La lettre juridique n°414 du 28 octobre 2010 : Mesures en faveur des PME

[Questions à...] Loi du 15 octobre 2010 : la réforme de la représentativité syndicale continue - Questions à Catherine Davico-Hoarau, Avocate à la cour, Coblence & Associés

Réf. : Loi n° 2010-1215 du 15 octobre 2010 (N° Lexbase : L1846INP)

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[Questions à...] Loi du 15 octobre 2010 : la réforme de la représentativité syndicale continue - Questions à Catherine Davico-Hoarau, Avocate à la cour, Coblence & Associés. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3211262-questions-a-loi-du-15-octobre-2010-la-reforme-de-la-representativite-syndicale-continue-b-questions-
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par Sophia Pillet, SGR - Droit social

le 04 Janvier 2011

La loi du 15 octobre 2010, complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (N° Lexbase : L7392IAZ), est le dernier volet législatif de la réforme de la représentativité syndicale en France. Cette loi garantit la constitutionnalité de la loi du 20 août 2008 en permettant de prendre en compte la voix des 4 millions de salariés des très petites entreprises pour la mesure de l'audience des organisations syndicales sur le plan national. Pour faire le point sur ses différents enjeux et plus généralement sur la question de la réforme de la représentativité syndicale, Lexbase Hebdo - édition sociale a rencontré, cette semaine, Maitre Catherine Davico-Hoarau, Avocate à la cour, Coblence & Associés. Lexbase : Que pensez vous de la loi du 15 octobre 2010 (1) destinée à renforcer le dialogue social au sein des très petites entreprises (TPE) ?

Catherine Davico-Hoarau : La loi du 15 octobre 2010 représente le dernier pan de la réforme de la représentativité syndicale mise en place par la loi du 20 août 2008 (2), portant rénovation de la démocratie sociale, qui a cet avantage de vouloir légitimer les organisations syndicales.

En effet, avant cette loi, de nombreuses critiques s'élevaient contre les organisations syndicales, considérées comme représentatives de plein droit alors même qu'elles n'étaient que faiblement représentées... Il était donc permis de s'interroger sur la légitimité de ces organisations syndicales à signer des accords d'entreprise qui s'imposaient à la collectivité de travail, alors même qu'elles ne les représentaient pas à l'issue du scrutin.

La mesure de l'audience syndicale devrait s'achever le 20 août 2013. Dorénavant, la voix des salariés des TPE va être prise en considération dans la détermination de l'audience des organisations syndicales au niveau des branches et au niveau interprofessionnel. Le principe est de faire voter les salariés des TPE, pour déterminer l'audience réelle des organisations syndicales sur le territoire national, selon un vote, par voie électronique ou par correspondance, organisé au niveau régional.

Lexbase : On constate que les demandes, notamment de la CGPME et de l'UPA, ont été entendues puisque les commissions paritaires locales, qui devaient être à l'origine obligatoires, sont désormais facultatives. Est-ce que l'inégalité entre branches ne risque pas de s'accroître avec cette disposition ?

Catherine Davico-Hoarau : En effet, les inégalités entre branches vont persister, les branches historiques resteront toujours plus fortes.

Cependant, dorénavant rien ne sera plus gelé ! En effet, avec la loi du 20 août 2008 et celle du 15 octobre 2010, tous les 4 ans, s'organisera un nouveau scrutin électoral. Il s'agit d'un élément extrêmement positif et moteur. Les organisations syndicales devront continuellement se remettre en question et justifier de leurs actions.

En contrepartie, cette réforme crée beaucoup de désordre dans les entreprises. Le contentieux a considérablement augmenté car on assiste à une véritable "guerre" entre organisations syndicales. Il y a donc un enjeu extrêmement important pour les employeurs comme pour les organisations syndicales.

Lexbase : Constatez-vous une recrudescence du contentieux électoral ?

Catherine Davico-Hoarau : En effet, les contentieux électoraux qui avaient quasiment disparu réapparaissent. Le contentieux relatif au protocole préélectoral est très important ainsi que celui en annulation des élections, et ce à l'initiative des organisations syndicales dès qu'elles n'ont pas les résultats escomptés.

