient tenus dans un lieu privé.

La Chambre sociale de la Cour de cassation ne s’est toutefois pas encore prononcée sur cette question des enregistrements clandestins.

Le régime actuel de la preuve dans le contentieux prud’homal reste donc à parfaire, qui plus est compte tenu de la place de plus en plus importante des dossiers de harcèlement moral et sexuel dans le contentieux prud’homal.

Comme le rappelle très justement Pierre Bailly, Doyen honoraire à la Cour de cassation, il existe une « inégalité des parties dans la possession des éléments de preuve » [15], entre l’employeur, qui conserve à sa disposition toutes les informations collectées et stockées par l’entreprise, et le salarié dont les accès informatiques peuvent être coupés à tout moment.

Il reste toujours possible pour les salariés d’engager un référé probatoire sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1497H49 afin de contraindre l’employeur à leur communiquer certains éléments, mais cela implique d’engager une action supplémentaire dont l’issue est souvent très incertaine.

Il est donc impératif que l’accès à la preuve des salariés soit facilité et puisse se faire sans crainte d’une poursuite pénale ou d’un rejet dès lors que cela est essentiel à l’issue du litige et, plus généralement, à l’établissement de la vérité judiciaire.


[2] C. trav., art. L. 1154-1 (harcèlement moral et sexuel) N° Lexbase : L6799K9P ; C. trav., art. L. 1134-1 (discrimination) N° Lexbase : L2681LBW. Il convient également de préciser qu’en matière de licenciement pour faute grave, la charge de la preuve incombe à l’employeur et non au salarié même si celui-ci est demandeur à l’instance (v. not. Cass. soc., 13 novembre 2019 n° 18-13.723, F-D N° Lexbase : A6611ZYI).

[3] Cass. soc., 13 novembre 2019, n° 18-13.785, F-D N° Lexbase : A6535ZYP ; Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-20.308, F-B N° Lexbase : A02099QS.

[4] Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-18.749 N° Lexbase : A9255M38 ; Cass. soc., 26 novembre 2002, n° 00-42.401, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0745A4D.

[5] Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 88-43.120, publié N° Lexbase : A9301AAQ ; Cass. soc., 6 avril 2004, n° 01-45.227, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8004DB3.

[6] Cass. soc., 20 décembre 2017, n° 16-19.609, F-D N° Lexbase : A0682W97.

[7] Cass. soc., 30 septembre 2020 n° 19-12.058, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A41383W8 : dans cette affaire, au-delà du droit à la preuve de l’employeur, la Cour de cassation avait mis en avant la défense de l'intérêt légitime de l'employeur à la confidentialité de ses affaires.

[8] Cass. soc., 10 novembre 2021, n° 20-12.263, FS-B N° Lexbase : A45237B7 ; v. Cass. soc., 25 novembre 2020 n° 17-19.523, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5510379 pour un exemple antérieur où le principe n’était toutefois pas aussi clairement énoncé.

[9] Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-17.802, FS-B N° Lexbase : A92179GH.

[10] Cass. soc., 1e février 2023, n° 21-11.330, FS-D N° Lexbase : A50019BT ; Cass. soc., 1e février 2023, n° 20-20.648, FS-D N° Lexbase : A50289BT.

[11] C. pén., art. 226-1 N° Lexbase : L5142LTM.

[12] Défenseur des droits, avis n° 18-03, recommandation n° 14, 25 janvier 2018 [en ligne].

[13] CA Bourges, 26 mars 2021, n° 19/01169 N° Lexbase : A39289UZ et CA Paris, 18 janvier 2023, n° 21/04506 N° Lexbase : A460589G.

[14] Cass. crim., 12 avril 2023, n° 22-83.581, F-D N° Lexbase : A40959PD.

[15] P. Bailly, Variations sur l’administration de la preuve dans le contentieux du travail, RJS, 3/22.

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Procédure

[Focus] L’unité de la notion de qualité en droit processuel privé

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par Théo Scherer, Maître de conférences à l'université de Caen Normandie, Institut caennais de recherche juridique (ICReJ)

Le 25 Octobre 2023

Mots-clés : droit processuel • procédure pénale • procédure civile • recevabilité • action • qualité à agir

La qualité est une des conditions de recevabilité de l’action en justice. En principe, elle découle de l’intérêt à agir, sauf dans les cas pour lesquelles la loi réserve l’action à certaines catégories de personnes. La notion de qualité a fait l’objet de nombreuses études en droit judiciaire privé. Ce n’est pas le cas en procédure pénale, sauf lorsqu’il est question de la recevabilité des requêtes en nullité d’un acte d’enquête ou d’instruction. Cette différence de traitement pourrait laisser penser que la notion n’est pas la même dans les deux matières. Cependant, il s’agit bien de la même exigence de qualité, et le fait qu’elle soit étudiée sous des angles différents n’est que le fruit de spécificités propres à chacune des procédures.


 

Les principes directeurs du procès tendent à rendre la procédure équitable, et ils se renforcent mutuellement à cette fin. Pourtant, certains d’entre eux ont des effets antagonistes. Ainsi, à moyens constants, on ne peut pas augmenter la célérité de la justice sans abréger les échanges contradictoires ou diminuer le nombre de saisines. Chaque année, plus d’un million d’affaires civiles sont soumises à l’appréciation des magistrats des tribunaux judiciaires. Les stocks ne cessent de s’alourdir en juridictions, ce qui entraîne un « sentiment de submersion et d’impuissance » [1]. Cette difficulté ne se réduit pas seulement à la question du budget de la justice. En effet, l’augmentation du nombre d’introduction d’instance n’est pas en soi un indicateur de justice saine. En revanche, il est le marqueur d’une judiciarisation de la société, qui découle de la défaillance des autres mécanismes de régulation sociale et d’une crise de confiance dans les institutions [2]. En outre, les raisons d’agir en justice des individus ne correspondent pas toujours à la volonté d’être restaurés dans leurs droits. Une demande peut être motivée par la quérulence de son auteur. Elle peut aussi être destinée à intimider un journaliste ou un chercheur importun. Par conséquent, le droit d’accès à un tribunal, garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme [3], ne saurait être absolu. Cependant, les limites de ce droit ne doivent pas être arbitraires, elles doivent résulter de règles qui s’appliquent à tous. L’action en justice est donc soumise à des conditions de recevabilité [4], et notamment à celle de la qualité à agir.

  1. La qualité est une condition de recevabilité que l’on rencontre en procédure civile comme en procédure pénale. Il s’agit d’une notion bien balisée en droit judiciaire privé. Elle est un objet d’étude traité par tous les manuels et dans d’autres ouvrages [5]. On ne peut pas en dire autant en matière pénale. Le terme « qualité » apparaît de manière désordonnée dans le Code de procédure pénale. Il est utilisé pour désigner le pouvoir juridictionnel du tribunal correctionnel [6], le pouvoir du procureur de réaliser certains actes d’investigation [7], ainsi que l’autorisation de la loi faite à tout citoyen d’appréhender l’auteur d’une infraction flagrante [8]. La jurisprudence participe parfois à la confusion, en mobilisant la notion de qualité pour traiter une question de pouvoir de représentation [9]. Cette différence de traitement montre que la notion n’a pas la même importance dans les deux matières. Elle est aussi de nature à faire douter de l’unité de la notion de qualité entre les deux procédures.
  2. En raison de ce doute, il est pertinent de s’en tenir à une méthode comparatiste. À cet égard, le droit processuel apporte un éclairage utile sur les notions juridiques. Bien sûr, chaque procédure a ses spécificités, et il ne faut pas réaliser de comparaison hâtive. Mais, contrairement aux apparences, la procédure pénale et la procédure civile ne sont pas si éloignées l’une de l’autre : elles partagent des notions et des mécanismes communs [10]. L’action fait partie de ces notions communes [11]. Si elle donne l’impression d’être différente d’une procédure à l’autre, c’est parce que les spécialistes des deux matières l’étudient sous des angles différents, propres à répondre aux problématiques qui les concernent. En établissant l’unité de la notion de qualité à agir en droit processuel, la recherche sur le sujet pourrait s’enrichir de données plus variées, issues des deux procédures. En première analyse, la dissemblance majeure est que la question de la qualité à agir en tant que condition de recevabilité de l’action semble l’apanage du droit judiciaire privé (I.), alors que la qualité à agir en tant que condition de recevabilité des exceptions de nullité donne l’impression d’une question propre à la procédure pénale (II.). Cependant, il peut être établi que cette distinction ne résulte pas d’une différence de contenu de la notion de qualité entre les deux procédures, mais tient en réalité aux spécificités que connaissent ces matières.

I. L’appropriation de la question de la qualité à agir par le droit judiciaire privé

  1. Les définitions et les réflexions portant sur la qualité à agir ont essentiellement été proposées par des spécialistes de procédure civile, généralement dans le cadre d’une étude sur l’action en justice (A.). Pour autant, la qualité est aussi une condition de l’action en matière pénale. Mais en raison des spécificités de la procédure répressive, elle n’entraîne qu’occasionnellement des difficultés (B.) et livre donc peu de matière à commentaire.

A. Une condition de l’action en justice

  1. La notion d’action fait l’objet d’une controverse doctrinale : elle peut être perçue comme le droit substantiel mis en mouvement [12], comme l’expression d’un droit d’agir en justice [13], comme un lien entre au moins deux personnes ayant pour objet une situation de fait dont l’une a un intérêt légitime à demander la modification [14] ou comme une manière commode de désigner les conditions de recevabilité des demandes et des défenses [15]. Dès lors, plusieurs définitions de la qualité coexistent : pour les uns, il s’agit d’un titre attaché au droit d’agir en justice pour certaines actions [16], pour d’autres, elle résulte de « l’aptitude du demandeur à être titulaire du droit substantiel litigieux » [17]. Quelle que soit la conception retenue, tous les auteurs s’accordent à dire que celui qui agit en justice doit avoir intérêt et qualité dans les cas que la loi détermine. C’est ce qui ressort des articles 31 N° Lexbase : L1169H43 et 122 N° Lexbase : L1414H47 du Code de procédure civile. Après avoir admis que la qualité est une condition de recevabilité de l’action, il faut distinguer deux cas de figure. Le premier se rencontre lorsque l’existence d’un intérêt légitime, né et actuel suffit pour que la demande soit recevable. On dit alors que la qualité découle de l’intérêt, ou que la qualité est absorbée par la notion d’intérêt [18]. Si tel est le cas, alors l’action est dite « banale ». En revanche, si l’action est réservée à certaines personnes parmi celles qui y ont intérêt, alors l’action est dite « attitrée ».

  2. Les actions attitrées sont la manifestation d’une restriction de l’action, empêchant certaines personnes d’agir, alors même qu’elles pourraient y trouver un intérêt. Une de leurs finalités est de prévenir l’immixtion de tiers dans des affaires desquelles il convient de les écarter. Ainsi, on retrouve beaucoup d’actions attitrées en matière familiale. L’exemple du divorce est particulièrement parlant : cette action est réservée aux époux. L’action en recherche de paternité [19] et de maternité [20] est réservée à l’enfant, l’action en nullité du mariage pour vice de consentement est attitrée aux époux [21] et au ministère public [22]. Ces quelques illustrations ne doivent pas donner l’impression que les actions attitrées sont uniquement présentes lorsqu’il est question de droits extrapatrimoniaux. En matière contractuelle, le principe est que seuls les cocontractants ont qualité à agir pour demander l’exécution ou l’anéantissement de la convention. De manière plus générale, on remarque que la qualité à agir s’apprécie au regard de la possibilité objective que le demandeur soit titulaire du droit qu’il invoque [23].
  3. Certains effets particuliers sont parfois attachés à la qualité. Il existe des dispositions spéciales qui conditionnent l’action à la seule démonstration de la qualité à agir [24]. Ainsi, la nullité d’un mariage pour bigamie peut être invoquée par toute personne y ayant intérêt [25]. Pour l’époux au préjudice duquel a été contracté un second mariage, son action n’est pas subordonnée à la démonstration d’un intérêt à agir [26]. Cette condition ne s’imposera à lui que s’il perd cette qualité d’époux [27]. La qualité permet ici de présumer l’intérêt. Il y a un autre domaine dans lequel les notions de qualité et d’intérêt sont particulièrement déformées. Il s’agit des actions en défense des intérêts d’autrui. En principe, elles ne devraient pas être admises, car le requérant invoque une règle dont il n’est pas destinataire, au bénéfice d’un intérêt qui ne lui est pas personnel. Néanmoins, pour certaines de ces actions, le législateur et la jurisprudence ont attribué à des individus et des groupements une qualité artificielle [28], leur permettant d’agir au nom de l’intérêt d’autrui. Tel est le cas de l’action des associations en défense d’un intérêt collectif. Elle existe dans une moindre mesure en procédure pénale, dans le cadre de régimes d’habilitation prévus aux articles 2-1 et suivants du code. Cette action ne doit pas être confondue avec la défense de l’intérêt général, qui relève du ministère public.
  4. Le ministère public connaît deux modalités de participation à la procédure en droit judiciaire privé : en tant que partie principale ou en tant que partie jointe. Seule la première est pertinente pour une comparaison avec la procédure pénale. Il est généralement affirmé que la loi donne qualité au procureur de la République pour intervenir dans un certain nombre d’affaires [29], que sa qualité à agir est liée à ses prérogatives fonctionnelles [30]. Pour certaines matières, des dispositions prévoient expressément qu’il peut agir : contestation de nationalité [31], demande d’ouverture d’une mesure de protection [32] ou d’une procédure de redressement judiciaire [33]. Le procureur a aussi qualité pour intervenir dans toute affaire, à condition qu’il agisse pour défendre l’ordre public à l’occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci [34]. Dans ce cas, sa qualité ne suffit pas, il doit démontrer un intérêt particulier, tendant à la protection de l’intérêt général. La particularité des conditions de recevabilité de l’intervention du ministère public est encore plus remarquable en matière pénale.

B. Une difficulté occasionnelle en matière pénale

  1. Si la question de la qualité à agir est peu étudiée en procédure pénale, c’est sans doute en raison du rôle prépondérant du procureur de la République. Le procureur a toujours qualité à mettre en mouvement et exercer l’action publique, sans qu’il n’ait à justifier d’un intérêt particulier [35]. Dans certains cas, son action est susceptible d’être irrecevable [36], mais ce n’est jamais en raison d’un défaut de qualité. Toutefois, cette affirmation ne vaut que pour l’action publique stricto sensu. Pour l’action fiscale, le procureur n’a qualité à la mettre en mouvement qu’accessoirement à l’action publique contre un délit ou une contravention douanière de cinquième classe [37].

