Lexbase Social n°457 du 13 octobre 2011 : Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] L'affiliation des syndicats de cadres à la CGC-CFE en questions

Réf. : Cass. soc., deux arrêts, 28 septembre 2011, n° 10-26.693, FS-P+B+R (N° Lexbase : A1307HY3) et n° 10-19.113, FS-P+B (N° Lexbase : A1309HY7)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 13 Octobre 2011

Plus de trois ans après l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 réformant la démocratie sociale (loi n° 2008-789, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail [LXB= L7392IAZ]), et alors que les périodes transitoires dans les entreprises ne sont pas toutes terminées, la Cour de cassation continue d'apporter sa pierre à la compréhension de la réforme qui a laissé derrière elle de très nombreuses interrogations pratiques relatives, notamment, au régime applicable aux syndicats catégoriels (I). Dans deux arrêts en date du 28 septembre 2011, la Chambre sociale de la Cour de cassation écarte toute idée d'une inégalité de traitement injustifiée entre syndicats catégoriels, selon qu'ils sont ou non affiliés à la CGC-CFE (II), et précise qu'un syndicat est catégoriel parce que ses statuts l'indiquent, et non parce qu'il est affilié à la CGC-CFE (III).
Résumé

Cass. soc., 28 septembre 2011, n° 10-26.69, FS-P+B+R

Dès lors que les statuts d'un syndicat, même affilié à la CGC-CFE, lui donnent vocation "à rassembler tous les professionnels exerçant ou non des responsabilités d'encadrement", il peut présenter des candidats dans tous les collèges et sa représentativité sera établie en fonction des suffrages recueillis dans l'ensemble de ces collèges.

Cass. soc., 28 septembre 2011, n° 10-19.113, FS-P+B

Selon qu'elles sont ou non affiliées à une confédération catégorielle nationale, les organisations syndicales catégorielles ne se trouvent pas dans la même situation, et les dispositions des articles L. 2121-1 (N° Lexbase : L3727IBN), L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9) et L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD) du Code du travail, en ce qu'elles réservent aux organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale certaines modalités d'appréciation de la représentativité, ne méconnaissent pas les articles 5 de la Convention n° 135 de l'OIT, 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4744AQR), 5 et 6 de la Charte sociale européenne.

Commentaire

I - Les syndicats de cadres dans la réforme de la démocratie sociale

La menace planant sur les syndicats catégoriels. L'adoption, le 20 août 2008, de la réforme de la démocratie sociale a considérablement bouleversé le paysage syndical en modifiant les critères de la représentativité syndicale, toutes les organisations, y compris celle qui bénéficiaient jusqu'à lors de la présomption de représentativité en raison de leur affiliation à l'une des cinq grandes centrales, devant désormais faire la preuve d'une audience d'au moins 10 % des suffrages exprimés dans l'entreprise à l'occasion des dernières élections professionnelles (1).

Cette réforme, voulue par les partenaires sociaux eux-mêmes (2), s'est fixée pour objectif de renforcer la légitimité des organisations syndicales représentatives mais a eu deux séries de conséquences opposées puisque certains syndicats en place historiquement dans les entreprises en raison de leur affiliation à l'une des cinq grandes confédérations ont perdu leur représentativité, en raison d'échec électoraux cuisants, alors que d'autres organisations "émergentes" ont, au contraire, trouvé dans leur audience électorale le moyen d'accéder plus facilement à la représentativité.

Parmi les cinq grandes centrales syndicales, si la CGT, la CFDT et FO semblent armés pour survivre à l'épreuve du feu (pas partout, bien entendu), les syndicats catégoriels en général, y compris les syndicats de cadres, même affiliés à la CGC-CFE, se trouvent menacés en raison précisément de leur caractère catégoriel et du fait qu'ils ne présentent généralement pas de candidats dans le premier collège.

Le "cadeau" fait aux syndicats catégoriels. Pour leur permettre de survivre à la réforme, les partenaires sociaux, puis dans leur sillage la loi du 20 août 2008, leur ont réservé un traitement dérogatoire qui leur permet de mesurer le critère d'audience non pas dans tous les collèges électoraux, ce qui n'aurait pas de sens pour des syndicats ne présentant pas de candidats dans le premier collège, mais uniquement dans le ou les collèges de cadres, qu'il s'agisse de mesurer le seuil de 10 % exigé comme condition de représentativité dans l'entreprise ou celui de 30 % nécessaire à la validité des accords collectifs conclus.

