Jurisprudence : CA Paris, 6, 10, 18-01-2023, n° 21/04506, Infirmation


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10


ARRET DU 18 JANVIER 2023


(n° , 1 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04506 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDW74


Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/09921



APPELANTE


MadameAa[Y] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Franc MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0610


INTIMEE


S.A.S. CONCUR FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Patrice MOUCHON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0104



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 26 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOST, Vice-Présidente faisant fonction de Conseillère, chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :


Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente

Madame Véronique BOST, Vice-Présidente faisant fonction de Conseillère


Greffier, lors des débats : Madame Ab A


ARRET :


- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

- signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre, et par Madame Sonia BERKANE, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.



EXPOSÉ DU LITIGE


Madame [Y] [Aa] a été embauchée par la société ETAP-ON-LINE, par contrat à durée indéterminée du 4 janvier 2002, en qualité d'assistante de projets informatiques.


Le 14 septembre 2011, son contrat de travail a été transféré à la S.A.S. CONCUR FRANCE.


Dans le dernier état de la relation contractuelle, Mme [Aa] était ingénieur test d'application.


La convention collective applicable est la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (SYNTEC).



Par courrier du 13 mai 2019, [Aa] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 27 mai 2019.


Par lettre recommandée avec avis de réception du 17 juin 2019, la S.A.S. CONCUR FRANCE a notifié à [Aa] son licenciement pour cause réelle et sérieuse.


Contestant son licenciement, [Aa] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 7 novembre 2019.


Par jugement du 6 avril 2021, notifié à Mme [Aa] le 15 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- fixé le salaire de référence de [Aa] à la somme de 2 747 euros ;

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la S.A.S. CONCUR FRANCE à verser à [Aa] les sommes suivantes :

* 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

- débouté [Aa] du surplus de ses demandes ;

- débouté la S.A.S. CONCUR FRANCE de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, et la condamne au paiement des entiers dépens.



Mme [Aa] a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée par voie électronique le 12 mai 2021.


Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 1er septembre 2022, [Aa] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société CONCUR (FRANCE) à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

- juger que son licenciement est nul, en violation des articles L 1132-1 et L 1132-4 du code du travail🏛🏛 ;

- ordonner sa réintégration dans l'entreprise au poste d'ingénieur testeur, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du cinquième jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la société CONCUR (FRANCE) à lui payer un rappel de salaire entre la date de son licenciement et la date de sa réintégration dans l'entreprise ;

à titre subsidiaire, condamner la société CONCUR FRANCE à lui payer la somme de :

* 49 446 euros nets, à titre d'indemnité pour licenciement nul, sur le fondement des dispositions de l'article L 1132-4 du code du travail🏛 ;

à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant,

- condamner la société CONCUR FRANCE à lui payer la somme de :

* 38 458 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail🏛 ;

en tout état de cause, condamner la société CONCUR FRANCE à lui payer les sommes suivantes :

*10 000 euros à titre de dommages intérêts pour discrimination en raison de son état de santé ;

* 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de

sécurité ;

- condamner la société CONCUR FRANCE à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Elle fait valoir que :

- l'enregistrement entre la salariée et sa DRH a été retranscrit par l'huissier de justice et est indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi ;

- en 17 ans d'ancienneté, elle n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire ;

- le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, les griefs invoqués sont infondés :

- ses dates de congés ont été acceptées par sa supérieure hiérarchique et elle n'a jamais été informée d'une quelconque désapprobation de sa manager ;

- l'employeur ne peut valablement lui reprocher son absence à un rendez-vous avec une consultante externe organisée par la seule initiative de la direction des ressources humaines, dans la perspective de recherche d'un nouvel emploi, alors qu' elle était en congés le dit-jour du rendez-vous et qu'elle avait informé la consultante de son absence ;

- le licenciementest nul car fondé sur son état de santé.


Par ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 septembre2022, la S.A.S. CONCUR FRANCE demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement de Mme [Aa] sans cause réelle et sérieuse ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- écarté la pièce adverse n° 30 des débats ;

- écarté la demande de nullité du licenciement de Madame [Aa] ;

- écarté les demandes relatives aux manquements à l'obligation de sécurité de la

société ;

- écarté la demande au titre de la discrimination en raison de l'état de santé de Madame

[Aa] ;

et statuant à nouveau :

A titre liminaire :

- écarter la pièce n° 30 en raison de son caractère déloyal ;

A titre principal :

- juger que le licenciement de [Aa] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouter [Aa] de sa demande de nullité de son licenciement et de réintégration ;