  2. En laissant de côté le ministère public, on pourrait se demander s’il en est de même pour l’action civile. Il est parfois écrit que l’action civile est une action attitrée, réservée à ceux qui, selon l’article 2 du Code de procédure pénale, « ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ». Ce texte implique que la victime qui souhaite se constituer partie civile allègue avoir subi un préjudice découlant d’une infraction. Ce faisant, elle met en avant un trouble dont elle souffre et que le jugement sollicité pourrait faire cesser. Dès lors, cette condition semble davantage relever de l’intérêt à agir [38]. On pourrait objecter que dans certains cas, des personnes ont vu leur constitution de partie civile déclarée irrecevable, alors même qu’elles pouvaient justifier d’un intérêt. C’est notamment le cas lorsqu’il y a une adéquation imparfaite entre l’infraction et le préjudice allégué. Pour l’illustrer, on peut prendre l’exemple d’une société qui s’est constituée partie civile dans les poursuites exercées contre un conducteur pour blessures involontaires aggravées [39]. Dans cette affaire, la société était la propriétaire du véhicule qui a été détruit dans l’accident. La Cour de cassation a retenu que la société n’était pas une victime directe de l’infraction, et était donc irrecevable à se constituer partie civile. Toutefois, le caractère direct ou non du préjudice est à rattacher à l’intérêt, qui doit lui-même être direct [40]. À ce titre, la chambre criminelle a parfois utilisé la formule : « un intérêt direct et personnel peut seul servir de base à l’action civile devant les juridictions répressives » [41]. Il n’est donc pas question de défaut de qualité dans ce cas.
  3. En revanche, il est vrai que la Cour de cassation s’est parfois servie de l’exigence d’un préjudice direct pour ériger des actions civiles attitrées. Tel est le cas lorsqu’elle affirme que seules certaines catégories de personnes peuvent subir un préjudice direct découlant d’une infraction donnée. La chambre criminelle a notamment retenu « que le délit d’abus des biens ou du crédit d’une société ne cause de préjudice direct qu’à la société elle-même et à ses actionnaires ; que les créanciers de la société ne peuvent souffrir que d’un préjudice qui, à le supposer établi, serait indirect et dont la réparation, dès lors, ne pourrait être demandée qu’aux juridictions civiles » [42]. De même, elle estime que l’infraction de tromperie ne peut causer de préjudice direct qu’aux consommateurs [43]. La présomption d’absence d’intérêt direct qu’elle édicte à l’égard de ceux qui n’appartiennent pas à la catégorie qu’elle a désigné produit les mêmes effets qu’une action attitrée. Un autre exemple peut être pris de la qualification prétorienne d’infraction d’intérêt général. La chambre criminelle retient que ces infractions n’ont « en vue que les intérêts de l’ordre public » [44]. Or, seul le ministère public a qualité à défendre ces intérêts, ce qui empêche toute constitution de partie civile.
  4. Depuis plusieurs dizaines d’années, la tendance est d’ouvrir l’action civile devant le juge répressif à un plus grand nombre de personnes. La théorie des infractions d’intérêt général est en déclin [45] et l’action civile des victimes par ricochet est plus largement admise [46]. En outre, le législateur permet de plus en plus aux tiers subrogés dans les droits de la victime d’intervenir dans le procès pénal [47]. Par conséquent, le nombre de décisions déclarant une constitution de partie civile irrecevable devrait avoir tendance à décroître.
  5. Ce n’est donc pas tant en matière d’action publique ou d’action civile que se rencontrent les difficultés relatives à la qualité à agir, mais plutôt en matière de recours. En effet, l’exercice des voies de recours est soumis lui aussi à des conditions de recevabilité, et la majorité des recours sont d’ailleurs des voies attitrées, réservées aux seules parties [48]. Pour certains recours ouverts dès la phase préparatoire au procès pénal, on retrouve d’autres conditions de qualité. C’est le cas pour l’appel ouvert contre la décision du juge des libertés et de la détention ordonnant de procéder à une saisie spéciale [49]. Selon les textes du Code de procédure pénale, seuls le propriétaire et les tiers ayant des droits sur le bien saisi peuvent former le recours. L’appel d’un suspect ou un mis en examen qui n’aurait pas l’une de ces deux qualités est donc irrecevable [50]. Toutefois, la Cour de cassation fait preuve de souplesse, en admettant qu’une personne sans droit sur le bien appartenant à une personne morale, mais qui en a tout de même la libre disposition, puisse interjeter appel de la décision ordonnant la saisie [51]. Pour retenir cette solution, la chambre criminelle se fonde sur l’intérêt protégé, comme elle a l’occasion de le retenir en matière d’exceptions de nullité. 

II. La prédominance de la qualité du défendeur en procédure pénale

  1. Depuis quelques années, la question de la qualité à agir a gagné de l’importance en matière pénale, principalement dans le cadre du contentieux de l’annulation des actes d’enquête ou d’instruction (A.). Bien que discrète, la question de l’exigence de qualité à se défendre existe aussi en procédure civile (B.).

A. La recevabilité d’une demande d’annulation d’un acte d’enquête ou d’instruction

  1. Deux arrêts du 7 septembre 2021 [52] ont mis la notion de qualité à agir sur le devant de la scène en procédure pénale. Bien qu’il ne s’agisse pas des premières décisions formulant l’exigence de qualité à demander l’annulation d’un acte d’enquête ou d’instruction, ces arrêts marquent un tournant [53]. Depuis longtemps, la jurisprudence retenait qu’un tiers à un acte d’instruction ne pouvait pas exciper de sa nullité, sans toutefois faire référence à la qualité à agir [54]. L’expression apparaît timidement dans quelques arrêts [55]. Elle n’est véritablement érigée en condition de recevabilité des requêtes en nullité que dans les arrêts de 2021. Dotée d’une motivation enrichie, ces décisions ne définissent pas la qualité à agir, mais donnent une méthode d’appréciation : le juge doit rechercher si « la formalité substantielle ou prescrite à peine de nullité, dont la méconnaissance est alléguée, a pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui [le requérant] est propre ». Mutadis mutandis, cela revient à se demander si la partie qui invoque l’irrégularité de l’acte d’enquête ou d’instruction était bien la personne protégée par la disposition méconnue, c’est-à-dire le destinataire de la règle de droit en cause. La notion de qualité mobilisée par la chambre criminelle est donc similaire à celle qui prévaut en droit judiciaire privé.

  2. La jurisprudence est déjà suffisamment riche en ce domaine pour que différentes catégories se dessinent. Dans un premier temps, on peut dire que l’exception de nullité est une action attitrée, car elle est réservée aux parties. Il s’agit a priori d’une évidence, puisque c’est le cas de toutes les défenses. Le terme partie est ici compris dans un sens large, incluant le témoin assisté [56] et le ministère public [57]. La précision est importante, car le mot « partie » désigne seulement le mis en examen et la partie civile dans le livre Ier du Code de procédure pénale [58]. Cet aspect n’est pas dépourvu d’enjeu, car il arrive que des tiers à la procédure revendiquent le droit de demander l’annulation d’un acte d’enquête ou d’instruction. Tel est le cas du journaliste qui souhaite voir des procès-verbaux de surveillance annulés pour violation du secret des sources. S’il n’est pas partie à la procédure, sa requête en annulation est irrecevable. Cette solution reste conforme au droit à un recours juridictionnel effectif pour le Conseil constitutionnel [59].
  3. La nécessaire qualité de partie mise à part, l’exception de nullité d’un acte d’enquête ou d’instruction peut être une défense banale ou attitrée. Les exemples d’actions attitrées ne manquent pas. En principe, l’irrégularité d’une perquisition ne peut être invoquée que par la partie titulaire d’un droit sur le local dans lequel la perquisition a été effectuée [60]. En matière d’accès aux données de connexion, seules les parties qui prétendent être titulaires ou utilisatrices de l’une des lignes identifiées ou qui établissent qu’il aurait été porté atteinte à leur vie privée ont qualité à invoquer l’irrégularité des investigations litigieuses [61]. De même, seule une personne photographiée à l’occasion de surveillances a qualité pour en contester la régularité [62].
  4. Il est important de noter que l’emploi d’un stratagème déloyal fait tomber l’exigence de qualité ; avant les arrêts de 2021, la Cour de cassation avait déjà admis qu’un tiers à un interrogatoire se prévale de la méconnaissance d’un droit appartenant en propre à une autre personne dès lors que c’est le caractère déloyal de l’acte qui est invoqué [63]. Elle a récemment confirmé cette solution dans un arrêt du 25 octobre 2022 : « une personne mise en examen est recevable, sans que puisse lui être opposé un défaut de qualité pris de l’absence d’un droit ou d’un intérêt qui lui est propre, à présenter un moyen de nullité dès lors qu’elle invoque le recours, par l’autorité publique, à un procédé déloyal » [64].
  5. Pour ce qui est des actions banales, différents arrêts permettent de tracer leur périmètre. La Cour de cassation a notamment estimé que la violation d’une « formalité substantielle dont l’objet est de garantir le caractère contradictoire du déroulement des opérations de perquisition ainsi que la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis » pouvait être invoquée par toute partie y ayant un intérêt [65]. Cette particularité découle de l’arrêt Bykov c. Russie, dans lequel la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé que tout accusé doit se voir offrir la possibilité de remettre en question l’authenticité des éléments de preuve [66]. Par conséquent, on peut raisonnablement imaginer que la violation d’autres formalités, destinées à garantir l’authenticité des éléments de preuve, puisse être invoquée par toutes parties sans qu’elles aient à justifier d’une qualité particulière, comme l’absence de témoins au cours d’une pesée contradictoire [67] ou le défaut d’enregistrement de l’interrogatoire d’un suspect en matière criminelle [68]. Le contrôle de la finalité des formalités encadrant la réalisation d’un acte d’enquête est opéré par la Cour de cassation. En effet, dans des arrêts récents [69], des parties avaient estimé que l’absence d’autorisation judiciaire d’une géolocalisation était de nature à affecter l’authenticité du moyen de preuve obtenu de cette manière, ce qui devait donc ouvrir l’exception de nullité à toutes les parties y trouvant un intérêt. Mais pour la Cour de cassation, cette autorisation avait pour finalité de préserver le droit au respect de la vie privée des personnes, et par conséquent, seules les personnes justifiant de droit sur les véhicules géolocalisés ou arguant d’une violation de l'intimité de la vie privée avaient qualité à agir.
  6. Enfin, doit être signalé le cas des nullités d’ordre public, qui ne sont pas soumises à une condition d’intérêt et de qualité. Cette catégorie regroupe notamment la méconnaissance de dispositions relatives à la compétence des juridictions [70] ou aux modalités d’intervention d’un expert [71].

B. La discrète exigence de qualité à soulever une exception de nullité en procédure civile

  1. En droit judiciaire privé, il est aussi admis que le défendeur doit répondre à une condition de qualité [72]. Cette exigence découle notamment de l’article 32 du Code de procédure civile, qui dispose que les prétentions émises contre une personne dépourvue du droit d’agir sont irrecevables. Pour la doctrine, il faut que le défendeur ait le droit de discuter le bien-fondé de la prétention émise par le demandeur [73]. La qualité à défendre résulte bien souvent de l’intérêt à se défendre, qui relève quant à lui de l’évidence [74]. Mais la loi détermine parfois qui peut être défendeur [75], et la jurisprudence a déjà déclaré irrecevables des actions intentées contre la mauvaise personne [76]. Néanmoins, dans ce cas de figure, la qualité n’est pas une condition de recevabilité de la défense, mais de l’action : la fin de non-recevoir sanctionne ici une erreur du demandeur [77]. Cette hypothèse ne correspond donc pas à celle qui vient d’être présentée en matière pénale.

