Le Quotidien du 13 mai 2020 : Construction

[Brèves] Quand les travaux occasionnent un trouble anormal du voisinage doublé d’un empiètement !

Réf. : Cass. civ. 3, 26 mars 2020, n° 18-25.971, F-D (N° Lexbase : A60453K4)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 12 Mai 2020

► L’absence de violation de la règlementation est indifférente pour apprécier le caractère anormal du trouble du voisinage allégué ;

► l’empiètement consécutif à la réalisation de travaux bénéficie de l’usucapion.

Voici l’essentiel à retenir de l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 26 mars 2020 (Cass. civ. 3, 26 mars 2020, n° 18-25.971, F-D N° Lexbase : A60453K4).

Longtemps fondée sur les dispositions des articles 544 (N° Lexbase : L3118AB4) et 1240 (N° Lexbase : L0950KZ9) du Code civil, la formule selon laquelle « nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage » est aujourd’hui un principe général du droit. Autrement dit, cette création prétorienne s’applique en tant que principe, sans fondement textuel particulier.

Et sa mise en œuvre est redoutable. D’abord, parce qu’il s’agit d’une responsabilité objective. La preuve de l’absence de faute du voisin est indifférente (pour exemple, Cass. civ. 3, 25 octobre 1972, n° 71-12.434 N° Lexbase : A9839CIA). Ensuite, parce que la notion de trouble, forcément subjective, est aussi variée que soumise à la libre appréciation des juges du fond (pour exemple encore Cass. civ. 3, 14 janvier 2014, n° 12-29.545, F-D N° Lexbase : A7927KTR) pour un défaut de preuve de la perte d’ensoleillement alléguée). Enfin, parce que seule l’anormalité du trouble importe (pour exemple toujours, Cass. civ. 3, 2 décembre 1982, n° 80-13.159 N° Lexbase : A7994CES). Or, la qualification de ce qui est normal, ou non, est, sans jeu de mots, troublante en droit. Quel est le référentiel ? Le bon père de famille qui n’existe plus ?

Une grande variété de troubles peut ainsi être susceptible d’être qualifiée d’anormale. En l’espèce, il s’agissait de nuisances sonores. Le caractère anormal du trouble était contesté au moyen, notamment, que l’expert judiciaire avait constaté qu’il n’existait aucun désordre acoustique au regard de la règlementation. L’argument est, sans surprise, inopérant. Le respect de la règlementation n’est pas de nature à ôter tout caractère anormal au trouble. La jurisprudence est constante (pour un exemple explicite, v. CA Paris 16 mai 2003, Constr. Urb. 2003, p. 228). Le pourvoi est donc rejeté sur ce moyen.

L’action fondée sur la théorie des troubles anormaux du voisinage est une action en responsabilité qui ne doit pas se confondre avec l’action réelle tendant à la suppression d’un empiètement.

L’empiètement n’est donc pas une variété de trouble anormal du voisinage. En l’espèce, il est fait état des deux. Un particulier a fait bâtir un pavillon sur une parcelle contigüe à la parcelle appartenant au voisin. Imputant aux travaux mis en œuvre par son voisin un empiétement et un encastrement sur son propre bâtiment, le voisin l’assigne en rectification des ouvrages et en indemnisation.

Il s’agit donc de solliciter la suppression de l’atteinte au droit de propriété. La Cour de cassation fait montre d’une particulière fermeté sur l’empiètement. Ni les difficultés techniques, ni le coût exorbitant des travaux de reprise ou encore la faible importance de l’empiètement ne sont pris en compte (Cass. civ. 3, 13 janvier 2015, n° 13-17.339, F-D N° Lexbase : A4488M94). Il n’y a, finalement, que le critère de la proportionnalité qui semble plaidable (Cass. civ. 3, 6 juillet 2017, n° 15-17.278, F-P+B N° Lexbase : A8444WLC).

Le critère de la juste sanction n’était pas invoqué en l’espèce. Le voisin supposé auteur de l’empiètement avait invoqué l’acquisition, par prescription, de la propriété des empiètements réalisés.

L’usucapion, cette règle originale d’acquisition de la propriété par une possession prolongée sur un bien, pendant une durée de dix ou trente ans en fonction de la bonne foi du possesseur. Cette bonne foi, qui autorise la prescription dite « abrégée » de dix ans, est notamment établie lorsque le possesseur est en mesure de prouver un juste titre.

Tel est précisément le moyen qui entraîne la cassation de la décision d’appel. Les juges avaient, en effet, constaté la prescription acquisitive alors que l’assiette de l’empiètement litigieux n’aurait pas été comprise dans l’acte invoqué. Or, sans juste titre, l’usucapion est trentenaire.

Cette décision, malheureusement non publiée, permet ainsi de revenir sur l’articulation entre trouble anormal de voisinage et empiètement consécutifs à la réalisation de travaux.

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