La lettre juridique n°491 du 28 juin 2012 : Fiscalité financière

[Jurisprudence] Assujettissement à l'IS des revenus mobiliers tirés du placement des sommes déposées dans les caisses des CARPA : la sanction de la rente

Réf. : CAA Lyon, 5ème ch., 24 mai 2012, n° 11LY01141, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8185INH)

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N2635BTR

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par Bernard Thévenet, Conservateur des hypothèques honoraire, Avocat au barreau de Lyon

le 11 Juillet 2012

Dans un arrêt rendu le 24 mai 2012, la cour administrative d'appel de Lyon a accueilli le pourvoi formé par le ministre du Budget visant à assujettir la CARPA Lyon Ardèche à l'IS à raison des produits financiers qu'elle tire des placements opérés par elle avec l'argent déposé par les avocats dans ses caisses. La cour, après avoir rappelé qu'une association constituée en application de la loi de 1901 n'est pas passible, pour ses activités à but non lucratif, de l'IS, décide que les revenus des capitaux mobiliers dont la CARPA dispose relèvent de cet impôt, alors même que l'association n'en aurait la disposition qu'à titre de dépositaire. En revanche, ne sont pas à comprendre dans les bases d'imposition à l'IS, celles des recettes de l'association qui lui ont été procurées par une activité indissociable du but non lucratif poursuivi par elle, et dont la perception découle, non de la mise en valeur d'un patrimoine ou du placement de sommes disponibles, mais de la réalisation même de la mission désintéressée qui correspond à son objet social, ce qui n'est pas le cas des sommes déposées par des avocats. I - Les éléments du litige

A - Le contexte

La Caisse des règlements pécuniaires des avocats aux barreaux de Lyon et de l'Ardèche (CARPA Lyon Ardèche), constituée sous forme d'une association à but non lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901 (loi du 1er juillet 1901, relative au contrat d'association N° Lexbase : L3076AIR), a pour objet d'organiser tous services destinés à faciliter l'exercice de la profession d'avocat et, en particulier, de tenir une caisse pour le maniement des fonds provenant des séquestres amiables et judiciaires et des ventes immobilières.

La CARPA Lyon Ardèche a spontanément déclaré et acquitté, au titre des années 2000 à 2005, l'impôt sur les sociétés au taux réduit de 10 % sur ses revenus issus de placements de fonds. Pour l'exercice 2006, elle n'a pas acquitté la cotisation d'impôt sur les sociétés établie sur la base de sa déclaration qui a été mise en recouvrement le 5 octobre 2007. Elle a demandé le dégrèvement d'office des impositions acquittées au titre des exercices 2000 à 2003 et la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2004 à 2006.

B - Une décision favorable du tribunal administratif

Après le rejet de ses réclamations par l'administration fiscale, la CARPA Lyon Ardèche a saisi le tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement en date du 22 février 2011, a reconnu fondée la demande de décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles la caisse a été assujettie au titre des années 2004 à 2006, mais a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'administration de ne pas accorder le dégrèvement d'office au titre des années 2000 à 2003. Le ministre du Budget a fait appel de cette décision.

C - Annulation du jugement par la cour administrative d'appel de Lyon

Dans son arrêt du 24 mai 2012, la cour administrative d'appel de Lyon a rappelé, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ) et du décret du 27 novembre 1991 (décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L8168AID) que :

  • les caisses des règlements pécuniaires des avocats ont été instituées par le législateur et que leur ont été confiées différentes missions, au nombre desquelles figure la gestion des fonds, effets ou valeurs reçus par les avocats pour le compte de leurs clients ;
  • l'adhésion des avocats à ces caisses est obligatoire ;
  • la loi prévoit que les fonds perçus par les caisses doivent obligatoirement être affectés aux services d'intérêts collectifs de la profession d'avocat, à la couverture des dépenses de fonctionnement de l'aide juridictionnelle et au financement de l'aide à l'accès au droit.

Ce rappel étant fait, la cour a considéré que la CARPA Lyon Ardèche, association régie par la loi du 1er juillet 1901, n'était pas passible de l'impôt sur les sociétés de droit commun (CGI, 206-1 N° Lexbase : A1343AQS) dès lors qu'elle se bornait, pour les avocats inscrits aux barreaux de Lyon et de l'Ardèche, à exercer les attributions dévolues aux caisses des règlements pécuniaires des avocats par les dispositions législatives et réglementaires rappelées supra, et qu'elle établissait que sa gestion était désintéressée.