- débouter [Aa] de sa demande de rappel de salaire sous astreinte de 100 euros par jours pour la période comprise entre la notification de son licenciement et sa réintégration ;

- débouter [Aa] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul à hauteur de 49 446 euros nets ;

A titre subsidiaire :

- débouter [Aa] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 38 458 euros nets ;

- réduire les demandes indemnitaires de [Aa] à de plus justes proportions ;

En tout état de cause :

- débouter [Aa] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination en raison de son état de santé à hauteur de 10 000 euros ;

- débouter [Aa] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect de l'obligation de sécurité de résultat à hauteur de 5 000 euros ;

- débouter la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 de [Aa] à hauteur de 3 000 euros nets ;

- débouter [Aa] de sa demande au titre de l'exécution provisoire de la décision à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile🏛 ;

A titre reconventionnel :

- condamner [Aa] à payer à la société SAP la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.


L'intimé fait valoir que :

- la retranscription par voie d'huissier d'un enregistrement audio de la salariée et de la DRH, sans l'accord de cette dernière, sans produire en totalité l'échange, est un procédé de preuve déloyal qui doit être écartée des débats ;

- le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse :

- la demande de congé litigieuse était en attente d'acceptation sur le logiciel interne et la salariée n'a jamais informé le service RH qu'elle avait sollicité des congés payés à la date du rendez-vous avec la consultante externe et qu'elle ne serait pas présente ;

- le fait de disposer d'un droit à congé n'autorisait pas la salariée à prendre celui-ci sans s'être concertée avec son employeur puisqu'une autorisation préalable et expresse était nécessaire conformément aux dispositions de son contrat de travail, du règlement intérieur et des notes internes ;

- la salariée avait parfaitement connaissance des règles afférentes à la prise des congés payés puisque durant la relation de travail, la société a eu l'occasion de rappeler à Madame [Aa] la nécessité d'obtenir une autorisation avant ses départs en congés payés ;

- le licenciement est sans lien avec son état de santé : l'origine des difficultés de santé de la salariée n'est pas professionnelle, la société a strictement appliqué les préconisations médicales du médecin du travail, a limité son temps de travail, lui a fourni un ordinateur portable afin de pouvoir télétravailler.


L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 septembre 2022.



SUR CE,


Sur la demande de rejet des débats de l'enregistrement de la conversation du 15 janvier 2019


L'illicéité d'un moyen de preuve, au regard du principe de loyauté du salarié et de respect de la vie privée des autres salariés, n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier l'utilisation de cette preuve en mettant en balance le principe de loyauté et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments obtenus en méconnaissance du principe de loyauté à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.


En l'espèce, la société CONCUR FRANCE demande que soit écartée des débats la pièce n°30 produite par Mme [Aa] comme constituant un moyen de preuve obtenu frauduleusement. Cette pièce est un procès-verbal de constat contenant la retranscription de l'enregistrement par Mme [Aa] d'une conversation qui a eu lieu entre cette dernière, la DRH et une autre salariée de la société.


La cour observe que la société CONCUR FRANCE n'a pas sollicité le rejet de la pièce 31 qui est une clé USB contenant l'enregistrement litigieux.


Il n'est pas contesté que cet enregistrement a été fait à l'insu des deux salariées qui participaient à cet entretien avec Mme [Aa]. L'enregistrement, fait en contradiction avec la loyauté à laquelle Mme [Aa] était tenue à l'égard de son employeur, est illicite. Il apparaît néanmoins que cette preuve était indispensable pour assurer le droit à la preuve de la salariée et sa production n'est pas disproportionnée au but poursuivi.


Il n'y a donc pas lieu de rejeter cette pièce des débats.


Le procès-verbal de constat indique « elle (Mme [Aa]) me remet une clé USB de cet enregistrement, dont je retranscris, précisions faites que sur cet enregistrement, seules 13 minutes sont reprises comme étant les plus importantes de la conversation ».


Ainsi, la retranscription produite aux débats ne reprend qu'une partie de la conversation enregistrée. La cour observe que l'huissier n'a pas précisé la durée totale de la conversation enregistrée par Mme [Aa]. Il n'est fourni aucun élément permettant d'apprécier en quoi les 13 minutes retranscrites seraient « les plus importantes de la conversation ». La cour relève que la clé USB jointe comporte moins de 13 minutes d'enregistrement.


Ces éléments ne portent pas atteinte à la recevabilité de la pièce mais sont à prendre en considération pour apprécier la portée probatoire de l'enregistrement dont seule une partie est produite.


