La lettre juridique n°297 du 20 mars 2008 : Sociétés

[Le point sur...] Régime des déclarations formulées par le dirigeant d'une entreprise à la demande du commissaire aux comptes

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par Anne Lebescond - SGR droit des affaires

le 07 Octobre 2010

Nombreux sont les dirigeants d'entreprise sollicités par le commissaire aux comptes de la société qu'ils dirigent, qui, dans le cadre de sa mission de certification des comptes ou des autres missions que lui confère la loi, leur demande d'émettre des déclarations portant sur des points allant du plus précis au plus large.

Ces déclarations sont formulées, soit par oral, soit, le plus souvent, par un écrit, la "lettre d'affirmation", conservée dans les dossiers du commissaire aux comptes pendant dix ans, et qui sera, très souvent, produite dans le cadre d'un litige, en tant que preuve des informations qui lui ont été transmises par les dirigeants et de la façon dont il a accompli ses diligences. Par cette lettre, le dirigeant donne pour vrais des informations, faits ou événements significatifs pour la mission du commissaire aux comptes. Il s'agit, on le comprend, d'un outil précieux offert à celui-ci dans l'exercice de sa mission, qui, concernant les comptes sociaux, est de certifier les comptes d'une entreprise et, de ce fait, engager sa responsabilité, tant civile que pénale, sur des sujets où il se fie, majoritairement, aux écritures comptables et aux informations fournies par les dirigeants. Elle constitue, dans ce cadre, un des éléments collectés lui permettant d'aboutir à des conclusions sur lesquelles il fonde son opinion sur les comptes, en leur conférant une plus grande autorité.

Auparavant, seuls les grands cabinets internationaux, qui intervenaient sur des groupes généralement côtés ou lors d'audits d'acquisition ou d'opérations de rapprochement, recouraient à la lettre d'affirmation, car elle n'était pas considérée comme nécessaire pour renforcer la responsabilité des dirigeants de la société, compte tenu des sanctions encourues par ceux-ci (QE n° 12300 de M. Rémi Herment, JO Sénat 5 octobre 1995 p. 1886, réponse publ. 23 mai 1996 p. 1273, 10ème législature N° Lexbase : L8371H3G). Alors qu'il ne s'agissait que d'une faculté laissée au commissaire aux comptes, les impératifs de rapidité et de sécurité, inhérents à l'évolution des affaires, et une reconnaissance croissante de la responsabilité des commissaires aux comptes (notamment, depuis certains scandales financiers tels qu'Enron, dans le cadre duquel l'intégrité du cabinet Arthur Andersen avait été mise en cause) conduisent, aujourd'hui, ces derniers à obtenir des lettres d'affirmation de façon quasi-systématique.

De leur côté, les dirigeants refusent parfois de délivrer une telle lettre ou d'y formuler toutes les déclarations sollicitées par le commissaire aux comptes. Ils ne comprennent pas, en effet, l'utilité du contrôle du commissaire aux comptes, si, finalement, celui-ci exige une certification d'éléments qu'il a, justement, la charge de vérifier. Il arrive, en outre, que certaines déclarations demandées ou questions posées par le commissaire aux comptes, compte tenu de leurs termes très larges, soient telles qu'il peut être difficile d'y apporter une réponse satisfaisante.

Les enjeux sont importants et tout est question, d'une façon ou d'une autre, de responsabilité (du dirigeant et/ou du commissaire aux comptes) et, de part et d'autre, d'équilibre et de juste mesure : il s'agit de concilier les difficultés rencontrées par le commissaire aux comptes dans l'exercice d'une mission pour laquelle il engage une grande responsabilité, avec les intérêts des chefs d'entreprises, qui doivent pouvoir gérer "paisiblement" leur société, sans crainte d'une "inquisition" et d'une répression systématiques.

