La lettre juridique n°193 du 8 décembre 2005 : Éditorial

Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom...
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Sur mes cahiers d'écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige J'écris ton nom...*. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3207774--i-sur-mes-cahiers-decolier-br-sur-mon-pupitre-et-les-arbres-br-sur-le-sable-sur-la-neige-br-jecris-
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


N'y-a-t-il pas une certaine gageure à écarter d'un revers de main et ostraciser de notre culture populaire les mythes helléniques ? Reconnaissons que peu d'entre-nous ont fait nos humanités et clamons, avec dévotion, les allégories mythologiques qui nous rappellent combien notre sort est déterminé et combien nos espérances sont vaines... Prenons, par exemple, Epiméthée (celui qui réfléchit après coup), fils du titan Japet et frère de Prométhée (le prévoyant), qui acceptera Pandore et l'épousera malgré les mises en garde de son frère. L'allégorie morale veut que sa femme -remarquons le genre- ait ouvert la fameuse "boîte" de tous les maux de l'humanité, enfermant, par mégarde, l'espérance qui tarda à venir. Une histoire, un conte, nous direz-vous, qui traduit l'idée selon laquelle celui qui n'est pas prévoyant -associé à une femme, bien entendu-, est bien le père de tous les travers humains. Mais, revenons à notre époque : remplaçons donc l'espérance par une vertu plus moderne, mais tout aussi difficile à atteindre, l'égalité -n'est-ce pas Balzac qui disait que "l'égalité peut être un droit, mais aucune puissance humaine ne saurait la convertir en fait"-. Et l'on comprendra qu'il n'est rien de plus difficile à assurer qu'une égalité de fait, notamment, lorsque la loi l'instituant n'a pas été suffisamment prévoyante. Pour exemple, le passage aux 35 heures a plongé les entreprises françaises dans des difficultés juridiques qui peuvent sembler insolubles. Le 1er décembre 2005, la Chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi exclu un salarié du bénéfice de garanties mensuelles de rémunération conventionnelles, en raison de la date de son embauche, alors qu'il invoquait à son secours le principe "A travail égal, salaire égal". La Haute juridiction considère qu'il se trouvait dans une situation différente de celle de ses collègues, qui justifiait la différence de traitement. S'il est certain que l'on ne tarira pas -selon que vous serez- sur les bienfaits et les méfaits des "35 heures", reconnaissons que les "désagréments" des lois "Aubry" sont loin d'avoir tous été identifiés lors de son adoption. Charge aux lois postérieures et à la jurisprudence de colmater les effets indésirables ; mais, comme le montre cette décision, pas toujours au bénéfice du salarié... Plus globalement, cet arrêt se situe dans le prolongement des réflexions de la Haute cour sur le fameux principe ; principe auquel il peut être dérogé, comme le souligne Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, dans sa chronique de cette semaine, si les salariés ne se trouvent pas dans une situation personnelle équivalente, soit en raison de leur position de force sur le marché de l'emploi soit, au contraire, en raison des risques particuliers auxquels leur situation les expose, comme c'était ici le cas des salariés menacés par une réduction de leur rémunération. Au vu de ces exceptions, il est d'ailleurs permis de s'interroger, tout bonnement, sur sa réelle acceptation dans l'inconscient collectif. Il est passé de mode d'avoir recours au Général, mais ne nous en privons pas pour autant : "le désir du privilège et le goût de l'égalité, passions dominantes et contradictoires des Français de toute époque". Ah ! nous allions oublier : rappelons, en aparté, qu'il est un mal bien français que celui de la discrimination salariale, à commencer par la discrimination homme-femme. Alors, si pour les frères Goncourt, "l'égalité est la plus horrible des injustices", interrogeons-nous sur le fait qu'à l'heure actuelle, selon l'Insee, perdure un écart de rémunération entre les femmes et les hommes de l'ordre de 25 % en moyenne. Or, si en 45 ans, de 1950 et 1995, l'écart de salaire moyen entre les femmes et les hommes s'est réduit de moitié, passant de plus de 50 % à environ 25 % (soit une réduction de 1,1 % tous les 2 ans), statistiquement, la simple continuation de ce mouvement depuis 1995 aurait du réduire l'écart d'un peu plus de 3 % en 6 ans. Mais, entre 1996 et 2002, il n'a régressé que d'1% (de 25,2 à 24,2 %), ce qui traduit un très net essoufflement (rapport d'information n° 429 (2004-2005) de Mme Gisèle Gautier, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé au bureau du Sénat le 28 juin 2005). Egalité, idole des Français, au détriment de leur liberté, selon Chateaubriand ?

* Paul Eluard, Liberté, in Poésies et Vérité

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