Sur le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité


Il résulte de l'article L.4121-1 du code du travail🏛 que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail🏛🏛.


En l'espèce, Mme [Aa] fait valoir que les man'uvres de la DRH pour lui faire quitter l'entreprise ont contribué à la dégradation de son état de santé. Elle fait état d'un malaise qui aurait eu lieu sur son lieu de travail le 14 février 2019 qui n'aurait pas fait l'objet d'une déclaration d'accident du travail.


Si Mme [Aa] produit aux débats une décharge de responsabilité pour refus de transport établi par les pompiers, elle ne fournit aucune explication sur les circonstances de ce malaise et ne caractérise aucun lien entre ce malaise et son travail.


La cour relève que lors de la visite de pré-reprise du 8 mars 2019, le médecin du travail a noté les dires de Mme [Aa] quant aux pressions qu'elle subirait de la DRH mais n'a formulé aucune préconisation.


Il n'est pas contesté que Mme [Aa] souffre depuis plusieurs années de problème de santé et que sa pathologie n'est pas d'origine professionnelle. L'employeur a aménagé le temps de travail de Mme [Aa] pour s'adapter à l'évolution de son état de santé et a assuré son suivi régulier par le médecin du travail.


Aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est établi.


Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Aa] de sa demande au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.


Sur le licenciement


Selon l'article L.1235-1 du code du travail🏛, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.


En application de l'article L.1132-1 du code du travail🏛, aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé.


Il ressort de l'article L.1132-4 du même code🏛 qu'un licenciement fondé sur l'état de santé est nul.


La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est ainsi rédigée :

« Par lettre simple, doublée d'un courrier en recommandé avec accusé de réception et d'un courriel en date du 13 mai 2019, nous vous avons convoquée à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, prévu le 27 mai 2019 à 11 heures au sein des locaux de l'entreprise.

Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien de sorte que nous n'avons pas pu entendre vos explications au regard notamment de votre absence injustifiée depuis le 15 avril 2019, nous sommes effectivement au regret de constater que vous ne vous êtes plus présentée à votre poste de travail, sans motif ni justification de votre part.

Plus précisément, le 2 avril 2019, vous avez formulé une demande de congés payés, via les systèmes RH, procédure habituelle appliquée dans l'entreprise, pour la période courant du 15 avril 2019 au 23 mai 2019.

Néanmoins, cette demande de congés payés n'a pas été validée par votre supérieure hiérarchique, Mme [Ac] [M].

En effet, cette dernière a légitimement considéré que votre absence aurait occasionné une absence particulièrement longue (près d'un mois et demi), qui aurait été de nature à perturber la continuité du service au sein duquel vous travaillez, d'autant que vous aviez également annoncé que vous seriez de nouveau absente à compter du 28 mai 2019.

Pourtant, et malgré l'absence d'approbation de votre supérieure hiérarchique, vous avez délibérément choisi de ne pas vous présenter à votre poste de travail à compter du 15 avril 2019 et ce jusqu'au 23 mai 2019, vous gardant bien d'en informer votre hiérarchie ainsi que le service des ressources humaines.

Nous avons tenté de vous joindre à plusieurs reprises sans succès malheureusement.

Nous considérons donc que vous vous êtes placée volontairement dans une situation d'absence injustifiée, pour laquelle vous n'avez jamais fourni le moindre motif ou justificatif, en contrariété manifeste avec les règles et procédures en vigueur au sein de notre entreprise.

Plus encore, sur cette même période, vous ne vous êtes pas davantage présentée à un rendez-vous que la direction des ressources humaines avait pourtant organisé de concert avec vous, avec une consultante externe.

Ce rendez-vous était fixé à la date du 16 avril 2019, ce dont vous avez été régulièrement informée le 9 avril 2019 et au sujet duquel nous vous avons relancée le 15 avril 2019, en l'absence de nouvelles de votre part et ignorant alors que vous en vous étiez pas présentée à votre poste de travail à cette date.

Contre toute attente, et sans que vous n'ayez jugé utile d'en informer le service des ressources humaines, nous avons appris, le 16 avril 2019, que vous ne vous étiez pas présentée au rendez-vous, vous contentant d'indiquer à la consultante externe que vous étiez « malade ».

Pourtant, vous n'avez jamais cru bon devoir nous adresser le moindre justificatif de maladie à cette date. Dans ces conditions, nous déplorons ce comportement délibéré alors même que nous avions organisé ce rendez-vous, après que vous en ayez exprimé le besoin et dans votre seul intérêt.