Fondée sur un principe de transparence, la lettre d'affirmation est, en réalité, aussi nécessaire pour le commissaire aux comptes, qu'elle l'est pour le dirigeant qui l'émet, si elle est utilisée à bon escient, en vue, notamment, d'éclairer le premier sur des points réellement obscurs ou difficiles à vérifier, et de porter l'attention du deuxième sur les responsabilités inhérentes à sa gestion, qui est transcrite dans l'arrêté des comptes. Au contraire, son utilisation "abusive" peut être sanctionnée ; ne dispensant pas le commissaire aux comptes d'effectuer toutes les diligences utiles à ses missions, sa responsabilité sera retenue s'il n'a procédé à aucune diligence, conforté par les déclarations du dirigeant.

Pratique courante de la vie des affaires, cette lettre dispose, aujourd'hui, d'un cadre juridique précis, exposé dans la norme d'exercice professionnelle n° 580 "Déclarations de la direction", homologuée par arrêté du 7 mai 2007 (N° Lexbase : L4830HX8) (ci-après la "Norme").

L'appréhension du cadre juridique de la lettre d'affirmation amène à se poser quatre questions principales :

  • quels sont les cas dans lesquels le commissaire aux comptes peut solliciter son émission (I) ?
  • qui est habilité à formuler les déclarations, sous quelle forme et pour quel contenu (II) ?
  • quelle latitude est laissée au dirigeant (III) ?
  • quelle utilisation le commissaire aux comptes peut-il en faire (IV) ?

I - La faculté étendue du commissaire aux comptes de solliciter du dirigeant l'émission de lettres d'affirmation

Le domaine d'intervention, très large, du commissaire aux comptes et la façon dont il se doit d'accomplir ses diligences sont fixés, de façon très précise, par la loi, les règlements, les normes d'exercice professionnelles et les usages, les obligations à sa charge étant, selon une jurisprudence constante (1), de moyens. Par conséquent, il ne peut lui être reproché une faute, dès lors qu'il aura mis en oeuvre l'ensemble des procédures et règles applicables à sa mission, étant précisé qu'il n'est pas tenu de vérifier, de façon exhaustive, l'ensemble des informations et écritures comptables qui lui sont soumises, mais qu'il doit procéder à des sondages et demandes de confirmation, en cas de découverte ou de suspicion d'anomalies. Une lettre d'affirmation peut, et même, doit être demandée par le commissaire aux comptes aux dirigeants de la société concernée, dans ce contexte, sous peine de se voir reprocher de ne pas l'avoir fait.

Le rôle du commissaire aux comptes étant, principalement, d'obtenir l'assurance que les comptes ou les autres opérations qu'il se doit de contrôler ne comportent pas d'anomalies significatives, la Norme lui reconnaît la faculté de solliciter du dirigeant l'émission d'une lettre d'affirmation dans le cadre de sa mission de contrôle et de certification des comptes annuels d'une société (A) et dans le cadre de toutes les autres interventions que lui confère la loi (B).

A - Demande d'émission d'une lettre d'affirmation dans le cadre du contrôle et de la certification des comptes sociaux et consolidés d'une société

A plusieurs reprises dans le texte de la Norme, il est rappelé la faculté laissée au commissaire aux comptes de solliciter du dirigeant la formulation de déclarations et l'émission d'une lettre d'affirmation :

  • "tout au long de l'audit des comptes, la direction fait, au commissaire aux comptes, des déclarations orales ou écrites, spontanées ou en réponse à des demandes spécifiques" ;
  • "le commissaire aux comptes demande au représentant légal une formulation écrite des déclarations qu'il estime nécessaires pour conclure sur les assertions qu'il souhaite vérifier" ;
  • "dans le cadre de l'audit des comptes, les membres de la direction, y compris le représentant légal, font des déclarations au commissaire aux comptes ; celles-ci constituent des éléments collectés pour aboutir sur des conclusions sur lesquelles il fonde son opinion sur les comptes".

En aucun cas, la Norme n'impose au commissaire aux comptes une automaticité de demande de déclarations dans le cadre de la certification des comptes, mais elle laisse, au contraire, à sa libre appréciation, la nécessité d'une telle formulation de la part du dirigeant, nécessité qu'il relèvera le plus souvent.