S'agissant de l'imposition au taux réduit de l'impôt sur les sociétés des revenus de capitaux mobiliers, la cour a rappelé que, pour l'application des dispositions du 5 de l'article 206 du CGI précité, doivent être compris dans les bases d'imposition les revenus des capitaux mobiliers dont une association dispose, et notamment les produits des placements de sommes en attente d'emploi, alors même que l'association n'en aurait la disposition qu'à titre de dépositaire. En revanche, ne sont pas à comprendre dans les bases d'imposition à l'IS, celles des recettes de l'association qui lui ont été procurées par une activité indissociable du but non lucratif poursuivi par elle et dont la perception découle, non de la mise en valeur d'un patrimoine ou du placement de sommes disponibles, mais de la réalisation même de la mission désintéressée qui correspond à son objet social.

Or, en l'espèce, la cour a considéré que, même si la CARPA Lyon Ardèche est autorisée, pour ses fonds propres comme pour les fonds qui lui sont confiés, à procéder au placement de ces fonds, et même si les produits financiers qu'elle peut ainsi se procurer participent de ses sources principales de financement et doivent, par détermination de la loi, être obligatoirement réinvestis dans les missions d'intérêt collectif qu'elle gère, la perception de ces produits ne peut être regardée comme découlant directement de la réalisation même de la mission désintéressée qui correspond à son objet social, mais de l'activité complémentaire de placement desdits fonds. Par suite, ces produits financiers entrent dans le champ d'application des dispositions du 5 de l'article 206 du CGI, autrement dit sont imposables au taux réduit de l'IS.

II - Commentaire

Le régime fiscal des organismes sans but lucratif et, notamment, des associations, varie selon la nature des revenus. Les éventuels bénéfices tirés des activités correspondant à l'objet de l'association sont en principe exonérés de l'IS. En revanche, les revenus patrimoniaux sont, sauf exception, imposables à l'IS, mais à des taux réduits.

A - L'impôt sur les sociétés de droit commun

1 - Dispositions légales

Les personnes morales sont assujetties à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 206-1 du CGI qui prévoit : "sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée, [...] et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif".

A contrario, les personnes morales qui exercent une activité sans but lucratif ne sont donc pas passibles de l'impôt sur les sociétés.

2 - La doctrine administrative

L'administration fiscale a précisé dans son instruction du 18 décembre 2006 (BOI 4 H-5-06 N° Lexbase : X7805ADG) que pour déterminer si les opérations d'une association sont ou non lucratives, il convient d'examiner :
- si sa gestion est désintéressée ou non ;
- si elle concurrence, ou non, le secteur commercial ;
- et si, en cas de réponse positive à la question précédente, elle exerce son activité selon des modalités de gestion similaires ou différentes de celles des entreprises commerciales.

3 - Situation de la CARPA Lyon Ardèche

S'agissant de l'assujettissement à l'IS de droit commun, la cour administrative d'appel de Lyon tranche rapidement la question. En effet, dès lors que la CARPA Lyon Ardèche ne fait qu'exercer les attributions dévolues par des dispositions législatives et réglementaires aux caisses des règlements pécuniaires des avocats, et qu'il est établi que sa gestion est désintéressée, elle n'est pas passible de l'IS de droit commun (CGI, art. 206-1). Autrement dit, la gestion de cette CARPA étant désintéressée, et son activité ne concurrençant pas le secteur commercial, son caractère non lucratif doit être reconnu sans hésitation. Même si la question de la lucrativité a été, à juste titre, rapidement tranchée, il était nécessaire qu'elle le fût. En effet, si, compte tenu des conditions de gestion de la CARPA Lyon Ardèche et/ou de la nature de ses activités, il y avait eu lieu de conclure que l'activité de l'association avait un caractère lucratif, la question de l'assujettissement ou non de ses revenus de capitaux mobiliers à l'IS (CGI, art. 206-5) devenait immédiatement sans objet. En effet, dans un tel cas, les produits financiers sont, purement et simplement, rattachés aux résultats de l'activité lucrative.