S'agissant de la mesure des 10 %, l'article L. 2122-2 du Code du travail dispose que "dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives à l'égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel dans ces collèges, quel que soit le nombre de votants".

S'agissant des conditions de validité des accords collectifs, c'est l'article L. 2232-13 du Code du travail qui dispose que "la représentativité reconnue à une organisation syndicale catégorielle affiliée à une confédération syndicale catégorielle au titre des salariés qu'elle a statutairement vocation à représenter lui confère le droit de négocier toute disposition applicable à cette catégorie de salariés", et précise que "lorsque la convention ou l'accord ne concerne qu'une catégorie professionnelle déterminée relevant d'un collège électoral, sa validité est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés dans ce collège au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, et à l'absence d'opposition d'une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés dans ce collège à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants".

Difficultés d'application de la réforme pour les syndicats catégoriels. La mise en oeuvre d'un régime dérogatoire réservé aux syndicats catégoriels a immédiatement suscité de nombreuses interrogations, singulièrement au regard du principe d'égalité.

II - L'affiliation à la CGC-CFE et le principe d'égalité de traitement entre syndicats catégoriels

L'inégalité de traitement entre syndicats. Les premières interrogations concernant le respect par la réforme de la démocratie sociale du principe d'égalité de traitement entre syndicats portent sur l'inégalité par le dispositif dérogatoire propre aux syndicats catégoriels. Saisi dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité de cette question, le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré d'une atteinte au principe d'égalité après avoir relevé que les syndicats catégoriels ne se trouvent pas dans la même situation que les syndicats intercatégoriels, compte tenu de l'objet même de leur vocation statutaire (3). L'argument n'était guerre discutable, à condition toutefois de vérifier que ce régime plus favorable reconnu aux syndicats catégoriels apparaissait comme la compensation d'une moindre capacité à représenter les salariés, compte tenu précisément de leurs statuts plus restrictifs, ce qui malheureusement n'apparaît pas comme une réserve pourtant nécessaire dans la décision rendue par le Conseil (4).

L'inégalité de traitement entre syndicats catégoriels. C'est cette fois-ci sous l'angle de la différence de traitement introduite entre syndicats catégoriels que la question se posait de nouveau, mais non pas au regard du principe constitutionnel d'égalité ou de liberté syndicale, ce qui relève de la seule compétence du Conseil constitutionnel (5), mais au regard de différentes normes internationales qui garantissent les mêmes droit.

Il faut dire que les articles L. 2122-2 et L. 2232-13 réservent le bénéfice du mode de calcul particulier de l'audience qu'aux "organisations syndicales qui, selon leurs statuts, ont vocation à représenter certaines catégories de travailleurs et qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale", ce qui impose de faire la preuve et de son caractère catégoriel, et de son affiliation à la CGC-CFE, puisqu'en réalité seule cette confédération remplit le second critère.

L'affaire. Cette affaire mettait en cause le Syndicat national des praticiens de la mutualité agricole (SNPMA), syndicat catégoriel, qui prétendait désigner deux délégués syndicaux alors que son score, rapporté aux suffrages exprimés dans l'ensemble des collèges, était inférieur à 10 %, mais qui atteignait ce score dans le seul collège des cadres.

La MSA du Maine-et-Loire ayant saisi le tribunal d'instance d'une demande tendant à la nullité de ces désignations, compte tenu de l'absence de représentativité du syndicat, ce dernier avait dans un premier temps posé une question prioritaire de constitutionnalité qui, après transmission par les juges du fond puis par la Cour de cassation, avait été rejetée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 12 novembre 2010 (6), le Conseil ayant considéré que la question avait déjà été tranchée dans sa décision du 7 octobre dans le sens d'une différence de situation entre syndicats catégoriels et intercatégoriels (7).