Pour comprendre l'enjeu, il convient de rappeler ce que signifie la certification des comptes par le commissaire. De façon générale, la certification consiste à affirmer qu'une chose est certaine et, par conséquent, en répondre. Dans le cadre de sa mission de contrôle et de certification des comptes sociaux et consolidés, le commissaire aux comptes doit certifier que les comptes sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle des résultats des opérations de l'exercice, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice (2). La certification engage le commissaire aux comptes qui est responsable à l'égard de la société, des associés/actionnaires, partenaires et tiers intéressés, en cas de certification donnée à la légère ou erronée.

Cette mission de contrôle "n'est pas limitée à un contrôle a posteriori mais [le commissaire aux comptes] est investi d'une mission permanente de contrôle" (3), l'obligation étant, comme indiqué plus haut, de moyens. Il lui appartient de déterminer, sous sa responsabilité, les moyens de contrôle qu'il doit mettre en oeuvre pour engager sa signature. Il collecte, pour ce faire, des éléments probants suffisants et appropriés pour fonder l'assurance raisonnable lui permettant de délivrer sa certification, la lettre d'affirmation en faisant partie. Il n'aura, donc, pas rempli sa mission, s'il n'a pas mis en oeuvre ces moyens et sera susceptible, notamment, de se voir reproché l'absence de demande d'émission d'une telle lettre.

B - Demande d'émission d'une lettre d'affirmation dans le cadre de toutes les autres interventions du commissaire aux comptes prévues par la loi

Les cas dans lesquels le commissaire aux comptes peut solliciter du dirigeant l'émission d'une lettre d'affirmation sont aussi nombreux que les missions que lui reconnaît la loi (4). Comme dans le cadre de la certification des comptes sociaux et des comptes consolidés, le commissaire aux comptes aura tendance à solliciter, la plupart du temps, la délivrance d'une lettre d'affirmation pour ces opérations importantes.

II - Auteur, forme et contenu de la lettre d'affirmation - un régime fondé sur le pragmatisme et l'efficacité

Le régime des déclarations formulées par le dirigeant, et, plus particulièrement, de celles contenues dans une lettre d'affirmation, est fondé sur un fort souci de pragmatisme et d'efficacité, l'objectif étant de mettre à la disposition du commissaire aux comptes un outil lui permettant d'effectuer au mieux ses missions. Ainsi, les règles relatives à l'auteur (A), à la forme (B) et au contenu (C) de la lettre d'affirmation sont toutes dictées par cet impératif.

A - Multiplicité des auteurs de la lettre d'affirmation

La Norme indique que les déclarations sont faites par les membres de la direction, y compris le représentant légal, étant précisé qu'il appartient au commissaire aux comptes de "détermine[r] si les personnes à l'origine des déclarations sont celles qui possèdent la meilleure compétence et la meilleure connaissance au regard des éléments sur lesquels elles se prononcent".

En vue d'une efficacité optimale des déclarations formulées, la Norme prévoit que les auteurs des déclarations seront les personnes les plus à même de les formuler. Elles émaneront, donc, du représentant légal, en charge de l'établissement des comptes, mais, également, de tout membre de la direction de la société, salarié ou non, le plus concerné, compte tenu de sa position et/ou de ses compétences particulières. En pratique, la lettre est signée par les responsables opérationnels de l'entité, présidents, directeurs généraux, directeurs généraux délégués, directeurs financiers... au mieux de leur connaissance et en toute bonne foi.

B - Forme de la lettre d'affirmation

Selon le paragraphe 8 de la Norme, les déclarations écrites prennent la forme d'une lettre du représentant légal adressée au commissaire aux comptes, cette lettre devant être émise à une date la plus rapprochée possible de la date de signature du rapport de celui-ci. Elles peuvent, également, prendre la forme d'une lettre adressée par le commissaire aux comptes au représentant légal, dans laquelle il explicite sa compréhension de la situation. Dans ce cas, il est demandé au représentant légal d'en accuser réception et de confirmer, par écrit, son accord sur les termes exposés, cette confirmation devant intervenir à une date la plus rapprochée possible de celle de la signature du rapport du commissaire aux comptes et préalablement à celle-ci.