B - L'impôt sur les sociétés frappant les revenus patrimoniaux

1 - Dispositions légales

L'article 206-5 du CGI prévoit que : "sous réserve des exonérations prévues aux articles 1382 (N° Lexbase : L5733IRR) et 1394 (N° Lexbase : L8980IQN), les établissements publics, autres que les établissements scientifiques, d'enseignement et d'assistance, ainsi que les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition, à l'exception, d'une part, des fondations reconnues d'utilité publique et, d'autre part, des fonds de dotation dont les statuts ne prévoient pas la possibilité de consommer leur dotation en capital, sont assujettis audit impôt en raison des revenus patrimoniaux qui ne se rattachent pas à leurs activités lucratives.
Sont qualifiés de revenus patrimoniaux :
a. les revenus de la location des immeubles bâtis et non bâtis dont ils sont propriétaires, et de ceux auxquels ils ont vocation en qualité de membres de sociétés immobilières de copropriété visées à l'article 1655 ter
(N° Lexbase : L1910HMP) ;
b. les revenus de l'exploitation des propriétés agricoles ou forestières ;
c. les revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent, lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à la source visée à l'article 119 bis
(N° Lexbase : L3387IGK) ;
ces revenus sont comptés dans le revenu imposable pour leur montant brut
".

2 - Application s'agissant des revenus de capitaux mobiliers

Sont imposables à l'IS, en vertu de l'article 206-5, c du CGI, les revenus de capitaux mobiliers dont disposent les associations, lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à la source visée à l'article 119 bis du CGI. Selon la nature de ces revenus, le taux d'IS applicable est différent.

3 - Les différents taux

a - Taux de 10 %

Sont taxables aux taux de 10 % :

- les produits attachés aux titres de créances négociables sur un marché réglementé en application d'une disposition législative particulière et non susceptibles d'être cotés. Entrent actuellement dans cette définition, les certificats de dépôts, les billets de trésorerie, les billets dénommés bons des institutions financières spécialisées et les bons du Trésor en compte courant, les bons des sociétés financières et les bons à moyen terme négociables. Pour ces produits, sont imposables, les intérêts et tous produits du capital représentés par le titre de créance, ainsi que toutes les prestations que le créancier reçoit à titre de rémunération complémentaire du capital, notamment sous forme de prime de remboursement. En revanche, les gains qui résultent de la cession des titres en cause ne sont pas imposables. En effet, les plus-values ne figurent pas au nombre des revenus soumis à l'impôt sur les sociétés entre les mains des organismes sans but lucratif au titre de l'article 206-5 du CGI (Doc. adm. 4 H-6112) ;

- les revenus des obligations, des titres participatifs, des effets publics et de tous autres titres d'emprunts négociables émis à compter du 1er janvier 1987 par l'Etat, les départements, les communes, les établissements publics français, les associations de toute nature, les sociétés, les compagnies et entreprises quelconques financières, ainsi que les lots et primes de remboursement attachés à ces titres.

b - Taux de 15 %

S'agissant des exercices clos à compter du 31 décembre 2009, les dividendes de source française ou étrangère perçus par les organismes sans but lucratif sont imposables au taux de 15 %.

c - Taux de 24 %

Il y a lieu de considérer que le taux de 24 % est le taux normal et qu'il s'applique dès lors que les taux de 10 et 15 % ne sont pas applicables. Sont, notamment, taxables pour leur montant brut, au taux de 24 % :
- les intérêts, arrérages et autres produits des créances, dépôts, cautionnements et comptes courants ;
- les avances, prêts ou acomptes reçus en qualité d'associés de sociétés de capitaux.

4 - Revenus de capitaux mobiliers non imposables

Deux catégories de revenus de capitaux mobiliers ne sont pas imposables à l'impôt sur les sociétés prévu à l'article 206-5 du CGI : les revenus expressément exonérés et les revenus considérés comme indissociables de l'activité non lucrative.

a - Revenus de capitaux mobiliers expressément exonérés

Les associations imposables en vertu du 5 de l'article 206 n'ont pas à comprendre, dans leurs revenus imposables :

