La lettre juridique n°841 du 29 octobre 2020 : Responsabilité médicale

[Brèves] Irrecevabilité de la plainte de deux médecins français ayant été condamnés pénalement pour escroquerie après une sanction administrative du Conseil national de l’Ordre des médecins

Réf. : CEDH, 22 octobre 2020, n° 59389/16, Communiqué de presse

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N5078BYQ

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[Brèves] Irrecevabilité de la plainte de deux médecins français ayant été condamnés pénalement pour escroquerie après une sanction administrative du Conseil national de l’Ordre des médecins. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/61114829-breves-irrecevabilite-de-la-plainte-de-deux-medecins-francais-ayant-ete-condamnes-penalement-pour-es
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par Laïla Bedja

le 28 Octobre 2020

► La décision prise contre les requérants par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins en application des articles L. 145-1 (N° Lexbase : L4653ADP) et L. 145-2 (N° Lexbase : L8916LHP) du Code de la Sécurité sociale n’est pas une « condamnation » pour une « infraction », au sens de l’article 4 du protocole n° 7 (droit à ne pas être jugé ou puni deux fois).

Les faits. Les requérants sont deux médecins spécialisés en rééducation fonctionnelle. Associés au sein d’un cabinet, ils exercent en honoraires libres. Après un contrôle effectué sur les demandes de remboursement entre février et juillet 2017, la caisse primaire d’assurance maladie a estimé que les requérants avaient facturé des prestations indues. De plus, en avril 2008, un contrôle du cabinet par l’Autorité de sûreté nucléaire a révélé que les radios étaient effectuées au cabinet par du personnel non titulaire du diplôme officiel. Une plainte a alors été déposée par le médecin-conseil de la caisse devant le conseil régional de l’Ordre des médecins d’Alsace. Une sanction d’interdiction de donner des soins pendant vingt-quatre mois, dont douze avec sursis, a été prononcée par la section des assurances sociales de ce conseil ; sanction ramenée à quatre mois par la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins dans une décision du 15 octobre 2009, sur appel des praticiens.

Parallèlement à cette procédure, la caisse avait aussi déposé plainte devant le procureur de la République de Colmar et une instruction fut ouverte du chef d’escroquerie le 25 mars 2009.

Le 21 mars 2014, une relaxe fut prononcée par le tribunal correctionnel de Colmar mais les juges déclarèrent les médecins coupables d’escroquerie, d’exercice illégal de la profession de manipulateur d’électroradiologie médicale et de tromperie sur la nature, la qualité ou le régime d’une prestation de service. Ils furent condamnés à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et au paiement d’une amende de 25 000 euros. La condamnation fut confirmée en appel, les juges portant la peine d’emprisonnement à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis et ajoutant une interdiction d’exercer la profession de médecin pendant un an. Le pourvoi en cassation formé par les médecins a été rejeté.

La requête. Devant la CEDH, les requérants invoquent l’article 4 du Protocole n° 7 à la Convention, et se plaignent d’avoir été condamnés par le juge pénal pour escroquerie à raison de faits pour lesquels ils avaient déjà fait l’objet d’une sanction.

La décision de la CEDH. Énonçant la solution précitée, la Cour dit irrecevable la requête. La question était de savoir si les requérants qui ont été condamnés une première fois pour fautes à l’occasion de soins dispensés à des assurés sociaux ont été condamnés pour une « infraction pénale » au sens de l’article 4 du Protocole n° 7. Pour déterminer si une procédure est pénale, la Cour utilise les trois critères dits « Engel » relatifs à la notion « d’accusation en matière pénale » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention (N° Lexbase : L7558AIR) :

  • la qualification juridique de l’infraction en droit national,
  • la nature même de celle-ci,
  • la nature et le degré de sévérité de la sanction encourue.

La Cour rappelle qu’elle considère de longue date que les procédures disciplinaires ne relèvent pas comme telles de la « matière pénale ».

Appliquant ces critères, la Cour constate que poursuivis devant la juridiction disciplinaire du Conseil national de l’Ordre, les requérants n’étaient pas poursuivis pour une infraction relevant, en droit français, du droit pénal. Ensuite, la Cour estime que la nature même de l’infraction de l’article L. 145-1 du Code de la Sécurité sociale n’est pas pénale. Elle observe que les sanctions pouvant être prises en application de l’article 145-2 du Code de la Sécurité sociale, ne sont pas pénales puisqu’il s’agit de l’avertissement, du blâme, de l’interdiction temporaire ou permanente d’exercer, et, dans le cas d’abus d’honoraires, du remboursement ou reversement des sommes indues. La Cour constate enfin que si l’interdiction de donner des soins peut, certes, être sévère puisqu’elle affecte la capacité du médecin à exercer sa profession, l’article 145-2 ne prévoit ni amendes ni mesures privatives de liberté.

Pour en savoir plus :

  • ÉTUDE : Le contentieux disciplinaire des professions de santé ou le contentieux du contrôle technique, La décision en matière de contentieux disciplinaire, in Droit de la protection sociale, Lexbase (N° Lexbase : E1737AE3)
  • C. Lantero, ÉTUDE : La responsabilité ordinale, Le pouvoir disciplinaire, in Droit médical, Lexbase (N° Lexbase : E12923RB)

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