L'instance reprenant, le syndicat avait alors invoqué plusieurs arguments d'inconventionnalité qui avaient été dans un premier temps mis de côté en raison du caractère "prioritaire" de la QPC.

Selon ce syndicat, en effet, en conditionnant la mesure de l'audience électorale du syndicat catégoriel SNPMA au sein du troisième collège à son affiliation à une confédération syndicale catégorielle représentative sur le plan national et interprofessionnel, et en considérant que faute de remplir cette condition d'affiliation, son audience électorale devait être mesurée tous collèges confondus pour désigner un délégué syndical, la mesure avait pour effet de le pénaliser et portait ainsi atteinte à la liberté d'un syndicat d'adhérer ou non à une autre organisation syndicale et à l'égalité entre syndicats catégoriels en fonction de leur affiliation ou non à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle, ce qui constituerait une violation des articles 5 de la Convention n° 135 de l'OIT (8), 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (9), 5 et 6 de la Charte sociale européenne (10), et 6 et 8 du Préambule de la constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L1356A94).

Le rejet prévisible du pourvoi. Compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, fondée sur la différence de situation entre les syndicats catégoriels affiliés et les syndicats intercatégoriels, et la propre jurisprudence de la Cour de cassation qui avait déjà affirmé la comptabilité des principaux aspects de la loi du 20 août 2008 au principe de liberté syndicale (11), il était assez vraisemblable que les arguments ne prospèreraient pas.

On ne sera donc pas véritablement surpris par le rejet du pourvoi dans cette affaire et par la justification retenue par la Cour de cassation : "selon qu'elles sont ou non affiliées à une confédération catégorielle nationale, les organisations syndicales catégorielles ne se trouvent pas dans la même situation".

Une solution mal justifiée. La solution mérite toutefois quelques explications supplémentaires car l'affirmation selon laquelle les syndicats ne se trouvent pas dans une même situation est des plus lapidaires.

Certes, il est vrai que selon qu'ils sont ou non affiliés à la CGC-CFE, les syndicats catégoriels ne se trouvent pas dans la même situation, les uns étant affiliés et pas les autres... Certes ! Mais ce constat ne vaut que pour autant qu'on met en perspective la situation des personnes dont on compare le traitement, et la nature de l'avantage ou de la prérogative juridique en cause. Or, si l'argument vaut entre syndicats catégoriels et syndicats intercatégoriels, à condition d'admettre, toutefois, que les syndicats catégoriels voient leurs prérogatives statutairement limitées, on ne le comprends pas nécessairement lorsqu'il s'agit de comparer la situation des syndicats catégoriels selon qu'ils sont ou non affiliés à la CGC-CFE, car tous deux sont catégoriels et ne peuvent, pour cette raison et en principe, présenter de candidats que dans les collèges réservés aux cadres (12).

En réalité, la différence entre les deux tient moins au fait que ces syndicats seraient dans une situation différente au regard du régime de mesure dérogatoire de leur audience, ce qui nous semble discutable, qu'au fait que cette atteinte au principe d'égalité est justifiée par l'intérêt qui s'attache à l'affiliation des syndicats catégoriels à une même confédération catégorielle représentative sur le plan national et interprofessionnel, ce rattachement étant de nature, comme l'a relevé le Conseil constitutionnel, à "éviter la dispersion de la représentation syndicale" (13).

Certes, le résultat est le même selon que l'on considère qu'il n'y a pas d'atteinte au principe d'égalité, en raison de la différence de situation, ou que cette différence est justifiée par un motif légitime, mais pour la bonne compréhension des enjeux il serait souhaitable que la Cour de cassation soit moins elliptique dans ses motivations, et plus précise dans ses analyses du principe d'égalité.

III - L'affiliation à la CGC-CFE indifférente à la qualification de syndicat catégoriel

De la notion de syndicat catégoriel. Reste à déterminer ce qu'il convient d'entendre par "syndicat catégoriel".

A s'en tenir aux dispositions introduites dans le Code du travail par la loi du 20 août 2008, il s'agit des "organisations syndicales qui, selon leurs statuts, ont vocation à représenter certaines catégories de travailleurs".