  • les intérêts des sommes inscrites sur les livrets A et sur les anciens comptes d'épargne-construction, mentionnés aux articles L. 315-19 (plus en vigueur [LXB= L7422ABI]) à L. 315-32 du Code de la construction et de l'habitation dans un plafond de 76 500 euros (CGI, art. 208 ter, a N° Lexbase : L7435ABY) ;
  • les intérêts des sommes inscrites sur les comptes spéciaux sur livrets ouverts avant le 1er janvier 2009, dans des conditions définies par décret, par les caisses de crédit mutuel adhérentes à la Confédération nationale du crédit mutuel dans un plafond de 76 500 euros (CGI, art. 208 ter B-1 N° Lexbase : L2721IBE).
  • les intérêts, arrérages et autres produits des emprunts non négociables contractés par les régions, départements, communes, syndicats de communes et établissements publics ;
  • les produits qui entrent dans le champ d'application de la retenue à la source, en particulier les bons de caisse (CGI, art. 1678 bis N° Lexbase : L2008HMC) ;
  • les intérêts de bons sur formule qui sont soumis d'office à un prélèvement libératoire.

b - Revenus de capitaux mobiliers considérés comme indissociables de l'activité non lucrative

Le Conseil d'Etat considère que les dispositions de l'article 206-5 du CGI, c'est-à-dire l'assujettissement à l'IS des revenus de la gestion patrimoniale, ne trouvent pas à s'appliquer aux associations dont les revenus de cette nature proviennent d'une activité indissociable du but non lucratif qu'elle s'est assignée.

Cette jurisprudence, qui a été élaborée à l'égard des revenus fonciers et des bénéfices agricoles, est également applicable aux revenus de capitaux mobiliers.

C'est ainsi que le Conseil d'Etat a considéré que les revenus, qu'un comité interprofessionnel du logement (CIL) retire des prêts consentis à des taux plus avantageux que ceux du marché à des personnes appartenant à des catégories sociales dignes d'intérêt, ne sont pas imposables à l'IS frappant les revenus patrimoniaux des organismes sans but lucratifs (CE 7° et 8° s-s-r., 19 octobre 1988, n° 63939, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6765APA). Ces prêts, qui sont consentis dans un but non lucratif, participent de l'objet même du comité et les revenus qui en sont retirés ne résultent pas de la gestion du patrimoine au sens des dispositions de l'article 206-5 du CGI.

Dans ses conclusions, le commissaire du Gouvernement Le Roy a indiqué la distinction qu'il lui semblait devoir être faite des "trois régimes d'imposition dont sont susceptibles de relever les intérêts de créances perçus par un organisme non lucratif tel qu'un CIL, selon l'affectation du patrimoine qui les produit :
- non assujettissement des intérêts qui naissent de l'affectation du patrimoine (en l'espèce les fonds collectés) à l'objet non lucratif ;
- assujettissement au taux de droit commun (CGI, art. 206-1
N° Lexbase : L0111IKC) pour les intérêts qui proviendraient, le cas échéant, d'une activité commerciale (et s'y rattacheraient) ;
- assujettissement, en vertu de l'article 206-5, pour les seuls intérêts nés des placements s'apparentant à une gestion civile du patrimoine, non assimilable, ni rattachable à des BIC...
" (RJF, 1988, p. 217, concl. Le Roy).

Cette jurisprudence a été confirmée en ce qui concerne des intérêts perçus par un CIL à raison de prêts consentis à des sociétés de construction. En effet, précise l'arrêt, le comité fait valoir, sans être contredit par l'administration, que lesdits intérêts résultent de l'application de conventions conclues en conformité avec les dispositions réglementaires applicables en la matière et ont été utilisés, conformément aux prescriptions de l'article R. 313-25 du Code de la construction (N° Lexbase : L1506ITX), pour la réalisation de l'objet social dudit comité. Le moyen invoqué par l'administration pour justifier l'assujettissement des intérêts dont il s'agit est inopérant dès lors qu'il consiste simplement à relever que les prêts productifs des intérêts en litige ont été consentis pour une durée pouvant aller jusqu'à cinq ans, à des sociétés commerciales de droit commun à des taux allant de 8 à 13,5 %.

En revanche, le Conseil d'Etat a jugé que le CIL de Voiron n'était pas fondé à revendiquer l'exonération des revenus de capitaux mobiliers ou les produits des placements des sommes en attente d'emploi dont il disposait (CE 9° et 8° s-s-r., 1er octobre 1993, n° 96424, inédit au recueil Lebon [LXB=A11026ANC]). En effet, ces revenus ne pouvaient être regardés, ni comme la contrepartie de services rendus à ses membres, ni comme le produit d'opérations faites à des prix homologués par l'autorité publique ou à des prix non comparables à ceux du secteur commercial.