Il y a donc en pratique une recrudescence de contentieux électoraux venant majoritairement d'organisations syndicales ! On sent une réelle crispation des organisations syndicales ! Il y a tout un jeu interne, un jeu stratégique, de ces dernières dans l'entreprise par rapport au nombre de mandats qu'elles espèrent obtenir.

Lexbase : Pensez-vous que cette loi est un bon compromis pour les employeurs ?

Catherine Davico-Hoarau : Oui, tout à fait. Le mode de scrutin prévu est très bien organisé. Les employeurs ont peu de contraintes.

Ce sont les caisses de Sécurité sociale qui communiqueront les données nécessaires relatives aux entreprises employant moins de 11 salariés ainsi que les données relatives aux salariés.

Finalement, la seule obligation des employeurs est de laisser le temps nécessaire à leurs salariés pour aller voter, soit sur leur lieu de travail.

Les conditions du déroulement du scrutin seront déterminées par décret.

Lexbase : Est-ce que, selon vous, les employeurs des TPE vont inciter les salariés à aller voter ?

Catherine Davico-Hoarau : Je crains malheureusement que non, ce qui est très dommageable. En revanche, il appartiendra aux organisations syndicales et organisations patronales de faire comprendre aux salariés que leur vote a un impact aussi bien sur leur avenir, que sur leur vie sociale et professionnelle.

Nous constatons un désintérêt des salariés lors des élections professionnelles et prud'homales.

Lexbase : La loi du 15 octobre 2010 prévoit de proroger de deux ans le mandat actuel des conseillers prud'homaux, notamment pour permettre au Gouvernement de poursuivre sa réflexion sur la réforme des élections prud'homales. Avez-vous des pistes à suivre pour cette réforme ?

Catherine Davico-Hoarau : Tout d'abord, je suis pour le maintien des conseils de prud'hommes !

Le problème des juges professionnels, en matière sociale, est leur méconnaissance de la vie de l'entreprise.

Je suis même favorable à l'échevinage au niveau de la cour d'appel, c'est-à-dire à une juridiction composée de magistrats professionnels, et de salariés et d'employeurs.

S'il est exact que le taux d'abstention a augmenté lors des dernières élections tant pour le collège salariés que pour le collège employeurs, ce phénomène est plus général et se constate à chaque élection, qu'il s'agisse d'un scrutin national, régional.

Cette augmentation de l'abstention est regrettable car les conseils de prud'hommes font un énorme travail. Il s'agit de magistrats très investis dans leur mission. Peut être que la solution serait d'obliger les gens à aller voter...

Lexbase : Concernant les nouvelles règles de validité des accords collectifs mises en place par la loi du 20 août 2008, voyez-vous, en pratique, une évolution ?

Catherine Davico-Hoarau : En pratique, pour les entreprises, il y a un enjeu majeur. Pour signer un accord collectif, l'entreprise doit, désormais, obtenir la signature d'organisations syndicales ayant obtenu au moins 30 % des suffrages lors des dernières élections. C'est un vrai problème car sans les 30 % il n'y a pas d'accord. C'est un enjeu important !

Les entreprises ont donc tout intérêt à avoir des organisations syndicales qui ont une certaine légitimité.

En contrepartie de la majorité de 30 % requise, le droit d'opposition ne peut être exercé que par des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections. Il est donc plus difficile d'exercer le droit d'opposition. Je trouve que ces dispositions sont assez équilibrées.

Notre principal souci, durant la période transitoire, concerne le cas d'entreprises qui n'avaient pas dépouillé les scrutins lors du premier tour des dernières élections professionnelles et où donc on ne pouvait pas apprécier l'audience syndicale (3).

Lexbase : A terme que pensez-vous d'une majorité qui passerait à 50 % ?

Catherine Davico-Hoarau : Cela sera plus difficile. C'est un seuil très élevé. Je pense que l'on manque actuellement de recul et de statistiques pour d'ores et déjà voir quels accords ont été signés et avec quelle audience syndicale. Dans certaines entreprises, on assiste aujourd'hui à de grosses surprises concernant des organisations syndicales phares. Par exemple, la CGT, en perte d'audience, n'est plus forcément représentative dans certaines entreprises. Nous nous apercevons également que la CFTC est en perte de vitesse.

Certains syndicats comme SUD et UNSA gagnent, au contraire, des voix.