On sait qu'il s'agit des statuts du syndicat qui brigue personnellement la représentativité, et ce indépendamment de l'affiliation de ce syndicat à un syndicat catégoriel représentatif sur le plan national et interprofessionnel (la CGC-CFE) (14).

Le cadeau empoisonné fait aux syndicats catégoriels. Dans certaines hypothèses, le syndicat revendique sa qualité de syndicat catégoriel pour bénéficier du régime dérogatoire de mesure de son audience, et fait valoir que ses statuts visent spécifiquement les cadres, voire plus largement le personnel d'encadrement.

Mais cette qualification de syndicat "catégoriel" est à double tranchant car elle est susceptible de brider ses prérogatives ; parmi les questions qui se posent, on s'est ainsi interrogé sur le droit qu'aurait un syndicat catégoriel (de cadres) de présenter des candidats dans le premier collège.

Avant la réforme intervenue en 2008, la Cour de cassation avait fini par l'admettre, non pas d'ailleurs parce que le syndicat affilié à la CGC-CFE pouvait revendiquer dans le premier collège le bénéfice de sa représentativité présumée, mais à condition qu'il rapporte la preuve positive de sa représentativité à l'égard des employés et des ouvriers compte tenu de son audience et de son influence dans ce dernier (15). Le même raisonnement avait d'ailleurs conduit à admettre qu'un délégué syndical puisse valablement être désigné avec une compétence élargie à l'ensemble du personnel (16) et que le syndicat catégoriel signe seul un accord intercatégoriel dès lors qu'il rapportait la preuve de sa représentativité au regard de l'ensemble des catégories professionnelles de l'entreprise (17).

Reste à savoir si ces solutions ont survécu à la réforme de 2008 et à la consécration d'une véritable représentativité catégorielle et d'une véritable capacité catégorielle, ce qui ne nous semblait pas être le cas (18).

De la possibilité pour un syndicat affilié à la CGC-CFE de présenter des candidats dans le premier collège. Après avoir admis, ce qui est normal, que les suffrages obtenus par un syndicat catégoriel signataire d'un accord intercatégoriel, avec un ou plusieurs autres syndicats intercatégoriels, soient pris en compte pour vérifier la condition de 30 % d'audience (19), la Cour de cassation devait cette fois-ci déterminer si un syndicat affilié à la CGC-CFE pouvait être autorisé à présenter des candidats dans le premier collège.

La réponse apportée à la question est positive, dans le second arrêt rendu le 28 septembre 2011, mais non sans que la Haute juridiction ait relevé au préalable que le syndicat en question avait modifié ses statuts avant les élections pour élargir la liste des intérêts défendus et englober ainsi ceux des employés et des ouvriers, ce qui justifiait qu'il fut autorisé à présenter des candidats dans le premier collège.

L'affaire. Le syndicat du personnel d'encadrement de l'édition, de la librairie et de la diffusion CFE-CGC avait présenté des candidats au sein du collège employés , au premier tour des élections du comité d'entreprise et des délégués du personnel de la société France loisir, ce que contestait l'entreprise.

Le tribunal d'instance avait considéré qu'il ne le pouvait pas et avait en conséquence annulé les résultats du premier tour, après avoir constaté que la modification des statuts du syndicat était intervenue dix-huit jours seulement avant la signature du protocole préélectoral et que, pendant une si courte période, il n'avait pu par la seule modification de ses statuts acquérir une représentativité à l'égard du collège employés .

L'argument était spécieux quand on sait que depuis la loi du 20 août 2008, applicable ici dans la mesure où les élections en cause avaient été organisées sur la base d'un protocole négocié après l'entrée en vigueur du nouveau dispositif, ne subordonne plus la possibilité de déposer des liste de candidats au premier tour des élections professionnelles à la représentativité du syndicat, cette possibilité étant désormais offerte aux syndicats affiliés à l'une des cinq grandes confédérations ainsi qu'aux syndicats respectant les valeurs républicaines, indépendants de l'employeur et ayant une ancienneté de deux ans.

Sachant que le changement d'affiliation confédérale ne prive pas un syndicat de son ancienneté (20), l'argument était plus que fragile.

On ne sera donc pas réellement surpris par la cassation prononcée.