Ces déclarations peuvent être consignées dans le procès-verbal d'une réunion de l'organe en charge de l'administration de la société, le commissaire aux comptes s'assurant, alors, que la date de cette réunion est suffisamment proche de celle de la signature de son rapport. La lettre d'affirmation est datée, signée par la personne en charge de l'établissement des comptes qui doit le spécifier (5) et comporte, le cas échéant, la co-signature du membre de la direction compétent sur un élément spécifique des comptes, objet d'une déclaration (6). La lettre d'affirmation est envoyée directement au commissaire aux comptes.

C - Contenu minimum encadré par la Norme et libre appréciation du commissaire aux comptes pour le reste

Le paragraphe 7 de Norme liste de très nombreux points qui doivent être soulevés par le commissaire aux comptes, lorsqu'il sollicite du dirigeant une lettre d'affirmation, et qui portent, pour la plupart, sur la réalité et l'exactitude des informations comptables, l'absence de fraudes et d'anomalies et l'exhaustivité des informations fournies, ces points étant adaptés et complétés en fonction de la situation en cause.

La Norme autorise, également, le commissaire aux comptes, à côté des déclarations listées expressément par le texte, qui se doivent de figurer dans la lettre, à solliciter toutes déclarations écrites qu'il estime nécessaires à l'exercice de sa mission. En principe, la diversité de ces déclarations est importante, même si, en général, les demandes du commissaire aux comptes se limitent à des aspects qui, pris isolément ou dans leur ensemble, revêtent un caractère significatif pour l'objectif de sa mission.

III - Les limites de l'absence de caractère contraignant de la sollicitation du commissaire aux comptes

En théorie, le dirigeant décide des suites qu'il donne à la sollicitation du commissaire aux comptes. Toutefois, selon le paragraphe 7 de la Norme, "lorsque le représentant légal refuse de fournir ou de confirmer une ou plusieurs des déclarations écrites demandées par le commissaire aux comptes, celui-ci s'enquiert auprès de lui des raisons de ce refus [...] ; en fonction des réponses formulées, le commissaire aux comptes tire les conséquences éventuelles sur l'expression de son opinion".

Ainsi, bien que le dirigeant ne soit pas juridiquement lié par la sollicitation du commissaire aux comptes, un refus de sa part risque d'être mal perçu par ce dernier et entraînera, à coup sûr, de nombreuses conséquences, si les motivations de ce refus ne satisfont pas le commissaire.

En effet, en fonction de l'importance de l'élément en cause, le commissaire aux comptes reconsidèrera le degré de confiance qu'il accorde aux autres déclarations de la direction et en tirera les conséquences quant à l'expression de son opinion sur les comptes.

Dans un pareil cas, il est peu probable qu'il certifie sans réserve les comptes, même lorsque l'élément sur lequel porte la déclaration est d'importance mineure. En effet, le refus de donner des déclarations écrites constitue une limitation dans l'étendue des travaux  du commissaire aux comptes, or la certification sans réserve n'est possible que si un certain nombre de conditions ont pu être réunies, dont, notamment, la possibilité pour celui-ci de mettre en oeuvre, sans restriction, les diligences qu'il a estimées nécessaires. La certification est, cependant, laissée à sa libre appréciation, à charge pour lui d'en assumer les conséquences éventuelles.

Le commissaire, en pratique, décidera, le plus souvent, de certifier les comptes, tout en formulant des réserves. Cette certification "limitée" intervient quand il n'a pu mettre en oeuvre toutes les diligences utiles, bien que les effets possibles des limitations qui lui ont été imposées ne lui semblent pas suffisamment significatifs pour refuser une certification. Dans ce cas, le commissaire aux comptes précise clairement dans son rapport la nature du désaccord ou de la limitation justifiant les réserves, le refus de déclarations étant mentionné à ce titre.