  2. En effet, ce qui est recherché, c’est la qualité en tant que condition de recevabilité des défenses, parfois désignée sous le nom de « qualité active du défendeur » [78]. Cette idée a été discutée en doctrine. Si l’exigence d’intérêt semble parfois avoir été retenue, en revanche, il y a un consensus pour rejeter l’exigence de qualité pour présenter les défenses [79]. Cependant, les termes de ce débat ne correspondent qu’imparfaitement à la question de la recevabilité des exceptions de nullité, puisque les auteurs raisonnent essentiellement avec le cas des défenses au fond. Pour effectuer la comparaison avec la procédure pénale et les arrêts du 7 septembre 2021, il est nécessaire de se cantonner à la recevabilité des exceptions de nullités d’actes de procédure.
  3. Sur ce point, la jurisprudence est rare, mais pas inexistante. Un arrêt a été rendu sur cette question au début du XIXe siècle [80]. Il était question d’héritiers régulièrement cités qui avaient soulevé la nullité de la citation d’autres parties. La Cour royale de Nîmes avait fait droit à l’exception, mais son arrêt a été cassé par la Cour de cassation. Pour celle-ci, les litisconsorts ne pouvaient pas « se plaindre d’une irrégularité qui ne les concernait pas et qui n’avait pas été relevée par les seules parties intéressées ». Des commentateurs en ont déduit que « le droit d’exciper des nullités de procédure n’appartient qu’aux personnes vis-à-vis desquelles ces nullités ont été commises » [81]. À lui seul, cet arrêt n’est pas pleinement satisfaisant : il ne fait pas référence à la notion de qualité, il est trop ancien et surtout, le fait que les parties n’ont pas comparu en 1re instance et qu’elles ont soulevé la nullité de la citation pour la première fois en appel brouille sa portée.
  4. Plus récemment, des arrêts se sont prononcés sur cette question en matière d’irrégularité de fond. La Cour de cassation a notamment affirmé que « l’acte délivré au nom d’une personne décédée est entaché d’une irrégularité de fond pouvant être soulevée par tout intéressé » [82] et que « le défaut de pouvoir d’une personne, figurant au procès comme représentant d’une personne morale, constitue une irrégularité de fond qui peut être invoquée par tout défendeur à l’action » [83]. Il faudrait donc voir dans ces exceptions de nullité des défenses banales [84]. Toutefois, d’autres arrêts, relatifs à l’action de collectivités territoriales, ont réservé le droit d’invoquer l’irrégularité d’un acte à certaines personnes. Ainsi, seule une commune est recevable à invoquer le défaut d’autorisation de son maire à interjeter appel en son nom [85] et que « l’exception tirée du défaut d’autorisation d’agir en justice au nom du département donnée par le conseil général à son président existe seulement dans l’intérêt de la collectivité territoriale et que, dès lors, la partie adverse n’est pas autorisée à s’en prévaloir » [86]. On peut donner un autre exemple tiré de l’action d’un syndic de copropriété. Traditionnellement, la jurisprudence estimait que toute partie y ayant intérêt pouvait soulever le défaut d’autorisation du syndic d’agir en justice [87]. Mais en 2019, le législateur a réservé cette exception de nullité aux seuls copropriétaires [88]. Il est donc permis de penser que le domaine des exceptions attitrées de nullité tirée d’une irrégularité de fond continue de s’étendre [89].
  5. Pour ce qui est des vices de forme, il faut s’intéresser à un arrêt du 1er septembre 2016 [90]. Dans cette affaire, la deuxième chambre civile a retenu que « seul le destinataire d’un acte est recevable à se prévaloir de la nullité de cet acte en raison d’une irrégularité de forme l’affectant ». Bien que le terme n’apparaît pas expressément, il est bien question de qualité dans cet arrêt [91]. On pourrait s’étonner d’une action attitrée, réservée au seul « destinataire de l’acte» affecté d’un vice de forme. Néanmoins, la qualité visée découle de l’irrégularité en cause : en l’espèce, il était question de l’annulation de la notification d’une surenchère. S’il était question d’une irrégularité commise dans le cadre d’une mesure d’instruction, la qualité de destinataire de l’acte serait inopérante. Les résultats d’une mesure d’instruction affectée d’un vice sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts du demandeur et à ceux du défendeur. Par exemple, le défaut d’accomplissement personnel de sa mission par l’expert peut valablement être invoqué par la partie qui a saisi le juge pour voir ordonner la mesure d’instruction [92] ou par son adversaire [93]. Dès lors, faire de l’exception de nullité d’une mesure d’instruction une défense attitrée semble trop restrictif ; en ce domaine, le seul contrôle de l’intérêt à demander l’annulation semble pertinent. En réalité, tout dépend de l’irrégularité en cause et de l’intérêt protégé [94]. Si l’on retient cette conception, on retrouve donc une condition de recevabilité de l’exception de nullité analogue à celle qui prévaut en matière pénale.
  6. De manière plus générale, au terme de la comparaison, on constate l’unité de la notion de qualité en droit processuel privé. Le fait qu’elle soit mobilisée dans des cadres différents résulte seulement des particularités de chacun des contentieux. Le rôle prépondérant du procureur de la République dans la mise en mouvement de l’action publique atténue l’importance de la qualité en tant que condition de recevabilité de l’action. En revanche, la multiplicité des actes d’enquête et d’instruction attentatoires aux droits fondamentaux exacerbe les enjeux tenant à la recevabilité des exceptions de nullité. Les différences de contentieux conduisent la jurisprudence et la doctrine à traiter cette question sous des angles différents, mais il n’en reste pas moins que la notion de qualité est caractérisée par son unicité en droit processuel privé. Ce lien invite à transposer des solutions prétoriennes d’une branche du droit à l’autre et ouvre des perspectives de recherche intéressantes. Il clarifie la notion, et ce faisant, participe à l’effectivité du droit d’accès à un tribunal.
 

[1] Rapport du comité des États généraux de la justice, avril 2022, p. 18.

[2] M. Castillo, La judiciarisation, une solution et un problème, Inflexions 2018, n° 2, p. 167.

[3] CEDH, Req. 4451/70, 21 février 1975, Golder c/ Royaume-Uni N° Lexbase : A1951D7E.

[4] Pour la CEDH, le fait qu’une action du requérant soit jugée irrecevable pour défaut d’intérêt légitime n’équivaut pas à un refus d’accès à un tribunal : CEDH, Req. 11761/85, 28 juin 1990, Obermeier c/ Autriche, § 68 N° Lexbase : A6327AWA.

[5] V. aussi R. Gassin, La qualité pour agir en justice, 1955, thèse de doctorat, université d’Aix-en-Provence.

[6] C. proc. pén., art. 385 N° Lexbase : L3791AZG : « Le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises sauf lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction ».

[7] C. proc. pén., art. 701, al. 2 N° Lexbase : L7706I7K  : « Toutefois, le procureur de la République a qualité pour accomplir ou faire accomplir les actes nécessités par l’urgence ».

[8]  C. proc. pén., art. 73 N° Lexbase : L3153I38 : « Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur […] ».

[9] Cass. crim., 3 janvier 2006, n° 04-85.991, FS-P+F N° Lexbase : A4151DMP.

[10] E. Vergès, Procès civil, procès pénal : différents et pourtant si semblables, D. 2007, p. 1441.

[11] V. en ce sens E. Vergès, La notion d’action, in S. Amrani-Mekki (dir.), Procédure civile et procédure pénale : unité ou diversité ?, 2014, Bruylant, p. 89.

[12] C. Demolombe, Cours de Code Napoléon, t. 9, 4e éd.,1870, Durand et Hachette, n° 338.

[13] H. Motulsky, Le droit subjectif et l’action en justice, in Études et notes de procédure civile, 2010, Dalloz, reproduction de l’édition de 1973, p. 85 et s.

[14] G. Wiederkehr, La notion d’action, in S. Amrani-Mekki (dir.), Procédure civile et procédure pénale : unité ou diversité ?, 2014, Bruylant, p. 79.

[15] J. Héron, T. Le Bars, K. Salhi, Droit judiciaire privé, 7e éd., 2019, LGDJ, n° 48 et s.

[16] « Qualité », in Cornu G. (dir.), Vocabulaire juridique, 14e éd., 2022, PUF.

[17] G. Bolard, Qualité ou intérêt pour agir ?, in Mélanges en l’honneur de Serge Guinchard. Justices et droit du procès : du légalisme procédural à l’humanisme processuel, 2010, Dalloz, p. 597.

[18] S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chainais, L. Mayer, Procédure civile, 36e éd., 2022, Dalloz, n° 193. 

[19] C. civ., art. 327 N° Lexbase : L8829G9U.

[20] C. civ., art. 325 N° Lexbase : L5825ICQ.

[21] Si le consentement d’un seul des époux a été vicié, l’autre n’a pas qualité à demander l’annulation du mariage.

[22] C. civ., art. 180 N° Lexbase : L1359HI8.

[23] V. aussi C. Giverdon, La qualité, condition de recevabilité de l’action en justice, D. 1952, 1, chron. XIX : « Dans un procès ayant pour objet l’atteinte à un droit subjectif, a seul qualité pour agir celui qui se prétend titulaire de ce droit ».

[24] En ce sens, et pour d’autres exemples, v. G. Cornu et J. Foyer, Procédure civile, 3e éd., 1996, PUF, n° 77.

[26] C. civ., art. 188 N° Lexbase : L1948ABR.

[27] Cass. civ. 1ère, 31 janvier 1990, n° 88-16.497 N° Lexbase : A3849AHZ : JCP G 1990, IV, 121.

[28] J. Héron, T. Le Bars, K. Salhi, op. cit., n° 83.

[29] V. G. Cornu et J. Foyer, op. cit., n° 88.

[30] V. R. Gassin, op. cit., n° 178 et s.

[31] C. civ., art. 29-3 N° Lexbase : L2701ABN.

[32] C. civ., art. 430 N° Lexbase : L8412HWH.

[33] C. com., art. L. 631-8 N° Lexbase : L7315IZX.

[34] C. proc. civ., art. 423 N° Lexbase : L6524H7R.

[35] En ce sens, v. E. Vergès, La notion d’action, préc., p. 99. V. aussi L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 11e éd., 2020, LexisNexis, n° 353.

[36] V. par ex. C. pén., art. 226-6 N° Lexbase : L4980LAP (exigence d’une plainte préalable de la victime pour les atteintes à la vie privée) ou LPF, art. L. 228 N° Lexbase : L6506LUI (verrou de Bercy).

[37] Cass. crim., 20 février 1997, n° 95-84.764 N° Lexbase : A0925ACA.

[38] En ce sens, v. E. Jeuland, Droit processuel général, 4e éd., 2018, n° 314 ; J. Leroy, Procédure pénale, 6e éd., 2019, n° 420.

[39] Cass. crim., 18 octobre 1995, n° 94-83.119 N° Lexbase : A8851ABG.

[40] V. G. Cornu et J. Foyer, op. cit., n° 78.

[41] Cass. crim., 16 novembre 1956 : Gaz. Pal. 1957. 1. 163.

[42] Cass. crim.,9 novembre 1992, n° 92-81.432 N° Lexbase : A0804ABE : B. Bouloc, note, Rev. Sociétés, 1993, p. 433 ; Bull. Joly Sociétés 1993, p. 317.

[43] Cass. crim., 22 novembre 2016, n° 15-86.766, F-P+B N° Lexbase : A3542SLR : J.-H. Robert, note, Dr. pén. 2017, comm. 46.

[44] Cass. crim., 2 mars 1961.

[45] Par ex. les infractions aux dispositions du Code de l’urbanisme ne sont plus considérées comme des infractions d’intérêt général : Cass. crim.,17 janvier 1984, n° 81-92.858 N° Lexbase : A7967AAC. Il en va de même pour la non-dénonciation de crime : Cass. crim.,17 novembre 1993, n° 93-80.466 N° Lexbase : A9221CHY : G. Levasseur, obs., RSC 1994, p. 333.

[46] La Chambre criminelle refusait l’action de la victime par ricochet si la victime directe n’était pas décédée. Elle a renoncé à cette jurisprudence au cours des années 1980 : Cass. crim.,9 février 1985, n° 85-91.653.

[47] Par ex. les assureurs (C. proc. pén., art. 388-1 N° Lexbase : L7518LP7), les tiers payeurs (CSS, art. L. 376-1 N° Lexbase : L8870LHY et L. 455-2 N° Lexbase : L6965IG3), les fonds de garantie (C. proc. pén., art. 706-11 N° Lexbase : L7661LPG et C. assur., art. L. 421-5 N° Lexbase : L2504DKX)…

[48] V. G. Cornu et J. Foyer, op. cit., n° 78.

[49] V. par ex. C. proc. pén., art. 706-148, al. 2 N° Lexbase : L5021K8H (saisie de patrimoine), 706-150, al. 2 N° Lexbase : L7454LPR (saisie immobilière) et 706-153, al. 2 N° Lexbase : L7453LPQ (saisie de biens incorporels).

[50] Cass. crim.,15 mars 2017, n° 16-80.801, FS-P+B N° Lexbase : A2640UCR.

[51] Cass. crim.,9 juin 2022, n° 21-86.360, FS-B N° Lexbase : A793474M : J. Buisson, note, Procédures 2022, comm. 230 ; M. Hy, Recevabilité de l’appel d’une ordonnance de saisie par la personne à l’encontre de laquelle la demande d’entraide aux fins de saisie a été réalisée, Lexbase Pénal, juillet 2022 N° Lexbase : N2203BZM.

[52] Cass. crim.,7 septembre 2021, no 20-87.191, FS-B N° Lexbase : A458743B et 21-80.642, FS-B N° Lexbase : A459043E : A.-S. Chavent-Leclère, note, Procédures 2021, comm. 299 ; P.-J. Delage, note, RSC 2022, p. 9 ; V. Georget, obs., Dr. pén. 2022, chron. 1  ; J. Leroy, chron., JCP G 2021, doctr. 1039 ; H. Matsopoulou, note, JCP G 2021, 1161.

[53] Pour une approche plus complète de cette évolution, v. J. Buisson, La requête en annulation : le droit à un recours effectif quelque peu malmené ?, Procédures 2022, ét. 12 ; E. Rubi-Cavagna, Nullités des actes de l’enquête et de l’instruction – Le principe du contradictoire rebat les règles, RSC 2022, p. 439. V. aussi J.-B. Perrier, Le contentieux des nullités en procédure pénale : aspects théoriques, Lexbase Pénal 24 mai 2018 N° Lexbase : N3939BX8.

[54] Ce constat pouvait déjà être fait dès le début des années 2000. V. P. Bonfils, Essai sur la nature juridique d’une institution, 2000, PUAM, n° 75 et s.

[55] V. par ex. Cass. crim., 11 février 2014, n° 13-86.878, F-P+B+I N° Lexbase : A3775MEK : « dès lors que ce dernier était sans qualité pour se prévaloir de la méconnaissance de formalités substantielles à l’occasion de l’audition libre d’une autre personne » ; Cass. crim.,30 janv. 2019, n° 17-86.618 : « la méconnaissance d’une formalité substantielle de la rétention douanière […] que des tiers n’ont pas qualité à invoquer ».

[56] C. proc. pén., art. 170 N° Lexbase : L0918DYN. Cette précision ne vaut que pour la requête présentée au cours de l’instruction, car par hypothèse, un témoin assisté ne peut pas être renvoyé devant une juridiction de jugement.

[57] Même article.

[58] Cass. crim., 21 juin 2005, n° 05-81.491, F-P+F+I N° Lexbase : A8678DIA : J. Buisson, obs., Procédures 2005, comm. 238.

[59] Cons. const., décision n° 2022-1021 QPC, 28 octobre 2022 N° Lexbase : A21288RA : A Léon, Secret des sources et absence de capacité d’action en annulation des journalistes tiers à une procédure : pas d’inconstitutionnalité, Lexbase Pénal, novembre 2022 N° Lexbase : N3144BZH.

[60] Cass. crim., 6 février 2018, n° 17-84.380, FS-P+B N° Lexbase : A6728XC8.

[61] Cass. crim.,12 juillet 2012, n° 21-83.710, F-D N° Lexbase : A01847GW.

[62] Cass. crim., 28 mars 2023, n° 22-83.874, F-B N° Lexbase : A14119LT.

[63] Cass. crim., 15 décembre 2015, n° 15-82.013, FS-P+B N° Lexbase : A8544NZH : H. Matsopoulou, note, JCP G 2016, 335.

[64] Cass. crim., 25 octobre 2022, n° 21-85.763, F-D N° Lexbase : A03327TH : A.-S. Chavent-Leclère, comm., Procédures 2022.