La solution. Pour la Cour de cassation, en effet, le syndicat pouvait valablement présenter des candidats dans le premier collège "dès lors qu'antérieurement à la signature du protocole préélectoral et à la présentation de ses listes de candidats, précisaient qu'il a vocation à rassembler tous les professionnels exerçant ou non des responsabilités d'encadrement, de même que ceux qui aspirent à en faire partie, en cours de formation, en attente d'un premier emploi ou d'une promotion, et les retraités des entreprises, associations, établissements privés ou publics dont l'activité principale est l'édition, la librairie, la distribution, les palais d'expositions, congrès et musées, il était habilité selon ses statuts à présenter des candidats aux élections professionnelles dans le collège 'employés'".

Une solution juridiquement logique. La solution est juridiquement logique dans la mesure où le caractère catégoriel d'un syndicat s'apprécie au regard de ses propres statuts, et où ces statuts avaient été précisément modifiés pour englober la défense des intérêts professionnels des salariés non cadres. N'étant plus un syndicat catégoriel, celui-ci ne pouvait donc plus revendiquer la mesure de son audience dans le seul deuxième collège, mais pouvait en contrepartie présenter des candidats dans le premier collège et tenter d'y obtenir suffisamment de suffrages pour apparaître comme représentatif dans l'ensemble de l'entreprise, tous collèges confondus.

Une solution interprétable a contrario ? Sans répondre directement à la question du droit qu'aurait un syndicat reconnu comme catégoriel (de cadres) de présenter des candidats dans le premier collège, la Cour de cassation suggère toutefois une réponse négative en raison de la vocation statutairement limité des syndicats concernés, et de l'examen auquel elle se livre dans cette décision des statuts du syndicat en cause avant de répondre à la question posée.

Une aberration syndicale. La solution retenue est sans doute juridiquement logique, mais elle est syndicalement aberrante car voici un syndicat "de cadres", labellisé comme tel et ainsi dénommé grâce à son affiliation à la CGC-CFE, qui en réalité n'en est pas un, ou plus exactement pas exclusivement un... Bref, la notion de syndicat catégoriel ne ressort pas nécessairement grandie de ce genre de pratiques qui s'apparente en réalité à du bricolage pré-électoral, ou à de la publicité mensongère.

Il n'appartient certainement pas à la Cour de cassation de sanctionner ce genre de stratégies opportunistes, mais bien aux électeurs, et singulièrement à ceux du premier collège, de sanctionner ces vrai-faux syndicats de cadres qui, à force de trop embrasser, mal étreignent... Car rappelons-le, la transformation d'un syndicat de cadres en syndicat intercatégoriel présente certes l'avantage d'ouvrir les portes du premier collège, mais elle empêchera ce syndicat de revendiquer le bénéfice du mode de décompte particulier des suffrages réservés aux syndicats catégoriels affiliés ; le pari est donc risqué et le joueur peut tout perdre !