Dans les cas les plus graves, pour lesquels il n'est pas possible pour le commissaire de se faire une opinion, il refusera de certifier les comptes. Le refus de certification devant être motivé, le commissaire aux comptes a le devoir d'expliquer, aussi longuement qu'il est nécessaire et utile, les raisons de son refus.

La vigilance du commissaire aux comptes lui recommandera, en outre, très souvent, de procéder à des audits plus approfondis. Il pourra, alors, décider d'utiliser tout autre moyen dont la loi le dote pour mener à bien sa mission, dont :

  • la procédure d'alerte, lorsque la continuité de l'exploitation lui semble en péril et qu'il n'a pu obtenir, de la part des dirigeants, d'assurance à ce sujet ;
  • les droits d'investigation auprès de la société, auprès des sociétés mères ou filiales et auprès des tiers.

Lorsqu'il refuse de certifier les comptes ou les certifie avec réserves, le commissaire aux comptes peut en informer le conseil d'administration. Face à un fait délictueux, il lui incombe, même, d'en informer le procureur de la République.

Compte tenu des conséquences ci-dessus exposées, il est recommandé au dirigeant et au commissaire aux comptes d'ouvrir le dialogue.

IV - Utilisation des déclarations de la direction par le commissaire aux comptes

Les déclarations formulées par le dirigeant dans une lettre d'affirmation sont utilisées par le commissaire aux comptes, aussi bien dans l'exercice de ses missions (A), que dans le cadre d'un litige (B).

A - Dans le cadre de sa mission

Les paragraphes 4 et 5 de Norme régissent l'utilisation par le commissaire aux comptes des déclarations des dirigeants. Ainsi "lorsqu'elles concernent des éléments significatifs des comptes, le commissaire aux comptes :

  • cherche à collecter des éléments qui corroborent les déclarations de la direction ;
  • apprécie le cas échéant si elles sont cohérentes avec les autres éléments collectés ;
  • détermine si les personnes à l'origine de ces déclarations sont celles qui possèdent la meilleure compétence et la meilleure connaissance au regard des éléments sur lesquels elles se prononcent".

Le paragraphe 14 de la Norme précise que "le commissaire aux comptes conserve dans son dossier de travail les comptes rendus de ses entretiens avec la direction de l'entité et les déclarations écrites obtenues de cette dernière". Les informations contenues dans ce dossier sont conservées pendant dix ans et mises à la disposition d'un grand nombre d'acteurs ou d'autorités de contrôle : conseil régional des commissaires aux comptes, Conseil national, procureur général près la cour d'appel, chambres de discipline, et, dans l'hypothèse où il exerce ses fonctions dans une société faisant appel public à l'épargne, Autorité des marchés financiers.

B - Dans le cadre d'un litige : atténuation ou renforcement de la responsabilité du dirigeant et du commissaire aux comptes

Très souvent, les lettres d'affirmation obtenues par le commissaire aux comptes sont produites dans le cadre de litiges par celui-ci, afin d'atténuer sa responsabilité ou de la voir non reconnue par les juges. Pourtant, la jurisprudence donne des exemples illustrant le fait que cette lettre n'exonère en rien le commissaire aux comptes de procéder à tous les contrôles et diligences nécessaires. Au contraire, il peut arriver qu'elle desserve ses intérêts.