[65] Cass. crim., 7 septembre 2021, n° 21-80.642, FS-B N° Lexbase : A459043E : A.-S. Chavent-Leclère, obs., Procédures 2021, comm. 299 ; H. Matsoupoulou, obs., JCP G 2021, 1161.

[66] CEDH, 10 mars 2009, Req. 4378/02, Bykov c/ Russie, § 90 N° Lexbase : A4528EMN.

[67] C. proc. pén., art. 706-30-1 N° Lexbase : L7675IPX.

[68] C. proc. pén., art. 64-1 N° Lexbase : L8170ISE.

[69] Cass. crim., 5 septembre 2023, n° 22-87.391, F-D N° Lexbase : A01331GZ et n° 23-80.134, F-D N° Lexbase : A01481GL.

[70] Cass. crim.,5 mars 1986, n° 86-91.071 N° Lexbase : A3647AAC.

[71] Cass. crim.,10 mai 2016, n° 16-80.312, F-D N° Lexbase : A0874RP3.

[72] Sur cette question, v. Y.-M. Serinet, La qualité du défendeur, RTD Civ. 2003, p. 203.

[73] V. G. Cornu et J. Foyer, op. cit., 3e éd., 1996, PUF, n° 79.

[74] V. J. Héron, T. Le Bars, K. Salhi, op. cit., 7e éd., 2019, LGDJ, n° 133.

[75] Par exemple, l’action en divorce ne peut être dirigée que contre l’autre époux.

[76] V. par ex. Cass. civ. 1ère, 5 décembre 1995, n° 92-18.292 N° Lexbase : A7228ABC.

[77] V. H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. 1, 1961, n° 305. V. aussi J. Héron, T. Le Bars, K. Salhi, op. cit., n° 133.

[78] Y.-M. Serinet, La qualité du défendeur, RTD Civ. 2003, p. 203.

[79] Ibid.

[80] Ch. civ. 23 décembre 1828 : S. 1928, 30. 1. 205.

[81] Laisney et R. Rousseau, Dictionnaire théorique et pratique de procédure civile, commerciale, criminelle et administrative, t. IV, 2e éd., Arthur Rousseau, 1886, p. 316.

[82] Cass. civ. 3e, 19 mars 1997, n° 95-16.826 N° Lexbase : A8133AHP : Loyers et copr. 1997, comm. 287.

[83] Cass. civ. 1ere, 19 janvier 1999, n° 96-13.509 N° Lexbase : A7896CWD.

[84] Cette position semblait relativement admise à la fin du XXe siècle. Un auteur relevait que, si « la nullité pour vice de fond peut être invoquée par les deux parties, la nullité pour vice de forme ne peut l'être que par la personne protégée par la règle ». V. J.-P. Brouillaud, Les nullités de procédure : des procédures pénales et civiles comparées, D. 1996, p. 98 et s.

[85] Cass. civ. 2e, 26 juin 2008, n° 07-14.996, F-D N° Lexbase : A3682D9A.

[86] Cass. civ. 2e, 16 mai 2013, n° 12-20.317, F-P+B N° Lexbase : A5202KDZ : Y.-M. Serinet, obs., JCP G 2013, 1225, n° 4 ; R. Perrot, obs., Procédures 2013, n° 209 ; Vinckel, note, Rev. huissiers 2013, 169.

[87] Ass. plén., 15 mai 1992, n° 89-18.021 N° Lexbase : A4642ABK : P. Capoulade et C. Giverdon, note, JCP G 1992, II, 21940.

[88] Décret n° 67-223, du 17 mars 1967, art. 55 al. 2 N° Lexbase : L8032BB4 dans sa rédaction issue du décret n° 2019-966, du 18 septembre 2019.

[89] En faveur de cette solution, v. C. Atias, La raison d’être des autorisations d’agir en justice au nom d’une personne morale, D. 2011, p. 701.

[90] Cass. civ. 2e, 1er septembre 2016, n° 15-14.596, FS-P+B [LX=A9391RYH].

[91] En ce sens, v. C. Bléry, De la qualité pour invoquer une nullité de forme…, Gaz. Pal., 29 novembre 2016, p. 69.

[92] V. par ex. Cass. civ. 3e, 26 novembre 2008, n° 07-20.071, FS-P+B N° Lexbase : A4637EBD : JCP G, 2009, IV, 1007.

[93] V. par ex. Cass. civ. 2e, 8 septembre 2022, n° 21-12.030, F-B N° Lexbase : A24618HM : S. Amrani Mekki, obs. Procédures 2022, n° 241, obs.. Dans cet arrêt, le rapport de l’expert n’a pas été annulé en raison de l’absence de grief subi par l’adversaire de la partie qui a demandé la mesure d’instruction. 

[94] Dès lors, certaines irrégularités, même en matière d’expertise, ne pourraient être invoquées que par un défendeur ayant la qualité adéquate. Tel semble être le cas d’une représentation irrégulière lors d’une mesure d’expertise (Cass. civ. 2e, 10 juin 1966).

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Procédure pénale

[Brèves] Information du droit de se taire devant la cour d’appel : elle peut intervenir après la discussion sur la collégialité

Réf. : Cass. crim., 18 octobre 2023, n° 21-85.228, F-B N° Lexbase : A08331N8

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par Adélaïde Léon

Le 25 Octobre 2023

N’intervient pas tardivement l’information faite par la cour d’appel au prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire, dès lors que la seule prise de parole de l’intéressé avant d’avoir reçu cet avertissement s’était limitée à la réponse à la question portant sur la composition de la juridiction.

Rappel de la procédure. Un individu a été déclaré coupable de violences aggravées devant un tribunal correctionnel qui l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis.

Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

En cause d’appel. À l’audience de la cour d’appel, le prévenu, qui a comparu assisté de son avocat, a été informé par le président de la juridiction que le jugement de l’affaire relevait en principe d’un juge unique, mais qu’il pouvait solliciter la collégialité au début de l’audience en l’absence d’information à cet égard, contenue dans l’acte d’appel.

Le prévenu a fait part de sa volonté d’être jugé par une collégialité puis il a été informé de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui seraient posées, ou de se taire.

Par la suite, le prévenu a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la cour d’appel de n’avoir informé le prévenu de son droit de garder le silence qu’après l’examen de sa demande de renvoi et après qu’il a pris la parole.

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi au visa de l’article 406 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3177I33.

Selon les dispositions de cet article, également applicable devant la chambre des appels correctionnels, le président ou l’un de ses assesseurs, après avoir constaté l’identité du prévenu et donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal correctionnel, informe l’intéressé de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

La Cour rappelle que selon la jurisprudence, en l’absence d’une telle information, une atteinte aux intérêts du prévenu, au sens des articles 802 N° Lexbase : L4265AZY et 171 N° Lexbase : L3540AZ7 du Code de procédure pénale, est nécessairement caractérisée et que, en cas de notification tardive, une telle atteinte est également caractérisée lorsque le prévenu prend la parole avant d’avoir reçu cet avertissement (Cass. crim., 23 novembre 2021, n° 20-80.675, FS-B N° Lexbase : A65167CC).

Dans cet arrêt, la Haute juridiction avait retenu que si c’est à tort que la notification au prévenu de son droit au cours des débats se tenant devant la chambre des appels correctionnels de se taire, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées a été réalisée après les débats tenus sur l’exception de nullité soulevée, l’arrêt d’appel n’encourt pas pour autant la censure, car il ne résulte pas des pièces de procédure que l’intéressé a pris la parole à ce stade des débats.

La Chambre criminelle souligne que ce texte et l’interprétation qu’elle en fait visent à préserver le prévenu du risque de s’auto-incriminer au cours des débats en s’estimant obligé de répondre aux questions de la juridiction. Ce risque n’a pas lieu d’exister lorsque le prévenu ne s’exprime que sur les modalités de sa comparution devant la cour d’appel. Partant, l’atteinte ne saurait être caractérisée dans de telles circonstances.

En l’espèce, la Cour de cassation constate que les mentions de l’arrêt d’appel la mettent en mesure de s’assurer que l’intéressé a été avisé, avant de prendre la parole au cours des débats, de son droit, au cours de ceux-ci, de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire. Dès lors, aucune atteinte aux droits de la défense n'avait été commise «  sa seule prise de parole, avant d'avoir reçu cet avertissement, ayant été limitée à la réponse à la question portant sur la composition de la juridiction ».

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Procédures fiscales

[Jurisprudence] Les utiles précisions toulousaines relatives à la régularité des réclamations contentieuses en matière fiscale

Réf. : CAA Toulouse, 9 février 2023, n° 20TL03803 N° Lexbase : A38599CW et n° 20TL03805 N° Lexbase : A38349CY ; CAA Toulouse, 8 juin 2023, n° 21TL20162 N° Lexbase : A92609YM

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N7254BZP

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par Charles-Henri Hardy, Maître de conférences en droit privé à l’Université Toulouse Capitole, Co-directeur du Master 2 Contentieux fiscal et douanier, Membre du Centre de droit des affaires (CDA)

Le 26 Octobre 2023

Mots-clés : réclamation contentieuse • contribuable • courrier électronique • vérification de comptabilité • service des impôts des entreprises

Par trois arrêts rendus au premier semestre 2023, la cour administrative d’appel de Toulouse a apporté d’utiles précisions en matière de réclamation contentieuse préalable prévue par l’article R. 190-1 du Livre des procédures fiscales N° Lexbase : L6750ISS.


 

Dans les deux premiers arrêts définitifs rendus le 9 février 2023, deux contribuables avaient adressé, par la voie de leur avocat, une réclamation par courrier électronique au service des impôts des entreprises afin de solliciter le dégrèvement et la restitution de la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés de 3 % au titre des montants distribués [1], acquittée en 2015 et 2016, et déclarée contraire à la Constitution en 2017 [2]. Le message électronique mentionnait comme objet « SCI TCB, réclamation contributions 3 % » et était accompagné d’une pièce jointe dont le contenu était ainsi indiqué dans le corps du message : « réclamation contentieuse relative à la contribution de 3 % » pour les années 2015 et 2016. Après avoir adressé ce message, l’avocat de la société a immédiatement reçu un courriel de réponse du service, accusant réception du message et indiquant que la demande était prise en compte. L’administration fiscale ayant implicitement rejeté ces demandes, les deux sociétés ont saisi le tribunal administratif de Montpellier qui, après avoir rejeté la fin de non-recevoir soulevée en défense, les a déchargées des impositions en litige par un jugement du 6 juillet 2020. L’administration fiscale a alors interjeté appel du jugement en soutenant que les demandes étaient irrecevables, faute d’avoir été précédées de réclamations préalables régulières.

Dans le troisième arrêt du 8 juin 2023, une société mère a déposé des déclarations de crédit d’impôt recherche (CIR) au titre des années 2012 à 2014 à raison de dépenses de recherche exposées par sa filiale et a également formé une réclamation tendant au remboursement des créances de CIR correspondantes. À la suite d’une vérification de comptabilité de la filiale, l’administration a partiellement accepté les montants de CIR déclarés par la société mère, par une proposition de rectification du 14 décembre 2018. La filiale a accepté ces rectifications et a demandé que le remboursement des créances de CIR soit assorti des intérêts moratoires, compte tenu du temps écoulé depuis la demande de remboursement. L’administration a remboursé les créances de CIR à la société mère, mais a refusé d’assortir ce remboursement des intérêts moratoires. Par un jugement du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la filiale tendant à obtenir le versement des intérêts moratoires au motif qu’une telle demande était irrecevable en raison du défaut d’intérêt à agir de ladite filiale. Cette dernière a interjeté appel.

Ces trois arrêts ont ainsi été l’occasion pour la cour administrative d’appel de Toulouse de se prononcer sur les exigences de régularité des réclamations contentieuses en matière fiscale relatives tant à la forme de la réclamation elle-même (I) qu’à l’éventuel mandat permettant son dépôt par une filiale d’un groupe intégré (II).

I. Les exigences tenant à la réclamation elle-même

Les articles L. 190 N° Lexbase : L1450MD3 et R. 190-1 du LPF N° Lexbase : L6750ISS prévoient une réclamation préalable obligatoire pour les impositions dont l’assiette et le recouvrement sont confiés à la Direction générale des finances publiques. Dans ses arrêts, la cour administrative d’appel admet qu’une réclamation peut régulièrement être adressée par courrier électronique au service territorial de la direction générale des finances publiques (A) et rappelle l’exigence de la signature de la réclamation (B).

A. La régularité de l’envoi par courrier électronique

De manière novatrice, la cour administrative d’appel de Toulouse retient, dans les deux premiers arrêts commentés, qu’il ne résulte pas des dispositions des articles L. 190 et R. 190-1 du LPF « qu’une réclamation ne pourrait régulièrement être adressée par courrier électronique au service territorial de la Direction générale des finances publiques ».

Si l’article R. 190-1 du LPF ne mentionne en effet pas le support matériel de la réclamation, l’interprétation du texte par la Cour de Toulouse est d’abord conforme à l’évolution du texte qui tend à démontrer qu’aucune exigence formelle n’est attachée à ce support. Dès 1832, tout contribuable qui se croyait surtaxé pouvait adresser au préfet ou au sous-préfet sa demande de décharge sans qu’aucune indication n’apparaisse sur le support de cette demande [3]. Près d’un siècle plus tard, il est précisé qu’il est délivré au contribuable un récépissé de sa réclamation s’il en exprime la demande [4]. Le support matériel de la réclamation n’est évoqué qu’en 1932 lorsque le législateur indique que « Ces réclamations peuvent être rédigées sur papier libre » [5]. Une telle formulation empêchant d’en déduire toute obligation formelle, il apparaît que le législateur s’est voulu particulièrement permissif sur le support de la réclamation contentieuse en matière fiscale. Cette volonté apparaît également dans l’évolution postérieure du texte : par la suite, la précision a certes disparu mais sans pour autant qu’une autre exigence ne soit formulée sur le support matériel de la réclamation. En 1950, l’article 1931 du Code général des impôts nouvellement codifié indique seulement qu’un « récépissé est délivré aux contribuables qui le demandent » [6] et les versions ultérieures du texte désormais codifié à l’article R. 190-1 du LPF n’apporteront aucune précision. C’est ainsi dans le prolongement de cette évolution textuelle que dans son BOFiP, l’administration admet d’ailleurs en ce sens que la réclamation soit « établie sous la forme d’une simple lettre » [7].