De la même façon, les produits financiers tirés du placement des ressources dont bénéficie le Groupement national interprofessionnel des semences et plants, qui a pour objet la surveillance et le contrôle du marché des graines de semences et des plants, ont été considérés comme taxables par le Conseil d'Etat (CE 9° et 8° s-s-r., 25 janvier 1989, n° 58877, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0848AQH). En effet, bien que le groupement ait soutenu que, compte tenu des aléas culturaux inhérents à toute activité agricole et dont dépend le volume de ses ressources, il est tenu de se constituer des recettes financières lui permettant d'assurer la permanence de ses activités, le juge a, pour sa part, considéré que les produits financiers retirés par le Groupement du placement des sommes non utilisées constituent des revenus de capitaux mobiliers qui ne peuvent pas être regardés comme des recettes procurées par une activité indissociable du but non lucratif qu'il poursuit et dont la perception découlerait de la réalisation même de sa mission désintéressée.

Il a, également, été jugé que les revenus perçus par l'Office franco-québécois pour la jeunesse ne peuvent pas être regardés comme indissociables du but poursuivi par cet organisme, dès lors que ces revenus sont le produit de placements de sommes en attente d'emploi (CAA Paris, 6 décembre 1990, n° 89PA00908, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8931A8B).

Cette jurisprudence n'est pas d'une clarté aveuglante. Il faut comprendre, semble-t-il, que lorsqu'une association, comme une CARPA, dispose de fonds en attente d'emploi et que, en gestionnaire avisé, elle place ces fonds dans le but d'en retirer des produits financiers, cet acte de gestion est, sauf exception, détachable de la mission désintéressée qui correspond à son objet social. Mais il est aussi possible de soutenir la position inverse, consistant à dire que les placements avisés de l'association vont lui procurer des nouvelles ressources qui lui permettront une action plus soutenue dans le cadre de sa mission désintéressée. Toutefois, cette thèse reviendrait à priver l'article 206-5 de toute portée puisque, dans la généralité des cas, les revenus patrimoniaux vont abonder les autres ressources de l'association, celles spécifiquement dédiées à l'activité non lucrative.

Or, cet assujettissement à l'IS des revenus patrimoniaux vise à "sanctionner" fiscalement les associations qui, grâce, à leurs excédents de recettes, accumulent du patrimoine et se transforment en rentières, étant observé que ces excédents de recettes sont, en général, regardés comme un indice de lucrativité. Pourtant, s'agissant des organismes dont la vocation est de collecter des fonds en attente d'emploi, la thèse de la constitution d'une rente n'est pas opérante. Si les produits financiers retirés du placement de ces fonds constituent, sans doute, une aubaine, ne pas procéder à ces placements serait une faute. En ce qui concerne les CARPA, il est évident que ce sont les produits financiers procurés par ses placements qui lui permettent de participer, plus ou moins, selon les gains obtenus, au financement des actions de formation, des dépenses de fonctionnement du service de l'aide juridictionnelle et de l'aide à l'accès au droit. Mais cette participation aux frais du barreau, relatifs à ces actions, ne correspond pas à l'objet statutaire des CARPA, qui est d'organiser tous services destinés à faciliter l'exercice de la profession d'avocat et, en particulier, de tenir une caisse pour le maniement des fonds provenant des séquestres amiables et judiciaires et des ventes immobilières. Par conséquent, les produits financiers tirés des placements des fonds en attente de placement ne sont pas directement liés à la réalisation de l'objet social, ils sont simplement le fruit d'une bonne gestion dissociable du but non lucratif. Il est autorisé de penser que, pour les CARPA, seuls les produis financiers retirés des services destinés à faciliter l'exercice de la profession d'avocat pourraient répondre au critère d'exonération défini par la jurisprudence : il pourrait s'agir, par exemple, des intérêts produits par des prêts consentis à des taux inférieurs à ceux du marché à des avocats qui s'installent, qui investissent, ou connaissent des difficultés financières. En effet, ces produits financiers seraient tirés d'une activité indissociable du but non lucratif poursuivi, notamment la fourniture de services destinés à faciliter l'exercice de la profession d'avocat.

Il reste à attendre la décision du Conseil d'Etat (s'il a été saisi), lequel devrait, selon toute logique, confirmer sa propre jurisprudence, à moins d'un revirement...

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