Ainsi, dans une décision "Albin Michel", rendue en février 2003 (7), la Cour de cassation, ne faisant aucun cas du devoir de loyauté auquel sont tenus les dirigeants à l'égard de leur commissaire aux comptes, a estimé que ces derniers ne devaient pas faire confiance aux dirigeants, mais qu'ils devaient, au contraire, vérifier leurs déclarations. Il s'agissait, dans l'espèce rapportée, d'un groupe de sociétés d'édition acquis, sans audit préalable, en s'appuyant uniquement sur la certification des comptes consolidés du groupe. Il est apparu, par la suite, que ces comptes comportaient d'importantes irrégularités, la responsabilité des commissaires aux comptes a, donc, été recherchée. Ceux-ci ont tenté de réduire leur condamnation, en invoquant la faute des dirigeants et en leur reprochant de leur avoir fourni des informations erronées : ils avaient certifiés les comptes d'une des société d'édition en formulant des réserves sur la valeur comptable de son stock, celle-ci étant, en réalité, très largement supérieure à ce qu'elle aurait dû être. La Cour de cassation a estimé que les commissaires aux comptes avaient disposé de tous les éléments nécessaires à leur mission et que, dans la mesure où leur réserve portait sur un poste du bilan très important, ils auraient dû approfondir leurs contrôles, ce qui les aurait conduits à refuser la certification des comptes.

Dans une autre affaire (8), la Haute juridiction a confirmé la responsabilité pénale d'un commissaire aux comptes pour délivrance d'informations mensongères et non révélation de faits délictueux (escroquerie, abus de confiance...). Les juges ont, notamment, relevé que la lettre d'affirmation remise au commissaire aux comptes démontrait que "celui-ci avait une parfaite connaissance de la réalité des problèmes dans la mesure où les points cruciaux de la société [...] sont abordés, à savoir : les mouvements importants sur le compte courant [...], la variation des stocks, l'absence de garantie de rachat pour les clients". Le commissaire aux comptes avait, donc, cru bien faire en obtenant des déclarations écrites de la direction. Mais loin d'atténuer sa responsabilité, la lettre d'affirmation n'a fait, ici, qu'aggraver la situation, en apportant la preuve de sa parfaite connaissance des irrégularités.


(1) Voir Cass. com., 9 février 1988, n° 86-13.121, M. Foillard c/ M. Viellard et autres (N° Lexbase : A6876AAW) ; Cass. com., 12 novembre 1992, n° 90-18.502, Camayor c/ De la Grancière de Villez et autres (N° Lexbase : A2155AGW) ; Cass. com., 28 janvier 1992, n° 90-15.837, SA Expertises comptables Ollivier c/ Société Saga (N° Lexbase : A2147AGM).
(2) La régularité est la conformité aux lois, en général, et aux prescriptions réglementaires applicables à la comptabilité. La sincérité est l'expression claire de la situation sociale, sans déguisements ni détours, elle consiste à préciser les règles qui ont été suivies dans l'établissement des documents comptables, en attirant l'attention sur les résultats, parfois inhabituels, auxquels elles peuvent aboutir. Les comptes sincères sont des comptes établis de manière claire, avec loyauté et bonne foi. Les comptes doivent, également, donner une image fidèle des résultats de l'exercice et de la situation de la société, c'est-à-dire qu'ils doivent donner une information telle qu'un jugement sain peut être formé sur la situation et les résultats de l'exercice.
(3) Voir Cass. com., 19 octobre 1999, n° 96-20.687, Société des garages Voltaire c/ M. Lefèvre (N° Lexbase : A8049AG9).
(4) Pour le détail de ces missions, voir Mémento comptable Francis Lefebvre 2008, n° 5044-1.
(5) Comme l'indiquent les dispositions du paragraphe 9 de la Norme "lorsque le commissaire aux comptes sollicite une lettre d'affirmation, il demande que le signataire précise qu'il établit cette lettre en tant que responsable de l'établissement des comptes".
(6) Comme l'indiquent les dispositions du paragraphe 9 de la Norme "lorsqu'une déclaration porte sur un élément spécifique des comptes qui demande des compétences particulières, celle-ci peut être cosignée par le membre de la direction compétent sur le sujet".
(7) Voir Cass. com., 11 février 2003, n° 99-20.139, M. Jacques Bendavid c/ Société Editions Albin Michel , F-D (N° Lexbase : A0004A7B).
(8) Voir Cass. crim., 7 juin 2000, n° 99-82.812, Fillonneau Michel et autres (N° Lexbase : A2377CPQ).

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