Nous ne pouvons cautionner un tel comportement que nous considérons comme contraire aux règles élémentaires de l'entreprise. Pour cette raison nous vous notifions par la présente votre licenciement en raison de votre absence injustifiée depuis le 15 avril 2019 et de votre attitude particulièrement non professionnelle. »


En l'espèce, Mme [Aa] soutient que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement ne sont que des prétextes qui sont insuffisants à fonder un licenciement et que celui-ci trouve sa véritable cause dans son état de santé.


La société CONCUR FRANCE soutient que le licenciement était pleinement justifié.


Le licenciement est fondé sur deux griefs : une absence injustifiée en raison de la prise de congés qui n'avaient pas été autorisés et l'absence de Mme [Aa] à un rendez-vous avec un cabinet extérieur.


En ce qui concerne les congés, il n'est pas contesté que Mme [Aa] a déposé sa demande de congés en ligne conformément aux règles applicables dans la société. Si cette demande n'a pas fait l'objet d'une approbation, elle n'a pas non plus fait l'objet d'un refus. Il ressort des échanges de mails entre Mme [Ad] et Mme [M] que cette dernière n'avait pas procédé à la validation de la demande de congés le 30 avril 2019 car elle souhaitait faire une vérification avec la première avant de les autoriser. La cour relève que l'employeur antérieurement à la convocation à un entretien préalable n'a adressé à Mme [Aa] qu'un mail de MAde [L] daté du 24 avril 2019.


En l'absence de formalisation d'un refus des congés payés sollicités et de véritable mise en demeure de justifier de sa situation, l'absence de Mme [Aa] à compter du 15 avril 2019 ne constitue pas une faute.


Dans ces conditions, il ne peut davantage lui être reproché de ne pas avoir honoré le rendez-vous pris pour elle avec un consultant extérieur.


Il apparaît que les motifs invoqués dans la lettre de licenciement sont dépourvus de sérieux.


Ce licenciement intervient alors que Mme [Aa], qui était reconnue en invalidité de 1ère catégorie depuis le 1er avril 2018 et travaillait deux jours par semaine, a informé son employeur qu'elle serait hospitalisée à compter du 28 mai 2019. La cour observe que l'absence résultant de cette hospitalisation est évoquée dans la lettre de licenciement. Par ailleurs, la société CONCOUR FRANCE avait proposé à Mme [Aa] un accompagnement individualisé à la recherche d'emploi par mail du 9 avril 2019, accompagnement qui devait débuter par le rendez-vous du 16 avril 2019 qui fait l'objet du second grief de la lettre de licenciement. Enfin, lors de la conversation du 15 janvier 2019, Mme [Aa] a été clairement invitée à solliciter une mise en invalidité de catégorie 2 et l'une des deux salariés de la société CONCUR FRANCE a regretté que Mme [Aa] ait indiqué au médecin son souhait de continuer à travailler.


Il s'en déduit de l'ensemble de ces éléments que le licenciement trouve sa véritable cause dans l'état de santé deAaMme [J].


Ce licenciement est en conséquence nul.


Mme [Aa] sollicite sa réintégration. Il sera fait droit à cette demande en application de l'article L.1235-3-1 du code du travail🏛. Il n'apparaît nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.


Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.


Sur la discrimination


Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008🏛 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.


Il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptible de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et il incombe à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.


Il a été établi que le licenciement dont Mme [Aa] a fait l'objet trouve sa cause dans son état de santé.


Le caractère discriminatoire de ce licenciement est établi.


Il convient d'allouer à Mme [Aa] la somme de 5 000 euros à ce titre.


Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [Aa] de sa demande à ce titre.


Sur les frais de procédure


La société CONCUR FRANCE sera condamnée aux dépens.


Elle sera également condamnée à payer à Mme [Aa] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



PAR CES MOTIFS,


La cour,


Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [Y] [Aa] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,


Statuant à nouveau et y ajoutant,


Dit n'y avoir lieu à rejeter des débats la pièce n°30,


Dit le licenciement de Mme [Y] [Aa] nul,


Ordonne la réintégration de Mme [Y] [Aa] dans son emploi ou un emploi équivalent,


Condamne la société CONCUR FRANCE à payer à Mme [Ae] [Aa] un rappel de salaire entre la date de son licenciement et celle de sa réintégration,


Condamne la société CONCUR FRANCE à payer à Mme [Y] [Aa] les sommes de :

- 5 000 euros de dommages et intérêts

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


Condamne la société CONCUR FRANCE aux dépens.


LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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