Le Quotidien du 27 novembre 2020 : Contrats et obligations

[Brèves] Le généalogiste et la gestion d’affaires : précision quant aux conditions de la gestion d’affaires et rappel quant à ses effets

Réf. : Cass. civ. 1, 18 novembre 2020, n° 19-10.965, F-P+B (N° Lexbase : A508537H)

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[Brèves] Le généalogiste et la gestion d’affaires : précision quant aux conditions de la gestion d’affaires et rappel quant à ses effets. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/61548982-breves-le-genealogiste-et-la-gestion-daffaires-precision-quant-aux-conditions-de-la-gestion-daffaire
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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

le 25 Novembre 2020

► Une gestion d’affaires est caractérisée dès lors que le généalogiste a permis, non pas de révéler la qualité d’héritier, mais de certifier la qualité d’héritier exclusif ; à défaut de contrat, il ne peut pas percevoir une rémunération, il ne peut prétendre qu’au remboursement des frais utiles ou nécessaires qu’il a exposés pour ses recherches.

Faits. Les arrêts relatifs à la gestion d’affaires ne sont pas légion et plus rares encore sont ceux qui viennent apporter une précision nouvelle. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 18 novembre 2020 est de ceux-ci. En l’espèce, un notaire avait mandaté un généalogiste. Ses recherches avaient permis de conclure que le de cujus n’avait qu’un seul et unique héritier. Cet héritier avait certes connaissance de sa qualité de seul héritier dans la branche maternelle, mais il ignorait s’il était le seul à pouvoir prétendre à cette qualité dans la branche paternelle, ce que l’intervention du généalogiste permit d’établir. C’est afin d’obtenir le paiement d’une somme correspondant à une quote-part de la succession que le généalogiste assigna en justice l’héritier.

Procédure et moyens. La cour d’appel (CA Douai, 4 octobre 2018, n° 17/01166 N° Lexbase : A5033X9B) caractérisa l’existence d’une gestion d’affaires et condamna le maître de l’affaire à verser un pourcentage de la succession. L’héritier forma un pourvoi en cassation au soutien duquel il invoquait l’impossibilité de caractériser, en l’espèce, une gestion d’affaires et donc l’absence de rémunération due au généalogiste. En effet, il considérait que « le généalogiste successoral ne peut prétendre à une indemnisation que si son intervention a été utile à l’héritier », ce qui n’était pas le cas en l’espèce, dès lors que l’héritier était en mesure de démontrer qu’il était seul à avoir cette qualité du côté maternel. En outre, le pourvoi considérait que, faute de preuve d’investigation rapportée par le généalogiste, aucune rémunération ne lui était due.

Solution. La première chambre civile casse l’arrêt d’appel, mais seulement en ce qui concerne la fixation de la rémunération du généalogiste.

(1) S’agissant d’abord des conditions de reconnaissance de la gestion d’affaires, la cour de cassation apporte ici une précision. Elle considère en effet que, si l’intervention « n’avait pas eu d’utilité quant à la révélation du décès [du de cujus] à [l’héritière assignée en paiement par le généalogiste], laquelle n’ignorait pas qu’elle était la seule héritière dans la ligne maternelle », l’intervention « avait, en écartant l’existence d’autres héritiers possibles dans les deux lignes, rendu service à [l’héritière] en permettant de certifier sa qualité d’héritière exclusive ». C’est ainsi la condition tenant à l’utilité de l’immixtion du tiers (v. A. Bénabent, Droit des obligations, LGDJ, coll. Précis Domat, 18e éd., 2019, n° 444 et suivants) qui est précisée. La première chambre civile rappelle que la gestion d’affaires ne peut être invoquée par le généalogiste lorsque l’héritier aurait eu connaissance de la succession sans l’intervention du généalogiste (v. not. Cass. civ. 1, 31 janvier 1995, n° 93-11.974 N° Lexbase : A7600AB4). Mais, et c’est là tout l’intérêt de l’arrêt, la qualification de gestion d’affaires n’est pas pour autant exclue. Celle-ci demeure possible dès lors que l’intervention du généalogiste a permis de « certifier la qualité d’héritier exclusif ». Mais la question de la caractérisation de la gestion d’affaires n’est qu’un préalable à celle de la rémunération du généalogiste.

(2) S’agissant ensuite de la rémunération due au gérant par le maître de l’affaire. La Cour de cassation se contente d’un simple rappel. Au visa de l’ancien article 1375 du Code civil (N° Lexbase : L1481ABH), applicable aux faits de l’espèce et relatif aux obligations du maître de l’affaire, elle rappelle qu’ « en cas de gestion d’affaires, ce texte n’accorde au gérant que le remboursement des dépenses utiles ou nécessaires qu’il a faites, mais non le paiement d’une rémunération, quand bien même, il aurait agi à l’occasion de sa profession. Il en résulte que le généalogiste qui, par son activité professionnelle, a rendu service à l’héritier, ne peut être indemnisé, en l’absence de tout contrat, qu’à hauteur des dépenses spécifiques, utiles ou nécessaires qu’il a exposées pour la recherche de l’héritier considéré ou la détermination de ses droits successoraux ». La première chambre civile rappelle ainsi que le généalogiste, comme tout gérant d’affaire, ne peut pas, à défaut de contrat, percevoir de rémunération, même s’il agit dans le cadre de sa profession (v. not. Cass. com., 15 déc. 1992, n° 90-19.608 N° Lexbase : A4755ABQ). Il ne peut ainsi prétendre qu’au remboursement des frais « utiles et nécessaires » (v. C. civ., anc. art. 1375). Rendue sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016, la solution devrait être maintenue sous l’empire du nouvel article 1301-2 alinéa 2 du Code civil (N° Lexbase : L0638KZN) (en ce sens O. Deshayes, Th. Genicon et Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, LexisNexis, 2e éd., 2018, sous l’art. 1301-2, p. 617). En effet, le texte précise que le maître de l’affaire « rembourse au gérant les dépenses faites dans son intérêt et l’indemnise des dommages subis en raison de sa gestion ». Tout au plus faut-il relever qu’il ne vise plus les dépenses « utiles et nécessaires » mais les dépenses faites dans l’intérêt du maître.

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