Exclure la recevabilité des réclamations rédigées sur support électronique n’apparaît en outre pas conforme à la jurisprudence pragmatique du Conseil d’État qui juge que les dispositions imposant qu’une notification intervienne par lettre recommandée avec accusé de réception ne s’opposent pas à ce qu’une telle notification soit opérée au moyen d’un procédé présentant une « garantie équivalente » à celle exigée par ces dispositions [8]. Dans cette logique, une réclamation préalable peut être régulièrement adressée aux services fiscaux par télécopie dans l’hypothèse où le contribuable a produit un relevé de transmission de cette télécopie faisant apparaître une transmission sans incident, ainsi qu’un courrier électronique du centre des impôts compétent accusant réception de ladite réclamation, et l’administration fiscale n’apportant en défense aucun élément de nature à contester la réalité de ces documents et à démontrer l’absence de dépôt dans les délais, par le contribuable, de sa réclamation [9].

Exclure la recevabilité de la réclamation en raison de la dématérialisation de son support n’aurait enfin pas été conforme à la pratique. À l’occasion de la mise en recouvrement de l’impôt 2012 sur les revenus de 2011, l’administration a en effet mis en place une procédure permettant aux particuliers de formuler une réclamation en ligne. Ouvert à tous les contribuables - télé déclarants ou non -, ce service de réclamation dématérialisée permet de formuler une demande portant sur les principaux impôts des particuliers : impôt sur le revenu, taxe d’habitation, contribution à l’audiovisuel public, taxes foncières, contributions sociales, ISF, taxe sur les logements vacants ou taxe d’habitation sur les logements vacants. Sous certaines conditions, une réclamation peut aussi être effectuée verbalement [10] et certains services vérificateurs admettent déjà la validité des réclamations adressées par courriers électroniques. Les deux arrêts rendus apparaissent donc apporter une nouvelle précision bien utile en confortant et élargissant certaines pratiques de l’administration favorables aux contribuables.

B. L’exigence de la signature de la réclamation

Le support des réclamations validé, un second fondement de nullité des réclamations était soulevé par le ministre dans les deux premiers arrêts commentés : aucune de ces réclamations ne portait la signature de leur auteur, les sociétés concernées. L’article R. 197-3 du LPF N° Lexbase : L0154IEG dispose en effet que « Toute réclamation doit à peine d’irrecevabilité : […] c) Porter la signature manuscrite de son auteur ; à défaut l’administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours […] ».

Textuellement, cette exigence de la signature manuscrite était absente des codes en 1929 et 1934 même si la jurisprudence l’exigeait déjà [11] avec certains tempéraments en raison des circonstances d’espèce [12]. Cette exigence formelle est apparue en 1950 dans l’ancien article 1933 dont l’article R. 197-3 est issu. Ce n’est par ailleurs qu’à partir d’octobre 1985 [13] que l’obligation d’inviter « par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours » pèse sur l’administration fiscale. En conséquence, si le support de la réclamation n’est pas défini par les textes, il est depuis longtemps impératif de pouvoir en authentifier l’auteur [14] et si tel n’est pas le cas, l’administration a l’obligation d’inviter son auteur à régulariser sa demande. À défaut d’une telle invitation, le vice peut être couvert par la signature de la demande adressée au tribunal administratif par une personne habilitée [15]. Qu’il soit régularisé suite à l’invitation de l’administration ou par la saisine de la juridiction administrative, le défaut de signature manuscrite de la réclamation par son auteur n’est donc plus une cause d’irrecevabilité définitive de celle-ci [16], à condition toutefois qu’une telle régularisation intervienne avant l’expiration du délai de recours contentieux fixé par l’article R. 199-1 du LPF N° Lexbase : L1706INI [17].

Dans les deux premiers arrêts commentés, « les demandes présentées devant le tribunal administratif par les sociétés intimées ont chacune été signées par les deux mêmes avocats à la cour. Ainsi, aux dates auxquelles le tribunal administratif a statué, le vice de forme entachant les réclamations de ces deux sociétés avait été couvert par les demandes qui lui avaient été adressées » [18]. La cour administrative d’appel de Toulouse a donc jugé que la saisine du tribunal administratif a régularisé les réclamations des deux sociétés et a, en conséquence, rejeté la fin de non-recevoir opposée par l’administration fiscale. Inversement, dans le troisième arrêt cité, le défaut de signature [19], inhérent à l’absence de production du mandat de la société mère d’un groupe intégré habilitant sa filiale à présenter la demande de versement des intérêts moratoires afférents aux créances de crédit d’impôt recherche, n’avait pas été couvert avant l’expiration du délai de recours contentieux. Or, aucune obligation similaire à celle pesant sur l’administration fiscale ne s’applique au tribunal administratif qui n’était donc pas tenu d’inviter la société requérante à régulariser sa réclamation. L’irrecevabilité de cette dernière n’était alors pas susceptible d’être couverte après l’expiration du délai de recours ; ce qu’a confirmé la Cour administrative d’appel de Toulouse en apportant certaines précisions sur les exigences relatives au dépôt d’une réclamation effectuée par une filiale d’un groupe intégré.

II. Les exigences relatives au dépôt d’une réclamation contentieuse par une filiale d’un groupe intégré

Dans le troisième arrêt, le Tribunal administratif de Toulouse ayant relevé d’office un moyen d’ordre public son jugement est confirmé par la Cour administrative d’appel dès lors, d’une part, qu’en vertu des articles 223 A N° Lexbase : L2208LYG et 223 O N° Lexbase : L7004MGI du CGI, la société intégrante était seule recevable à demander à l’administration le versement des intérêts moratoires afférents aux créances de CIR qui lui avaient été remboursées et, d’autre part, que la requérante (la filiale) n’avait pas produit le mandat de sa société mère l’habilitant à présenter la demande pour son compte, avant l’expiration du délai de recours contentieux. La problématique générale portant sur l’intérêt à agir de la filiale au nom de la société intégrante, l’arrêt précise les exigences requises pour que le mandat présenté par une filiale permette le dépôt d’une réclamation contentieuse au nom de la société tête de groupe (A) mais interroge sur l’appréciation restrictive de la qualité à agir des filiales en matière de contentieux fiscal au sein d’un groupe intégré (B).

A. Les précisions relatives à la régularité du mandat délivré à une filiale

L’exigence d’un mandat pour présenter une réclamation au nom d’un tiers est ancienne. La loi du 13 juillet 1903 a posé le principe : « Nul n’est admis à introduire ou soutenir une réclamation pour autrui s’il ne justifie d’un mandat régulier » [20]. Reprise à l’article 365 du Code des contributions directes de 1934 et à l’article 1933-5 du CGI de 1950, cette exigence est désormais contenue dans l’article R. 197-4 du LPF N° Lexbase : L0170IEZ qui énonce que « Toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d’un mandat régulier » [21]. Si la formulation a ainsi évolué en passant d’une interdiction à une obligation, le texte n’a jamais précisé ce qu’est un « mandat régulier » ; tout au plus indique-t-il dans sa dernière version que « le mandat doit, à peine de nullité, être produit en même temps que l’acte qui l’autorise ou enregistré avant l’exécution de cet acte ».

Dans ce contexte, le troisième arrêt de la cour administrative d’appel de Toulouse précise les éléments essentiels que doit contenir un mandat présenté par une filiale d’un groupe intégré afin de déposer une réclamation contentieuse au nom de la société tête de groupe. La juridiction indique qu’un mandat implicite tendant à obtenir le remboursement des créances de crédit d’impôt est ainsi insuffisant pour demander le remboursement d’intérêts moratoires liés à ces créances. Autrement dit, ce mandat doit être exprès et clairement déterminé dans son objet. Cette solution est conforme aux exigences du droit civil comme à celles des juridictions fiscales.

Au regard du droit civil, le mandat est défini comme un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom [22]. Le mandat doit avoir un objet suffisamment déterminé pour être valable [23]. Cet objet peut être spécial lorsqu’il vise un ou plusieurs actes déterminés ou, au contraire, général lorsqu’il intéresse « toutes les affaires du mandant » [24]. La distinction entre mandat général et mandat spécial repose ainsi sur la précision ou non, dans l’acte, des biens donnant lieu au mandat, ou de l’occasion pour laquelle le mandat a été convenu [25]. Le mandataire ne peut « rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat » [26]. Afin de protéger le mandant, le mandat est strictement interprété, sans pour autant limiter les pouvoirs des mandataires à ce qu’exprime formellement leur procuration [27]. Les juges du fond déterminent toutefois souverainement l’étendue du mandat [28]. Sauf si les circonstances sont contraires, le juge civil reconnait ainsi généralement au mandataire le pouvoir d’accomplir les actes qui sont un « préliminaire obligatoire » ou une « suite nécessaire » des opérations dont ils sont chargés [29]. En conséquence, lorsque le mandat précise l’impôt pour lequel le mandataire doit exercer une action contentieuse (le remboursement de créances de crédit d’impôt recherche), ce dernier n’est en principe pas compétent pour exercer une action contentieuse ayant un autre objet (le remboursement d’intérêts moratoires). Si la solution retenue par la cour administrative d’appel est ainsi conforme au principe, elle apparaît néanmoins sévère en ce que les juges auraient pu considérer que l’action relative aux intérêts moratoires était une « suite nécessaire » à l’action contentieuse portant sur les créances de crédit d’impôt recherche. Cette critique n’entraine cependant aucune remise en cause de la solution qui s’appuie également sur la forme implicite du mandat. Or, en principe, un mandat exprès est nécessaire pour assister ou représenter une personne en justice [30]. Les mandataires ad litem doivent en effet produire une procuration spéciale et écrite [31]. En l’espèce, l’existence du mandat n’étant pas apportée, la demande formulée par la filiale n’était pas recevable.

Au regard des seules dispositions de l’article R. 197-4 du LPF N° Lexbase : L0170IEZ qui ne requièrent que la preuve d’un « mandat régulier », la solution retenue par l’arrêt peut paraître plus sévère que le texte mais correspond à la jurisprudence en matière fiscale qui exige que le mandat produit soit régulier [32] notamment en désignant les impositions en litige et en confiant expressément au mandataire le soin de poursuivre l’action contentieuse [33]. Le mandat ayant pour objet de « représenter [le contribuable] auprès du Ministère des Finances » ne permet donc pas au mandataire d’introduire une instance devant le juge fiscal [34], mais il en va différemment si le mandat lui donne pouvoir d’entreprendre « tous contentieux » [35]. Dans la même logique, une société mère doit présenter un mandat lorsqu’elle porte une réclamation au nom de sa filiale et que le régime de l’intégration lui a été refusé [36].

Conséquence de l’absence de mandat régulier, la réclamation présentée par le tiers non mandaté est entachée d’un vice de forme la rendant irrecevable [37]. Sous certaines conditions, le vice peut cependant être couvert au stade de la réclamation ou devant le juge fiscal. Au stade de la réclamation, la régularisation du mandat peut être effectuée par la production, avant l’expiration du délai de réclamation et avant l’intervention de la décision de l’administration, d’une nouvelle réclamation régulière en la forme [38]. Devant le juge fiscal, si le défaut de qualité pour agir ne figure pas au nombre des vices régularisables visés par l’article R. 200-2 du LPF N° Lexbase : L0176IEA et ne peut donc pas, en principe, être couvert dans la demande adressée au tribunal, les Hautes juridictions des deux ordres ont cependant expressément assimilé la signature d’une réclamation par une personne non habilitée à agir au nom du contribuable au défaut de signature pour l’application de ces dispositions [39]. En conséquence, le vice de forme peut être couvert dans une demande régulièrement signée adressée au tribunal saisi, dès lors que l’administration n’a pas invité le contribuable à régulariser sa situation dans les conditions prévues à l’article R. 197-3, c du LPF N° Lexbase : L0154IEG. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Toulouse est ainsi conforme à la jurisprudence fiscale désormais bien établie et reprend la position du Conseil d’État relative au délai pour régulariser la réclamation présentée par une filiale d’un groupe intégré sans mandat de sa société mère : « cette régularisation est donc possible jusqu’à l’expiration du délai imparti au contribuable pour présenter cette demande. En revanche, après l’expiration de ce délai, l’irrecevabilité de la réclamation préalable présentée à l’administration et, par conséquent, celle de la demande contentieuse ne peuvent plus être régularisées, quand bien même l’administration n’aurait pas invité le contribuable à le faire » [40]. Sur ce point, la jurisprudence n’est pas identique lorsque le vice porte uniquement sur la requête présentée au tribunal administratif, qui peut être régularisée après l’expiration du délai de saisine de la juridiction et jusqu’à la clôture de l’instruction [41]. Dans cette hypothèse, le juge a d’ailleurs l’obligation d’inviter le requérant à régulariser sa demande [42]. D’où certainement la confusion en l’espèce chez la requérante qui arguait que le tribunal administratif de Toulouse aurait dû l’inviter à régulariser sa demande.

À défaut de régularisation du mandat (et donc de la réclamation contentieuse), l’irrecevabilité est d’ordre public et doit donc être soulevée d’office - y compris pour la première fois en appel si elle n’a pas été relevée en première instance - [43] ; ce qu’avait fait le tribunal administratif de Toulouse et que la cour administrative d’appel a validé en l’espèce.

S’agissant précisément de la demande de versement d’intérêts moratoires, ce troisième arrêt confirme les nombreuses décisions qui refusent le versement de tels intérêts liés à des dégrèvements prononcés par l’administration ou au cours d’une instance contentieuse lorsque la réclamation n’est pas régulière [44].

Si la solution rendue par la cour de Toulouse s’inscrit donc finalement dans le prolongement de la jurisprudence établie en matière de mandat au sein d’un groupe de sociétés intégrées, elle peut toutefois paraître sévère lorsque la requérante est une filiale pour laquelle l’intérêt à agir est refusé.