(1) Sur cette loi, le numéro spécial de Lexbase Hebdo n° 318 du 18 septembre 2008 - édition sociale.
(2) Position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme.
(3) Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD) et v. nos obs., Le Conseil constitutionnel, les syndicats catégoriels et la réforme de la démocratie sociale, Lexbase Hebdo n° 413 du 21 octobre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2856BQT).
(4) En ce sens nos critiques sous la décision préc..
(5) Cons. const., n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse (N° Lexbase : A7913AC3), cons. 3. ; Cons. const., n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi sur l'égalité des chances (N° Lexbase : A8313DN9) ; Cons. const., n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, Loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (N° Lexbase : A1312EXU), cons. 10 et 11, Constitutions n° 3, juillet-septembre 2010, p. 387, note A. Levade : "le moyen tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative aux engagements internationaux et européens de la France ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité" ; Cons. const., n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010 (N° Lexbase : A9190E47), cons. 11. C'est également la position réaffirmée du Conseil d'Etat : CE, 14 mai 2010, n° 312305 (N° Lexbase : A1851EXT), Constitutions n° 3, juillet-septembre 2010, p. 389, note A. Levade.
(6) Cons. const., 12 novembre 2010, n° 2010-63/64/65 QPC (N° Lexbase : A4181GGX) et nos obs., Le Conseil constitutionnel valide la réforme de la démocratie sociale, Lexbase Hebdo n° 418 du 25 novembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6879BQT).
(7) Préc..
(8) "Lorsqu'une entreprise compte à la fois des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu'il y a lieu, pour garantir que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentants, et pour encourager la coopération, sur toutes questions pertinentes, entre les représentants élus, d'une part, et les syndicats intéressés et leurs représentants, d'autre part".
(9) Liberté syndicale.
(10) Consacrant respectivement le droit syndical et de négociation collective.
(11) Cass. soc., 14 avril 2010, n° 09-60.426 et 09-60.429, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9981EU9).
(12) En ce sens l'interprétation a contrario de l'arrêt rendu le même jour, cf. infra.
(13) Cass. soc., 14 avril 2010, préc..
(14) Cass. soc., 11 février 2009, n° 08-60.440, F-P+B (N° Lexbase : A1384EDM), Bull. civ. V, n° 46 : JCP éd. S, 2010, p. 1242, note J.-Y. Kerbouc'h (à propos de la vocation territorial du syndicat). La solution a été confirmée par la suite.
(15) Ass. Plén., 15 mars 1985, n° 83-61.156 (N° Lexbase : A4236AA7), D. 1985, p. 573, concl. J. Cabannes, note J.-M. Verdier ; Cass. soc., 3 déc. 2002, n° 01-60.506, inédit (N° Lexbase : A1759A4W) ; Cass. soc., 19 septembre 2007, n° 06-60.134, FS-P+B (N° Lexbase : A4373DYM), Bull. civ. V, n° 131 (invitation à négocier le protocole préélectoral).
(16) Cass. soc. 29 octobre 1998, n° 97-60.564 (N° Lexbase : A5709ACG), Bull. civ. V, n° 474.
(17) Cass. soc., 7 novembre1990 (N° Lexbase : A1609AAT), Bull. civ. V, n° 525 ; Cass. soc., 7 avril 1993, n° 90-22.043, publié (N° Lexbase : A6370ABK) RJS 1993, n° 528 ; Cass. soc., 24 juin 1998, n° 97-11.281 et n° 97-11.379 (N° Lexbase : A5676AC9), Bull. civ. V, n° 346.
(18) Pour une discussion de ces questions, notre article Les syndicats catégoriels et la réforme de la démocratie sociale, Dr. soc., 2010, pp. 821-825.
(19) Cass. soc., 31 mai 2011, n° 10-14.391, FS-P+B (N° Lexbase : A3309HTQ) et les obs. de S. Tournaux, La capacité des syndicats catégoriels à conclure des accords collectifs d'entreprise, Lexbase Hebdo n° 444 du 16 juin 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N5650BS3).
(21) Cass. soc., 3 mars 2010, n° 09-60.283, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6615ESS) et les obs. de G. Auzero, Un syndicat ne perd pas sa personnalité juridique en s'affiliant à une nouvelle confédération, Lexbase Hebdo n° 387 du 18 mars 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N5908BN7).

Décisions

Cass. soc., 28 septembre 2011, n° 10-26.693, FS-P+B+R (N° Lexbase : A1307HY3)

Cassation, TI Paris 15ème, contentieux des élections professionnelles, 8 novembre 2010

Textes visés : C. trav., art. L. 2314-3 (N° Lexbase : L3825IBB), L. 2324-4 (N° Lexbase : L3771IBB), L. 2314-24 (N° Lexbase : L3759IBT) et L. 2324-22 (N° Lexbase : L3748IBG)

Mots-clés : syndicat, statut, affiliation, CGC-CFE, collèges, représentativité

Liens base : (N° Lexbase : E1798ETR)

Cass. soc., 28 septembre 2011, n° 10-19.113, FS-P+B (N° Lexbase : A1309HY7)

Rejet, TI Angers, contentieux des élections professionnelles 1er juin 2010)

Textes concernés : C. trav., art. L. 2121-1 (N° Lexbase : L3727IBN), L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9) et L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD)

Mots-clés : syndicats, représentativité, syndicats catégoriels, affiliation, CGC-CFE

Liens base : (N° Lexbase : E1798ETR)

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