La loi du 20 août 2008 et désormais la loi du 15 octobre 2010 donnent une légitimité aux organisations syndicales et encadrent plus strictement les conditions de désignation d'un délégué syndical, il faut que ce soit un candidat ayant obtenu au moins 10 % des votes. Avant, la désignation n'était pas forcément légitime et les organisations syndicales désignaient n'importe quel salarié. Cela donne également une rigueur au fonctionnement des organisations syndicales.


(1) Loi n° 2010-1215, du 15 octobre 2010, complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (N° Lexbase : L1846INP).
(2) Loi n° 2008-789, du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ).
(3) Sur cette question, C. trav., art. L. 2232-12 (N° Lexbase : L3770IBA) ; V. la jurisprudence antérieure, Cass. soc., 20 décembre 2006, n° 05-60.345, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1160DT7) et les obs. de G. Auzero, Impossibilité de déterminer les syndicats majoritaires en l'absence de quorum au premier tour des élections professionnelles, Lexbase Hebdo, n° 243 du 11 janvier 2007- édition sociale (N° Lexbase : N7208A9T).

Pour mieux comprendre l'enjeu de la loi du 15 octobre 2010, relative au dialogue social au sein des TPE, Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose un récapitulatif des principales dispositions apportées.

Mesures relatives à... Anciennes dispositions Nouvelles dispositions
Mesure de l'audience au niveau des branches C. trav., art. L. 2122-5 :

Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui :

1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;

2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ;

3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, additionnés au niveau de la branche. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.

C. trav., art. L. 2122-5 (N° Lexbase : L1857IN4) :

Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui :

1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;

2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ;

3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.

Mesure de l'audience au niveau national et interprofessionnel C. trav., art. L. 2122-9 :

Sont représentatives au niveau national et interprofessionnel les organisations syndicales qui :

1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;

2° Sont représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services ;

3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, additionnés au niveau de la branche. Sont également pris en compte les résultats de la mesure de l'audience prévue à l'article L. 2122-6, s'ils sont disponibles. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.

C. trav., art. L. 2122-9 (N° Lexbase : L1859IN8) :

Sont représentatives au niveau national et interprofessionnel les organisations syndicales qui :

1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;

2° Sont représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services ;

3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau national et interprofessionnel des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau national et interprofessionnel des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants ainsi que des suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés aux chambres départementales d'agriculture dans les conditions prévues à l'article L. 2122-6. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.

Electorat Aucune disposition C. trav., art. L. 2122-10-2 (N° Lexbase : L1871INM) :

Sont électeurs les salariés des entreprises qui emploient moins de onze salariés au 31 décembre de l'année précédant le scrutin, titulaires d'un contrat de travail au cours de ce mois de décembre, âgés de seize ans révolus et ne faisant l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques.

C. trav., art. L. 2122-10-4 (N° Lexbase : L1869INK) :

La liste électorale est établie par l'autorité compétente de l'Etat. Les électeurs sont inscrits dans deux collèges, d'une part un collège "cadres , d'autre part un collège "non cadres , en fonction des informations relatives à l'affiliation à une institution de retraite complémentaire portées sur les déclarations sociales des entreprises, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Eligibilité Aucune disposition C. trav., art. L. 2122-10-6 (N° Lexbase : L1867INH) :

Les organisations syndicales de salariés qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et auxquelles les statuts donnent vocation à être présentes dans le champ géographique concerné, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel se déclarent candidats auprès des services du ministre chargé du travail dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Scrutin Aucune disposition C. trav., art. L. 2122-10-7 (N° Lexbase : L1866ING) :

Le scrutin a lieu par voie électronique et par correspondance. Lorsqu'il n'en dispose pas, l'employeur n'a pas l'obligation de mettre à la disposition des salariés le matériel informatique permettant le vote par voie électronique.

C. trav., art. L. 2122-10-1 (N° Lexbase : L1872INN) :

En vue de mesurer l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés, à l'exception de ceux relevant des branches mentionnées à l'article L. 2122-6, un scrutin est organisé au niveau régional tous les quatre ans. Ce scrutin a lieu au cours d'une période fixée par décret.

Contentieux Aucune disposition C. trav., art. L. 2122-10-11 (N° Lexbase : L1862INB) :

Les contestations relatives au déroulement des opérations électorales sont de la compétence du juge judiciaire dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

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