B. La qualité à agir en matière de contentieux fiscal au sein d’un groupe intégré

Le régime d’intégration fiscale permet à une société mère, dite « tête de groupe », de se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés pour l’ensemble du groupe qu’elle forme soit avec ses filiales (intégration « verticale »), soit avec ses sociétés sœurs établies en France détenues par une même entité européenne (intégration dite « horizontale ») [45]. En conséquence, « la société mère est substituée aux sociétés du groupe pour l’imputation sur le montant de l’impôt sur les sociétés dont elle est redevable au titre de chaque exercice : […] b. Des crédits d’impôt pour dépenses de recherche dégagés par chaque société du groupe en application de l’article 244 quater B ; l’article 199 ter B s’applique à la somme de ces crédits d’impôt [...] » [46]. La Cour administrative d’appel de Toulouse en déduit qu’au sein d’un groupe fiscalement intégré, d’une part, seule la société mère peut imputer, sur le montant de l’impôt sur les sociétés dû sur le résultat d’ensemble du groupe dont elle est redevable, les crédits d’impôt pour dépenses de recherche dégagés par les sociétés du groupe et, d’autre part, que lorsque la créance -correspondant à l’excédent de ces crédits d’impôt après imputation sur le résultat d’ensemble- est immédiatement remboursable, elle ne peut être remboursée qu’à la société mère [47]. La cour conclut alors qu’il appartient à cette seule société de demander à l’administration fiscale, par la présentation d’une réclamation contentieuse, le remboursement de cette créance [48].

La qualité de « redevable » de l’impôt n’est toutefois pas mentionnée dans les textes relatifs à la réclamation contentieuse ; seule la qualité de « contribuable » est visée [49]. Ainsi en cas de défaut de signature de la réclamation, « l’administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours » [50] et le mandat n’est pas exigé pour les avocats inscrits au barreau, les personnes qui « ont le droit d’agir au nom du contribuable » ou les signataires de la réclamation qui ont été mis personnellement en demeure d’acquitter les impositions mentionnées dans cette réclamation (ce qui par hypothèse ne peut pas être le cas pour un remboursement de crédit d’impôt) [51]. Si le contribuable est la personne au nom de laquelle la dette fiscale est juridiquement établie (et qui la plupart du temps va la supporter), le redevable est celui qui doit payer l’impôt. Or, la personnalité fiscale n’étant pas reconnue aux groupes fiscalement intégrés [52], les sociétés filles restent soumises à l’obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13 N° Lexbase : L7159LZ8, L. 47 N° Lexbase : L3160LCZ et L. 57 N° Lexbase : L0638IH4 du LPF [53]. En conséquence, la société mère est certes redevable pour l’ensemble des sociétés du groupe, mais les filiales demeurent des contribuables [54].

Alors que les textes relatifs à l’intégration fiscale (visant le « redevable ») et à la réclamation contentieuse (visant le « contribuable ») ne désignent donc pas nécessairement la même personne, la Cour administrative d’appel de Toulouse ne s’attache pas à cette distinction dans l’arrêt commenté. Or, si la solution est en parfaite conformité avec une jurisprudence désormais bien établie qui réserve à la seule société intégrante la faculté de déposer une réclamation contentieuse en matière de crédit d’impôt [55], il est sévère de refuser à la filiale, au sein de laquelle les contrôles sont effectués et qui supporte économiquement tout ou partie de l’impôt payé par la société mère, la qualité à agir dans le cadre d’une telle réclamation…

Les textes des articles R. 190-1 N° Lexbase : L6750ISS, R. 197-3 N° Lexbase : L0154IEG et R. 197-4 N° Lexbase : L0170IEZ du LPF ainsi interrogés par la cour administrative d’appel de Toulouse dans ces trois arrêts étant très anciens, ils auraient pu être modifiés afin de tenir compte des évolutions tant juridiques (le développement des groupes de sociétés) que technologiques (les transmissions dématérialisées et signatures électroniques) ; tel n’a pas été le cas. Les deux premiers arrêts rendus viennent alors combler la lacune - voire remédier à l’archaïsme - des textes en raison de leur inadaptation à nos usages modernes. Ils ont le mérite de faire évoluer l’appréhension de dispositions partiellement désuètes mais sans pour autant en trahir l’esprit historique. À l’inverse, le troisième arrêt applique strictement le texte et le précise : il n’existe pas de présomption de mandat de représentation de la société intégrante au bénéfice d’une de ses filiales, le mandat doit alors être exprès et précis pour pouvoir être considéré comme régulier dans le cadre d’une réclamation contentieuse. Sur ce point, une évolution textuelle serait donc souhaitable pour tenir davantage compte de la situation particulière des « sociétés filiales-contribuables » dans les groupes intégrés.

 

[1] Codifiée à l’ancien article 235 ter ZCA du CGI N° Lexbase : L3127LHB.

[2] Décision n° 2017-660 QPC, du 6 octobre 2017 N° Lexbase : Z442507L : RJF, 12/17, n° 1219.

[3] Loi 21 avril 1832, Loi portant fixation du Budget des Recettes de l’exercice 1832, art. 28 (Bull. n° 76, p. 227).

[4] Loi 27 déc. 1932, Loi portant fixation du budget général de l’exercice 1928, art. 10 (Bull. n° 456, p. 4842).

[5] Loi 31 mars 1932, Loi portant fixation du budget général de l’exercice 1932, art. 4, al. 1er (JO, 1er avril 1932, p. 3346). Texte codifié en 1934 à l’article 360 du Code des impôts directs et taxes assimilées.

[6] CGI, anc. art. 1931 (JO, 30 avr. 1950, p. 4623).

[7] BOI-CTX-PREA-10-50, §1 du 12 sept. 2012.

[8] CE Contentieux, 6 mai 1996, n° 178473, « Andersen » N° Lexbase : A9422ANB ; RFDA, 1996. 1027, concl. Bonichot ; BJDU, 1996. 68, concl. Bonichot ; AJDA, 1996. 513, chron. Girardot et Chauvaux ; LPA, 16 octobre 1996, étude Pacteau; Dr. adm., 1996, n° 462 ; D. 1996. Somm. 278, obs. Charles (rendu en matière de droit de l’urbanisme).

[9] CE, 8° s.-s., 20 septembre 2015, n° 363059, « Sté Sogecap » N° Lexbase : A5697NSS ; V. aussi anté. en ce sens, CAA Paris, 5 juillet 2001, n° 99PA1140, « Zerbib » : RJF, 2/02, n° 202.

[10] LPF, art. R. 208-1 N° Lexbase : L1718INX - Des arrêts admettent ainsi qu’une fiche de visite vaut réclamation (CAA Versailles,12 juin 2007, n° 04VE02869 N° Lexbase : A1906DXU ; CAA Paris, 1er décembre 2011, n° 09PA06548 N° Lexbase : A1387H8U ; CAA Versailles, 20 novembre 2012, n° 11VE01153 N° Lexbase : A6374IZ4).

[11] CE 5° s.-s., 5 juin 1931, n° 21700, « Sieur X. » : Recueil, p. 600 ; RO, 5637.- CE, 23 octobre 1931, « Gall » : RO, 6293.- CE, 3 mars 1933, n° 24797, « Mével ».

[12] Le défaut de signature n’entrainait pas l’irrecevabilité de la réclamation lorsque « l’authenticité de la réclamation ne peut faire de doute » sur son auteur (CE, 23 octobre 1931, n° 15416, 15417 et 15418, « Société des sucreries et raffineries F. Beghin ») ou que ce dernier est illettré ou physiquement incapable de la signer (CE, 5 février 1875, « Montauriol » : RO 2656).- BOI-CTX-PREA-10-50, §260 du 12 septembre 2012.

[13] Décret n° 85-1049, du 26 septembre 1985 n° 85-1049, modifiant les dispositions des articles R. 197-3 et R. 200-2 du Livre des procédures fiscales relatives aux règles de recevabilité des réclamations fiscales, art. 1 N° Lexbase : C48394NK.

[14] Irrecevabilité de la réclamation non-signée par son auteur (CE Contentieux, 14 mai 1980, n° 16387 N° Lexbase : A8560AIU ; CE Contentieux, 30 septembre 1981, n° 21581 N° Lexbase : A4029AKG, même si elle a fait l’objet d’un envoi recommandé avec accusé de réception et que les documents annexes pourraient faire présumer son authenticité (CE 7° s.-s., 7 décembre 1964, n° 58810).

[15] LPF, art. R. 200-2, al. 4 N° Lexbase : L0176IEA.- V. par ex. : CE 7° et 8° ssr., 3 mai 1989, n° 78223, « SA Quadriga » N° Lexbase : A1182AQT : RJF, 6/89, n° 751 ; CE 9° et 8° ssr., 21 décembre 1994, n° 77711, « Gonzalez » N° Lexbase : A4896B8T : RJF, 2/95, n° 211 ; BOI-CTX-PREA-10-50, §200-210.

[16] Sur l’absence de régularisation possible anté., V. par ex. CE 5° s.-s., 5 juin 1931, « Sieur X. » : Recueil, p. 600.

[17] CE 8° et 3° ssr., 7 décembre 2015, n° 371406, mentionné aux tables du recueil Lebon, « Sté Last Minute Network Ltd » N° Lexbase : A0410NZ9 : RJF, 3/16, n° 240, concl. N. Escaut p. 377 ; CE 9° et 10° ch.-r., 13 décembre 2017, n° 398726, mentionné aux tables du recueil Lebon « Sté HSBC Bank PLC Paris Branch et société HSBC Securities (France) » N° Lexbase : A1335W8X : RJF, 3/18, n° 311, concl. É. Bokdam-Tognetti (C 311).

[18] Conclusions de la rapporteure publique Sylvie Cherrier publiée à la RJF, 5/2023, C 411.

[19] Sur l’assimilation de l’absence de mandat régulier à un défaut de signature de la réclamation, Voy. par ex. CE Contentieux, 1er mars 1989, n° 79218-79283, « Voyages Wasteels » N° Lexbase : A0716AQL : RJF, 5/89, n° 626 ; CE 8° et 3° ssr., 7 décembre 2015, n° 371406, mentionné aux tables du recueil Lebon « Sté Last Minute Network Ltd »  N° Lexbase : A0410NZ9 : préc.- Solution identique même si la société mère représente la société intégrée à l’instance (CE 9° ch., 20 octobre 2022, 441459, « Sté Airporc » N° Lexbase : A21608Q3).

[20] Loi 13 juillet 1903, relative aux contributions directes et aux taxes y assimilées de l’exercice 1904, art. 17.

[21] Par exception, le mandat n’est toutefois par requis à l’égard des avocats inscrits au barreau, des personnes qui en raison de leurs fonctions ou de leur qualité ont le droit d’agir au nom du contribuable et à l’égard du signataire de la réclamation s’il a été mis personnellement en demeure d’acquitter les impositions mentionnées dans cette réclamation (LPF, art. R. 197-4, al. 2).

[22] C. civ., art. 1984 N° Lexbase : L2207ABD.

[23] C. civ., art. 1163 N° Lexbase : L0883KZQ ; Cass. civ. 1, 19 décembre 2013, n° 12-26.459, FS-P+B N° Lexbase : A7487KS4 : Bull. civ. I, n° 253 ; D. 2014. 10 ; AJDI, 2014. 538, obs. M. Thioye ; RTD civ., 2014. 358, obs. H. Barbier.

[24] C. civ., art. 1987 N° Lexbase : L2210ABH.

[25] Ph. Le Tourneau, « Mandat – Caractères du mandat », Répertoire de droit civil, Dalloz, mai 2023, §111.

[26] C. civ., art. 1989 N° Lexbase : L2212ABK.

[27] Cass. civ. 1, 11 janvier 2000, n° 97-11.470 N° Lexbase : A2407CRL : RJDA, 2000, n° 263 (la procuration de « verser toutes sommes ou titres au crédit de son compte, de les retirer, arrêter tous comptes, en retirer quittance, en recevoir les soldes » permettait au mandataire de disposer librement des fonds).

[28] Cass. civ. 3, 21 mars 1972, n° 70-13.903 N° Lexbase : A3803CIP : Bull. civ. III, n° 196.

[29] Cass. civ. 3, 21 mars 1972, n° 70-13.903 : préc. (vente de garages, accessoires des appartements) ; Cass. civ. 3, 29 novembre 1972, n° 71-14.224 N° Lexbase : A4971CKC : Bull. civ. III, n° 646 (renoncer au jeu d’une clause résolutoire pour défaut de payement d’arrérages échus n’est pas la suite nécessaire de l’objet recevoir « tous payements et arrérages de la rente viagère ») ; Cass. civ. 1, 7 octobre 1975, n° 74-12.221 N° Lexbase : A4999CGA : Bull. civ. I, n° 258 (achat de bétail, accessoire de l’exploitation d’un domaine agricole).

[30] CPC, art. 416, al. 1er N° Lexbase : L0432IT8. Selon une jurisprudence constante, une déclaration de créance équivaut à une demande en justice, la personne qui déclare la créance d’un tiers doit donc, si elle n’est pas un avocat, être munie d’un pouvoir spécial, donné par écrit, avant l’expiration du délai de déclaration des créances (Cass., Ass. plén., 4 février 2011, n° 09-14.619 N° Lexbase : A3498GRY : Bull. ass. plén. n° 2 ; D. 2011. AJ 439, obs. A. Lienhard ; Gaz. Pal., 2011. 9 mars, note L. Antonini-Cochin ; JCP E, 2011, n° 1264, note Ph. Roussel Galle).

[31] Ph. Le Tourneau, « Mandat – Caractères du mandat », préc., §111.

[32] CE, 11 mai 1928, « Sté des Éts Febvrel et Cie par Dupin, Silvent et Cie » : Lebon p. 412, 2ème espèce : CE 9° et 10° ch.-r., 13 déc. 2017, n° 398726, « Sté HSBC Bank PLC Paris Branch et société HSBC Securities (France) » : préc.

[33] CAA Nancy, 3 décembre 2002, n° 99NC01350, « Lièvremont » N° Lexbase : A7640A4Q : RJF, 4/03, n° 485.

[34] CE 9° et 8° ssr.., 7 décembre 1983, n° 29850 N° Lexbase : A8325ALW : RJF, 2/84, n° 232.

[35] CAA Lyon, 3 avril 1996, n° 93LY01194, « Sicpa »  N° Lexbase : A8770BEK : RJF, 6/96, n° 719.

[36] CAA Lyon, 10 juin 2021, n° 18LY04681, « Sté Biomnis » N° Lexbase : A69294WK.

[37] V. par ex., CE Contentieux, 22 décembre 1982, n° 37051 N° Lexbase : A8683AKS : RJF, 2/83, n° 311 ; CE Contentieux, 29 août 1983, n° 31025 N° Lexbase : A0739AMC : RJF, 11/83, n° 1414.

[38] CE, 8 octobre 1962, n° 54691 : RO p. 4161 ; CE Contentieux, 5 février 1986, n° 34256 N° Lexbase : A3818AMD : , 5/86, n° 562 ; V. aussi pour une régularisation sur demande de l’administration : CAA Bordeaux, 16 février 2006, n° 03BX02457 « Sté Garage Laurent » N° Lexbase : A0553DP8 : RJF, 12/06, n° 1601.

[39] Voy. par ex. CE 9° et 8° ssr., 1er mars 1989, n° 79218-79283, « Voyages Wasteels » : préc. ; CE 7° et 8° ssr., 3 mai 1989, n° 78223, « SA Quadriga » N° Lexbase : A1182AQT : RJF, 6/89, n° 751 ; Cass. com. 16 mai 1995, n° 1051 D, « Sté Ralston Purina France » : RJF, 8-9/95, n° 1059. Solution identique même si la société mère représente la société intégrée à l’instance (CE 9° ch., 20 octobre 2022, 441459, « Sté Airporc » N° Lexbase : A21608Q3).

[40] CE 9° et 10° ch.-r., 13 décembre 2017, n° 398726, « Sté HSBC Bank PLC Paris Branch et société HSBC Securities (France) » : préc. ; CE, 9° ch., 20 octobre 2022, 441459, « Sté Airporc » ; pour un groupe TVA : CE 8° et 3° ssr., 7 décembre 2015, n° 371406, « Sté Last Minute Network Ltd » : préc.

[41] CE 5 juillet 1996, n° 129368 N° Lexbase : A0664APB : RJ,F 8-9/96, n° 1066, concl. Ph. Martin, BDCF, 4/96, p. 67 ; CE 9° et 8° ssr., 22 mars 1999, n° 171762 N° Lexbase : A4760AXL : RJF, 5/99, n° 621 ; CAA Bordeaux, 17 octobre 2002, n° 98BX01960 N° Lexbase : A2749A7X : RJF, 2/03, n° 218 ; CE 3° et 8° ssr., 29 juillet 2002, n° 220728 N° Lexbase : A0739A47 : RJF, 11/02, n° 1303, concl. F. Séners, BDCF, 11/02, n° 143 ; CE 3° et 8° ssr., 25 novembre 2015, n° 380456, mentionné aux tables du recueil Lebon, « Sté Vivendi » N° Lexbase : A0970NYL : RJF, 2/16, n° 184,

[42] CJA, art. R. 612-1 N° Lexbase : L3126ALD ; CAA Nancy, 3 décembre 2002, n° 99NC01350 N° Lexbase : A7640A4Q : RJF, 4/03, n° 485 ; CAA Lyon, 10 juin 2021, n° 18LY04681, Sté Biomnis N° Lexbase : A69294WK.

[43] V. not. CE 8° et 3° ssr., 7 décembre 2015, n° 371406, « Sté Last Minute Network Ltd » : préc. ; CE 9° et 10° ch.-r., 13 décembre 2017, n° 398726, « Sté HSBC Bank PLC Paris Branch et société HSBC Securities (France) » : préc. ; CE 9° ch., 20 octobre 2022, 441459, « Sté Airporc ».

[44] CE 9° et 10° ssr., 29 décembre 2000, n° 198359, « Sté Sevel SPA » N° Lexbase : A2042AIH : RJF, 3/01, n° 389 ; CE 3° et 8° ssr., 5 juillet 2010, n° 310945, publié au recueil Lebon, « min. c/ SNC Serater » N° Lexbase : A1327E4W : RJF, 11/10, n° 1102 ; CE 9° et 10° ssr., 5 mars 2012, n° 331327, « Sté Procter et Gamble Holding France SAS » N° Lexbase : A3337IEC et n° 332284, Sté Owens Corning Fiberglas France SAS : RJF 5/12 n° 539 ; CE, 3ème et 8ème ch., 11 déc. 2020, n° 433899, « Sté Saint-Louis Sucre » N° Lexbase : A3340IEG : RJF, 3/21, n° 317.

[45] BOI-IS-GPE, §10 du 2 mars 2016.- BOI-IS-GPE-30-10, §250 du 11 août 2021.

[46] CGI, art. 223 O, 1 N° Lexbase : L7004MGI.

[47] V. déjà en ce sens, CE 9° et 10° ch.-r., 10 mai 2017, n° 395447, mentionné aux tables du recueil Lebon, « Sté Intelligent Electronic Systems » N° Lexbase : A1102WCS : RJF, 8-9/17, n° 863, concl. M. -A. Nicolazo de Barmon (C 863), chron. A. Iljic, RJF, 7/17, p. 907.

[48] En ce sens, CAA Lyon., 6 août 2020, n° 19LY00327 et 19LY00329, « SAS Peinta » N° Lexbase : A11593SQ.

[49] LPF, art. R. 190-1 N° Lexbase : L6750ISS.

[50] LPF, art. R. 197-3, c N° Lexbase : L0154IEG. V. aussi le dernier alinéa qui vise « le nombre approximatif des contribuables atteints ».

[51] LPF, art. R. 197-4, al. 2.

[52] Le Conseil constitutionnel considère toutefois que l’objectif du régime de l’intégration fiscale est « de garantir aux groupes se plaçant sous ce régime […] un traitement fiscal équivalent à celui d’une unique société dotée de plusieurs établissements » (Cons. const., 13 avril 2018, 2018-699 QPC N° Lexbase : Z994087X : RJF, 7/18, n° 783.

[53] CGI, art. 223 A, II N° Lexbase : L2208LYG.

[54] V. en ce sens CE 3°et 8° ch.-r., 26-01-2021, n° 438217, mentionné aux tables du recueil Lebon, « Sté Vicat » N° Lexbase : A65344DD : RJF, 4/21, n° 358, concl. R. Victor (C 358) et plus précisément les conclusions de Romain Victor sous cette décision indiquant que « l’article R. 196-3 du LPF – c’est sa lettre – ouvre le délai spécial au contribuable qui « fait l’objet d’une procédure de reprise ou de rectification » par l’administration, donc à la société intégrée concernée ».

[55] V. par ex. CE 9° et 10° ssr., 10 juin 2013, n° 337137, « Sté Fresenius Medical Care Groupe France » N° Lexbase : A5870KGI : RJF, 10/12, n° 974, concl. D. Hédary, BDCF, 10/13, n° 109 ; CE 9° et 10° ch.-r., 10 mai 2017, n° 395447, mentionné aux tables du recueil Lebon, « Sté Intelligent Electronic Systems »  N° Lexbase : A1102WCS, préc. ; CE 9° et 10° ch.-r., 13 décembre 2017, n° 398726, « Sté HSBC Bank PLC Paris Branch et société HSBC Securities (France) », préc. ; CAA Lyon, 6 août 2020, 19LY00327 et 19LY00329, « SAS Peinta » - La solution est identique pour les groupes TVA : CE 8° et 3° ssr., 7 décembre 2015, n° 371406, « Sté Last Minute Network Ltd » : préc.- La réclamation peut toutefois être déposée par la filiale si elle est mise « personnellement en demeure d’acquitter les impositions mentionnées dans cette réclamation » (LPF, art. R. 197-4, al. 2).

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Sociétés

[Jurisprudence] Une action ut singuli encore bien trop étroite en présence de conventions intragroupes

Réf. : Cass. com., 11 octobre 2023, n° 22-10.271, F-B N° Lexbase : A85311K8

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par Nadège Jullian, Professeur de droit privé, Université Toulouse Capitole, CDA

Le 24 Octobre 2023

Mots- clés : action ut singuli • convention réglementée • SA • convention intragroupe • personne intéressée

En vertu de l'article L. 225-252 du Code de commerce, les actionnaires d'une société anonyme moniste ne peuvent, au nom et pour le compte de la société, intenter d'autres actions en responsabilité que celle, prévue par ce texte, dirigée contre les administrateurs ou le directeur général. Ils ne peuvent exercer l'action sociale en responsabilité contre les personnes intéressées au sens des articles L. 225-38 et L. 225-41 du Code de commerce dès lors qu'elles ne sont pas dirigeantes de la société pour le compte de laquelle l'action est exercée.


Ces dernières années, l’action ut singuli fait l’objet d’un contentieux nourri. En effet, la Cour de cassation vient au fil de ses décisions préciser les contours [1] et les conditions de mise en œuvre [2] de cette action, palliatif utile de l’inaction des dirigeants. Systématiquement, la Cour fait preuve d’une certaine sévérité, cantonnant strictement l’action ut singuli dans les bornes fixées par les textes. Sur ce point, l’arrêt rapporté ne déroge pas à cette tendance.

En l’espèce, une société anonyme ayant pour actionnaire majoritaire une autre société avait conclu, avec elle et l’une de ses filiales, diverses conventions portant sur des prestations informatiques et d'assistance administrative et technique. Un actionnaire minoritaire de la société anonyme avait alors assigné en responsabilité les dirigeants de la SA ainsi que ceux des deux autres sociétés, soutenant que ces conventions avaient eu des conséquences préjudiciables pour la SA. On découvre au détour de la lecture de l'arrêt d'appel que ces conventions, que l'on peut qualifier d’intragroupes, n'avaient pas été soumises à la procédure des conventions réglementées dans la société anonyme. En conséquence, l’associé minoritaire entendait que soient mises à la charge des intéressés les conséquences préjudiciables des conventions, comme le prévoit l’article L. 225-41 du Code de commerce N° Lexbase : L5912AIS, et  que les dirigeants des deux sociétés tierces soient qualifiés de personnes intéressées au sens des articles L. 225-38 N° Lexbase : L8876I37 et L. 225-41.

En appel [3], les juges avaient estimé l’action du minoritaire à l’encontre des administrateurs et dirigeants des deux sociétés tierces irrecevable, ces derniers n’étant pas des « intéressés » au sens de l’article L. 225-41 du Code de commerce. Ils avaient en outre retenu que l’actionnaire minoritaire ne pouvait agir ut singuli contre d’autres dirigeants que ceux visés à l’article L. 225-252 du Code de commerce N° Lexbase : L2093LY8. C’est sur ce second point que le minoritaire avait formé un pourvoi en cassation. Il estimait « qu'en jugeant que l'action sociale intentée par un actionnaire en indemnisation des préjudices subis par la société à raison d'une convention réglementée ne peut l'être qu’à l'encontre des administrateurs et du directeur général de la société et qu'elle ne peut l'être à l'égard de toute autre personne, quand bien même celle-ci aurait la qualité de l'une des personnes énumérées par les articles L. 225-38 et L. 225-41 du Code de commerce, la cour d'appel aurait violé l'article L. 225-41 de ce code, ensemble son article L. 225-252 ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Pédagogiquement, elle rappelle d'abord qu'en vertu de l'article L. 225-252, les actionnaires d'une société anonyme moniste ne peuvent, au nom et pour le compte de la société, intenter d'autres actions en responsabilité que celle, prévue par ce texte, dirigée contre les administrateurs ou le directeur général. Puis, les Hauts magistrats précisent que les actionnaires d'une SA ne peuvent exercer l'action sociale en responsabilité contre les personnes intéressées au sens de l'article L. 225-38 et L. 225-41 du Code de commerce dès lors qu'elles ne sont pas dirigeantes de la société pour le compte de laquelle l'action est exercée. En conséquence, la Cour confirme que l’associé minoritaire ne pouvait agir contre les dirigeants des deux sociétés tierces.

Par cet arrêt, la Cour de cassation, une fois encore, confirme que l'action ut singuli doit rester circonscrite dans les limites que la loi lui a fixées. Les actions en responsabilité réalisées par un associé sont ainsi enserrées dans le carcan de l’action ut singuli (I), peu important les vertus qu’offrirait un élargissement de cette action (II).

I. Les actions de l’actionnaire enserrées dans le carcan de l’action ut singuli

Prévue par le droit commun des sociétés à l’article 1843-5 du Code civil N° Lexbase : L2019ABE, l’action ut singuli offre la possibilité à un associé d’agir pour la société et à la place de son représentant légal en responsabilité contre le dirigeant, lorsque ce dernier est négligent et, surtout, lorsque le dirigeant en place est précisément celui qui a commis une faute et contre lequel l’action est dirigée. L’article du droit commun des sociétés vise alors « les gérants », mais il faut comprendre par cette expression les dirigeants de droit de la société.

En matière de SA moniste, un article spécifique délimite le champ de l’action ut singuli. Il s’agit de l’article L. 225-252 du Code de commerce. Cet article vise précisément « les administrateurs ou le directeur général » et la formule laisse clairement entendre qu’il est question des administrateurs et directeur général de la société pour laquelle l’associé agit en responsabilité, et non ceux d’une autre société.

Partant, confronté à une action ut singuli visant les dirigeants de sociétés ayant conclu des conventions avec la société dont le requérant était associé, la solution de la Cour de cassation, affirmant que l’article ne permet pas à un associé d’agir contre d’autres personnes que celles désignées à cet article, mérite d’être approuvée.

La solution est on ne peut plus cohérente. Les dirigeants des sociétés tierces, non désignés à l’article L. 225-252, ne peuvent voir leur responsabilité engagée par le biais d’une action ut singuli menée par un associé de la société anonyme et cette solution trouvera à s’appliquer à tous les associés – non pas aux seuls associés de SA – et pour toutes les actions en responsabilité que l’associé pourrait exercer pour le compte de sa société.

Toutefois, une question demeure. N’était-il pas possible de retenir une autre solution ? L’associé minoritaire proposait une analyse reposant sur une lecture alternative de l’article L. 225-41 du Code de commerce. Cet article, relatif aux conventions réglementées, dispose en son second alinéa que « même en l'absence de fraude, les conséquences, préjudiciables à la société, des conventions désapprouvées peuvent être mises à la charge de l'intéressé et, éventuellement, des autres membres du conseil d'administration ». Ainsi, semblait-il envisageable de dégager de cet article la possibilité pour un associé d’agir en responsabilité contre les personnes intéressées à la convention réglementée [4]. Pourquoi alors ne pas permettre que cette action spéciale soit menée par un associé en s’abstrayant du carcan de l’article L. 225-252 ? Autrement dit, n’était-il pas envisageable d’analyser l’article L. 225-41 comme instituant une action n’obéissant pas au texte relatif à l’action en responsabilité contre les dirigeants de la SA ?

Un auteur a pu écrire au sujet de l’arrêt d’appel qu’il était possible « partant du principe que le spécial déroge au général […] de considérer que l’action indemnitaire instituée spécifiquement au sujet des conventions réglementées bénéficie d’un régime propre, distinct de celui de l’action sociale » [5]. Cette analyse n’a rien d’incongru et aurait le mérite de correspondre à l’esprit du corpus juridique relatif aux conventions réglementées. En effet, alors que l’action en nullité de la convention réglementée n’ayant pas fait l’objet d’une autorisation préalable du conseil d’administration est ouverte non seulement à la société, mais également aux actionnaires [6], pourquoi l’action indemnitaire devrait-elle leur être fermée, sauf à viser les dirigeants énumérés à l’article L. 225-252 du Code de commerce ?

Un autre argument plaidait dans le sens d’une disjonction des articles L. 225-41 et L. 225-252 du Code de commerce. Afin de lier l’action offerte à l’article L. 225-41 au carcan de l’action ut singuli, il était nécessaire d’interpréter cet article comme offrant une action en responsabilité et c’est précisément ce que fait la Cour de cassation dans cet arrêt, puisqu’elle qualifie expressément l’action organisée à l’article L. 225-41 du Code de commerce d’action en responsabilité. Pourtant, la lettre de ce dernier n’est pas si explicite concernant la nature de l’action offerte.

En effet, l’article vise la « mise à la charge de l’intéressé » des « conséquences, préjudiciables à la société, des conventions ». L’action offerte en présence d’une convention réglementée non approuvée, qualifiée par certains auteurs d’action en « rééquilibrage du contrat » [7], laisse davantage penser à « une transaction ou une compensation financière » [8] qu’à une action en responsabilité. Il n’est pas question d’indemniser la société du préjudice subi, essence même de l’action en responsabilité, mais de prendre en charge les conséquences préjudiciables de la convention. Or, ces dernières ne correspondent pas exactement à la notion de préjudice subi comme semblent le laisser penser les quelques rares jurisprudences du fond relatives aux articles L. 225-41 et L. 225-42, visant quant à lui la possibilité d’obtenir la nullité s’il existe cette fois des conséquences dommageables. Par exemple, lors de la caractérisation de conséquences préjudiciables, il n’est pas question de rechercher – comme en matière de préjudice – une éventuelle perte de chance de conclure à d’autres conditions, ou encore d’examiner si la société a subi des pertes du fait de la conclusion de la convention. Ainsi, n’a pas de conséquences préjudiciables pour la société le fait de verser une indemnité transactionnelle de trois millions d'euros à un président-directeur général en contrepartie de sa renonciation à toute action contre la société, car cela préserve cette dernière de tout recours judiciaire [9]. De même, n’a pas de conséquences dommageables le renouvellement d'un bail commercial, même assorti d'un loyer majoré, dès lors qu'il permet à la société de se maintenir dans les lieux [10] alors même qu’un préjudice financier semble identifiable.

Une autre solution semblait donc possible si la Cour n’avait pas qualifié l’action offerte à l’article L. 225-41 d’action en responsabilité. Toutefois, cela n’aurait pas pour autant rendu l’action possible en l’espèce. En effet, la mention des « personnes indirectement intéressées » à l’article L. 225-41 est en réalité une mention de rattrapage. L’article L. 225-38 le dit bien « auxquelles une des personnes visées à l'alinéa précédent est indirectement intéressée ». Il ne s’agit donc pas de toutes les personnes intéressées, si bien que – comme l’avait relevé la cour d’appel – les dirigeants des autres sociétés ne pouvaient être appréhendés via cet article, sauf à considérer qu’il y avait une interposition de personnes.

II. Un élargissement pourtant souhaitable

Au gré des décisions jurisprudentielles, il est désormais connu que l’action ut singuli est refusée à celui qui n’a plus la qualité d’associé [11], mais surtout qu’elle est impossible contre un dirigeant de fait [12], un liquidateur amiable de la société [13] et, désormais, contre un autre dirigeant de droit que ceux de la société dont l’associé agissant est associé. Pourtant, un élargissement du périmètre de cette action apparaît souhaitable tant cette action a des vertus. Si ce cantonnement strict de l’action ut singuli a longtemps été justifié par le caractère exceptionnel de la possibilité d’agir en défense des intérêts d’un tiers, principe rappelé par l’adage « nul ne plaide par procureur », il semble aujourd’hui nécessaire de repenser cette action et probablement de réécrire les textes [14]. En ce sens, pourrait être proposée l’extension de l’action ut singuli aux dirigeants de filiale ou de sociétés mères, sous réserve qu’elles soient soumises au droit français [15]. Cette extension offrirait un outil aux associés assez proche des double derivative actions du droit américain [16].

L’idée semble d’autant moins absurde que le législateur a introduit en 2001 [17] la possibilité d’une expertise de gestion au niveau du groupe, alors même que la jurisprudence refusait d’élargir le recours à cette expertise en faveur des minoritaires [18]. Il peut dès lors paraître contradictoire de reconnaître la possibilité de solliciter une expertise de gestion portant sur certaines opérations réalisées, par exemple, par une filiale, tout en empêchant en même temps ces mêmes minoritaires d’en demander réparation dès lors que cela a une incidence sur la société pour laquelle l’action est menée [19]. On sait en effet que l’expertise de gestion a une nature fortement précontentieuse et que son objet est alors un peu vain en l’absence de possibilité d’agir. L’action ut singuli « de groupe » proposée par certains auteurs [20] offrirait alors la possibilité aux minoritaires de défendre l’intérêt de leur société, et ce alors même que les dirigeants de leur société n’agiraient pas en raison de l’inclusion de la société dans un ensemble la dépassant et disposant de son propre intérêt : l’intérêt du groupe.

Au cas d’espèce, ce ne serait-ce alors pas sur le fondement de l’article L. 225-41, et donc sur la possibilité d’agir contre les personnes intéressées au sens de l’article L. 225-38 du Code de commerce afin de mettre à leur charge les conséquences préjudiciables pour la société, que l’associé minoritaire aurait agi, faute pour les dirigeants des deux autres sociétés d’être des personnes intéressées. C’est sur le fondement général de la responsabilité pour faute du dirigeant que l’associé minoritaire aurait pu obtenir justice pour la société lésée.

En somme, peut-être est-il temps de réfléchir à la réalité des obstacles qui existeraient à la reconnaissance de l’action ut singuli dans le cadre du groupe de sociétés et de jauger leur importance au regard des enjeux en termes de protection des associés minoritaires.


[1] Cass. com., 27 mai 2021, n° 19-17.568, F-D N° Lexbase : A47694TS : sur la possibilité pour un associé cogérant d’agir en responsabilité sur le fondement de l’action ut singuli – Cass. com., 24 juin 2020, n° 18-17.338, F-D N° Lexbase : A71563PQ – CA Caen, 31 mars 2022, n° 16/02837 N° Lexbase : A73697RD – CA Paris, 5-9, 10 mars 2022, n° 13/18511 N° Lexbase : A06997QX : sur le moment de l’examen de la qualité d’associé – Cass. civ. 3, 7 juillet 2022, QPC n° 22-10.447, FS-B N° Lexbase : A05128A9 : sur l’impossibilité d’une action ut singuli dans une association.

[2] Cass. com., 9 novembre 2022, n° 20-19.077, F-B N° Lexbase : A12908SL : sur la désignation d’un mandataire ad hoc lors d’une action ut singuli.

[3] CA Paris, 5-8, 9 novembre 2021, n° 19/23007 N° Lexbase : A38527BB.

[4] Nous ne reviendrons pas sur la notion de personne intéressée. Celle-ci n'est pas abordée dans l’arrêt de cassation, mais la cour d’appel avait pris le soin de rappeler que les administrateurs et dirigeants des sociétés tierces n’étaient pas des intéressés au sens des articles L. 225-38 et L. 225-41 du Code de commerce.

[5] I. Parachkévova-Racine, Conventions réglementées soustraites au contrôle : seule l’action ut singuli peut être exercée par un actionnaire agissant en indemnisation du préjudicie social, Rev. sociétés, 2022, p. 352, note sous CA Paris, 5-8, 9 novembre 2021, n°19/23007, préc.

[6] C. com., art. L. 225-42 N° Lexbase : L5630LQL.

[7] Ph. Merle et A. Fauchon, Sociétés commerciales, Dalloz, 2023/2024, n° 452, p. 540.

[8] I. Parachkévova-Racine, préc.

[9] CA Paris, 5-8, 11 décembre 2012, n° 11/16107 N° Lexbase : A2301KI3.

[10] CA Versailles, 19 décembre 2002, n° 01/1413.

[11] Cass. com., 24 juin 2020, n° 18-17.338, F-D, préc – CA Caen, 31 mars 2022, n° 16/02837, préc – CA Paris, 5-9, 10 mars 2022, n° 13/18511, préc.

[12] Cass. com., 29 mars 2017, n° 16-10.016, F-D N° Lexbase : A0873UTI.

[13] Cass. com., 6 décembre 2017, n° 16-21.005, F-D N° Lexbase : A1116W7H.

[14] N. Jullian, Réflexion sur la pertinence d’un élargissement de l’action ut singuli, Dr. Sociétés, 2022, n° 11, repère n° 10.

[15] R. Vatinet, La réparation du préjudice causé par la faute des dirigeants sociaux, devant les juridictions civiles, Rev. soc., 2003, n° 2, p. 247 ; E. Scholastique, Détermination des personnes habilitées à exercer l'action sociale ut singuli dans un groupe de sociétés, D., 2002, p. 1475 ; A. Viandier et C. Armand, Réflexions sur l’exercice de l’action sociale dans le groupe de sociétés : transparence des personnalités et opacité des responsabilités ?, Rev. soc., 1986, p. 557 et s.

[16] W. H. Painter, Double derivative suits and other remedies with regard to damaged subsidiaries, Indiana Law Journal, 1961, 36, n° 2, p. 143.

[17] Loi n° 2001-420, du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ et C. com., art. L. 225-231, al. 1er N° Lexbase : L2194LYW.

[18] Cass. com., 14 décembre 1993, n° 92-21.225, publié N° Lexbase : A7403ABS.

[19] J.-Ch. Pagnucco, Les pouvoirs des minoritaires dans les groupes de sociétés, Dr. sociétés, 2017, n° 6, étude 13.

[20] M. Céran, Contribution à la construction d’un droit des groupes de sociétés : aspects juridiques et fiscaux en droit comparé français et turc, thèse qui sera soutenue le 28 novembre 2023, Rennes, p. 297 et s.

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Vente d'immeubles

[Brèves] Vice caché : le professionnel constructeur est présumé avoir connaissance des vices

Réf. : Cass. civ. 3, 19 octobre 2023, n° 22-15.536, FS-B N° Lexbase : A65101NG

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 26 Octobre 2023

► Le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux est assimilé à un vendeur professionnel ; il est donc présumé avoir connaissance du vice et ne peut opposer une clause de non-garantie figurant dans l’acte de vente.

Quand la garantie des vices cachés du droit de la vente s’articule avec le droit de la responsabilité des constructeurs, cela tend à renforcer, encore, les obligations du constructeur qui, en plus de la responsabilité civile décennale, qui vient garantir les vices cachés de la chose, doit la garantie des vices cachés prévue à l’article 1643 du Code civil N° Lexbase : L1746ABB lorsqu’il est également vendeur.

En l’espèce, une SCI a vendu une maison d’habitation à un acquéreur. Se plaignant de divers désordres, l’acquéreur, après expertise, assigne la SCI venderesse sur le fondement des vices cachés. La cour d’appel de Limoges, dans un arrêt rendu le 10 février 2022, rejette ses demandes (CA Limoges, 10 février, n° 21/00034 N° Lexbase : A96577MM). L’acquéreur forme un pourvoi dans lequel il articule que le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l’origine d’un vice caché est présumé en avoir connaissance dès lors qu’il s’agit alors d’un vendeur professionnel. Les juges du fond auraient dû rechercher si la SCI venderesse avait elle-même réalisé les travaux sans faire appel à un professionnel de sorte qu’elle s’était comportée en constructeur ou maître d’œuvre.

La Cour de cassation suit le pourvoi et censure. Selon sa nouvelle technique de motivation, elle rappelle que le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l’origine des vices de la chose vendue est assimilé à un vendeur professionnel. En cette qualité, il est présumé connaître les vices au moment de la vente et ne peut se prévaloir de la clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés.

La solution, quoique sévère, s’inscrit dans la droite ligne des jurisprudences antérieures (Cass. civ. 3, 26 février 1980, n° 78-15.556, publié au bulletin N° Lexbase : A0415CKL ; Cass. civ. 3, 9 février 2011, n° 09-71.498, FS-P+B N° Lexbase : A7282GWM ; Cass. civ. 3, 10 juillet 2013, n° 12-17.149, FS-P+B N° Lexbase : A8920KI9).

Le vendeur après achèvement est redevable de la garantie décennale des constructeurs pendant un délai de dix ans à compter de la réception sur le fondement des articles 1792 N° Lexbase : L1920ABQ et suivants du Code civil et de la garantie des vices cachés pendant un délai de deux ans à compter de la découverte du vice sur le droit de la vente prévue à l’article 1643 du Code civil N° Lexbase : L1746ABB.

Une partie de la doctrine avait suggéré, par application de l’adage specialia generalibus derogeant, que le constructeur vendeur échappe à la garantie de droit commun mais, jusqu’à présent, elle n’a pas été entendue.

Les conseillers avaient rejeté le recours au motif que l’acquéreur ne rapportait pas la preuve de la connaissance des vices au moment de la vente.

C’est là inverser la charge de la preuve puisque le vendeur constructeur est qualifié de professionnel. Les juges du fond auraient donc dû rechercher si la SCI avait elle-même réalisé les travaux à l’origine des désordres affectant le bien vendu. Si tel est le cas, elle s’est comportée en constructeur et est réputée avoir eu connaissance du vice.

Évidemment, en lisant ces lignes, le projet de réforme du droit des contrats spéciaux résonne en ce qu’il ambitionne de grands changements sur la garantie des vices cachés.

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